Partie II – Leadership

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Introduction

La profession des armes au Canada ne peut être exercée que dans une dimension collective, sous la direction du gouvernement, au sein d’une seule entité : les FAC. Pour la plupart des membres, les FAC constituent une carrière de toute une vie. Comparativement à d’autres professions, les effectifs y sont jeunes. Les membres s’enrôlent à un jeune âge et en viennent à occuper des postes de direction relativement tôt, après quelque 20 années de service.

Leur perfectionnement professionnel est l’un des principaux axes d’investissement des FAC. Parce que les FAC ne peuvent recruter leurs dirigeants auprès du secteur privé, et encore moins auprès de leurs concurrents, elles doivent s’en remettre entièrement à elles-mêmes pour former leurs futurs dirigeants dans un environnement à la fois hiérarchique et compétitif.

Forger le leadership au sein des FAC est donc une vaste entreprise qui occupe une grande partie de leurs activités. Il s’agit d’un processus interne, minutieux et sophistiqué fortement attaché à la gestion de la carrière des membres. Ce processus vise à assurer la compétence professionnelle au fur et à mesure que les membres progressent dans l’organisation. Plus important encore, aux fins de mon examen, ce processus doit également garantir que les FAC choisissent les bons dirigeants, c’est-à-dire ceux qui méritent vraiment la confiance investie en eux pour mener les militaires au péril de leur vie.

Recrutement

Fonctions de recrutement et de génération du personnel

Le système de recrutement des FAC, tel qu’il existe actuellement, pourrait être nettement amélioré. Pour comprendre ses problèmes, il est utile de savoir comment il fonctionne de nos jours.

Le CPM fournit des orientations et des politiques sur les questions relatives aux ressources humaines militaires, surveille la conformité au sein du système et veille à ce que le soutien au personnel soit harmonisé et coordonné. Le groupe Génération du personnel militaire (GENPERSMIL) a une mission plus précise qui consiste à diriger la génération du personnel des FAC afin de garantir un effectif complet de membres dans tous les différents environnements et professions des FAC.

Par ailleurs, le GRFC, qui relève du GENPERSMIL, soutient la capacité opérationnelle des FAC en attirant des candidats, en traitant les dossiers de candidature, en sélectionnant les aspirants militaires et en enrôlant les recrues de la F rég, le Service d’administration et d’instruction des organisations de cadets et les programmes d’instruction d’été pour les autochtones. Le GRFC est également chargé de renvoyer les demandes des citoyens canadiens qui souhaitent s’enrôler dans la Première réserve aux unités appropriéesNote de fin d'ouvrage 814. Le sous-ministre adjoint (Affaires publiques) (SMA(AP)) et, plus particulièrement, le directeur du marketing et de la publicité sont responsables de la publicité de recrutementNote de fin d'ouvrage 815.

En juin 2017, le gouvernement du Canada a publié sa politique de défense : Protection, Sécurité, Engagement. Ce document de politique établissait l’objectif général des FAC en matière de personnel, qui consistait à porter le nombre de membres de la F rég à 71 500 et celui de la F rés à 30 000Note de fin d'ouvrage 816. Cela représentait une augmentation d’environ 3 500 membres de la F rég et de 1 500 membres de la F rés, ainsi que de 1 150 civils de la défense, par rapport aux niveaux approuvés précédemment.

Le Plan de recrutement stratégique (PRS)  « horizon 1 » (PRS) des FAC appuie la politique de défense de 2017 et détermine les cibles annuelles de recrutement de personnelNote de fin d'ouvrage 817. Publié par le COMPERSMIL, le PRS est le produit des examens annuels des professions militaires. Il identifie le nombre optimal de personnes à recruter dans le CAF au cours de l'année identifiéeNote de fin d'ouvrage 818 afin d’assurer la réalisation et le maintien des niveaux de dotation appropriés dans chaque profession militaire, tant pour les officiers que pour les MR.

En outre, le PRS tient compte de la croissance et de la contraction des professions, de la taille de la liste d’instruction de base, des chiffres de l’attrition et de la capacité de formation professionnelle. Le PRS détermine également les professions « prioritaires », qui sont définies comme étant à moins de 90 % des niveaux de dotation souhaités, et les professions « seuils » dont les niveaux de dotation sont de 90 à 95 %.

Le recrutement pour la réserve s’effectue selon un processus distinct. Les unités de la réserve sont en grande partie responsables de leur propre recrutement et de leur instruction de base, qui se déroulent soit dans une unité locale, soit dans un centre d’instruction des FACNote de fin d'ouvrage 819. La DOAD 5002‑1, Enrôlement, précise que les commandants des unités de la Première réserve sont responsables de l’évaluation de leurs besoins en personnel et des postes à doter par voie d’enrôlement, de l’orientation des candidats vers un centre de recrutement en vue du début du processus de sélection et d’enrôlement, de la conduite du processus d’évaluation et de reconnaissance des acquis, de la sélection des candidats admissibles et aptes, et de la tenue de la cérémonie d’enrôlement et d’assermentation des candidatsNote de fin d'ouvrage 820. Actuellement, la Réserve de l’Armée canadienneNote de fin d'ouvrage 821 se charge de son propre recrutement, y compris du traitement des demandes et des examens médicaux. La Réserve navale effectue également son propre recrutement, mais les tests médicaux sont facilités par le GRFC. Celui‑ci traite les demandes des candidats intéressés par la Réserve de l’ARCNote de fin d'ouvrage 822.

À première vue, ces divers processus peuvent sembler bien établis et fonctionner sans anicroche, mais en réalité, ils ont besoin d’être remaniés. On m’a dit que le système de recrutement des FAC n’attire pas systématiquement les bonnes personnes, pour les bons rôles, et au bon moment. Il y a des pénuries chroniques dans les mêmes professions, et les objectifs d’équité en matière d’emploi ne sont pas atteintsNote de fin d'ouvrage 823. Ces pénuries exercent des pressions considérables pour recruter, former et retenir les recrues, en particulier dans certaines professions.

Problèmes récents de recrutement et reconstitution des FAC

L’exercice 2019–2020 a été plutôt une année type, les FAC ayant recruté 5 171 nouveaux membres. En 2020–2021, pendant la pandémie, l’objectif du PRS était de 5 400, mais seulement 2 023 recrues ont été engagées. Je comprends que, pour 2021–2022, l’objectif d’admission de la F rég était de 6 769, mais que plusieurs facteurs, dont la pandémie, ont plafonné le nombre de recrues pouvant être forméesNote de fin d'ouvrage 824. Pendant ce temps, selon un article du Canadian Army Today, le nombre total de candidats a nettement augmenté pour atteindre 78 150 en 2020–2021, comparativement à 60 000 en 2019–2020. L’attrition a également été inférieure à la normale en 2020–2021Note de fin d'ouvrage 825. Cependant, le nombre de membres dans la F rég a en fait diminué de 2 300 en 2020–2021, et les FAC ont un « milieu manquant » de près de 10 000 postes vacants , dont beaucoup dans les rangs intermédiaires : officiers subalternes, militaires du rang supérieur et officiers, si l’on se base sur les directives de planification du CEMDNote de fin d'ouvrage 826.

Comme l’indique le Canadian Army Today, il faudra des années pour combler le déficit de recrutement d’environ 3 000 personnes pour 2020–2021. De plus, la capacité des FAC à dispenser une formation militaire de base et une formation professionnelle initiale fait en sorte qu’il lui est difficile d’accueillir un nombre inhabituellement élevé de recrues comparativement à une année normale. Voilà qui limite sa capacité à s’adapter rapidement lorsqu’il pourrait être possible ou souhaitable de recruter un plus grand nombre de personnes.

Étant donné les difficultés en matière de personnel, le CEMD par intérim a lancé une mise en garde en juillet 2021 : la pandémie, les taux d’attrition, le contexte international et les changements démographiques menaçaient de mettre en péril la capacité des FAC à recruter des talents, à les former et à les retenir – une situation compromettant en retour la disponibilité opérationnelle actuelle et la bonne marche à long terme des Forces armées canadiennes. Par conséquent, le CEMD a entrepris un effort de « reconstitution » dans le cadre duquel les FAC renforceront la capacité, la disponibilité opérationnelle et les compétences du personnel, afin d’assurer leur capacité à protéger les citoyens et les intérêts du CanadaNote de fin d'ouvrage 827.

Le plan de reconstitution assoira les fondements des activités et des priorités des FAC au cours des prochaines années et sera articulé autour de trois axes :

  • la priorisation des efforts et des ressources sur les gens – pour reconstruire [la] force [militaire tout] en apportant des changements très nécessaires à certains aspects de la culture des FAC;
  • la disponibilité opérationnelle – afin de garantir la capacité des FAC à continuer de mener ses opérations à bien; et
  • la modernisation – afin de développer les capacités dont les FAC ont besoin et d’adapter leur structure pour qu’elles puissent faire face à la nature changeante des conflits et des opérationsNote de fin d'ouvrage 828.

Les principales tâches de planification du plan de reconstitution des FAC ont été déterminées, notamment celles qui sont directement liées à la fonction de recrutementNote de fin d'ouvrage 829. Tous les commandements des FAC ont été chargés de veiller à ce que l’ACS+ éclaire les activités de planification. Cette démarche permettra de renforcer la diversité et de définir de nouvelles mesures ou politiques visant à atténuer les risques à moyen et à long terme, ou les effets négatifs, sur les opérations et la carrière des membres.

Le COMPERSMIL a pour sa part été chargé de renforcer les capacités de recrutement pour répondre aux besoins opérationnels comme aux aspirations en matière de diversité, et de déterminer les lacunes dans certaines professions, afin d’établir les priorités du recrutement. Le COMPERSMIL a également pour mission de superviser la rationalisation de la mutation entre éléments, par exemple le transfert de la F rés à la F régNote de fin d'ouvrage 830 et les processus de réenrôlement des réservistes. En outre, le COMPERSMIL a été chargé de la mise en œuvre et la rationalisation des cours décentralisés de qualification militaire de base, cette décentralisation étant une mesure provisoire destinée à continuer jusqu’à ce que l’entrainement de base soit centralisé de nouveau dans le COMPERSMIL en 2022-23, à part certaines exceptions. Enfin, le COMPERSMIL et CCPC sont conjointement chargés de mettre en place l’équipe d’action des femmes en uniforme et de veiller à ce que tous les efforts de génération de personnel soient façonnés par des efforts significatifs de changement de culture.

Le processus de recrutement des FAC est lourd

Les FAC recrutent et forment des candidats dans la profession qu’ils ont choisie. Les Canadiens et Canadiennes peuvent se joindre aux FAC comme officiers ou comme militaires du rang (MR). Les officiers détiennent une « commission » et sont chargés de planifier, de diriger et de gérer les opérations militaires et les activités de formation au sein des FAC. Ils sont généralement titulaires d’un diplôme universitaire, une exigence pour de nombreux postes d’officiers. Les officiers peuvent s’engager dans le cadre du Programme de formation des officiers – Force régulière (PFOR) et être sélectionnés pour fréquenter un collège militaire ou une université civile. Il est également possible de s’enrôler dans le cadre du Programme d’enrôlement direct en qualité d’officier (PEDO)Note de fin d'ouvrage 831 à condition d’être déjà titulaire d’un diplôme universitaire approprié pour la profession souhaitée. Parmi les professions qui s’offrent à eux, on peut mentionner les suivantes : pilote, ingénieur aéronautique, officier des systèmes de combat aérien, officier de guerre navale, officier du génie des systèmes de combat maritime, officier de l’infanterie/de l’artillerie/des blindés et officier de la logistique/avocat militaire/officier du renseignement.

Les MR ont un rang inférieur à celui des officiers et ne sont pas soumis à l’exigence d’études universitaires. Les professions des MR peuvent être, entre autres, celles de technicien de marine, de soldat d’infanterie, d’opérateur de sonar, de cyberopérateur, de technicien en systèmes aéronautiques et de technologue de laboratoire médical. Les MR qui possèdent l’expérience militaire et les qualités personnelles requises pour servir en tant qu’officiers peuvent sortir du rang et devenir officiers dans le cadre du Programme d’intégration des officiers sortis du rang (PIOSR)Note de fin d'ouvrage 832. Ils peuvent également devenir officiers dans le cadre du Programme de formation universitaire à l’intention des militaires du rangNote de fin d'ouvrage 833 en bénéficiant d’une formation de premier cycle subventionnée.

Les candidats souhaitant se joindre aux FAC peuvent postuler en ligneNote de fin d'ouvrage 834 ou se rendre dans l’un des centres de recrutement des FAC répartis dans tout le Canada. Certaines étapes du processus de demande, comme le test d’aptitude des Forces canadiennes (TAFC) et l’examen médical requis, se font en personneNote de fin d'ouvrage 835. Le personnel du GRFC se déplace également pour élargir la portée du recrutement et faire passer le TAFC, mener des entretiens et effectuer des tests médicaux. En outre, les FAC paient certaines dépenses pour les candidats qui doivent parcourir une longue distance pour se rendre dans un centre de détachement/recrutement.

Les étapes du processus de recrutement sont les suivantes.

  • Le candidat présente une demande en ligneNote de fin d'ouvrage 836.
  • Il soumet les documents personnels requisNote de fin d'ouvrage 837.
  • Aux fins de la vérification de fiabilité :
    • La candidate remplit le formulaire.
    • Les FAC effectuent la vérification.
    • Celle-ci comprend une vérification des antécédents et du casier judiciaire.
  • Aux fins du TAFCNote de fin d'ouvrage 838 :
    • Le candidat se soumet à une série de trois épreuves d’aptitude. On teste ses compétences verbales, sa capacité à résoudre des problèmes et ses aptitudes spatiales.
    • Ce test se fait en personne dans un centre de recrutement des Forces canadiennesNote de fin d'ouvrage 839.
    • Les FAC travaillent actuellement à la mise en place d’un TFAC virtuel qui pourrait être administré à distance.
    • Le résultat du TAFC est soit une réussite, soit un échec et il permet d’éliminer les 10 % de candidats les moins performants. Le résultat du TAFC est utilisé pour déterminer si le candidat est apte à exercer la profession de son choixNote de fin d'ouvrage 840.
  • Aux fins du test de personnalité adaptatif :
    • Un test de personnalité adaptatif est actuellement en cours d'élaboration et mis à l’essai pour être utilisé dans les futures procédures de sélection des Forces canadiennesNote de fin d'ouvrage 841.
    • La candidate doit également remplir en ligne un inventaire de personnalité, qui fournit des informations sur ses caractéristiques et ses qualités personnelles.
  • Aux fins de l’examen médical :
    • Le Bureau médical des recrues (BMR), qui relève du directeur général – Services de santé, est chargé de l’examen médical des candidats.
    • Le personnel médical du centre de recrutement des forces canadiennes effectue un examen physiqueNote de fin d'ouvrage 842 qui consiste à vérifier la grandeur, le poids, la vision, la perception des couleurs et l’audition. Le candidat remplit aussi un questionnaire sur ses antécédents médicaux et fournit notamment des renseignements précis sur les médicaments qu’il prend.
    • Un médecin militaire du BMR examine ensuite le dossier médical pour déterminer si des restrictions pourraient avoir une incidence sur l’instruction ou la carrière du ou de la candidate.
    • Dans certains cas, un suivi par un spécialiste de l’extérieur est nécessaire, ce qui peut allonger la durée de cette étape.
  • Aux fins de l’entrevueNote de fin d'ouvrage 843 :
    • Une entrevue avec un conseiller en carrières militaires (CCM) vise à évaluer les qualités personnelles et les expériences de vie de la candidate.
    • L’entrevue est menée soit en personne au détachement du GRFC, soit en ligne.
    • Pendant la partie de l’entretien consacrée à la situation personnelle, le CCM tient compte des critères d’admissibilité et d’aptitude et discute des politiques en matière de discrimination et de harcèlement, ainsi que de la consommation de médicaments non prescrits, de cannabis et d’alcool. Une déclaration de compréhension de ces politiques est examinée et signée par la candidate.
  • Les FAC évaluent leurs besoins et préparent une liste de concours/de mérite fondée sur les candidatures et le plan de recrutement des FAC.
  • Les candidats sélectionnés reçoivent une offre d’enrôlement dans les FAC.
  • Avant d’être enrôlé, le candidat signe un engagement initial de durée variable (EIDV).

La figure 5 est un ordinogramme résumant le processus de recrutement militaire, extrait du Rapport de conseil sur le processus de recrutement militaire de novembre 2019Note de fin d'ouvrage 844.

Figure 5. Processus de recrutement militaire. Cette figure décrit les étapes du processus d’attraction

Cette figure décrit les étapes du processus d'attraction et de recrutement militaire et indique les organisations/intervenants qui doivent prendre en charge chaque volet du processus.

Cette figure décrit les étapes du processus d'attraction et de recrutement militaire et indique les organisations/intervenants qui doivent prendre en charge chaque volet du processus.

  • Description longue de la figure 5
    • Attraction
      • Activités réalisées par le DMP et le QG GRFC
        • Campagne de sensibilisation
          • Publicité
          • Activités communautaires
          • Médias numériques et sociaux
    • Processus de recrutement militaire
      • Activités réalisées par le QG GRFC
        • Présentation d'une demande d'enrôlement
          • Déterminer le programme d'enrôlement
          • Affecter le postulant au centre de recrutement le plus près
      • Activité réalisée par le centre de recrutement
        • Réalisation de tests par le candidat
          • Confirmation de l'âge, de la citoyenneté et des études
          • Test d'aptitude
          • Déclaration d'usage de médicaments sans ordonnance
      • Activité réalisée par divers intervenants
        • Évaluation du postulant
          • Évaluation médicale et approbation du BMR
          • Entrevue
          • Lancement du processus de l'enquête de sécurité
      • Activité réalisée par le QG GRFC
        • Traitement final
          • Liste des postulants par ordre de mérite
          • Sélection
          • Lettre d'offre
      • Activité réalisée par le centre de recrutement
        • Enrôlement
    • Instruction
      • Activité réalisée par le COMPERSMIL et les trois armées
        • QMB/QMB(O) et instruction professionnelle

*QMB : Qualification militaire de base, QMB(O) : Qualification militaire de base des officiers.

Tout candidat aux FAC doit avoir « une bonne réputation ». Cela peut être déterminé en partie si la personne est en mesure d’obtenir un niveau approfondi de fiabilité conformément à la Politique de sécurité du ministère de la Défense nationale. La DOAD 5002-1, Enrôlement, précise aussi que les candidats doivent se conformer aux politiques des FAC concernant l’inconduite liée à l’alcool, l’inconduite sexuelle, le harcèlement, l’usage illicite de drogues et le comportement raciste. Enfin, les candidats ne doivent pas être assujettis à des obligations judiciairesNote de fin d'ouvrage 845.

Une fois que les tests, l’examen médical et l’entrevue sont terminés, le GRFC prépare une liste de concours/de mérite fondée sur les candidatures et le plan de recrutement des FAC. Cette liste tient compte des disponibilités en matière de formation, car les FAC ne peuvent accepter des recrues qui ne pourraient être formées dans un délai raisonnable. Les candidats qualifiés sont sélectionnés pour des professions et des programmes d’enrôlement précis, et reçoivent ensuite une offre d’emploi dans une de ces professions.

L’enrôlement ou l’intégration dans les FAC se fait en trois phasesNote de fin d'ouvrage 846 qui consistent en une entrevue pré‑enrôlement (distincte de l’entrevue suivant la présentation d’une demande d’enrôlement), une séance d’information sur les documents d’enrôlement et une cérémonie d’enrôlementNote de fin d'ouvrage 847.

Un CCM ou un officier témoin mène l’entrevue individuelle à la date d’enrôlement prévue et remplit le formulaire CF 92, « Mise à jour et déclaration précédant l’enrôlement/la mutation ». Cette étape confirme la situation personnelle du candidat et garantit qu’il comprend parfaitement les politiques des FAC relatives à son emploi. Les déclarations de compréhension signées précédemment par le candidat, dont la déclaration de compréhension du résumé des politiques des FAC en matière de discrimination et de harcèlement, sont vérifiées avant l’enrôlement et sont confirmées par un CCM ou un officier témoin pendant l’entrevue. Le CF 92 est ensuite signé par le CCM ou l’officier témoin et par le candidatNote de fin d'ouvrage 848. Bien que le CF 92 ne comprenne pas d’engagement à respecter la politique des FAC en matière d’inconduite sexuelle, le candidat accepte expressément, dans sa déclaration de compréhension, de se conformer pleinement à la politique des FAC en matière de discrimination, de harcèlement et de conduite professionnelle. Il reconnaît également que tout manquement à cet égard peut entraîner des mesures disciplinaires et/ou administratives, y compris la libération.

Enfin, au cours de la cérémonie d’enrôlement, le candidat prête serment ou fait une affirmation solennelle. Il s’agit d’un événement officiel traditionnel, auquel les candidats sont encouragés à inviter leur famille et leurs amis comme témoins.

Il est largement reconnu, même par le commandant du groupe GENPERSMILNote de fin d'ouvrage 849 que le processus de recrutement actuel est lourd. En raison du grand nombre d’étapes à franchir et de procédures à respecter, les candidats subissent des retards importants tout au long du processus. Les observations suivantes montrent clairement que le système est boiteux et trop complexe.

  • Protection, Sécurité, Engagement : La politique de défense du Canada fait ressortir la lenteur du système de recrutement qui empêche de rivaliser avec le marché du travail concurrentiel du Canada, ainsi que le manque de communication efficace des possibilités d’emploi gratifiantesNote de fin d'ouvrage 850.
  • Les processus de recrutement sont loin d’être optimaux, en raison des retards qui surviennent à divers moments, notamment lors du TAFC, de l’examen médical et des vérifications de fiabilitéNote de fin d'ouvrage 851. Le TAFC est normalement terminé avant que le candidat ne soit convoqué à un examen médical ou à une entrevueNote de fin d'ouvrage 852 mais certains processus peuvent se télescoper s’ils sont prévus le même jour (par exemple, pour les candidats qui viennent de loin)Note de fin d'ouvrage 853.
  • Le GRFC a évalué que le délai moyen de traitement pour l’enrôlement dans les FAC a augmenté au cours des trois dernières années, dépassant largement les 300 jours entre le moment où le candidat est « prêt pour le test » et celui où « il est enrôlé »Note de fin d'ouvrage 854. La durée médiane du processus entre l’exécution du TAFC et l’enrôlement s’établit à 103 joursNote de fin d'ouvrage 855.
  • L’examen du dossier médical constitue un goulot d’étranglement particulier. On m’a informée qu’il y a actuellement un arriéré de quatre mois, ce qui représente le retard le plus important dans le processus de recrutement, étant donné que le dossier médical est suspendu jusqu’à ce qu’un médecin militaire l’examine. Le Rapport de conseil sur le processus de recrutement militaire de 2019 indique que l’examen du dossier médical par le BMR représentent environ 33 % du retard totalNote de fin d'ouvrage 856. Certaines recrues m’ont également dit qu’il fallait un temps considérable avant d’obtenir une autorisation de sécurité, surtout pour les personnes qui ont vécu ou sont nées à l’extérieur du Canada.

Par ailleurs, le TAFC n’a pas été validé récemment, et vu les attentes de la nouvelle génération – sans parler des changements potentiels touchant les exigences des FAC – ce test pourrait se révéler désuet et nécessiter une réévaluationNote de fin d'ouvrage 857.

Le rapport de 2017 de la VAEMS concernant le CMR de Kingston recommande que le TAFC soit revalidé dans les meilleurs délais, puis tous les cinq ans par la suiteNote de fin d'ouvrage 858. Il est troublant de constater que les candidats autochtones obtiennent des résultats plus faibles au TAFC que les candidats non autochtones, ce qui indique un possible biais dans les testsNote de fin d'ouvrage 859. Dans le même ordre d’idées, lors de ma visite au CMR de Kingston, on m’a fait part de préoccupations que le TAFC pourrait ne pas être conforme à l’ACS+, et plus particulièrement que des athlètes féminines universitaires entreprenaient le processus d’enrôlement pour se voir ensuite écartées en passant le TAFC, même si le bureau du registraire les avait jugées aptes à fréquenter le collège. De plus, une étude de 2020 de RDDC a conclu ce qui suit :

  • Les candidats comme les candidates affichent des taux de réussite au TAFC similaires au seuil du 10e percentile.
  • Il existe des différences plus importantes dans les taux de réussite entre les candidats et les candidates au seuil du percentile supérieur (c.-à-d. le 30e percentile).
  • Les candidats obtiennent en moyenne des résultats totaux plus élevés au TAFC que les candidates, ce qui semble être principalement attribuable aux résultats du sous-test « résolution de problèmes ». Ceci n’est pas incompatible avec les conclusions générales qui portent sur les différences entre les sexes en matière de résolution de problèmes mathématiquesNote de fin d'ouvrage 860.

Cette étude réalisée en 2020 recommandait que les FAC effectuent une analyse du fonctionnement différentiel des items pour prouver ou réfuter scientifiquement le biais sexiste du TAFC.

Il convient de noter que les processus de recrutement actuels des FAC ne sélectionnent pas formellement les candidats en fonction de questions et d’attitudes liées à la diversité culturelle, au harcèlement sexuel et à l’inconduite sexuelle, bien que ces questions soient abordées pendant l’entrevue.

Efforts déployés par les FAC pour recruter des femmes

En 2016, le CEMD a demandé aux FAC d’accroître le nombre de femmes dans les Forces armées dans une proportion de 1 % par année, dans le but d’atteindre une représentation de 25 % en 2026Note de fin d'ouvrage 861. Cependant, selon le rapport sur l’équité en matière d’emploi des FAC pour 2020–2021, les femmes représentent actuellement 16 % de la F rég, 16,9 % de la P rés et 16,3 % de l’ensemble des FACNote de fin d'ouvrage 862. L’enrôlement des femmes au cours des cinq dernières années a oscillé autour de 17 %, selon les données des FAC, sauf en 2020–2021 (ce qui pourrait être attribuable à la pandémie)Note de fin d'ouvrage 863. Je comprends qu’environ 28 % des candidats sont des femmes, mais étant donné que 65 % des femmes postulent les mêmes emplois de soutien, elles ne peuvent pas toutes être enrôléesNote de fin d'ouvrage 864. Les FAC réussissent mieux à recruter des femmes pour les collèges militaires et peuvent atteindre l’objectif de 25 % pour ce groupe démographique. Elles attirent proportionnellement plus de femmes parmi les officiers que parmi les MR, et ce, de manière constante. Par exemple, selon les données des FAC, en 2020–2021, 25,9 % des recrues chez les officiers étaient des femmes. Toutefois, seulement 14,8 % des recrues des MR étaient des femmes. Par conséquent, le pourcentage total de femmes recrutées en 2021–2022 était de 17,4 %Note de fin d'ouvrage 865.

En 2017, dans le but de progresser vers l’objectif global de 25 %, un groupe de réflexion de l’équipe spéciale du GRFC a produit une liste exhaustive d’enjeux et de recommandations, notamment d’ordre systémique et tactique, visant à augmenter le nombre de femmes qui s’enrôlent dans les FACNote de fin d'ouvrage 866. Par exemple :

  • Redéfinir la « cellule familiale » pour que les politiques et les allocations des FAC reflètent les réalités contemporaines et ne découragent pas les femmes qui ont des préoccupations familiales d’envisager une carrière dans les FAC.
  • Veiller à ce que la publicité destinée au public canadien mette en valeur le rôle d’aide humanitaire des FAC, le côté restaurateur des missions et les conditions de vie sûres pendant les déploiements.

Je constate que le rapport de l’équipe des Tigres a eu une certaine influence, mais qu’il n’a pas été adopté par les FAC et que ses recommandations n’ont pas fait l’objet d’un suivi ou d’une mise en œuvre officielleNote de fin d'ouvrage 867.

Le Rapport de conseil sur le processus de recrutement militaire a été intégré au plan d’audit axé sur le risque du SMA(SE) pour les exercices financiers 2018–2019 à 2020–2021. Dans le cadre de l’élaboration de ce rapport, un échantillon représentatif des dossiers de demande d’enrôlement dans les FAC a été extrait en vue d’un suivi approfondi du processus. Des entrevues avec le personnel clé ont été menées pour déterminer si les stratégies d’attraction et le processus de recrutement aidaient les FAC à atteindre leurs objectifs. Les délais de traitement des demandes ont également été examinés afin de savoir s’ils avaient été réduits. Le rapport de novembre 2019, confirmant que les FAC n’atteignaient pas leurs objectifs en matière de professions prioritaires, d’égalité entre les sexes et de diversité, présentait des recommandations supplémentairesNote de fin d'ouvrage 868. Le rapport recommandait, entre autres, que le COMPERSMIL et le SMA(AP) concluent une entente d’attraction nationale conjointe pour documenter les rôles et les responsabilités des deux organisations et déterminer les possibilités de collaboration. Il recommandait aussi de déterminer et de recueillir des mesures sur les activités d’attraction, afin de favoriser une prise de décision plus éclairée. En outre, le rapport indiquait qu’un meilleur suivi et une meilleure compréhension des taux d’abandon des candidats aux étapes clés du processus de recrutement permettraient aux FAC de mieux favoriser la diversité des genres et une plus grande inclusivité.

Plus récemment, Deloitte a réalisé un examen exhaustif du recrutement en indiquant la manière de mettre en œuvre les changements nécessaires. Il a formulé les recommandations suivantes :

  • Passer à un modèle opérationnel de recrutement proactif axé sur l’efficacité et sur l’expérience du candidat.
  • Définir la proposition de valeur des talents des FAC et la stratégie de marque de l’employeur.
  • Faire passer la stratégie de marketing et d’attraction du recrutement de « l’exclusion » à « l’inclusion » grâce à la personnalisation.
  • Tirer parti des meilleures pratiques de marketing et d’attraction pour augmenter le nombre de candidats, et accroître leur diversité en réduisant les obstacles au processus de demande d’enrôlement.
  • Améliorer le cadre de mesure du rendement pour jauger l’efficience et l’efficacité des activités de recrutement et s’orienter vers un processus décisionnel axé sur les données pour la fonction de recrutement.
  • Rationaliser le processus d’examen médical.
  • Mettre à l’essai un processus d’examen médical pour démontrer les possibilités et les obstacles d’un processus de recrutement entièrement numériqueNote de fin d'ouvrage 869. [traduit par nos soins]

Autres préoccupations au sujet du recrutement

Le repérage et le développement des talents sont essentiels à la réussite du changement de culture au sein d’une organisationNote de fin d'ouvrage 870. En fin de compte, la fonction de recrutement des FAC continuera à se détériorer si les goulots d’étranglement dans ses processus complexes persistent. Trouver les meilleurs talents devrait être une priorité absolue, et pour ce faire, les FAC doivent régler la complexité problématique de leur stratégie de recrutement; sinon, les candidats de choix chercheront des possibilités d’emploi ailleurs. Avec la réduction constante du personnel des FAC, un autre dilemme se pose. Les FAC ne peuvent recruter qu’autant de personnes qu’elles peuvent en former, ce qui constitue un cercle vicieux. Les formateurs étant moins nombreux, le processus de recrutement s’enlise. Dans le cadre de l’effort de reconstitution, les FAC explorent actuellement des possibilités d’augmenter leur capacité, dont l’embauche d’instructeurs à l’ELRFC, la décentralisation de la formation des recrues et le recours aux réserves pour soutenir le recrutement et/ou la formationNote de fin d'ouvrage 871. Toutefois, si les rares ressources en personnel sont redirigées vers la fonction de formation, cela pourrait également avoir un impact sur la disponibilité de personnel adéquat pour les opérations nationales et internationales. Il s’agit d’un équilibre délicat à atteindre, les décisions étant prises en grande partie au niveau politique. En attendant, l’avenir du recrutement de femmes dans les FAC n’est pas reluisant. Tant le GRFC que le commandant de la GENPERSMIL m’ont dit qu’il y a peu ou pas de chance que les FAC obtiennent une représentation féminine de 25 % d’ici 2026Note de fin d'ouvrage 872. En fait, aucun de mes interlocuteurs n’a indiqué que cet objectif pouvait être atteint de façon réaliste.

Les candidates à l’enrôlement dans les FAC sont surtout attirées par les postes de soutien (officière de logistique, technicienne de gestion du matériel, administratrice des ressources humaines, technicienne médicale/dentaire, médecin militaire, infirmière militaire, officière du renseignement, administratrice des services financiers, steward, cuisinière, etc.) et par un nombre limité de postes de la Force aérienne (officière du génie aérospatial et officière du contrôle aérospatial) Note de fin d'ouvrage 873. Je constate que ces postes ne représentent que 33 % du PRSNote de fin d'ouvrage 874.

Un facteur important qui contribue à attirer les femmes vers ces types de postes est le fait que ces emplois sont traditionnellement exercés par des femmes. Cela reflète la tendance plus large observée dans les universités et sur le marché, où les femmes se rassemblent généralement dans des professions traditionnellement dominées par les femmes, ou y sont dirigées.

Étant donné que le nombre de postes de soutien disponibles est inférieur au nombre de candidates, les femmes sont finalement écartées. Ce scénario serait bien différent si un plus grand nombre de femmes présentaient leur candidature pour des rôles traditionnellement dominés par les hommes. Toutefois, cette tendance pourrait être difficile à renverser.

La pénurie de recrues féminines, en particulier dans les professions à prédominance masculine, n’est pas le résultat d’un manque d’efforts de la part des centres de recrutement. Bien au contraire! Les centres s’efforcent de rediriger les candidates vers les professions où l’on a le plus besoin d’elles. Plusieurs recrues féminines nous ont dit qu’on leur avait conseillé de choisir l’infanterie ou les blindés, car c’était un moyen sûr d’être acceptées. Malheureusement, un officier supérieur a affirmé que même si le GRFC parvenait à recruter 25 % de femmes pour les métiers des armes de combat, la résistance de la communauté des armes de combat à l’égard de ces recrues rendrait difficile l’intégration d’autant de femmes dans ses rangs.

Les femmes ont été admises dans les armes de combat à la suite des essais réalisés dans le cadre du Programme d’emploi des femmes dans des postes liés au combat en 1987 et d’une ordonnance du TCDP en 1989, comme je l’explique dans la section consacrée à l’histoire des femmesNote de fin d'ouvrage 875. Depuis lors, leurs luttes ont été exposées dans de nombreux témoignages, dont le livre Seule au front: Un témoignage de la première officière de l’infanterie canadienne de Sandra Perron.

Les stéréotypes archaïques et les préjugés sexistes jouent un rôle important dans la difficulté d’intégration des femmes dans la communauté des armes de combat. Face au scepticisme concernant leurs capacités physiques ou les difficultés supposées de la conciliation travail‑famille, de nombreuses femmes n’envisagent même pas ce type de travail.

Il n’est pas surprenant que ces obstacles bien ancrés, combinés à un passé d’inconduite sexuelle et à un environnement hostile et peu accueillant, puissent être très dissuasifs pour les femmes.

Plusieurs membres des FAC qui se sont adressées à moi, y compris des officières de haut rang, ont admis avoir des doutes à savoir si elles resteront dans les FAC et conseilleraient à leurs filles de ne pas s’y joindre. Des élèves-officières/aspirantes de marine nous ont dit avoir été confrontées à l’inquiétude et à l’opposition de leurs amis et de leur famille au sujet de leur intention de se joindre à une organisation dont la culture est aussi toxique. Par ailleurs, bon nombre d’entre elles m’ont dit qu’elles voulaient s’engager précisément pour changer les choses pour d’autres femmes – pour faire leur petite part dans la réalisation du changement.

Intégration et premières formations

Les défis à relever pour attirer plus de femmes dans les FAC ne se limitent pas au seul recrutement. J’ai également appris que la façon dont les FAC forment leurs nouveaux membres, notamment en ce qui concerne la QMB et la QMBO ainsi que la formation professionnelle initiale, n’est pas sans faille. Voici les sujets de préoccupation dont on m’a fait part :

  • le montant de la rémunération et des indemnités reçues pendant l’instruction de base et les autres formations;
  • le temps que les nouveaux membres doivent attendre avant et entre les cours de formation;
  • le fait que les FAC envoient généralement les jeunes recrues loin de l’endroit où elles ont été recrutées, sans leur fournir l’information, la préparation ou le soutien financier adéquats (ce qui est particulièrement problématique pour des jeunes parents ou des jeunes mariés); et
  • la norme d’aptitude physique requise et sa pertinence, en particulier dans les nombreuses professions qui n’exigent pas le même niveau d’aptitude physique que celui qui serait requis et auquel on pourrait s’attendre dans le cadre d’un déploiement.

Ce sont là autant d’obstacles potentiels qui empêchent d’attirer d’autres bons candidats au sein des FAC, notamment des femmes.

Le recrutement d’un nombre approprié de nouveaux membres n’est qu’une des dimensions de l’effort actuel de reconstitutionNote de fin d'ouvrage 876. La qualité des recrues est sans doute une considération encore plus importante aujourd’huiNote de fin d'ouvrage 877. Dans la culture actuelle des FAC, et dans celle à laquelle elles aspirent, il est plus important que jamais de pouvoir déterminer, attirer et retenir le bon type de personnes. Cela comprend les candidats qui ont le potentiel de devenir de bons soldats, aviateurs et marins, mais aussi ceux qui ont la capacité de répondre aux attentes morales et éthiques des FAC modernes. Afin de bien saisir ces qualités essentielles, l’expérience de recrutement et de formation doit être recadrée et ajustée, notamment par une stratégie de sélection qui élimine les candidats qui ne répondent pas aux attentesNote de fin d'ouvrage 878.

Les opinions divergent en ce qui concerne l’attrition précoce. Certaines parties prenantes estiment que les FAC devraient recruter le maximum de personnes, puis être prêtes à libérer les recrues et les militaires subalternes qui ne répondent pas aux normes éthiques en vigueur ou ne présentent pas les traits de personnalité appropriés. D’autres croient que des outils supplémentaires, comme la vérification des antécédents au moyen des sources ouvertesNote de fin d'ouvrage 879 devraient être utilisés avant l’enrôlement afin d’alléger le fardeau administratif que représente la libération ultérieure d’un membre qui ne fait pas l’affaire.

Lorsque les nouveaux membres signent l’EIDV au cours du processus de recrutement, ils sont tenus de servir les FAC jusqu’à ce qu’ils soient légalement libérés. L’EIDV indique la durée de l’engagement initial, qui est habituellement de trois ans, mais qui peut être plus longue pour certains emplois et plans de formation. À la fin de l’EIDV, les membres se voient généralement proposer un nouvel engagement, à moins qu’un processus administratif formel ne soit utilisé pour les libérerNote de fin d'ouvrage 880. La politique actuelle des FAC, telle qu’elle est énoncée dans les Instructions du personnel militaire des Forces canadiennes, ne permet pas aux FAC de libérer un membre qui a fait preuve de manquements à la conduite, même s’il a fait l’objet d’une condamnation criminelle, simplement en ne lui offrant pas de nouvelles conditions de service (CS) à l’expiration de ses CS en vigueur. La politique exige également que le DACM effectue un examen administratif si un membre ne reçoit pas de nouvelles conditions de service, afin d’en déterminer la raison, de prendre des mesures correctives et de décider si des CS doivent être offertes au membreNote de fin d'ouvrage 881.

Les FAC devraient écourter leurs processus de recrutement et d’intégration

Du point de vue de la reconstitution des FAC, un effort holistique, déployé dans l’ensemble du système, est nécessaire pour accroître le recrutement et la rétention à long terme de membres adéquatement formés, dotés d’une moralité, d’une éthique et d’un potentiel élevés. Les FAC auraient intérêt à rajuster leurs vieilles procédures afin de raccourcir considérablement le processus d’intégration. Cela créerait une plus grande marge de manœuvre pour l’observation et, au besoin, la libération anticipée, au moyen d’offres d’emploi conditionnelles ou d’une période de probation officielle.

Un processus de recrutement modernisé pourrait établir une période de probation, ce qui permettrait aux FAC d’accélérer le processus d’enrôlement, faciliterait une évaluation plus approfondie pendant la formation et offrirait une plus grande souplesse pour libérer les membres pendant ou à la fin de cette période.

Ce changement nécessiterait quelques ajustements structurels. Actuellement, les nouvelles recrues deviennent, dès leur assermentation, des membres à part entière des FAC bénéficiant d’un salaire complet, d’avantages sociaux et du calcul de la pension de la fonction publique. Ce statut leur donne droit à un examen administratif et à une promesse d’équité procédurale avant toute décision finale de libération en cas de non-renouvellement des CS. Le système actuel repose en grande partie sur le processus de pré-enrôlement pour assurer des sélections appropriées. En raison de sa longueur, ce processus est devenu un facteur dissuasif pour de nombreux candidats à fort potentiel, et il n’est pas adapté à l’évaluation de la personnalité qui est essentielle dans une culture organisationnelle saine.

En ce qui concerne la libération des membres, la DOAD 5019-4, Mesures correctives, reconnaît déjà qu’un « militaire qui s’apprête à suivre ou qui suit l’instruction de base des officiers ou l’instruction des recrues peut tout de même être libéré immédiatement, conformément au chapitre 15 des ORFC, Libération, pour manquement à la conduite » – présumément sans le même fardeau administratif ni la même obligation de prendre une série de mesures correctives progressives auxquelles un membre de longue date des FAC pourrait avoir droitNote de fin d'ouvrage 882.

Compte tenu du temps qu’il faut aux FAC pour former leurs membres, la fin de l’EIDV pourrait également être considérée comme un bon moment pour décider de mettre fin au service d’un membre, et cela pourrait se faire en fonction de paramètres appropriés et des garanties d’équité procédurale en place.

Recommandation no 20

Les FAC devraient restructurer et simplifier leurs processus de recrutement, d’enrôlement et d’instruction de base afin de raccourcir sensiblement la phase de recrutement et de créer une période de probation au cours de laquelle une évaluation plus complète des candidats pourrait être réalisée – et une libération anticipée effectuée, au besoin.

Les FAC doivent également reconnaître qu’elles sont en étroite concurrence avec les employeurs civils qui se disputent le même personnel. Le temps nécessaire pour recruter des candidats dans le cadre du système actuel, qui est très lourd, pose de sérieux problèmes et ne correspond pas aux pratiques modernes en matière de ressources humaines. De plus, en raison de la pénurie actuelle et prévue de personnel dans les FAC, la fonction de recrutement mobilise des centaines de membres qualifiés des FAC qui ne sont pas des experts en recrutementNote de fin d'ouvrage 883. On peut aussi souligner que les recruteurs de première ligne des FAC ne sont pas toujours les meilleurs modèles pour attirer les recrues potentielles. Par exemple, certains centres de recrutement n’ont pas de personnel de recrutement ni de CCM fémininNote de fin d'ouvrage 884. Dans ce contexte, il faudrait envisager de confier les fonctions administratives de recrutement à des civils du MDN ou de les sous-traiter à des compétences externes, ce qui présenterait deux avantages potentiels. Cela réduirait d’abord la fuite du personnel des FAC vers la fonction de recrutement, en libérant ce personnel pour des tâches opérationnelles et en aidant à combler les pénuries qui existent actuellement ailleurs. Ensuite, cela pourrait augmenter le niveau de compétence des recruteurs. Des recruteurs ayant déjà une certaine expérience pourraient en effet être embauchés, et la transformation de la fonction de recrutement en fonction civile permettrait aux personnes employées de rester plus longtemps à leur poste et d’acquérir une expérience à long terme. En attendant, les efforts devraient être axés sur la présentation, aux candidats potentiels, d’un visage plus moderne et plus compétent des FAC, en harmonie avec leur publicité plus soignée.

Recommandation no 21

Les FAC devraient sous-traiter certaines fonctions de recrutement afin de réduire la charge de leurs recruteurs, tout en augmentant la compétence professionnelle de ces derniers.

Les membres des FAC doivent comprendre dès le départ leurs obligations en matière d’inconduite sexuelle

Dans le formulaire de pré-enrôlement CF 92, la recrue accepte d’être liée par la politique antidrogue et les normes d’aptitude physique des FAC, et reconnaît qu’elle pourrait être libérée pour avoir enfreint cette politique ou ne pas avoir satisfait à ces normes. Avant son enrôlement, la recrue signe également une déclaration de compréhension attestant qu’elle a lu et compris un résumé de la politique des FAC en matière de discrimination, de harcèlement et de conduite professionnelle et qu’elle reconnaît que tout manquement à cet égard peut entraîner des mesures disciplinaires et/ou administratives, y compris la libérationNote de fin d'ouvrage 885. La déclaration de compréhension résume les comportements interdits, notamment :

  • Le racisme, le harcèlement personnel ou sexuel, l’inconduite sexuelle et l’abus d’autorité. Ces comportements inappropriés comprennent les actions, le langage ou les blagues qui perpétuent les stéréotypes et les préjugés qui déprécient les personnes en raison de caractéristiques personnelles telles que la race, la couleur, l’origine ethnique, la religion, le sexe, l’orientation sexuelle, des caractéristiques physiques ou des manières particulières. Les déclarations interdites expriment le racisme, le sexisme, la misogynie, la violence, la xénophobie, l’homophobie, le capacitisme, ainsi que les opinions discriminatoires relativement à des religions ou à des croyances particulières.

Le formulaire de pré-enrôlement CF 92 devrait être modifié en précisant que l’on s’attend à ce que les nouveaux membres se conforment aux politiques des FAC en matière de discrimination, de harcèlement et de conduite professionnelle, ainsi qu’au Code de valeurs et d’éthique du MDN et des FC, et que tout manquement à cet égard pourrait entraîner une libération immédiate. À tout le moins, cela indiquerait que ces questions sont tout aussi importantes pour les FAC que les normes d’aptitude physique. Un processus de libération accélérée devrait être mis en place en cas de violation manifeste des politiques pendant l’entraînement de base ou à la fin d’une période de probation, afin de réduire l’investissement des FAC dans des membres inadéquats. L’expression, par des mots ou des actions, d’une attitude raciste, homophobe ou misogyne, devrait être traitée dès le départ. S’inspirant de leur compétence en matière d’inculcation de la discipline, les FAC devraient déployer des efforts similaires pour détecter les attitudes et les comportements inacceptables. Elles devraient également se demander si ces comportements peuvent être corrigés aussi facilement que les déficiences sur le plan des compétences techniques ou de la discipline.

