Partie I – Racisme systémique et discrimination dans l’Équipe de la défense : origines et réalité actuelle

Racisme systémique et discrimination au Canada

Il était tentant de simplement ajouter cette section sur les origines du racisme et de la discrimination au sein de l’Équipe de la Défense en annexe, étant donné que le présent rapport porte davantage sur la manière dont l’Équipe de la Défense peut corriger le cap plutôt que sur le cheminement qui l’a menée à la situation actuelle. Toutefois, il est peu probable que la trajectoire de la culture de l’Équipe de la Défense s’oriente dans la bonne direction, à moins que ses chefs ne comprennent comment et pourquoi chacun d’entre eux et chacune d’entre elles ainsi que bon nombre de membres du MDN et des FAC ont été programmés pour adopter cette position en premier lieu. Pour améliorer l’avenir, il faut souvent comprendre le passé et, actuellement, cela signifie qu’il faut aborder la culture de l’Équipe de la Défense dans la perspective beaucoup plus large de l’histoire du Canada.

Et ainsi, à la demande du Groupe consultatif, le Secrétariat de lutte contre le racisme a résumé l’histoire qui a conduit à l’état actuel du racisme et de la discrimination dans l’Équipe de la Défense. Il s’agit, bien entendu, d’une tâche impossible puisque cet aperçu limité des inégalités systémiques ne rend pas vraiment justice au nombre incommensurable de livres et d’histoires témoignant du passé trouble du Canada en ce qui concerne ses relations avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis, les Noirs et autres groupes racisés et ethniques, les communautés LGBTQ2+, les femmes et les personnes handicapées. Cet aperçu ne couvre certainement pas toutes les formes de racisme et de discrimination auxquelles sont confrontées toutes les identités racisées au CanadaNote de bas de page 13. Néanmoins, le Groupe consultatif a voulu donner un aperçu de la façon dont le racisme et la discrimination au Canada ont influencé la culture de l’Équipe de la Défense pour qu’elle devienne ce qu’elle est aujourd’hui. Le Groupe croit que la compréhension de l’histoire des préjugés au Canada et au sein de l’Équipe de la Défense est un contexte nécessaire pour le reste du présent rapport.

Racisme envers les Autochtones

Avant 1497, avant l’arrivée des Européens, la partie septentrionale de l’île de la TortueNote de bas de page 14, connue aujourd’hui sous le nom de Canada, était habitée par les peuples des Premières Nations. La colonisation du Canada a commencé avec l’arrivée des premiers Européens de Grande-Bretagne et de France au début des années 1600. Lorsque le Canada a obtenu son indépendance de la Grande-Bretagne en 1867, il a hérité des obligations découlant de traités : accords établis entre les peuples des Premières Nations en tant que nations souveraines et la Couronne britanniqueNote de bas de page 15. Le Canada n’a pas tardé à affirmer son contrôle sur les peuples et les terres autochtones avec l’Acte des sauvages de 1867, qui limitait l’autonomie des peuples des Premières Nations et contribuait à étendre son autorité sur les terres autochtones et les services aux AutochtonesNote de bas de page 16.

L’application de la Loi sur les Indiens continue de faciliter la réduction et l’élimination des identités autochtones. Cet objectif, inhérent à la Loi sur les Indiens, a été explicitement décrit par Duncan Campbell Scott, le surintendant général adjoint des Affaires indiennes du Canada, en 1920, lorsqu’il a commenté la politique du gouvernement en déclarant : « Notre objectif est de continuer jusqu’à ce qu’il n’y ait plus un seul Autochtone qui n’ait pas été assimilé dans le corps politique, qu’il n’y ait plus de question autochtone ni de ministère des Affaires indiennesNote de bas de page 17. »

Les efforts visant à assimiler et à éliminer les cultures autochtones se sont poursuivis dans les années 1870 avec la création des pensionnats. Il s’agissait d’écoles à vocation religieuse conçues pour dépouiller les enfants autochtones de leurs coutumes, de leur spiritualité et de leur langue traditionnelles dans le but de les intégrer à la culture euro-canadienne. Cette forme de génocide culturel a perduré jusqu’en 1996, date à laquelle le dernier pensionnat a été fermé.

En raison de l’institutionnalisation du racisme au Canada, des conditions préjudiciables persistent et ont une incidence disproportionnée sur les populations autochtones. Par exemple, le racisme institutionnel a contribué à désavantager les populations autochtones dans le système d’éducation, le système de soins de santé, le système judiciaire et le système carcéral. Il existe des disparités flagrantes dans le niveau d’études postsecondaires des peuples autochtones par rapport à celui du reste de la population canadienne : 8 % comparativement à 20 %, respectivementNote de bas de page 18. Les obstacles à la réussite scolaire des Autochtones sont liés aux tentatives d’intégration des apprenants et apprenantes autochtones dans « des structures, des disciplines universitaires, des politiques et des pratiques définies et attribuées de manière prédominante par l’Europe occidentaleNote de bas de page 19 » [traduction]. Les effets de ces structures au sein du système d’éducation font face à un sentiment de méfiance à l’égard de l’éducation canadienne de la part des peuples autochtones, en raison des « générations de grands-parents et de parents qui ont été marqués par leur expérienceNote de bas de page 20 » [traduction] dans les pensionnats, ainsi qu’à un financement insuffisant des écoles situées dans les réserves et à l’accès inadéquat aux services essentielsNote de bas de page 21.

Des résultats médiocres et inférieurs en matière de soins de santé, en particulier pour les peuples autochtonesNote de bas de page 22, ont été liés au racisme dans les institutions de soins de santé. Le racisme institutionnel donne lieu à des taux de mortalité infantile plus élevésNote de bas de page 23 et à des taux d’espérance de vie plus faibles dans les communautés autochtonesNote de bas de page 24. Comme le suggèrent les recherches de Brenda Gunn, « une forte proportion de la population autochtone est victime de racisme individuel et systémique lorsqu’elle recherche des services de santéNote de bas de page 25 » [traduction].

Ce racisme institutionnalisé est à la fois structurel et culturel. Le racisme structurel imprègne les politiques et les pratiques, créant de profondes disparités en matière de santé pour les membres des communautés autochtonesNote de bas de page 26. En outre, les formes culturelles de racisme sont liées aux inégalités de pouvoir entre les prestataires de soins et les patients et patientes autochtones, ainsi qu’aux préjugés et aux stéréotypes sur l’autochtonisation qui dominent chez les praticiens et praticiennesNote de bas de page 27. Ces formes structurelles et culturelles de racisme limitent la capacité des peuples autochtones à accéder à des soins médicaux adéquats.

