Chapitre 4 — Justice militaire : évolution, transformation et modernisation
Introduction
Ce chapitre examinera les activités et les développements principaux relatifs au système de justice militaire qui ont eu lieu au cours de la période de référence et qui ne relèvent pas de la jurisprudence, chacun d’entre eux contribuant à l’évolution et au changement continus du système.
La Cour suprême du Canada (CSC) a toujours soutenu que le système de justice militaire est conçu pour répondre aux exigences uniques des Forces armées canadiennes en matière de discipline, d’efficacité et de moral. Tout récemment, dans sa décision de 2019 dans l’affaire R c StillmanNote de bas de page 1, la CSC a renforcé cet objectif fondamental tout en reconnaissant que la physionomie du système a changé au fil du temps en réponse aux évolutions et aux attentes juridiques et sociétalesNote de bas de page 2.
Le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes se sont fondamentalement engagés à établir une culture qui incarne des valeurs professionnelles et une éthique commune, qui embrasse la diversité et les valeurs du Canada, qui garantit une institution digne, équitable, respectueuse et inclusive, et qui soutient l’excellence opérationnelle continue. Parallèlement à ces initiatives de changement de culture, le système de justice militaire est lui-même en pleine mutation et modernisation.
Comme indiqué ci-dessous, la réforme recommandée du système de justice militaire, qui fait actuellement l’objet d’un processus complet d’étude et de développement, représente l'ensemble des changements éventuels les plus importants apportés à la justice militaire depuis les années 1950. Bien que complexe et nécessitant du temps pour être pleinement mises en œuvre, des travaux sont en cours pour mener à bien ces initiatives et garantir que le système évolue avec les normes juridiques et les valeurs sociales contemporaines tout en continuant à promouvoir l’efficacité opérationnelle des Forces armées canadiennes.
Le Cabinet du JAG s’engage à veiller à ce que le système de justice militaire continue à se développer et à progresser pour répondre aux besoins des Forces armées canadiennes et aux attentes des Canadiens.
Examens indépendants
L’article 273.601 de la Loi sur la défense nationale (LDN) exige que le ministre de la Défense nationale demande des examens indépendants périodiques de dispositions précises de la LDN, y compris celles qui concernent le système de justice militaire. L’obligation de procéder à des examens indépendants prévus par la Loi a été introduite pour la première fois en 1998 et modifiée en 2014 pour aboutir à l’obligation actuelle pour le ministre de faire procéder à un examen indépendant de certaines dispositions de la LDN et de leur fonctionnement et de présenter un rapport de cet examen au Parlement à intervalles réguliers spécifiés.
Le premier examen indépendant a été réalisé par feu le très honorable Antonio Lamer en 2003. Ce premier examen indépendant a formulé 88 recommandations visant à renforcer l’indépendance des principaux acteurs de la justice militaire, en particulier les juges militaires et le Directeur du services des avocats de la défense, et à améliorer les procédures d’examen des griefs et des plaintes concernant la police militaire. La plupart de ces recommandations ont été acceptées par le gouvernement. Pour donner suite aux recommandations nécessitant une modification de la loi, des textes législatifs ont été introduits à plusieurs reprises au cours des dix années suivantes. Toutefois, ce n’est qu’en 2013 que les amendements à la LDN nécessaires à la mise en œuvre de la réponse du gouvernement au premier examen indépendant ont été apportés.
Le deuxième examen indépendant a été réalisé par l’honorable Patrick LeSage en 2011 et a été présenté au Parlement en 2012. Parmi ses 55 recommandations, on trouve un appel à une révision complète des dispositions de la LDN relatives à la détermination de la peine, des changements dans l’éligibilité et la sélection des membres des comités de la cour martiale, et la prise en compte de certaines mesures visant à améliorer l’équité et l’efficacité de la procédure de règlement des griefs. La réponse du gouvernement aux recommandations, dont la plupart ont été acceptées, se reflète en grande partie dans les modifications réglementaires entrées en vigueur en 2018.
Le troisième examen indépendant
Un troisième examen indépendant a été présenté au Parlement le 1er juin 2021 [a été realisé par l'hon. Morris J. Fish].
