Examen externe sur l’inconduite sexuelle et le harcèlement sexuel dans les Forces armées canadiennes - Conclusion
Marie Deschamps, C.C., Ad. E.
Responsable de l’examen externe
Le 27 mars 2015 (version française : 20 avril 2015)
10. Conclusion
Au fil de l’examen, il est devenu évident que l’une des fonctions de la chaîne de commandement est de régler les problèmes avant qu’ils ne soient portés à l’attention des dirigeants supérieurs. Bien qu’une telle approche soit logique à bien des égards de la vie militaire, elle a malheureusement pour effet, dans les cas de harcèlement sexuel ou d’agression sexuelle, d’étouffer les plaintes et d’entraver la résolution des problèmes. Elle fait également en sorte que certains dirigeants supérieurs ne sont vraiment pas au courant de l’ampleur du problème que posent, sur le terrain, les comportements sexuels inappropriés, du mal que ces comportements infligent aux militaires à titre individuel et des dommages qu’ils causent à l’ensemble des FAC.
La REE a également constaté qu’il existe au sein des FAC un problème incontestable de harcèlement sexuel et d’agression sexuelle qui nécessite une intervention directe et soutenue. Plus particulièrement, les FAC doivent amorcer une vaste réforme culturelle pour changer les normes de conduite sous-jacentes qui entraînent un harcèlement généralisé de faible niveau, un environnement hostile pour les femmes et les LGTBQ, et parfois les incidents graves et traumatisants que sont les agressions sexuelles. Les réponses péremptoires comme « c’est comme ça chez les militaires » ne passent plus.
Opérer un changement culturel représente un défi important. D’autres organisations, dont certaines qui ont toujours été dominées par les hommes, s’apprêtent toutefois à relever ce défi. Les FAC ont divers outils à leur disposition : politiques énoncées dans les DOAD, programmes de formation, mesures administratives, système disciplinaire et de justice militaire, recommandation de consultation d’autorités civiles locales et services internes de soutien aux victimes. La REE a formulé des recommandations visant le renforcement de chacune des politiques qu’on lui avait demandé d’examiner. Plus particulièrement, l’importante réforme qui s’impose passe par la mise sur pied d’un centre de responsabilisation en matière de harcèlement sexuel et d’agression sexuelle (CRHaSAS), qui servirait non seulement de plaque tournante pour la prestation de services aux victimes et la formation des membres des FAC, des employés civils et des dirigeants supérieurs, mais aussi de point de rencontre pour les intervenants. Le CRHaSAS donnerait donc le coup d’envoi aux initiatives qui seront lancées ultérieurement pour prévenir et réduire l’incidence du harcèlement sexuel et des agressions sexuelles dans les FAC.
Cela dit, il est également important que les dirigeants des FAC soient prêts à utiliser et à mettre en application avec rigueur, justesse et cohérence les outils à leur disposition. S’ils n’y voient pas, ils ne feront qu’exacerber la perception chez les victimes que leur bien-être ne représente pas une priorité pour les FAC et la perception chez les agresseurs qu’ils peuvent agir en toute impunité. La responsabilité d’opérer le changement revient donc aux dirigeants des FAC. Les dirigeants doivent non seulement donner l’exemple, mais aussi intervenir personnellement en cas de comportement inapproprié. Les dirigeants supérieurs, surtout, doivent piloter le processus de la réforme culturelle en participant à des initiatives visant à prévenir les comportements sexuels inappropriés et à regagner la confiance des membres des FAC. En leur qualité d’organisation militaire moderne, les FAC ne peuvent plus se permettre d’accepter des normes de conduite sexuelle inférieures à celles qui s’appliquent à l’ensemble de la population canadienne. Au contraire, on s’attend à mieux de la part des Forces.
La volonté des FAC d’examiner d’un œil critique leurs propres pratiques et procédures n’est qu’une indication de leur avenir prometteur. Le changement culturel, l’intégration harmonieuse de femmes aux plus hauts niveaux de l’organisation, le rétablissement de la confiance des militaires envers la chaîne de commandement et la réduction de l’omniprésence du harcèlement sexuel et des agressions sexuelles ne seront des changements qui seront simples à accomplir. L’atteinte de tels objectifs nécessitera un leadership solide et un engagement soutenu. Elle est toutefois essentielle au développement d’une organisation militaire moderne qui adhère au principe du respect de la dignité humaine et qui, en plus, est capable d’optimiser son rendement grâce aux compétences et aux talents de tous ses membres. La population canadienne y tient, et les membres des FAC le méritent.
Version française
20 avril 2015
Marie Deschamps C.C., Ad.E.
Responsable de l’examen externe
ANNEXE A - Exemple de message transmis aux militaires avant une visite
Comme vous l'avez probablement entendu, le chef d'état-major de la défense m'a demandé de procéder à un examen externe indépendant de la façon dont les Forces armées canadiennes font face aux questions relatives au harcèlement sexuel et à l'inconduite sexuelle. Dans le cadre du processus d'examen, je rencontrerai un certain nombre de membres des CAF. Le but de la présente est de vous inviter à participer à l'examen externe quand je visiterai la base à Halifax du 21 au 23 août. Je serai à la recherche non seulement d’informations concernant le harcèlement sexuel et l'inconduite sexuelle, mais aussi d’opinions et d’idées personnelles sur ces sujets. La participation à l'examen est volontaire.
Afin de recevoir autant de commentaires que possible, je serai à votre disponibilité par le biais de groupes de discussion (mercredi après-midi), d’entretiens formels sur la base (jeudi et vendredi) et à l’extérieur de la base (jeudi soir) – ainsi que lors d'une séance ouverte (mercredi soir). Si vous préférez me rencontrer en privé, que ce soit sur la base ou ailleurs, n'hésitez pas à me contacter à forces@review-examen.com.
Je vous encourage fortement à participer; ma porte vous sera ouverte.
ADF | Forces de défense de l’Australie |
AR | agent responsable |
CCDP | Commission canadienne des droits de la personne |
CDM | Code de discipline militaire |
CEEGM | Comité externe d’examen des griefs militaires |
CH | conseiller en matière de harcèlement |
Cmdt | commandant |
CMRC | Collège militaire royal du Canada |
COID | Organisation centrale pour l’intégrité de la Défense (Pays-Bas) |
CPHR | Code de prévention du harcèlement et du racisme |
CRHaSAS | Centre de responsabilisation en matière de harcèlement et d’agression sexuelle |
CRT | conseiller en relations de travail |
DGPM | Directeur général – Personnel militaire |
DOAD | Directive et ordonnance administrative de la Défense |
DPP | directeur des poursuites pénales |
EH | enquêteur en matière de harcèlement |
FAC | Forces armées canadiennes |
FC | Forces canadiennes |
GAP | Groupe d’aide aux pairs |
JAG | juge-avocat général |
LDN | Loi sur la défense nationale |
MARC | mode alternatif de règlement des conflits |
MDN | ministère de la Défense nationale |
MR | Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes |
ORFC | Peer Assistance Program |
PM | police militaire |
REE | responsable de l’examen externe |
RII | Rapport d’incident d’importance |
s/off | sous-officier |
SAPRO | Sexual Misconduct Prevention and Response Office (Australia) |
SHARP | Bureau de prévention des agressions sexuelles (États-Unis) |
SeMPRO | Bureau de prévention des inconduites sexuelles et d’intervention (Australie) |
SISFC | Système d’information sur la santé des Forces canadiennes |
SNEFC | Service national des enquêtes des Forces canadiennes |
SPV | Service de police de Vancouver |
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