De même, « plus de 30 % des personnes détenues dans les prisons canadiennes sont autochtones, alors que [les peuples autochtones] ne représentent que 5 % de la population du paysNote de bas de page 28 » [traduction]. Ces chiffres peuvent être encore plus révélateurs lorsque le genre et la région sont également pris en compte. Par exemple, 98 % des femmes détenues en Saskatchewan sont autochtonesNote de bas de page 29. Selon la sénatrice Kim Pate, « l’inégalité raciale et l’inégalité des sexes » sont les facteurs sous-jacents de la situation actuelle dans le système judiciaire canadien. Elle explique que « les hommes autochtones ont moins de possibilités, et les femmes autochtones en ont encore moinsNote de bas de page 30 » [traduction]. Mme Pate affirme que « si nous avons dû nous concentrer sur les femmes et les filles qui ont disparu [et] qui ont été assassinées, c’est en partie parce que ce sont les mêmes problèmes qui font qu’elles sont sans abri, qu’elles vivent dans la rue et qu’elles sont aussi en prison. C’est fondamentalement une question d’inégalitésNote de bas de page 31 » [traduction]. Comme l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées le souligne :

La violence coloniale, ainsi que le racisme, le sexisme, l’homophobie et la transphobie à l’endroit des femmes, des filles et des personnes 2ELGBTQQIA autochtones se sont immiscées dans la vie de tous les jours, que ce soit sous différentes formes de violence interpersonnelle, par le biais des institutions comme le système de santé et le système de justice, ou encore dans les lois, les politiques et les structures de la société canadienne. Il en résulte que de nombreux Autochtones, en grandissant, en sont venus à normaliser la violence, alors que la société canadienne affiche une indifférence lamentable quant à la résolution de cet enjeu.Note de bas de page 32

Racisme envers les Noirs

Le racisme envers les Noirs est apparu au Canada à l’époque de la traite transatlantique des esclaves. L’asservissement des peuples africains était considéré comme un instrument légal et servait à alimenter la stabilité et la croissance économiques des colonies. Dans les années 1760, certaines lois concernaient le traitement et le sort des Noirs dans le contexte de l’esclavage. Selon l’Ontario Black History Society, le 47e article de la capitulation de Montréal stipule que les esclaves africains et « panis » (indiens) restent la propriété légale de leurs propriétairesNote de bas de page 33. La reconnaissance légale des esclaves noirs et panis en tant que propriété est issue du Traité de paix de 1763 et de l’Acte de Québec de 1774.Note de bas de page 34

L’achat et la vente de Noirs réduits en esclavage ont duré deux siècles. Pendant la guerre de Sécession, dans les années 1860, le Canada était considéré comme un refuge pour les esclaves qui fuyaient avec l’aide du chemin de fer clandestin. Cependant, les stéréotypes liés à l’esclavage et la loi qui accorde moins de droits aux Noirs qu’aux Blancs ont entretenu une vision des Noirs selon laquelle ils sont inférieurs et perpétué un traitement hostile et discriminatoire à leur égard. Les attitudes discriminatoires à l’égard des Canadiens et des Canadiennes noirs et le traitement qui leur est réservé se poursuivent encore aujourd’hui.

Par exemple, les Noirs sont « dramatiquement surreprésentés dans le système carcéral canadien, représentant 8,6 % de la population au sein des prisons fédérales, alors qu’ils ne constituent que 3 % de la populationNote de bas de page 35 » [traduction]. Aussi, dans un rapport de 2020 commandé par le ministère de l’Éducation de l’Ontario, on signale des preuves de racisme envers les Noirs institutionnalisé au sein du Peel District School BoardNote de bas de page 36. Le rapport fait état d’un taux de suspension des élèves noirs supérieur à celui des élèves d’autres origines ethniques, ainsi que d’une tendance à faire appel à la police dans des incidents impliquant des élèves noirs pour lesquels il n’y a aucune preuve d’activité criminelle.

Les stéréotypes négatifs perpétués à propos des Noirs ont conduit au racisme intériorisé qui affecte la société contemporaineNote de bas de page 37. Il ressort d’une enquête de 2015 l’exemple d’inégalité intériorisée suivant : bien que « près de 94 % des jeunes Noirs âgés de 15 à 25 ans aient déclaré qu’ils aimeraient obtenir un diplôme universitaire, seuls 59,9 % pensaient que c’était possibleNote de bas de page 38 » [traduction]. En revanche, « 82 % des autres groupes interrogés ont déclaré aspirer à une éducation de niveau universitaire, et 78,8 % pensaient pouvoir y parvenirNote de bas de page 39 » [traduction]. Cet exemple témoigne de l’écart important entre les espoirs et les attentes des jeunes Noirs.

Andrea Davis, professeure agrégée du département des sciences humaines de l’Université York, explique que les jeunes Noirs « travaillent beaucoup et ont de grandes aspirations [en matière d’éducation]. Toutefois, très peu de personnes leur ont dit qu’ils pouvaient réussirNote de bas de page 40 » [traduction]. Elle affirme que la conclusion la plus profonde de ses recherches sur l’impact de la violence chez les jeunes à Toronto est que les jeunes Noirs perçoivent les expériences de racisme culturel qu’ils vivent quotidiennement comme la pire forme de racisme. Ils ont fait l’expérience de ce racisme de la part « d’enseignants et d’enseignantes qui ne croyaient pas en eux, qui les stéréotypaient, qui les disciplinaient et les punissaient trop, qui leur construisaient des possibilités différentes de celles des autres enfantsNote de bas de page 41 » [traduction].

Davis fait valoir que le racisme est « une sorte de cycle qui n’a pas de fin. Il peut passer inaperçu. Tant de Canadiens et de Canadiennes ne le voient pas parce qu’ils ne savent pas comment le raconter, ou qu’il ne leur est pas racontéNote de bas de page 42 » [traduction]. Fait important, elle fait valoir que « dans les faits, le racisme ne s’exprime pas seulement sous forme d’actes conscients de haine ou de violence, il est bien plus complexe que cela. Il est issu d’un ensemble de systèmes profondément enracinés dans notre pays. Si profondément enracinés qu’ils pourraient facilement passer inaperçusNote de bas de page 43 » [traduction].