Le rapport du troisième examen indépendant est le plus important à ce jour en termes d’ampleur et de profondeur des changements proposés au système de justice militaire. Environ 64 des 107 recommandations concernent directement le système de justice militaire, et 43 autres abordent des aspects du système de justice militaire de manière plus générale. Les recommandations les plus substantielles comprennent, entre autres, la création d’une Cour militaire permanente du CanadaNote de bas de page 3, la civilianisation des juges militairesNote de bas de page 4 et le renforcement de l’indépendance des principaux acteurs de la justice militaire. Par exemple, le troisième examen indépendant recommande d’étudier, dans le cadre de groupes de travail, la possibilité d’une civilianisation totale ou partielle des procureurs militaires et des avocats de la défense, ou des parcours de carrière distincts pour les avocats militaires chargés du contentieux, y compris des promotionsNote de bas de page 5.
Le rapport du troisième examen indépendant comporte deux thèmes principaux : (1) il réaffirme qu’il existe un besoin manifestement justifié d’un système de justice militaire distinct pour maintenir la discipline, l’efficacité et le moral dans les Forces armées canadiennes; et (2) il présente une nouvelle ère de réforme en poursuivant la tendance à s’éloigner d’un système centré sur le commandement en renforçant l’indépendance des acteurs du système de justice militaire.
Le ministre de la Défense nationale a accepté en principe les 107 recommandations du troisième examen indépendant et s’est engagé à commencer la mise en œuvre de 36 de ces recommandations à court terme. Les autres recommandations seront examinées par le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes en vue d’élaborer un plan de travail pour leur mise en œuvre.
Le juge-avocat général a accueilli favorablement le troisième examen indépendant, notant qu’il « offre une occasion importante de veiller à ce que le système de justice militaire continue d’évoluer alors qu’il entre dans une nouvelle ère de modernisation ». Comme indiqué au chapitre 1, l’achèvement du troisième examen indépendant et la nomination de la juge Arbour par le ministre le 21 avril 2021 pour mener un autre examen indépendant et externe ont mené le juge-avocat général à mettre en place la division de la Modernisation de la justice militaire (MJM) en juillet 2021. La création de la division MJM a été un précurseur de la promulgation de la Directive de lancement du CEMD/SM concernant les recommandations du troisième examen indépendant de la Loi sur la défense nationale et d’autres examens externes complets connexes, ainsi que de la Directive de lancement du Juge-avocat général, qui ont toutes deux étés signées à l’automne 2021.
En ce qui concerne la mise en œuvre des recommandations externes qui ont un impact sur le système de justice militaire, le Cabinet du JAG adopte une approche méthodique et réfléchie. De nombreuses recommandations du troisième examen indépendant concernant le système de justice militaire nécessitent des études, une analyse politique et la rédaction de changements statutaires et/ou réglementaires importants, tandis que d’autres recommandations relèvent de la responsabilité d’autres départements gouvernementaux et intervenants.
La division MJM a travaillé en collaboration avec le ministère de la Justice pour développer un modèle de partenariat, étudier les recommandations et participer à des groupes de travail. L’ampleur de ce travail est sans précédent, et l’analyse et la mise en œuvre de toutes les recommandations, dans la mesure et de la manière indiquées par le ministre de la Défense nationale, nécessiteront un effort de l’ensemble du gouvernement.
Examen externe complet et indépendant du ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes
Le 29 avril 2021, le ministre de la Défense nationale a annoncé le lancement d’un Examen externe complet et indépendant (EECI) des politiques, procédures, programmes, pratiques et cultures en vigueur au sein des Forces armées canadiennes et du ministère de la Défense nationale. Le 20 mai 2021, l’honorable Louise Arbour a été désignée pour mener à bien l’EECI.
L’objectif de l’EECI était de faire la lumière sur les causes de la présence continue du harcèlement et de l’inconduite sexuelle au sein des Forces armées canadiennes, malgré les efforts déployés pour les éradiquer. En outre, l’EECI avait pour but d’identifier les obstacles au signalement de comportements inappropriés pour évaluer le caractère adéquat de la réaction lorsque les signalements sont faits et pour faire des recommandations sur la prévention et l’éradication du harcèlement et de l’inconduite sexuelle. À cette fin, un examen des systèmes de recrutement, d’instruction, d’évaluation du rendement, d’affectation et de promotion dans les Forces armées canadiennes, ainsi que des politiques, procédures et pratiques du système de justice militaire relatives au traitement des allégations a été réalisé.
