Partie IV – Cadre général et principes directeurs

Cadre général

Le GCSS est convaincu que :

Toutes les initiatives liées au soutien des survivants doivent être ancrées dans des efforts constants visant à changer la culture.

La nécessité d’un changement institutionnel et culturel transformateur a maintenant été largement citée dans de nombreux rapports et recommandations, et doit être comprise comme fondamentale pour créer un soutien efficace aux survivants, à la fois individuellement et collectivement. Un thème récurrent dans le travail du GCSS était qu’une stratégie de soutien aux survivants devait renforcer le lien entre le soutien aux survivants au niveau individuel et le soutien aux survivants par un changement de culture institutionnelle. Ceci est nécessaire afin de contextualiser la compréhension des causes et des conséquences de l’inconduite sexuelle dans la structure et la culture des FAC.

Comme le résume la Dre Erin Whitmore, EM :

« Il est essentiel de veiller à ce qu’un soutien soit disponible pour les membres des FAC, de façon individuelle, et pour leurs familles. Toutefois, l’approche des tâches nécessaires à la création et à la fourniture d’un soutien ne peut se limiter à l’amélioration des services individuels. Le soutien aux survivants d’inconduite sexuelle exige plutôt des actions concrètes visant à défaire les dynamiques et mécanismes de pouvoir qui permettent à l’inconduite sexuelle de se produire en premier lieu. Il s’agit notamment de développer une analyse et une compréhension de la culture de sexualisation et genrée des FAC […] Il s’agit également de confronter la façon dont la misogynie, l’hypermasculinité, l’homophobie, la transphobie, le racisme, le capacitisme et d’autres formes de discrimination sont historiquement intégrés dans la structure et les valeurs mêmes des FAC.

[…] La stratégie de soutien aux survivants et le travail subséquent de soutien aux survivants et à leurs familles qui ont été victimes d’inconduite sexuelle au sein des FAC doivent être ancrés dans des actions qui visent un changement de culture systémique et institutionnelle.

[…] Soutenir les survivants ne signifie pas seulement créer des services individuels accessibles qui garantissent que les survivants voient leurs besoins en matière de sécurité, de santé, d’émotions, de finances et de spiritualité satisfaits à la suite de la violence. Le soutien aux survivants implique également un travail continu pour positionner l’inconduite sexuelle comme la conséquence inévitable des systèmes coloniaux, patriarcaux, capacitistes, racistes et hétéronormatifs qui créent les conditions dans lesquelles la violence contre ceux qui ont le moins de pouvoir dans ces systèmes a été et continue d’être ignorée, acceptée et dans certains cas, encouragée au sein des FAC. En soi, les mécanismes de soutien disponibles pour répondre aux besoins individuels des survivants ne sont [aussi] bons que les efforts déployés pour changer le système qui a créé et continue de favoriser une culture permettant à la violence sexuelle de se produire en premier lieu. »Note de bas de page 34

Ce cadre général, ou analyse structurelle, doit être la base de tous les autres travaux; il doit être intégré dans tous les services et efforts de soutien individuels.

Principes directeurs

En plus du cadre général ci-dessus, le GCSS a également déterminé trois principes pour guider les initiatives d’engagement des survivants et l’élaboration d’une stratégie de soutien aux survivants et d’un plan de mise en œuvre :

  • Tenant compte des traumatismes
  • Humilité culturelle
  • Axé sur les survivants

Ces trois principes sont destinés à servir de boussole dans tout travail aux niveaux individuel, de groupe et organisationnel ou institutionnel.

Nous aspirons à une culture des FAC fermement ancrée dans les approches tenant compte des traumatismes, axées sur les survivants, en usant d’humilité culturelle – une culture qui ne peut être atteinte par des processus ou des améliorations disparates, déconnectés, manquant de ressources ou non coordonnés dans plusieurs secteurs du MDN et des FAC, ni par des « retouches » à des programmes individuels.

Chaque principe est décrit ci-dessous.

Tenant compte des traumatismes

Les approches tenant compte des traumatismes reconnaissent que la réaction de chaque personne à son expérience de l’inconduite sexuelle est unique, y compris la façon dont elle évalue elle-même son expérience.Note de bas de page 35« Tenir compte des traumatismes » signifie être conscient et prendre en considération le large éventail de conséquences potentielles de l’inconduite sexuelle, et mettre en place un soutien qui réponde à ces conséquences. Il s’agit notamment d’adopter des approches « décolonisatrices » des traumatismes, qui reconnaissent davantage les façons dont les multiples aspects de l’identité d’une personne peuvent façonner et affecter ses expériences et sa compréhension des traumatismes et des approches de guérison et de mieux-être, ainsi que celles de sa collectivité.