Les FAC devraient réexaminer le moment des divers tests de sélection pour le recrutement

Au cours des deux premières semaines d’instruction de base, les recrues pratiquent et passent des épreuves d’aptitude physique dans le cadre de l’évaluation FORCE, lesquelles comprennent une levée de sacs de sable, une course-navette intermittente avec charge, une traction de sacs de sable et une course précipitée sur 20 mètres. Les recrues doivent réussir ces épreuves pour pouvoir poursuivre l’instruction de base. On peut leur proposer 90 jours supplémentaires d’entraînement physique pour réussir l’évaluation FORCE, qui, en cas d’échec, entraîne la libération immédiate des FAC.

J’estime que la même approche rigoureuse devrait être appliquée pour l’évaluation d’autres qualifications et comportements importants. Compte tenu des lacunes en matière de recrutement et de la volonté de recruter les meilleurs candidats, les FAC devraient examiner les avantages de repousser le TAFC, les tests médicaux requis, le suivi médical et/ou la vérification de fiabilité après l’admission.

Sinon, il serait possible d’ajouter des mécanismes de contrôle au processus existant, mais cela augmenterait probablement la complexité de procédures de recrutement déjà inefficaces. Il est difficile de savoir ce qui pourrait être fait de plus pour éliminer efficacement les candidats indésirables, bien que le CCPC étudie activement des outils qui pourraient être utilisés à cet effet. À titre d’exemple, un récent examen externe du harcèlement sexuel à la GRC a conclu que cette dernière devrait suivre les recommandations suivantesNote de fin d'ouvrage 886 :

  • Effectuer des vérifications des antécédents efficaces et détaillées sur les opinions des candidats sur la diversité et les femmes.
  • Éliminer les candidats qui ne sont pas en mesure de travailler avec les femmes, les Autochtones, les minorités racialisées ou les personnes LGBTQ2S+ et qui ne sont pas disposés à accepter les principes d’égalité et d’égalité des chances pour tous.
  • La sélection doit tenir compte de tous les incidents de harcèlement et de violence familiale.

Cependant, des questions subsistent quant aux moyens de dépister les croyances, les valeurs morales et les opinions culturelles inappropriées ou dangereuses. En l’absence d’outils de dépistage, la période de probation offre une bonne solution.

Recommandation no 22

Les FAC devraient mettre en place de nouveaux processus qui permettraient d’évaluer et de traiter de manière appropriée les attitudes problématiques en matière de culture et de genre à un stade précoce, avant ou après le recrutement.

Conclusion

Mes propositions visent à répondre au double volet de mon mandat : l’inconduite sexuelle et le leadership. Je me suis concentrée ici sur l’attraction des femmes et sur une manière efficace et durable de servir dans les FAC. La solution au problème du manque de recrutement de femmes n’est pas simple. Un simple changement de l’image de marque ne suffira pas à y remédier. Il s’agit d’un problème systémique qui nécessitera des efforts concentrés de la part de l’ensemble des FAC. En attendant qu’un changement culturel en profondeur s’opère et que la réputation des FAC soit rétablie, le recrutement des femmes demeurera un défi.

Formation et éducation professionnelle militaires

Situation actuelle

Le programme d’instruction des FAC est un système sérieux et bien développé qui forme ses membres à diverses professions et occupations. L’ACD et les écoles d’instruction des FAC jouent chacune un rôle dans l’élaboration et la livraison de ce programme. L’éthique, l’éthos militaire, le harcèlement et l’inconduite sexuelle (y compris de la formation conçue dans le cadre de l’opération HONOUR) sont maintenant des matières enseignées à grande échelle, à la fois aux nouveaux membres des FAC et à ceux déjà en poste. Ces thèmes sont régulièrement revisités au cours de l’instruction que reçoivent les membres tout au long de leur carrière.

L’ACD relève du COMPERSMILNote de fin d'ouvrage 887. L’ACD est l’autorité de formation des FAC pour le perfectionnement professionnel offert à tous les membres, notamment en ce qui concerne le leadership et l’éthique. Elle agit à titre de chapiteau organisationnel abritant le groupe de l’éducation, qui est composé des collèges militaires, du CFC et de l’Institut Osside.

Le Système de perfectionnement professionnel des Forces canadiennes accompagne les officiers et MR des FAC tout au long de leur carrière et constitue un processus séquentiel de développement en éducation, instruction et auto perfectionnementNote de fin d'ouvrage 888. Il offre un environnement d’apprentissage continu qui vise à développer et améliorer les capacités et le leadership des membres des FAC. Ce programme éducatif est partiellement auto administré et s’appuie sur du matériel produit pour et par l’ACD. La carrière d’un officier ou d’un MR compte cinq périodes de perfectionnement professionnel (PP) allant de PP 1 à PP 5. Par exemple, le cours QMB(O) pour les officiers et le cours QMB pour les MR font tous deux partie de la PP 1. De même, le plan de cours du Programme de commandement et d’état-major interarmées (PCEMI), qui est donné par le CFC à Toronto, est tiré des éléments pertinents de la PP 3 de l’éducation militaire professionnelle des officiers.

École de leadership et de recrues des Forces canadiennes

L’ELRFC est responsable de l’instruction militaire de base pour les officiers F rég et les MR qui se joignent aux FAC, ainsi que certains membres de la F rés. Elle est également responsable de certains programmes subséquents de perfectionnement professionnel pour les officiers et MR. L’ELRFC forme environ 5 000 nouveaux membres par an, et 3 000 militaires supplémentaires obtiennent de la formation à distance de l’ELRFC, selon le site Web de l’ELRFCNote de fin d'ouvrage 889. L’école a la capacité de fournir une instruction de base à un nombre limité de personnes. Cette limite de capacité à former les recrues est en partie la cause de certaines lacunes en matière de recrutement et restreint la capacité des FAC à accueillir un plus grand nombre de recrues chaque année. La pandémie a eu une incidence temporaire sur la capacité de l’école à fournir l’instruction de base. Celle-ci n’a donc formé qu’une fraction de sa cohorte habituelle en 2020-2021. L’ELRFC, selon son site Web, emploie plus de 600 militaires et civils.

Les élof/aspm qui se joignent aux FAC, que ce soit par le biais du PFOR ou du PEDO, doivent suivre le QMBO à la Garnison Saint-JeanNote de fin d'ouvrage 890. Le cours s’étend sur sept à quatorze semaines, selon le parcours de l’élève : collège militaire, Programme d’intégration des officiers sortis du rang ou PEDO. La QMB, le programme d’instruction de base parallèle pour les militaires du rang, s’étend quant à lui sur dix semaines.

L’instruction militaire de base enseigne l’éthos militaire canadien, qui comprend notamment les valeurs militaires canadiennes de devoir, de loyauté, d’intégrité et de courage, ainsi que les valeurs canadiennes de respect de la dignité de toute personne, de diversité, et d’obéissance et d’appui à l’autorité légaleNote de fin d'ouvrage 891. L’instruction aborde également la stratégie des FAC en matière de diversité ainsi que la prévention et la résolution du harcèlement. Les cours sont composés de scénarios éthiques, de discussions dirigées et d’un aperçu des conséquences en cas de non-respect des directives et politiques. Ces conséquences prennent la forme de mesures disciplinaires et administratives y compris la libération des FAC. Finalement, l’instruction présente les outils que les FAC mettent à la disposition de tous les membres, tels que l’application mobile Respect dans les FAC, le site Web du Programme d’éthique de la DéfenseNote de fin d'ouvrage 892 le programme d’aide aux membres et la possibilité de rencontrer des conseillers en éthique et harcèlement.

En ce qui concerne l’inconduite sexuelle à l’ELRFC, ce qui était appelé EISF-IS à l’époque, a demandé au DGRAPM de mener le Sondage sur les inconduites sexuelles dans les Forces armées canadiennes (SISFAC) auprès des élof/aspm et recrues qui complétaient respectivement leur QMBO et leur QMB, car ils n’ont pas été administrés par Statistique Canada. En 2018, le DGRAPM a analysé les résultats du sondage provenant des recrues complétant leur QMB, et en 2019, ceux du sondage provenant des élof/aspm complétant leur QMBO. Le DGRAPM a conclu qu’environ 1 % des répondants complétant leur QMBO et 2,2 % de ceux complétant leur QMB ont rapporté avoir été victime d’une agression sexuelle. Au total, 86,4 % des élof/aspm et 91,2 % des recrues ont dit avoir été le témoin ou la cible de comportements sexualisés lors de leur QMBO ou QMB. Le type de comportement rapporté le plus fréquemment par les deux groupes était les blagues à caractère sexuel. Au total, 37,8 % des élof/aspm ont dit avoir été la cible de comportements sexualisés lors de leur QMBO, alors que pour les recrues complétant leur QMB, ce pourcentage s’élevait à 49 %. Le DGRAPM a également conclu que les élof/aspm et recrues qui ont été témoins de CSDI n’ont pas toujours agi en réponse à ces derniers. Les deux raisons les plus fréquentes pour ne pas avoir agi étaient l’incertitude quant au risque réel encouru par la personne ciblée par le comportement ainsi que l’incertitude quant à la nécessité d’agirNote de fin d'ouvrage 893.

Pour ce qui est de savoir si des données de ce type sont toujours recueillies à l’ELRFC et s’il est possible d’évaluer les progrès réalisés dans ce domaine, on m’a informée que l’ELRFC distribue actuellement des questionnaires à la fin des cours afin d’interroger les candidats sur leur expérience générale. Ces questionnaires, intitulés « évaluations du climat d’instruction » [traduit par nos soins], sont remplis anonymement. Bien qu’ils offrent un espace pour inscrire des commentaires négatifs de quelconque nature, ces questionnaires n’ont pas été conçus pour interroger précisément les élèves au sujet des incidents d’inconduite sexuelle, signalés ou non. Étant donné les chiffres élevés contenus dans le SISFAC, l’ELRFC devrait continuer de rester à l’affût des incidents d’inconduite sexuelle, y compris, peut-être, en utilisant des questionnaires anonymesNote de fin d'ouvrage 894.

Collège des Forces canadiennes

Le CFC continue la formation en leadership des officiers supérieurs des FAC. La mission du CFC est de préparer « des officiers supérieurs des Forces armées canadiennes, des officiers étrangers et des dirigeants de la fonction publique et du secteur privé à occuper des postes de commandement et d’état-major interarmées ou à remplir des responsabilités stratégiques futures au sein d’un environnement de sécurité mondial complexe »Note de fin d'ouvrage 12. Le CFC offre plusieurs programmes intensifs destinés aux officiers supérieurs et hauts fonctionnaires gouvernementaux. Ces programmes sont offerts en résidence ou à distance. Ils fournissent de l’éducation supplémentaire en matière de leadership formel et une formation plus approfondie sur l’éthique de la Défense, sur des enjeux reliés au genre ou à la diversité, ainsi que sur du contenu sur l’inconduite sexuelle provenant de l’opération HONOUR.

Parmi ces programmes, on retrouve :

  • le Programme d’état-major sur les opérations interarmées, qui est offert aux capitaines, lieutenants de vaisseau, majors et capitaines de corvettes qui sont, ou seront, employés pour la première fois au sein d’un quartier général au niveau opérationnel ou stratégiqueNote de fin d'ouvrage 896.
  • le PCEMI, qui a pour but de préparer des officiers supérieurs sélectionnés de l’Équipe de la Défense possédant un grade de major ou lieutenant-colonel, ou leurs équivalents dans la marine, à remplir des fonctions de commandement ou d’état-major dans l’environnement opérationnel futur. Les élèves du PCEMI peuvent soumettre leur candidature pour accéder à la maîtrise en études de la défense du CMR KingstonNote de fin d'ouvrage 897 et
  • le Programme de sécurité nationale, pour les colonels, les capitaines de vaisseau, les officiers de nations alliées de grades similaires, et les hauts fonctionnaires canadiens et étrangers. Il s’agit d’un programme en résidence de 10 moisNote de fin d'ouvrage 898.

Dans le cadre du PCEMI, qui fait partie de la PP 3 des officiers des FACNote de fin d'ouvrage 899 les officiers reçoivent environ 20 heures de formation officielle sur le leadership, et notamment sur des thèmes comme l’éthique, la culture militaire et la diversitéNote de fin d'ouvrage 900. L’enseignement de l’éthos des FAC aborde les valeurs militaires canadiennes de devoir, d’intégrité, de loyauté, de courage (tout spécialement lorsqu’on est témoin d’écarts de conduite), d’intendance des ressources, d’excellence et de servir le Canada avant soi-même. Il se penche également sur les valeurs canadiennes de respect de la dignité de toute personne, de diversité, et d’obéissance et d’appui à l’autorité légaleNote de fin d'ouvrage 901. Tout comme à l’ELRFC, des scénarios éthiques sont discutés en classe. De plus, le PCEMI aborde des enjeux concernant l’alignement de la culture militaire sur la société dans son sens large, les liens entre les différentes facettes de la diversité et la culture et l’identité militaires, les perspectives basées sur l’ACS+, les approches pratiques d’application de la conscientisation culturelle dans le but de garantir l’efficacité du leadership, et l’analyse fondée sur le genre dans la planification opérationnelle.

Institut Osside

L’Institut Osside se consacre à l’éducation des MR de grades supérieurs et offre de nombreux cours actuellement donnés en ligne ou selon une formule d’apprentissage en résidence, à distance ou hybride. Des programmes de formation tels que le Programme de leadership intermédiaire, le Programme de leadership avancé, le Programme de leadership supérieur et le Programme de nominations supérieuresNote de fin d'ouvrage 902 sont offerts selon le grade du membre. Par exemple, le Programme de leadership intermédiaire s’adresse aux membres qui sont candidats au grade de maître de 1re classe et d’adjudant. Son objectif est de les préparer à assumer les fonctions de leadership, de gestion et de supervision liées à leur grade.

Éthique et éthos militaires

La formation à l’éthique et l’éthos militaires est un élément récurrent de l’instruction de base et de la formation au leadership pour tous les membres des FAC. Les FAC s’appuient sur cette formation tout au long de l’évolution de la carrière des officiers via les différentes PP. Servir avec honneur était le texte de référence qui décrivait l’éthos militaire canadien. Les FAC procèdent présentement à la mise à jour de leur éthos militaire et travaillent à finaliser un document intitulé Éthos des FAC : Digne de confiance pour servir.

Les FAC reconnaissent que les forces armées doivent être imprégnées des valeurs canadiennes qui animent une société libre, démocratique et tolérante. L’éthos militaire est composé de quatre valeurs militaires canadiennes essentielles, soit le devoir, la loyauté, l’intégrité et le courageNote de fin d'ouvrage 903. Le nouvel éthos militaire, dont j’ai reçu une ébauche, reformule la vision en trois principes éthiques, six valeurs militaires et huit attentes professionnelles. Une matrice de comportements acceptables et inacceptables présentera des exemples de comportements liés à chaque valeur, y compris les nouvelles valeurs d’inclusion et de responsabilisation.

Ces valeurs militaires fondamentales visent à guider les membres des FAC dans leurs décisions de tous les instants. La valeur d’intégrité est sans doute la valeur militaire qui aligne le plus les obligations éthiques des membres, telles qu’elles sont décrites dans le Code de valeurs et d’éthique du MDN et des FACNote de fin d'ouvrage 904 avec l’éthos militaire. Elle demande d’agir avec honnêteté, d’éviter la tromperie, de respecter les normes éthiques les plus rigoureuses et d’être fidèle aux valeurs institutionnelles et codes de conduite déjà établisNote de fin d'ouvrage 905. Les dirigeants et les commandants doivent tout spécialement faire preuve d’intégrité, puisque montrer personnellement l’exemple peut avoir un effet puissant sur leurs pairs et leurs subordonnés. La valeur de loyauté, tout spécialement envers les compagnons d’armes et l’institution, semble fréquemment entrer en conflit avec celle d’intégrité, comme le démontre le fait que des comportements problématiques évidents et de longue date n’ont jamais été dénoncés ni corrigés, et ce, pendant plusieurs décennies. Ces problèmes sont devenus pleinement et publiquement visibles seulement grâce à leur divulgation dans les médias, à des recours collectifs, et à des examens et audits externes.

Inconduite sexuelle et formation pertinente

Le rapport Deschamps a émis le constat suivant concernant la formation donnée alors par les FAC en matière d’inconduite sexuelle :

  • Les membres des FAC doivent périodiquement recevoir une formation obligatoire, y compris sur les comportements sexuels interdits. Dans la pratique, toutefois, cette formation ne semble pas avoir de grands effets. Un grand nombre de participants ont indiqué que les cours ne sont pas pris au sérieux : la formation sur le harcèlement est tournée en ridicule, le cours est trop théorique et le volet sur le harcèlement est « noyé » parmi tous les sujets sur lesquels porte la formation. Les exposés sous forme de présentation PowerPoint sont surnommés « mort à petit feu par PowerPoint », et la formation en ligne est vertement critiquée. Un certain nombre des personnes interviewées ont aussi manifesté leur scepticisme à l’égard de la formation donnée au sein de l’unité : de l’avis général, les personnes qui donnent cette formation sont souvent complices des comportements interdits. Les participants ont mentionné que les cmdt ne reçoivent pas une formation suffisante et qu’ils sont incapables de définir, d’évaluer et de gérer le harcèlement sexuel.
  • Dans l’ensemble, la [responsable de l’examen externe] a constaté que la formation actuellement donnée ne réussit ni à renseigner les militaires sur ce qui constitue une conduite acceptable, ni à inculquer une culture éthique au sein des FAC. En fait, la formation est peu crédible et, de surcroît, elle entretient la perception que les FAC ne prennent pas au sérieux le problème du harcèlement sexuel et de l’agression sexuelleNote de fin d'ouvrage 906.

Le rapport Deschamps a fait les recommandations suivantes pour s’attaquer aux inconduites sexuelles :

  • Un cours portant exclusivement sur les comportements sexuels inappropriés devrait être offert par petits groupes par des professionnels compétents, en ayant recours à des techniques interactives. La formation donnée au sein des unités devrait être limitée, et la formation en ligne ne devrait être offerte aux militaires du rang que si elle comprend également un volet interactif. Les dirigeants devraient aussi être tenus de suivre une formation régulière sur les comportements sexuels inappropriés et sur leurs responsabilités en vertu des politiques pertinentes. La formation à l’intention de la police militaire devrait insister sur le soutien aux victimes, les techniques d’entrevue et le concept du consentement. Les médecins, les infirmières et infirmiers, les travailleuses et travailleurs sociaux ainsi que les aumôniers auraient aussi intérêt à suivre une formation accrue sur le soutien des victimes de comportements sexuels inappropriésNote de fin d'ouvrage 907.

En réponse au rapport Deschamps, de la formation et du contenu abordant précisément l’inconduite sexuelle ont été élaborés dans le cadre de l’opération HONOUR et diffusés à grande échelle dans l’ensemble des FAC depuis le lancement de l’opération HONOUR en 2015. Comme le stipule la DOAD 9005-1, Intervention sur l’inconduite sexuelle, « les cmdts d’unité ou leurs délégués doivent fournir une instruction et une éducation sur l’opération HONOUR tous les ans conformément à leur plan d’instruction annuel »Note de fin d'ouvrage 908. Les FAC ont annoncé le 24 mars 2021 que l’opération HONOUR « a atteint son point culminant et est progressivement clôturée »Note de fin d'ouvrage 909. Ce contenu sera dorénavant intégré à même les programmes d’instruction des FAC.

Je note que la DOAD 9005-1 stipule que la politique en matière d’inconduite sexuelle et les ressources qui y sont associées doivent être portées à la connaissance:

  1. de tous les candidats à l’enrôlement dans les FAC;
  2. des militaires pendant l’instruction des recrues et l’instruction de base des officiers;
  3. des militaires pendant l’instruction de groupe professionnel militaire;
  4. des militaires pendant les cours de leadership; et
  5. des militaires avant et après un déploiementNote de fin d'ouvrage 910.

L’opération HONOUR procure de la formation en matière de diversité et d’inclusion dans les trois premières PP (PP 1, PP 2 et PP 3) par l’entremise du tronc commun du perfectionnement professionnel. La formation de l’opération HONOUR est également comprise dans les cours d’instruction de base donnés aux MR recrues et aux élof/aspm par l’ELRFCNote de fin d'ouvrage 911. Les cours de formation militaire de base (QMB et QMBO) abordent les politiques en matière de harcèlement, les études de cas de harcèlement et la prévention des CSDI, ainsi que la formation sur l’inclusion et la diversité. Les recrues doivent également reconnaître par écrit qu’elles ont lu et qu’elles respecteront les politiques des FAC en matière de harcèlement. Tous les candidats reçoivent également une copie de la version abrégée de Servir avec honneur.

Ce contenu est également enseigné aux élof/aspm dans les collèges militaires au cours de chaque année. Au cours de la PP 2, le contenu est à nouveau incorporé à l’intérieur de la Qualification élémentaire en leadershipNote de fin d'ouvrage 912 pour les MR, ainsi que dans le Programme de perfectionnement des officiers subalternes des Forces canadiennesNote de fin d'ouvrage 913.

La récente adoption par les FAC de La voie vers la dignitéNote de fin d'ouvrage 914 est une stratégie de changement qui vise à faire en sorte que l’opération HONOUR se concentre sur une stratégie de changement de culture institutionnelle à long terme visant à prévenir et corriger l’inconduite sexuelle plutôt que sur la réponse immédiate aux incidents. La voie vers la dignité est conçue pour aligner les comportements et attitudes des membres des FAC avec les principes et les valeurs de la profession des armes au Canada. L’objectif stratégique 1.1 est de « renforcer les programmes d’éducation et de sensibilisation tout au long de la carrière ». Le groupe du CCPC prévoit travailler avec l’ACD pour mettre en œuvre les objectifs énumérés dans La voie vers la dignité et améliorer les programmes existantsNote de fin d'ouvrage 915.

Lacunes dans les programmes d’instruction des FAC

Divergences entre l’éthos et la doctrine en matière d’éthique des FAC et la réalité

La doctrine actuelle sur laquelle l’instruction au leadership des FAC est fondée est décrite dans de nombreux manuels, dont plusieurs que j’ai pu examiner moi-mêmeNote de fin d'ouvrage 916. L’éthos militaire canadien, de même que les coutumes et pratiques des FAC, sont décrits dans Servir avec honneur. Le Programme d’éthique de la DéfenseNote de fin d'ouvrage 917 est considéré comme étant un programme d’éthique complet basé sur les valeurs. Il sert de guide à la fois au MDN et aux FAC lorsqu’il est question d’éthique. Le Code de valeurs et d’éthique du MDN et des FAC décrit les principes éthiques et les attentes comportementales qui s’appliquent aux employés du MDN et aux membres des FAC. De la même manière, le document Éthos des FAC : Digne de confiance pour servir continuera à définir l’éthos et les normes éthiques que doivent respecter les membres des FAC.

L’instruction donnée aux membres des FAC part du principe éthique de « Respecter la dignité de toute personne ». Les « comportements attendus » liés à ce respect de la dignité de toute personne stipulent qu’en tout temps et en tout lieu, les employés du MDN et les membres des FAC doivent respecter la dignité humaine et la valeur de chaque personne en :

  • 1.1 Traitant chaque personne avec respect et équité.
  • 1.2 Valorisant la diversité et l’avantage de combiner les qualités uniques et les forces propres à une main-d’œuvre diversifiée.
  • 1.3 Favorisant l’établissement et le maintien de milieux de travail sûrs et sains, exempts de harcèlement et de discrimination.
  • 1.4 Travaillant ensemble dans un esprit d’ouverture, d’honnêteté et de transparence qui favorise l’engagement, la collaboration et la communication respectueuseNote de fin d'ouvrage 918.

Le Code de valeurs et d’éthique du MDN et des FAC stipule également que les membres des FAC qui occupent aussi un rôle de leadership ont tout particulièrement la responsabilité d’être un exemple des valeurs militaires des Forces canadiennes et des valeurs et obligations communes énoncées dans le Code de valeurs et d’éthique. Les dirigeants des FAC « doivent développer une culture éthique saine exempte de représailles, veiller à ce que chaque subalterne ait la possibilité de remplir ses obligations éthiques et légales d’agir et inculquer de façon proactive les valeurs que renferme le Code de valeurs et d’éthique »Note de fin d'ouvrage 919.

Malgré l’abondance de matériel d’instruction et de matériel doctrinal, les événements ont démontré que la formation à l’éthique au sein des FAC n’est toujours pas en voie d’atteindre ses objectifs. Il existe un fossé évident entre la rhétorique et la réalité. L’ELRFC qualifie ce phénomène de désalignement entre ce qui est enseigné, soit les valeurs et l’éthos officiels, et ce qui est montré, c’est-à-dire la pratique, les gestes posésNote de fin d'ouvrage 920. Bref, la « formation à l’éthique » n’est tout simplement pas prise au sérieux. De nombreux facteurs expliquent ce désalignement. Le scepticisme apparent des instructeurs envers le contenu qu’ils doivent communiquer, les techniques d’instruction ennuyeuses (« la mort à petit feu par PowerPoint »), et le contraste entre les « vraies compétences militaires » et les « compétences générales » ne sont que quelques-uns de ces facteurs. La révélation au grand jour de dirigeants qui ont depuis longtemps manqué à leur devoir de vivre par ces principes et la domination des jeunes hommes blancs dans la composition même des classes contribuent également à l’enracinement d’une culture à contrecourant des valeurs enseignées. Des élèves m’ont raconté que les attitudes et les comportements de certains membres du personnel des écoles militaires réduisaient la portée du contenu enseigné en matière d’éthique et de culture. Un exemple m’a paru tout particulièrement choquant. Plusieurs jeunes femmes suivant l’instruction de base se sont fait dire qu’elles devraient « prendre la pilule » ou, pire encore, qu’elles devraient obtenir une prescription « pour obtenir la pilule qui arrête leurs règles ». [traduit par nos soins] Non seulement cette suggestion est épouvantable, mais elle illustre également à quel point l’engagement envers la diversité et l’inclusion est purement formel. Malgré toute la matière enseignée en classe à propos de la diversité, ces nouvelles recrues, tout comme la majorité de leurs collègues, vont apprendre très vite que ce qui est attendu, et récompensé, au sein des FAC, c’est la conformité avec un « éthos » masculin et l’élimination des inconvénients de la diversité. Ce qui est très loin d’être en phase avec les attentes et valeurs canadiennes.

Personnel enseignant

Dans une organisation comme les FAC, où la hiérarchie et le leadership sont de la plus haute importance, l’endoctrinement rapide et l’adhésion culturelle sont cruciaux. Ce n’est pas seulement le contenu de la formation à l’éthique qui contribuera à un changement de culture au sein des FAC, mais également la méthode de livraison.

D’abord et avant tout, d’excellents enseignants devraient être responsables des premières phases de l’instruction, et non pas seulement des échelons supérieurs des programmes de perfectionnement professionnel. À l’ELRFC, la moyenne d’âge des nouvelles recrues est de 27 ans. Ce sont des volontaires. Ils entrent dans les FAC avec des idées préconçues et des attentes. Leur première interaction avec l’organisation est importante, et cela ne fait aucun doute que ces personnes comprendront très rapidement l’importance de la discipline. À l’ELRFC, ces recrues apprennent à « vivre avec leur arme », qu’elles portent sur elles en permanence. Voilà un exemple frappant de communication efficace d’un message. Dans le développement de ce que les FAC considèrent comme important, les recrues devraient, au tout début de leur instruction, faire la rencontre et recevoir les enseignements des meilleurs, et non pas de ceux qui ne veulent pas être là, qui ne croient pas en ce qu’ils enseignent, et dont le comportement est en contradiction complète avec les valeurs exprimées par l’organisation.

La loyauté, l’intégrité et le courage sont parfois remplacés par l’abus d’autorité, la mesquinerie et le manque de respect, tous communiqués aux recrues par des supérieurs immédiats qui sont de piètres modèles et mentors. Les hauts gradés des FAC reconnaissent qu’il y a là un problème grave. Les FAC font face depuis longtemps à des problèmes de personnel dans les écoles de formation et dans les postes d’instructeurs au sein des unités opérationnelles, notamment en ce qui a trait à l’utilisation de personnel supplémentaire (non permanent) pour pourvoir ces postes d’instructeurs. On m’a dit qu’une affectation à une unité d’entraînement plutôt qu’à un poste de commandement est vue, dans le milieu des forces de combat en particulier, comme une barrière au cheminement de carrière. Bien que plusieurs sont conscients de l’importance d’instruire la prochaine génération et sont motivés à servir de cette façon, ils hésitent à accepter un poste d’enseignement par peur de voir des portes se refermer ailleurs.

L’approche actuelle doit être inversée. Les talents d’enseignement devraient être reconnus et récompensés, y compris par un meilleur accès à des postes de direction. Un poste d’instructeur devrait ouvrir autant de portes qu’un poste opérationnel. D’autres incitatifs, tels qu’une nouvelle indemnité ou une considération automatique pour une promotion à venir, devraient également être envisagés. Parallèlement à cela, les militaires qui font l’objet d’un examen administratif ou qui ont été l’objet de mesures disciplinaires ne devraient pas être admissibles à un poste d’instructeur.

Recommandation no 23

Les FAC devraient fournir les meilleurs instructeurs et membres du personnel possibles à toutes les écoles de formation. Plus précisément, les FAC devraient :

  • donner la priorité aux affectations aux unités d’entraînement, et surtout à celles procurant de l’instruction aux nouvelles recrues et aux élof/aspm;
  • inciter et récompenser ceux qui, dans l’ensemble des FAC, occupent un poste d’instructeur à l’ELRFC, un autre poste clé d’instructeur ou un poste au sein d’une unité d’entraînement, ou encore qui termine une formation en enseignement. Ces mesures pourraient prendre la forme d’incitatifs salariaux, de promotions accélérées, d’ententes de priorité concernant une affectation future, ou de tout autre moyen efficace;
  • aborder les facteurs qui découragent actuellement ces affectations, tels que les obstacles, réels ou apparents, que représentent les affectations hors régiment lors des promotions ou réaffectations; et
  • garantir une évaluation adéquate des candidatures pour les postes d’instructeurs, autant au niveau des compétences que du caractère.

Une solution potentiellement plus efficace encore pour régler plusieurs de ces problèmes et lacunes systémiques serait de créer un nouveau groupe professionnel d’instructeurs/éducateurs au sein des FAC, ou une nouvelle spécialité au sein d’un groupe professionnel de soutien. Cela permettrait de générer un bassin permanent d’instructeurs professionnels qualifiés ayant la volonté, les compétences et le tempérament requis pour occuper ce type de carrière et de rôle.

Lorsque l’ampleur de la fonction d’instruction déjà présente au sein des FAC est prise en compte, y compris le grand nombre d’écoles de formation, d’unités d’entraînement et de postes d’instructeurs, il apparaît très probable qu’une masse critique existe déjà pour permettre d’envisager sérieusement cette idéeNote de fin d'ouvrage 921. Je suis persuadée qu’un changement de ce type pourrait également servir afin d’attirer une plus grande diversité de membres au sein des FAC du futur. Je suis consciente que l’introduction d’un nouveau groupe professionnel d’instructeurs/éducateurs pourrait être perçue comme une perte nette pour les FAC, puisque ces instructeurs seraient présumément indisponibles ou inadéquats pour les déploiements et les opérations militaires. Cependant, il s’agit là d’une hypothèse qui n’a jamais été testée et qui reflète l’opposition, le mépris et le manque d’appréciation envers un rôle aussi important.

Si on lui donnait sa chance, je crois que la création du groupe professionnel proposé pourrait représenter une nouvelle direction révolutionnaire pour les FAC. De plus, les personnes à qui la tâche d’instructeur serait confiée mettraient sans aucun doute leur savoir et leurs compétences en pratique à l’extérieur des salles de classe et lors des affectations opérationnelles.

Recommandation no 24

Les FAC devraient évaluer les avantages et les désavantages de former un nouveau groupe professionnel d’instructeurs/éducateurs/formateurs au sein des FAC, ou une spécialité au sein des groupes professionnels responsables des ressources humaines, afin de créer un bassin permanent d’instructeurs et d’éducateurs compétents et professionnels.

Formation aux compétences générales

On nous rappelle souvent que le rôle des forces armées est de combattre et défendre les Canadiens et Canadiennes et leurs alliés lors des conflits, et d’aider nos collectivités lorsqu’une catastrophe survient. En réalité, il est tout aussi vrai que la majorité des membres des FAC ne passent pas leur carrière en situation de combat. Pour plusieurs groupes professionnels et professions, les membres ne passeront que quelques mois de leur carrière en zone de combat, ou n’iront même jamais dans une telle zone. Et bien qu’il soit important de s’entraîner au combat et d’y être prêt, je crois que les compétences générales sont également importantes. Les membres ont besoin de compétences en matière de communication, de relations interpersonnelles, de résolution de problème et de gestion de conflit. Ils ont également besoin de créativité, de flexibilité, d’éthique professionnelle, de respect mutuel et d’empathie. Il est également important d’apprendre à s’exprimer bien haut et à communiquer efficacement sur des sujets délicats (tels que les agressions sexuelles et l’inconduite sexuelle), à résoudre les conflits de manière respectueuse, et à aider ses coéquipiers à traiter les autres personnes équitablement.

Dans la mesure où ces compétences sont considérées comme féminines et incompatibles avec la culture guerrière inhérente à la profession des armes, je crois que c’est une perspective qui trahit une conception dépassée de ce qu’est un guerrier moderne efficace. Plusieurs des documents fondamentaux des FAC traitent d’ailleurs de cet enjeu.

L’efficacité opérationnelle est souvent décrite comme la priorité absolue des FAC. De manière intéressante, Le leadership dans les Forces canadiennes : Diriger des personnes définit l’efficacité collective comme l’atteinte de cinq résultats majeurs : le succès de la mission, l’intégration interne, le bien-être et l’engagement des militaires, l’adaptation au monde extérieur, et l’éthos militaire.

Le bien-être et l’engagement des militaires sont subséquemment décrits de manière plus détaillée :

  • On se soucie ici des personnes. Ce résultat est en premier lieu essentiel du point de vue du succès de la mission, en plus de contribuer considérablement à l’intégration interne et à l’adaptation au monde extérieur. On se préoccupe ici des subordonnés, de leur qualité de vie et de leurs conditions de service et, bien sûr, de l’importance de procurer tous les moyens requis pour assurer la protection des forces pendant les opérations. L’engagement est un mouvement tant ascendant que descendant, dans la mesure où les militaires se sont engagés envers les FC et où les FC ont un engagement à remplir envers leurs militaires. Les FC sont le reflet des militaires qui les composent. S’occuper de leurs subordonnés et leur témoigner de la considération est un devoir à la fois intrinsèque et moral des leaders des FC qui se veulent efficacesNote de fin d'ouvrage 922.

Voilà qui démontre bien la nécessité d’intégrer les compétences personnelles à la culture du combat.

Méthodes de formation

En ce qui concerne le matériel de formation et les plans de cours des FAC que nous avons examinés jusqu’à maintenant, ceux-ci se sont avérés plutôt conventionnels (présentations PowerPoint, manuels, sujets de discussion, etc.). Les FAC devraient envisager de nouveaux types de formation concernant l’inconduite sexuelle, y compris des techniques interactives. Elles devraient également s’inspirer de chefs de file dans le domaine, de meilleures pratiques que ces derniers ont instaurées, et surtout des institutions civiles qui font face aux mêmes défis. Finalement, les FAC devraient envisager d’intégrer davantage de tests en temps réel basés sur des scénarios de manquements à l’éthique qui ne sont pas identifiables à l’avance par les recrues comme des simulations.

J’ai aussi entendu dire que la formation connexe et spécialisée n’est parfois offerte qu’en anglais aux membres en poste à l’extérieur du Québec. Le manque de formation en français pourrait avoir une incidence sur l’efficacité de la formation et les attitudes culturelles connexes.

Période d’essai

En tant qu’employeur, le MDN et des FAC ont la responsabilité ultime , d’offrir aux employés un environnement de travail sécuritaire et non toxiqueNote de fin d'ouvrage 923. Je suis consciente des difficultés qui limitent actuellement la capacité des FAC à améliorer leurs opérations d’instruction. Le manque de personnel actuel et prévu fait pression sur les FAC et les écoles de formation pour qu’elles mobilisent les meilleurs instructeurs. La même pression peut également pousser les FAC à vouloir garder des recrues qui démontrent des points de vue ou des attitudes toxiques. Malgré ces défis, lorsqu’il est question de recrues et d’instructeurs, les FAC doivent mettre au point un meilleur processus pour pouvoir repérer et renvoyer rapidement ces individus.

Cela pourrait être fait en transformant l’instruction de base en période d’essai. Je suis consciente qu’une telle approche demanderait non seulement une modification des conditions de service imposées à l’enrôlement, mais également un changement majeur dans la culture des dirigeants. Les FAC approchent traditionnellement leur stratégie de recrutement en faisant confiance à la vieille méthode d’instruction militaire qui vise à « les casser pour mieux les former ». Bien que cette méthode puisse être convenable pour atteindre des objectifs d’instruction restreints, elle est incompatible avec l’éducation plus sophistiquée dont les militaires d’aujourd’hui ont besoin. Conséquemment, et en accord avec la recommandation que j’ai formulée plus haut au sujet du recrutement, les FAC devraient restructurer l’instruction initiale en une période d’essai avec possibilité de libération rapide et sommaire pour toute recrue qui ne démontre ni le désir ni la capacité de répondre aux exigences éthiques et culturelles des FAC.

Recommandation no 25

Les FAC devraient élaborer et mettre en œuvre un processus de libération rapide et accéléré des recrues en période d’essai qui reçoivent leur instruction de base ou qui assistent à des cours élémentaires dans une école de formation, y compris l’ELRFC et les collèges militaires, et qui démontrent une incapacité flagrante à répondre aux attentes des FAC en matière d’éthique et de culture.

Détachements à l’externe

Les FAC opèrent de manière extrêmement autosuffisante. Même si cette autosuffisance est largement dictée par la nature de l’organisation, ses implications sont à la fois positives et négatives. En ce qui a trait aux ressources humaines et à la réforme culturelle, les FAC, comme certaines agences d’application de la loi, ont de la difficulté à rattraper le secteur privé et la fonction publique civile. Cet état de fait est démontré clairement par le temps qu’ont mis les FAC avant de commencer à s’attaquer au problème de l’inconduite sexuelle et de la discrimination que l’on y observe, ainsi que par la relative inefficacité des mesures mises en place jusqu’à maintenant. Je crois qu’il est possible de remédier à ce problème, du moins en partie, en élargissant les possibilités de détachements à l’externe. À l’heure actuelle, les FAC n’offrent pas beaucoup de possibilités en ce sens.

Bien entendu, les FAC établissent et gèrent depuis longtemps des échanges et affectations militaires avec plusieurs alliés internationaux et plusieurs autres pays. Des parties prenantes m’ont indiqué que de tels détachements étaient bénéfiques puisqu’ils aidaient les membres à accroître directement leurs connaissances et leur expertise. Cette perspective reste cependant axée sur le domaine militaire. Les FAC devraient donc envisager d’étendre cette vision pour englober davantage de détachements effectués auprès du secteur privé et d’autres ministères gouvernementaux, et ce, dans le but de favoriser l’acquisition d’une expérience en leadership et en gestion dans d’autres domaines que le seul domaine militaire.

Par exemple, en 2017, l’ARC a mis sur pied un programme de détachement intitulé Programme de bourses de l’ARC afin de faire progresser les compétences analytiques des dirigeants de l’ARC et d’équiper ces derniers avec une meilleure compréhension de la sécurité internationale et des interactions civilo-militaires. Les participants sont détachés à l’extérieur des FAC. Je comprends qu’en 2022, la bourse est offerte en collaboration avec Communitech, un important carrefour d’innovation canadien et partenaire de l’Université de Waterloo. Ce type de détachement à l’externe procure des idées et perspectives qui sont fraîches et nouvelles, qui ne proviennent pas du MDN, et qui aident l’ARC à relever les défis auxquels elle fait actuellement face. Je remarque que certains alliés ont aussi conçu des programmes de détachements externes à leurs forces arméesNote de fin d'ouvrage 924.

Les détachements à l’externe permettent aux membres d’acquérir des compétences et une meilleure compréhension des milieux privés ou gouvernementaux. Ces compétences sont ensuite mises en pratique tout au long du reste de leur carrière et, en définitive, profitent aux FAC. Les membres qui participent à de tels détachements font l’expérience d’un environnement nouveau et différent, ce qui leur permet de développer un point de vue plus large et plus équilibréNote de fin d'ouvrage 925.

Les entreprises privées sont largement en avance sur les FAC en matière de gestion des ressources humaines, de progression de carrière pour les femmes et les groupes minoritaires, et de réponse aux problèmes d’inconduite sexuelle. Catalyst, par exemple, est un organisme international qui travaille à la promotion des femmes dans le monde des affaires et qui offre des outils et ressources pour la recherche et la formationNote de fin d'ouvrage 926. Catalyst reconnaît que les industries et professions dominées par les hommes, c’est-à-dire celles composées à moins de 25 % de femmes, sont tout particulièrement à risque de renforcer des stéréotypes blessants et de créer des environnements hostiles qui rendent le succès des femmes encore plus difficileNote de fin d'ouvrage 927.

Une plus grande ouverture et volonté de partage interorganisationnelle permettraient aux FAC de suivre l’évolution des bonnes pratiques et de tirer profit d’un éventail plus large de recherches, de données, d’outils et d’expériences. De plus, une telle approche contribuerait avantageusement à la gestion des ressources humaines des FAC, en particulier face aux défis présents et futurs en matière de gestion de la diversité. De manière plus générale, l’occasion de se familiariser avec des industries en démarrage et l’utilisation non militaire de la technologie pourrait également intéresser plusieurs membres des FAC.

Finalement, des affectations temporaires à durée flexible à l’extérieur de l’organisation pour quelques officiers supérieurs, et particulièrement des officiers généraux, procureraient aux FAC une agilité supplémentaire en leur permettant de rappeler ces officiers en période de crise afin de répondre aux besoins opérationnels, et ce, sans la cascade de perturbations qui résultent normalement de toute réaffectation d’un dirigeant principal des FAC hors de son poste de commandement opérationnel pour répondre à des exigences militaires urgentes. Cette recommandation s’accorde avec celles que je formulerai plus bas, dans la section sur les ressources humaines.

Recommandation no 26

Les FAC devraient accroître le nombre de possibilités pour les membres des FAC, et tout particulièrement pour les dirigeants principaux et d’officiers généraux, d’être détachés auprès du secteur privé ou d’autres agences et ministères gouvernementaux.

Conclusion

Les recommandations de ce chapitre s’alignent avec celles en lien avec le recrutement. Si les FAC modifient leurs procédures de recrutement pour écourter le processus d’accueil, réduisant ainsi grandement les délais actuels, et introduisent une période d’essai dans leur processus d’enrôlement, alors je crois fermement qu’il y aurait beaucoup plus d’occasions d’observer et d’évaluer réellement le caractère des recrues lors de l’instruction de base et du début de leur formation à une profession précise. Les recrues en période d’essai dans les écoles d’instruction de base et de formation élémentaire qui démontrent une incapacité à répondre aux attentes éthiques et culturelles des FAC devraient être libérées rapidement. La culture des FAC doit changer pour refléter le fait que les recrues qui démontrent des traits de caractère problématiques sont un danger pour leurs pairs et pour le futur des FAC. Le système d’instruction, et tout particulièrement l’ELRFC, devrait avoir le mandat d’évaluer les recrues, tout en ayant conscience qu’une augmentation du niveau d’attrition pourrait survenir dans un tel système.

Cette approche nécessite un bassin d’instructeurs qui sont capables de remplir cette fonction et qui sont eux-mêmes formés, évalués et récompensés adéquatement pour leur capacité à effectuer ce travail. Les FAC doivent trouver des moyens efficaces de mieux s’assurer que toutes les écoles de formation possèdent le meilleur personnel possible, car ces écoles ont la responsabilité de façonner le futur des FAC.

Je n’ai pas eu l’occasion d’examiner en détail l’entièreté des méthodes d’enseignement et du contenu décrits dans le programme éducatif de l’ACD concernant le leadership et les enjeux relatifs à l’inconduite sexuelle. Je me suis attardée plus longuement aux premiers niveaux de formation, plutôt qu’aux niveaux supérieurs de perfectionnement professionnel. De ce que j’ai pu constater, cette formation élémentaire ne semble pas avoir un effet durable sur plusieurs membres des FAC une fois que ces derniers ont quitté les écoles de formation. Ce fut d’ailleurs un thème récurrent dans mes entrevues auprès des parties prenantes.

La plupart d’entre elles n’avaient aucun bien à dire sur la formation reçue sur un ensemble de sujets, y compris l’inconduite sexuelle, la diversité et la discrimination. Ce problème n’est pas exclusif aux membres de longue date; il persiste toujours. Le rapport intitulé Rapport sur la table ronde et rapports du programme MINDS sur le Sondage de Statistique Canada de 2016 et de 2018 sur les inconduites sexuelles dans les Forces armées canadiennesNote de fin d'ouvrage 928 contenait une liste exhaustive de sujets proposés pour améliorer la formation des FAC visant à prévenir l’inconduite sexuelle, et tout particulièrement la violence sexuelle. La clé de toute formation de ce type consiste à s’assurer qu’elle soit progressive et répétitive, et ce, tout au long de la carrière d’un membreNote de fin d'ouvrage 929.

Quant à la formation traitant des CSDI et de l’inconduite sexuelle, je note que plusieurs des recommandations du rapport Deschamps n’ont pas été mises en œuvre comme prévu. La formation pertinente utilisant des techniques interactives n’a généralement pas été donnée par des professionnels qualifiés dans le domaine de l’inconduite sexuelle, surtout pas en petits groupes. Le rapport Deschamps a également mis en garde que la formation donnée au sein des unités pour ces sujets devrait être limitée, et que la formation en ligne ne soit offerte aux militaires du rang que si elle comprenait un volet interactif.