Le 20 octobre 2021, l’autorité de l’EECI a publié des recommandations provisoires appelant au renvoi immédiat aux autorités civilesNote de bas de page 6 de toutes les agressions sexuelles et autres infractions criminelles de nature sexuelle en vertu du Code criminel du CanadaNote de bas de page 7. Peu après, le Grand prévôt des Forces canadiennes et le Directeur des poursuites militaires ont tous deux reconnu une perte de confiance du public dans le système de justice militaire, en particulier en ce qui concerne les allégations d’inconduite sexuelle. Dans l’exercice de leurs autorités respectives en tant qu’acteurs indépendants, ils ont fait une déclaration commune dans laquelle ils annonçaient la directive que chacun d’entre eux avait émise, à savoir la mise en œuvre immédiate des recommandations provisoires. Le ministre de la Défense nationale a également accepté les recommandations provisoiresNote de bas de page 8. Bien qu’en dehors de la période de référence, il est important de noter que le rapport final de l’EECI a été publié en mai 2022.
Structure de gouvernance pour la mise en œuvre des examens externes complets
En plus de son rôle de soutien au Juge-avocat général dans son rôle de surintendant de l’administration de la justice militaire, la Division MJM assure la direction et le soutien en personnel de la structure de gouvernance du Comité de mise en œuvre de l’Examen externe complet et indépendant (CEECI).
Le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes ont créé le CEECI en tant qu’organe de gouvernance chargé de soutenir les efforts interministériels visant à mettre en œuvre les recommandations du troisième examen indépendant ainsi que celles d’autres examens externes complets, y compris le CEECI, et d’autres consultations ou rapports mandatés par les accords de règlement définitif des recours collectifs ordonnés par les tribunaux et approuvés par le ministre de la Défense nationale, le Chef d’état-major de la Défense ou le sous-ministre.
La structure du CEECI repose sur une approche pangouvernementale et est le fruit d’une consultation et d’une collaboration approfondies entre de nombreuses parties prenantes, y compris le Juge-avocat général en tant que surintendant de l’administration de la justice militaire. En particulier, le Juge-avocat général occupe le rôle de co-président (avec la Vice-chef d’état-major de la Défense) pour l’échelon de supervision stratégique du CEECI.
Le Juge-avocat général adjoint responsable de la Division MJM assume le rôle de coprésident adjoint de l’échelon de gestion du secrétariat permanent pour le CEECI (appelé Directeur général – Secrétariat de mise en œuvre des examens de l’externe (DGSMOEE)). En outre, des avocats militaires de la Division MJM sont engagés pour fournir des conseils techniques et juridiques au CEECI et travaillent en étroite collaboration et en liaison avec des juristes d’autres départements gouvernementaux, en particulier le ministère de la Justice.
Projet de loi C-77
Élaboration et mise en œuvre de la législation et de la réglementation
Le Projet de loi C-77, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, a reçu la sanction royale le 21 juin 2019 et, au moment de la rédaction du présent rapport, nous savons que les dispositions du projet de loi C-77 qui ne sont pas entrées en vigueur à la date de la sanction royale sont entrées en vigueur le 20 juin 2022Note de bas de page 9. Le Projet de loi C-77 représente une étape cruciale dans l’évolution du système de justice militaire, et bien que ses dispositions restantes soient entrées en vigueur après la clôture de la période de référence, il est important de décrire brièvement les changements que le Projet de loi C-77 a apportés au système de justice militaire.
Le Projet de loi C-77 a établi la Déclaration statutaires des droits des victimes (DDV), qui introduit de nouveaux droits pour les victimes d’infractions d’ordre militaire, y compris les droits à l’information, à la protection, à la participation et au dédommagement. Le Projet de loi C-77 a également créé le rôle d’un agent de liaison de la victime (ALV), dont le soutien peut être demandé par la victime d’une infraction d’ordre militaire. L’ALV a pour but d’aider les victimes d’infractions d’ordre militaire en leur expliquant comment les infractions d’ordre militaire sont portées, traitées et jugées en vertu du code de discipline militaire.
En outre, le Projet de loi C-77 a introduit le processus d’audience sommaire, un processus disciplinaire non pénal fondé sur les principes du droit administratif et le retrait des procès sommaires fondés sur le droit pénal. Enfin, le Projet de loi C-77 comprend une série de modifications procédurales visant à renforcer l’indépendance des principaux acteurs du système de justice militaire et à aligner certains pouvoirs et procédures de la cour martiale sur le système de justice pénale civile.
