Recommandations au sujet de la qualité des eaux utilisées à des fins récréatives au Canada - Indicateurs de contamination fécale : E. coli et d’entérocoques dans les eaux utilisées à des fins récréatives

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Importance de la présence d'E. coli dans les eaux utilisées à des fins récréatives

Les indicateurs peuvent être utilisés à diverses fins dans le cadre d'un plan de gestion de la qualité des eaux utilisées à des fins récréatives. Les indicateurs de contamination fécale signalent la présence probable de matières fécales. Les indicateurs de contamination fécale communs comprennent E. coli et les entérocoques, ainsi que des indicateurs propres aux sources, comme le marqueur génétique des Bacteroides HF183 servant à la détection des eaux usées domestiques (Harwood et coll., 2014). E. coli ou les entérocoques sont utilisés en tant qu'indicateur primaire de matières fécales dans les eaux douces, les entérocoques représentant l'indicateur privilégié en eaux marines. Les indicateurs de contamination fécale propres aux sources sont utilisés lorsque le dépistage des sources de pollution microbienne est recommandé.

Description

E. coli fait partie du groupe des bactéries coliformes et de la famille des Enterobacteriaceae. Il s'agit d'une bactérie anaérobie facultative, à Gram négatif, asporulée et en forme de bâtonnet, qui peut fermenter le lactose et proliférer dans une large gamme de températures (7 à 45 °C), avec une température de prolifération optimale de 37 °C (Ishii et Sadowsky, 2008; Percival et Williams, 2014). Les bactéries coliformes sont souvent définies en fonction de leur capacité d'exprimer les enzymes β-galactosidase et β-glucuronidase. E. coli se trouve en grand nombre dans le tractus intestinal et les matières fécales des humains et des animaux à sang chaud. La bactérie est aussi présente chez de nombreux animaux à sang froid (Tenaillon et coll., 2010; Gordon, 2013; Frick et coll., 2018). Certaines souches d'E. coli peuvent s'adapter pour vivre indépendamment des matières fécales et devenir des membres naturalisés de la communauté microbienne dans des habitats environnementaux. Les souches naturalisées peuvent croître et se maintenir dans l'environnement si les conditions sont favorables (Ashbolt et coll., 1997; Ishii et Sadowsky, 2008; Jang et coll., 2017).

Dans les matières fécales humaines, E. coli est présent à des concentrations se situant entre 107 et 109 cellules par gramme (g) et représente environ 1 % de la biomasse totale du gros intestin (Edberg et coll., 2000; Leclerc et coll., 2001). Dans deux études distinctes, la bactérie a été détectée chez 94 % et 100 % des sujets humains testés (Finegold et coll., 1983; Leclerc et coll., 2001). Ces valeurs sont grandement supérieures à celles signalées pour les autres membres du groupe des bactéries coliformes et ne sont égalées ou dépassées que par les entérocoques et certaines espèces de bactéries anaérobies (Bacteroides, Eubacterium). E. coli représente environ 97 % des organismes coliformes présents dans les excréments humains, les autres étant les Klebsiella spp. (1,5 %) et les Enterobacter et Citrobacter spp. (1,7 % au total). Dans les eaux usées non traitées, la proportion d'E. coli diminue généralement par rapport aux autres coliformes, représentant moins de 30 % des coliformes dans ces eaux (Ashbolt et coll., 2001). Néanmoins, des bactéries E. coli résistantes au stress semblent persister, voire proliférer, dans les installations de traitement des eaux usées et sont rejetées dans les eaux traitées (Zhi et coll., 2016). Les eaux usées traitées peuvent aussi contribuer à la présence de bactéries résistantes aux antibiotiques dans les eaux de surface en aval des usines de traitement des eaux usées (Day et coll., 2019; Logan et coll., 2020). Le nombre de bactéries E. coli dans les matières fécales d'animaux varie considérablement, mais il va généralement de 103 à 109 cellules/g(Ashbolt et coll., 2001; Tenaillon et coll., 2010; Yost et coll., 2011; Ervin et coll., 2013). Chez les animaux domestiques, E. coli représente de 90 % à 100 % des coliformes présents dans les excréments (Dufour, 1977).