Effectuer très tôt dans la carrière des membres la démonstration que les compétences générales sont toutes aussi importantes que les apprentissages plus techniques aiderait à faire correspondre la doctrine et la réalité. Ces compétences sont essentielles lorsque vient le temps de répondre à des incidents d’inconduite sexuelle. Comme je l’ai mentionné précédemment, la formation sur ces compétences devrait être donnée par des personnes qui possèdent une connaissance et une expertise adéquates dans ce domaine, plutôt que par des personnes en simple position d’autorité dans la chaîne de commandement. En effet, ces dernières sont souvent perçues comme ne faisant que répéter sans émotion le texte qu’on leur a imposé. Cette approche est conforme avec les objectifs détaillés dans l’Objectif stratégique 1.2 de La voie vers la dignité, soit « d’approfondir les connaissances, consulter les partenaires et les parties prenantes externes » Note de fin d'ouvrage 930. C’est dans cette perspective que je recommande aux FAC de réévaluer continuellement l’efficacité du contenu et de la nature de leur formation sur l’inconduite sexuelle, en plus de développer une méthode pour mesurer le succès à long terme. Cela fait maintenant partie du mandat de la CCPCNote de fin d'ouvrage 931. J’encourage les FAC à continuer d’améliorer leur capacité à évaluer les effets de chaque amélioration, et ce, tout en gardant à l’esprit que la qualité des instructeurs et d’autres changements connexes sont également fondamentaux.

Recommandation no 27

Les FAC devraient assurer la pleine mise en œuvre des recommandations contenues dans le rapport Deschamps sur la formation liée aux infractions sexuelles et au harcèlement sexuel.

Collèges militaires

Situation actuelle

Conformément à leur politique et leur pratique depuis longtemps établies de gérer leurs besoins entièrement à l’interne, les FAC sont actives dans le domaine de l’éducation universitaire. Par l’entremise de l’ACD, elles fournissent non seulement de l’instruction et du perfectionnement professionnel à leurs membres, mais également une éducation de niveau universitaire (de premier, deuxième et troisième cycles) dans les deux collèges militaires toujours en activité, soit le CMR Saint-Jean et le CMR Kingston.

Selon les règlements qui les encadrent, les objectifs des collèges militaires sont de préparer et de motiver les élof/aspm à faire carrière dans les Forces canadiennes en qualité d’officiers brevetés et d’améliorer le niveau d’instruction des officiers brevetés :

  • en leur offrant une formation universitaire dans les deux langues officielles et un choix de disciplines assez vaste pour répondre aux exigences particulières des Forces canadiennes (formation universitaire);
  • en développant chez eux les qualités de chef (leadership militaire);
  • en les amenant à s’exprimer dans les deux langues officielles et à comprendre les principes du biculturalisme (bilinguisme); et
  • en leur permettant d’accéder individuellement à un niveau élevé d’aptitude physique (aptitude physique)Note de fin d'ouvrage 932.

Ces objectifs sont souvent appelés les « quatre piliers ».

Le CMR Kingston a été fondé en 1874. Il a reçu en 1959 l’autorisation de conférer des diplômes en arts, en sciences et en génieNote de fin d'ouvrage 933. Le CMR Kingston offre des diplômes de premier, deuxième et troisième cycles dans les deux langues officielles et appuie les programmes de formation continue pour les membres des FAC et du gouvernement fédéral. Il offre présentement 22 programmes de premier cycle en arts, science et génie, ainsi que 13 programmes de deuxième et troisième cycles. Le CMR Kingston offre également de nombreux programmes spécialisés ne menant pas à l’obtention d’un diplôme et effectue des recherches spécialisées dans le domaine militaire afin de soutenir les objectifs du Canada en matière de défense. Selon le rapport de 2017 du BVG sur le CMR Kingston, ce dernier employait 192 professeurs à temps plein (156 universitaires/civils et 36 militaires)Note de fin d'ouvrage 934.

Le Collège militaire royal de Saint-Jean, ou CMR Saint-Jean, a ouvert ses portes en 1952. Il fut fermé en 1995, tout comme le Royal Roads Military College, lors de la fusion des collèges militaires, puis réouvert en 2008. Sous sa forme actuelle, le CMR Saint-Jean offre une transition entre l’école secondaire et l’université, tout particulièrement pour les élèves ayant achevé leurs études secondaires au Québec, en offrant des cours de niveau collégial en sciences sociales et en sciences, autant en français qu’en anglais. Ces deux premières années d’études au CMR Saint-Jean sont appelées « année préparatoire » et « première année ». Une fois ces deux années terminées, les élèves-officiers qui répondent à tous les critères du ministère de l’Éducation du Québec reçoivent un diplôme d’études collégialesNote de fin d'ouvrage 935. Le nouveau programme répond aux exigences requises par le ministère de l’Éducation et le ministère de l’Enseignement supérieur pour décerner un diplôme d’études collégiales grâce à un partenariat avec le Cégep Saint-Jean-sur-RichelieuNote de fin d'ouvrage 936 et ce, tout en s’assurant que les élèves-officiers puissent continuer leur cheminement vers les programmes de premier cycle du CMR Kingston. Les élèves-officiers poursuivent généralement leurs études en deuxième année au CMR Kingston, mais certains optent plutôt pour suivre le programme de baccalauréat en études internationales offert par le CMR Saint-JeanNote de fin d'ouvrage 937.

L’escadre des élèves-officiers de premier cycle est composée majoritairement d’élof/aspm provenant du PFOR. De trimestre en trimestre, le CMR Kingston, par exemple, compte environ 1 130 élof/aspm inscrits au PFOR, ce qui représente la majorité des étudiants à temps pleinNote de fin d'ouvrage 938. Les autres étudiants proviennent d’autres programmes, tels que le Programme de formation universitaire à l’intention des MRNote de fin d'ouvrage 939 ou l’un des programmes d’intégration à la réserveNote de fin d'ouvrage 940. Après avoir terminé leurs études, les élof/aspm du PFOR qui ont étudié dans un collège militaire doivent normalement servir pendant jusqu’à cinq ans dans les FAC en tant qu’officiers brevetés; cette période de service obligatoire est plus longue pour les pilotesNote de fin d'ouvrage 941. Si un officier veut obtenir sa libération des FAC avant la fin de son service obligatoire, il doit rembourser partiellement ou en totalité le montant déboursé par le public canadien pour ses étudesNote de fin d'ouvrage 942.

Afin d’obtenir son diplôme d’un collège militaire et de recevoir une commission d’officier, un élof/aspm doit compléter avec succès les « quatre piliers » décrits ci-dessus. L’énoncé de mission du CMR Kingston est donc de produire des leaders bilingues, en forme, éthiques et aptes à servir dans les Forces armées canadiennesNote de fin d'ouvrage 943.

Les collèges militaires ont une politique d’admission contingentée qui se base sur des examens d’entrée et sur les réalisations scolaires antérieures des élèves. Selon les données qui m’ont été fournies, en 2021-2022, les collèges militaires ont réussi à atteindre l’objectif fixé par les FAC, soit d’attirer 25 % de femmes parmi les nouveaux élèvesNote de fin d'ouvrage 944. Au CMR Kingston précisément, pour l’année scolaire 2020-2021, l’escadre des élèves-officiers de premier cycle provenant du PFOR était composée à 22 % de femmes. Pour l’année scolaire 2021-2022, cette proportion s’élevait à 23 %. En décembre 2020, 18 % des élèves de deuxième et troisième cycles au CMR Kingston étaient des femmesNote de fin d'ouvrage 945.

Selon le GRFC, en 2021-2022, 24,2 % des élof/aspm au CMR Kingston, et 26,4 % au CMR Saint-Jean, s’identifiaient comme appartenant à une minorité visible. Ces chiffres ne prennent pas en compte les élèves inscrits dans le Programme d’initiation au leadership à l’intention des Autochtones (PILA), d’une durée d’un anNote de fin d'ouvrage 946. L’identification en tant que membre d’un groupe désigné se fait sur une base volontaireNote de fin d'ouvrage 947.

Statistiques sur les minorités visibles dans le PFORNote de fin d'ouvrage 948.

Tableau 12. Statistiques sur les minorités visibles dans le PFOR.

Exercice financier CMR – K, PFOR CMR – S.-J., PFOR Universités civiles, PFOR Pourcentage total
2018-2019 17,6 % 18,1 % 29 % 20 %
2019-2020 21,4 % 12 % 0 %Note de bas de page * 17 %
2020-2021 27,6 % 19 % 31,25 % 24 %
2021-2022 24,2 % 26,4 % 19,6 % 25 %

Le CMR Kingston puise un grand nombre de ses élèves de l’OntarioNote de fin d'ouvrage 949. Le CMR Saint-Jean est présentement conçu pour attirer les élèves du Québec. Il s’intègre donc dans le système de cégeps du Québec et constitue un pont vers les programmes universitaires de premier cycle offerts au CMR KingstonNote de fin d'ouvrage 950. Par conséquent, la grande majorité de l’escadre des élèves-officiers, autant au CMR Kingston qu’au CMR Saint-Jean, est composée de jeunes hommes blancs venant de l’Ontario et du Québec.

Le pourcentage de femmes dans les collèges militaires est bien inférieur à celui que l’on retrouve dans les universités civiles. Dans la plupart des universités canadiennes, les étudiantes sont majoritaires. Le tableau suivant indique la proportion de femmes au sein de la population étudiante d’un certain nombre d’universités canadiennes de toutes tailles en 2022. Les données sont tirées du palmarès des universités du magazine Maclean’sNote de fin d'ouvrage 951 ces chiffres démontrent le fossé qui existe entre les collèges militaires et les autres universités lorsqu’il est question de la proportion de femmes dans la population étudiante.

Tableau 13. Proportion de femmes dans un certain nombre d’universités canadiennes en 2022.

Université Proportion de femmes
Institut universitaire de technologie de l’OntarioNote de fin d'ouvrage 952 42 %
Université de TorontoNote de fin d'ouvrage 953 56 %
Université DalhousieNote de fin d'ouvrage 954 55 %
Université de la Colombie-BritanniqueNote de fin d'ouvrage 955 56 %
Université de WaterlooNote de fin d'ouvrage 956 47 %
Université AlgomaNote de fin d'ouvrage 957 53 %
Université CarletonNote de fin d'ouvrage 958 52 %
Université Saint Mary’sNote de fin d'ouvrage 959 51 %
Université Mount AllisonNote de fin d'ouvrage 960 59 %

De plus, un sondage effectué par Universités Canada en 2019 a révélé que, bien que 22,3 % de la population du Canada s’identifie comme appartenant à une minorité visible, ce sont environ 40 % des étudiants de premier cycle fréquentant une université canadienne qui s’identifient comme telNote de fin d'ouvrage 961. Ces chiffres contrastent avec ceux des élèves-officiers participant au PFOR : la proportion d’entre eux qui s’identifient comme appartenant à une minorité visible s’est située, selon le GRFC, entre 17 % et 25 % au cours des quatre dernières années, comme démontré ci-dessus.

Certains candidats provenant du PFOR ne fréquentent pas un collège militaire, mais une université civile afin d’y obtenir un diplôme de premier cycle subventionnéNote de fin d'ouvrage 962. Ce phénomène s’explique en partie par le fait que certaines professions nécessitent un diplôme qui n’est pas offert dans un collège militaire, comme par exemple en sciences infirmières, et probablement parce que l'accès à la plus grande diversité de programmes offerts par les universités civiles est souhaitable.. D’autres candidats sont acceptés dans le PFOR, mais ne se voient pas offrir une place dans un collège militaireNote de fin d'ouvrage 963. Les élèves-officiers étudiant dans une université civile reçoivent un salaire annuel et effectuent leur instruction militaire au trimestre d’été, parfois en même temps que leurs collègues issus des collèges militaires.

De plus, le programme PEDO des FAC accepte typiquement des candidats au poste d’officier qui possèdent déjà un diplôme universitaire de premier cycle, sans que les FAC aient eu à débourser des fonds pour payer cette partie de leur éducation. Les FAC ont fourni des données révélant que 5 510 officiers actuellement en poste ont joint les FAC via le PEDO, et que 4 698 l’ont fait grâce au PFOR. Cependant, le GRFC, qui a préparé ces informations, a reconnu que ces données contenaient des erreursNote de fin d'ouvrage 964.

Structure des collèges militaires

Bien qu’ils soient des établissements d’enseignement, en termes d’organisation, le CMR Kingston et le CMR Saint-Jean fonctionnent comme des unités militaires. Les officiers affectés au commandement de chaque collège militaire portent le titre de commandant et assument à la fois des fonctions d’administration et de commandement militaire. Le commandant d’un collège a donc une autorité absolue sur l’ensemble des officiers et militaires du rang affectés à son collège. Le commandant et le personnel militaire opèrent donc dans le cadre défini par la chaîne de commandement des FAC. Le recteur du CMR Kingston relève du commandant. Cependant, le programme pédagogique est administré par une structure composée de comités, de départements et de postes de professeurs, tous situés hors de la chaîne de commandement dans le but de garantir l’excellence scolaireNote de fin d'ouvrage 965. Le recteur dirige la formation universitaire, coordonne les activités de recherche et fait le pont entre les études universitaires et la culture militaire. Au CMR Saint-Jean, le chef de l’escadre des études porte le titre de directeur des étudesNote de fin d'ouvrage 966.

Examens et audits des collèges militaires

Les collèges militaires ont un problème bien documenté d’inconduite, de discrimination et de harcèlement sexuels. Comme le rapportait la juge DeschampsNote de fin d'ouvrage 967 :

  • Dans les collèges que la REE a visités, le Collège militaire royal de Saint-Jean et le Collège militaire royal du Canada de Kingston, les participants ont rapporté que le harcèlement sexuel est considéré comme un « passage obligé » et que les agressions sexuelles constituent un risque toujours présent. Un élève-officier a dit en riant que les incidents de harcèlement sexuel ne sont pas signalés parce qu’ils sont chose courante.

En août 2016, largement pour répondre aux inquiétudes grandissantes quant au climat qui régnait au CMR Kingston, dont trois suicides, le CEMD a ordonné une évaluation spéciale du climat, de l’environnement d’instruction, de la culture et de la structure du programme PFOR au collège. L’équipe de la visite d’aide d’état-major spéciale (VAEMS), une équipe interne des FAC, a publié son rapport en mars 2017. Le rapport de 2017 de la VAEMS contenait des constats d’observation basés sur plus de 400 entrevues avec des parties prenantes, y compris des élèves-officiers et membres du personnel du CMR Kingston et du CMR Saint-Jean. La VAEMS a émis 79 recommandations visant un large éventail d’aspects reliés aux domaines du commandement et du contrôle, de la gouvernance des collèges militaires, de la sélection et des responsabilités du personnel et des services de soutien des collèges, et de la mise en œuvre des « quatre piliers » du programme. Le rapport abordait également les facteurs de stress et d’atteinte au moral des élèves-officiers. Il signalait d’ailleurs que ces facteurs étaient les symptômes et découlaient de problèmes systémiques sous-jacents en lien avec la structure du collège, les lacunes en matière de leadership, la livraison du programme et les hautes attentes en lien avec ce dernier. En ce qui a trait précisément à l’inconduite sexuelle, discutée plus en détail ci-dessous, l’équipe de la VAEMS a constaté que le CMR Kingston avait été « proactif à communiquer et à fournir des directives pour régler les problèmes d’inconduite sexuelle ». Elle mentionne également avoir été informée de « quelques allégations de comportement sexuel dommageable et inapproprié »Note de fin d'ouvrage 968.

Le rapport de 2017 de la VAEMS décrivait la structure de gouvernance du CMR Kingston comme une structure caractérisée par les conflits et la confusion entre la vision éducative et la vision militaireNote de fin d'ouvrage 969. L’annexe F du rapport de 2017 de la VAEMS énumère en détail les nombreux problèmes découlant de la structure de gouvernance complexe des collèges militaires. En tant qu’unités militaires, les collèges ont la chaîne de commandement habituelle ainsi qu’une chaîne de commandement parallèle pour l’escadre des élèves-officiers, qui opère conjointement avec l’escadre d’entraînement, l’escadre des études et les organes de gouvernance éducatifs établis en fonction des règlementsNote de fin d'ouvrage 970. Le rapport de 2017 de la VAEMS discutait également des effets que le commandement et le contrôle ainsi que l’environnement stratégique du QG ACD/GENPERSMIL pouvaient avoir sur la situation dans les collèges. Le rapport soulevait notamment des inquiétudes de la part de l’escadre des études du CMR Kingston quant à la mauvaise compréhension stratégique, au sein du MDN et des FAC, des investissements requis pour conserver une accréditation universitaireNote de fin d'ouvrage 971.

En 2017, le BVG a procédé à un examen du CMR Kingston et a à son tour conclu que le mode de gouvernance était inefficace et que le collège ne mariait pas adéquatement les objectifs militaires et éducatifsNote de fin d'ouvrage 972. Selon le rapport, cet état de fait représentait un problème, car, en l’absence d’une structure de gouvernance efficace, les collèges n’ont pas la capacité de comprendre clairement leur raison d’être ni de s’orienter adéquatement pour fonctionner convenablement.

En octobre 2020, Statistique Canada a publié un rapport soulignant des problèmes persistants de comportements sexualisés non désirés et de comportements discriminatoires dans les collèges militairesNote de fin d'ouvrage 973.

Inquiétudes concernant les problèmes systémiques

Je continue de croire qu’il y a de nombreuses raisons d’être préoccupé par la façon dont les collèges militaires opèrent à l’heure actuelle ainsi que par l’environnement à l’intérieur duquel les jeunes élèves-officières sont censées grandir et exceller.

Le principe commun qui unit les quatre piliers (formation universitaire, leadership militaire, aptitudes physiques et bilinguisme) est le développement des compétences en leadership. Il se matérialise entre autres par le vénérable modèle des « head boys », que l’on retrouve communément dans les écoles privées britanniques pour garçons. Ce modèle consiste à donner aux étudiants de niveaux supérieurs des responsabilités à l’égard de leurs collègues plus jeunes. Il est décrit par certaines parties prenantes comme un système dans lequel « des enfants dirigent des enfants » ou « des apprentis dirigent des apprentis ». D’autres, dont notamment les élof/aspm choisis pour diriger leurs pairs de cette façon, le décrivent plutôt comme « une responsabilité sans pouvoir ». Ce modèle de développement précoce du leadership doit faire l’objet d’un nouvel examen critique. La combinaison de l’immaturité et de l’exercice d’une autorité et d’un pouvoir, réels ou perçus, sur autrui est une recette peu propice à l’éradication de l’inconduite sexuelle ayant pris racine dans la culture de ces collèges. En effet, même les officiers aguerris éprouvent des difficultés à déterminer la bonne chose à faire lorsqu’il est question de reconnaître et d’enrayer l’inconduite sexuelle. Comment pouvons-nous possiblement nous attendre à ce que de jeunes élèves-officiers novices puissent faire mieux?

Les résidences mixtes dans les collèges et les universités présentent leur propre éventail de défis. Il s’agit d’ailleurs d’un enjeu particulièrement important au CMR Saint-Jean, où certains des élof/aspm n’ont que 17 ans. Dans un environnement militaire, ces défis s’intensifient, car les élèves-officiers cèdent une grande partie de leur indépendance, ont très peu de temps libre et développent un haut niveau d’obéissance à l’autorité. Cet environnement, lorsque combiné à une culture du « ne vous faites pas prendre », est de toute évidence contraire à la devise des collèges, soit « Vérité. Devoir. Vaillance. ». Les entrevues que j’ai réalisées m’ont révélé un système dans lequel les élèves, en réponse à l’immense pression qu’ils ressentent d’exceller dans les quatre piliers, ainsi qu’aux fortes attentes et règles très strictes qui leur sont imposées, passent quatre ans à apprendre à contourner les règles.

L'inconduite sexuelle offre la démonstration la plus frappante de cet état de fait. Inutile de dire que cette tension entre le devoir de signaler et le besoin d’appartenir au groupe n’est pas facile à résoudre pour de jeunes hommes et femmes, qui apprennent rapidement ce qui est dans leur meilleur intérêt. Cette culture du « ne blâme pas tes chums », comme l’a décrite une partie prenante, est en contradiction fondamentale avec le devoir de suivre certains principes éthiques et d’intervenir lorsque « tes chums » se comportent de manière inappropriée.

Tout cela remet également en question les compétences en leadership enseignées à cette étape préparatoire. Ces compétences sont-elles vraiment en phase avec les nobles idéaux décrits, par exemple, dans Le leadership dans les Forces canadiennes : diriger des personnes, un document fondateur applicable à l’ensemble des FAC? De mon point de vue, la structure de commandement vétuste de l’escadre des élèves-officiers n’est plus d’aucune utilité et fait maintenant plus de tort que de bien. Le temps est venu de s’en défaire et de trouver d’autres moyens d’insuffler des valeurs modernes de leadership aux élèves-officiers.

Recommandation no 28

La structure de commandement d’autorité et de responsabilité de l’escadre des élèves-officiers devrait être éliminée.

Le modèle des quatre piliers présente également des signes d’usure. La structure de gouvernance des collèges militaires est marquée par des divergences et de la confusion ambiante entre les missions et visions éducatives et militairesNote de fin d'ouvrage 974. Des observations et recommandations concernant les points faibles de l’instruction militaire et le déséquilibre entre cette dernière et les programmes universitaires ont été faites par le passéNote de fin d'ouvrage 975. Le rapport de 2017 du BVG sur le CMR Kingston, qui fait écho aux observations similaires de la VAEMS, constatait que l’équilibre et l’intégration entre l’instruction militaire et l’éducation universitaire était insuffisante ou inefficace dans les collèges militaires. Par conséquent, l’instruction militaire était considérée comme secondaire par rapport à la culture et aux demandes des programmes universitaires.

Je ne suis pas en mesure d’évaluer la qualité de l’escadre des études des collèges, majoritairement perçue comme le pilier dominant dans la vie des élèves-officiersNote de fin d'ouvrage 976. Les trois autres piliers, cependant, montrent des signes d’érosion. Je ne suis également pas apte à juger si les quatre années passées au CMR Kingston ou au CMR Saint-Jean produisent réellement des officiers bilingues. Cependant, bien que j’aie signalé que le français était une option tout aussi valable, mes entretiens se sont déroulés en grande majorité en anglais. Il serait donc pertinent d’évaluer l’amélioration du bilinguisme au cours des années de formation aux collèges militaires afin de déterminer l’ampleur de la valeur ajoutée.

Les entrevues réalisées dans le département des sports m’ont fourni des exemples intéressants de problèmes liés à la discrimination et à l’inconduite sexuelle. Dans cet environnement, les élèves-officières se faisaient souvent dire par leurs collègues masculins qu’elles ne seraient jamais aussi performantes qu’eux, même lorsqu’elles l’étaient visiblement déjà. Plusieurs élèves-officières n’aimaient pas devoir s’entraîner en groupe, car elles se sentaient vulnérables, mal à l’aise et rabaissées au moindre signe de difficulté ou d’échec. Les élèves-officiers LGBTQ2+ vivaient la même chose, puisque l’environnement est propice à attribuer et dévaloriser certaines caractéristiques, en plus de célébrer une culture d’hypermasculinité, ce qui continue de causer de graves problèmes au sein des FAC. Le personnel du département des sports était au courant de ces problèmes et a exprimé ses inquiétudes et sa frustration quant à son incapacité à en faire plus pour les résoudre.

L’escadre d’entraînement du CMR Kingston, c’est-à-dire le pilier militaire qui, plus que tout autre élément, distingue les collèges militaires de leur pendants civils, présentait un manque criant de personnel et était considérablement débordée lors de ma visite virtuelle. De manière plus générale, elle souffre du même problème chronique que l’ELRFC, démontrant à nouveau à quel point la fonction d’instruction est dévalorisée au sein des FAC. Comme le reconnaît le rapport de 2017 de la VAEMS, « le climat dans l’ensemble [du] CMR a été influencé par une décennie de pressions sur les ressources et de priorités supérieures au niveau stratégique, ce qui a forcé le CMR à fonctionner dans un environnement où une priorité inférieure était accordée au Collège ». Les parties prenantes ont indiqué que les affectations aux unités d’éducation et d’entraînement ne sont pas très courues ni toujours bien récompensées en termes d’avancement de carrière et de promotionsNote de fin d'ouvrage 977. De plus, une affection au CMR Saint-Jean est vue comme posant des difficultés supplémentaires pour les anglophones qui ont des enfants d’âge scolaire, par exemple. De plus, les modèles talentueux de leadership et les éducateurs doués sont rarement affectés à ces postes d’entraînement, car leurs talents sont jugés précieux, et donc requis ailleurs. Pire encore, on m’a informée que certains militaires sont affectés aux collèges ou à l’ELRFC alors qu’ils font l’objet d’un examen administratif ou de restrictions de carrière, car une telle affectation est vue comme une façon de « se débarrasser d’eux » ou de résoudre un problème administratif.

De plus, j’ai entendu des témoignages indiquant qu’une affectation aux collèges militaires peut entraver le cheminent de carrière des officiers, surtout pour ceux issus des régiments d’armes de combat, car ces affectations ne sont pas considérées comme équivalentes à une position de leadership ou de commandement au sein de l’armée. Il est vrai que certaines professions reconnaissent la valeur d’un rôle de commandement d’escadron ou de division au sein d’un collège militaire et offrent des promotions aux officiers détenant un tel rôle dans un collège militaire. Cependant, ces professions sont presque toutes des professions de soutien à l’aviation ou l’armée, ce qui, de ce que j’ai compris, décourage les officiers et sous-officiers prometteurs de la profession des armes de combat d’accepter une affectation dans un collège militaire, surtout lorsqu’ils voient leurs collègues de différentes professions obtenir davantage de postes subalternes et obtenir une promotion plus rapidement. Cet état de fait pourrait être un facteur qui décourage la rétention et l’ambition de carrière des membres des FAC qui perçoivent une affectation à un collège militaire comme une perte de temps, ce qui diminue encore davantage la valeur de ce type d’affectation.

Tout cela s’avère hautement problématique. La raison d’être des collèges militaires doit s’appuyer sur la conviction qu’il s’agit du meilleur moyen de former les leaders militaires de demain. Il est difficile d’imaginer que l’éducation universitaire qu’ils reçoivent est grandement supérieure à celle qu’ils obtiendraient dans une université civile canadienne. La valeur ajoutée doit donc venir des trois autres piliers et des compétences en leadership acquises grâce à l’observation et à l’expérience. Et si c’est supposément le cas en théorie, cela ne semble pas être attesté par la pratique.

En ce qui concerne le coût de formation des élof/aspm par le biais des collèges militaires, selon le rapport de 2017 du BVG sur le CMR Kingston, le coût de formation d’un officier provenant du PFOR au CMR Kingston (et vraisemblablement au CMR Saint-Jean également) est nettement supérieur à celui qui serait encouru en envoyant les candidats du PFOR obtenir leur baccalauréat dans une université civileNote de fin d'ouvrage 978.

Le rapport de 2017 du BVG sur le CMR Kingston mentionnait également qu’une analyse du ministère de la Défense nationale avait conclu « qu’il n’y avait pas de différence majeure entre les élèves-officiers diplômés du Collège militaire royal du Canada et les officiers qui s’enrôlaient dans les Forces par le truchement d’autres programmes ». De la même manière, les officiers formés au CMR Kingston n’étaient pas promus plus vite que les autres officiers. Selon une étude menée en 2014 sur le système de perfectionnement professionnel des FAC, il n’y avait « aucune différence perceptible », à la fin du processus de perfectionnement professionnel, entre les officiers issus des divers programmes d’enrôlement. Le rapport de 2017 du BVG sur le CMR Kingston rapportait un taux de rétention légèrement plus élevé pour les officiers formés au CMR Kingston comparativement aux officiers issus des autres programmes d’enrôlement, mais cette différence s’élevait à moins de 10 %Note de fin d'ouvrage 979.

Cependant, il semble y avoir une forte corrélation entre l’éducation dans les collèges militaires et la possibilité d’occuper un poste au sein de la haute direction des FAC. En 2017, le BVG rapportait que 62 % des hauts dirigeants des FAC avaient fait leurs études universitaires de premier cycle dans un collège militaireNote de fin d'ouvrage 980. Plus récemment, selon les données des FAC, 45,4 % des officiers généraux actuels sont diplômés d’un collège militaireNote de fin d'ouvrage 981. Il ne fait aucun doute que les diplômés des CMR forment une élite informelle au sein des FAC. Il est par conséquent important d’examiner le profil des élof/aspm et d’analyser ce que ces derniers apprennent, formellement et culturellement, via leur éducation et leurs expériences au CMR Kingston et au CMR Saint-Jean.

Inconduite sexuelle dans les collèges militaires

Comme dans tout autre établissement d’enseignement supérieur, les élèves apprennent autant de l’éducation qu’ils reçoivent formellement que de la culture générale de l’établissement, pour le meilleur et pour le pire. Cette culture tire ses racines de l’histoire, des symboles, de la réputation et des traditions de l’école. Elle est ensuite renforcée par le degré d’homogénéité de sa population étudiante et de son corps professoral. Quant au problème précis de l’inconduite sexuelle, les collèges militaires ont des problèmes bien répertoriés qui n’ont pas fait l’objet d’une réponse adéquate.

Le rapport de 2017 de la VAEMS a soulevé plusieurs inquiétudes concernant la culture qui prévaut au CMR Kingston, mais a minimisé l’importance de la culture d’intimidation et d’inconduite sexuelle. Le rapport de 2017 de la VAEMS indiquait que :

  • Le message qu’a reçu l’équipe de ces femmes interviewées est qu’elles se sentent en sécurité le jour comme la nuit au Collège; qu’elles savent distinguer un comportement acceptable et qu’elles sont en mesure de communiquer clairement et avec confiance avec les hommes qui commencent à franchir les limites de l’acceptableNote de fin d'ouvrage 982.

Cette conclusion va à l’encontre de celles d’autres examens externes qui ont soulevé de bien plus graves inquiétudes. Elle est également contraire aux commentaires que j’ai moi-même entendus lors de mes entretiens. Le rapport de 2017 de la VAEMS identifiait des facteurs de stress tels que les tensions en matière de leadership, les mauvais modèles de leadership, les pressions exercées par le temps ou les études, et l’incapacité pour les élèves-officières de déterminer l’aide dont elles ont besoin et de s’en prévaloir. Le blâme pour le harcèlement et l’inconduite sexuelle est jeté sur les survivantes elles-mêmes, et tout particulièrement sur ces élèves-officières « avec un[e] faible estime de soi » qui ne sont « pas très certaines de savoir comment réagir avec des collègues masculins agressifs », qui ont « de la difficulté dans ce domaine » et qui sont donc « confrontées à divers degrés de comportements inappropriés »Note de fin d'ouvrage 983. Sur ce point, le rapport de 2017 de la VAEMS a été montré du doigt pour manque d’objectivité et décrié comme un exemple clair d’utilisation de données internes par les FAC pour contredire les critiques provenant de l’extérieur et contrôler le message dans le domaine de la défense. Le rapport de 2017 de la VAEMS semble normaliser ce comportement inapproprié et rejette sur une petite minorité de jeunes femmes la responsabilité de « faire avec » cette culture toxique. Les parties prenantes ont souligné que l’inconduite sexuelle est partiellement une conséquence de la culture d’une organisation et le résultat de la nature même des transactions et du pouvoir dans une culture militaire majoritairement masculine, orientée vers le combat, et constituant une source inhérente de discrimination basée sur le genre. Bien que très détaillé sur certains points et probablement bien intentionné, le rapport de 2017 de la VAEMS semble simplement accepter ou approuver cette culture.

Le rapport de 2017 du BVG sur le CMR Kingston a constaté que ce dernier agissait lorsque des incidents graves étaient signalés, mais que le nombre d’enquêtes et d’incidents d’inconduite impliquant des élof/aspm supérieurs signifiait que le collège devait améliorer la formation au leadership militaire. Le rapport a déterminé que le ministère de la Défense nationale et le CMR Kingston avaient mis en place des politiques et des procédures pour donner suite aux incidents graves de détresse psychologique, d’automutilation, d’inconduite sexuelle, de harcèlement et d’abus d’alcool ou de drogues. Ces politiques et procédures ont été conçues pour éduquer et dissuader, repérer et signaler, enquêter et punir, et réhabiliter et soutenir à la fois la victime et l’accusé. Le rapport a également constaté que le CMR Kingston offrait du soutien lorsque des incidents graves étaient signalés, y compris en orientant les personnes concernées vers des services de soutien aux victimes et d’aide en santé mentale. Cependant, le rapport de 2017 du BVG sur le CMR Kingston a souligné que plus de la moitié des 79 recommandations contenues dans le rapport de 2017 de la VAEMS proposaient des examens supplémentaires plutôt que des actions concrètes. Conséquemment, ces recommandations auront « probablement des effets à long terme plutôt limités » sur le CMRNote de fin d'ouvrage 984.

Le rapport de 2020 de Statistique Canada révélait que sur les 512 élof/aspm du CMR Kingston et du CMR Saint-Jean ayant répondu au sondage, 68 % disaient avoir été la cible ou témoin de comportements sexualisés non désirés dans les douze derniers mois. Plus précisément, 79 % des élof/aspm de sexe féminin ont dit avoir été la cible ou témoin de tels comportementsNote de fin d'ouvrage 985. Il s’agit là d’un nombre important d’incidents. Certains des éléments clés soulignés dans ce récent rapport sont résumés ainsi dans la réponse préparée par le CMR Kingston :

  • Les résultats pour les collèges militaires ressemblent plus à ceux exprimés par les étudiants des établissements d’enseignement postsecondaire civils que par les membres des FAC;
  • Les personnes âgées de 18 à 24 ans sont les plus à risque d’être victime d’inconduite sexuelle. Les femmes de ce groupe d’âge sont plus à risque que les hommes. Dans les collèges militaires, les femmes sont plus souvent victimes d’incidents de « comportements sexuels non désirés » et de discrimination que les hommes;
  • Les femmes étudiant dans un collège militaire sont beaucoup plus souvent victimes d’incidents que les femmes étudiant dans un établissement d’enseignement postsecondaire civil;
  • La discrimination basée sur le genre, l’identité de genre et l’orientation sexuelle est un facteur clé de la création d’un environnement propice et favorable à l’inconduite sexuelle. Ce type de discrimination, qui comprend le besoin d’agir « comme un homme se doit d’agir » ou « comme une femme se doit d’agir », doit être endigué si les FAC et les collèges militaires souhaitent créer une culture dans laquelle les comportements discriminatoires et l’inconduite sexuelle sont considérés comme inacceptables par l’ensemble des membres;
  • La presque totalité des incidents de « comportements sexuels non désirés » ont eu lieu sur le campus;
  • La presque totalité des incidents de « comportements sexuels non désirés » ont été commis par des pairs, et plusieurs incidents ont eu lieu alors que d’autres élèves étaient présents;
  • Les élèves-officiers avaient très peu tendance à intervenir lorsqu’ils étaient témoins d’incidents de « comportements sexuels non désirés », souvent parce qu’ils n’étaient pas certains que l’incident était « assez grave »; et
  • Les élèves-officiers ayant été victimes de « comportements sexuels non désirés » en ont parlé à une personne associée à leur école dans seulement 7 % des casNote de fin d'ouvrage 986.

Nos entrevues avec des élèves-officières étaient tout aussi inquiétantes, puisqu’elles ont confirmé que les collèges demeuraient des environnements peu accueillants, et parfois même hostiles, pour les élèves-officières. L’inconduite sexuelle et les comportements discriminatoires y sont tenaces. On m’a rapporté que toutes les élèves-officières, ou presque, avaient été victimes d’un ou de plusieurs incidents d’inconduite sexuelle, « ou pire », en plus d’avoir dû composer avec des commentaires et attitudes discriminatoires, y compris des attitudes misogynes démontrées envers des élèves-officières dans le domaine des sports et de l’entraînement physique. Les élèves-officières qui ont participé à nos groupes de discussion ont également confirmé que leurs collègues féminines et elles ne signalent pas la majorité des remarques sexistes, attitudes discriminatoires, avances sexuelles inappropriées, et autres formes d’inconduite sexuelle dont elles font l’objet de la part de leurs collègues masculins pour plusieurs raisons. Bien souvent, elles ne veulent pas causer de tort à leurs collègues masculins et ne veulent pas subir les multiples répercussions du signalement.

Signaler les incidents d’inconduite sexuelle signifie également qu’elles seront forcées de perdre beaucoup de temps à suivre un processus administratif ou disciplinaire déplaisant et émotionnellement épuisant, un processus qu’elles préfèrent éviter, sauf dans les cas les plus graves. Les conséquences pour l’auteur de l’incident sont souvent perçues comme insuffisantes ou peu propices à changer le comportement masculin. Une élève-officière m’a confié qu’après avoir signalé un seul incident d’inconduite sexuelle, elle a décidé de ne plus signaler tout incident subséquent. Quelques élèves-officières ont dit avoir constaté du progrès dans les dernières années, mais d’autres trouvent plutôt que la situation est aussi problématique qu’elle l’a toujours été.

Rien de cela n’est nouveau, et le lent progrès, si progrès il y a eu, démontre que les racines du problème sont solides et profondément enfouies. Bien que les FAC aient entrepris des démarches pour lutter contre ces lacunes culturelles et systémiques, la situation actuelle demeure hautement problématique. Plusieurs élèves-officières m’ont parlé de la culture et de l’atmosphère qui prévalent actuellement; il ne s’agit donc pas là d’informations dépassées et désuètes. Mes entrevues avec les élèves-officiers fréquentant le CMR Kingston et le CMR Saint-Jean contrastent sévèrement avec le portrait que dresse le rapport de 2017 de la VAEMS. Je note également que, selon le GPFC, Kingston figurait parmi les districts des FAC présentant le plus haut taux d’incidents à caractère sexuel en 2019-2020, avec 6,9 %Note de fin d'ouvrage 987. Ce pourcentage, je présume, comprend les incidents provenant du collège.

Le programme des collèges militaires contient déjà certaines formations obligatoires pour élèves-officiers conçues pour enrayer le problème du harcèlement sexuel et de l’inconduite sexuelle dans les collèges et les FAC en général. Le CMR Kingston a préparé une réponse au rapport de 2020 de Statistique Canada qui traitait des données contenues dans le rapport et les analysait afin de repérer les « manques » que le collège se devait de comblerNote de fin d'ouvrage 988. Je salue l’effort fait pour repérer et rectifier ces « manques » de longue date de façon rapide et sérieuse.

La réponse du CMR résumait la formation donnée actuellement dans les collèges militaires à propos de l’inconduite sexuelle ainsi que les initiatives encourageant et appuyant l’équité et la diversité. Des formations obligatoires abordant notamment le leadership et la diversité sont données aux élèves-officiers étudiant au CMR Kingston et au CMR Saint-Jean lors de leur PD1 d’officier. Ces formations constituent d’ailleurs une partie des exigences à remplir pour compléter le pilier militaire en vue de l’obtention d’un diplôme dans un collège militaireNote de fin d'ouvrage 989. Les élèves-officiers reçoivent une formation en lien avec l’opération HONOUR tout au long de leurs quatre années d’études au CMR KingstonNote de fin d'ouvrage 990. Cependant, mes entretiens avec les parties prenantes provenant des collèges militaires m’ont permis de constater que cette formation, de concert avec d’autres formations en lien avec les valeurs de leadership, l’équité et la diversité, ne réussit pas à changer réellement les attitudes sexistes qui prévalent toujours dans les collèges ni à enrayer l’inconduite sexuelle.

La formation à l’inconduite sexuelle et à la gestion de situations d’inconduite sexuelle ne se prête pas à des présentations virtuelles ou en ligne. Une formation pratique basée sur des simulations de cas est recommandée pour cette matière, de la même manière que pour l’instruction militaire des FAC. De plus, cette formation devrait être donnée par des personnes ayant les compétences pertinentes et en accord avec les normes et les meilleures pratiques en vigueur. Les instructeurs militaires n’ayant pas le cheminement approprié sont parfois perçus comme incapables d’encadrer adéquatement les discussions en classe. D’autres sont perçus comme enseignant le contenu de manière purement automatique ou comme ne prenant pas le sujet au sérieux, discréditant et dévalorisant davantage la valeur de ce qui a été surnommé la formation « Hop on Her [Grimpe-lui dessus] ».

Ces initiatives formelles entrent en conflit avec une culture et des pratiques quotidiennes robustes, ce qui véhicule des messages contradictoires. Lors de mes discussions avec des élof/aspm étudiant à Kingston et Saint-Jean, j’ai été impressionnée par les liens solides que les jeunes femmes tissaient entre elles, principalement dans une tentative de développer un sentiment d’appartenance et de sécurité dans un environnement qui ne leur garantissait ni inclusion ni sécurité. J’ai toutes les raisons de croire que le même phénomène se produit, peut-être même de manière plus intense, chez les jeunes membres en devenir des FAC qui appartiennent à une minorité visible, à la communauté LGBTQ2+ ou à d’autres groupes marginalisés.

Le CMR Kingston a récemment appuyé formellement certaines initiatives communautaires afin d’offrir du soutien aux élèves-officières et aux élèves provenant d’autres communautés minoritaires. Le réseau Athéna, par exemple, vise à soutenir les élèves-officières tout au long de leurs études. Dirigé par des bénévoles dans leurs temps libres, le réseau Athéna jouit du soutien complet des commandants et fournit aux femmes étudiant dans les collèges militaires des occasions de se rencontrer et d’échanger sur leurs expériences professionnelles par le biais d’activités de réseautage et de mentorat. Ces activités sont ouvertes à tous les élèves-officiers, étudiants, professeurs, membres du personnel et anciens élèves, peu importe leur genreNote de fin d'ouvrage 991.

Le Programme Sentinelle des FAC, qui compte des chapitres au CMR Kingston et au CMR Saint-Jean, est un réseau de soutien par les pairs composé de bénévoles formés et supervisés. Le programme a été conçu pour jouer un rôle dans la prévention et la détection de la détresse chez les militaires, ainsi que dans le soutien apporté à ces derniers. Une fois dûment formée, une sentinelle doit suivre de la formation régulièrement afin de maintenir ses connaissances et de découvrir les nouvelles ressources à sa dispositionNote de fin d'ouvrage 992.

En janvier 2020, le commandant du CMR Kingston a signé la constitution d’AGORA, un groupe de soutien LGBTQ2+, faisant ainsi de celui-ci un groupe officiellement approuvé par le collège. AGORA défend les droits de ses participants, organise des groupes de discussion, présente des conférences de professionnels de la santé et de spécialistes provenant de groupes LGBTQ2+ locaux externes au collège, et offre un espace sécuritaire pour discuter d’enjeux qui touchent la communauté LGBTQ2+ du collègeNote de fin d'ouvrage 993. AGORA est conçu pour encourager un environnement accueillant envers cette communauté et soutenir les besoins des étudiants.

Le Programme progressif d’apprentissage a été conçu par le CIIS en collaboration avec l’escadre d’entraînement et la direction du CMR Kingston afin de livrer du contenu adapté aux différents niveaux de développement des élèves. Le nouveau Centre de succès du CMR Kingston a également été mis sur pied, largement pour faire suite à une recommandation du rapport de la VAEMS qui mentionnait le besoin d’avoir un centre de services aux étudiants qui permettrait d’améliorer la qualité de vie des étudiants, des professeurs et du personnel sur le campus. Le Centre de succès, qui emploie une personne à temps plein depuis le mois d’avril 2020, est un guichet unique qui offre à ceux qui s’y présentent de l’aide scolaire, des services de gestion de conflits, de l’aide pour la planification financière, des ressources pour manger sainement et un accès à d’autres programmes et servicesNote de fin d'ouvrage 994.

J’encourage ces initiatives, car elles ne proviennent pas de la direction, mais plutôt de la population du collège. Cependant, elles pourraient avoir une portée réduite et mettre du temps à porter fruit. Même si ces initiatives communautaires et de soutien représentent un pas dans la bonne direction, elles risquent d’attirer généralement que des personnes déjà acquises à leur cause et avoir un effet négligeable sur la culture dominante de l’établissement.

Les collèges militaires ne disposent pas du type de soutien aux étudiants habituellement offert dans les universités civiles. Un soutien largement plus robuste est offert depuis longtemps aux populations minoritaires ou à risque dans les universités civiles, surtout dans celles de plus grande taille et dont la population est plus diversifiée. Les programmes des collèges militaires n’en sont qu’à leur balbutiement. L’incidence de ceux-ci sur les attitudes, les comportements et la culture au sein des collèges militaires devra donc être suivie à la trace et évaluée de manière formelle.

Conclusion

Les collèges militaires sont des établissements d’une époque révolue où l’on retrouve un modèle de leadership périmé et problématique. Il existe de nombreuses raisons valables de remettre en question le bien-fondé du maintien en place des collèges militaires tels qu’ils existent actuellement. Les avantages de l’investissement massif du Canada dans les collèges militaires ne sont pas clairsNote de fin d'ouvrage 995. Il existe un réel risque que la culture discriminatoire qui persiste dans les collèges fasse entrave au changement de culture que les FAC se sont engagées à instaurer. Les preuves que les collèges militaires ne remplissent pas leur mandat sont, je crois, assez nombreuses pour commencer à envisager des options de remplacement.

Je reconnais que les collèges militaires sont pour plusieurs membres des FAC de véritables institutions, et donc intouchables. Il existe une forte proportion de diplômés des collèges parmi les officiers des FAC, à tous les niveaux, et particulièrement chez les officiers généraux, qui chérissent leur passage dans un collège militaire et sont réfractaires à tout changement de la manière dont ces collèges opèrent. Par exemple, plusieurs membres des FAC et anciens des collèges militaires avec de belles carrières à l’intérieur ou l’extérieur des forces armées voient dans le CMR Kingston « une institution nationale unique ayant une valeur importante pour le pays et ses citoyens » dont les diplômés ont « considérablement contribué, jusqu’à aujourd’hui, à un grand nombre de projets d’un bout à l’autre du Canada et dans la société internationale »Note de fin d'ouvrage 996. Je ne nie aucunement le fait que le système de collèges militaires a produit plusieurs jeunes Canadiens et Canadiennes brillants qui sont devenus d’excellents officiers de carrière et des civils accomplis après leur libération. Cependant, la vaste majorité d’entre eux étaient des hommes blancs. La société canadienne a changé. Les problèmes persistants de structure, de culture et d’éthique inhérents au système de collèges militaires obligent le Canada à se demander s’il n’existe pas une autre manière, potentiellement beaucoup plus efficace, d’éduquer nos futurs dirigeants militaires.