Consultation et engagement à l’appui de la mise en œuvre de la Déclaration statutaires des droits des victimes (DDV)
Au cours de la période couverte par le rapport et afin de s’assurer que la mise en œuvre de la DDV répondra de manière appropriée aux besoins des victimes d’infractions d’ordre militaire ainsi qu’aux intérêts de la justice, d’importantes consultations ont été menées avec diverses organisations internes et externes, ainsi qu’avec des experts, des parties intéressées et des groupes de défense des victimes et des survivants. Le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes ont reconnu que le système de justice militaire avait besoin d’un plus grand soutien procédural pour les victimes d’infractions d’ordre militaire et ont donc mené deux sondages afin de consulter et d’obtenir les points de vue des participants. Le premier sondage interne a reçu 1 735 réponses de la part d’employés actuels du ministère de la Défense nationale et de membres des Forces armées canadiennes. Le deuxième sondage externe mené en coopération avec Anciens Combattants Canada a reçu 299 réponses d’anciens membres des Forces armées canadiennes.
Ces consultations ont fourni des renseignements instructifs et utiles qui ont été utilisés dans l’élaboration des règlements nécessaires pour soutenir la mise en œuvre du projet de loi C-77, en ce qui concerne l’établissement des conditions d’éligibilité pour la nomination en tant qu’ALV et l’élaboration du mécanisme de plainte de la DDV. Les sondages ont révélé que les opinions exprimées sur le système de justice militaire étaient généralement négatives. La moitié des participants aux sondages ont indiqué que l’accès à l’information pour les victimes était difficile. En outre, la plupart des participants ont exprimé la conviction que le système de justice militaire favorise l’accusé. Parmi ceux qui se sont déclarés victimes d’infractions d’ordre militaire, 84 % ont fait état des éléments suivants : obstacles à la dénonciation par crainte de représailles, manque de soutien de la part de la chaîne de commandement et des pairs, et manque général de confiance dans le système de justice militaire.
Aperçu des changements et de l’impact sur le système de justice militaire
Règlements et politiques
Au cours de la période de référence, le Cabinet du JAG s’est consacré à l’élaboration des règlements et des politiques nécessaires à la mise en œuvre du projet de loi C-77. Les rédacteurs législatifs du ministère de la Justice, le secrétaire général et le Cabinet du JAG ont travaillé en équipe et sont parvenus à élaborer et à faire approuver plus de 230 amendements réglementaires aux Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennesNote de bas de page 10. Les nouveaux règlements ont été élaborés en consultation avec les intervenants internes et externes et avec l’aide experte du ministère de la Justice. Ils ont été essentiels pour soutenir la mise en œuvre de la DDV, la procédure d’audience sommaire et les changements apportés au système de la Cour martiale. En outre, pour compléter les changements apportés par la nouvelle procédure d’audience sommaire, la Politique sur la justice militaire au niveau de l’unité (PJMNU) a été élaborée pour soutenir les dispositions existantes de la LDN et des ORFC. La PJMNU est censée fournir des orientations sur les étapes avant la mise en accusation, avant l’audience, l’audience, la révision et après l’audience, essentiellement toutes les étapes concernant la justice militaire au niveau de l’unité.
Déclaration des droits des victimes (DDV)
La DDV s’applique aux interactions que les victimes d’infractions d’ordre militaire ont avec le système de justice militaire, qui commencent au moment où une infraction d’ordre militaire est signalée et se terminent avec la sentence de l’auteur de l’infraction. La DDV s’applique uniquement aux personnes victimes d’une infraction d’ordre militaire telle que définie à l’article 2(1.1) de la Loi sur la défense nationale. Inspirés de la Charte canadienne des droits des victimesNote de bas de page 11, les droits statutaires introduits par la DDV sont regroupés en quatre catégories et comprennent un mécanisme de plainte en cas de non-respect de l’un de ces droits.
La première catégorie de droits confère à la victime d’une infraction d’ordre militaire le droit à l’information. La DDV accorde aux victimes le droit de demander des informations générales sur le système de justice militaire et le rôle des victimes dans ce système.
La deuxième catégorie de droits est le droit à la protection, en vertu duquel les victimes ont le droit de voir leur sécurité et leur vie privée prises en compte par les autorités compétentes du système de justice militaire, y compris la protection de l’identité.