Racisme envers les Asiatiques

Le Canada a une très longue histoire de racisme envers les Asiatiques. Parmi les exemples les plus flagrants, citons les conditions terribles qu’ont endurées près de 20 000 travailleurs et travailleuses d’origine chinoise lors de la construction du chemin de fer du Canadien Pacifique entre 1885 et 1923, ainsi que la taxe d’entrée imposée aux Chinois et Chinoises pour limiter leur immigration par la suiteNote de bas de page 44. Mise en œuvre par l’Acte de l’immigration chinoise (1885), cette taxe a été la première législation de l’histoire du Canada à limiter l’immigration sur la base de l’origine ethnique d’une personneNote de bas de page 45. À l’époque, les personnes originaires de Chine devaient payer 50 dollars pour entrer au Canada, et sur une période de 38 ans, cette somme a été portée à 500 dollars, ce qui a rapporté 23 millions de dollars à l’économie canadienne. En 1923, la taxe d’entrée a été supprimée et remplacée par la Loi d’exclusion des Chinois, qui a interdit l’immigration au pays des Chinois et des Chinoises jusqu’à son abrogation en 1947. Le gouvernement du Canada s’est depuis excusé d’avoir instauré cette taxe d’entrée, reconnaissant qu’il s’agissait d’une politique d’immigration raciste envers la population chinoiseNote de bas de page 46.

Des Canadiens et des Canadiennes d’origine japonaise ont également été victimes d’actes discriminatoires à grande échelle pendant la Seconde Guerre mondiale. Ils ont perdu le droit de vote aux élections fédérales parce que le gouvernement considérait qu’ils constituaient une menace pour la sécurité du Canada. Ce n’est qu’en 1948 qu’ils ont été autorisés à voter aux élections fédérales et provinciales.

Le refus du Canada de laisser entrer des personnes originaires d’Inde est un autre exemple de pratiques discriminatoires à l’encontre des Asiatiques. En 1914, le Canada a mis fin à l’immigration en provenance de l’Inde, détenant 376 personnes sur le navire Komagata Maru pendant deux mois. Cet incident s’est soldé par un affrontement mortel avec la police et les troupes et par le retour des passagers et passagères en IndeNote de bas de page 47. La discrimination raciale à l’encontre des Asiatiques s’est poursuivie avec la montée des groupes de pression au Canada qui s’opposaient à l’immigration des personnes originaires de la Chine, du Japon, du Panjab  et d’autres régions du Sud de l’AsieNote de bas de page 48.

La pandémie de COVID-19 n’a fait qu’exacerber les préjugés de longue date à l’encontre des communautés asiatiques racisées. Entre mars 2020 et février 2021, le Conseil national des Canadiens chinois a répertorié plus de 1 000 incidents de racisme anti-asiatiqueNote de bas de page 49. Les incidents signalés vont de l’agression aux menaces verbales, en passant par le harcèlement et les micro-agressionsNote de bas de page 50. Des incidents racistes similaires se sont produits lors de l’épidémie de SRAS au Canada, qui a donné lieu à une baisse importante de fréquentation des entreprises gérées par des Asiatiques et à des licenciements injustes de travailleurs et de travailleuses, en particulier parmi les nouvelles populations immigrées de Chine et des PhilippinesNote de bas de page 51.

Il y a également une hausse du racisme anti-islamique au Canada, en particulier depuis les attaques du World Trade Center et du Pentagone aux États-Unis d’Amérique qui ont eu lieu le 11 septembre 2001Note de bas de page 52. En 2017, le Centre culturel islamique de Québec a été attaqué : six fidèles ont été tués et cinq autres ont été blessésNote de bas de page 53. Le 6 juin 2021, une famille musulmane de cinq personnes qui habitait la ville de London a été délibérément attaquée dans un horrible crime de haine. Quatre membres de la famille ont été tués. Il y a également une augmentation marquée de la violence et de la discrimination envers les femmes musulmanes au Québec depuis le dépôt du projet de loi 21, un projet de loi interdisant les symboles religieux dans certains secteurs de la fonction publique de la provinceNote de bas de page 54. Au cours de cette période, Justice Femme, une organisation non gouvernementale qui défend les droits des femmes au Québec, a reçu plus de 40 plaintes de harcèlement et de violence physique à l’encontre de femmes portant le hijab. Ces crimes haineux sont les plus récents d’une longue liste de violences fondées sur l’ethnie, le genre et la religion commises contre des Canadiens racisés.

L’entrecroisement du racisme avec les facteurs expérientiels et identitaires

Le racisme s’entrecroise de manière complexe avec d’autres systèmes d’oppression, et le traitement et la valeur perçue attribués à certains groupes peuvent différer en fonction du genre, de l’orientation sexuelle et des capacités. Le racisme, le patriarcat, l’hétéronormativité et la suprématie blanche sont ancrés dans des formes systémiques, institutionnalisées et structurelles de discrimination. Ils se manifestent de différentes façons : des actes extrêmes de haine à l’exclusion et à la marginalisation culturelles normalisées.

Préjugés à l’égard de la communauté LGBTQ2+

Les préjugés à l’encontre des personnes LGBTQ2+ au Canada remontent à 1842, lorsque Patrick Kelly et Samuel Moore ont été le premier couple de même sexe à être condamné pour sodomie. Au Canada, la sodomie était passible d’une peine de mort jusqu’en 1869. Par la suite, les hommes ont été condamnés à la prison à vie, puis libérés par la suiteNote de bas de page 55.

Dans les années 1950, les orientations sexuelles autres que l’hétérosexualité étaient considérées comme des menaces pour la sécurité des organisations de défense et de sécurité telles que les Forces armées canadiennes et la Gendarmerie royale du Canada (GRC)Note de bas de page 56. Pour tenter d’identifier les membres gais ou lesbiennes en service, la GRC a utilisé un appareil appelé la « trieuse à fruits », mis au point par un professeur de l’Université CarletonNote de bas de page 57. En 1963, la GRC a créé une unité ayant pour seule mission de trouver et d’écarter les gais des forces de l’ordre et du gouvernement, et a établi une carte identifiant les résidences des membres de la communauté qui étaient ciblés. Ceux et celles qui s’identifiaient comme homosexuels ou lesbiennes ou qui étaient soupçonnés de l’être étaient interrogés puis licenciés, car les actes homosexuels entre adultes consentants étaient considérés comme un crime jusqu’en 1969. Ces opérations que les communautés LGBTQ2+ ont endurées étaient oppressives et ont touché des milliers de viesNote de bas de page 58. Ces pratiques d’exclusion n’ont pris fin qu’au début des années 1990Note de bas de page 59.

Bien que les droits de la personne concernant les personnes LGBTQ2+ soient mieux connus et compris, notamment grâce aux excuses officielles présentées par le premier ministre Justin Trudeau le 28 novembre 2017, la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle est encore répandue. Dans son rapport de 2015, l’ancienne juge de la Cour suprême Marie Deschamps a constaté que les Forces armées canadiennes entretenaient une culture sexualisée hostile aux femmes et aux membres des communautés LGBTQ2+Note de bas de page 60.

Discrimination sexuelle

La discrimination sexuelle est omniprésente au Canada. Les femmes et les filles au Canada sont confrontées à des obstacles disproportionnés fondés sur le genre et le sexe perpétués par la violence, la pauvreté, la disparité des revenus et le manque d’accès aux possibilités, y compris aux postes de direction.