Je comprends que cela pourrait demander d’effectuer des changements importants et ardus dans la structure et le rôle du CMR Kingston et du CMR Saint-Jean. Cependant, il est temps pour l’avenir de ces établissements d’être formellement réévalué et réimaginé. Les multiples pressions exercées par l’environnement des collèges militaires nuisent à la qualité des réussites scolaires, puisque beaucoup de choses sont entassées dans un seul programme universitaire de quatre ans. Un sentiment de compétitivité, contraire à l’esprit d’équipe si important pour les FAC, traverse l’ensemble du programme. Les élèves vivent, travaillent, vont à l’école et passent le peu de temps libre qu’ils ont dans une véritable fourmilière de pressions uniformisantes et de relations toxiques.

Pour être claire : la fermeture pure et simple des collèges serait une occasion manquée. L’instruction militaire, les cours de leadership, l’entraînement physique et sportif et la formation au bilinguisme que les élèves-officiers reçoivent lors de leur passage au CMR Kingston et au CMR Saint-Jean pourraient très probablement être améliorés et livrés selon un modèle alternatif de collège militaire. Un examen externe devrait envisager formellement s’il serait bénéfique pour les élèves-officiers provenant du PFOR de compléter d’abord un programme de premier cycle dans une université civile pour ensuite fréquenter un collège militaire pendant un an pour obtenir une éducation militaire professionnelle et une instruction connexe. La possibilité d’obtenir une maîtrise à la fin de cette éducation devrait également être évaluée.

De mon point de vue, l’hostilité de l’environnement et le mauvais traitement de plusieurs élèves-officières justifient à eux seuls un examen approfondi de l’avenir de l’instruction militaire par le biais de ces collèges militaires. Des nations alliées offrent des exemples de modèles potentiellement préférables qui pourraient être adaptés au contexte canadien. Le Royaume-Uni et les États-Unis opèrent de manière très différenteNote de fin d'ouvrage 997. Au Canada, la double compétence en matière de gouvernance de ces institutions complique davantage la situation.

Le futur du CMR Kingston et du CMR Saint-Jean est dans un même temps intimement lié au développement d’un leadership sain dans les FAC. Le statu quo représente un obstacle majeur au type de changement de culture que les FAC se sont engagées à instaurer.

Ces enjeux de culture uniques aux collèges militaires sont loin d’être nouveaux. Les attitudes misogynes et discriminatoires, ainsi que le traitement des élof/aspm de sexe féminin qui en découle, entre autres de la part de leurs pairs, perdurent malgré plusieurs examens internes et externes, et malgré tous les efforts déjà déployés par les FAC pour remédier à ces problèmes.

De plus, il demeure difficile de mesurer la fréquence réelle des incidents d’inconduite sexuelle dans les collèges militaires. Les FAC doivent s’équiper afin d’apporter des changements à l’expérience des élèves-officières et d’évaluer les progrès réalisés en fonction d’une véritable réduction du nombre d’incidents d’inconduite sexuelle, et non seulement en fonction des heures de formation que les élof/aspm doivent suivre sur le sujet.

Par exemple, le CMR Kingston demande à ses finissants de remplir, sur une base volontaire et anonyme, un sondage de fin d’études. Ce sondage demande à ses répondants d’évaluer l’escadre des études, l’escadre d’entraînement et le département des sports. Cependant, les élèves-officiers ne sont pas interrogés précisément quant à leurs expériences en matière d’inconduite sexuelle ou de discrimination. Les collèges devraient immédiatement adapter leur sondage de fin d’études afin de pouvoir recueillir ces données cruciales.

Un des éléments de la réponse des dirigeants des FAC a été de dire que le problème de l’inconduite sexuelle dans les collèges militaires était sensiblement comparable aux problèmes rencontrés par les universités civilesNote de fin d'ouvrage 998. Il est vrai que l’environnement universitaire est en soi vulnérable à différentes formes d’inconduite, y compris l’inconduite sexuelle. C’est d’autant plus vrai lorsque les étudiants vivent pour la première fois seuls dans une résidence, les uns à côté des autres, presque sans supervision. Je suppose que la plupart des universités canadiennes sont finement conscientes de ce défi et qu’elles continuent de déployer des efforts pour le résoudre. L’environnement unique des collèges militaires rend ce défi encore plus grand, voire presque insurmontable, tout particulièrement lorsque persiste au sein des FAC le point de vue selon lequel les collèges militaires n’ont pas réellement de problèmes de harcèlement, d’intimidation ou d’inconduite sexuelle.

Recommandation no 29

Une équipe composée à la fois de membres de l’Équipe de la Défense et d’experts externes, sous la direction d’un spécialiste externe dans le domaine de l’éducation, devrait procéder à un examen détaillé des avantages, des désavantages et des coûts, pour les FAC et généralement parlant, de continuer à éduquer les élèves-officiers provenant du PFOR dans un collège militaire. Cet examen devrait se pencher sur la qualité de l’éducation, de la socialisation et de l’instruction militaire obtenues dans cet environnement. Il devrait également examiner et évaluer les différents modèles existants pour fournir une formation universitaire et au leadership militaire pour les élof/aspm. Finalement, l’examen devrait déterminer si le CMR Kingston et le CMR Saint-Jean doivent demeurer des établissements pouvant décerner des diplômes universitaires de premier cycle, ou si les candidats au poste d’officier devraient plutôt obtenir un diplôme de premier cycle dans une université civile par l’entremise du PFOR.

Entre-temps, le CCPC devrait travailler avec la direction du CMR Kingston et du CMR Saint-Jean pour lutter contre les problèmes de culture de longue date uniques aux collèges militaires, y compris l’environnement misogyne et discriminatoire et les incidents d’inconduite sexuelle qui perdurent en leur sein. Les progrès devraient se mesurer autrement que par le nombre d’heures de formation données aux élèves-officiers. Le sondage de fin d’études pour les finissants devrait être modifié afin de recueillir de l’information sur les expériences des élèves en lien avec l’inconduite sexuelle et la discrimination.

Ressources humaines

Dans le cadre de l’examen complet, j’ai eu à me pencher sur les « systèmes [...] d’évaluation du rendement et de promotion des FAC [...], avec une emphase sur la façon dont les dirigeants sont sélectionnés et formés ». J’ai également été invitée à formuler des recommandations sur « tout changement additionnel à apporter au système d’évaluation du rendement et au système de promotion utilisés dans les FAC, avec une emphase sur la façon dont les dirigeants sont sélectionnés, alors que les FAC et le [MDN] procèdent à des améliorations »Note de fin d'ouvrage 999.

Je n’ai aucune raison de douter de la compétence des FAC pour ce qui est de la formation ou de l’évaluation des capacités opérationnelles et techniques de leurs membres. Mais comme le prouve la diversité des plaintes déposées dans les récents recours collectifs Heyder et Beattie, les FAC n’ont visiblement jamais été en mesure d’évaluer convenablement les écarts de conduite dans le cadre de l’avancement professionnel. Pourtant, si elles veulent améliorer la confiance dans le leadership, c’est ce qu’elles doivent faire. La façon dont les FAC gèrent la carrière de leurs membres, y compris les promotions, les affectations et la planification de la relève, est cruciale pour comprendre comment améliorer le système.

L’administration des ressources humaines est largement du ressort du CPM, qui relève du CEMD et commande le COMPERSMIL. Elle inclut la gestion du personnel militaire, le recrutement de personnel, ainsi que les services de santé et de soutienNote de fin d'ouvrage 1000. Le directeur général – Carrières militaires relève du CPM et est responsable de la gestion des carrières (promotions et affectations), de la supervision des systèmes d’évaluation des FAC, de la mise sur pied de comités de sélection nationaux pour la promotion et de l’élaboration comme de la révision de la politique sur les carrièresNote de fin d'ouvrage 1001. Le COMPERSMIL a été décrit comme un commandement de « visiteurs », au sens où il est composé de membres des FAC provenant des commandements d’armée et autres, qui reviennent généralement dans leur commandement d’origine après leur affectation au COMPERSMIL.

D’un autre côté, la planification de la relève est principalement laissée entre les mains des divers commandements. Bien que le DGCM et les divers gestionnaires de carrière assurent une certaine coordination et un suivi relatif, le DGCM ne contrôle pas grand-chose dans le processus décisionnel, sauf pour les grandes subalternes. Pour les grades supérieurs, la planification de la relève est plutôt régie par des ordres, des politiques et des pratiques au sein de chaque commandement, et est parfois déléguée à des groupes professionnels militaires particuliers.

Tout ce processus est conçu pour répondre aux besoins en dotation des FAC, qui sont décrits plus haut dans ce rapport. Une fois ses besoins projetés dans les différentes armées et différents groupes professionnels militaires, de même que dans les divers grades, les FAC suivent le processus ci‑dessous pour la progression hiérarchique de leurs membres.

Évaluation du rendement et promotion

Promotion et évaluation en général

Les pouvoirs légaux en matière de promotion – et par extension, d’évaluation du rendement – découlent de l’article 28 de la LDN et du chapitre 11 des ORFC. La LDN prévoit que les officiers et les MR peuvent être promus « par le ministre ou les autorités des Forces canadiennes désignées par règlement du gouverneur en conseil »Note de fin d'ouvrage 1002. Les ORFC prévoient que la promotion des MR et des officiers de grade inférieur à celui d’officier général doit s’effectuer « conformément aux ordres et directives émis par le chef d’état-major de la défense »Note de fin d'ouvrage 1003. Cependant, elles établissent certaines limites en ce qui concerne la promotion. Bien que le CEMD ait le pouvoir de passer outre aux exigences de promotion dans des cas particuliers :

  • 11.02(1) […] aucun officier ou militaire du rang ne doit être promu à un grade plus élevé à moins que les conditions suivantes ne soient réunies :
    1. il existe une vacance appropriée au sein de l’effectif total de l’élément constitutif dont il fait partie;
    2. il a été proposé par l’autorité appropriée;
    3. il satisfait à toutes les normes de promotion et aux autres conditions que peut prescrire le chef d’état-major de la défenseNote de fin d'ouvrage 1004.

Les critères généraux de promotion et d’évaluation du rendement sont fixés dans une série de documents. La politique générale est établie dans la DOAD 5059-0, Évaluation du rendement des militaires, ainsi que dans une poignée d’ordres administratifs des Forces canadiennes et de CANFORGENNote de fin d'ouvrage 1005. D’autres instructions sont fournies par le CPM et diverses organisations sous son commandement, comme celle du DGCM, qui commande, entre autres, celles du directeur – Carrières militaires et du directeur général – Politiques du personnel militaire.

Les FAC sont en cours de transition de leur ancien système d’évaluation du rendement, le système d’évaluation du personnel des Forces canadiennes (SEPFC), vers le nouveau système d’évaluation de la performance et des compétences (EPC). L’EPC en est actuellement à la phase 1 de son implantation. Depuis avril 2021, plus de 1 000 membres des FAC ont été soumis à l’EPC, qui était censé devenir obligatoire dans l’ensemble des FAC en avril 2022Note de fin d'ouvrage 1006.

Le SEPFC et le nouvel EPC ont certains points communs. Selon l’actuel DGCM :

  • L’ancien système d’évaluation et le nouveau incluent les descriptions d’emploi, les aspirations du militaire et les rétroactions [sur le rendement], qui aboutissent à une évaluation annuelle. Ils exigent tous deux au moins deux niveaux d’examen et comportent des mécanismes de règlement des conflits officieux et officielsNote de fin d'ouvrage 1007. [traduit par nos soins]

L’ancien système, le SEPFC, est utilisé depuis 1997. Une de ses principales fonctions est de consigner les évaluations et les commentaires annuels dans des rapports d’appréciation du personnel (RAP) individuels. Les RAP sont des formulaires d’une page qui comportent sept sections d’évaluation du rendement et du potentiel du militaire et un espace restreint pour des commentaires écritsNote de fin d'ouvrage 1008. Les sections 1, 2 et 7 servent simplement à des fins d’identification et d’acceptation et contiennent des chiffres concernant le service. La section 3 indique l’emploi actuel et les qualifications et compétences nouvellement acquises. Ce sont les sections 4 à 6 qui constituent le cœur de l’évaluation du rendement. Les RAP s’accompagnent d’un « livre d’images » qui « fournit les critères d’évaluation de chaque critère pour chaque grade »Note de fin d'ouvrage 1009. [traduit par nos soins]

La section 4, « RENDEMENT », est remplie par le superviseur du membre. Elle mesure son rendement actuel dans 17 domaines, dont la gestion du changement, le travail avec autrui, la responsabilité, la fiabilité, l’éthique et les valeurs et la conduite au travail et ailleurs. Elle comprend également une zone de neuf lignes pour les commentaires écrits.

La section 5, « POTENTIEL », est remplie par l’officier réviseur. Elle mesure le potentiel de promotion au grade suivant dans six domaines. Le premier de ces domaines est le leadership, alors que les autres portent principalement sur des indicateurs qui sont davantage d’ordre administratif ou routinier, tels que le perfectionnement professionnel et l’administration. La section comporte également une évaluation globale de la « recommandation de promotion » et une autre zone de neuf lignes pour des commentaires écrits.

La section 6 offre un petit espace pour les commentaires écrits sous l’en-tête « EXAMEN SUPPLÉMENTAIRE ». Tout comme les sections 4 et 5, elle contient des zones réservées aux renseignements sur l’officier qui remplit le rapport et à sa signature.

Promotion des militaires du rang et des officiers subalternes et supérieurs

Pour les MR et les officiers jusqu’au grade de colonel/capitaine de vaisseau, le système de RAP est utilisé conjointement avec les comités de sélection annuels qui décident des promotions. Selon le DGCM, « les évaluations contribuent notablement au processus de sélection-promotion »Note de fin d'ouvrage 1010. [traduit par nos soins] Les indications et les directives concernant les comités de sélection annuels tenus dans le cadre du SEPFC sont claires à ce sujet.

Avant qu’un comité de sélection soit réuni, les RAP des trois dernières années de chaque candidat sont étudiés afin d’attribuer une note globale sur 300, les RAP obtenus à un grade inférieur comptant pour 50 %. Le gestionnaire de carrière du grade « établit ensuite un seuil d’inclusion basé sur deux fois le nombre de promotions prévues »Note de fin d'ouvrage 1011. À la conclusion du processus, une liste des candidats à la promotion dépassant le seuil d’inclusion est produite afin d’être examinée par le comité de sélection.

Les comités de sélection sont réunis sous l’autorité du DGCM et sont composés d’au moins quatre membres, lesquels doivent être employés dans la région de la capitale nationale. Certaines personnes ne peuvent siéger aux comités de sélection, par exemple quiconque a été gestionnaire de carrière ou siège au même comité depuis deux ans consécutifsNote de fin d'ouvrage 1012. Les comités de sélection d’avocats militaires font toutefois exception, car ils sont toujours présidés par le JAG. Les membres des comités de sélection doivent posséder au moins un niveau C en lecture dans leur deuxième langue officielle.

Pour les MR, le comité de sélection doit être présidé par un major et inclure un capitaine et deux adjudants-maîtres ou un adjudant-maître et un adjudant comptant au moins quatre ans d’expérience. Pour les officiers, le président du comité doit être, au minimum, de trois grades supérieurs aux candidats et les autres membres, d’au moins deux grades supérieursNote de fin d'ouvrage 1013. Par exemple, un comité de sélection de majors doit être présidé par un brigadier-général (ou un plus haut-gradé) alors que les autres membres doivent être au moins des colonels.

Si un comité de sélection se penche sur des candidats de deux groupes professionnels ou moins, il doit également comprendre un membre non affilié. Ce membre non affilié doit provenir d’un autre groupe professionnel que celui évalué et avoir un grade égal ou supérieur à celui des autres membres du comitéNote de fin d'ouvrage 1014. De même, si un comité porte sur plusieurs groupes professionnels et que ses membres ne connaissent pas un de ces groupes, il fait appel à un membre permutant pour fournir une expertise en la matièreNote de fin d'ouvrage 1015.

Les comités de sélection examinent le dossier de chaque candidat et lui attribuent une note sur 100. Soixante points sont consacrés au rendement et 40 au potentiel et à la maîtrise de la deuxième langue officielle. La proportion de ces 40 points qui s’applique à la maîtrise de la deuxième langue officielle augmente avec le grade. Les comités doivent effectuer une « une évaluation globale, y compris l’établissement de la tendance comportementale sur plusieurs années », à partir des RAP précédents du militaire, ainsi que des rapports de cours et des lettres de recommandation. Ils doivent évaluer les trois derniers RAP à tout le moins et peuvent consulter tous les RAP des cinq dernières annéesNote de fin d'ouvrage 1016. Ils n’ont toutefois pas accès à la fiche de conduite du militaire (point analysé plus bas)Note de fin d'ouvrage 1017.

J’ai entendu diverses critiques sur l’ancien SEPFC et sur l’utilisation des RAP, que ce soit de la part de parties prenantes ou des dirigeants. Une préoccupation récurrente est que l’officier qui signe le RAP, par exemple dans la section « EXAMEN SUPPLÉMENTAIRE », a un poids important – et même disproportionné.

J’ai également entendu que des unités effectuaient elles-mêmes un classement de leurs membres avant de noter leurs RAP de manière officielle. Les formulaires de RAP sont ensuite envoyés à un officier qui a l’ordre de fournir les commentaires ou les notes justifiant le classementNote de fin d'ouvrage 1018. On m’a même remis un exemplaire d’une feuille de calcul conçue pour transformer le processus de classement officieux en une série de notes pour les RAP individuels. Le CEEGM a conclu que ces pratiques étaient contraires aux dispositions du SEPFC et a souligné qu’il s’agissait d’un problème systémiqueNote de fin d'ouvrage 1019. Si les directives pour l’ensemble des FAC concernant les RAP de l’exercice 2019–2020 affirmaient que cette pratique « avait cessé »Note de fin d'ouvrage 1020 des parties prenantes m’ont informée que le problème subsistait. Autrement dit, le processus consistant à évaluer le rendement d’un militaire de façon individuelle est contourné et remplacé par l’attribution de notes de RAP d’après un classement officieux.

Au lieu de s’appuyer sur l’apparente impartialité d’un système, les FAC seraient mieux avisées de reconnaître à l’avenir que la réalité peut être différente.

Quelle que soit l’objectivité avec laquelle le SEPFC et le système de RAP ont été conçus, ces systèmes sont clairement contournés. Souvent même. Cette situation peut créer un environnement complaisant qui mine l’intention de promouvoir seulement au mérite. Que ce soit délibérément ou en raison d’un biais conscient ou inconscient, les personnes responsables de la promotion peuvent faire avancer leurs favoris dans la hiérarchie et retarder la progression des autres.

Cette inférence est étayée par les propres données des FAC. Les graphiques qui suivent illustrent la promotion hiérarchique de divers groupes visés par l’équité en matière d’emploi des FAC, pour les MR comme pour les officiers. Bien qu’elles aient été présentées par le groupe consultatif de la ministreNote de fin d'ouvrage 1021 les données sous-jacentes sont tirées du rapport sur l’équité en matière d’emploi dans les FAC 2019.

La triste réalité est que si les femmes représentent 16,3 % des FACNote de fin d'ouvrage 1022 elles se concentrent dans les grades inférieurs et sont de plus en plus sous-représentées dans tous les grades supérieurs. La situation également consternante des autres groupes minoritaires confirme l’inférence de biais systémique.

Les MR constituent le groupe le plus important des FAC. Malgré le fait qu’au grade de sergent et au-dessous, de 12 à 15 % des MR soient des femmes, cette proportion est inférieure à 10 % pour le plus haut grade, soit celui d’adjudant-chef.

Figure 6. Militaires du rang des FAC par grade.

Militaires du rang des FAC par grade

  • Description longue de la figure 6
    - Soldat Caporal Caporal-chef Sergent Adjudant Adjudant-maître Adjudant-chef
    Hommes de race blanche 69,6 % 74 % 75 % 77,2 % 80,7 % 85,4 % 86,9 %
    Femmes de race blanche 14,8 % 12 % 13,7 % 14,9 % 13,2 % 9,6 % 8,9 %
    Hommes autochtones 4,8 % 4,8 % 3,3 % 2,3 % 1,9 % 1,9 % 1,1 %
    Femmes autochtones 1,2 % 1,2 % 0,8 % 1,1 % 0,6 % 0,6 % 0,4 %
    Minorités visibles – Hommes 7,9 % 7,9 % 8,7 % 5,8 % 3,1 % 2,3 % 2,2 %
    Minorités visibles – Femmes 1,6 % 1,2 % 0,9 % 0,7 % 0,4 % 0,4 % 0,4 %
    Personnes handicapées – Hommes 0,7 % 0,7 % 1,2 % 1,2 % 1,3 % 1,4 % 1,3 %
    Personnes handicapées – Femmes 0,1 % 0,1 % 0,1 % 0,1 % 0,02 % 0,08 % 0,1 %

    Données LGBTQ2+ non disponibles

    Source – Rapport EE des FAC 2019 – Note : Les grades de l'Armée canadienne ont été utilisés afin d'économiser de l'espace.

    Source : Rapport final du groupe antiracisme, p. 17, figure 3.

Figure 7. Militaires du rang des FAC par groupe EE.

Figure 7. Militaires du rang des FAC par groupe EE.

  • Description longue de la figure 7

    Militaires de rang des FAC par groupe EE

    - Soldat Caporal Caporal-chef Sergent Adjudant Adjudant-maître Adjudant-chef
    Femmes de race blanche 14,8 % 12 % 13,7 % 14,9 % 13,2 % 9,6 % 8,9 %
    Hommes autochtones 4,8 % 4,8 % 3,3 % 2,3 % 1,9 % 1,9 % 1,1 %
    Femmes autochtones 1,2 % 1,2 % 0,8 % 1,1 % 0,6 % 0,6 % 0,4 %
    Minorités visibles – Hommes 7,9 % 7,9 % 8,7 % 5,8 % 3,1 % 2,3 % 2,2 %
    Minorités visibles – 1,6 % 1,2 % 0,9 % 0,7 % 0,4 % 0,4 % 0,4% 
    Personnes handicapées – Hommes 0,7 % 0,7 % 1,2 % 1,2 % 1,3 % 1,4 % 1,3 %
    Personnes handicapées – Femmes 0,1 % 0,1 % 0,1 % 0,1 % 0,02 % 0,08 % 0,1 %

    Données LGBTQ2+ non disponibles

    Source – Rapport EE des FAC 2019 – Note : Les grades de l'Armée canadienne ont été utilisés afin d'économiser de l'espace.

    Source : Rapport final du groupe antiracisme, p. 18, figure 4.

La raréfaction de ces groupes, plus on monte dans la hiérarchie, est également flagrante chez les officiers.

Figure 8. Officiers des FAC par grade.

Figure 8. Officiers des FAC par grade.

  • Description longue de la figure 8

    Officiers des FAC par grade

    - Élève-officier Sous-lieutenant Lieutenant Capitaine Major Lieutenant-colonel Colonel Brigadier-général Major-général Lieutenant-général Général
    Hommes de race blanche 73,4 % 72,5 % 77,8 % 80,2 % 78,7 % 83,1 % 90,1 % 88,9 % 91,4 % 90 % 100 %
    Femmes de race blanche 21,5 % 18.2 % 30 % 22,6 % 17,8 % 14,3 % 8 % 12,2 % 5,7 % 10 % 0 %
    Hommes autochtones 1,5 % 1,6 % 1,2 % 1,5 % 1,4 % 1,2 % 0,7 % 0 % 2,9 % 0 % 0 %
    Femmes autochtones 0,8 % 0,6 % 1,4 % 0,8 % 0,3 % 0,2 % 0,2 % 0 % 0 % 0 % 0 %
    Minorités visibles – Hommes 12 % 17,6 % 8,9 % 7,9 % 5,3 % 3,2 % 1,9 % 0 % 0 % 0 % 0 %
    Minorités visibles – Femmes 3,8 % 3,4 % 3,5 % 1,9 % 1,1 % 0,6 % 0 % 0 % 0 % 0 % 0 %
    Personnes handicapées – Hommes 0,9 % 0,4 % 1,1 % 0,8 % 0,7 % 0,5 % 0 % 0 % 0 % 0 % 0 %
    Personnes handicapées – Femmes 0,2 % 0,2 % 0,7 % 0,4 % ,08 % ,06 % 0 % 0 % 0 % 0 % 0 %

    SOURCE : Rapport final du groupe antiracisme, p. 18, figure 5.

     

Figure 9. Officiers des FAC par groupe EE.

Figure 9. Officiers des FAC par groupe EE.

  • Description longue de la figure 9
    - Élève-officier Sous-lieutenant Lieutenant Capitaine Major Lieutenant-colonel Colonel Brigadier-général Major-général Lieutenant-général Général
    Femmes de race blanche 21,5 % 18,2 % 30 % 22,6 % 17,8 % 14,3 % 8 % 12,2 % 5,7 % 10 % 0 %
    Hommes autochtones 1,5 % 1,6 % 1,2 % 1,5 % 1,4 % 1,2 % 0,7 % 0 % 2,9 % 0 % 0 %
    Femmes autochtones 0,8 % 0,6 % 1,4 % 0,8 % 0,3 % 0,2 % 0,2 % 0 % 0 % 0 % 0 %
    Minorités visibles – Hommes 12 % 17,6 % 8,9 % 7,9 % 5,3 % 3,2 % 1,9 % 0 % 0 % 0 % 0 %
    Minorités visibles – Femmes 3,8 % 3,4 % 3,5 % 1,9 % 1,1 % 0,6 % 0 % 0 % 0 % 0 % 0 %
    Personnes handicapées – Hommes 0,9 % 0,4 % 1,1 % 0,8 % 0,7 % 0,5 % 0 % 0 % 0 % 0 % 0 %
    Personnes handicapées – Femmes 0,2 % 0,2 % 0,7 % 0,4 % ,08 % ,06 % 0 % 0 % 0 % 0 % 0 %

    Données LGBTQ2+ non disponibles

    Source – Rapport EE des FAC 2019

    Source : Rapport final du groupe antiracisme, p. 19, figure 6.

Les données sur la promotion et les tendances concernant le genre que m’a fourni le DGCM sont également éloquentes. Le tableau qui suit provient d’une feuille de calcul qu’il a préparée à mon attention. Il montre les tendances en matière de genre dans les divers comités de sélection des FAC entre 2015 et 2020.

Sommaire des données annuelles portant sur les comités de sélection

Tableau 14. Sommaire des données annuelles portant sur les comités de sélection, 2015–2020.Note de fin d'ouvrage 1023

Année Pour promotion en Dossiers examinés Femmes Hommes % de femmes % d’hommes
2015–2016 2017 11 535 1 783 9 752 15,46 % 84,54 %
2016–2017 2018 12 505 2 034 10 471 16,27 % 83,73 %
2017–2018 2019 11 973 2 016 9 957 16,84 % 83,16 %
2018–2019 2020 12 490 2 158 10 332 17,28 % 82,72 %
2019–2020 2021 14 259 2 173 12 086 15,24 % 84,76 %
Année Pour promotion en Dossiers examinés Femmes Hommes % de femmes % d’hommes
2015–2016 2017 3 633 583 3 050 16,05 % 83,95 %
2016–2017 2018 4 273 708 3 565 16,57 % 83,43 %
2017–2018 2019 4 365 771 3 594 17,66 % 82,34 %
2018–2019 2020 4 273 776 3 497 18,16 % 81,84 %
2019–2020 2021 4 144 719 3 425 17,35 % 82,65 %

La partie supérieure du tableau contient le nombre total de dossiers présentés aux comités de sélection et examinés aux fins de promotion aux grades jusqu’à celui de lieutenant-colonel/capitaine de frégate (c.-à-d. les dossiers dépassant le seuil d’inclusion décrit plus haut) pour les promotions entre 2017 et 2021, ainsi que les proportions de femmes et d’hommes dans ces dossiers. La partie inférieure présente le nombre de militaires de chaque genre effectivement promus par les comités de sélection, et les proportions qu’ils représentent.

Ces données montrent qu’entre 2015–2016 et 2019–2020 (pour la promotion entre 2017 et 2021, respectivement), seulement de 16 à 18 % des militaires promus étaient des femmes, selon les données des FAC. Bien que le nombre brut de femmes promues ait augmenté entre 2015–2016 et 2019–2020, la proportion globale de femmes promues par rapport à la proportion d’hommes est demeurée pratiquement la même.

On m’a également fourni un tableau dressé par le DGRAPM, qui indique les taux de promotion aux grades supérieurs, soit le nombre de promotions divisé par le nombre de militaires admissibles à la promotion selon le nombre d’années dans le gradeNote de fin d'ouvrage 1024. À titre d’illustration, prenons un exemple hypothétique dans lequel 20 hommes et 10 femmes étaient admissibles à la promotion à un grade donné et où 10 hommes et 5 femmes ont été promus; le taux de promotion était alors de 50 % tant pour les hommes que pour les femmesNote de fin d'ouvrage 1025. Les taux de promotion étaient donc similaires pour les deux genres pour ce grade. Cependant, ces taux dépendent du nombre sous-jacent de femmes et d’hommes admissibles à la promotion une année donnée, lequel ne correspond pas nécessairement aux proportions globales de femmes et d’hommes dans les FAC (ou dans l’ensemble de la société). Autrement dit, ces données n’aident pas à déterminer le nombre de femmes promues par rapport à la population générale de femmes dans les FAC ou dans l’ensemble de la société.

Bien que ces ensembles de données portent à croire que les comités de sélection ne nuisent pas sciemment aux chances des femmes d’être promues, d’autres documents qui m’ont été remis tendent à indiquer soit des taux de promotion identiques aux ratio femmes-hommes dans les FAC, soit que la promotion des femmes était inférieure aux prévisions pour certains des groupes professionnelsNote de fin d'ouvrage 1026.

Cela dit, on dispose de certaines indications que la représentation des femmes augmente graduellement, surtout à certains grades. Une étude réalisée par RDDC sur les données de 2001 à 2021 a constaté une légère tendance à la hausse dans la F rég. Globalement, selon le DGRAPM, la proportion de femmes est passée de 11,9 % en 2001–2002 à 16 % en 2021–2022. Pour les officiers, cette tendance à la hausse est un peu plus marquée. En 2001–2002, 13,8 % les officiers étaient des femmes, contre 20 % en 2021. Cependant, lorsqu’ils sont combinés avec la représentation des femmes dans la P rés, les chiffres diminuent, en raison d’une tendance à la baisse des MR de la Réserve jusqu’en 2011–2012, alors que la représentation globale des femmes est demeurée la mêmeNote de fin d'ouvrage 1027. Voir la figure 10 pour en savoir plus.

Figure 10. Taux de représentation des femmes selon le groupe et le grade; F rég, P rés et forces conjugées.

Figure 10. Taux de représentation des femmes selon le groupe et le grade; F rég, P rés et forces conjugées.

  • Description longue de la figure 10
    AF F Rég P Rés F rég + P rés
    Officiers MR Tous les grades Officiers MR Tous les grades Officiers MR Tous les grades
    01/02 13,8 % 11,4 % 11,9 % - - - - - -
    02/03 14,1 % 11,7 % 12,3 % 16,7 % 21,2 % 20,5 % 14,7 % 14,8 % 14,8 %
    03/04 14,5 % 11,8 % 12,4 % 16,4 % 20,8 % 20,1 % 15,0 % 14,8 % 14,8 %
    04/05 14,6 % 12,0 % 12,6 % 16,7 % 20,2 % 19,6 % 15,1 % 14,8 % 14,9 %
    05/06 15,0 % 12,4 % 13,0 % 16,7 % 19,5 % 19,1 % 15,4 % 14,8 % 15,0 %
    06/07 15,6 % 12,6 % 13,3 % 16,3 % 18,9 % 18,5 % 15,7 % 14,8 % 15,0 %
    07/08 15,9 % 12,8 % 13,6 % 16,4 % 18,3 % 18,0 % 16,0 % 14,8 % 15,1 %
    08/09 16,4 % 13,0 % 13,8 % 16,6 % 17,8 % 17,6 % 16,4 % 14,7 % 15,1 %
    09/10 16,5 % 12,9 % 13,8 % 16,1 % 17,6 % 17,3 % 16,4 % 14,6 % 15,0 %
    10/11 16,7 % 12,8 % 13,8 % 16,2 % 17,1 % 17,0 % 16,6 % 14,3 % 14,8 %
    11/12 16,8 % 12,9 % 13,8 % 16,6 % 16,8 % 16,8 % 16,8 % 14,2 % 14,7 %
    12/13 16,8 % 13,2 % 14,1 % 16,5 % 16,7 % 16,6 % 16,8 % 14,3 % 14,8 %
    13/14 16,8 % 13,4 % 14,2 % 16,6 % 16,6 % 16,6 % 16,8 % 14,4 % 14,9 %
    14/15 17,2 % 13,4 % 14,3 % 16,7 % 16,6 % 16,6 % 17,1 % 14,4 % 15,0 %
    15/16 17,3 % 13,5 % 14,4 % 16,7 % 16,4 % 16,4 % 17,2 % 14,3 % 15,0 %
    16/17 17,8 % 13,7 % 14,7 % 16,3 % 16,6 % 16,5 % 17,4 % 14,6 % 15,2 %
    17/18 18,5 % 13,9 % 15,1 % 16,6 % 16,3 % 16,4 % 18,1 % 14,6 % 15,4 %
    18/19 19,2 % 14,2 % 15,4 % 16,9 % 16,2 % 16,3 % 18,7 % 14,8 % 15,7 %
    19/20 19,6 % 14,3 % 15,7 % 17,2 % 16,5 % 16,7 % 19,0 % 15,1 % 16,0 %
    20/21 20,0 % 14,6 % 16,0 % 17,2 % 16,9 % 16,9 % 19,3 % 15,4 % 16,3 %
    21/22 20,0 % 14,6 % 16,0 % 17,2 % 16,8 % 16,9 % 19,3 % 15,3 % 16,3 %
     

Pour les officiers supérieurs de la F rég, la tendance est plus marquée, bien que les proportions de départ étaient très faibles. Les données des FAC montrent que la proportion de femmes au grade de lieutenant-colonel/capitaine de frégate dans la F rég est passée de 4,7 % en 2001–2002 à 17,6 % en 2021–2022. Pour ce qui est des colonels/capitaines de vaisseau, elle est passée de 4,4 à 11 %, et de 2,7 à 9,4 % pour les officiers généraux. En revanche, la tendance générale concernant la représentation féminine dans la P rés est restée essentiellement la même pour les lieutenants-colonels et les officiers généraux : elle est passée pour les colonels d’un peu moins de 10 % en 2001–2022 à 6,5 % en 2021–2022Note de fin d'ouvrage 1028.

Figure 11. Taux de représentation des femmes ayant le grade de Lcol/Capf ou un grade supérieur; F rég, P rés et forces conjugées.

Figure 11. Taux de représentation des femmes ayant le grade de Lcol/Capf ou un grade supérieur; F rég, P rés et forces conjugées.

  • Description longue de la figure 11
    AF F Rég P Rés F rég + P rés
    Officiers gén. Col/Capv LCol/Capf Officiers gén. Col/Capv LCol/Capf Officiers gén. Col/Capv LCol/Capf
    01/02 2,7 % 4,4 % 4,7 % - - - - - -
    02/03 1,4 % 4,7 % 5,1 % 9,1 % 8,9 % 8,0 % 2,4 % 5,3 % 5,8 %
    03/04 1,4 % 4,4 % 5,5 % 7,7 % 8,3 % 7,3 % 2,4 % 4,9 % 5,9 %
    04/05 4,1 % 3,8 % 5,8 % 7,1 % 8,5 % 8,0 % 4,5 % 4,4 % 6,4 %
    05/06 3,8 % 3,9 % 6,4 % 11,8 % 8,8 % 7,9 % 5,2 % 4,7 % 6,8 %
    06/07 4,8 % 4,1 % 7,1 % 5,0 % 7,5 % 7,4 % 4,9 % 4,7 % 7,1 %
    07/08 3,8 % 4,0 % 7,2 % 9,1 % 5,1 % 6,9 % 5,0 % 4,2 % 7,1 %
    08/09 2,4 % 3,6 % 7,9 % 13,6 % 6,3 % 7,4 % 4,7 % 4,2 % 7,7 %
    09/10 2,2 % 3,9 % 8,1 % 5,9 % 5,0 % 6,5 % 2,7 % 4,1 % 7,7 %
    10/11 2,1 % 3,8 % 8,8 % 6,3 % 6,8 % 6,8 % 2,7 % 4,3 % 8,2 %
    11/12 3,0 % 4,8 % 8,9 % 7,1 % 6,5 % 7,1 % 3,5 % 5,0 % 8,5 %
    12/13 4,0 % 4,8 % 9,7 % 7,7 % 6,7 % 6,7 % 4,4 % 5,1 % 9,0 %
    13/14 4,2 % 4,5 % 10,1 % 8,3 % 7,1 % 7,6 % 4,6 % 4,9 % 9,5 %
    14/15 4,9 % 5,9 % 10,4 % 9,1 % 9,6 % 7,5 % 5,3 % 6,5 % 9,7 %
    15/16 3,9 % 6,3 % 11,2 % 15,4 % 9,6 % 9,5 % 5,2 % 6,8 % 10,8 %
    16/17 6,5 % 6,3 % 11,7 % 13,3 % 8,6 % 9,4 % 7,3 % 6,7 % 11,2 %
    17/18 8,5 % 6,9 % 13,8 % 20,0 % 4,9 % 9,3 % 9,8 % 6,6 % 12,8 %
    18/19 8,9 % 9,5 % 14,8 % 20,0 % 4,8 % 10,1 % 10,1 % 8,8 % 13,6 %
    19/20 10,5 % 8,7 % 17,0 % 8,3 % 6,3 % 10,4 % 10,3 % 8,4 % 15,3 %
    20/21 10,1 % 10,4 % 17,6 % 8,3 % 6,5 % 10,6 % 9,9 % 9,7 % 15,8 %
    21/22 9,4 % 11,0 % 17,6 % 9,1 % 6,5 % 10,0 % 9,4 % 10,2 % 15,6 %
     

Selon moi, malgré les gains enregistrés dans certains grades, le SEPFC et le système de RAP n’ont pas permis d’atteindre globalement une augmentation notable de la représentation féminine parmi les hauts gradés – ni d’offrir aux femmes des chances équitables de promotion. Au lieu de progresser, cette représentation soit est demeurée constante, soit a légèrement augmenté, mais pas de façon universelle dans les groupes professionnels et les grades. De plus, il existe des preuves selon lesquelles « les dirigeants ont appris à déjouer le système afin de faire avancer les subordonnés [de leur choix] »Note de fin d'ouvrage 1029. [traduit par nos soins] Et comme les données le montrent, les dirigeants ont généralement sélectionné aux fins de promotion les militaires qui leur ressemblaient le plus, ce qui a entraîné l’exclusion des femmes et d’autres membres de groupes visés par l’équité en matière d’emploi. Les efforts d’amélioration de la culture, tels que l’opération HONOUR, n’ont eu jusqu’ici qu’une incidence limitée sur l’amélioration de l’avancement des femmes au sein des FAC.

J’admets que la constitution et la façon de fonctionner des comités de sélection ont récemment fait l’objet de changements. En 2021–2022, les critères de notation ont été assujettis à l’ACS+ et on prévoit répéter l’exercice chaque année pour « évaluer la façon dont les critères de notation peuvent créer des obstacles et des désavantages à différents groupes de femmes, d’hommes et de militaires de diverses identités de genre »Note de fin d'ouvrage 1030. [traduit par nos soins] De plus, les comités de sélection chargés de la promotion doivent à présent compter au moins un membre votant appartenant à un groupe visé par l’équité en matière d’emploi ou au Réseau de la fierté de l’Équipe de la Défense. Enfin, les comités de sélection ont reçu une « formation de sensibilisation aux biais » supplémentaireNote de fin d'ouvrage 1031.

Si ces changements aux pratiques des comités de sélection sont les bienvenus, il est difficile de prévoir s’ils auront une réelle incidence sur la promotion des femmes et des membres des groupes visés par l’équité en matière d’emploi. Cependant, les FAC devraient maintenir ces mesures et continuer à se pencher sur leurs processus de promotion, afin d’étudier si et comment elles garantissent un leadership durable, diversifié et éthique pour l’avenir.

Un autre problème concernant les RAP (et le SEPFC qui s’appuie sur eux) est la possibilité limitée de consignation des problèmes d’inconduite passés. Il n’existe aucune place réservée à cette fin dans le formulaire. Les neuf lignes des zones de commentaires représentent le seul endroit permettant de consigner les problèmes de conduite. En ce qui concerne la consignation des problèmes de conduite, la politique du SEPFC énonce que :

  • […] les problèmes administratifs, médicaux et disciplinaires doivent faire l’objet de commentaires quand ils entraînent une restriction à l’emploi ou nuisent au rendement, au comportement, à la conduite ou à l’influence de la personne;
  • […] les condamnations en vertu du Code criminel du Canada ou de la Loi sur la défense nationale reçues pendant la période de rapport doivent être détaillées dans une brève déclaration factuelle (qui comprend la date de la condamnation), quand la condamnation entraîne une restriction à l’emploi, a un effet néfaste sur le rendement et mène à une rétrogradation à la suite d’une peine infligée par un tribunal militaire;
  • […] les accusations portées contre la personne durant la période de rapport, mais qui n’ont pas été résolues […] seront uniquement mentionnées dans le RAP, dans le cas de la Force régulière, avec l’autorisation écrite du QGDN/DSSCM 2, et dans le cas de la Force de réserve, conformément à l’ordre du commandement d’armée approprié ou d’une direction équivalente. L’autorisation sera accordée uniquement au cas par cas […] et normalement seulement quand la personne accusée a librement admis tous les détails après qu’elle a été convenablement mise en garde et qu’elle a eu la possibilité de consulter un conseiller juridiqueNote de fin d'ouvrage 1032. [traduit par nos soins]

Cette démarche comporte plusieurs problèmes évidents. Premièrement, l’espace accordé pour examiner les problèmes de conduite, qui peuvent être complexes ou nuancés, est très limité et doit être partagé avec d’autres commentaires sur le rendement global du membre.

Deuxièmement, les mesures ci-dessus sont extrêmement restrictives. Dans le cas d’une condamnation en vertu du Code criminel ou de la LDN, il n’est pas d’emblée clair quels types de condamnation entraîneront une « restriction à l’emploi ». On m’a dit que les commandants disposaient d’une grande discrétion à cet égard, bien que les situations types incluent une peine de prison, la perte du permis de conduire (quand la conduite fait partie des tâches attendues) ou la perte d’une cote de sécuritéNote de fin d'ouvrage 1033. Or, à moins qu’une ordonnance accessoire n’ait été rendue au sujet d’un délinquant sexuel condamné, les infractions sexuelles n’entraînent pas nécessairement la restriction à l’emploi d’un membre des FAC dans son groupe professionnel, surtout s’il a été condamné pour une infraction disciplinaire non reliée au Code criminel. On ne sait pas plus quels autres types de condamnation (p. ex., pour vol) seront jugées comme ayant un effet néfaste sur le rendement du militaire s’ils ne sont pas directement liés à un volet de leur emploi (p. ex., la gestion financière). Dans le cas d’accusations déposées, mais non encore résolues, la consignation de ces charges se limite aux cas dans lesquels le militaire a librement confessé son crime. Ce fonctionnement introduit un obstacle bureaucratique supplémentaire en exigeant l’approbation écrite à un haut niveau et l’appréciation du caractère volontaire d’une confession – un élément fréquemment contesté devant les tribunaux.

Enfin, dans le cas de « problèmes administratifs, médicaux ou disciplinaires », ceux-ci doivent encore une fois nuire directement à l’emploi, au rendement ou au comportement du membre. Il n’est pas clair si les mesures administratives ou disciplinaires concernant une inconduite sexuelle seraient considérées comme ayant un tel effet sur son auteur.

Le fait que les comités de sélection ne prennent en considération que les RAP des trois à cinq années précédentes réduit également la visibilité des problèmes de conduite antérieurs. Les condamnations et les accusations en vertu du Code criminel et de la LDN ne peuvent être prises en compte que pour la période sur laquelle porte le RAP. Cela signifie qu’elles n’apparaîtront pas dans les RAP suivants. Il est possible de mentionner de façon répétée des problèmes administratifs et disciplinaires, mais les directives sont insuffisantes quant à la façon dont cela doit être fait et même si cela doit être fait. Il est probable que même les inconduites graves ne seront pas présentées aux comités de sélection plus de cinq ans plus tard et pourraient ainsi ne pas affecter le potentiel de promotion du militaire. Même si les personnes changent, une plus grande visibilité des défauts de caractère pourrait empêcher que le discrédit soit jeté sur l’organisation, particulièrement au moment de la nomination aux grades élevés.

Nouveau système EPC d’évaluation du rendement

Selon le DGCM :

  • [L]’EPC est un système numérique reposant sur dix ans de recherche et respectant les meilleures pratiques préconisées par l’industrie comme par les chercheurs universitaires. Sous-tendu par le relevé commun des compétences des FAC […], il marque un retour à la focalisation sur nos valeurs. L’EPC constitue une amélioration notable par rapport au SEPFC, car il inclut une formation de sensibilisation aux biais, contient des mesures de contrôle intégré du gonflement des notes et fournit une méthode d’évaluation du potentiel davantage fondée sur les données probantesNote de fin d'ouvrage 1034. [traduit par nos soins]

En avril 2021, les FAC ont déployé l’EPC pour plus de 1 000 de leurs membres dans le cadre de la première phase d’implantation. Contrairement au SEPFC, qui repose en grande partie sur le papier, il est entièrement numérique. Selon la page Web de l’EPC :

  • On évalue le rendement au moyen de compétences, qui sont des caractéristiques globales, vastes et détaillées comprenant les connaissances, de compétences, d'habiletés et d'autres aptitudes (CCHA), par exemple les valeurs et les traits de personnalité, qui sont liés aux objectifs stratégiques de l'organisation. Comme les diamants, les compétences ont de nombreux côtés appelés facettes qui servent à les décrire. Par exemple, la compétence appelée « travail d'équipe » comporte les facettes que sont la collaboration, contribution à l'atteinte des buts de l'équipe, optimisation de l'équipe, moral de l'équipe, et communications au sein de l'équipe; la compétence appelée « crédibilité et influence » se distingue par les facettes de confiance, responsabilité, fiabilité, source d'inspiration, l'art de la persuasion, influence; etc. Chaque facette est décrite par un indicateur de comportement (IC) propre au grade, c'est-à-dire par un énoncé simple qui dépeint un rendement moyen et efficace au moyen d'un comportement observable. Par exemple, la facette de l'optimisation de l'équipe, dans le cas d'un caporal, est présentée par l'énoncé suivant : « s'intègre rapidement à l'équipe ». Dans le cas d'un caporal-chef, l'énoncé devient : « intègre rapidement les nouveaux membres à l'équipe ». Il existe 19 compétences différentes. Le nombre de compétences par rapport auxquelles vous êtes évalué(e) dépend de votre grade.Note de fin d'ouvrage 1035.