La troisième catégorie de droits est liée à la participation. La DDV donne aux victimes le droit d’exprimer leur point de vue sur les décisions qui seront prises par les autorités compétentes et qui affectent leurs droits en vertu de la DDV, et de voir ce point de vue pris en considération. La déclaration de la victime en est un exemple. De plus, une déclaration des Forces armées canadiennes sur l’impact de l’infraction sur la communauté et la discipline, l’efficacité et le moral des militaires peut être soumise.
La dernière catégorie de droits est le droit au dédommagement. Les victimes ont désormais le droit de demander à la cour martiale d’envisager une ordonnance de dédommagement à l’encontre de l’auteur de l’infraction et de la faire exécuter. Comme indiqué précédemment, ces changements importants pour les victimes d’infractions d’ordre militaire rapprochent le système de justice militaire du système parallèle de justice civile.
Agent de liaison de la victime (ALV)
La victime d’une infraction d’ordre militaire peut demander la désignation d’un ALV pour l’aider à s’orienter dans le système de justice militaire. Les ALV sont une caractéristique unique de la DDV, ils sont des membres des Forces armées canadiennes qui, pour être sélectionnés pour leur rôle, doivent répondre à des critères réglementaires et avoir suivi la formation nécessaire. Les responsabilités de l’ALV sont définies par la loi et comprennent, entre autres, les éléments suivants : expliquer le système de justice militaire, aider les victimes à obtenir des informations et transmettre des informations au nom de la victime.
Mécanisme de plainte pour les victimes
Lorsqu’une victime estime que l’un de ses droits en vertu de la DDV a été violé ou refusé, elle peut choisir de déposer une plainte. Au moment de la rédaction du présent rapport, une plainte peut être déposée par une victime d’une infraction d’ordre militaire auprès du Directeur - Révision externe. L’objectif du nouveau mécanisme de plainte est d’offrir une plus grande transparence et une plus grande responsabilité aux victimes.
Page Web Victimes et survivants d’infractions d’ordre militaire
Au cours de la période de référence 2020-2021, les Forces armées canadiennes ont créé un site Web pour les victimes et les survivants d’infractions d’ordre militaire. Maintenue à jour, cette page Web du gouvernement du Canada constitue une source unique d’informations pertinentes pour les victimes concernant : le système de justice militaire en général; les services et programmes offerts aux victimes dans le système de justice militaire; les enquêtes sur les infractions d’ordre militaire; les procédures devant les cours martiales; le droit de faire une déclaration de la victime et son contenu; le droit au dédommagement; et la protection de la vie privée et de l’identité. La page Web contient également un lien vers une liste complète de services et de programmes disponibles en dehors du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes.
Audiences sommaires
À partir du 20 juin 2022, la procédure de procès par voie sommaire existante a été supprimée et une nouvelle procédure d’audience sommaire, ainsi qu’une série de manquements d’ordre militaire et de sanctions applicables, ont été introduites. Le processus d’audience sommaire établit des procédures disciplinaires au niveau de l’unité qui sont non pénales et de nature administrative. L’audience sommaire est limitée à la résolution des accusations sur la base de la prépondérance des probabilités pour les manquements d’ordre militaire, qui sont des actes, des omissions ou une conduite de nature moins grave qui enfreignent les normes des Forces armées canadiennes. La procédure d’audience sommaire vise à simplifier la procédure disciplinaire au niveau de l’unité et à améliorer la capacité de la chaîne de commandement à traiter efficacement les manquements mineurs à la discipline militaire tout en maintenant l’équité de la procédure.
Changements à la Cour martiale
En plus des droits généraux énoncés dans le cadre de la DDV, le Projet de loi C-77 a introduit plusieurs modifications statutaires et réglementaires à la procédure de la cour martiale afin d’enchâsser dans la loi le soutien aux victimes en cour martiale. Les procédures suivantes ont été abordées par le Projet de loi C-77 : l’utilisation d’aides au témoignage, la possibilité de prononcer des interdictions de publication, de nouvelles procédures pour les demandes de dossiers de tiers et de nouvelles procédures permettant aux juges militaires de rendre des ordonnances de non-communication. Ces changements permettront d’aligner plus étroitement les procédures de la cour martiale sur le traitement de questions similaires par le système de justice pénale civile, permettant ainsi l’évolution et l’amélioration nécessaires du système de justice militaire.