Le taux de pauvreté chez les femmes au Canada est constamment plus élevé que chez les hommes. Les femmes autochtones font partie des femmes les plus pauvres du Canada, et les femmes racisées sont également très défavorisées sur le plan économique, en raison de l’accès limité aux possibilités et de l’inégalité des revenus résultant des processus de racisationNote de bas de page 61.

Des politiques discriminatoires, comme la Loi sur les Indiens, empêchaient les femmes autochtones de bénéficier de certains des mêmes droits que les hommes. Par exemple, les hommes autochtones pouvaient transmettre leur statut d’indien à leurs enfants et petits-enfants, ce qui n’était pas le cas pour les femmes autochtones. Ces pratiques discriminatoires ont encore une incidence sur les familles aujourd’huiNote de bas de page 62.

Un rapport de 2019 du Centre canadien de politiques alternatives décrit les domaines qui nécessitent un examen plus approfondi en matière d’équité des genres au Canada. Par exemple, les résultats élevés des femmes dans les domaines de « la santé et du niveau d’éducation au Canada ne se sont pas traduits par des progrès notables sur le front économique ou sur la représentation des femmes dans les instances dirigeantes. Ces résultats élevés ont également tendance à cacher des disparités fondamentales entre les différents groupes de femmesNote de bas de page 63 ». Entre 2006 et 2018, l’écart entre les sexes au Canada dans le domaine de la sécurité économique « a progressé en moyenne de 0,2 % par an ». À ce rythme, il faudrait 164 ans pour combler l’écart sur le plan financier entre les femmes et les hommes au CanadaNote de bas de page 64.

L’écart de rémunération entre les sexes au Canada est l’un des plus élevés de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Le Canada se classe 31e sur les 36 pays de l’OCDE en matière d’inégalité salariale entre les sexes, derrière tous les États membres de l’Europe et les États-Unis. Bien que le salaire moyen à temps plein des femmes canadiennes soit plus élevé que dans de nombreux pays, les femmes canadiennes reçoivent en moyenne 82 cents pour chaque dollar que les hommes gagnent. Cette disparité « est encore plus importante pour les femmes racisées et les femmes autochtones, qui gagnent respectivement 60 % et 57 % de ce que gagnent les hommes non racisésNote de bas de page 65 ».

Une réaction courante de l’Équipe de la Défense à ces statistiques est que cette disparité ne se manifeste pas dans les milieux de travail du MDN et des FAC : la structure des grades et les postes ministériels font en sorte que les membres gagnent le même salaire, peu importe leur genre. Toutefois, des inégalités peuvent être constatées lorsque l’avancement des femmes se fait plus lentement parce qu’elles assument beaucoup plus de responsabilités en matière de garde d’enfants. Elles ne peuvent pas satisfaire aux exigences d’une progression de carrière rationalisée : déploiements, cours, exercices, formations et autres expériences.

Les résultats du Canada en matière d’écart entre les sexes découlent de la faible proportion de femmes occupant des postes de direction au sein du secteur public et du secteur privé. En 2018, deux fois plus d’hommes que de femmes occupaient ces postes; 6,5 % des postes de cadres supérieurs étaient occupés par des femmes racisées et 1,2 % par des femmes autochtonesNote de bas de page 66. Des tendances similaires existent au sein des Forces armées canadiennes, où l’on constate une forte diminution de la représentation des femmes, des Autochtones et des minorités visibles aux postes de direction les plus élevés.Note de bas de page 67.

Toutes les personnes méritent de vivre et de travailler dans des environnements inclusifs, équitables et sûrs. Pourtant, la violence sexiste est une réalité quotidienne pour de nombreuses personnes au Canada. Plus de 11 millions de Canadiens et de Canadiennes ont été agressés physiquement ou sexuellement à partir de l’âge de 15 ans. Cela représente 39 % des femmes et 35 % des hommes. La prévalence des agressions sexuelles signalées est beaucoup plus élevée chez les femmes que chez les hommes (30 % comparativement à 8 %), tandis que les hommes sont plus susceptibles d’être agressés physiquementNote de bas de page 68. Les estimations d’agressions sexuelles et de harcèlement criminel non signalés sont beaucoup plus élevées, les hommes étant moins susceptibles de signaler les cas d’agression sexuelle. Le risque accru de violence sexiste auquel sont exposées les femmes ne concerne pas seulement les agressions sexuelles, mais aussi la cyberviolence et l’exploitation. Les agressions et le harcèlement sexuels sont constamment mal compris et sous-déclarés malgré une amélioration de la sensibilisation et de l’éducationNote de bas de page 69 .

Au Canada, les femmes autochtones, les femmes handicapées et les personnes LGBTQ2+ sont particulièrement susceptibles de subir des menaces de violence. Les recherches menées dans le cadre de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones assassinées et disparues ont révélé que les femmes et les filles autochtones étaient 12 fois plus susceptibles d’être assassinées ou de faire l’objet d’une disparition que les autres femmes au Canada et 16 fois plus que les femmes de race blanche. Statistique Canada fait valoir que le taux d’agressions sexuelles est plus élevé chez les minorités sexuelles, les jeunes et les personnes vivant dans les centres urbainsNote de bas de page 70. Les tendances ainsi observées dans les rapports canadiens sur la violence sexuelle et sexiste montrent des entrecroisements avec la race, le genre, le sexe, l’orientation sexuelle, l’âge, les capacités et la région.

La violence sexuelle, y compris le viol, est une réalité au sein de l’Équipe de la Défense et continue de causer du tort aux militaires en service, aux membres du personnel et à leur famille. Le Groupe consultatif a été troublé d’entendre parler d’une tendance : des femmes maltraitées par leur époux militaire ayant subi des blessures de stress post-traumatique se font dire que leur violence devrait être accueillie avec compassion parce que leur époux a servi son pays. On exerce une pression sur ces femmes pour qu’elles « fassent leur devoir de soutenir » un conjoint blessé. On les encourage à « se sacrifier pour le bien de l’équipe ».

En avril 2021, le min DN a nommé l’ancienne juge de la Cour suprême Louise Arbour pour qu’elle examine les politiques relatives à l’inconduite sexuelle. L’ancien juge de la Cour suprême Morris J. Fish a également été chargé de revoir la Loi sur la défense nationale et de recommander des changements pour mieux protéger les victimes et les survivants et survivantes. Enfin, la création de l’organisation du ou de la chef – Conduite professionnelle et culture vise à s’attaquer à la culture systémique de la discrimination sexuelle et de la violence sexuelle parmi les effectifs et les membres actifs.