De plus, pour certains membres des FAC, le potentiel sera évalué dans cinq domaines : les capacités sociales, l'idéologie professionnelle, l'expertise, la capacité de changement, et les capacités cognitivesNote de fin d'ouvrage 1036. Une liste détaillée des compétences a été dressée pour chaque grade, de caporal/matelot de 1re classe jusqu’à brigadier-général/commodoreNote de fin d'ouvrage 1037. Ces compétences sont également établies dans le Relevé des compétences – Forces armées canadiennes pour les grades jusqu’à celui de major-général/contre-amiralNote de fin d'ouvrage 1038. Outre ces compétences essentielles pour les FAC, les membres seront évalués selon des compétences fonctionnelles établies par leur groupe professionnel et leur environnementNote de fin d'ouvrage 1039.

La mise en application de l’EPC comporte quatre partiesNote de fin d'ouvrage 1040 :

  1. Une description d’emploi, qui documente les emplois actuels et précédents de l’individu au sein des FAC. Un superviseur peut, au cas par cas, ajouter des tâches ou des renseignements à la description d’emploi standard.
  2. Un « profil d’ambition du militaire » qui « aide le militaire à établir des attentes réalistes et à se fixer des objectifs ». [traduit par nos soins]
  3. Des notes de rétroaction, que l’individu pourra consulter seulement après une séance de débriefing en personne ou par téléphone.
  4. Un rapport d’évaluation du rendement (RER), qui remplace le RAP dans son utilisation actuelle. Le RER inclut des zones permettant d’évaluer chaque facette des compétences du membre au moyen de six indicateurs (inefficace, passablement efficace, efficace, hautement efficace, extrêmement efficace et non observée)Note de fin d'ouvrage 1041.

Jusqu’à un certain point, l’EPC reprend les pratiques d’évaluation du rendement employées de nos jours dans le secteur privé. L’évaluation des compétences, l’établissement d’objectifs et la rétroaction détaillée en temps réel sont courants dans les systèmes contemporains d’évaluation du rendement. Cependant, en raison de sa nouveauté, il est impossible d’évaluer si ce système évitera les problèmes relevés dans le SEPFC et les RAP. De la façon dont je le comprends, les comités de sélection continueront à fonctionner comme auparavant, mais avec un nouveau système de notation harmonisé avec l’EPC. Un facteur clé sera de savoir si la direction est toujours en mesure de déjouer le système en attribuant des notes artificielles selon un classement arbitraire des militaires au niveau de l’unité. Comme le nouveau RER utilise un système de classement pour chaque facette de compétences, il est possible qu’une telle pratique continue.

Un autre inconvénient du RER, c’est qu’il offre relativement peu de possibilités de consigner des problèmes de conduite. La section sur l’évaluation du rendement comporte une zone de trois lignes limitée à 267 caractères en anglais et à 360 caractères en françaisNote de fin d'ouvrage 1042. Une zone semblable se trouve dans la section réservée aux commentaires de l’officier réviseur et dans celles portant sur le classement de l’examen au niveau supérieurNote de fin d'ouvrage 1043. En outre, le RER comprend une évaluation de la mauvaise conduite pour la période considérée. L'auteur doit d'abord choisir si la conduite est "acceptable" ou "inacceptable". Si la conduite est inacceptable, une zone de texte libre de 104 caractères (environ une phrase de 1,2 ligne) s'ouvre pour décrire le problème de manière concise. Ces zones offrent un espace limité pour noter des problèmes tels qu’une mesure administrative ou disciplinaire ou des condamnations criminelles. Au premier coup d’œil, l’EPC semble offrir encore moins de possibilités de prendre en compte les problèmes de conduite (y compris d’inconduite sexuelle) que le SEPFC.

Par contre, la liste des compétences comprend diverses capacités et facettes qui permettent de consigner indirectement les problèmes. Par exemple, la compétence Raisonnement éthique inclut des facettes telles que « Promotion d’un climat éthique » et « Décisions morales »Note de fin d'ouvrage 1044. La compétence Relations interpersonnelles inclut les facettes « Culture du respect » et « Création et maintien d’un un milieu d’unité propice à la confiance »Note de fin d'ouvrage 1045. Il s’agit d’une amélioration par rapport à l’ancien RAP, car il est désormais possible d’évaluer la conduite, le raisonnement éthique, de même que le leadership moral, et de leur attribuer une note.

De plus, selon les instructions du COMPERSMIL relatives aux processus d’évaluation du rendement, tous les membres des FAC devront faire preuve d’un comportement inclusifNote de fin d'ouvrage 1046. Une liste des mesures à prendre est fournie au cadre de direction des FACNote de fin d'ouvrage 1047 et aux membres des FAC en général, et le rendement concernant ces mesures doit être consigné par le biais de la section sur les notes de rétroaction de l’EPCNote de fin d'ouvrage 1048.

Je ne suis tout de même pas convaincue que ces indicateurs indirects offrent suffisamment de possibilités de prendre en compte l’inconduite sexuelle et d’autres formes d’attitude discriminatoire dans l’évaluation des membres des FAC aux fins de promotion et d’attribution de postes de direction. Les compétences et les facettes concernant la conduite ou l’éthique constituent une partie relativement faible de l’évaluation globale. Il n’y a aucune possibilité d’indiquer les motifs justifiant une note donnée au-delà des 360 caractères de l’unique zone de commentaires (dans la version française). À mon avis, ce n’est pas suffisant pour saisir les transgressions passées d’un militaire, en particulier quand ces transgressions sont graves et pourraient influer sur son caractère, sa capacité ou son statut moral à diriger les FAC de demain. Comme l’ancien RAP, le nouveau RER met trop l’accent sur le rendement et pas assez sur la conduite. Cela ne signifie pas que toutes les formes d’inconduite devraient disqualifier pour toujours un candidat à l’avancement dans les FAC. Toutefois, la visibilité de ces problèmes garantira non seulement que leur pertinence est évaluée dans chaque cas, mais aussi que les FAC ne tomberont pas dans le piège de l’aveuglement volontaire.

Pour remédier à ce problème, le superviseur de chaque militaire devrait indiquer si, à sa connaissance, le membre est sous l’effet d’une enquête ou d’un autre processus relatif à une inconduite sexuelle.

Recommandation no 30

Une section devrait être ajoutée au RER exigeant du superviseur qu’il atteste qu’à sa connaissance, le militaire évalué n’est pas sous l’effet d’une enquête ou d’une procédure, qu’elle soit criminelle, disciplinaire, administrative ou autre, pour des allégations d’inconduite sexuelle.

Si le superviseur a connaissance d’une telle enquête ou procédure, il ne devrait pas révéler son existence si cela nuirait à l’intégrité de celle-ci.

Sinon, il devrait fournir tous les détails pertinents de l’enquête ou de la procédure.

De plus, je m’inquiète du fait que les nouveaux RER n’offrent pas plus de possibilités de prise en compte des problèmes de conduite passés que les anciens RAP. Une caractéristique notable tant de l’ancien SEPFC que du nouveau système d’EPC, c’est que les comités de sélection examinent uniquement le RAP ou le RER, et n’ont pas accès au dossier personnel complet du militaire. D’après ce que je comprends, chaque membre des FAC possède un dossier central détenu par le DACM et un dossier du personnel de l’unité (DPU)Note de fin d'ouvrage 1049. Or, aucun de ces documents n’est fourni aux comités de sélection.

D’après ce que je comprends, la seule occasion qui se présente actuellement aux comités de sélection de prendre en considération les problèmes de conduite est l’examen du RAP/RER. C’est problématique. Selon moi, les FAC devraient définir des catégories d’inconduite grave, par exemple le harcèlement sexuel, les infractions pertinentes en vertu du Code de discipline militaire et les infractions au Code criminel à caractère sexuel. Une unité appropriée relevant du CPM devrait constituer un dossier de conduite, qui serait inclus dans le dossier de chaque candidat examiné par le comité de sélection.

Les FAC devraient également produire des lignes directrices à l’intention des comités de sélection sur la façon de prendre en compte l’inconduite passée, notamment selon des facteurs tels que la gravité de l’inconduite, la peine ou les mesures correctives imposées, de même que les mesures prises par le militaire pour régler le problème. La politique devrait également contenir des dispositions appropriées pour l’élimination de l’inconduite de la fiche de conduite après la suspension de casier judiciaire officielle pour une infraction au Code criminel.

Recommandation no 31

Une fiche d’inconduite passée devrait être dressée pour chaque candidat à une promotion au grade de lieutenant-colonel/capitaine de frégate ou supérieur ou au grade d’adjudant-chef/premier maître de 1re classe, par une unité appropriée relevant du CPM. Cette fiche devrait inclure tous les éléments que les FAC jugent être une inconduite grave – mais à tout le moins les condamnations pour infraction au Code criminel à caractère sexuel et les constats de harcèlement sexuel. Les FAC devraient également rédiger des lignes directrices appropriées à l’intention des comités de sélection sur la façon de prendre en compte l’inconduite passée dans le cadre de leurs délibérations et de la prise de décision. Enfin, les FAC devraient prévoir les dispositions appropriées dans leur politique pour la réhabilitation, y compris l’élimination des condamnations criminelles pour lesquelles la suspension de casier judiciaire a été accordée.

Promotion des officiers généraux

Les FAC comptent à peu près 140 officiers générauxNote de fin d'ouvrage 1050. Certains s’inquiètent du fait que le cadre des officiers généraux se soit trop développé ces dernières années, notamment par rapport à celui des alliés – comme le démontre une étude réalisée à l’automne 2021Note de fin d'ouvrage 1051. Ce genre de question dépasse la portée de mon examen, mais je soulignerais simplement que les FAC possèdent une énorme expertise en planification, y compris dans la projection de leurs besoins en dotation. Je me concentrerai donc ici sur les caractéristiques du cadre des officiers généraux qui influencent la culture des FAC responsable de l’inconduite sexuelle.

Sur les 140 officiers généraux, 15 sont des femmes, un est noir et un est Autochtone. Soixante-douze, dont cinq femmes, proviennent de l’Armée; 47, dont six femmes, proviennent de l’ARC; et 21, dont quatre femmes, proviennent de la Marine. Sur les 15 femmes officières générales, deux ont le grade de lieutenante-générale, quatre de majore-générale/contre-amirale et neuf de brigadière-générale/commodore, le grade le plus bas. Le CEMD est, et a toujours été, un homme. L’équipe de l’examen et moi-même avons rencontré un certain nombre d’officiers généraux à la retraite et en activité pendant l’examen, y compris tous les membres féminins sauf trois du cadre actuel des officiers généraux.

Le responsable des nominations au grade de brigadier-général est le ministre, sur la recommandation du CEMDNote de fin d'ouvrage 1052. Dans la pratique, le processus comporte trois étapes. Il commence par des comités de sélection, qui ressemblent à ceux concernant les MR et les officiers des grades de colonel et inférieurs. Ces comités, soit les comités de sélection nationaux 1, 2 et 3, visent à « définir des bassins de talent des officiers susceptibles d’être considérés pour la promotion au cadre des officiers généraux ou à l’intérieur de ce cadre »Note de fin d'ouvrage 1053. [traduit par nos soins]

Le comité national de sélection no 3 constitue des bassins de talents en vue de la promotion au grade de commodore/brigadier-général. Les candidats sont nommés par les commandants de service « après consultation des conseillers professionnels supérieurs » et selon les critères fixés par le VCEMD. La liste des candidats est ensuite examinée minutieusement par le directeur – Nominations supérieures (DNS) et le VCEMD avant d’être soumise au comité. On m’a dit que c’était « pour s’assurer que les dossiers satisfassent les critères fixés et que les autres dossiers concurrentiels ne soient pas exclus »Note de fin d'ouvrage 1054 [traduit par nos soins]. Les comités sont séparés par élément : les membres de la F rég sont seulement en concurrence entre eux et les membres de la F rés seulement avec d’autres réservistes.

Le comité national de sélection no 2 se penche sur les commodores/brigadiers-généraux nommés par leur service en vue d’une promotion. Les candidats doivent avoir été évalués au moins une fois à leur grade, ne pas être sur le point de partir à la retraite et ne pas s’être désistés. Le comité national de sélection no 1 étudie pour sa part les contre-amiraux/majors-généraux autres que ceux qui se sont désistés ou qui partent à la retraite. Pour ces deux comités, la liste des candidats est approuvée par le CEMD. Il est à noter que le comité national de sélection no 2 examinera pour la première fois en 2022 tous les dossiers de la F rés admissibles.

Le VCEMD préside les trois comités relatifs aux officiers généraux. Les autres membres sont les commandants des trois environnements (c.-à-d. Armée, Marine et Force aérienne) ainsi que le CPM. Le DGCM siège en tant que secrétaire non votant aux comités nationaux de sélection no 1 et 2 et le DNS assume le même rôle au comité national de sélection no 3. En 2021–2022, le CCPC et le SMA(RH-Civ) se sont également joints aux comitésNote de fin d'ouvrage 1055. C’était la première fois qu’une personne extérieure aux FAC en faisait partie. J’applaudis cette nouveauté car c’est un pas dans la bonne direction, mais les FAC feraient bien d’intégrer des acteurs réellement externes dans leurs processus de gestion de carrière.

Pour les trois comités, chaque membre note les candidats sur 100. Les notes sont ensuite agrégées pour produire une note totale sur 600 (c.-à-d. 100 fois le nombre de membres votants)Note de fin d'ouvrage 1056. Les candidats sont ensuite regroupés en bassins de talents. Chaque comité de sélection des officiers généraux en possède trois : A, B et C. Le bassin de talents A est composé des candidats prêts pour une promotion immédiate et le bassin B, des candidats convenant à une promotion, mais qui profiteraient d’un perfectionnement à leur grade actuel ou qui conviennent à un « grade intérimaire pendant la durée de l’affectation »Note de fin d'ouvrage 1057. Le bassin de talents C concerne uniquement le comité national de sélection no 3 et regroupe les personnes qui profiteraient d’un perfectionnement à leur grade actuelNote de fin d'ouvrage 1058.

Selon le DGCM, « la méthode des bassins de talents a été introduite dans les comités de sélection d’officiers généraux pour permettre des recommandations de promotion qui équilibrent mérite et adaptation optimale »Note de fin d'ouvrage 1059 [traduit par nos soins]. Si ce principe peut être logique d’un point de vue pratique, il risque de marginaliser encore les candidats de diverses identités de genre ou appartenant à des groupes revendiquant l’équité.

La seconde étape consiste en des délibérations itératives du comité exécutif du CFA, composé du CEMD et de tous les vice-amiraux et lieutenants-généraux en activité. Ces délibérations aboutissent à la création d’un dossier de candidature en vue de la promotion pour les personnes que le CEMD recommandera à la ministreNote de fin d'ouvrage 1060. Une fois la décision du comité exécutif du CFA est rendue, d’autres vérifications de diligence raisonnable (notamment les nouvelles évaluations à 360 degrés par plusieurs évaluateurs examinées plus bas) sont effectuées. Le commandant de service rédige un récit attestant du caractère, du leadership et du service du candidat, et le CEMD passe le dossier en revue et ajoute ses propres commentaires.

La troisième étape consiste en un examen par la ministre conjointement avec le CEMD. Afin d’assurer une supervision efficace par son cabinet des promotions des officiers généraux, je crois qu’elle devrait être aidée dans sa tâche par un conseiller civil principal qui n’appartient pas à l’Équipe de la Défense. Dans ses discussions avec le CEMD, la ministre devrait examiner les efforts consentis pour corriger la surreprésentation des hommes blancs parmi les officiers généraux.

Recommandation no 32 

Lorsqu’elle approuve les promotions des officiers généraux, la ministre devrait être aidée par un conseiller civil principal qui n’appartient pas à l’Équipe de la Défense. Dans ses discussions avec le CEMD, elle devrait examiner les efforts actuellement consentis pour corriger la surreprésentation des hommes blancs parmi les officiers généraux.

Quand ils obtiennent leur première étoile, les officiers généraux sont membres des FAC depuis plusieurs décennies et ont cumulé les affectations dans l’organisation, mais ils n’ont pratiquement aucune expérience de travail en dehors. Généralement, ils ont été des « talents repérés » et leur carrière a été soigneusement gérée depuis les tout débuts. Autrement dit, tout le système de gestion de carrière et de planification de la relève s’est fortement investi dans leur perfectionnement et leur promotion. Ils sont retranchés dans un club exclusif autoréglementé, au sein duquel aucune personne extérieure ne sera jamais admise. Une seule exception : les membres de la F rés promus à un grade d’officier général. Ces personnes possèdent souvent une expérience de travail dans l’industrie ou le gouvernement, par exemple. Ils peuvent avoir une perspective plus vaste en raison de leur plus grande expérience de la société canadienne dans son ensemble. Pour cette raison, j’applaudis l’ajout de membres de la F rés au comité de sélection no 2.

Il est crucial pour les dirigeants supérieurs d’incarner les valeurs que les FAC cherchent à transmettre. Cela veut dire faire preuve de force de caractère et du meilleur jugement moral et éthique, conformément aux valeurs canadiennes contemporaines. Ce point a été soulevé à de nombreuses reprises lors des enquêtes et des examens externes effectués sur les forces armées depuis les années 1990.

À ce titre, lors de l’étude des promotions aux postes de haute direction, il est important de veiller à ce que les processus déterminent adéquatement l’intégrité des candidats. Cela devrait inclure la façon dont ils sont perçus non seulement par les personnes qui les supervisent, mais également par celles qu’ils doivent diriger. Les FAC ont récemment franchi des étapes importantes en ce sens pour les officiers généraux, ainsi que pour toute personne proposée pour une promotion à un grade d’officier général. Le 9 juillet 2021, le CEMD a publié une directive introduisant les tests psychométriques et l’examen à 360 degrés pour les candidats officiers généraux. Cette directive faisait suite à une recherche réalisée par le DGRAPM en 2020 et à un projet pilote mené à l’automne de la même annéeNote de fin d'ouvrage 1061.

La directive du CEMD a été mise en œuvre en novembre 2021 selon une méthodologie proposée par le DGRAPMNote de fin d'ouvrage 1062. Cette méthodologie prévoit l’administration de tests psychométriques suivis d’une évaluation à 360 degrés par plusieurs évaluateurs « de confirmation ». Dans l’actuelle itération 2021–2022, les tests psychométriques inclus dans ce processus utilisent trois outils pour évaluer les officiers généraux prospectifs :

  • les matrices progressives avancées de Raven, qui mesurent les capacités cognitives générales et le raisonnement;
  • l’inventaire de personnalité des traits autodescriptifs, qui évalue des aspects de la personnalité associée au succès dans les organisations, comme le souci du travail bien fait, l’intégrité et l’agréabilité;
  • le Profil des compétences en leadership – Modifié, une évaluation des compétences en leadership reposant sur la personnalitéNote de fin d'ouvrage 1063.

Les notes obtenues grâce à ces trois outils sont agrégées et transmises à une équipe relevant du CPM, qui convertit ensuite les résultats et les combine avec ceux de l’évaluation effectuée par plusieurs évaluateurs pour produire une note synthétisée finale qui sera utilisée par les comités de sélectionNote de fin d'ouvrage 1064.

Les FAC ont clairement pris des mesures concrètes pour améliorer leur sélection des officiers généraux. L’inclusion des tests psychométriques et de l’évaluation à 360 degrés s’imposait, à la fois pour garantir le calibre des dirigeants des FAC à un moment charnière de leur histoire, et pour rétablir la confiance dans le système de nomination des futurs leaders.

Cependant, il est important que ces processus embryonnaires ne soient pas vus comme une panacée. Aucun système n’offre une parfaite objectivité, et les plus problématiques sont ceux où les acteurs sont convaincus de leur objectivité, en oubliant les biais inconscients – et parfois pas si inconscients que ça – qui s’insinuent inévitablement. À ce titre, ces nouveaux processus doivent faire l’objet d’une surveillance et d’une évaluation constantes. Imposer des mesures plus strictes d’évaluation au sommet de la hiérarchie était la bonne chose à faire pour commencer. Cela envoie un important signal quant à la valeur que les FAC accordent au caractère des personnes qui aspirent à diriger.

Recommandation no 33

Les nouveaux processus d’évaluation psychométrique et d’examen à 360 degrés utilisés aux fins de confirmation pour la promotion des officiers généraux devraient être soigneusement révisés annuellement par un expert externe pour les affiner progressivement. Les résultats de cette révision annuelle devraient être transmis à la ministre.

Bien que louables, ces récentes améliorations à la sélection des officiers généraux ne vont pas assez loin. Je crois que ces processus doivent s’appliquer à toute candidature à un commandement d’unité ou à un poste supérieur. Ce principe coïncide avec les plans du DGCM :

  • Des recherches et des consultations sont en cours pour établir un cadre reposant sur les données probantes pour les évaluations fondées sur le caractère, un cadre susceptible d’être étendu à d’autres grades de direction dans les prochaines années. Le but est d’élargir le cadre aux grades de major/capitaine de corvette et de sergent/maître de 2e classe et grades supérieursNote de fin d'ouvrage 1065. [traduit par nos soins]

Bien qu’elle soit décrite comme « ambitieuse et [...] exigeante en ressources »Note de fin d'ouvrage 1066 [traduit par nos soins], cette initiative doit être applaudie et devrait être étendue.

Recommandation no 34

Le nouveau processus relatif aux officiers généraux, dont les tests psychométriques et l’évaluation à 360 degrés par plusieurs évaluateurs, devrait, au minimum, être étendu aux candidats considérés pour la promotion au grade de lieutenant-colonel/capitaine de frégate ou supérieur ou au grade d’adjudant-chef/premier maître de 1re classe.

Enfin, pour rétablir la confiance et favoriser l’intégrité du corps des officiers supérieurs, il est impératif de renforcer l’exigence de signaler tout problème d’inconduite sexuelle à ce niveau. Je note que tous les candidats à la promotion à un grade d’officier général doivent divulguer les mesures administratives ou disciplinaires et les condamnations pour une infraction civile dont ils ont fait l’objet dans leur dossier de mise en candidature en vue de la promotion au cadre des officiers généraux. Ils doivent également attester qu’en dehors des éléments divulgués, ils n’ont pas fait l’objet de mesures administratives ou disciplinaires durant leur service militaireNote de fin d'ouvrage 1067. De mon point de vue, il s’agit d’une mesure judicieuse. Je crois qu’elle améliorera également la compréhension de toute la gravité de ce type de conduite et aura donc un effet dissuasif supplémentaire.

Recommandation no 35

Le système d’EPC devrait être modifié pour inclure une exigence d’autocertification dans le RER pour les personnes considérées pour la promotion au grade de lieutenant-colonel/capitaine de frégate ou supérieur ou au grade d’adjudant-chef/premier maître de 1re classe, comme c’est déjà le cas pour les nominations des officiers généraux. Le candidat devrait attester qu’il ne fait pas ou n’a pas fait l’objet d’une enquête ou d’une procédure, qu’elle soit criminelle, disciplinaire, administrative ou autre, concernant une inconduite sexuelle; et si c’est le cas, tous les détails pertinents devraient être fournis.

Promotion accélérée et liste rose

La mesure de sélection spéciale destinée aux femmes, surnommée la « liste rose », est une initiative d’équité en matière d’emploi mise sur pied en 1997 pour soutenir la promotion des officières en accroissant leur participation au Programme de commandement et d’état-major interarmées (PCEMI). On l’a décrite de la manière suivante :

  • Par conséquent, en plus des listes de candidats principaux et de remplaçants mentionnées ci-dessus, une liste de femmes (mesures spéciales) est créée en vue d’offrir jusqu’à cinq places supplémentaires aux cinq candidates les plus méritantes qui autrement n’auraient pu être sélectionnées. Le comité de sélection dresse cette liste en classant les meilleures candidates qui correspondent au profil de base du stagiaire du Collège d’état-major et dont le nom ne figure pas sur les listes principales Note de fin d'ouvrage 1068.

Selon le DGCM, la mesure spéciale de sélection est utilisée « quand le pourcentage de femmes sur la liste principale de candidats au PCEMI est inférieur au pourcentage de femmes dans le grade [major/capitaine de corvette] dans les FAC (~15 %) »Note de fin d'ouvrage 1069. [traduit par nos soins] Autrement dit, elle sert de mesure corrective pour maintenir la proportion de femmes actuellement aux grades de major et de capitaine de corvette.

La liste rose fait face à une résistance considérable depuis sa mise en place. Dans une publication de 2007 portant sur les expériences contemporaines de leadership des femmes dans les FAC, une auteure écrit :

  • Une politique surtout, communément appelée la liste rose, a été dénoncée par tous les officiers qui se livrent une vive concurrence pour être sélectionnés au Cours de commandement et d’état-major des Forces canadiennes, en la qualifiant d’inéquitable parce qu’elle confère à leurs yeux un avantage injuste aux femmes par rapport à leurs collègues masculins. Des femmes avec qui je travaille m’ont dit qu’elles refuseraient une place rose sur ce cours, car cela minerait leur crédibilité, et celles à qui on avait offert une telle place l’ont refuséeNote de fin d'ouvrage 1070.

Cependant, on a noté que dans de nombreux cas, la liste rose elle-même était mal compriseNote de fin d'ouvrage 1071. Le besoin d’améliorer le message concernant la mesure spéciale de sélection a été constaté à de multiples reprisesNote de fin d'ouvrage 1072.

Il est à noter que même si le PCEMI constitue une étape cruciale de la préparation en vue d’une nomination comme commandant et de la promotion aux niveaux stratégiques supérieurs des FAC, il n’est pas le seul cours de leadership important qui soit requis. Il existe de nombreux autres cours de même importance, pour les officiers comme pour les sous-officiers, tels que le Programme d’études nationales – destiné aux officiers généraux – et le Cours sur les opérations de l’Armée de terre – pour les capitaines de l’Armée qui aspirent à une promotion comme major. Les FAC devraient envisager si des mesures spéciales de sélection semblables sont nécessaires pour accroître ou encourager aussi la représentation des femmes dans ces cours.

Quand j’ai parlé de quotas aux parties prenantes, je me suis heurtée à une très forte opposition, notamment de la part de nombreuses femmes qui craignaient que leurs qualifications soient remises en question sous un système préférentiel quelconque. Il me semble hélas particulièrement évident que les qualifications des femmes sont toujours remises en question, avec ou sans liste rose. De nombreuses parties prenantes ont fait allusion au besoin constant pour les femmes de faire leurs preuves avant d’être prises au sérieux et au fait qu’on ne tienne pas compte des officières supérieures dans les réunions jusqu’à ce qu’un subordonné mâle se porte garant d’elles.

La réalité est que les femmes ont moins de possibilités que les hommes d’être promues et que quand elles le sont, la réaction est souvent : « Oh, c’est parce que c’est une femme ». Dans tous les cas, elles sont perdantes. Si la tendance actuelle n’est pas sérieusement corrigée, non seulement les femmes ne formeront pas 25 % des FAC en 2025 – ce que tout le monde s’accorde à dire – mais elles seront toujours sous-représentées de façon disproportionnée parmi les hauts gradés.

En ce qui concerne la promotion des femmes, les FAC cherchent avant tout à s’assurer qu’elle est cohérente avec la population militaire féminine ou avec les ratios actuels femmes-hommes dans un grade donné. Cette approche ignore l’importance des modèles féminins, tant pour attirer les femmes dans les FAC que pour améliorer le moral parmi leurs membres de sexe féminin. Il est indubitable que la présence d’un nombre important de femmes dans les milieux décisionnels aide à contrer le point de vue autoentretenu des hommes, même sur des questions en apparence neutres du point de vue du genre.

Les femmes représentent pratiquement la moitié de la main-d’œuvre au Canada. Il n’y a aucune raison pour que les FAC, comme toute autre organisation moderne, ne visent pas également la parité. Cela peut sembler exagérément ambitieux dans un domaine notoirement dominé par les hommes, mais peu de progrès seront réalisés si les politiques de promotion cherchent simplement à maintenir les ratios actuels. Cette situation continuera à être problématique tant que les officiers généraux compteront peu de membres provenant des groupes professionnels de soutien – dans lesquels les femmes continuent à converger à leur entrée. Voilà un point important. Les femmes n’atteindront pas les grades de haute direction si le critère d’accession est le groupe professionnel, plutôt que le talent.

Face à cette réalité, les FAC devraient établir un système de cibles afin d’augmenter le nombre de femmes au-delà de leurs proportions dans la population.

Recommandation no 36

Les FAC devraient établir pour la promotion des femmes un système de cibles progressives augmentant le nombre de femmes dans chaque grade, en vue d’accroître leur proportion au sein des officiers généraux au-dessus de leur niveau de représentation dans les effectifs globaux des FAC.

Gestion de carrière et affectations

Gestion de carrière et affectations en général

Chaque grade et chaque groupe professionnel des FAC se voit assigner un gestionnaire de carrière qui relève du DGCM. Au sein de l’équipe du DGCM, la gestion de carrière est répartie entre la Direction – Carrières militaires (DCM), qui s’occupe des MR jusqu’au grade d’adjudant-maître/premier maître de 2e classe et des officiers jusqu’au grade de lieutenant-colonel/capitaine de frégate, et la DNS, qui est chargée des colonels/capitaines de vaisseau et des adjudants-chefs/premiers maîtres de 1re classe. C’est le DGCM qui joue le rôle de gestionnaire de carrière pour les officiers générauxNote de fin d'ouvrage 1073. Les gestionnaires de carrière travaillent avec chaque militaire ainsi qu’avec diverses autres parties prenantes, comme la chaîne de commandement, les experts en la matière de la branche et les planificateurs de la relèveNote de fin d'ouvrage 1074 pour satisfaire les priorités de dotation à court terme »Note de fin d'ouvrage 1075.

Les gestionnaires de carrières sont chargés de produire un tableau d’affectations pour toutes les personnes sous leur responsabilité. Selon le DGCM, lorsqu’ils décident des affectations, ils doivent :

  • [P]rendre en considération un vaste éventail de facteurs […] pour établir un juste équilibre entre les besoins des FAC et ceux des militaires. Ces facteurs comprennent, entre autres : les besoins du service, comme les catégories de dotation du VCEMD, les qualifications particulières, l’avancement professionnel, la planification de la relève et l’attrition, de même que les préoccupations des membres concernant les préférences d’emplacement, l’emploi de leur conjoint ou conjointe, l’éducation des personnes à leur charge, leurs parents vieillissants, leur situation de famille et leur stabilité géographiqueNote de fin d'ouvrage 1076. [traduit par nos soins]

Tout comme les comités de relève et d’autres éléments de la gestion du personnel des FAC, les gestionnaires de carrière doivent s’efforcer de respecter le mantra des FAC : « la bonne personne au bon poste et au bon moment »Note de fin d'ouvrage 1077. Le DGCM a constaté que la gestion des affectations se heurtait une réticence croissante des membres des FAC à déménagerNote de fin d'ouvrage 1078. On m’a aussi dit que pour les militaires mariés, on tente habituellement de procéder à des affectations conjointes, c’est-à-dire d’affecter les deux membres du couple dans la même région géographique. De fait, séparer les couples aux fins d’affectation exige l’autorisation de la DCMNote de fin d'ouvrage 1079.

Durant la création du tableau des affectations, les gestionnaires de carrière effectuent des entrevues et une présélection pour guider les propositions d’affectation. La présélection consiste, entre autres, à se coordonner avec les commandants qui perdent des effectifs et les commandants qui en gagnent afin de rechercher les inconduites répétées. Dans des situations exceptionnelles (p. ex. affectations pour motifs personnels ou affectations dans un centre de transition des FAC), les affectations peuvent aussi être gérées par la DCMNote de fin d'ouvrage 1080.

De plus, les gestionnaires de carrière sont chargés de la gestion des promotions, la sélection et des nominations aux cours professionnels et l’acheminement des dossiers pour mesures administratives. De plus, ils gèrent les frais de déplacement et les entrevues annuelles, et préparent les dossiers à l’intention des comités de sélectionNote de fin d'ouvrage 1081.

Dans beaucoup de leurs domaines de responsabilité, les gestionnaires de carrière sont supervisés par la DCM, le DGCM ou des comités qui déterminent la convenance des membres des FAC aux promotions et aux affectations. Mais ils disposent également d’une certaine latitude. En particulier, leur planification de la relève des officiers et des MR les plus subalternes s’effectue sous une faible supervision collective. De plus, tous les membres des FAC ne sont pas inclus dans la planification de la relève. Comme je l’examine ci-dessous, seules les personnes affichant un potentiel sur le plan du leadership et satisfaisant les autres exigences, comme le nombre d’années de service restantes, sont intégrées dans le processus. Les membres des FAC peuvent également se désister de la planification de la relève (p. ex., parce qu’ils souhaitent rester dans une région géographique donnée). Les militaires qui ne font pas partie du plan de relève à court ou long terme sont essentiellement gérés par leur gestionnaire de carrière.

Les gestionnaires de carrière ont été critiqués pour un manque de responsabilité, ainsi que pour l’insuffisance de leur formation en ressources humainesNote de fin d'ouvrage 1082. Le DGCM admet que le manque de personnel qualifié et un problème de disponibilité des logements ont accru la complexité de la gestion de carrièreNote de fin d'ouvrage 1083. Un simple examen des DOAD relatives au personnel et à la gestion de carrière sur le site Web du MDN montre que les gestionnaires de carrière font face à un cadre politique complexe, sans compter les Ordonnances administratives des Forces canadiennes, les CANFORGEN et les directives propres aux environnements et aux groupes professionnelsNote de fin d'ouvrage 1084.

Des parties prenantes m’ont informé que les FAC font également face à un autre problème : la brièveté du cycle d’affectation et la mobilité constante de ses membres. Dans certains cas, le changement continu de personnel à un poste fait en sorte que personne n’acquière l’expérience nécessaire pour remplir les fonctions du poste. Les gestionnaires de carrière eux-mêmes (et le COMPERSMIL en général) en offrent un bon exemple.

Selon moi, les FAC devraient revoir attentivement les groupes professionnels et les postes qui profiteraient d’un savoir expérientiel acquis sur le long terme. Elles pourraient commencer par les ressources humaines, et réévaluer si les postes de cette fonction devraient être des postes à long terme ou confiés à des civils. Les affectations de longue durée permettent aux gens d’acquérir l’expérience nécessaire pour assumer adéquatement les tâches de leur rôle. Dans d’autres cas, il pourrait être nécessaire d’attribuer le poste à un civil pour qu’il soit occupé à long terme.

Globalement, la forte dépendance des FAC à la mobilité – qui entraîne la multiplication des affectations de courte durée durant la carrière d’un membre des FAC – est la cause fondamentale de nombreux problèmes. Les périodes courtes nuisent au développement complet des compétences et de l’expertise à un poste; dans les grades intermédiaires et supérieurs, elles encouragent le lancement d’initiatives boiteuses et limitent considérablement la responsabilisation en cas d’échec. Elles ébranlent le respect des subordonnés à l’égard de leurs supérieurs, car ils se rendent compte des limites des compétences et des capacités de ces derniers. À tous les niveaux, la mobilité constante entrave l’aptitude des militaires à assumer la responsabilité et à tirer des leçons de leurs erreurs – au mieux –, et au pire leur permettent d’échapper à toute responsabilité. Ce constat va dans le sens des observations que j’ai entendues de la part de membres de l’Équipe de la Défense, soit qu’il y a un manque de responsabilisation de la chaîne de commandement, les membres laissant derrière eux un gâchis dont ils n’ont plus à se préoccuper dans leur nouvelle affectation.

De plus, la mobilité constante exige énormément des membres des FAC et impose un stress énorme à leurs familles. Les militaires, comme tout le monde, ont besoin de temps pour acquérir de l’expertise, constituer des équipes et trouver leur place dans l’organisation. Pour y parvenir, ils ont besoin du soutien de leur famille et de leur communauté.

La question de la mobilité a d’importantes implications, et devrait être abordée avec la contribution maximale de toutes les personnes directement touchées par les pratiques actuelles.

Dossiers du personnel

D’après ce que je comprends, chaque membre des FAC possède un dossier personnel centralisé détenu par le MILPERSCOM (le dossier du « Guardian ») et un DPU. Le dossier du Guardian est archivé électroniquement dans le système de gestion électronique des dossiers du personnel (SGEDP). De plus, certaines « ressources documentaires de valeur pour les activités » [traduit par nos soins] sont consignées, comme les griefs, les documents concernant les suspensions de casier judiciaire et des éléments diversNote de fin d'ouvrage 1085. Chaque militaire possède également une « fiche de conduite » (qui fait partie du DPU). Cette fiche est rédigée « seulement quand une entrée est nécessaire » et renferme tant les reconnaissances de conduite exemplaire que les condamnations criminelles. Seuls les commandants ont le pouvoir d’y apporter des modifications. La fiche de conduite n’inclut pas les actions découlant de mesures administratives, comme un avertissement consigné ou le relèvement de fonction ou de commandementNote de fin d'ouvrage 1086.

Le DPU – fiche de conduite comprise – est transféré à l’unité du membre à son affectation. Cependant, certains éléments ne sont pas conservés dans le DPU après l’affectation, le transfert d’élément (c’est-à-dire de la F rég vers la F rés ou inversement) ou la libération. Les DPU subissent un dépouillement des dossiers avant et après tout transfertNote de fin d'ouvrage 1087. En particulier, les dossiers suivants sont supprimés avant ou après une affectation :

  • Redressement de grief;
  • Registre de procédures disciplinaires;
  • Rapports de police militaire;
  • Plainte de harcèlement ou documents d’enquête;
  • Pardons (suspension du casier judiciaire), mention du libellé de l’infraction ou référence au libellé, condamnation ou peine pour laquelle la personne a été graciée;
  • Rapport d’évaluation de sélection (DND 2790);
  • Documents sur une plainte concernant les droits humains;
  • Enquête sommaire ou commission d’enquête; et
  • Renseignements d’autodéclaration.

En dehors du Registre de procédure disciplinaire, que l’unité de provenance doit conserver, on ne sait pas trop ce qui est censé survenir des documents retirés du DPU, ni à quel point les renseignements consignés dans le DPU sont recueillis et archivés centralement dans le SGDEP. Les unités ont simplement l’ordre de « veiller à ce que les documents contenant des renseignements personnels pertinents soient contenus ailleurs »Note de fin d'ouvrage 1088. [traduit par nos soins]

Les renseignements qu’on m’a fournis ne me permettent pas de déterminer à quel point cela est bien fait ni à quel degré les documents contenus dans le DPU sont dupliqués dans le dossier du Guardian, ou autrement conservés centralement. Les unités dépouillent des milliers de DPU chaque année dans le cadre de l’affectation de militaires ou du départ d’une affectation. J’ai entendu de la part de parties prenantes que des renseignements sont susceptibles de se perdre dans le système, ce qui se produit bien dans les faits.

Cette situation doit être rectifiée. Il est essentiel pour les FAC de maintenir la visibilité sur l’entièreté de la carrière d’un militaire, ce qui exige des procédures efficaces garantissant que les renseignements sur les inconduites (y compris de nature sexuelle) demeurent dans le dossier et soient accessibles aux principaux décideurs.

Universalité du service

Le principe « d’universalité du service » stipule que les militaires doivent être en mesure d’accomplir en tout temps et en toutes circonstances les fonctions qui peuvent leur être demandéesNote de fin d'ouvrage 1089. Selon ce principe, un militaire est un « soldat d’abord ». À ce titre, les membres des FAC doivent exécuter les tâches militaires d’ordre général, ainsi que les tâches communes liées à la défense et à la sécurité – en plus des tâches de leur groupe professionnel militaire. Pour ce faire, ils doivent, entre autres, être en bonne condition physique, aptes au travail et déployables pour effectuer des tâches opérationnelles généralesNote de fin d'ouvrage 1090. L’autorité régissant le principe d’universalité du service est précisée à l’article 33(1) de la LDA, lequel stipule :

  • La force régulière, ses unités et autres éléments, ainsi que tous ses officiers et militaires du rang, sont en permanence soumis à l’obligation de service légitimeNote de fin d'ouvrage 1091.

L’universalité du service peut être rompue pour des restrictions médicales à l’emploi. Les FAC admettent les restrictions médicales temporaires pendant un maximum de six mois. Cela peut mener à des restrictions médicales permanentes, qui aboutissent à un examen administratif. Dans le cadre de ce processus, le DACM peut faire une offre de maintien pour raisons médicales durant une période maximale de trois ans, sous réserve de l’approbation du commandant d’unitéNote de fin d'ouvrage 1092. À la fin de cette période, le militaire est libéré et ne pourra alors postuler qu’à un emploi dans la Réserve supplémentaire, dans les Rangers canadiens ou dans le Service d’administration et d’instruction des organisations de cadetsNote de fin d'ouvrage 1093.

Dans un rapport de 2018, RDDC a constaté que même si les normes de condition physique pour les hommes et pour les femmes sont égales,

  • des idées fausses demeurent quant à l’application de ces normes, en particulier en ce qui concerne les femmes. On entend fréquemment que les femmes bénéficient d’un traitement spécial et qu’on les laisse passer pour satisfaire les exigences de quotas. Or, la recherche a constaté que les femmes étaient aussi performantes que les hommes dans l’armée, ce qui porte à croire qu’il n’est pas nécessaire de traiter les femmes différemment. De plus, selon la littérature, cette réaction sous-estime les accomplissements des femmes et renforce les stéréotypes sexuels. Elle n’est pas toujours intentionnelle et peut se produire quand des personnes tentent de minimiser les différences entre les sexes. Un récent rapport souligne que 22 % des répondants au sondage « À vous la parole » réalisé en 2011 avaient le sentiment que le sexe influençait la façon dont les gens étaient affectés à des postes (Wang, 2013)Note de fin d'ouvrage 1094. [traduit par nos soins]

L’inconduite sexuelle, et en particulier le harcèlement et l’agression sexuels, constitue un problème particulier en ce qui concerne l’universalité du service. Les victimes présentent souvent un trouble de stress post-traumatique et d’autres traumatismes qui requièrent une thérapie. Selon la définition actuelle des restrictions médicales à l’emploi et les exigences de l’universalité de service, cette situation peut conduire à leur libération pour raisons médicales.

De plus, comme les FAC l’ont reconnu dans leur rapport de 2017 portant sur le recrutement féminin (Tiger Team Report: Recruitment of Women in the Canadian Armed Forces), les femmes sont souvent surreprésentées parmi les personnes avec restrictions médicales temporaires et permanentes, pour différentes raisons, ce qui fait qu’elles sont libérées pour des raisons médicales en plus grand nombre que les hommes. L’équipe spéciale « Tiger » avance que, bien que l’aptitude médicale soit une obligation pour maintenir la capacité opérationnelle des forces armées, il peut être possible d’offrir des périodes de rétention plus longues aux femmes qui servent dans des groupes professionnels auxquels elles peuvent continuer à contribuer efficacement, même si elles ne répondent pas aux exigences de l’universalité du serviceNote de fin d'ouvrage 1095.

Je comprends que les FAC sont en train de revoir leur règle de l’universalité du service et j’applaudis cette initiative. Cependant, on ne m’a montré jusqu’ici que des changements modestes afin d’harmoniser la DOAD qui traite de la condition de physique et de l’universalité du service avec la pratique actuelle. Ils ne modifient pas les exigences de condition physique en tant que telles et ne répondent à aucune des constatations concernant la surreprésentation des femmes parmi les personnes ayant des restrictions médicales et dans les libérations.

Il est important que les FAC, lorsqu’elles mettent à jour leurs politiques sur l’universalité du service, continuent à appliquer l’analyse ACS+ et fassent en sorte que les changements qu’elles proposent dépassent l’égalité formelle afin de s’adapter adéquatement aux femmes et aux victimes d’inconduite sexuelle. A mon avis, promouvoir l’adhésion à la diversité sans égard au genre se transformera probablement en une prophétie autoréalisatrice d’échec – ce qui est toujours le risque lorsqu’on souscrit à l’égalité formelle plutôt qu’à l’égalité réelle.

Recommandation no 37

Les FAC devraient examiner le principe de l’universalité du service par le prisme ACS+ et le moderniser afin que les femmes et les victimes d’inconduite sexuelle soient traitées équitablement et d’une façon qui tient compte de la situation comme des facteurs de risque qui leur sont propres.

Planification de la relève

Aperçu de la planification de la relève

La planification de la relève est un sous-ensemble de la gestion de carrière qui vise à former un bassin de talents de leaders efficaces ayant le potentiel de réussir. Le DGCM appelle cela le « modèle de l’œuf », pour lequel la planification de la relève constitue le jaune et la gestion de carrière dans son ensemble, le blancNote de fin d'ouvrage 1096. Lors de la constitution de leurs bassins de talents, les FAC tentent de repérer les individus prometteurs tôt dans leur carrière militaire et ont mis sur pied un système de niveaux, que j'examine plus bas, afin de mieux évaluer leur potentiel.

Un certain nombre de plans de relève – à court et à long terme – sont élaborés à différents niveaux des FAC, bien que le format varie selon le commandement. Pour faire partie du plan de relève, la personne doit généralement avoir été repérée comme un talent et avoir été affectée à un niveau. Toutefois, la planification de la relève comporte deux étapes. Non seulement elle demande que les FAC recherchent les officiers disponibles à un grade donné et affectent les plus prometteurs aux postes clés comme relève, mais elle implique également la gestion active de la carrière et le perfectionnement des talents repérés, également appelés streamers. Autrement dit, une fois les personnes intégrées dans le plan de relève, l’organisation déploie des efforts particuliers pour maximiser leur potentiel professionnel et pour leur procurer les occasions qui leur permettront d’atteindre les postes de leadership stratégique de haut rang en temps et lieu.