Changements relatifs aux acteurs indépendants
Les modifications législatives et réglementaires introduites par le Projet de loi C-77 ont pour effet de renforcer l’indépendance des principaux acteurs du système de justice militaire, tels que la police militaire et le Directeur des poursuites militaires. Par exemple, depuis le 20 juin 2022, tous les membres de la police militaire assignés à des fonctions d'enquêtes ont reçu le pouvoir de porter des accusations et de déférer les accusations d’infractions d’ordre militaire directement et exclusivement au Directeur des poursuites militaires pour qu’elles soient renvoyées devant une cour martiale. En outre, ces changements permettent au Directeur des poursuites militaires d’exercer l’autorité finale sur les infractions d’ordre militaire.
Le Secrétariat des Forces armées canadiennes du projet de loi C-77 (Secrétariat du projet de loi C-77)
En mars 2021, le Vice-chef d’état-major de la DéfenseNote de bas de page 12 a désigné le Vice-chef d’état-major de la Défense adjoint comme étant l’officier instructeur pour la mise en œuvre du projet de loi C-77. Un secrétariat a été créé pour soutenir la Vice-chef d’état-major de la Défense adjoint, ainsi que pour planifier et coordonner la mise en œuvre du projet de loi C-77. Le secrétariat du projet de loi C-77 a synchronisé les activités simultanées et les tâches essentielles conformément à la Directive principale de mise en œuvre du projet de loi C-77Note de bas de page 13, en étroite coordination avec les autorités de niveau 1, d’autres initiatives des Forces armées canadiennes et ministère de la Défense nationale et d’autres initiatives externes à l’effort du projet de loi C-77. Le Secrétariat du projet de loi C-77 était chargé de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques ainsi que du développement de la formation des membres des Forces armées canadiennes sur leurs nouveaux rôles et responsabilités découlant du projet de loi C-77.
Le Projet d’évaluation et d’amélioration de la surveillance
Le Projet d’évaluation et d’amélioration de la surveillance (PEAS) a été créé en 2017 pour permettre la collecte de données objectives et mesurables afin de faciliter l’évaluation de l’administration du code de discipline militaire au niveau de l’unité et l’amélioration globale du système de justice militaire. Le PEAS comprend trois projets principaux : le Système de gestion de l’information et de l’administration de la justice (SGIAJ), le Cadre de surveillance du rendement du SJM et les Normes de temps du système de justice militaire. Chaque projet est conçu pour contribuer à un système de justice militaire plus efficace et plus efficient.
Au cours de la période de référence, l’importance stratégique du PEAS a conduit le Cabinet du JAG à créer une nouvelle direction au sein de la Division de la justice militaire, la Direction juridique pour l’administration de la justice militaire, qui est entièrement consacrée au PEAS. À la fin de la période de référence, la nouvelle direction comptait au total 20 postes au sein du ministère et des Forces armées canadiennes. Collectivement, cette Direction et ces initiatives feront entrer le système de justice militaire dans une nouvelle ère alignée sur les réformes récentes et permettront également au système de s’adapter rapidement aux changements futurs.
Le Système de gestion de l’information et de l’administration de la justice (SGIAJ)
Le SGIAJ est un outil électronique de gestion des dossiers conçu spécifiquement pour le système de justice militaire. Il est développé par le Cabinet du JAG, en partenariat avec le sous-ministre adjoint (gestion de l’information) (SMA(GI)) afin de suivre de manière transparente et électronique les dossiers de justice militaire depuis le signalement d’une infraction présumée jusqu’à l’enquête, l’inculpation, le jugement et la révision ou l’appel dans le cadre des procédures d’audience sommaire et de la cour martialeNote de bas de page 14. Le développement du SGIAJ est une initiative clé du PEAS.
Au cours de la première moitié de la période de référence, le SGIAJ (1.0) est entré en phase de production et a été déployé dans un petit nombre d’unités. Ces unités ont fourni des commentaires précieux qui ont permis le développement continu du système. À l’automne 2021, le Cabinet du JAG et le SMA(GI) ont entrepris la prochaine phase de développement du SGIAJ, qui intégrera les changements à la LDN mis en œuvre avec l’entrée en vigueur du projet de loi C-77, connu sous le nom de SGIAJ (2.0). En utilisant le projet de règlement et les politiques du projet de loi C-77, les équipes du Cabinet du JAG et du SMA(GI) ont développé et commencé à mettre en œuvre de nouvelles exigences opérationnelles pour refléter le nouveau système d’audiences sommaires.