Personnes handicapées et discrimination

Comme nous le verrons en détail dans la section 7 de la partie III, en exigeant que tous les membres du service soient capables d’accomplir des tâches militaires générales, le principe d’universalité du service des Forces armées canadiennes limite la participation des personnes handicapées. Cependant, les personnes handicapées continuent de faire l’objet de discrimination et de préjugés injustifiables au sein de l’Équipe de la Défense, tout comme dans la société canadienne en général.

L’intérêt populaire à l’égard des droits de la personne concernant les personnes handicapées au Canada a commencé après la Première Guerre mondiale. À l’époque, l’objectif était de protester contre les institutions mises en place pour favoriser la ségrégation des personnes identifiées comme souffrant de maladies cognitives ainsi que de handicaps intellectuels et physiques. Les militants et militantes se sont battus pour les droits de la personne fondamentaux des personnes handicapées et ont cherché à changer le discours qui dépeignait les personnes handicapées comme étant inférieures et très dépendantes des autresNote de bas de page 71.

Le gouvernement canadien a commencé à accorder une attention particulière aux personnes handicapées après la Seconde Guerre mondiale. Les disparités entre les anciens combattants handicapés et les civils handicapés sont devenues évidentes. L’éventail de services de soutien et de services professionnels offerts aux anciens combattants, ainsi que leur influence politique, ont suscité un intérêt plus vaste quant à l’amélioration des possibilités pour les personnes handicapées qui ne sont pas des anciens combattants. Un mouvement a vu le jour, visant à promouvoir et à étendre les services à tous ceux qui en ont besoin, quelle que soit la source de leur handicapNote de bas de page 72.

La Loi canadienne sur les droits de la personne, adoptée par le gouvernement fédéral en 1977, a été la première loi à accorder des droits spécifiques aux personnes handicapées. Elle stipule que tous les Canadiens et toutes les Canadiennes ont des droits égaux, quels que soient leur sexe, leur race, leur nationalité et leur handicap. Plus tard, d’autres lois, comme la Loi sur les droits des aveugles et la Loi sur l’équité en matière d’emploi, ont également été mises en place. En 1985, la Charte canadienne des droits et libertés stipulait que le handicap physique ou mental était un motif interdit de discrimination.

En 2007, le Canada signait la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées. La convention vise à créer une société plus inclusive en demandant aux États membres de s’acquitter des obligations suivantes : adopter une législation pour promouvoir les droits de la personne des personnes handicapées, élaborer des biens, des services et des technologies accessibles, et adopter des mesures législatives ou autres pour abolir la discrimination. L’adoption de ces lois a permis de réaliser d’importants progrès en matière de droits de la personne et d’équité pour les personnes handicapées du CanadaNote de bas de page 73.

Pourtant, les personnes handicapées continuent de se heurter à des obstacles systémiques, institutionnalisés, structurels et culturels. Au début du mouvement canadien de défense des droits des personnes handicapées, dans les années 1970, les personnes handicapées jetaient un regard critique sur les obstacles à l’accès physique dans l’ensemble de leurs communautés, la pénurie de transports accessibles, le manque de logements accessibles et abordables, la pénurie de programmes de soins personnels, leur exclusion à la prise de décisions concrètes et le chômage aiguNote de bas de page 74.

John Rae fait valoir que, de nos jours, « il est étonnant de constater combien d’obstacles existent encore à la pleine participation des personnes handicapéesNote de bas de page 75 » [traduction]. Il estime que, bien qu’il y ait eu une légère amélioration, « les coupures dans les services essentiels continuentNote de bas de page 76 » [traduction].

Les injustices auxquelles sont confrontés les Canadiens et Canadiennes ayant une incapacité englobent les voies de fait et les agressions sexuelles. Un rapport de 2014 de Statistique Canada a révélé que les personnes ayant une incapacité étaient surreprésentées parmi les victimes d’un crime violentNote de bas de page 77. Près de 40 % des « incidents violents autodéclarés […] – c’est‑à‑dire l’agression sexuelle, le vol qualifié et les voies de fait – mettaient en cause des victimes ayant une incapacitéNote de bas de page 78 ». Le rapport a révélé que les expériences de crimes violents ont également un lien avec le sexe et le genre, c’est-à-dire que dans 45 % de tous les incidents violents ayant pour victime une femme, celle-ci avait une incapacité. Dans le cas des hommes victimes de violence, le tiers des incidents concernaient un homme ayant une incapacitéNote de bas de page 79.

Suprématie blanche

Le terme « suprématie blanche » est souvent mal compris. Dans le cadre du présent rapport, la définition suivante est utilisée : la suprématie blanche « est la notion ou l’idéologie selon laquelle les personnes blanches et leurs idées, pensées, croyances et actions sont supérieures aux personnes de couleur, ainsi que leurs idées, pensées, croyances et actions. La suprématie blanche s’exprime tant sur le plan interpersonnel que structurel (par le biais de nos gouvernements, de nos systèmes éducatifs, de nos systèmes alimentaires, etc.Note de bas de page 80) ». Un tenant ou une tenante de la suprématie blanche est une personne qui croit que la race blanche est intrinsèquement supérieure aux autres races et que les personnes de race blanche devraient avoir le contrôle sur les personnes d’autres racesNote de bas de page 81.

Au Canada, la suprématie blanche s’est d’abord immiscée dans le tissu de la société canadienne avec la colonisation des terres autochtones par les colons européens (voir plus haut). Depuis lors, les politiques gouvernementales et institutionnelles ont exercé un contrôle discriminatoire sur les droits de citoyenneté des peuples autochtones, des personnes racisées, des minorités religieuses et des communautés LGBTQ2+Note de bas de page 82.

Selon Mme Barbara Perry, Ph. D., l’une des principales chercheuses sur les crimes haineux au Canada, le pays compte près de 300 entités de tenants de la suprématie blanche, groupes anti-immigrants et négationnistes qui opèrent depuis des décenniesNote de bas de page 83. Les groupes de tenants de la suprématie blanche comprennent Stormfront, Three Percenters, Soldiers of Odin, The Base, La Meute et Storm Alliance. La suprématie blanche se concrétise par la haine anti-Noirs, le négationnisme, la violence anti-musulmane et la xénophobie fondée sur le sexe et la race. Selon Tema Okun et Keith Jones, la culture de la suprématie blanche est la centralisation systémique et institutionnalisée de la blanchitéNote de bas de page 84.

Racisme systémique et discrimination dans l’Équipe de la Défense

Comme nous l’avons décrit précédemment, le « système des systèmes » qui existe aujourd’hui au Canada a été établi presque exclusivement par les colons européens à compter du XVIIIe siècle. Ce système a évolué à bien des égards, mais il est principalement contrôlé par le groupe politique et social qui l’a édifié à l’origine et pour son bénéfice principal. Ce n’est qu’au cours du siècle dernier que les femmes et les groupes d’immigrés non européens ont progressivement développé un certain pouvoir politique et social. Toutefois, le rythme des progrès qui ont été faits est lent, et ces groupes se heurtent encore à la résistance, à la discrimination, aux stéréotypes sociaux et à la politique du deux poids deux mesuresNote de bas de page 85.