Armée canadienne

Planification de la relève dans l’Armée canadienne en général

L’Armée canadienne est le plus gros commandement des FAC, avec environ 23 000 membres de la F rég et 19 000 réservistesNote de fin d'ouvrage 1097. La planification de la relève et la plupart des nominations au niveau inférieur à celui d’officier général sont du ressort du commandant et du commandant adjoint de l’Armée. On estime que le commandant adjoint y consacre jusqu’à 50 % de son temps. L’Armée a également créé la Direction – Gestion du talent, Armée canadienne, une unité civile qui relève du commandant adjoint. Selon le directeur – Gestion du talent, Armée canadienne, ce recours à une entité civile a deux fins. Premièrement, elle améliore la transparence et la continuité dans le processus de planification de la relève. Deuxièmement, elle permet une relation plus libre avec la chaîne de commandement, ainsi qu’un meilleur accès aux dossiers du personnel au sein de l’équipe, grâce auxquels la Direction peut fournir des conseils plus élaborés sur les candidats à des postes donnés.

La gestion de carrière et la planification de la relève dans l’Armée canadienne sont largement décentralisées jusqu’au grade de lieutenant-colonel. Pour les lieutenants-colonels qui n’ont pas encore assumé un poste de commandant d’unité ou équivalent, les majors et les capitaines, la planification de la relève est effectuée par le corps ou le régiment, et les décisions sont transmises à la Direction – Gestion du talent, Armée canadienne aux fins d’approbation définitive. De même, la F rés suit un processus en grande partie décentralisé, qui s’appuie sur des « gestionnaires de base d’appartenance », lesquels supervisent les carrières et la planification de la relève pour leur région géographique.

Ce processus est repris pour les postes de sous-officiers supérieurs, qui sont comblés en dehors du système officiel d’attribution de grades et de promotion et qui fonctionnent différemment des nominations d’officier. Si pour les officiers, on cherche surtout à pourvoir les postes qui accroissent leur expérience et leur apporte une visibilité leur permettant d’atteindre le grade suivant (et, en fin de compte, de parvenir à la haute direction des FAC), les MR peuvent être nommés à des postes de direction particuliers dans leur grade. Au-dessus d’un certain niveau, ces nominations sont effectuées au sein d’un processus centralisé supervisé par la Direction – Gestion du talent, Armée canadienne. Au sens large, cela inclut tous les postes d’adjudant-chef de niveau 3 et supérieurs, comme les nominations aux commandements d’unité, de formation/division ou de l’Armée. Pour les nominations aux niveaux inférieurs, par exemple comme sergent-major régimentaire, la planification de la relève est de nouveau assurée par le corps, la branche ou le régiment correspondant.

S’il existe des politiques et des ordres centraux pour la planification de la relève à court et long terme fournis par le commandant de l’Armée canadienne, le plus notable étant l’ordre de l’Armée canadienne (OAC) 11-79Note de fin d'ouvrage 1098 ils accordent une certaine latitude aux directeurs des divers corps et régiments en ce qui concerne le processus et le contenu. Le concept clé normalisé au sein de l’Armée canadienne est celui de la répartition par niveaux. Selon ce principe, les membres des FAC qui font partie du plan de relève sont répartis en six niveaux distincts, lesquels correspondent au potentiel à assumer des postes de commandement et les postes stratégiques clés.

Les niveaux sont structurés de la façon suivante :

  • Niveau 1 : Nomination aux postes de direction stratégique supérieur au niveau du commandementNote de fin d'ouvrage 1099 et des FAC, au-delà du grade d’adjudant-chef (pour les MR) et de brigadier-général (pour les officiers);
  • Niveau 2 : Nomination aux postes de direction stratégique, au grade d’adjudant-chef et de brigadier-général;
  • Niveau 3 : Nomination aux postes de direction opérationnelle ou aux postes clés d’état-major, au grade d’adjudant-chef et de colonel (p. ex. commandant de formation);
  • Niveau 4 : Nomination aux postes de direction tactique, au grade d’adjudant-chef (p. ex. sergent-major régimentaire) et de lieutenant-colonel (p. ex. commandant d’unité, d’école ou d’unité de soutien divisionnaire);
  • Niveau 5 : Niveau de commandement de sous-unité, généralement des capitaines et des majors (p. ex., commandement de compagnie, d’escadron, de batterie) ou les postes de sergent-major correspondants pours les sous-officiers; et
  • Niveau 6 : Niveau de commandement de sous-sous-unité (peloton ou troupe)Note de fin d'ouvrage 1100 généralement des capitaines.

Les niveaux correspondent en gros au grade, mais ils servent également d’indicateur de rendement supérieur et de préparation en vue du niveau suivant. Par exemple, la plupart des capitaines ne sont pas affectés à un niveau ou sont affectés au niveau 6, mais les capitaines performants peuvent se trouver au niveau 5, ce qui indique qu’ils sont prêts pour un commandement de sous‑unité. De même, les majors très performants peuvent être affectés au niveau 4, et ainsi de suite. Ceci est considéré comme une indication que le militaire est prêt pour le grade et le niveau de commandement suivants.

La répartition par niveaux comporte un autre élément, le « repérage des talents ». Cet élément n’est pas formulé dans les documents de politique officiels, mais il est utilisé dans la pratique et suivi par la Direction – Gestion du talent, Armée canadienne dans le plan de relève à long termeNote de fin d'ouvrage 1101. Il entraîne aussi l’attribution de points pour la notation des comités de promotionNote de fin d'ouvrage 1102. Les talents repérés, ou streamers, sont vus comme des officiers talentueux dont la carrière doit être gérée avec soin, car ils possèdent un « petit quelque chose de plus » que leurs pairs. Le but est que la carrière de ces personnes soit soigneusement gérée pour maximiser leurs possibilités de perfectionnement et les placer au-dessus de leurs pairs.

Outre le recours au modèle de répartition par niveaux, il existe une grande variabilité dans la façon dont les divers corps, branches et régiments effectuent leur planification de la relève. La seule exigence du commandement central de l’Armée canadienne est que le processus produise des plans de relève à court et long terme, qui seront approuvés par le conseil du Plan de relève de l’Armée canadienne (CPRAC) et, en fin de compte, par le commandant de l’Armée canadienne.

Planification de la relève centralisée – grades supérieurs

La planification de la relève dans l’Armée canadienne est régie par l’OAC 11-79Note de fin d'ouvrage 1103. Au-dessus du niveau 3, l’autorité de nomination est le CEMD et/ou la ministre, et les candidats sont recommandés par le commandement de l’Armée canadienne. Pour les niveaux 3 et 4, l’autorité de nomination est le commandant de l’Armée canadienne. Au-dessous du niveau 4, l’autorité de nomination est le directeur du corps, de la branche ou du régiment.

Pour les niveaux 3 et 4, l’Armée canadienne tient deux CPRAC, un à la fin novembre et l’autre au printemps. Ces conseils s’occupent tous deux des nominations des officiers et des MR. La planification de la relève n’inclut pas tous les militaires d’un grade donné. Par exemple, elle exclut ceux auxquels il ne reste pas assez d’années de service pour passer à un grade supérieur, ceux qui ont demandé à en être exclus ou ceux qui ont été rétrogradés de niveau.

Toutefois pour les personnes intégrées à la planification de la relève, l’Armée élabore un plan de relève à long terme et un plan à court terme. Le plan à long terme établit la progression attendue en fonction du nombre d’années de service restant, du potentiel et des contraintes actuelles, pour la prochaine décennie approximativement. Le plan de relève à court terme porte sur la prochaine période annuelle d’affectation, ou sur les deux prochaines, et propose un candidat principal et un suppléant pour chaque nomination, l’approbation étant donnée par le commandement de l’Armée canadienne.

Le CCRAT est présidé par le commandant adjoint de l’Armée canadienne. Ses 15 membres votants comprennent les commandants de division et les commandants des bases d’appartenance de la réserve, tous les brigadiers-généraux ainsi qu’une personne additionnelle du niveau de brigadier-général extérieure à l’Armée canadienne. Les sergents-majors régimentaires de division assistent également à la réunion avec possibilité d’intervenir (bien que sans droit de vote). Les directeurs de corps, de branche ou de régiment (tous des colonels) sont aussi présents (sauf durant la planification de la relève des colonels). Le CCRAT de novembre porte sur les nominations aux grades supérieurs : colonels, commandants d’école, lieutenants-colonels de commandement post-unité et adjudants-chefs des niveaux 3 et supérieurs. Le CCRAT du printemps traite les nominations des lieutenants‑colonels, des majors et des adjudants-chefs restants.

Le processus de vote au CCRAT est strictement défini. Les brigadiers-généraux autorisés à voter le font avant la tenue du conseil. Chaque membre votant classe les candidats en ordre de préférence (p. ex. de 1 à 4 s’il y a quatre candidats, de 1 à 5 s’il y a cinq candidats et ainsi de suite). Les classements sont ensuite agrégés pour attribuer une note à chaque candidat. Quand il y a une différence de plus d’un point pour une nomination, il n’y a pas de nouveau vote, mais une discussion peut avoir lieu. Cependant, si la discussion soulève une importante question, les membres du conseil peuvent avoir à voter de nouveau. Si les résultats du vote aboutissent à une égalité ou à une différence d’un point et qu’il y a cinq candidats ou plus, la note est « normalisée ». Les candidats du bas du classement sont éliminés et les candidats restants sont classés de nouveau pour tenir compte des éliminations, les notes étant réattribuées en conséquence. Si ce processus aboutit au même classement des premiers candidats avec un écart de plus d’un point, il n’y a pas de nouveau vote, sauf conclusion contraire de la discussion générale, comme indiqué plus haut. Si l’ordre change, un nouveau vote est tenu pour le poste.

Avant que le Conseil vote de nouveau, les commandants de division et les directeurs de corps, de branche et de régiment responsables d’un candidat donné le présentent et tentent de convaincre leurs pairs de sa valeur et de son potentiel.

Contrôle par le régiment, le corps et la branche des grades subalternes

La planification de la relève au niveau du régiment, du corps et de la branche fonctionne au niveau inférieur au CCRAT, mais alimente le processus. Elle couvre généralement les postes de lieutenant-colonel, de major, de capitaine et de sous-officier supérieur précommandement à un niveau inférieur. Seuls les majors de niveau 4 et supérieurs peuvent faire l’objet d’un examen approfondi au CCRAT du printemps. Comme il est noté plus haut, les corps, les branches et les régiments disposent des pouvoirs de nomination en ce qui concerne les niveaux inférieurs.

On m’a fourni les documents de politique concernant la planification de la relève des divers corps, branches et régiments de l’Armée canadienneNote de fin d'ouvrage 1104. Ayant examiné ces politiques et participé à divers conseils chargés de la relève des FAC, il est clair à mes yeux que la planification de la relève à ce niveau de l’Armée varie énormément. De plus, il y a un manque généralisé de cohérence dans la documentation. Si certains corps, branches ou régiments ont constitué des matrices de notation détaillées pour la gestion des carrières et la planification de la relève (p. ex., le Corps des transmissions royal du Canada et le Corps du Génie électrique et mécanique royal canadien)Note de fin d'ouvrage 1105. D’autres utilisent des outils plus rudimentaires et s’appuient sur des discussions générales à l’occasion de réunions. Les membres de l’équipe de l’examen ont également entendu que des gestionnaires de carrière et des directeurs de corps, de branche et de régiment tentent souvent de quelque peu « réinventer la roue » dans la préparation et l’exécution de la planification de la relève.

Il y a également peu d’uniformité en ce qui concerne les grades qui font l’objet d’une planification active de la relève. Par exemple, le Corps des transmissions royal du Canada ne considère que les niveaux 5 et supérieurs et n’effectue pas de planification de la relève pour les individus du niveau 6. Il tient des comités chargés de la relève uniquement pour les majors et les lieutenants-colonels. En revanche, dans d’autres corps, tels que le Régiment royal de l’Artillerie canadienne, les comités chargés de la relève tiennent également compte des individus de niveau 6, y compris des capitaines. Ce fonctionnement a pour effet soit de consolider le pouvoir au niveau des comités régimentaires, soit de le transférer aux gestionnaires de carrière individuels.

D’autres éléments ont attiré mon attention lorsque j’ai examiné la planification de la relève à ce niveau :

  • Il y a un manque de personnel et la nomination des directeurs de corps, de branche et de régiment est généralement une tâche secondaire, ce qui fait en sorte que la planification de la relève fait en général l’objet de peu d’attention.
  • Les corps, les branches et les régiments disposent d’un pouvoir considérable sur les carrières, jusqu’au premier niveau des grades de lieutenant-colonel; le processus dépend de la personnalité et varie traditionnellement énormément selon le directeur en poste.
  • Il y a souvent un manque de mémoire organisationnelle.
  • Il existe une énorme flexibilité au niveau du corps, de la branche et du régiment pour la désignation (ou l’annulation de la désignation) d’un poste ou d’une affectation comme « haut de gamme », ce qui a un effet sur l’avancement de la carrière d’un individu, tant sur la promotion que sur la planification de la relève (les emplois haut de gamme attirant davantage de points).

Tout cela illustre l’étendue de la latitude, voire de l’arbitraire, dans le processus de gestion du début de carrière. Cette latitude pose un risque d’autoperpétuation et, par corollaire, de marginalisation de militaires qui diffèrent de la norme historique.

Réserves de l’Armée canadienne

La planification de la relève des réserves de l’Armée canadienne est également régie par l’OAC 11-79 et repose entre les mains des gestionnaires des bases d’appartenance des réserves. Ces derniers ont été établis spécifiquement pour traiter la gestion de carrière de la F rés, car elle était devenue désordonnée et lourde. Leur mise en place et leurs responsabilités à cet égard sont détaillées dans l’OAC 11-92Note de fin d'ouvrage 1106. Chaque base d’appartenance est responsable de la gestion de ses colonels, de ses lieutenants-colonels et de ses adjudants-chefs de la réserve, ainsi que des majors et des adjudants-maîtres qui ont commandé une unité mineure; chacune soumet son plan de relève aux CCRAT.

Comme pour la planification de la relève au niveau du corps, de la branche et du régiment, le processus varie d’une base d’appartenance à l’autre. J’ai reçu les documents de quatre des six bases d’appartenance, c’est-à-dire les bases d’appartenance des 2e, 3e, 4e et 5e DivisionsNote de fin d'ouvrage 1107. Ici encore, certaines d’entre elles, comme la 2 Div et la 4 Div, utilisent des matrices de notation détaillées pour la planification de la relève et d’autres pas. Bien sûr, comme je le mentionne plus haut pour l’évaluation du rendement, les matrices de notation ne sont pas une garantie d’objectivité et d’impartialité. Certaines bases utilisent également des notes biographiques, qui comprennent des renseignements généralement omis par les profils de la F rég, comme l’état matrimonial, le nombre d’enfants et une catégorie « divers » parfois utilisée pour indiquer les membres de la famille qui ont servi.

Marine royale canadienne

Selon son site Web, la Marine royale canadienne (MRC) comprend 12 570 membres de la F Rég et environ 4 111 réservistesNote de fin d'ouvrage 1108. Elle centralise sa planification de la relève pour les capitaines de corvette (équivalents aux majors) et les grades supérieurs. Elle produit un plan de relève à court et à long terme, consolidés dans le plan de relève de la MarineNote de fin d'ouvrage 1109.

La planification de la relève des officiers de marine vise à produire :

  • une évaluation objective du potentiel à long terme des officiers de marine à être performants dans un poste au commandement et aux postes les plus élevés des FC. Une fois cernés, ces officiers peuvent être délibérément encadrés et gérés dans le labyrinthe des postes de commandement et de direction stratégique, des possibilités de promotion et de perfectionnement professionnel, afin de mieux les préparer pour qu’ils réussissent à des postes de commandement supérieur, d’état-major et autres postes stratégiques clés dans le futurNote de fin d'ouvrage 1110. [traduit par nos soins]

Le plan de relève de la Marine est analysé au conseil de planification de la relève de la Marine (CPRM). Les résultats du CPRM sont envoyés aux commandants de formation, qui peuvent les examiner et les commenter. Ils sont ensuite présentés au chef d’état-major de la Marine pour qu’il les avaliseNote de fin d'ouvrage 1111.

La MRC traite la planification de la relève à l’échelle de la branche ou du groupe professionnel. Elle a fixé des critères de notation détaillée pour chaque grade et chaque groupe professionnel (p. ex., officier de guerre navale, ingénieur naval) et les délibérations du CPRM s’effectuent largement par groupe professionnel, subdivisé par grade. Fait notable, la MRC intègre la planification de la relève de la F Rég et de la F rés dans un même CPRMNote de fin d'ouvrage 1112.

Une différence essentielle dans les délibérations du CPRM par rapport aux autres branches des FAC est le recours à une « liste d’examen des incidents ». Il s’agit d’une feuille de calcul contenant tous les candidats envisagés dans le plan de relève de la Marine et qui est étudiée au début du CPRM, avant l’examen détaillé des grades et des candidats. Elle inclut tous toutes les infractions aux règles de conduite depuis 2006. La MRC a également mis sur pied un cadre de discussion de la liste d’examen des incidents, qui mérite d'être reproduit dans sa totalité :

  • Liste d’examen des incidents
  • Autrefois, le CPRM consacrait du temps à l’examen des officiers au passé problématique en raison de leurs actions ou de leur conduite alors qu’ils assumaient un poste de commandement, ou lors d’événements récents. Le processus est à présent codifié ici pour une future utilisation :
    1. Principes directeurs et critères :
      1. Gravité de l’incident;
      2. Si le problème a découlé d’un manque ou d’une erreur de jugement, qui témoigne d’une mauvaise éthique, ou simplement d’une erreur;
      3. S’il y a eu une prise de responsabilité de l’incident ou de l’action ou du rôle dans celui-ci;
      4. S’il est clair qu’une leçon a été retenue de l’expérience;
      5. Si la personne a fait preuve de remords à l’égard de l’incident et si elle a pris des mesures pour corriger sa déficience;
      6. Si la personne a fait preuve d’un excellent rendement depuis l’incident;
      7. Si le Comité besoin de faire une évaluation du risque à accepter dans l’éventualité où la personne serait sélectionnée de nouveau pour un poste.
    2. Selon les résultats potentiels de l’examen :
      1. La personne demeure sur la liste des candidatures à étudier à un futur CPRM;
      2. La personne est retirée de la liste, mais peut de nouveau être candidate immédiatement à la sélection;
      3. La personne est retirée de la liste et sa candidature ne sera pas étudiée pour d’autres postes; elle doit alors être informée de la décision par écrit. [traduit par nos soins]

Cependant, les instructions à l’intention du CPRM stipulent clairement que les dossiers « étudiés pour lesquels une décision a déjà été rendue ne seront pas à réétudiés »Note de fin d'ouvrage 1113. [traduit par nos soins]

Le processus est similaire pour les MR supérieurs. La planification de la relève pour les premiers maîtres de 1re et 2e classe est effectuée conformément à l’ordre de la Marine 5002-7, qui exige deux comités séparés : le conseil de planification de gestion de la relève de la Marine, qui s’occupe de la planification de la relève à long terme, et le conseil de nomination de la relève de la Marine, qui concerne la planification à court terme. Tout comme pour la planification de la relève des officiers, les commandants de formation sont informés des résultats du conseil de nomination de la relève de la Marine et ont la possibilité de noter d’éventuels problèmes et préoccupations. La liste définitive est ensuite approuvée par le commandant de la MRCNote de fin d'ouvrage 1114.

Comparée aux autres commandements, la MRC possède des documents de politique moins développés, mais un processus de notation plus détaillé dans la pratique. Si les matrices de notation ne sont pas en elles-mêmes une garantie d’impartialité, elles peuvent procurer une certaine homogénéité dans le processus d’une année sur l’autre et révéler les tendances générales. La MRC est la seule commandement à avoir élaboré une méthodologie d’examen des problèmes de conduite (y compris des inconduites sexuelles) dans le cadre de la planification de la relève. Cette pratique est à féliciter et devrait être suivie partout dans les FAC.

Aviation royale canadienne

Selon son site Web, l’ARC emploie environ 12 000 membres de la F Rég et 2 000 réservistesNote de fin d'ouvrage 1115. Elle comprend deux branches principales en ce qui concerne la planification de la relève ou la « gestion du personnel », une pour les officiers et une pour les MR. Toutes deux fonctionnent selon les critères applicables à la relève et aux nominations. Deux ordres de la Force aérienne (OFA) décrivent la politique de gestion du personnel de l’ARC pour les officiers (F rég et F rés) et pour les MR : il s’agit de l’OFA 1000-7, Gestion du personnel de la Force aérienne – OfficiersNote de fin d'ouvrage 1116 et de l’OFA 1000-8, Processus de gestion de la relève de l’Aviation royale canadienne – Militaires du rang, respectivementNote de fin d'ouvrage 1117.

L’objectif du fonctionnement concernant les officiers est d’identifier les individus ayant la capacité d’atteindre des postes supérieurs, de les suivre et de leur offrir des possibilités de perfectionnement au tout début de leur carrière. Deux processus sont menés à cette fin :

  • un processus de nomination (pour répondre au besoin à court terme d’affecter des personnes aux postes clés);
  • un processus de gestion de la relève (pour répondre au besoin à long terme d’identifier, de suivre et d’encadrer les personnes possédant les connaissances, les compétences, le potentiel et la motivation avérés pour atteindre des postes supérieurs).

Des groupes consultatifs, composés d’officiers supérieurs de toute l’ARC, gèrent ces deux processus durant toute l’année. Ils peuvent nommer des lieutenants-colonels et militaires de grade inférieur comme « officiers à fort potentiel ».

La planification de la relève de l’ARC a pour but de cerner les officiers ayant le potentiel et la motivation pour atteindre des postes supérieurs (c’est-à-dire des postes de directeur général et d’officier général) au sein de l’ARC et des FAC. L’intention est d’identifier ces personnes tôt dans leur carrière et de les mettre au défi, de les perfectionner et de les encadrer de manière intensive. Cependant, leur progression professionnelle dépend toujours de leur rendement à leur poste et de la façon dont ils se comparent avec leurs pairs compétents et aptes. La planification de la relève commence quand les personnes sont détectées et évaluées au grade de major.

Les militaires retenus pour la planification de la relève sont placés sur des « listes O » (listes d’observation) ou des « listes P » (listes de potentiel) pour qu’ils soient indiqués comme des militaires très performants, dont la carrière nécessite une attention supplémentaire pour que leur potentiel se matérialise. Les membres des listes O sont répartis par niveau, de 1 à 3 (p. ex., la liste O1 recense les colonels qui ont le potentiel d’atteindre le grade de lieutenant-général, alors que la liste O2 et répertorie les colonels ayant le potentiel pour atteindre le grade de brigadier-général ou de major-général).

Le processus de nomination désigne les officiers destinés à occuper des postes clés. Ce processus se déroule de novembre à décembre, pour les grades inférieurs à ceux d’officiers généraux, et de janvier à mars pour les officiers généraux.

Le processus concernant les MR vise les mêmes fins que celui relatif aux officiers. Trois principaux processus sont utilisés pour gérer les MR de l’ARC :

  • la gestion de carrière (pour la dotation, en temps opportun, en personnel possédant les bonnes compétences au bon poste et au bon moment);
  • un processus de planification de la relève (pour répondre au besoin à long terme d’identifier, de suivre et d’encadrer les personnes possédant les connaissances, les compétences, le potentiel et la motivation avérés pour atteindre des postes supérieurs);
  • un processus de nomination (pour répondre au besoin à court terme d’affecter des personnes aux postes essentiels).

Tout comme les officiers, les MR passent par un processus de notation et de cotation. Tous les MR des listes N1 et N2 se voient attribuer une des cotes suivantes :

  • Priorité (P) : La cote P indique que l’on considère que ce militaire a démontré des aptitudes exceptionnelles et le meilleur potentiel de progression au sein des plans de relève des FAC et de la Force aérienne dans son groupe professionnel militaire.
  • Prêt (R) : La cote R indique que ce militaire a démontré les capacités requises pour se voir immédiatement confier les défis supplémentaires d’un poste supérieur.
  • En développement (D) : La cote D indique que le militaire a besoin de perfectionnement pour réussir à un poste supérieur. Les personnes auxquelles la cote D a été attribuée sont informées des compétences et de l’expérience supplémentaires qu’ils ont besoin d’acquérir pour obtenir la cote R.

Les dossiers des listes de potentiel sont ensuite examinés et évalués au comité de nomination. De plus, un conseil de gestion du personnel de la Force aérienne se réunit annuellement pour examiner et produire des listes de MR potentiels et proposer des plans de progression pour les personnes à fort potentiel.

Un conseil de gestion du personnel de la Force aérienne se réunit également chaque année pour déterminer le personnel à nommer aux postes supérieurs des FAC et de l’ARC et pour pourvoir les postes clés. Il produit également un plan théorique de relève à moyen et long terme.

La planification de la relève centralisée présente certains avantages par rapport au processus plus fragmenté de l’Armée canadienne, bien que je reconnaisse que l’ARC est un commandement plus réduit et qu’une centralisation semblable n’est peut-être ni faisable ni souhaitable dans l’Armée. Cependant, si les membres de l’équipe de l’examen ont entendu qu’il y a un désir de se pencher sur le potentiel de leadership et les traits de caractère, ainsi que sur les préoccupations concernant la conduite, les efforts en ce sens ont un caractère ponctuel. Comme c’est le cas dans l’Armée canadienne, il y a un manque général de documentation sur le comportement indésirable, ce qui fait que les problèmes sont soulevés lors de discussions informelles.

Autres commandements

Forces spéciales

La planification de la relève du Commandement – Forces d’opérations spéciales du Canada (COMFOSCAN) ressemble en gros à celui de l’Armée canadienne, mais plus simple. Le commandant adjoint supervise le processus au nom du commandant du COMFOSCAN. Après les réunions des comités de promotion des FAC de septembre à octobre se tient un examen des candidats aux postes de commandement et de sergent-major régimentaire mené par le commandement du COMFOSCAN, et suivi de discussions informelles avec des candidats retenus.

Ensuite, les candidats sont soumis à des tests psychométriques et à une évaluation à 360 degrés. Le commandant adjoint préside par la suite un petit comité de relève composé de lui-même, de l’adjudant-chef du commandement et d’un « courtier honnête » (un membre extérieur au COMFOSCAN). Le comité produit une liste restreinte de candidats finaux, qui passent ensuite en entrevue avec le commandant et l’adjudant-chef du commandement, à l’issue de laquelle le commandant effectue le choix définitifNote de fin d'ouvrage 1118. Le COMFOSCAN possède des matrices de notation détaillées et des listes de questions d’entrevue, tant pour les postes de commandant que de sergent-major régimentaire.

Au-dessous du niveau de commandant (c’est-à-dire des majors et capitaines), les commandants d’unité sont responsables de la répartition en niveaux des capitaines. Ils doivent aussi proposer des candidats, qui sont ensuite étudiés à une conférence de planification de la relève des FOS en deux parties. La première partie se déroule en octobre. Elle est suivie d’une activité de rationalisation entre les propositions et les processus parallèles de planification de la relève des commandants et des sergents-majors régimentaires et d’un débriefing au commandant. La deuxième partie a lieu en décembre et vise à finaliser les nominationsNote de fin d'ouvrage 1119.

Il est à noter que le COMFOSCAN est très petit par rapport aux commandements environnementaux. Selon son site Web, il regroupe environ 2 550 personnes et inclut des civils, la PM et le personnel juridique. J’ai également constaté que l’inclusion d’un « courtier honnête » aux comités de relève du COMFOSCAN était un ajout judicieux. Cette pratique devrait être généralisée à l’ensemble des FAC, et les FAC devraient également inviter des intermédiaires impartiaux extérieurs à l’Équipe de la Défense à prendre part à leurs processus de planification de la relève.

Commandement des opérations interarmées du Canada

Le Commandement des opérations interarmées du Canada (COIC) est un petit commandement composé, selon son site Web, d’environ 2 924 employés militaires et civils. Le COIC ne met pas sur pied sa propre force. La MRC, l’Armée canadienne et l’ARC, les responsables de la mise sur pied des forces, allouent plutôt des postes au COIC, y compris son quartier général, ses unités et ses forces opérationnelles.

Pour le niveau du commandement supérieur et les postes clés, le COIC signale périodiquement (annuellement ou semestriellement) au DNS, au DGCM ou aux planificateurs de la relève des commandements d’armée qu’un poste est libre. Comme les postes au COIC offrent l’occasion aux commandements d’affecter les membres de leur personnel à des fonctions stimulantes, opérationnelles et stratégiques afin d’accroître leur éventail de connaissances et d’expériences, ils sont souvent convoités.

Cela déclenche un processus concurrentiel dans lequel le DNS constitue un dossier du personnel pour chaque candidat, qui inclut les RAP, l’expérience (sommaire des dossiers du personnel militaire) et les évaluations de l’intelligence émotionnelle. Les dossiers sont ensuite pondérés par la haute direction du COIC en fonction de la tâche à assumer, le commandant choisissant en fin de compte la meilleure adéquation.

Le COIC a créé des attributs spécifiques pour les postes de commandement clés au sein de son organisation. Ces attributs ne servent pas de mandat ou de description d’emploi, mais définissent plutôt l’expérience, les traits personnels et le caractère qui correspondent le mieux au rôle.

De plus, le commandement du COIC a fourni une directive sur l’évaluationNote de fin d'ouvrage 1120 à l’intention du quartier général, des commandants de niveau 2 et des HORSCAN, portant sur l’évaluation du rendement. Cette directive détermine comment tenir les comités de classement de niveau 1 du COIC et porte uniquement sur les militaires les plus hauts gradés. Elle indique également la façon de remplir les RAP des membres du COIC.

Commandement du renseignement des Forces canadiennes

Le Commandement du renseignement des Forces canadiennes a fourni deux documents concernant la gestion du personnel du renseignementNote de fin d'ouvrage 1121. Le premier, la directive du chef du renseignement de la Défense sur la gestion du personnel d’intelligence, établit le système au moyen duquel le Chef effectue la gestion des talents et la planification de la relève de son personnel conjointement avec les commandements environnementaux. La directive s’applique aux groupes et sous-groupes professionnels du renseignement.

Le processus de gestion du personnel du renseignement peut servir à gérer l’emploi (y compris les possibilités de nomination dans l’équipe de commandement et à l’état-major supérieur) des membres d’autres groupes professionnels militaires qui possèdent une formation de spécialiste du renseignement ou une expérience d’emploi dans le renseignement de la Défense.

Inquiétudes quant à la planification de la relève

Ce qui apparaît clairement de mon examen des politiques et des comités de relève auxquels l’équipe de l’examen a assisté est que les politiques et les pratiques varient considérablement à l’intérieur des FAC. Si nous avons majoritairement observé de bonnes pratiques, le manque d’orientation claire et cohérente a conduit parfois à des processus ponctuels qui pouvaient entraîner des décisions dépendant de la personnalité ou des biais. C’était particulièrement le cas pour les grades inférieurs, pour lesquels la planification de la relève est du ressort d’un petit groupe de personnes ou d’un seul gestionnaire de carrière. L’absence de cadre clair et objectif pour ces derniers risque d’aboutir à des décisions dépendant de la personnalité.

Certaines environnements et branches conservaient un meilleur historique de la planification de la relève que d’autres. Dans certains cas, il était frappant à quel point on conservait peu de documents. S’il est important de conserver un espace réservé aux discussions confidentielles franches, une documentation trop pauvre peut faire en sorte que des comités doivent occasionnellement deviner les décisions du comité précédent. Bien qu’aucun modèle unique ne soit adapté à toutes les branches des FAC, il est intéressant pour les comités d’avoir accès, au moins, aux résultats si ce n’est aux motifs des décisions de leurs prédécesseurs.

Dans tous les cas saufs dans celui de la MRC, il n’y avait pas de cadre en place pour examiner les inconduites sexuelles et autres problèmes de conduite ayant une incidence sur l’intégrité ou sur l’adéquation d’un candidat aux postes de haute direction. Les examens de ces problèmes avaient tendance à être ponctuels et à reposer sur les souvenirs des personnes qui avaient personnellement travaillé avec le candidat. De mon point de vue, c’est problématique. Étant donné les problèmes qui empoisonnent les FAC, il est impératif que les futurs leaders fassent l’objet d’une recherche efficace des problèmes de conduite dans le cadre de la planification de la relève.

Recommandation no 38

Tous les comités de relève devraient adopter la démarche et la méthodologie de la MRC avec sa « liste d’examen des incidents », afin de convenablement cerner les inquiétudes et les amener devant les comités de façon cohérente et continue.

Une pratique particulièrement bonne que les membres de l’équipe de l’examen ont observée était le fait d’inviter des officiers d’autres environnements et commandements à siéger et à voter aux comités de relève. Cette pratique devrait être généralisée. Tous les comités de relève, qu’ils soient à l’échelle de l’armée, du corps, de la branche ou du régiment, devraient inclure un membre votant issu d’un autre commandement. Cela encouragerait la diffusion des meilleures pratiques dans les FAC et apporterait une nouvelle perspective.

De plus, les FAC bénéficieraient d’un point de vue extérieur. Comme je le note plus haut, les processus de promotion des officiers généraux incluent désormais un membre civil du cabinet du SMA(RH-Civ). S’il s’agit d’une première étape bienvenue, elle ne va pas assez loin à mon avis pour apporter un éclairage extérieur au système interne des FAC. En plus de la participation continue du SMA(RH-Civ), les comités de relève devraient inclure un membre extérieur à l’Équipe de la Défense – c’est-à-dire extérieur aux FAC, au MDN et au Personnel des fonds non publics –, qui puisse fournir cet apport, comme le font les administrateurs indépendants dans les conseils d’administration gouvernementaux et d’entreprise. Cette pratique aurait le même objectif que l’inclusion d’autres éléments des FAC, soit d’encourager la diffusion croisée des meilleures pratiques en matière de planification de la relève. Elle aiderait à faire en sorte que les pratiques des FAC se tiennent au courant et permettrait aux normes évolutives de la société dans son ensemble de se propager à la sélection des dirigeants des FAC.

Recommandation no 39

Tous les comités de relève concernant les majors et grades supérieurs et les comités de nomination des adjudants-maîtres/premier maître de 2e classe devraient inclure un membre civil indépendant provenant de l’extérieur de l’Équipe de la Défense.

Enfin, je m’inquiète de la façon dont la planification de la relève et les promotions sont appliquées aux femmes. Pour que les femmes s’élèvent dans la hiérarchie et soient adéquatement représentées dans les grades d’officiers généraux, elles doivent être intégrées à la planification de la relève et leur carrière doit être gérée d’une manière qui tient compte des facteurs qui leur sont propres, comme les congés de maternité. De plus, comme l’a noté RDDC, de nombreuses femmes sont employées dans les groupes professionnels de soutien, mais elles sont historiquement sous-représentées au niveau des officiers générauxNote de fin d'ouvrage 1122. Par conséquent, les FAC devraient élaborer une nouvelle politique concernant la planification de la relève fondée sur l’ACS+ et qui tienne convenablement compte des facteurs particuliers touchant les femmes. Elles devraient également prendre les mesures appropriées pour éviter les facteurs ayant un effet discriminatoire direct (p. ex., le fait de manquer des occasions en raison d’un congé de maternité) et les facteurs indirectement discriminatoires (p. ex., sous-représentation des groupes professionnels de soutien dans les grades supérieurs).

Recommandation no 40

Les FAC devraient élaborer une nouvelle politique concernant la planification de la relève fondée sur l’ACS+, garantissant que les femmes ne sont pas victimes de pratiques directement ou indirectement discriminatoires dans la planification de la relève et guidant adéquatement les gestionnaires de carrière, les comités de relève et autres parties prenantes de la planification de la relève.

Conclusion

L’évaluation du rendement, la promotion et la planification de la relève sont intimement liées. Elles sont essentielles pour garantir non seulement l’excellence opérationnelle, mais aussi la crédibilité des FAC à l’avenir. Les processus doivent être solide afin de ne pas reproduire les crises qui ont assailli la haute direction ces dernières années. En particulier, faire en sorte que les leaders comprennent bien la portée de l’inconduite sexuelle, et présentent un dossier impeccable à cet égard, est crucial pour susciter un changement de culture appréciable. Comme le rapport Deschamps et les recours collectifs Heyder et Beattie l’ont montré, les FAC doivent améliorer leur manière de cerner l’inconduite sexuelle (y compris l’inconduite passée) et d’en tenir compte. Il est tout aussi important de veiller à ce que la diversité se reflète dans les grades supérieurs des FAC afin que les points de vue divergents soient entendus à l’interne.

Enfin, les FAC doivent faire en sorte que leur engagement déclaré à l’égard de la diversité et de l’inclusion se traduise dans leurs processus. Pour cela, elles doivent se rendre compte de deux choses. Premièrement, il est plus facile d’exagérer l’impartialité d’un processus que de reconnaître les effets insidieux des biais cachés qui mènent à l’autoperpétuation. Deuxièmement, les résultats sont plus éloquents que les processus. Si les FAC ont réalisé des progrès dans la promotion des femmes ces 20 dernières années, elles ont marqué le pas à cet égard récemment. Ne pas reconnaître le talent ne signifie pas qu’il n’est pas là. Cela peut signifier que les personnes auxquelles il incombe de le déceler et de le soutenir ne sont pas à la hauteur de la tâche, individuellement ou collectivement.

Les FAC fonctionnent selon un modèle radicalement descendant, les superviseurs évaluant leurs subordonnés. Il n’y aura de changement de culture notable que s’il y a une ouverture à l’égard d’une façon différente de développer le leadership, y compris grâce à l’apport des subordonnés, des pairs et même des parties de l’extérieur.

Cette forme d’apport non seulement aidera à bien rendre compte de l’adéquation d’un officier aux niveaux supérieurs de commandement, mais améliorera aussi le sentiment d’équité et gonflera le moral. La pratique consistant à inclure des officiers d’autres branches des FAC dans les comités de sélection est bénéfique. Elle devrait être étendue afin d’inclure des personnes de l’extérieur dans des FAC, si ce n’est pas pour se prononcer sur l’adéquation d’un candidat donné, au moins pour jeter un regard neuf sur l’intégrité du processus. Je crois que tant le MDN et les FAC que la société canadienne bénéficieraient de l’ouverture de ces processus et de la diffusion croisée des meilleures pratiques et des nouvelles idées.

Contribution et surveillance externe

Mon mandat m’ordonne de procéder à une évaluation et de faire des recommandations « sur la façon d’établir des mécanismes d’examen et/ou de surveillance externes en matière d'inconduite ». Plusieurs parties prenantes m’ont proposé de recommander la création d’un organisme indépendant chargé de surveiller le harcèlement et l’inconduite sexuels au sein du MDN et des FAC. En général, la forme suggérée pour cet organisme est celle d’un « inspecteur général » – semblable à celui recommandé dans le sillage de la Commission d’enquête sur la Somalie – qui serait chargé d’enquêter sur la culture et la conduite professionnelles au sein des FAC et d’exercer une surveillance à l’égard de ces aspects.

En supposant que mes recommandations seront mises en œuvre, je ne vois pas la nécessité de mettre en place une autre entité, comme un inspecteur général ou autre, pour superviser le changement fondamental en matière de responsabilisation exigé des dirigeants.

Je constate un besoin urgent de contributions extérieures pour transformer véritablement la culture insulaire enracinée dans les FAC. Alertées depuis des années de la prévalence de l’inconduite sexuelle, les FAC ont fait preuve d’un manque de volonté ou d’une incapacité à changer. Les membres des FAC – y compris les dirigeants – comprennent les ordres, les règlements et les directives; mais ils comprennent moins bien les simples recommandations, en particulier celles provenant de l’extérieur. En tant que membres d’une entité autogérée et hautement spécialisée, ils sont insensibles aux conseils et aux influences de l’extérieur.

Malgré cette résistance, les examens externes, comme toutes les formes d’interventions « après coup », sont devenus un mode de fonctionnement habituel pour les FAC. J’illustre dans le présent rapport à quel point le traitement des recommandations est devenu une mini-industrie de création de graphiques, avec peu d’actions significatives au sein de l’organisation. Cette situation a été exacerbée par l’accumulation de recommandations supplémentaires, dont beaucoup sont incompatibles. Par conséquent, je crois que le véritable changement doit venir non seulement d’une surveillance externe, mais aussi d’une contribution externe aux divers mécanismes utilisés par les FAC pour s’attaquer à l’inconduite sexuelle en « temps réel », au moment où elle se produit.

C’est l’approche que j’ai adoptée dans tous les aspects de mon mandat, qu’il s’agisse de faire appel aux autorités civiles pour enquêter et poursuivre les auteurs d’infractions sexuelles criminelles, ou de garantir la participation active des civils aux processus de gestion des talents et de promotion des FAC. Mes observations et recommandations sur la question de la surveillance dépendent, en partie, de la mise en œuvre de ces recommandations. Elles dépendent également de la compréhension du fait que la « surveillance » fait référence à l’évaluation ou à l’examen d’une entité, d’une fonction ou d’un programme pour en révéler les rouages et les améliorer.

En effet, le paysage actuel de la surveillance du MDN et des FAC se compose d’une multitude d’acteurs – internes et externes, officiels et officieux – qui supervisent le milieu de travail et la culture de l’Équipe de la Défense. Ils vont du premier ministre, du BCP, du ministre et de divers comités parlementaires du côté politique, au SMA(SE), à l’ombudsman, au BVG, aux tribunaux, aux universitaires, aux médias et à divers groupes d’intérêt du côté civil. Chacun a ses capacités et ses limites. Mais s’ils s’acquittent de leur mandat avec rigueur et transparence, cette multitude d’acteurs de la surveillance rend l’existence d’un inspecteur général inutile. En effet, nombre d’entre eux sont en mesure, individuellement et collectivement en raison du chevauchement de leurs mandats, d’apporter ce qui équivaut à une contribution « en temps réel » à la culture des FAC, ce qui peut être plus efficace que des analyses « après coup » et des recommandations non mises en œuvre.

En outre, je crains que la mise en place d’un inspecteur général, en plus d’ajouter une nouvelle entité au paysage de la surveillance, exige d’éliminer ou de modifier certaines fonctions des mécanismes de surveillance existants pour éviter la duplication des tâches. Cela me semble être un exercice inutile.

Bien que certaines de ces parties prenantes chargées de la « surveillance » soient à l’extérieure de l’Équipe de la Défense, l’expertise du MDN est un bon point de départ. La culture des FAC influence fortement l’expertise du Ministère étant donné le nombre d’anciens militaires que l’on retrouve parmi les employés du MDN; toutefois, la mise à contribution de cette expertise devrait être maximisée. Elle ne devrait pas être victime de ce qui semble être une opinion dominante, selon laquelle le MDN serait le deuxième violon des FAC.

J’insiste ici sur le fait que je me concentre sur mon mandat, et non sur les types de fonctions de supervision et de contribution qui peuvent convenir dans le domaine des achats ou des opérations. Je ne pense pas que l’ajout d’un inspecteur général à l’Équipe de la Défense, avec un mandat précis relatif au harcèlement et à l’inconduite sexuels, apporte une valeur ajoutée à l’heure où l’on se parle. Je ne suis pas non plus convaincue qu’un inspecteur général soit le mieux placé pour traiter les cas d’inconduite sexuelle dont la nature pose des enjeux de vulnérabilité, de confidentialité et de confiance.

Toutefois, je pense qu’il est nécessaire de mettre immédiatement en place un « surveillant externe » chargé de superviser la mise en œuvre des recommandations de mon rapport que la ministre acceptera. La fonction de surveillant externe, associée à celle des mécanismes de surveillance et de contribution décrits ci-dessous, rend en effet inutile la présence d’un inspecteur général.

L’inspecteur général proposé par la Commission d’enquête sur la Somalie

La Commission d’enquête sur la Somalie a été lancée en 1995, soit à la suite de la torture et du meurtre d’un jeune Somalien par des membres du Régiment aéroporté canadien. La Commission décrit son mandat ainsi :

  • Nous avons été chargés de nous pencher sur des questions impliquant aussi bien des défaillances institutionnelles que l’inconduite individuelle. II fallait pour cela déterminer s’il existait des déficiences institutionnelles ou structurelles au moment de la planification de l’opération et au début de son exécution, et si l’organisation a réagi adéquatement aux problèmes opérationnels, disciplinaires et administratifs survenus au cours des différentes étapes de la mission en SomalieNote de fin d'ouvrage 1123.

La Commission a décrit le processus d’enquête comme un exercice de responsabilisation. Elle a fait observer que l’obligation de rendre des comptes – qui consiste à rendre ceux qui détiennent le pouvoir et l’autorité discrétionnaire responsables de leur utilisationNote de fin d'ouvrage 1124 – nécessite « la transparence des processus » considérée comme « garante de l’exercice responsable des pouvoirs officiels »Note de fin d'ouvrage 1125. L’une des principales conclusions de la Commission d’enquête sur la Somalie était que « [l]es mécanismes de surveillance du [MDN] et des activités militaires par le Parlement sont inefficaces »Note de fin d'ouvrage 1126.

La Commission d’enquête sur la Somalie a déterminé qu’un inspecteur général était nécessaire pour favoriser une plus grande reddition de comptes dans l’ensemble du MDN et des FAC, en partie parce que le Parlement et le ministre ne devraient pas se fier entièrement aux conseils d’experts du SM et du CEMD. La Commission a conclu qu’un organisme était nécessaire afin « d’examiner les questions touchant la défense, ainsi que les actions et les décisions des officiers et des cadres supérieurs des FC et du MDN et d’en faire rapport régulièrement », et pour s’assurer que leurs membres disposent d’une « voie de communication réservée et protégée avec le cabinet du ministre »Note de fin d'ouvrage 1127.