Bien que la vaste majorité des types d'E. coli soient sans danger, certaines souches de cette bactérie peuvent causer des maladies gastro-intestinales, ainsi que des complications graves sur le plan de la santé (par exemple colite hémorragique, syndrome hémolytique urémique, insuffisance rénale) et des infections urinaires. Néanmoins, même pendant les éclosions, les concentrations des souches non pathogènes d'E. coli d'origine fécale dépasseront celles des souches pathogènes dans les sources d'eau (Degnan, 2006; Soller et coll., 2010a).

La numération d'E. coli dans les eaux utilisées à des fins récréatives peut être rapide et facile, et des études épidémiologiques ont montré l'existence d'une corrélation entre la concentration d'E. coli dans les eaux douces et le risque de maladies gastro-intestinales chez les baigneurs (Dufour, 1984; Wade et coll., 2003; Wiedenmann et coll., 2006; Marion et coll., 2010). Au Canada, la plupart des recommandations au sujet de la qualité des eaux douces naturelles utilisées à des fins récréatives privilégient l'utilisation d'E. coli comme indicateur de contamination fécale pour la prise des décisions de santé publique. Par ailleurs, les entérocoques sont maintenant utilisés de plus en plus fréquemment.

Présence dans le milieu aquatique

Une fois les bactéries fécales excrétées par leurs hôtes humains ou animaux, la survie d'E. coli dans les eaux utilisées à des fins récréatives dépend de nombreux facteurs dont la température, l'exposition au rayonnement solaire, la présence de nutriments, les caractéristiques de l'eau comme le pH et la salinité, ainsi que la concurrence et la prédation par les autres microorganismes (Korajkic et coll., 2015). De nombreux auteurs ont fait état de la capacité du sable, des sédiments et de la végétation aquatique de prolonger la survie, la réplication et l'accumulation de microorganismes fécaux (Whitman et Nevers, 2003; Whitman et coll., 2003; Ishii et coll., 2006; Olapade et coll., 2006; Kon et coll., 2007a; Hartz et coll., 2008; Byappanahalli et coll., 2009; Heuvel et coll., 2010; Verhougstraete et coll., 2010; Whitman et coll., 2014; Devane et coll., 2020). On croit que ces milieux procurent des températures et des concentrations de nutriments plus favorables que dans le milieu aquatique adjacent et qu'ils protègent par ailleurs les bactéries contre certains agents stressants comme le rayonnement solaire. En plus de survivre, certaines souches d'E. coli peuvent devenir naturalisées et proliférer dans l'environnement (Power et coll., 2005; Byappanahalli et coll., 2006; Ishii et coll., 2006; Kon et coll., 2007b; Byappanahalli et coll., 2012b). La prolifération d'E. coli dans l'environnement vient limiter son utilisation à titre d'indicateur de contamination fécale. Toutefois, même si E. coli n'est pas exclusivement associé aux déchets fécaux récents, il est admis qu'E. coli est principalement d'origine fécale et demeure un indicateur utile de la qualité des eaux utilisées à des fins récréatives.

Association avec les agents pathogènes

La présence d'agents pathogènes fécaux dans les eaux utilisées à des fins récréatives, notamment des bactéries entériques, des virus entériques et des protozoaires parasites, dépend fortement des sources de contamination fécale qui ont une incidence sur la zone de baignade. Leur présence dans l'environnement peut être sporadique et leur concentration peut être éminemment variable. Par conséquent, la surveillance des indicateurs de contamination fécale est la méthode utilisée au lieu de la surveillance directe des agents pathogènes. La présence d'E. coli dans l'eau indique une présence potentielle d'agents pathogènes fécaux qui pourraient entraîner un risque accru pour la santé des baigneurs.