À quelques exceptions près, les FAC (et leurs prédécesseurs) recrutaient initialement dans le groupe identifiable comme étant jeune, blanc, masculin, hétérosexuel, chrétien et d’origine ou de descendance européenne. Cette représentation a évolué, mais on pourrait soutenir que ce n’est que pendant la Première et la Seconde Guerre mondiale que les Forces armées canadiennes ont véritablement « reflété » le Canada. En même temps, la Défense nationale a une riche histoire témoignant de la diversité des membres qui ont servi avant la Première Guerre mondiale, y compris des femmes, des Autochtones, des Noirs, d’autres personnes racisées et des membres de la communauté LGBTQ2+.

Les archives montrent que, pendant la Première Guerre mondiale, plus de 12 000 Canadiens autochtones se sont portés volontaires pour servir, et qu’environ 1 250 Canadiens noirs et 200 Canadiens d’origine japonaise ont servi dans le Corps expéditionnaire canadien. Parmi eux, 130 Canadiens d’origine japonaise ont combattu à la crête de Vimy. Selon les états de service des Canadiens pendant la Seconde Guerre mondiale, 600 Canadiens d’origine chinoise se sont portés volontairesNote de bas de page 86, ainsi que 17 000 Canadiens d’origine juiveNote de bas de page 87. Il est impossible de connaître le nombre de courageux membres de la communauté LGBTQ2+ des Forces armées canadiennes qui ont dû cacher leur identité pour servir.

Le récit historique illustre un ensemble de pratiques racistes et discriminatoires au Canada qui ont été institutionnalisées par des lois, des règlements, des politiques et des procédures, et qui façonnent la vision du monde de la population canadienne en ce qui concerne les Autochtones, les Noirs, les personnes racisées, les personnes LGBTQ2+, les femmes et les personnes handicapées. La Défense nationale, qui compte environ 127 800 personnes, est un microcosme de la société canadienne. Ainsi, les inégalités et les pratiques discriminatoires observées dans la société canadienne en général sont également présentes au sein de l’Équipe de la Défense.

Représentation

Pour qu’une organisation nationale soit légitime et efficace, elle doit refléter la population nationale. La composition de la Défense nationale ne reflète pas la société qu’elle a pour mandat de servir. Dans ces conditions, il est difficile de susciter la crédibilité et la confiance nécessaires pour que le MDN et les FAC assurent une sécurité adéquate aux Canadiens et aux Canadiennes. Comme David Bercuson l’a souligné, « si une armée ne reflète pas les valeurs et la composition de l’ensemble de la société dont elle dépend, elle perd invariablement le soutien et l’allégeance de cette sociétéNote de bas de page 88 » [traduction].

Le Canada compte une population d’environ 38 millions d’habitantsNote de bas de page 89. La figure 1 illustre la disponibilité sur le marché du travail (DMT) du Canada, qui correspond à la proportion de Canadiens et de Canadiennes disponibles pour travailler. Les hommes et les femmes de race blanche représentent environ 73 % de la DMT du CanadaNote de bas de page 90, les membres des peuples autochtones représentent 4 % de la population active, tandis que les membres des minorités visibles représentent 22 % et les personnes handicapées 9 % de la population active disponible au Canada.

Figure 1 : La population totale du Canada par rapport à la disponibilité sur le marché du travail

  • Description longue de la figure 1

    Population totale du Canada

    Populations Pourcentage
    Personnes de race blanche 72,4 %
    Autochtones 4,9 %
    Minorités visibles 21,8 %
    Personnes handicapées 22 %

    Disponibilité sur le marché du travail (DMT)Note de bas de page **

    Populations Pourcentage
    Personnes de race blanche 73,4 %
    Autochtones 4 %
    Minorités visibles 21,6 %
    Personnes handicapées 9,1 %
     

    Données LGBTQ2+ non disponibles

À l’heure actuelle, les Autochtones, les Noirs et les personnes racisées sont largement sous-représentés dans les FAC et au MDN, et les femmes sont aussi nettement sous-représentées dans ces deux populations. Les hommes blancs représentent environ 39 % de la main-d’œuvre disponible, mais constituent environ 71 % de la population des FAC et 52 % de la population civile du MDN. Les femmes représentent environ 48 % de la population active canadienne, mais elles ne représentent que 18 % de la population des FAC et 41 % de la population civile du MDN90. Les Autochtones, les Noirs et les personnes racisées représentent environ 25 % de la main-d’œuvre disponible, mais seulement 13 % des effectifs civils des FAC et du MDN réunis.

Les données désagrégéesNote de bas de page 91 concernant la représentation des groupes visés par l’équité en matière d’emploi (EE)Note de bas de page 92 dans l’ensemble de l’Équipe de la Défense n’ont pas été uniformément mises à la disposition du Groupe consultatif.

Figure 2 : La répartition démographique de la Défense nationale

  • Description longue de la figure 2

    FACNote de bas de page *

    Populations Pourcentage
    Hommes de race blanche 70,7 %
    Femmes de race blanche 15,5 %
    Hommes autochtones 2,9 %
    Femmes autochtones 0,9 %
    Minorités visibles – Hommes 7,4 %
    Minorités visibles – Femmes 1,5 %
    Personnes handicapées – Hommes 1,0 %
    Personnes handicapées – Femmes 0,2 %

    Personnel civil du MDNNote de bas de page **

    Populations Pourcentage
    Hommes de race blanche 52,3 %
    Femmes de race blanche 34,8 %
    Hommes autochtones 1,8 %
    Femmes autochtones 1,6 %
    Minorités visibles – Hommes 5,1 %
    Minorités visibles – Femmes 4,4 %
    Personnes handicapées – Hommes 3,3 %
    Personnes handicapées – Femmes 2,2 %
     

Maintien en poste

Un taux de maintien en poste élevé peut être un indicateur d’un moral général positif et contribue à l’efficacité opérationnelle. Les statistiques du MDN et du FAC démontrent que les peuples autochtones, les minorités visibles, les femmes et les personnes handicapées ont des taux de maintien en poste beaucoup plus faibles que les hommes de race blanche. Par conséquent, les personnes issues de ces groupes sont moins nombreuses à atteindre les niveaux de grade supérieurs ou les postes de direction.