L’inspecteur général proposé « doit constituer une partie essentielle du mécanisme dont se servent les Canadiens pour surveiller et contrôler les FC et l’établissement de la défense » et :

  • […] devrait être nommé par le gouverneur en conseil et être responsable devant le Parlement. [Il] devrait être un civil et posséder de vastes pouvoirs pour inspecter, faire enquête et présenter des rapports sur tous les aspects de la défense nationale et des forces armées. En outre, l’inspecteur général devrait disposer d’une équipe composée entre autres de vérificateurs, d’enquêteurs, d’inspecteurs et d’employés de soutienNote de fin d'ouvrage 1128.

L’inspecteur général proposé exercerait les quatre fonctions principales suivantes :

  • Inspections : axées sur les problèmes systémiques au sein des FC et du MDN, y compris au sein de la chaîne de commandement et du système de justice militaire.
  • Enquêtes : axées sur les plaintes concernant l’inconduite de tout membre, quel que soit son grade ou son poste, les injustices commises envers des membres des FC et l’inconduite relative aux rôles, aux missions et aux opérations des FC et du MDN.
  • Surveillance du système de justice militaire : axée sur l’application de la LDN et les allégations suivantes :
    • abus de grade, de pouvoir ou de poste : par exemple omission de faire enquête ou de prendre des mesures correctives, utilisation illégale de l’influence conférée par un poste de commandement;
    • mesures inadéquates envers des membres du personnel : par exemple traitement inégal envers certains membres des FAC, harcèlement, comportement raciste, non-application des règles, représailles;
  • Aide : axée sur la médiation des conflits entre les membres, le MDN et les FAC et sur la réparation des injustices causées aux membresNote de fin d'ouvrage 1129.

La proposition d’inspecteur général supprimerait la nécessité de « signaler une plainte à un supérieur ou de divulguer la teneur d’une conversation ou d’une correspondance entre le membre et un supérieur » et permettrait que « [l]es inspections, les vérifications, les enquêtes ou les rapports découlant de plaintes faites par des membres des FC ou du MDN [n’identifient pas] le plaignant de quelque façon que ce soit »Note de fin d'ouvrage 1130.

En plus des pouvoirs énumérés ci-dessus, l’inspecteur général proposé exigerait du chef du personnel (a) qu’il fasse rapport au moins tous les mois à la réunion quotidienne de la direction sur l’état de la discipline partout dans les Forces canadiennes, tant dans la chaîne de commandement, qu’à l’extérieur, et en supervisant personnellement tout suivi nécessaireNote de fin d'ouvrage 1131 et (b) examine périodiquement les nominations aux principaux postes de commandement au sein des Forces canadiennes pour s’assurer qu’on a appliqué les critères appropriés et que ces nominations sont le résultat d’un processus aussi compétitif que possibleNote de fin d'ouvrage 1132.

Aucune des recommandations de la Commission d’enquête sur la Somalie relatives à l’inspecteur général n’a été mise en œuvre. Selon certaines parties prenantes, cela résultait du fait que le MDN et les CAF ont convaincu le gouvernement de créer plutôt un bureau de l’Ombudsman au sein du MDN. En ce qui concerne les recommandations relatives à l’inspecteur général, le ministre a témoigné en 1998 devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles :

  • Il est vrai que nous ne sommes pas d'accord avec la recommandation précise concernant l'inspecteur général, mais nous souscrivons à l'objectif sous-jacent, que nous appuyons fermement: le renforcement de la supervision du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes, c'est-à-dire la supervision par les autorités civiles et par le Parlement. Pour atteindre cet objectif, nous avons adopté une stratégie en trois voletsNote de fin d'ouvrage 1133. [traduit par nos soins]

En 1998, selon le ministre de l’époque, cette « stratégie » de contrôle externe comprenait le renforcement de la coopération avec le BVG et la CCDP, ainsi que la création de la CPPM, de la CEEGM et de l’OmbudsmanNote de fin d'ouvrage 1134.

Je pense qu’il y a beaucoup de mérite à ce que les élus parlent clairement des recommandations formulées par des organismes externes, même s’ils n’ont pas l’intention de les mettre en œuvre. Cela permet à ceux qui souhaitent encore défendre une position de comprendre où en sont les choses, plutôt que d’être amenés à croire, comme c’est souvent le cas, que la question est étudiée plus avant ou qu’elle progresse lentement, alors que la mise en œuvre meurt à petit feu. J’aborde ce sujet plus loin.

Le juge en chef Brian Dickson, témoignant en 1998 devant le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants dans le cadre de son étude du projet de loi C-25, a abordé la question de l’inspecteur général proposé par la Commission d’enquête sur la Somalie. Il a déclaré : « Il nous semble que la surveillance externe des Forces canadiennes est suffisante et qu’il n’est pas nécessaire d’ajouter une autre entité, un autre groupe de personnes qui vont faire enquête, formuler des critiques et qui risquent de causer des soucis »Note de fin d'ouvrage 1135.

Propositions récentes concernant un inspecteur général

Je comprends que le concept d’inspecteur général a récemment fait l’objet d’un certain regain d’intérêt au sein du MDN et des FACNote de fin d'ouvrage 1136. En avril 2021, alors qu’il était CEMD par intérim, le lieutenant-général Eyre a témoigné devant le NDDN et a déclaré ce qui suit :

  • À l’heure actuelle, il faut que les victimes aient confiance dans le système. Vous remarquerez qu’il y a un plus d’un quart de siècle, dans le rapport sur la Somalie, l’une des recommandations voulait qu’il y ait un inspecteur général indépendant, et nous nous y sommes opposés. Or, je pense que l’époque où nous reculions est révolue, et qu’il est impérieux de rétablir cette confianceNote de fin d'ouvrage 1137.

Une analyse interne menée par l’ADC, également en avril 2021, a conclu que toute fonction d’inspecteur général « devrait être axée sur la profession en renforçant le fonctionnement professionnel (en particulier en alignant la culture sur l’éthos); en rehaussant le leadership des FAC; en assurant la responsabilisation professionnelle; et en donnant la parole aux membres »Note de fin d'ouvrage 1138. [traduit par nos soins] Cette analyse recommandait la création (a) d’un poste d’inspecteur général axé sur la profession pour les FAC, chargé de mener des inspections et des enquêtes sur les erreurs de jugement qui érodent la culture professionnelle, le climat de l’unité et le bien-être des membres, et (b) d’un « Bureau de résolution du harcèlement » [traduit par nos soins] axé sur les plaignants et relevant du greffier du BCP, chargé d’enquêter sur les violations des lois ou des codes de conduite officiels liés au harcèlement ou à la discriminationNote de fin d'ouvrage 1139.

Le rôle d’inspecteur général proposé par l’ADC prendrait la forme d’un tribunal (dont le président serait un membre retraité des FAC), relèverait du ministre, serait « réceptif » au CEMD et remplirait les fonctions suivantes :

  • Assistance : assistance au personnel de direction; visites pour renforcer l’efficacité des dirigeants ou pour remédier aux problèmes qui n’impliquent pas d’actes répréhensibles majeurs.
  • Inspections : évaluation du respect des normes professionnelles attendues et du climat de commandement. Ces inspections seraient limitées aux activités des membres des FAC.
  • Enquête : enquête officielle sur des conditions défavorables qui affectent les membres ou érodent l’efficacité opérationnelle, ces enquêtes étant limitées aux membres des FAC.
  • Études, formation et mentorat : en tant qu’élément clé du renforcement de l’efficacité des dirigeants et de l’optimisation du rendement de l’unité, ce volet peut englober la fourniture d’une formation (de rattrapage), des activités d’apprentissage sur mesure et des ressources d’apprentissage, ainsi qu’un soutien par le biais du mentorat.
  • Recherche : pour améliorer et éclairer les évaluations de l’inspecteur général, intégrer un mandat et renforcer les capacités de recherche éclairée et proactive afin de comprendre et de prévoir l’évolution des problèmes, notamment dans le cadre d’un leadership continu de changement de cultureNote de fin d'ouvrage 1140. [traduit par nos soins]

Plus récemment, en juin 2021, le FEWO a recommandé la création d’un poste d’inspecteur général. Contrairement à l’inspecteur général envisagé par l’ACD, dans la version proposée par le FEWO, l’inspecteur serait un agent du Parlement qui lui rendrait compte annuellement, recevrait les plaintes des membres actifs des FAC et des anciens combattants, et entreprendrait des enquêtes indépendantes au besoinNote de fin d'ouvrage 1141.

Certaines parties prenantes qui ont participé à mon examen m’ont encouragée à recommander la création d’un poste d’inspecteur général externe. Les formes proposées varient, mais envisagent généralement un poste civil, assorti d’obligations de fournir des rapports à la fois au ministre et/ou au Parlement, ainsi que d’un mandat pour traiter les cas d’inconduite sexuelle dans les FAC, les griefs des membres des FAC – et même voir à la surintendance du système de justice militaire.

En outre, je constate qu’un certain nombre de pays emploient un inspecteur général dans une fonction de surveillance de leurs militairesNote de fin d'ouvrage 1142. Les mandats de ces inspecteurs sont aussi divers que les forces et les pays qui les emploient. Par exemple, l’inspecteur général de la force de défense australienne rend compte au ministre de la Défense et se concentre presque entièrement sur le système de justice militaireNote de fin d'ouvrage 1143. Les multiples inspecteurs généraux qui soutiennent les forces armées des États-Unis ont des mandats et des obligations de faire rapport propres à l’élément des forces armées qu’ils « inspectent », avec des inspecteurs généraux pour chacune des armées de terre, de l’air et la marine des États-Unis, ainsi que pour le Département de la Défense et d’autres entités du portefeuille de la défense américainNote de fin d'ouvrage 1144. Fait à signaler, toutefois : selon ma compréhension des faits, aucun d’entre eux n’est spécialisé dans les inspections ou les enquêtes relatives aux inconduites sexuelles, ni n’ont de mandat précis en ce qui concerne de tels comportementsNote de fin d'ouvrage 1145.

Un inspecteur général n’est pas nécessaire

Je ne suis pas persuadée qu’un inspecteur général soit nécessaire pour traiter le harcèlement ou l’inconduite sexuelle. Cela ne ferait qu’ajouter une autre entité à cet espace. En supposant que mes recommandations soient mises en œuvre – c’est-à-dire que les autorités civiles aient la compétence exclusive en matière d’enquête et de poursuite relativement aux infractions sexuelles criminelles, et que la CCDP et le TCDP jouent un rôle similaire pour les plaintes de harcèlement sexuel et de discrimination fondée sur le sexe par les membres de l’équipe de la Défense – le besoin de surveillance dans ce domaine serait grandement réduit, puisque les FAC n’exerceraient plus un tel rôle. En outre, je suis préoccupée par le fait que l’ajout d’une fonction d’inspecteur général nécessiterait l’élimination ou la rationalisation d’autres mécanismes de surveillance déjà en place afin d’éviter la duplication inutile des ressources. Je ne vois pas non plus la nécessité d’un inspecteur général qui rendrait compte au Parlement et dont le mandat porterait précisément sur l’inconduite sexuelle dans les FAC, mais pas dans la GRC, voire dans le reste de la fonction publique fédérale.

Fondamentalement, la surveillance, le contrôle, la responsabilisation et le changement au sein des FAC doivent émaner de toutes les branches du gouvernement exerçant adéquatement leurs rôles, qu’il s’agisse du parlement, des tribunaux, de l’exécutif ou de la fonction publique. En ce qui concerne les enjeux abordés dans le présent rapport, il incombera à la ministre d’exécuter d’importantes tâches. Elle devra mobiliser le soutien politique et les ressources nécessaires pour faire progresser les choses avec diligence. En dernière analyse, le gouvernement et la ministre sont responsables devant la population canadienne. J’estime que la surveillance externe que je propose ci-dessous aidera la ministre à satisfaire cette obligation essentielle de son rôle de leader de l’Équipe de la Défense.

J’en viens maintenant au vaste éventail de mécanismes qui, d’une manière ou d’une autre, jouent actuellement un rôle dans responsabilisation des FAC à l’égard de la gestion de l’inconduite sexuelle dans leurs rangs.

Cours et tribunaux civils

Bien qu’il ne soit pas considéré comme un « organisme de surveillance » en tant que tel, le système des cours et tribunaux civils joue un rôle essentiel en soumettant la conduite des membres des FAC et de l’organisation elle-même à l’examen du public canadien. Les tribunaux rendent des décisions contraignantes, ils ne formulent pas des recommandations. Ils constituent, à tous égards, la forme la plus puissante de surveillance. Par exemple, les décisions du CEMD, en tant qu’autorité finale dans la procédure de règlement des griefs, peuvent faire l’objet d’une révision judiciaire devant la Cour fédérale. Les décisions des juges militaires des cours martiales sont susceptibles d’appel devant la Cour d’appel de la cour martiale du Canada, composée de juges civils de la Cour fédérale, de la Cour d’appel fédérale et des cours supérieures provincialesNote de fin d'ouvrage 1146.

Dans le même ordre d’idées, et peut-être la démonstration la plus frappante de mon propos, il y a l’exemple du TCDP, qui a ordonné aux FAC d’intégrer les femmes dans tous les secteurs des Forces, y compris celui des armes de combat.

Avec la mise en œuvre de mes recommandations, les tribunaux pénaux civils auront une compétence exclusive pour les infractions sexuelles criminelles qui auraient été commises par des membres des FAC. Parallèlement, la CCDP deviendra une principale destinataire des plaintes de discrimination et de harcèlement sexuels en vue d’une enquête et d’une audience par le TCDP. Voilà qui permettra d’assurer une surveillance civile de l’inconduite sexuelle des membres des FAC, au même titre que ce qui est offert à tous les Canadiens.

Les tribunaux civils sont un autre moyen d’exercer une surveillance civile sur la conduite des membres des FAC. Les poursuites engagées par des victimes de harcèlement et d’inconduite sexuels qui cherchent à obtenir une indemnisation ou une autre forme de réparation pour le préjudice subi sont, du point de vue de la surveillance, une occasion pour les juges civils de tenir les FAC responsables de la conduite de leurs membres et de la sécurité de leur lieu de travail, comme l’a amplement démontré le règlement final des recours collectifs Heyder et BeattieNote de fin d'ouvrage 1147.

Des poursuites civiles individuelles peuvent également être intentées, mais elles sont coûteuses et prennent du temps. Elles seraient encore plus difficiles à entreprendre pour les membres des FAC, car je ne doute pas un instant que les obstacles au signalement à la chaîne de commandement contribuent également à dissuader les membres d’intenter une poursuite contre l’organisation. À ce sujet, mentionnons l’existence d’ORFC liées à la conduite qui – sans prétendre empêcher un membre d’intenter une poursuite – interdisent les critiques qui pourraient discréditer un supérieur ou qui pourraient « jeter le discrédit sur les Forces canadiennes »Note de fin d'ouvrage 1148. Ainsi, bien qu’elles soient théoriquement possibles, les poursuites civiles individuelles ont peu de chances de jouer un rôle majeur dans la mise au jour des lacunes des FAC.

J’aborde maintenant les postes et les fonctions qui, bien qu’ils ne soient pas habituellement perçus comme des mécanismes de surveillance, jouent divers rôles dans la détermination des problèmes et des voies de recours, avec différents degrés d’autorité, de transparence et de responsabilisation.

Ministre de la Défense nationale

La ministre est un acteur essentiel dans le paysage de la surveillance de l’Équipe de la Défense. En vertu de la LDN, elle est chargé de la gestion et de la direction des FAC, ainsi que de toutes les questions relatives à la défense nationale. À ce titre, elle est soumise à la supervision du Parlement en ce qui concerne les programmes et les activités de défense, et apparaît périodiquement devant le NDDN pour répondre aux questions des membres du comitéNote de fin d'ouvrage 1149.

La ministre a le pouvoir général de prendre des règlements (sous réserve de certaines restrictions, c’est-à-dire lorsque le GC et le Conseil du Trésor les ont déjà promulgués), concernant l’organisation, l’instruction, la discipline, l’efficacité et la bonne administration des FAC – et, d’une façon générale, en vue de l’application de la LDNNote de fin d'ouvrage 1150. Si le CEMD contrôle et administre bien les FAC, il le fait tout de même sous sa gouvernementNote de fin d'ouvrage 1151.

En plus de son pouvoir général de prendre des règlements, la ministre dispose de nombreuses compétences en vertu de la LDN qui ont trait au leadership et à la responsabilité au sein des FAC, y compris l’administration du système de justice militaire.

En outre, la CPPM et le CEEGM, deux acteurs indépendants de la surveillance dont j’ai abordé les mandats ci-dessus, rendent compte au ministre chaque année. Le ministre est chargé de déposer leurs rapports respectifs au ParlementNote de fin d'ouvrage 1152. Le ministre reçoit également les rapports et les recommandations de la CPPM concernant les plaintes pour ingérence dans les enquêtes de la PMNote de fin d'ouvrage 1153.

Le ministre joue notamment un rôle clé dans la sélection et la nomination des hauts dirigeants des FAC et participe à celles des personnes nommées par le GC dans le domaine de la défense (voir ci-dessous)Note de fin d'ouvrage 1154.

Bien que le ministre soit l’autorité légale en vertu de la LDN pour les promotions au sein des FAC, c’est le CEMD – conformément au chapitre 11 des ORFC – qui dirige la promotion des MR et des officiers ayant un grade inférieur à celui de brigadier-général/commodore. Le ministre participe quant à lui à la promotion au niveau des officiers généraux, en donnant son approbation pour la promotion à ces grades les plus élevés des FAC.

Bien que ces grades d’officiers généraux constituent les échelons supérieurs des FAC, je ne connais pas d’exigence, de processus ou de pratique, établis dans la LDN, les ORFC ou autre, qui traitent des étapes que le ministre doit suivre pour approuver la promotion à ces grades. Si je comprends bien, il s’agit plutôt d’une question à convenir entre le ministre et le CEMD, en collaboration. Il est essentiel non seulement qu’une perspective extérieure soit introduite dans le processus de promotion, mais aussi qu’un processus existe pour garantir que le ministre dispose des informations nécessaires pour approuver la promotion aux grades d’officiers généraux, d’où ma recommandation ci-dessus concernant la surveillance ministérielle de ces promotions.

Dans les domaines liés à mon mandat, et comme indiqué dans la Lettre de mandat de l’actuelle ministre de la Défense nationale datée du 16 décembre 2021 (lettre de mandat), le premier ministre a chargé la ministre de garantir un environnement de travail respectueux et sécuritaire pour l’Équipe de la Défense et d’éradiquer le harcèlement et l’inconduite sexuels dans ses rangsNote de fin d'ouvrage 1155. La lettre de mandat indique que l’on attend de la ministre qu’elle prenne des mesures pour transformer la culture des FAC. Elle doit accomplir cette tâche « en consultation avec les survivants » et doit « rétablir la confiance et créer un lieu de travail sain, sécuritaire et inclusif, exempt de harcèlement, de discrimination et de violence »Note de fin d'ouvrage 1156.

La ministre – guidée par l’avis expert du SM et du CEMD – joue le rôle ultime sur le plan de la contribution et de la surveillance civiles. Elle dispose d’un point de vue unique pour évaluer les militaires, notamment en raison de l’apport qu’elle reçoit de la CPPM et du CEEGM. Elle peut également demander l’avis d’autres acteurs externes indépendants, comme le groupe consultatif de la ministre. Elle est habilitée à introduire des changements que les autres parties prenantes de la surveillance ne peuvent que recommander ou commenter. Bien entendu, elle doit également rendre compte au Parlement et au public canadien.

Équipe de la Défense intégrée et MDN

La ministre est soutenue par ses principaux conseillers : le SM et le CEMD. Ils sont chargés de veiller à ce qu’elle « soit complètement informé[e] et en mesure d’ordonner et de prendre toutes les mesures nécessaires pour exécuter le mandat de la défense »Note de fin d'ouvrage 1157.

Le SM est à la tête du MDN, dont il est le plus haut fonctionnaire. Son autorité englobe tous les employés du MDN et les membres des FAC qui exercent des pouvoirs en matière de finances, de ressources humaines, de contrats ou autres au nom du ministre. Il assure, avec le CEMD, la direction et la gestion quotidiennes du MDN et des FAC. Il est responsable, entre autres, de la formulation de conseils à la ministre en ce qui concerne les questions liées aux politiquesNote de fin d'ouvrage 1158.

Le SM rend compte au ministre d’un certain nombre de fonctions d’enquête du SMA(SE) et est responsable de la mise en place d’un comité ministériel de vérification (CMV) indépendant, qui joue également un rôle dans la fourniture d’un apport externe aux fonctions de l’Équipe de la Défense, décrites plus en détail ci-dessous. Il est également responsable des plaintes d’ingérence déposées par la PM contre de hauts dirigeants du MDN – recevant les rapports de la CPPM relatifs à de telles allégations d’ingérence dans les enquêtes de la PMNote de fin d'ouvrage 1159.

En ce qui concerne la surveillance civile des FAC, le SM a été décrit comme « le principal système d’alarme, qui alerte [le ministre] lorsque les militaires n’agissent pas comme prévu »Note de fin d'ouvrage 1160. [traduit par nos soins] Le SM relève également du premier ministre, par l’intermédiaire du greffier du BCP, et comme tous les sous-ministres, il doit consulter d’autres ministères et collaborer avec eux pour s’assurer que son travail est conforme au programme de l’ensemble du gouvernementNote de fin d'ouvrage 1161.

Du côté militaire, le CEMD est le membre le plus haut gradé des FAC et est chargé de la direction et de l’administration des FAC sous l’autorité de la ministre. Le CEMD est le commandant des FAC et est responsable de la conduite de toutes opérations et de sa disponibilité opérationnelle. Il conseille la ministre sur ces questionsNote de fin d'ouvrage 1162. La relation entre le SM et le CEMD est égale, et « aucun des deux ne peut réussir sans le soutien de l’autre »Note de fin d'ouvrage 1163. [traduit par nos soins]

Le QGDN intégré soutient le SM et le CEMD. Dans ses fonctions de haut commandement, il relève du SM et du CEMD et leur apporte son soutien, notamment en les conseillant sur les questions de défense et en exécutant tâches militaires et activités de défense. Toutefois, si l’Équipe de la Défense est « intégrée », cela ne signifie pas que les employés du MDN qui relèvent du CEMD font partie de la chaîne de commandement militaire, ni que les membres des FAC qui relèvent du SM deviennent pour ainsi dire « civilisés »Note de fin d'ouvrage 1164. Je souligne ici l’observation que m’a confiée une personne ayant une longue expérience du système, selon laquelle le QGDN intégré améliore la surveillance civile et politique des FAC, en particulier lorsque le SM, le CEMD et le VCEMD entretiennent de bonnes relations de travail fondées sur la confiance.

En définitive, le MDN soutient les FAC. Il s’agit du plus grand ministère du gouvernement fédéral. Il travaille en complémentarité avec les FAC pour mettre en œuvre les décisions du gouvernement concernant la défense du CanadaNote de fin d'ouvrage 1165. Je suis consciente des commentaires que j’ai entendus de la part de multiples parties prenantes selon lesquels le MDN et sa culture sont fortement influencés par les FAC, en grande partie parce tellement de ses employés sont d’anciens militaires. Selon des chiffres fournis par le SMA(RH-Civ), en décembre 2021, environ 23 % des employés du MDN étaient d’anciens membres des FAC et environ 40 % des employés du MDN relevaient directement de membres actuels des FAC, tandis que 15 % relevaient d’anciens membresNote de fin d'ouvrage 1166. Je reconnais que cela empêche parfois le MDN d’apporter un point de vue civil vraiment authentique dans la gestion des FAC. Il faut donc veiller à affecter les anciens membres des FAC à des postes du MDN qui requièrent réellement leur expertise et, à l’inverse, s’abstenir de le faire dans des fonctions – au CIIS, par exemple – où une distance avec les FAC est préférable.

Le MDN recèle de multiples spécialités. Toutefois, je suis particulièrement préoccupée par le fait que l’expertise du MDN est peu mise à profit dans la gestion des ressources humaines par les CAF. L’introduction d’une participation civile – comme celle de l’actuelle SMA(RH-Civ) – dans le processus des comités de sélection d’officiers généraux constitue un modeste pas dans la bonne direction. Les spécialistes du MDN ayant une expertise en ressources humaines peuvent quant à eux immédiatement apporter leurs connaissances et leur point de vue extérieur aux FAC.

En revanche, il faut dire que les membres des FAC qui effectuent ces tâches sont souvent mal préparés. Rarement des spécialistes, ils passent rapidement à d’autres affectations. Ils ne sont pas enclins à innover et peuvent être inconscients de la sophistication de la gestion des ressources humaines ailleurs, tant dans le secteur public que privé.

Sous-ministre adjoint (Services d’examen)

Chaque sous-ministre adjoint (SMA) du MDN a un rôle à jouer dans l’apport d’une contribution aux FAC, voire à sa surveillance. Actuellement, la SMA(SE) joue un rôle important à cet égard, étant donné son mandat de fournir au SM et au CEMD des « services d’assurance objectifs, indépendants et en temps opportun » dans un certain nombre de domaines.

Audits (vérifications) et évaluations

Installée au QGDN, la SMA(SE) assure une fonction de surveillance par la vérification, l’évaluation et l’examen des programmes au sein du MDN et des FAC. Elle est la dirigeante principale de la vérification pour le MDN. La SMA(SE) se penche sur de nombreux programmes au sein du MDN et des FAC, qui comprennent des domaines d’intérêt pour les deux branches de mon mandat. Par exemple, au cours des dernières années, elle a effectué une évaluation de la diversité et de l’inclusionNote de fin d'ouvrage 1167 évalué les services de la PMNote de fin d'ouvrage 1168 examiné le CIISNote de fin d'ouvrage 1169 et vérifié la gouvernance du CPMNote de fin d'ouvrage 1170. Elle a également effectué une vérification ciblée de la mise en œuvre de la politique de défense du Canada − Protection, Sécurité, EngagementNote de fin d'ouvrage 1171. Enfin, la SMA(SE) a publié des rapports consultatifs sur le processus de recrutement militaire et le processus de règlement des griefs civilsNote de fin d'ouvrage 1172.

D’après un examen du plus récent Plan d’audit axé sur les risques du MDN, je comprends qu’à compter de 2020, la SMA(SE) prévoit faire un suivi des recommandations des rapports précédents concernant le harcèlement et l’inconduite sexuels (y compris une évaluation de la gouvernance d’initiatives comme La voie vers la dignité), ainsi qu’une évaluation de la culture de l’Équipe de la Défense en ce qui concerne la diversité et l’inclusionNote de fin d'ouvrage 1173. En outre, le plan quinquennal d’évaluation du SMA(SE) propose, pour la Défense, d’aborder un certain nombre de programmes liés à mon mandat, allant du recrutement aux activités du CCPC et du CIISNote de fin d'ouvrage 1174.

En réponse aux recommandations formulées par la SMA(SE) après la réalisation d’une vérification, d’une évaluation ou d’une autre mission, les autorités fonctionnelles respectives élaborent un plan d’action de la direction. La SMA(SE) suit et évalue la mise en œuvre de ces plans d’action et publie les rapports de suivi en ligne, ce qui assure une certaine transparence quant aux mesures prises par le MDN et les FAC pour répondre aux recommandations de la vérificatrice interne.

Revenons sur le rôle du SM, qui est tenu d’informer le ministre concerné des « questions découlant de l’audit interne qui méritent son attention »Note de fin d'ouvrage 1175. Le CEMD et lui sont tous deux chargés de veiller à ce que des mesures appropriées soient prises en réponse à un audit interneNote de fin d'ouvrage 1176.

Pour faciliter ce travail, le SM s’appuie sur le CMV de la défense. Cet organisme consultatif indépendant du SM et du CEMD est composé de membres externes choisis à l’extérieur de l’administration publique fédérale et nommés par le Conseil du Trésor à son gréNote de fin d'ouvrage 1177. Le CMA est composé d’un ancien officier général, d’un ancien haut fonctionnaire et de personnes possédant une expertise financière. Il est chargé de fournir des conseils objectifs et des recommandations sur la suffisance, la qualité et les résultats des missions d’audit interne, y compris le plan d’audit pluriannuel du SMA(SE)Note de fin d'ouvrage 1178. De plus, le CMA examine et recommande pour approbation les rapports d’audit et d’évaluation du SMA(SE), qui sont approuvés à leur tour par le SM ou le CEMD avant leur publication.

Là encore, la contribution de personnes extérieures à ce processus d’audit et d’évaluation renforce sa crédibilité et sa fiabilité.

Comme indiqué ci-dessus, la SMA(SE) a vérifié et évalué plusieurs programmes présentant un intérêt pour mon mandat, et les futurs plans de vérification et d’évaluation indiquent son intention de continuer à le faire. J’encourage l’utilisation active de cette fonction d’audit interne et d’évaluation pour appuyer les changements de culture et de leadership que le MDN et les FAC mettent en œuvre.

La SMA(SE) soutient également le travail du BVG, surveille les réponses à ses rapports et peut également surveiller la mise en œuvre des recommandations externesNote de fin d'ouvrage 1179. En fait, son plan d’audit pluriannuel prévoit une « surveillance continue du plan d’action de la direction », notamment en ce qui concerne les examens indépendants comme le mienNote de fin d'ouvrage 1180.

S’agissant plus particulièrement de l’évaluation par la SMA(SE) des récents rapports externes traitant de l’inconduite sexuelle au sein des FAC, la sous-ministre adjointe a conclu que « bien que l’Équipe de la Défense ait réalisé certains progrès dans la prise en compte des recommandations découlant de l’examen externe du rapport Deschamps de 2015 et du rapport de 2018 du BVG, des travaux supplémentaires sont nécessaires pour parvenir à une mise en œuvre complète dans toutes les actions »Note de fin d'ouvrage 1181. [traduit par nos soins]

Quelle que soit la façon dont on caractérise la mise en œuvre de ces recommandations externes, la SMA(SE) a fait remarquer que beaucoup restait à faire. Cela souligne la nécessité de la surveillance externe que je propose ci-dessous.

En plus de sa fonction d’audit et d’évaluation, la SMA(SE) joue un autre rôle important en rapport avec mon mandat : la conduite d’enquêtes administratives.

Enquêtes administratives

La Direction des enquêtes et examens spéciaux (DEES), au sein du bureau du SMA(SE), mène les enquêtes relatives aux inconduites sexuelles. Premièrement, en vertu de la DOAD 7026-1, Gestion des enquêtes administratives, la Direction mène des « enquêtes administratives concernant des allégations ou des cas d’irrégularités administratives, d’actes irréguliers, de mauvaise gestion ou d’autres irrégularités au sein du MDN et des FAC »Note de fin d'ouvrage 1182. Ces enquêtes sont indépendantes de la chaîne de commandementNote de fin d'ouvrage 1183.

Deuxièmement, la DEES peut également recevoir une demande d’enquête par le biais du processus de divulgation d’actes répréhensibles en vertu de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles (LPFDAR) ou du Processus de divulgation des Forces armées canadiennes (Processus de divulgation des FAC). Ce processus est décrit ci-dessous.

Sous le régime de la DOAD 7026-1, la DEES peut être chargée de mener une telle enquête par le SM, le CEMD ou le SMA(SE) – de leur propre initiative ou à la suite de demandes émanant des organisations de N1Note de fin d'ouvrage 1184. Le but de l’enquête est de révéler toute irrégularité administrative. La DEES, après une « enquête en profondeur des circonstances pertinentes », peut alors formuler des recommandations aux gestionnaires et aux commandants quant aux mesures correctives à apporterNote de fin d'ouvrage 1185. Les enquêteurs doivent avoir un accès complet à tous les dossiers, installations et personnes nécessaires pour mener leur enquête. Les employés du MDN et les militaires doivent coopérer et faciliter le travail de la DEESNote de fin d'ouvrage 1186.

Ces enquêtes menées par la DEES « ne doivent pas servir à recueillir des preuves d’infractions criminelles » et peuvent être menées en complément de toute enquête de police ou enquête sommaire. Une enquête peut également être menée parallèlement à une enquête policière après consultation auprès du GPFCNote de fin d'ouvrage 1187. Je comprends que la DEES a pour objectif de fournir un rapport dans les six à douze mois suivant le début de l’enquête. Une fois celle-ci terminée, la DEES transmet le rapport d’enquête pour examen au SMA(SE), qui le remet ensuite au SM et/ou au CEMD, selon le cas. Toute préoccupation découlant d’une enquête, qu’il y ait eu ou non constatation d’une irrégularité, est portée à l’attention de l’organisation N1 concernée. La DEES peut également exiger un plan d’action de cette organisation pour répondre à la préoccupationNote de fin d'ouvrage 1188.

Il n’y a aucune obligation de rendre publics les rapports d’enquête ou les recommandations correspondantesNote de fin d'ouvrage 1189. En fait, les rapports de la DEES ne sont pas publiés pour des raisons de protection de la vie privée, à l’exception des informations publiées après la constatation d’un acte répréhensible, comme décrit ci-dessousNote de fin d'ouvrage 1190.

Cette fonction d’enquête administrative fait en sorte que le SMA(SE) est doté d’un mandat plus large – bien que non public – que celui proposé par la Commission d'enquête sur la Somalie pour l’inspecteur général en ce qui concerne l’investigation des problèmes systémiques. En effet, le SMA(SE) peut aussi examiner les problèmes systémiques et liés à la conduite ailleurs que dans le seul contexte du système de justice militaire.

La SMA(SE) m’a informée qu’en dehors du processus de divulgation d’actes répréhensibles décrit ci-dessous, 57 enquêtes ont été entamées par la DEES en vertu de la DOAD 7026-1.

Or, depuis l’exercice 2015–2016, aucune d’entre elles ne concernait directement des questions relatives à l’inconduite ou au harcèlement sexuel au sein du MDN ou des FAC. On me dit toutefois que la DEES « mène des enquêtes lorsqu’il y a une allégation de conflit d’intérêts ou d’abus de pouvoir concernant l’administration d’autres processus de recours » [traduit par nos soins] et qu’elle enquête également sur des situations liées à l’administration ou au traitement de cas de harcèlement sexuel, d’inconduite ou de harcèlementNote de fin d'ouvrage 1191.

Sur la base des documents qui m’ont été fournis par la SMA(SE), j’ai examiné un cas où cette dernière a chargé la DEES de mener une enquête administrative sur un processus des FAC en rapport avec mon mandat. Bien qu’il me soit interdit de commenter des cas précis, je peux conclure de mon examen du rapport d’enquête que la DEES a correctement décelé des déficiences dans l’interprétation et l’application des politiques internes et a fait une recommandation pertinente aux FAC pour y remédier.

La mise en œuvre de cette recommandation particulière de la DEES renforcerait la capacité des FAC à tenir leurs membres, en particulier les hauts dirigeants, responsables des inconduites sexuelles. Il s’agit d’un exemple positif de l’utilité de la contribution civile aux politiques et aux pratiques des FAC. Le seul point noir ici est l’absence de publicité sur les processus et les résultats découlant du mandat du SMA(SE) dans le cadre des enquêtes administratives. Toutefois, si la transparence contribue grandement à l’examen du public et à la responsabilisation, il est également nécessaire de disposer de mécanismes internes qui favorisent la franchise et réduisent les risques d’autocensure en protégeant la confidentialité.

Par conséquent, dans le cas des enquêtes administratives menées par le SMA(SE) sous le régime de la DOAD 7026-1, je n’irai pas jusqu’à dire que tout rapport ou son contenu doit être rendu public. Cependant, je crois que la responsabilisation serait accrue si le ministre était informé directement par le SMA(SE) de toutes les enquêtes liées au harcèlement sexuel, à l’inconduite sexuelle et à la culture de leadership au sein de l’Équipe de la Défense, afin d’appuyer sa fonction de supervision des déficiences systémiques en cours et les efforts visant à les corriger.

Recommandation no 41

Le ministre devrait être informé directement par le SMA(SE) de toutes les enquêtes liées au harcèlement sexuel, à l’inconduite sexuelle et à la culture de leadership au sein de l’Équipe de la Défense.

Recommandation no 42

Le SMA(SE) devrait présenter un rapport annuel au ministre sur les statistiques et les activités liées aux enquêtes menées sous le régime de la DOAD 7026-1, conformément aux exigences de la LPFDAR.

Une coopération étroite et institutionnalisée devrait être mise en place entre le SMA(SE) et le CIIS, de sorte que ce dernier puisse alerter le SMA(SE) des problèmes systémiques ou des cas précis pour lesquels le SMA(SE) est doté des moyens adéquats pour enquêter. À cette fin, je recommande également que la directrice exécutive du CIIS puisse ordonner de manière indépendante au SMA(SE) de mener une enquête administrative sur des questions relevant du mandat du CIIS.

Recommandation no 43

La directrice exécutive du CIIS devrait pouvoir ordonner de manière indépendante au SMA(SE) de mener une enquête administrative sur des questions liées au mandat du CIIS.

Divulgation d’actes répréhensibles

La DEES mène également des enquêtes sur les divulgations d’actes répréhensibles, régies soit par la LPFDAR pour les employés du MDN, soit par le processus de divulgation des FAC pour les militaires. À cet égard, et en rapport avec mon mandat, la DEES peut mener des enquêtes sur les « représailles » à l’encontre de membres des FAC seulement, « y compris dans les cas où les représailles alléguées ont eu lieu à la suite du signalement d’une inconduite sexuelle ». [traduit par nos soins] La DEES a déjà reçu des plaintes informelles de cette natureNote de fin d'ouvrage 1192. Cependant, je comprends que ce processus n’est pas généralement invoqué dans le cas de circonstances d’inconduite sexuelle; en fait, sur les 105 enquêtes ouvertes dans le cadre du processus de divulgation des actes répréhensibles depuis l’exercice 2015–2016, aucune des enquêtes menées par la DEES n’a examiné directement des allégations d’inconduite ou de harcèlement sexuelNote de fin d'ouvrage 1193.

La LPFDAR et le processus de divulgation des FAC permettent aux employés du MDN et aux membres des FAC de se manifester s’ils croient qu’un « acte répréhensible » a été commis, y compris une violation grave d’un code de conduite comme le Code de valeurs et d’éthique du MDN et des FACNote de fin d'ouvrage 1194. Les représailles pour des divulgations de bonne foi sont interditesNote de fin d'ouvrage 1195. Le SMA(SE) reçoit ces divulgations et mène une enquête le cas échéant. Le SM, et le CEMD dans les cas impliquant les FAC, a l’obligation d’examiner les rapports d’enquête et les recommandations et peuvent ordonner que des mesures correctives soient prises. Les actes répréhensibles constatés sont publiés en ligne, accompagnés d’une recommandation et d’une mesure corrective (ou de la raison pour laquelle aucune n’a été prise)Note de fin d'ouvrage 1196.

En outre, la DEES prépare un rapport annuel à l’intention du Conseil du Trésor sur les statistiques et les activités liées à la LPFDAR et au processus de divulgation des FAC.

Je souligne ici que le Conseil du Trésor est une autre entité gouvernementale externe à l’Équipe de la Défense qui fournit une contribution civile au MDN et aux FAC, notamment en ce qui concerne la gestion des personnes, les conflits d’intérêts et les exigences en matière d’équité en emploiNote de fin d'ouvrage 1197.

Dans l’ensemble, le SMA(SE) exerce des fonctions – bien qu’internes – semblables à celles de l’inspecteur général réclamé par certaines parties prenantes. En fait, à l’instar d’un inspecteur général, certains aspects de sa fonction sont publics, compte tenu des obligations en matière de présentation de rapports et de publications. Toutefois, les parties prenantes auxquelles j’ai parlé ont mis en garde contre le fait de compter sur le SMA(SE) pour remplacer un inspecteur général indépendant et externe, en partie à cause de son rôle de subordonné au SM et au CEMD. De plus, comme je l’ai noté ci-dessus, si un inspecteur général était mis en place, le rôle d’enquête du SMA(SE) devrait probablement être réduit ou autrement aboli afin d’éliminer le chevauchement des fonctions.

Premier ministre et Bureau du Conseil privé

Nominations par le gouverneur en conseil en matière de défense

Le premier ministre est responsable devant le public canadien de la bonne marche du gouvernement dans son ensemble. En ce qui concerne les questions relatives à mon mandat, le premier ministre joue un rôle clé dans la supervision du MDN et des FAC, notamment dans la nomination des hauts dirigeants.

En plus de nommer les membres de son cabinet, et plus particulièrement le ministre, le premier ministre fournit sa recommandation au GC pour la nomination des membres clés du portefeuille de la défense :

  • le CEMD;
  • le SM et les sous-ministres adjoints;
  • le SM et le SMA des Anciens Combattants; et 
  • l’ambassadrice pour les femmes, la paix et la sécurité, qui est nommée conseillère spéciale du ministre en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publiqueNote de fin d'ouvrage 1198.

Toutes les autres nominations pertinentes du GC liées à la défense relèvent des portefeuilles du ministre ou du ministre des Anciens CombattantsNote de fin d'ouvrage 1199. Par exemple, le ministre recommande :

  • le JAG;
  • l’Ombudsman, qui est nommé à titre de conseiller spécial du ministre en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique;
  • le recteur du CMR Kingston, également nommé conseiller spécial du ministre en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique;
  • tous les membres du CEEGM;
  • tous les membres de la CPPMNote de fin d'ouvrage 1200.

Le CEMD, le SM, le JAG et le recteur du CMR Kingston occupent leur poste « à titre amovible », ce qui signifie qu’ils peuvent être démis de leurs fonctions à la discrétion du GC. À l’inverse, l’Ombudsman, les membres du CEEGM et les membres de la CPPM occupent leur poste « à titre inamovible », ce qui signifie qu’ils ne peuvent être démis de leurs fonctions que pour un motif valable (tel que défini dans la législation ou les conditions applicables de la nomination)Note de fin d'ouvrage 1201.

Le processus de sélection de toutes les nominations du GC énumérées ci-dessus est administré par le Secrétariat du personnel supérieur du BCPNote de fin d'ouvrage 1202. Le BCP joue donc un rôle crucial dans la sélection des personnes nommées au portefeuille de la défense.

Le processus de sélection du CEMD comporte plusieurs étapes. Dès le départ, un comité de sélection est formé, qui comprend généralement le ministre, le greffier du BCP, le SM, le secrétaire adjoint du BCP et un autre haut représentant de la « communauté de la sécurité ». Tous les généraux trois étoiles sont invités à participer au processus et à fournir des lettres d’intérêtNote de fin d'ouvrage 1203.

Un sous-comité examine les demandes en fonction des critères de sélection élaborés par le BCP en consultation avec le MDN et le Cabinet du Premier ministre. Les critères de sélection sont, entre autres, l’admissibilité (scolarité, expérience, etc.), les exigences linguistiques et les qualités personnelles. Le comité de sélection mène ensuite des entrevues et établit une liste de présélection. Je comprends que, depuis 2018, les questions suivantes sont posées aux candidats :

  • Avez-vous, ou pensez-vous avoir, des conflits d’intérêts réels, potentiels ou perçus en ce qui concerne l’exercice de cette fonction?
  • Y a-t-il quelque chose dans votre parcours personnel ou professionnel, passé ou présent, qui pourrait, s’il était connu, jeter le discrédit sur le gouvernement du Canada?
  • Y a-t-il des activités que vous menez actuellement qui sont enregistrées en vertu de la Loi sur le lobbying?
  • A-t-on déjà déposé une plainte de harcèlement ou un grief officiel contre vous? Si oui, décrivez la situation et sa résolutionNote de fin d'ouvrage 1204.

Une diligence raisonnable supplémentaire est également exercée à l’égard des candidats présélectionnés, notamment en les soumettant à une vérification des références, à une évaluation psychométrique, à des vérifications d’antécédents et de sécurité, ainsi qu’à une analyse polygraphiqueNote de fin d'ouvrage 1205. En ce qui concerne la vérification des références effectuée pour les postes de dirigeant comme le CEMD, je comprends que le BCP se fie principalement aux références fournies par le candidatNote de fin d'ouvrage 1206. Je comprends également que, dans le cadre du processus de diligence raisonnable, aucun accès n’est demandé ou autrement fourni aux bases de données internes des FAC qui hébergent les dossiers relatifs aux plaintes de harcèlement ou d’inconduite d’ordre sexuelNote de fin d'ouvrage 1207.

En dernier lieu, le comité de sélection recommande des candidats au premier ministre, qui peut rencontrer les candidats recommandés avant que le Cabinet ne détermine lequel nommer et que le GC ne promulgue le décret pertinent. En ce qui concerne la nomination du CEMD, le premier ministre consulte également le gouverneur général, en sa qualité de commandant en chef des FACNote de fin d'ouvrage 1208.

Recommandation no 44

Dans le cas des personnes nommées par le GC, comme le CEMD et le JAG (qui doivent être membres des FAC au moment de leur nomination), il faudrait envisager d’éliminer tout obstacle juridique – comme les préoccupations relatives à la protection de la vie privée – qui empêche l’accès du BCP aux dossiers personnels des FAC, y compris les fiches de conduite.

Évaluation du rendement des personnes nommées par le gouverneur en conseil

Le BCP administre également les évaluations de rendement de certaines personnes nommées par le GC dans le portefeuille de la défense, y compris le CEMD, en coordonnant le programme de gestion du rendementNote de fin d'ouvrage 1209. Ce programme évalue le rendement sur une base annuelle. Il fixe la rémunération de certaines personnes nommées par le GC, y compris le CEMD, qui est soumis à une rémunération « à risque », ce qui signifie qu’une partie de sa rémunération dépend de son rendementNote de fin d'ouvrage 1210.

Dans le cadre du programme de gestion du rendement du CEMD – le SM faisant l’objet d’un régime semblable – le CEMD est tenu d’évaluer son propre rendement dans un certain nombre de domaines, notamment les résultats obtenus à l’égard des politiques et des programmes à l’appui du programme du gouvernement, les résultats de gestion (mesurés par rapport au Cadre de responsabilisation de gestion établi par le Conseil du Trésor) et les résultats en matière de leadershipNote de fin d'ouvrage 1211.

Le BCP effectue à son tour une diligence raisonnable pour compléter l’auto-évaluation du CEMD. Par exemple, le BCP demande l’avis du ministre, des SM principaux du portefeuille de la défense (comme celui d’Affaires mondiales Canada) et des organismes centraux, dont le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et le Bureau de la dirigeante principale des ressources humainesNote de fin d'ouvrage 1212.