Afin de s’assurer que le projet SGIAJ dispose des ressources nécessaires, une lettre budgétaire a été soumise au Conseil du Trésor en janvier 2022 pour obtenir un financement de plus de 15 millions de dollars afin de poursuivre le développement du SGIAJ (2.0) dont le lancement prévu à la fin de 2024 jusqu’à l’achèvement des autres mises à niveau prévues d’ici la fin de l’année fiscale 2026-2027. En outre, au cours de la période de référence, le Cabinet du JAG a réalisé une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée et un examen de la sécurité du SGIAJ en coopération avec le Directeur – Accès à l’information et protection des renseignements personnels et le Directeur – Sécurité (Gestion de l’information), respectivement. Ces deux initiatives contribueront grandement au développement de SGIAJ (2.0).
Cadre de surveillance du rendement du Système de justice militaire (CSR-SJM)
Le cadre de surveillance du rendement du Système de justice militaire (CSR-SJM) constitue une série solide d’indicateurs de justice qui rendront compte de l’efficacité, de l’efficience et de la légitimité du système de justice militaire. Les indicateurs ont été développés pour identifier les tendances émergentes, y compris les défis, tout en informant sur les mesures à prendre pour y faire face. Le CSR-SJM permettra au Juge-avocat général, en tant que responsable de l’administration de la justice militaire, d'évaluer la performance du système de justice militaire, d’attirer l’attention sur les problèmes potentiels, de contribuer à l’élaboration de critères référence pour le futur et de contrôler l’impact des changements apportés au système de justice militaire. Les indicateurs fourniront des informations précieuses aux décideurs politiques et, en fin de compte, rendront le système de justice militaire plus transparent et plus responsable.
En février 2022, l’équipe du CSR-SJM a recommencé à travailler avec le professeur Yvon Dandurand, un expert international de premier plan en matière de suivi du rendement et d’analyse du système judiciaire. Avec son aide, la prochaine version du CSR-SJM veillera à ce que les indicateurs reflètent fidèlement le système de justice militaire après l’entrée en vigueur des dispositions restantes du projet de loi C-77. Une mise à jour du CSR-SJM et du rapport devrait être publiée et intégrée au SGIAJ à l’automne 2023.
Normes de temps du système de justice militaire
Les normes de temps du système de justice militaire (NTSJM)Note de bas de page 15 sont une initiative importante du PEAS qui définit les attentes pour l’achèvement en temps voulu de chaque phase du processus du système de justice militaire. Les NTSJM actuelles ont été élaborées à la suite de consultations avec les intervenants internes et ont été publiées dans le message général des Forces canadiennes en février 2020. Un examen et une mise à jour des normes de temps ont été entrepris en janvier 2022 afin d'identifier les changements nécessaires à la suite de l’entrée en vigueur des dispositions restantes du projet de loi C-77.
La définition, la consultation et l’approbation des nouvelles normes de temps devraient être achevées à l’automne 2023. Les NTSJM mises à jour seront incorporées dans le SGIAJ, exigeant des utilisateurs qu’ils fournissent une justification s’ils ne respectent pas les normes de temps. Cela permettra d’identifier et de résoudre les causes des retards dans le système de justice militaire. En combinaison avec les autres initiatives du PEAS, les NTSJM contribueront au bon fonctionnement du système de justice militaire et au maintien de la discipline, de l’efficacité et du moral des Forces armées canadiennes.
Autres initiatives stratégiques
Forum des intervenants en justice militaire
Le Forum des intervenants en justice militaire offre l’occasion aux principaux intervenants du système de justice militaire de se réunir régulièrement et de s’engager dans un échange soutenu de connaissances, d’expertise et de meilleures pratiques sur des sujets d’intérêt commun, tout en respectant les obligations professionnelles et l’indépendance des participants. Suite à la réunion du 28 mai 2020, le rythme régulier des activités du forum a été perturbé par la pandémie de COVID-19. Le forum ne s’est pas réuni au cours de la période de référence; toutefois, à la fin de la période, le forum devait tenir sa sixième réunion le 16 juin 2022 une deuxième réunion étant prévue plus tard au cours de la période couverte par le présent rapport (2022-2023).
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