Dans les FAC, la disparité devient prononcée aux grades de sergent et de lieutenant. La disparité existe également dans les postes de direction du personnel civil de la Défense nationale. Encore une fois, les données permettant de faire une comparaison avec les membres des groupes visés par l’équité en matière d’emploi occupant des postes civils de niveau inférieur n’ont pas été mises à la disposition du Groupe consultatif à temps pour le présent rapport.

Il est important de comprendre que ces observations ne diminuent pas la valeur et les contributions des hommes blancs au sein du MDN et des FAC. Elles servent plutôt à signaler que des obstacles empêchent tous les groupes de s’épanouir également au sein de l’Équipe de la Défense. De même, elles offrent la possibilité d’améliorer la représentation démographique au sein de l’Équipe de la Défense.

Figure 3 : La répartition démographique des militaires du rang des FAC par grade

  • Description longue de la figure 3

    Militaires du rang des FAC par grade

    - Soldat Caporal Caporal-chef Sergent Adjudant Adjudant-maître Adjudant-chef
    Hommes de race blanche 69,6 % 74 % 75 % 77,2 % 80,7 % 85,4 % 86,9 %
    Femmes de race blanche 14,8 % 12 % 13,7 % 14,9 % 13,2 % 9,6 % 8,9 %
    Hommes autochtones 4,8 % 4,8 % 3,3 % 2,3 % 1,9 % 1,9 % 1,1 %
    Femmes autochtones 1,2 % 1,2 % 0,8 % 1,1 % 0,6 % 0,6 % 0,4 %
    Minorités visibles – Hommes 7,9 % 7,9 % 8,7 % 5,8 % 3,1 % 2,3 % 2,2 %
    Minorités visibles – Femmes 1,6 % 1,2 % 0,9 % 0,7 % 0,4 % 0,4 % 0,4 %
    Personnes handicapées – Hommes 0,7 % 0,7 % 1,2 % 1,2 % 1,3 % 1,4 % 1,3 %
    Personnes handicapées – Femmes 0,1 % 0,1 % 0,1 % 0,1 % 0,02 % 0,08 % 0,1 %

    Données LGBTQ2+ non disponibles

    Source – Rapport EE des FAC 2019 – Note : Les grades de l'Armée canadienne ont été utilisés afin d'économiser de l'espace.

Figure 4 : La répartition démographique des militaires du rang des FAC par grade (excluant les hommes de race blanche)

  • Description longue de la figure 4

    Militaires de rang des FAC par groupe EE

    - Soldat Caporal Caporal-chef Sergent Adjudant Adjudant-maître Adjudant-chef
    Femmes de race blanche 14,8 % 12 % 13,7 % 14,9 % 13,2 % 9,6 % 8,9 %
    Hommes autochtones 4,8 % 4,8 % 3,3 % 2,3 % 1,9 % 1,9 % 1,1 %
    Femmes autochtones 1,2 % 1,2 % 0,8 % 1,1 % 0,6 % 0,6 % 0,4 %
    Minorités visibles – Hommes 7,9 % 7,9 % 8,7 % 5,8 % 3,1 % 2,3 % 2,2 %
    Minorités visibles – 1,6 % 1,2 % 0,9 % 0,7 % 0,4 % 0,4 % 0,4% 
    Personnes handicapées – Hommes 0,7 % 0,7 % 1,2 % 1,2 % 1,3 % 1,4 % 1,3 %
    Personnes handicapées – Femmes 0,1 % 0,1 % 0,1 % 0,1 % 0,02 % 0,08 % 0,1 %

    Données LGBTQ2+ non disponibles

    Source – Rapport EE des FAC 2019 – Note : Les grades de l'Armée canadienne ont été utilisés afin d'économiser de l'espace.

Figure 5 : La répartition démographique des officiers des FAC par grade

  • Description longue de la figure 5

    Officiers des FAC par grade

    - Élève-officier Sous-lieutenant Lieutenant Capitaine Major Lieutenant-colonel Colonel Brigadier-général Major-général Lieutenant-général Général
    Hommes de race blanche 73,4 % 72,5 % 77,8 % 80,2 % 78,7 % 83,1 % 90,1 % 88,9 % 91,4 % 90 % 100 %
    Femmes de race blanche 21,5 % 18.2 % 30 % 22,6 % 17,8 % 14,3 % 8 % 12,2 % 5,7 % 10 % 0 %
    Hommes autochtones 1,5 % 1,6 % 1,2 % 1,5 % 1,4 % 1,2 % 0,7 % 0 % 2,9 % 0 % 0 %
    Femmes autochtones 0,8 % 0,6 % 1,4 % 0,8 % 0,3 % 0,2 % 0,2 % 0 % 0 % 0 % 0 %
    Minorités visibles – Hommes 12 % 17,6 % 8,9 % 7,9 % 5,3 % 3,2 % 1,9 % 0 % 0 % 0 % 0 %
    Minorités visibles – Femmes 3,8 % 3,4 % 3,5 % 1,9 % 1,1 % 0,6 % 0 % 0 % 0 % 0 % 0 %
    Personnes handicapées – Hommes 0,9 % 0,4 % 1,1 % 0,8 % 0,7 % 0,5 % 0 % 0 % 0 % 0 % 0 %
    Personnes handicapées – Femmes 0,2 % 0,2 % 0,7 % 0,4 % ,08 % ,06 % 0 % 0 % 0 % 0 % 0 %
     

Source – Rapport EE des FAC 2019

Données LGBTQ2+ non disponibles

Figure 6 : La répartition démographique des officiers des FAC par grade (excluant les hommes de race blanche)

  • Description longue de la figure 6
    - Élève-officier Sous-lieutenant Lieutenant Capitaine Major Lieutenant-colonel Colonel Brigadier-général Major-général Lieutenant-général Général
    Femmes de race blanche 21,5 % 18,2 % 30 % 22,6 % 17,8 % 14,3 % 8 % 12,2 % 5,7 % 10 % 0 %
    Hommes autochtones 1,5 % 1,6 % 1,2 % 1,5 % 1,4 % 1,2 % 0,7 % 0 % 2,9 % 0 % 0 %
    Femmes autochtones 0,8 % 0,6 % 1,4 % 0,8 % 0,3 % 0,2 % 0,2 % 0 % 0 % 0 % 0 %
    Minorités visibles – Hommes 12 % 17,6 % 8,9 % 7,9 % 5,3 % 3,2 % 1,9 % 0 % 0 % 0 % 0 %
    Minorités visibles – Femmes 3,8 % 3,4 % 3,5 % 1,9 % 1,1 % 0,6 % 0 % 0 % 0 % 0 % 0 %
    Personnes handicapées – Hommes 0,9 % 0,4 % 1,1 % 0,8 % 0,7 % 0,5 % 0 % 0 % 0 % 0 % 0 %
    Personnes handicapées – Femmes 0,2 % 0,2 % 0,7 % 0,4 % ,08 % ,06 % 0 % 0 % 0 % 0 % 0 %