Dans son sens le plus large, les approches et pratiques tenant compte des traumatismes sont celles qui :

  • Donnent la priorité aux besoins du survivant en matière de sûreté, de sécurité, de choix, d’expression, de confiance et de contrôle.
  • Adoptent une approche qui soit compatissante, sensible, sans jugement, empathique, patiente, cohérente, transparente et fiable.
  • S’assurent que les services, et les politiques qui les guident, sont fondés sur une compréhension des traumatismes, des interventions aux traumatismes et des effets des traumatismes (par exemple, les conséquences sur la mémoire, le comportement, l’adaptation, la capacité à contacter les services de soutien).
  • Sont guidées par le principe de ne pas nuire et de prévenir le risque de victimisation secondaire ou d’un nouveau traumatisme, qui peut être perpétué par des personnes, des fournisseurs de services, des institutions et des systèmes par le biais de pratiques, de procédures et de politiques, y compris au cours de processus formels comme les plaintes et les enquêtes
  • Reconnaissent l’importance de la prévention et de la prise en charge des traumatismes secondaires (vécus par procuration) en tant que risque professionnel.

Cependant, des analyses spécifiques sur les traumatismes doivent être effectuées pour les survivants 2SLGBTQ+, les survivants autochtones et autres. Dans le cas des survivants autochtones, une telle analyse doit tenir compte des répercussions du colonialisme et de tous les aspects du traumatisme culturel et intergénérationnel. Pour les survivants 2SLGBTQ+, cela doit inclure une reconnaissance institutionnelle permanente et significative de l’histoire de la violence structurelle et de la discrimination contre les MSG au sein des FAC – un processus et une reconnaissance qui devraient être guidés par les membres de la communauté 2SLGBTQ+ au sein des FAC et se faire en collaboration avec eux.

Dans le même ordre d’idées, les discussions du GCSS ont mis en évidence le fait que l’« inconduite sexuelle » ne représente qu’une partie limitée de ce qui peut être défini comme la « charge traumatique » du personnel des FAC. Pour garantir une main-d’œuvre en santé, et en tant que stratégie de prévention secondaire nécessaire pour éliminer l’inconduite sexuelle au sein des FAC, tous les aspects du traumatisme doivent absolument être mieux compris et traités :

« Il existe de nombreuses catégories de traumatismes dont il faut tenir compte : le traumatisme lors du développement de l’enfant, le traumatisme dû à un choc, le traumatisme relationnel, le stress traumatique communautaire, le traumatisme générationnel et historique, le traumatisme culturel, l’incarnation du traumatisme, le traumatisme secondaire et l’écoanxiété sont autant d’exemples. L’inconduite sexuelle dans le cadre du service militaire peut être trouvée dans plusieurs de ces sous-ensembles. »Note de bas de page 36

Les fournisseurs de services ne doivent pas s’attendre à ce que la divulgation d’un acte d’inconduite sexuelle soit nécessaire pour travailler de manière à tenir compte des traumatismes. L’intégration d’approches tenant compte des traumatismes dans tous les aspects des politiques, des pratiques et des processus permet de réduire les torts et d’apporter un soutien positif à l’ensemble du personnel. Les fournisseurs de services n’ont pas besoin de connaître les antécédents de traumatismes d’une personne pour fournir un soutien tenant compte des traumatismes; en utilisant des approches tenant compte des traumatismes, les fournisseurs de services peuvent offrir un soutien émotionnellement sûr, même si un membre ne révèle pas ses antécédents.

Tenir compte des traumatismes est un élément important du changement souhaité au sein des FAC – non seulement pour le fournisseur de services individuels, mais aussi pour l’ensemble de l’institution. Dans une institution tenant compte des traumatismes :

  • Les membres affectés ont la possibilité de reprendre le contrôle en faisant respecter leurs choix et leurs décisions (par exemple, en ayant la possibilité de rechercher des services et un soutien sans déclencher une enquête formelle avant qu’ils ne soient prêts).
  • Un environnement sûr est créé, dans lequel les personnes ne subissent pas d’autres préjudices ou traumatismes dans le processus de divulgation des incidents ou de la prestation des services et du soutien (par exemple, comme cela peut se produire lorsque les personnes s’engagent dans des pratiques préjudiciables ou ne sont pas sensibles aux répercussions des traumatismes et à la façon dont ils se manifestent).
  • La direction favorise un climat positif au sein de la chaîne de commandement, dans lequel il est toujours possible pour les personnes affectées par l’inconduite sexuelle de signaler les incidents ou de demander des services et un soutien sans crainte de représailles, d’atteinte à la réputation, de rétribution, d’ostracisme ou de conséquences sur leur carrière.