L'association entre E. coli et certains agents pathogènes entériques varie grandement. Selon plusieurs études antérieures, le taux de survie d'E. coli est semblable au taux de survie de bactéries pathogènes entériques (Rhodes et Kator, 1988; Korhonen et Martikainen, 1991; Chandran et Mohamed Hatha, 2005). En outre, d'après une étude, la probabilité de détecter des Salmonella ou des E. coli producteurs de Shiga-toxines (STEC) augmente au même rythme que la concentration d'E. coli, bien qu'aucun échantillon n'ait permis à lui seul de prouver hors de tout doute la présence ou l'absence de ces agents pathogènes (Yanko et coll., 2004). D'autres études ont fait part de probabilités accrues de détection des agents pathogènes entériques (Campylobacter, Cryptosporidium, Salmonella et E. coli O157:H7) lorsque la densité d'E. coli dépasse 100 ufc/100 mL (Van Dyke et coll., 2012, Banihashemi et coll., 2015; Stea et coll., 2015). De manière générale, Edge et coll. (2012) ont conclu que, dans les bassins hydrographiques agricoles du Canada, une forte présence d'agents pathogènes d'origine hydrique était associée à des concentrations supérieures d'E. coli. Cependant, les auteurs estimaient qu'on ne pouvait affirmer, sur la base de faibles concentrations d'E. coli, qu'il n'y avait pas d'agent pathogène d'origine hydrique. De nombreuses études ont également fait part d'une absence de corrélation entre les concentrations d'E. coli et la présence de virus entériques et de protozoaires entériques dans les eaux de surface, ce qui dénote des sources de contamination fécale différentes et une longue persistance de ces agents pathogènes par rapport aux bactéries indicatrices de contamination fécale (Griffin et coll., 1999; Denis-Mize et coll., 2004; Hörman et coll., 2004; Dorner et coll., 2007; Edge et coll., 2013; Prystajecky et coll., 2014). Dans l'ensemble, la présence d'E. coli ne permet pas de prédire de manière fiable celle d'agents pathogènes fécaux précis (Wu et coll., 2011; Edge et coll., 2013; Lalancette et coll., 2014; Banihashemi et coll., 2015; Krkosek et coll., 2016), mais malgré cette limite, elle peut indiquer un risque accru de la présence d'agents pathogènes.

Importance de la présence d'entérocoques dans les eaux utilisées à des fins récréatives

À l'instar d'E. coli, les entérocoques sont utilisés comme indicateur primaire de contamination fécale. La détection de fortes concentrations d'entérocoques dans les eaux douces ou marines signale la présence potentielle de matières fécales et donc de bactéries, de virus ou de protozoaires pathogènes d'origine fécale.

Description

Les entérocoques sont des membres du genre Enterococcus. Le genre a été créé pour accueillir les espèces du genre Streptococcus les plus caractéristiques des matières fécales, qui étaient auparavant appelées streptocoques du groupe D. En pratique, les termes entérocoques, streptocoques fécaux, Enterococcus et entérocoques intestinaux sont utilisés indistinctement (Bartram et Rees, 2000). Les entérocoques sont des bactéries à Gram positif de forme sphérique qui répondent aux critères suivants : croissance à des températures variant de 10 à 45 °C, survie à 60 °C pendant 30 minutes, croissance en présence d'une concentration de 6,5 % de chlorure de sodium et à un pH de 9,6 et aptitude à réduire le bleu de méthylène à 0,1 % (Bartram et Rees, 2000; APHA et coll., 2017). Ils sont également définis en fonction de leur capacité d'exprimer l'enzyme β-glucosidase.

On présume que le genre Enterococcus compte plus de 30 espèces, classées selon 5 ou 6 groupes importants (E. faecalis, E. faecium, E. avium, E. gallinarum, E. italicus et E. cecorum) (Svec et Devriese, 2009; Byappanahalli et coll., 2012a). E. faecalis et E. faecium se trouvent en quantités importantes dans les excréments humains et animaux et constituent les espèces les plus fréquemment observées dans les milieux aquatiques pollués par des matières fécales (Bartram et Rees, 2000). Les autres espèces couramment isolées à partir des matières fécales, mais présentes en moins grand nombre, comprennent E. durans, E. hirae, E. gallinarum et E. avium (Pourcher et coll., 1991; Moore et coll., 2008; Staley et coll., 2014). Les entérocoques sont très présents dans les excréments humains et animaux, où leurs concentrations peuvent atteindre 106 ou 107 cellules/g (Sinton, 1993; Edberg et coll., 2000). Des études de la flore intestinale humain mentionnées par Leclerc et coll. (2001) ont montré que les espèces du genre Enterococcus étaient présentes chez tous les sujets testés.