D’après les renseignements que j’ai examinés, il ne semble pas que, dans le cadre de la coordination de l’évaluation du rendement du CEMD, le BCP soit tenu de demander l’avis de ses subordonnés (sous la forme d’une évaluation à 360 degrés ou autre), ou que le CEMD ait le mandat d’évaluer spécifiquement son rendement dans la lutte contre le harcèlement et l’inconduite sexuels au sein des FAC.

Enquête sur les allégations d’inconduite à l'encontre de personnes nommées par le gouverneur en conseil

Outre son rôle dans la nomination et l’évaluation des personnes nommées par le GC au sein du portefeuille de la défense, le BCP joue un rôle clé dans la gestion des enquêtes sur les allégations d’inconduite à l’encontre de ces personnes, et dans l’aide apportée au GC pour déterminer s’il a toujours confiance dans la personne nomméeNote de fin d'ouvrage 1213.

Je comprends du Cabinet du Premier ministre que, bien que le BCP tienne le premier ministre informé des enquêtes, le BCP et la fonction publique gèrent ces enquêtes à leur discrétionNote de fin d'ouvrage 1214.

De son propre aveu, le BCP n’est pas d’un organisme d’enquête. Son rôle concernant les plaintes d’inconduite à l’encontre d’une personne nommée par le GC consiste à fournir « des conseils au gouvernement afin de déterminer la meilleure ligne de conduite à adopter en fonction de la nature de la plainte »Note de fin d'ouvrage 1215. [traduit par nos soins] Ces conseils tiennent compte des circonstances précises de la plainte et visent à garantir le respect de l’équité procédurale pour les personnes concernées, ainsi que l’indépendance et l’équité de toute enquêteNote de fin d'ouvrage 1216.

Le niveau d’information requis pour que le BCP lance une enquête sur une inconduite présumée ne me semble pas clair. Je comprends que, selon la nature de l’information révélée, les mesures recommandées peuvent aller de l’examen administratif au renvoi du dossier à une tierce partie indépendante pour enquête – ce qui, me dit-on, est habituel – voire à la police. Le BCP peut finalement recommander au GC de démettre une personne nommée de son poste « à titre amovible »Note de fin d'ouvrage 1217. Pour le CEMD en particulier, on déterminera si, dans les circonstances, le GC continue à avoir confiance dans ses décisions stratégiquesNote de fin d'ouvrage 1218.

Je ne suis au courant d’aucune enquête sur des allégations d’inconduite à l’encontre de personnes nommées par le GC dans le domaine de la défense. Mon mandat m’interdit de « formuler de constat ou de recommandation quant à la responsabilité ou à la faute de toute personne ou organisation », et je ne dois pas « faire référence à des cas particuliers de harcèlement ou d’inconduite sexuelle, ou formuler d’évaluation ou de recommandation à cet égard »Note de fin d'ouvrage 1219.

D’après mes investigations générales sur le processus, je ne peux que conclure que le BCP dispose d’un pouvoir discrétionnaire considérable quant à la manière de procéder lorsqu’il est informé d’allégations graves formulées à l’encontre d’une personne nommée par le GC. Le processus, en particulier sa longueur, peut donner lieu à des spéculations injustifiées. Cependant, la recherche d’équité envers la personne faisant l’objet de la plainte, ainsi que les préoccupations liées à la protection de la confidentialité – par exemple, des plaignantes ou des dénonciateurs dans les cas d’inconduite sexuelle– compliquent souvent les choses.

Dans l’ensemble, le BCP administre plusieurs processus pour les titulaires de postes de la défense nommés par le GC, ce qui offre une occasion unique d’assurer une contribution civile notable dans la sélection, à l’évaluation des hauts dirigeants et les enquêtes sur ceux-ci.

De plus, le BCP joue un rôle crucial dans la mise en application des règlements, y compris ceux qui concernent le paysage de la Défense (sous la forme du soutien qu’il apporte au Conseil du Trésor et au Cabinet en ce qui concerne la rédaction des décrets). Le BCP et les autres entités pertinentes comme le Conseil du Trésor doivent impérativement porter une attention particulière à la lenteur paralysante du traitement des questions réglementaires. Comme je l’ai indiqué ci-dessus, j’ai trouvé décourageante la lenteur de la mise en application du projet de loi C-77. Devoir attendre des années entre le passage d’une loi et la mise en œuvre des règlements habilitants celle-ci est, surtout lorsque les règlements ciblent les inconduites sexuelles, inacceptable. À mon avis, une plus grande volonté d’assumer ses responsabilités doit se manifester sur le plan politique pour accélérer la mise en application de ces nécessaires réformes.

Ombudsman

Comme mentionné ci-dessus, le poste d’Ombudsman a été mis en place dans le sillage de la Commission d’enquête sur la Somalie, comme solution de rechange à la proposition de nommer un inspecteur général. L’Ombudsman est indépendant de la direction et de la chaîne de commandement du MDN et des FAC. Il rend compte directement au ministre et est responsable devant luiNote de fin d'ouvrage 1220. Son bureau fournit une méthode de surveillance et de contribution externes au MDN et aux FAC. L’Ombudsman décrit sa fonction comme suit :

  • Notre bureau est une source directe d’information, d’aiguillage et d’éducation pour les membres et les employés du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes. Nous aidons les personnes qui ont déposé des plaintes ou soulevé des préoccupations à accéder aux mécanismes d’aide ou de recours existants. En outre, nous pouvons faire enquête sur des questions touchant le mieux-être des militaires des Forces canadiennes, des employés du ministère de la Défense nationale et des autres personnes relevant de notre compétence et diffuser publiquement des rapports à ce sujet. Nous avons pour but d’apporter des améliorations substantielles et durables au sein de la communauté de la DéfenseNote de fin d'ouvrage 1221.

L’Ombudsman est voué à enquêter de façon indépendante et neutre sur des enjeux soulevés par des membres de la communauté de la Défense, lorsque toutes les avenues de redressement possibles du système ont été épuiséesNote de fin d'ouvrage 1222. Mentionnons notamment que, pour les enquêtes relatives à des problèmes systémiques, l’Ombudsman publie ses rapports et ses conclusions en ligne.

Bien que l’Ombudsman puisse jouer un rôle dans la surveillance des inconduites sexuelles, le nombre de plaintes que son bureau reçoit à ce sujet est faible. Par exemple, selon les statistiques semestrielles que l’Ombudsman fournit au MDN, en 2018, le bureau a reçu 21 plaintes relatives à des inconduites sexuelles. En 2019, il y en a eu 16, et en 2020, 10Note de fin d'ouvrage 1223.

L’Ombudsman n’a pas enquêté sur les problèmes systémiques liés au harcèlement et à l’inconduite sexuels. Toutefois, je comprends que son bureau prévoit d’examiner la diversité comme un domaine d’enquête à l’avenirNote de fin d'ouvrage 1224.

En avril 2021, dans une lettre adressée aux deux comités parlementaires permanents chargés d’examiner la question de l’inconduite sexuelle au sein des FAC (voir ci-dessous), l’ancien Ombudsman a déclaré qu’il ne pouvait pas prendre part aux délibérations de l’Équipe de la Défense au sujet des processus nécessaires au changement de culture, car cela placerait son bureau en situation de conflit. Toutefois, il a ajouté que son bureau était bien placé pour exercer une fonction de surveillance indépendante dans le cadre de la solution à apporter pour combattre l’inconduite sexuelle et d’autres formes de discriminationNote de fin d'ouvrage 1225.

Le juge Fish a déjà traité des problèmes de ce bureau, et je me fais l’écho de la recommandation de mon collègue selon laquelle il devrait y avoir un examen indépendant pour déterminer « la nécessité de mesures additionnelles pour renforcer [l’]indépendance et [l’]efficacité [de l’Ombudsman]. »

Parlement et comités parlementaires

L’autorité de la LDN découle du Parlement en vertu de la Constitution, qui prévoit que le Parlement a autorité législative sur « sur la milice, le service militaire et le service naval »Note de fin d'ouvrage 1226. Cependant, comme l’ont bien expliqué Philippe Lagassé et Stephen Saideman, l’élaboration de la politique de défense et le contrôle militaire relèvent de l’exécutif, de sorte que le contrôle parlementaire de le militaire vise essentiellement à demander aux ministres de rendre compte de leur contrôle des forces arméesNote de fin d'ouvrage 1227.

Le professeur Lagassé affirme en outre que les parlementaires maintiennent cette reddition de comptes en débattant, en votant et en modifiant les lois portant sur la défense nationale, comme la LDN. Ils peuvent également débattre des questions de défense et adopter des motions non contraignantes concernant les questions militaires, dans le but d’influencer les décisions du gouvernement en la matière. Ce système de gouvernance s’appuie notamment sur les députés de l’opposition pour déceler les failles dans les politiques de la défense du gouvernement, avertir le public des erreurs ou des lacunes et proposer des solutions de rechangeNote de fin d'ouvrage 1228.

L’une des méthodes de contrôle parlementaire est le recours à des comités de la défense qui supervisent le budget des dépenses, les politiques, les programmes et la législation du gouvernement en matière de défense et en rendent compte. Ces comités peuvent « demander des informations et des documents, ainsi que convoquer des témoins, notamment des ministres, des fonctionnaires et des membres des forces armées »Note de fin d'ouvrage 1229. [traduit par nos soins] Ils sont en mesure d’examiner – aux yeux du public – les politiques et les pratiques du gouvernement. Ce sont des sources essentielles de surveillance civile et de contribution à la conduite de l’Équipe de la Défense.

Cependant, les comités de la défense sont limités par leur dépendance à l’égard des informations non classifiées. Ils doivent s’appuyer sur « les informations de source ouverte, les fuites, les rapports des médias et les témoignages pour demander des comptes au gouvernement »Note de fin d'ouvrage 1230. [traduit pas nos soins] En outre, bien qu’ils puissent faire la demande de toute information auprès du gouvernement, la coutume décourage leurs membres de demander la production de documents lorsque des considérations de politique publique telles que la sécurité nationale et les relations étrangères sont concernéesNote de fin d'ouvrage 1231.

Au cours de l’année écoulée, en réponse à la crise chez les dirigeants supérieurs des FAC résultant d’allégations d’inconduite sexuelle, deux comités parlementaires permanents se sont penchés sur la question.

Comité permanent de la défense nationale (NDDN)

En février 2021, le NDDN a entamé une étude sur les problèmes d’inconduite sexuelle dans les FAC, y compris les allégations contre l’ancien CEMD. Il a tenu environ 26 audiences, de février à mai 2021, au cours desquelles il a entendu de nombreux témoins, notamment des hauts dirigeants du MDN et des FAC, ainsi que des experts en la matière.

Le NDDN n’a pas publié de rapport. Je constate dans les transcriptions qu’il y a eu une motion pour orienter les prochaines étapes vers un projet de rapport et des recommandations lors de la réunion du 12 avril 2021, et une reconnaissance à cet effet lors de la réunion du 14 mai 2021 que le NDDN a « a entrepris l’examen d’un projet de rapport »Note de fin d'ouvrage 1232. Cependant, en juin 2021, les membres libéraux du NDDN ont remis au ministre et à mon attention 24 recommandations concernant l’inconduite sexuelle au sein des FAC. Ces membres ont expliqué la publication de leurs recommandations « étant donné l’impasse dans laquelle se trouve le Comité »Note de fin d'ouvrage 1233. [traduit par nos soins]

Voilà qui met en évidence à la fois les contributions et les limites de ce type de processus. D’une part, les comités parlementaires recrutent des participants de haut niveau et attirent l’attention sur des questions qui, autrement, n’attireraient peut-être pas beaucoup l’attention du public. D’autre part, dans certains cas, aucun consensus n’est possible, et l’alignement sur les lignes de parti nuit à la crédibilité du processus.

Comité permanent de la condition féminine (FEWO)

Le FEWO a également pris des mesures pour étudier l’inconduite sexuelle au sein des FACNote de fin d'ouvrage 1234. Il a publié deux rapports relatifs à ces questions, en 2019 et 2021Note de fin d'ouvrage 1235.

Le FEWO a entendu des témoignages pendant plusieurs jours, de mars à mai 2021. Il a également recueilli des témoignages de diverses organisations et personnes, notamment de hauts dirigeants du MDN et des FAC, de témoins experts et d’une organisation de survivantes.

Le comité a formulé des recommandations visant à « transformer la culture au sein des FAC et à soutenir les survivantes » et à fournir « au gouvernement du Canada des indications sur les mesures qui pourraient être mises en place pour éliminer l’inconduite sexuelle au sein des FAC et accroître la responsabilisation »Note de fin d'ouvrage 1236.

Le FEWO a formulé 21 recommandations, allant du rôle de la haute direction dans la création d’un changement de culture aux services offerts aux survivantes d’inconduite sexuelle. L’une de ces recommandations était notamment que le gouvernement du Canada « mette en application toutes les recommandations » du rapport DeschampsNote de fin d'ouvrage 1237.

La toute première de ces mesures consistait à créer un Bureau de l’inspecteur général entièrement indépendant au sein du MDN et des FAC, qui ferait rapport annuellement au Parlement. Le FEWO a précisé les fonctions de cet agent parlementaire comme suit :

  • dispose de ressources et ait le pouvoir de s’assurer que les plaintes et allégations futures sont déposées auprès d’un organisme externe et indépendant;
  • reçoive les plaintes des membres actifs et des vétérans sans qu’il soit nécessaire que le membre ou le vétéran membre épuise les procédures de recours interne et de règlement des griefs avant de déposer la plainte;
  • entreprenne en toute indépendance les études et investigations jugées nécessaires;
  • renvoie les affaires au conseiller en matière de sécurité nationale du Premier ministre pour enquêter lorsque cela est justifiéNote de fin d'ouvrage 1238.

Le rapport de juin 2021 comprenait une « demande de réponse du gouvernement » conformément à l’article 109 du Règlement de la Chambre des communes, qui exige une réponse du gouvernement dans les 120 jours. Le Parlement a été dissous en août 2021, en prévision des élections générales de l’automne. Des documents internes de l’Équipe de la Défense indiquent qu’une réponse du gouvernement est en préparationNote de fin d'ouvrage 1239.

Je n’ai pas connaissance de mesures prises par le MDN ou les FAC pour mettre en œuvre les recommandations formulées par le FEWO; toutefois, je note une référence à ces recommandations dans la Directive de mise en œuvre du CEMD/de la SM concernant les recommandations du [rapport Fish] et d’autres examens externes complets connexes, datée du 25 octobre 2021, que j’examinerai plus en détail ci-dessous.

Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense

Le Sénat du Canada joue également un rôle dans la surveillance civile de l’Équipe de la Défense, notamment par le biais de son Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, dont le mandat est « d’examiner les mesures législatives et les questions dont il est saisi concernant la défense, la sécurité et les affaires des anciens combattants »Note de fin d'ouvrage 1240. Le professeur Lagassé fait ressortir les différences entre les comités de défense du Sénat et ceux du Parlement, les premiers bénéficiant d’un environnement de travail moins partisan et moins précipitéNote de fin d'ouvrage 1241.

De mai à octobre 2018, ce Comité sénatorial a étudié les comportements sexuels préjudiciables et déplacés au sein des FAC, ainsi que l’effet des changements apportés depuis le lancement de l’opération HONOUR en 2015. Le comité sénatorial a entendu les témoignages des dirigeants de l’Équipe de la Défense et d’experts. Au terme de son étude, il a déposé son rapport, qui s’appuyait en partie sur le rapport de 2016 StatsCanNote de fin d'ouvrage 1242. Il a émis huit recommandations, dont beaucoup sont similaires à celles que j’ai formulées. À ce jour, je n’ai connaissance d’aucune mesure prise par le MDN et les FAC pour évaluer ou mettre en application ces recommandations.

En ce qui concerne les recommandations formulées dans le rapport Deschamps, le rapport a également conclu qu’elles n’avaient pas été toutes été mises en applicationNote de fin d'ouvrage 1243.

La vérificatrice générale du Canada

La VG est un acteur externe crucial dans le paysage de la surveillance civile de l’Équipe de la Défense. La VG, qui est un agent du Parlement, fournit à ce dernier de l’information objective et factuelle et des conseils d’experts sur les programmes et les activités du gouvernement, recueillis lors d’audits. La VG dispose d’une grande latitude pour déterminer les secteurs du gouvernement à contrôler et planifie ses contrôles des années à l’avance. Les parlementaires utilisent les rapports du VG pour surveiller les activités du gouvernement et demander au gouvernement fédéral de rendre des comptes sur sa gestion des fonds publicsNote de fin d'ouvrage 1244.

Le BVG est le vérificateur externe indépendant du MDN et des FAC. Il a effectué de nombreux audits financiers et de performance en lien avec mon mandat. En voici un aperçu :

  • En 2016, publication du Rapport 5 – Recrutement et maintien de l’effectif dans les Forces armées canadiennes – Défense nationale. Cet audit s’est concentré sur la question de savoir si les FAC avaient mis en œuvre des systèmes et des pratiques appropriés pour recruter, former et maintenir en poste les membres des F rég nécessaires pour atteindre leurs objectifs. Entre autres choses, le BVG a constaté que, malgré l’établissement d’objectifs de recrutement – tels que 25 % de femmes – ces objectifs ne tenaient pas compte des cibles précises par groupe professionnel, avec comme résultat des effectifs nettement en dessous des niveaux requis pour certains emploisNote de fin d'ouvrage 1245.
  • En 2017, publication du Rapport 6 – Le Collège militaire royal du Canada – Défense nationaleNote de fin d'ouvrage 1246. L’objectif de cet audit était de savoir si le CMR produisait la qualité d’officiers dont les FAC avaient besoin à un coût raisonnable. Il a également évalué si les politiques et la formation au sein du MDN et des FAC pouvaient assurer la bonne conduite des élèves-officiers et du personnel du CMR. L’audit a révélé que le programme de formation militaire du CMR présentait des lacunes. En particulier, il n’existe pas de normes claires et mesurables en matière de qualités de leadership et de comportement militaire éthique que les diplômés devraient atteindre avant de recevoir leur brevet d’officierNote de fin d'ouvrage 1247.
  • En 2018, publication du Rapport 3 – L’administration de la justice dans les Forces armées canadiennesNote de fin d'ouvrage 1248. Cet audit visait à déterminer si l’administration du système de justice militaire par les FAC était efficiente et efficace pour traiter les affaires en temps opportun. Il a constaté que les FAC prenaient trop de temps pour résoudre bon nombre d’affaires de justice militaire, avec des conséquences importantes dans certains casNote de fin d'ouvrage 1249.
  • En 2018, publication du Rapport 5 – Les comportements sexuels inappropriés – Forces armées canadiennesNote de fin d'ouvrage 1250. L’objectif de l’audit consistait à déterminer si les FAC avaient pris des mesures adéquates à l’encontre des comportements sexuels inappropriés afin d’intervenir auprès des victimes et de leur venir en aide, et de comprendre et de prévenir de tels comportements. On a constaté que si l’opération HONOUR a permis de sensibiliser les FAC aux problèmes des comportements sexuels inappropriés, l’approche fragmentée à l’égard du soutien aux victimes et les conséquences non prévues de l’opération ont ralenti les progrès. Des politiques comme le devoir de signaler ont découragé certaines victimes de dénoncer des incidents, de peur que leur cas fasse l’objet d’une enquête alors qu’elles n’étaient pas prêtes à engager une procédure officielleNote de fin d'ouvrage 1251.

Les audits du BVG sur le rendement de l’Équipe de la Défense sont publics. Ils sont mis à la disposition des médias et déposés au Parlement. Comme indiqué plus haut, les comités permanents du Parlement et du Sénat s’appuient sur eux dans leurs études respectives des questions liées à la défense. En outre, le Comité permanent des comptes publics du Parlement peut demander au VG et aux fonctionnaires du Ministère des mises à jour sur l’état de la mise en application des recommandations, ce qui permet de garder une question sous les yeux du public et de la soumettre à l’examen parlementaire pendant une période plus longue.

À la lumière de mon examen, la vérificatrice générale a déterminé en juillet 2021 qu’elle reporterait son travail de mise à jour prévu sur les comportements sexuels inappropriés dans les FAC. Je m’attends à ce que, avec la conclusion de mon travail, son bureau reprenne la rédaction de ses rapports et je me réjouis de son suivi en ce qui concerne le harcèlement et l’inconduite sexuels dans les FAC.

Statistique Canada

Statistique Canada est une partie prenante externe essentielle dans le paysage de la surveillance, étant donné son pouvoir législatif et son expertise en matière de collecte d’informations. En 2016, dans le cadre de l’opération HONOUR, Statistique Canada a été chargé de concevoir et de mettre en œuvre un sondage volontaire auprès de tous les membres actifs des FAC concernant leurs expériences en matière de harcèlement et d’inconduite sexuelsNote de fin d'ouvrage 1252.

Pendant deux mois, les membres actifs des F rég et de la P rés ont été invités à remplir un questionnaire électronique, portant sur leurs expériences et leurs perceptions des comportements sexualisés inappropriés; de la discrimination fondée sur le sexe, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre; ainsi que des agressions sexuelles au sein des FAC. Plus de 43 000 membres ont répondu. En novembre 2016, Statistique Canada a publié son rapport qui mettait l’accent sur les conclusions portant sur les F régNote de fin d'ouvrage 1253.

Statistique Canada a mené une deuxième enquête en 2018 et a publié deux rapports en mai 2019Note de fin d'ouvrage 1254.

Dans les deux cas, les résultats de l’enquête ont attiré l’attention des médias sur la prévalence de l’inconduite sexuelle dans les FAC et sur le fait que seuls de légers progrès avaient été réalisés au cours des deux dernières années.

Entre 2018 et 2019, Statistique Canada a mené une autre enquête « [visant] à mesurer la nature et la prévalence des comportements sexualisés non désirés, des comportements discriminatoires et d’agressions sexuelles chez les étudiants des établissements postsecondaires canadiens ». L’enquête incluait les élèves-officiers et les élèves-officiers de marine du CMR et du CMR Saint-Jean. Là encore, les médias ont mis en lumière les résultats de l’enquête, publiés en 2020, notamment le fait que près de 70 % des étudiants des collèges militaires ont déclaré avoir subi ou avoir été témoins des comportements sexuels non désirésNote de fin d'ouvrage 1255.

Ces enquêtes – conçues et mises en œuvre par des experts de Statistique Canada – remplissent de multiples fonctions de surveillance et de contribution. Elles constituent une source d’information utile pour comprendre la prévalence, entre autres, du harcèlement et de l’inconduite sexuels dans divers environnements au sein des FAC. Elles servent aussi de base à l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes au sein de l’Équipe de la Défense. Leur publication en appelle à un examen plus approfondi du public et des politiciens canadiens. Elles servent également aux fins d’une large communauté d’acteurs de la recherche.

Des parties prenantes du monde universitaire m’ont dit que de telles enquêtes (au moins celles portant sur les F reg et des F rés) devraient être menées annuellement plutôt que tous les deux ou trois ans, afin de mieux éclairer l’élaboration des politiques et leur mise en œuvre sur une base continue. Dans cette optique, je note que les employés du MDN participent au Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux (SAFF), une enquête à participation volontaire menée chaque année. Le SAFF concerne l’ensemble du secteur public et n’est pas propre au MDN. Il recueille des informations sur le harcèlement, la sécurité et la culture sur le lieu de travailNote de fin d'ouvrage 1256. Je ne dispose d’aucune information concernant les plans de l’Équipe de la Défense visant à utiliser les résultats du SAFF dans l’élaboration et l’application de ses politiques. Je les encourage certainement à le faire.

D’après les entrevues que j’ai eus avec les parties prenantes, l’intégration de l’expertise externe dans ces entreprises de collecte de données à grande échelle pourrait être améliorée.

Médias et universitaires externes

Les médias canadiens et les chercheurs extérieurs au gouvernement ont également un rôle essentiel à jouer; ils apportent en effet des contributions importantes en mettant en lumière les problèmes et en préconisant le changement.

Médias

Le journalisme d’enquête s’est avéré être un élément crucial du paysage de la surveillance externe, notamment en ce qui concerne les déboires des FAC sur le plan de l’inconduite sexuelle.

Les rapports d’enquête des médias canadiens ont joué un rôle essentiel dans la mise en lumière de l’étendue et de la gravité de l’inconduite sexuelle dans les FAC et des lacunes dans le traitement de ces affaires par les FAC. Je suis d’avis que la mise en place de trois examens externes portant sur l’inconduite sexuelle dans les FAC au cours des six dernières années – le rapport Deschamps, le rapport Fish et le mien – est en grande partie attribuable à l’inquiétude du public soulevée par le travail de la presseNote de fin d'ouvrage 1257.

Malgré le souci des FAC de réglementer strictement la divulgation de toute information relative à leur fonctionnement interne, une grande partie des documents relatifs à l’inconduite sexuelle ne sont pas classifiés; cependant, ils ne sont pas non plus facilement accessibles au public. Les journalistes d’enquête maîtrisent parfaitement le processus régissant les demandes d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels (AIPRP); ils savent bien comment analyser ces documents pour constituer leurs reportages. Des comités parlementaires se sont également appuyés sur les documents obtenus par divers organes de presse pour étayer leurs récentes études sur l’inconduite sexuelle au sein des FACNote de fin d'ouvrage 1258. Le NDDN a d’ailleurs fait référence aux demandes d’AIPRP lorsqu’il a discuté de la documentation et des témoignages qui seraient essentiels à son travailNote de fin d'ouvrage 1259.

Depuis des décennies, la presse canadienne joue un rôle essentiel dans la responsabilisation des dirigeants supérieurs des FAC en matière d’inconduite sexuelle. Sa couverture de la crise en cours continue de jouer ce rôle et renforce les mécanismes de surveillance politique et civile déjà en place.

Universitaires et chercheurs externes

Les travaux de recherche des universitaires et des chercheurs externes apportent une contribution extérieure essentielle à l’Équipe de la Défense. Cet avantage est énoncé dans la politique de défense du Canada – Protection, Sécurité, Engagement : « Non seulement la collaboration avec les universitaires et d’autres spécialistes renforce-t-elle les fondements d’un processus d’établissement d’une politique de défense axée sur des preuves, mais elle aidera à stimuler l’innovation et formera les maîtres à penser de demain »Note de fin d'ouvrage 1260. La politique met en évidence un plan visant à revitaliser les partenariats avec des experts externes afin de tirer parti de leur expertise et met de l’avant plusieurs initiatives permettant aux FAC de « [tirer] un avantage important de la stimulation et de l’exploitation des forces intellectuelles extraordinaires de cette collectivité »Note de fin d'ouvrage 1261. Songeons seulement au lancement du programme Mobilisation des idées nouvelles en matière de défense et de sécurité (MINDS)Note de fin d'ouvrage 1262.

Ce programme a financé des « réseaux de collaboration », c’est-à-dire des réseaux d’experts pluridisciplinaires travaillant sur les défis de la politique de la défense. Les entretiens que j’ai menés avec les parties prenantes m’ont permis de comprendre que de nombreux experts impliqués dans ces réseaux ont été au centre des discussions et des débats sur l’inconduite sexuelle au sein des FAC et de l’objectif plus large du changement de culture.

En 2019, le programme MINDS et le CIIS ont coordonné l’examen par trois chercheurs externes des enquêtes réalisées en 2016 et 2018 par Statistique Canada. Cet effort de collaboration a servi de base à un rapport du CIIS qui fait expressément référence aux suggestions des experts sur la manière de traiter l’inconduite sexuelle dans les FACNote de fin d'ouvrage 1263.

Il s’agit d’un exemple positif de membres de l’Équipe de la Défense, en particulier le CIIS, qui se soumettent de plein gré à l’évaluation éclairée d’experts externes et en tirent profit. Ce type de collaboration devrait être encouragé. Les scientifiques et les experts en la matière travaillant au sein de l’Équipe de la Défense – RDRC, le DGRAPM, l’ACD et autres – devraient accroître leur collaboration avec des experts externes.

Conformément aux objectifs stratégiques énoncés dans la Politique de défense du Canada –Protection, Sécurité, Engagement, j’appuie la proposition d’une partie prenante voulant que chacun des directeurs de réseau du programme MINDS soit jumelé à un haut dirigeant du MDN et des FAC.

En ce qui concerne le DGRAPM, je note que ses recherches et ses travaux constituent une source d’information approfondie pour les dirigeants de l’Équipe de la Défense et une forme de contribution interne à la prise de décision en matière de politique. À mon avis, les travaux du DGRAPM et d’autres organes de recherche internes devraient être accessibles en ligne, sous réserve de contrôles de sécurité appropriés. Voilà qui conférerait un avantage supplémentaire, soit de garantir que les chercheurs externes ne reproduisent pas des travaux déjà effectués par des chercheurs internes du MDN et des FAC.

Recommandation no 45

Le CCPC devrait héberger une base de données publique en ligne pour toutes les recherches et politiques internes de l’Équipe de la Défense concernant le harcèlement et l’inconduite sexuels, le genre, l’orientation sexuelle, la race, la diversité et l’inclusion, et le changement de culture. Si un document ne peut être rendu public pour des raisons de sécurité ou autres, il devrait néanmoins être répertorié dans la base de données afin de faciliter l’accès aux personnes disposant de l’autorisation ou de l’approbation requise.

D’après mes entretiens avec les parties prenantes, je comprends que l’application de la DOAD 5062-1, Conduite de recherche en sciences sociales, et des ORFC connexes a pour effet potentiel de « museler » les membres des FAC qui participent à des recherches en sciences sociales et d’étouffer ainsi la recherche universitaire.

Par exemple, je constate que si l'article 19.14 des ORFC, Commentaires déplacésNote de fin d'ouvrage 1264 interdit de faire des remarques qui tendent à discréditer un supérieur, il contient une dérogation à cette interdiction, aux fins de la présentation appropriée d’un grief. Il se peut qu’une exemption similaire puisse être introduite dans le cadre de gouvernance des FAC afin de faciliter une communication franche entre les membres des FAC et les chercheurs externes.

Je comprends également que les recherches en sciences sociales proposées sur le MDN et les FAC doivent d’abord être approuvées par le biais d’un processus rigoureux en plusieurs étapesNote de fin d'ouvrage 1265. Ce processus est géré par le DGRAPM, par le biais du Comité d’examen de la recherche en sciences sociales (CERSS). Dans le cadre du processus d’approbation, le CERSS est chargé de procéder à un examen éthique et technique de la recherche proposée, qu’elle provienne d’une source interne ou externeNote de fin d'ouvrage 1266.

Les organisations de N1 respectives jouent également un rôle, car leur parrainage et leur approbation sont nécessaires pour que de telles propositions puissent aller de l’avant, le travail qui en résulte ne pouvant être publié sans l’approbation préalable du parrain de N1Note de fin d'ouvrage 1267.

Mes entrevues avec les parties prenantes m’ont permis de comprendre que ces fonctions de contrôle peuvent faire obstacle à l’approbation des propositions de recherche et empêcher les chercheurs externes d’avoir accès au MDN et aux FAC pour mener leurs travaux. Le processus d’approbation d’une proposition de recherche externe devrait être rationalisé pour faciliter l’approbation comme l’accès. À titre d’exemple, les FAC devraient envisager de renoncer à l’évaluation éthique du CERSS pour une proposition externe qui a déjà fait l’objet d’une approbation éthique externeNote de fin d'ouvrage 1268.

Recommandation no 46

Avec l’apport de la communauté universitaire, les ORFC citées à la section 5.2 de la DOAD 5062-1 devraient être revues et révisées au besoin pour faciliter la recherche. En outre, les FAC devraient envisager de renoncer à l’évaluation éthique du CERSS d’une proposition externe qui a déjà été approuvée par le comité d’éthique de la recherche d’un établissement universitaire.

Nécessité d’un contrôleur externe

Mon récent réexamen du travail de la Commission d’enquête sur la Somalie m’a donné à réfléchir. Bien que nous soyons déjà passés par là, les choses ne semblent pas évoluer. Les recommandations du rapport de la Commission qui n’ont pas été mises en œuvre restent d’actualité et sont apparemment étudiées par les FAC (comme la proposition de nommer un inspecteur général). On peut en dire autant des plus récentes recommandations de la juge Deschamps.

L’un des nombreux problèmes liés à l’absence de mise en œuvre, c’est que les recommandations externes finissent par devenir, en partie ou en totalité, incompatibles entre elles. La procrastination, les initiatives malavisées qui prétendent traiter les problèmes mais ne le font pas, ainsi que le recours répété à des conseillers externes ont conduit à un volume ingérable de recommandations non mises en œuvre.

Les FAC sont conscientes de l’existence de ce terrain miné. Une directive d’octobre 2021, émise par le SM et le CEMD, demande l’établissement de la gouvernance nécessaire pour soutenir les efforts interministériels visant à mettre en œuvre les recommandations de Deschamps et de Fish, ainsi que mes recommandations à venir, et celles découlant de l’entente de règlement final des recours collectifs Heyder et BeattieNote de fin d'ouvrage 1269.

La directive souligne ensuite le bourbier dans lequel on se trouve actuellement :

  • On ne saurait trop insister sur les défis que représente la mise en œuvre des recommandations du juge Fish et de celles attendues de [l’EEIC] [le présent rapport]. Ils faudra déterminer les priorités et y consacrer beaucoup de temps et de ressources. Il existe de nombreuses interdépendances au sein du MDN et des FAC, avec d’autres ministères, ainsi qu’avec d’autres intervenants et acteurs indépendants.
  • […]
  • Il existe une myriade d’interdépendances, qui incluent, sans toutefois s’y limiter : les initiatives du CCPC, les recommandations émanant des comités parlementaires (p. ex. FEWO), les activités de mise en œuvre entourant la Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois (LC 2019, ch. 15) – anciennement connue sous le nom de projet de loi C-77, les ententes de règlement définitives de recours collectifs et [l’examen] en cours par la juge Arbour. Il est prévu que ces examens externes complets et les initiatives connexes donnent lieu à des recommandations substantielles, dont certaines concernent le [système de justice militaire]. La coordination des nombreuses initiatives en cours ou envisagées est essentielle pour éviter les effets imprévus de deuxième et troisième ordreNote de fin d'ouvrage 1270.

Je souligne également les points suivants :

  • Le [gouvernement du Canada] s’est engagé à fournir au Parlement un plan de mise en œuvre des recommandations et à fournir régulièrement des mises à jour. Un niveau sans précédent de transparence et de reddition de comptes sera requis au fur et à mesure que ces travaux progresseront, parallèlement à d’autres initiatives stratégiques connexes. Pour ce faire, les intervenants devront disposer d’une image commune de la situation opérationnelles, mettant en évidence les interdépendances, les priorités et les étapes, afin de faciliter l’exécution du plan de campagne de mise en œuvre et de fournir aux publics internes et externes une visibilité sur les progrès réalisésNote de fin d'ouvrage 1271. [non souligné dans l’original]

Pour atteindre les objectifs de la directive, le MDN et les FAC ont mis en place un Comité de mise en application des examens externes complets (CMAEEC). Le CMAEEC est chargé d’élaborer et de superviser un plan de campagne de mise en œuvre « pour la mise en œuvre de toutes les recommandations restantes [du rapport Fish] et celles émanant d’autres [examens externes complets] »Note de fin d'ouvrage 1272.

Le VCEMD et le JAG doivent assurer la surveillance stratégique de la mise en œuvre des recommandations, le VCEMD rendant compte au SM et au CEMDNote de fin d'ouvrage 1273. Les membres du CMAEEC comprendront un large éventail de parties prenantes de l’Équipe de la Défense.

La phase de mise en œuvre – une « période prolongée » comme le prévoit la directive – comprend la présentation de rapports sur les progrès réalisés au Parlement et au public. Le CMAEEC aura rempli sa mission lorsque les recommandations des examens externes complets comme le mien seront « entièrement étudiées et mises en œuvre, ou sont en voie de l’être de manière délibérée, synchronisée, uniforme et progressive ». Il est à noter que la SMA(SE) est à la fois membre du CMAEEC et chargée, en vertu de la directive, de surveiller « les progrès de la mise en œuvre des recommandations [du rapport Fish] sur une base semestrielle », les résultats devant être communiqués « avec le Comité ministériel de vérification en juin et en décembre chaque année dans le cadre de la validation régulière par la SMA(SE) des plan d’action de la direction»Note de fin d'ouvrage 1274.

Je me réjouis de cet engagement explicite en faveur de la reddition de comptes et de la responsabilité précise en matière de rapports, tel qu’énoncé dans la directive. En effet, le CMAEEC doit faire rapport au ministre, au SM et au CEMD « sur une base mensuelle »Note de fin d'ouvrage 1275 et sur une base semestrielle au comité parlementaire permanent par le biais de rapports d’étape. Le premier d’entre eux devait être réalisé à l’automne 2021; je n’ai pas reçu de mise à jour sur son état d’avancementNote de fin d'ouvrage 1276.

En plus de la mise en place du CMAEEC, les FAC ont également créé un tableau de bord électronique de type « matrice » pour les aider à naviguer dans le paysage des recommandations externes. D’après ce que j’ai compris, cette matrice contient plus de 500 recommandations et tâches « liées à la culture », provenant de 18 sources différentes (toutes n’étant pas des recommandations spécifiques ou destinées aux FAC, par exemple, la matrice comprend des examens du département de la Défense américain)Note de fin d'ouvrage 1277. On y a déjà créé les cases dans lesquelles on intégrera mes recommandations.

Jusqu’à présent, ce travail, hébergé au sein du CCPC, a centralisé toutes ces recommandations et analysé leur contenu afin de dégager des tendances. Si j’ai bien compris, c’est la première fois que des recommandations externes relatives au changement de culture – provenant de sources allant du rapport Deschamps au rapport du FEWO en 2021 – sont « conservées de manière centralisée » au sein du MDN et des FAC. Je comprends que même la tâche de rassembler les diverses recommandations externes faites à ce jour a été ardue. Les prochaines étapes consisteront à élaborer un cadre pour les classer par ordre de priorité et à les mettre en œuvreNote de fin d'ouvrage 1278.

Dès le départ, le travail deviendrait beaucoup plus facile à gérer si les dirigeants des FAC, jusqu’au niveau ministériel, indiquaient clairement les recommandations qui, selon eux, sont devenues obsolètes, ont été remplacées par d’autres, ou auxquelles on ne donnera pas suite parce qu’elles ne correspondent pas au programme du gouvernement. Il existe une limite au nombre d’études internes additionnelles nécessaires pour prendre une décision sur une question de principe ou une orientation politique générale.

J’insiste sur le fait qu’il s’agit là de recommandations. Elles ne sont bien entendu pas contraignantes. Si la ministre souhaite ne pas mettre en œuvre certaines d’entre elles, ou retarder leur mise en œuvre, elle devrait le dire.

On devra ensuite indiquer le délai dans lequel on compte mettre en œuvre les recommandations restantes. La priorité devrait être donnée aux questions qui nécessitent des modifications législatives. Celles-ci bénéficient d’un débat démocratique quant à leurs mérites et prennent du temps. À titre d’illustration, le projet de loi C-77, entré en vigueur en 2019, n’est toujours pas complètement mise en œuvre. Or, il s’agit d’une loi, et non d’une simple recommandation.

En parallèle, des initiatives simples, qui auront des répercussions importantes, devraient être immédiatement mises en place, comme ma recommandation que les FAC s’en remettent à la CCDP dans le traitement des plaintes de harcèlement sexuel.

Contrôleur externe proposé

La lettre de mandat de la ministre indique qu’elle doit s’efforcer de mettre fin à l’inconduite sexuelle au sein de l’Équipe de la Défense, notamment en mettant en œuvre les recommandations de mon examen. Je suis encouragée de constater cet engagement.

L’étape suivante sera la mise en œuvre, immédiate ou progressive, des recommandations externes en suspens. C’est là que les événements passés ont démontré que les FAC doivent rendre des comptes. Bien qu’elles ne soient pas explicitement rejetées, les recommandations formulées par les comités parlementaires permanents, le BVG et d’autres examinateurs externes restent dans les limbes.

Toutes les formes de surveillance externe, à l’exception des décisions de justice et des lois du Parlement, sont en définitive non contraignantes. La mise en œuvre des recommandations externes dépend donc d’une combinaison de volonté politique, de capacité et de reddition de comptes.

Voilà pourquoi je pense que si la ministre est déterminée à aller de l’avant avec quoi que ce soit dans mon rapport, elle aura besoin de l’aide d’un contrôleur externe disposant de ressources adéquates, chargé de superviser la mise en œuvre de son contenu et des autres recommandations externes qu’elle accepte. Le contrôleur externe devra fournir des mises à jour mensuelles à la ministre et des rapports publics semestriels.

Je vois le contrôleur externe jouer un rôle clé pour ce qui est de responsabiliser les parties prenantes, y compris la haute direction de l’Équipe de la Défense. Par exemple, le contrôleur externe devrait consacrer une attention particulière à la « civilisation » des enquêtes et des poursuites relatives au harcèlement et aux inconduites d’ordre sexuel. Plus précisément, il devrait surveiller la conformité aux recommandations de renvoyer les infractions sexuelles de nature criminelle à la police et aux autorités judiciaires civiles, et le harcèlement et la discrimination à la CCDP et au TCDP, et produire des rapports sur cette conformité. Le contrôleur externe pourrait aussi jouer un rôle clé en tenant les acteurs politiques responsables, notamment en ce qui concerne les délais de mise en application des modifications législatives exigées par mes recommandations.

Le contrôleur externe pourrait, à terme, assumer un rôle permanent, comme celui d’un inspecteur général. Toutefois, pour l’instant, afin d’éviter que l’histoire ne se répète et que de nouveaux examinateurs externes ne soient nommés, le MDN et les FAC devraient être tenus responsables de la mise en œuvre de ce qu’ils prétendent approuver, et devraient être étroitement surveillés à cet égard.

Le contrôleur externe garantirait une reddition de comptes permanente des dirigeants du MDN et des FAC et remettrait en question l’insularité avec laquelle les hauts dirigeants ont, jusqu’à présent, réagi face aux recommandations de parties extérieures.

Je mentionne que le rôle de contrôleur externe n’est pas nouveau. Le Comité de surveillance des changements au sein du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes (CSC), créé en octobre 1997, en est un exemple. Il s’agit d’un organisme de surveillance indépendant mis sur pied pour voir à la mise en œuvre et à l’efficacité des initiatives de changement découlant de la Commission d'enquête sur la Somalie, ainsi que des cinq rapports suivants : le rapport du MDN, le rapport Dickson I, le rapport Dickson II, le rapport CSRR et le rapport BelzileNote de fin d'ouvrage 1279.

Le mandat du CSC s’étendait aux centaines de recommandations découlant de ces six rapportsNote de fin d'ouvrage 1280. Son mandat l’habilitait à :

  • recevoir des mises à jour sur la mise en œuvre des recommandations contenues dans les rapports susmentionnés;
  • avoir accès à toute la documentation que le CSC juge pertinente pour son mandat;
  • visiter tout établissement des FAC que le CSC considère comme pertinent pour son mandat;
  • observer et documenter le rythme des progrès, les expériences et les conditions dans lesquelles le changement est mis en œuvre au MDN et dans les FACNote de fin d'ouvrage 1281. [traduit par nos soins]

Le CSC était tenu de rendre compte de ses conclusions et observations à intervalles réguliers au ministre et de présenter des rapports écrits semestriels assortis de recommandations. Il a publié trois rapports provisoires, en mars 1998, novembre 1998 et juillet 1999, et un rapport final en décembre 1999Note de fin d'ouvrage 1282.

Une observation du CSC que je trouve frappante, c’est que, pour le MDN et les FAC, « l’action prenait toujours le pas sur la réflexion »Note de fin d'ouvrage 1283. Essentiellement, le comité a décrit leur réponse comme étant un exercice se bornant à cocher des cases.

Il est fascinant de constater qu’encore une fois, l’histoire se répète. Dans son rapport final, le CSC mettait en lumière les changements apportés par le MDN et les FAC à un moment où l’Équipe de la Défense connaissait de sérieuses difficultés, « découlant d’un rythme et d’une portée accrus dans ses activités opérationnelles, de contraintes et des tensions résultant des pénuries financières et de personnel »Note de fin d'ouvrage 1284. Malheureusement, le contexte est aujourd’hui le même, et ce sera peut-être toujours le cas. Toutefois, cela doit cesser d’être un obstacle à une réforme cruciale ou, pire, un prétexte excusant l’inertie.

Recommandation no 47

Dans un premier temps, la ministre devrait informer le Parlement d’ici la fin de l’année des recommandations du présent rapport qu’elle n’a pas l’intention de mettre en application.

Recommandation no 48

La ministre devrait immédiatement nommer un contrôleur externe, mandaté pour superviser la mise en œuvre des recommandations de ce rapport et des autres recommandations externes qu’elle accepte.

Le contrôleur externe devrait être appuyé par une petite équipe de son choix, extérieure à l’Équipe de la Défense. Les membres de cette équipe devraient avoir accès à l’ensemble des documents, informations, personnes et entités qu’ils jugent pertinents, y compris le Comité de mise en application des examens externes complets.

Enfin, le contrôleur externe devrait produire un rapport mensuel « d’évaluation et de conseil en matière de contrôle » directement à la ministre et publier des rapports publics semestriels.

Conclusion

Il existe de nombreux mécanismes, tant internes qu’externes, conçus pour améliorer les performances et assurer la reddition de comptes dans les FAC. Certains sont indépendants, d’autres internes. Envisagés globalement, ils recoupent une grande partie des fonctions d’un inspecteur général. La solution ne consiste donc pas à ajouter un autre mécanisme, mais bien à améliorer le fonctionnement des mécanismes existants.

Il y a un seuil de rendement décroissant que l’on atteint en ajoutant simplement des acteurs à un domaine où ils sont déjà légion. De plus, la mise en place d’un inspecteur général chargé de s’attaquer à la question des inconduites sexuelles au sein des FAC nécessiterait la modification ou l’élimination d’un grand nombre de mécanismes et de rôles existants, comme le SMA(RS) ou l’Ombudsman, afin d’éviter le dédoublement des fonctions et des ressources.

Le défi actuel pour les FAC est de récolter les bénéfices du soutien externe indépendant qu’elles ont reçu au fil des ans et qu’elles continuent de solliciter. C’est ce type de surveillance indépendante qui se révèle d’une absolue nécessitée.

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