    Données LGBTQ2+ non disponibles

    Source – Rapport EE des FAC 2019

Figure 7 : La répartition démographique des cadres civils au sein du MDN (niveaux EX-01 à EX-05)

  • Description longue de la figure 7

    Niveaux de direction EX-01 à EX-05

    Populations Pourcentage
    Hommes (tous) 55 %
    Hommes de race blanche 49,4 %
    Femmes (toutes) 45 %
    Femmes de race blanche 43 %
    Minorités visibles 6,4 %
    Personnes handicapées 4,7 %
    Personnes autochtones 1,7 %
     

    Données LGBTQ2+ non disponibles

    *Source – DIRHG – extrait du 31 mars 2020 du SGRH

Démographie du Canada et répercussions pour l’avenir

On s’attend à ce que la sous-représentation des membres des groupes visés par l’équité en matière d’emploi au sein de l’Équipe de la Défense s’aggrave à moins que des changements radicaux ne soient apportés pour s’attaquer à la discrimination, au racisme et à la misogynie systémiques au sein du « système » de la Défense nationale.

Selon les donnéesNote de bas de page 93 :

  • On s’attend à ce que le nombre de personnes faisant partie de la population active canadienne (y compris celles qui ont un emploi et celles qui sont au chômage) passe de 19,7 millions en 2017 à 22,9 millions en 2036.
  • Les populations des peuples autochtones et des personnes handicapées sont statistiquement plus jeunes que les autres groupes et sont donc actuellement moins représentées proportionnellement sur le marché du travail disponible. Toutefois, ces groupes connaissent une croissance constante et leur disponibilité sur le marché du travail suivraNote de bas de page 94.
  • En 2016, dans le monde du travail, seulement une personne sur quatre (soit 26 %) était née à l’extérieur du Canada. D’ici 2036, cette proportion devrait atteindre un travailleur ou une travailleuse sur trois (soit 34 %).
  • Des facteurs tels que les changements climatiques, l’insécurité alimentaire et les conflits mondiaux contribueront à attirer davantage d’immigrants et d’immigrantes issus de minorités visibles au CanadaNote de bas de page 95. Le pourcentage de personnes appartenant à des minorités visibles au sein de la population active et qui sont nées au Canada devrait passer de 20 % en 2016 à 26 % de la population active d’ici 2036 (33,5 % à Ottawa). Pour ces deux raisons, dans toutes les régions, la diversité ethnoculturelle croissante de la population active devrait se poursuivre.
  • En 2017, 22 % de la population canadienne de 15 ans et plus avait un ou plusieurs handicaps ou incapacités. Parmi les personnes âgées de 25 à 64 ans, 59 % ont un emploi.
  • Les femmes restent le plus grand groupe sous-représenté au sein des FAC. Bien qu’elles représentent 48 % de la main-d’œuvre disponible, seuls 18 % des femmes sont actuellement représentées au sein des FAC. Certains groupes professionnels et certaines spécialités comptent moins de 4 % de femmes dans leurs rangs.

D’après ces tendances et ces statistiques, l’écart entre la composition de la Défense nationale et la société augmentera à mesure que la population canadienne s’accroîtra. Cela n’est pas sans importance : le fait de ne pas avoir pris en compte et traité les raisons du fossé grandissant entre la démographie canadienne et la composition de l’Équipe de la Défense signifie que certains postes ne seront pas pourvus. L’exploitation d’un bassin de talents plus large est la seule solution viable pour répondre aux besoins de recrutement sans sacrifier la préparation aux missions et l’efficacité opérationnelle.

Sommaire de la partie I

Le racisme au Canada n’est pas une défaillance du système, mais est le système en soi. Le colonialisme et les systèmes qui y sont associés tels que le patriarcat, l’hétéronormativité et le capacitisme constituent les causes profondes des inégalités au Canada. Tout au long de l’histoire du Canada, l’existence d’un racisme systémique et culturel a été établie par les règlements, les normes et les pratiques courantes. Le Canada a reconnu, et continue de reconnaître, son passé de discrimination raciale avec l’introduction de la Charte canadienne des droits et libertés, la Commission canadienne des droits de la personne et la Loi sur le multiculturalisme canadien, et avec l’abrogation de politiques et pratiques discriminatoires.

Les valeurs fondamentales de l’Équipe de la Défense sont fondées sur les valeurs canadiennes et ont constitué la base de toutes ses pratiques, hypothèses et approches. Les horaires de travail et les jours fériés de l’Équipe de la Défense, qui sont principalement fondés sur ses traditions chrétiennes, la nourriture servie dans les salles à manger, qui s’inspire souvent de recettes traditionnelles euro-canadiennes, et le langage genré du français – et de certains mots anglais – sont tous des pierres angulaires de préjugés involontaires. Ces pratiques sont codifiées, individuellement et collectivement, dans la vie quotidienne de chaque membre de l’Équipe de la Défense. Bien qu’à première vue ils ne semblent pas être des menaces pernicieuses pour l’équité, ils influencent grandement l’indicateur de confort des gens qui préfèrent une société plus homogène. La vie est plus facile lorsque tout le monde est pareil. Il faut des efforts pour s’adapter à des règles différentes, à des méthodologies changeantes et à des normes qui évoluent.

Le démantèlement de la culture coloniale du Canada, à laquelle les chefs de l’Équipe de la Défense souscrivent, exige cet effort soutenu et délibéré. Cela suppose un certain inconfort et d’accepter d’être mis à l’épreuve sur le plan émotionnel. Cette démarche suppose de demander à une organisation de devenir plus tolérante à l’égard des erreurs commises de bonne foi et de mieux soutenir la volonté d’apprendre de ces erreurs. Elle suppose également de faire preuve d’audace et de vision tout en révisant les structures discriminatoires telles que les lois et les politiques. À l’occasion, il faut augmenter artificiellement la représentation des femmes, des Autochtones, des Noirs et des autres personnes racisées, et des personnes handicapées, jusqu’à ce que les paradigmes archaïques et les obstacles systémiques ne les empêchent plus de s’épanouir naturellement sur le lieu de travail. Reconnaître que la santé de l’organisation de la Défense nationale est entravée par les contraintes puissantes de sa culture colonialiste héritée est la première étape pour instituer délibérément un changement significatif. Tout au long de son mandat, le Groupe consultatif a été témoin de nombreuses déclarations de membres et de chefs de l’Équipe de la Défense qui permettaient de s’attendre à cette reconnaissance. Ils et elles étaient prêts à regarder les choses en face.

Ils et elles ouvriront peut-être la voie à une nouvelle ère d’inclusion, de diversité, d’équité et d’accessibilité .

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