Les entérocoques sont utilisés comme indicateur de contamination fécale dans les eaux douces et marines et sont associés au risque de maladies gastro-intestinales chez les baigneurs (Cabelli, 1983; Kay et coll., 1994; Pruss, 1998; OMS, 1999; Wade et coll., 2003, 2006, 2008; Napier et coll., 2017).

Présence dans le milieu aquatique

Des entérocoques ont été détectés dans des échantillons d'eau provenant de divers habitats (Yamahara et coll., 2009; Byappanahalli et coll., 2012a; Staley et coll., 2014). On en trouve aussi régulièrement dans les eaux douces et marines récréatives qui sont touchées par une contamination fécale d'origine humaine ou animale. Globalement, il semble que les concentrations d'entérocoques dans les excréments et les déchets urbains sont d'une à trois fois moins élevées que celles d'E. coli (Sinton, 1993; Edberg et coll., 2000). Comparativement à d'autres microorganismes indicateurs (par exemple E. coli et coliformes thermotolérants), les entérocoques peuvent présenter une plus grande résistance à certaines formes de stress environnemental dans les eaux utilisées à des fins récréatives, comme le rayonnement solaire et la salinité. Ils se montrent également plus résistants aux techniques de traitement des eaux usées, notamment la chloration, et ont une survie prolongée dans les sédiments marins et d'eau douce (Davies et coll., 1995; Desmarais et coll., 2002; Ferguson et coll., 2005). La source des entérocoques peut avoir une incidence sur leur persistance, les entérocoques provenant des bovins étant plus persistants que ceux présents dans les eaux usées (Korajkic et coll., 2013). Selon des études, les entérocoques peuvent survivre et croître dans des milieux riches en matière organique, comme les amas d'algues vertes Cladophora (Byappanahalli et coll., 2003; Whitman et coll., 2003; Verhougstraete et coll., 2010), et dans certains habitats (par exemple sable, sédiments, sol) (Ran et coll., 2013; Staley et coll., 2014).

Comme dans le cas d'E. coli, l'existence de souches naturalisées restreint l'interprétation des données de surveillance (Whitman et coll., 2003; Byappanahalli et coll., 2012a), mais il est admis que les entérocoques détectés dans les échantillons d'eau sont principalement d'origine fécale et qu'ils demeurent un indicateur utile permettant de déterminer la qualité des eaux utilisées à des fins récréatives.

Association avec les agents pathogènes

Aucune corrélation directe n'est attendue entre les concentrations d'indicateurs de contamination fécale et la concentration d'un agent pathogène précis. Dans un bassin hydrographique, les indicateurs et les agents pathogènes peuvent provenir de multiples sources différentes et, une fois rejetés dans les sources d'eau, ils subissent des taux de dilution, de transfert et d'inactivation différents (Wilkes et coll., 2009). Bien que certaines études aient à l'occasion permis d'observer une corrélation entre la présence d'entérocoques et la détection d'un agent pathogène particulier, l'association est généralement faible (Brookes et coll., 2005, Wilkes et coll., 2009). Une étude portant sur des échantillons d'eau de surface prélevés en divers endroits des bassins versants du sud de la Californie a permis de constater une bonne valeur prédictive pour la détection des souches de STEC par PCR et la détection d'entérocoques par des méthodes fondées sur la culture (Yanko et coll., 2004). Les auteurs ont signalé qu'à une concentration supérieure à 100 nombre le plus probable (NPP)/100 mL, la probabilité de détection des STEC s'établissait entre 60 et 70 % environ. Comme dans le cas d'E. coli, les entérocoques ne permettent pas de prédire la présence de virus et de protozoaires (Griffin et coll., 1999; Schvoerer et coll., 2000, 2001; Jiang et coll., 2001, Jiang et Chu, 2004).

Il ne faudrait pas interpréter la présence ou l'absence d'entérocoques dans un échantillon comme un indice de la présence ou de l'absence de microorganismes pathogènes entériques dans ce même échantillon. Les entérocoques sont considérés comme des indicateurs généraux de contamination fécale et sont couramment surveillés, puisque des études épidémiologiques ont montré que des concentrations accrues dans les zones récréatives dénotaient un risque accru d'effets néfastes sur la santé.

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