Une mise en garde importante a été formulée : le langage est important. Il sera donc nécessaire de définir très précisément et clairement l’expression « tenant compte des traumatismes » dans ses diverses applications à l’avenir, et de le faire en consultation avec divers groupes d’intervenants. Par exemple, il est nécessaire de définir comment les approches tenant compte des traumatismes se distinguent des approches « axées sur les survivants », « axées sur les victimes », « sensibles aux traumatismes », « tenant compte de la violence », « compétentes en matière de traumatismes » ou « axées sur la personne ».

Humilité culturelle

L’humilité culturelle est liée à la justice sociale et à l’équité, et est très importante en ce qui concerne l’inconduite sexuelle, qui est empreinte de mythes et de stéréotypes. Elle surpasse les approches fondées sur la « compétence culturelle » et les « préjugés inconscients », car elle met l’accent sur les relations, la conscience de soi et la volonté de s’assurer que l’on n’agit pas en fonction de préjugés. La définition de l’humilité culturelle envisagée par le GCSSNote de bas de page 37 est basée sur le travail de Tervalon & Murray-Garcia (1998), qui ont d’abord développé le concept en relation avec les disparités et les inégalités institutionnelles dans le domaine des soins de santé publique aux États-Unis :

« L’humilité culturelle est un processus permanent d’autoréflexion, d’autocritique et d’engagement à comprendre et respecter différents points de vue, tout en s’engageant avec les autres avec humilité et authenticité dans un but d’apprentissage. »Note de bas de page 38

Dans le cadre de travail de Tervalon & Murray-Garcia, trois facteurs sont compris comme devant nous guider vers l’humilité culturelle :

  • Un engagement permanent à l’auto-évaluation et à l’autocritique;
  • Un désir de corriger les déséquilibres de pouvoir là où il ne devrait pas y en avoir;
  • Le développement de partenariats avec des personnes et des groupes qui défendent les intérêts d’autrui. À cette définition, Myrna McCallum, SMENote de bas de page 39, a ajouté :

« L’humilité culturelle est un cadre qui nous permet de progresser vers l’équité. C’est une approche qui reconnaît le rôle du pouvoir et des privilèges, ainsi que les déséquilibres inhérents aux systèmes et aux organisations […] L’humilité culturelle nous demande de rencontrer chaque personne là où elle est, en faisant abstraction du jugement et en résistant au besoin d’imposer des valeurs personnelles, des croyances et des notions de bien ou de mal. Ainsi, nous réduisons les torts causés par les préjugés et l’oppression et nous présentons des occasions d’équité. »

Les avantages pour le MDN et les FAC de s’engager dans des approches qui sont enracinées à la fois dans les pratiques tenant compte des traumatismes et dans l’humilité culturelle incluent des approches comme celles-ci :

  • Encourager le changement de culture au sein d’une organisation.
  • Promouvoir une culture de la sécurité et de la responsabilisation.
  • Instaurer la confiance, la transparence et l’empathie.
  • Offrir des possibilités de soutien par les pairs.
  • Promouvoir l’engagement collaboratif.
  • Améliorer le développement des compétences relationnelles.Note de bas de page 40

Axé sur les survivants

Une approche axée sur les survivants est une approche qui :

  • Donne la priorité au respect, à la dignité, à la diversité et à l’égalité des membres affectés et en fait la promotion.
  • Traite les gens avec dignité, compassion et respect.
  • Applique une approche fondée sur les besoins ou axée sur les besoins, qui adapte et assouplit les interventions pour répondre aux besoins spécifiques des membres.
  • Fournit un soutien complet et personnalisé.
  • Donne la priorité aux besoins, aux droits et à la participation de la personne.
  • Applique une optique inclusive (c’est-à-dire une approche de soutien fondée sur l’analyse comparative entre les sexes plus [ACS+], en reconnaissance du fait que les expériences et les besoins des personnes sont façonnés de manière unique par leur histoire personnelle, leur identité, leur contexte, leur culture et leur communauté [voir l’Encadré 3, « ACS+ »]).

Une partie importante de l’approche axée sur les survivants consiste à être conscient des différences entre les personnes, les groupes sociaux et les institutions – par exemple, en reconnaissant les différentes manières dont l’inconduite sexuelle affecte différentes identités, groupes et communautés. Cela implique de rendre les services accessibles en fonction, par exemple, du sexe, de la culture, de la langue, de la religion, de la géographie, de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre, de l’expression de genre ou du handicap, mais sans présumer des besoins d’une personne. Il s’agit notamment de promouvoir l’engagement de divers groupes dans le système de soutien et de veiller à ce que les services de soutien soient inclusifs en ce qui concerne la satisfaction de divers besoins (par exemple, les femmes, les hommes, les PANDC et les personnes 2SLGBTQ+).

Encadré 3 – ACS+

L’ACS+ est un outil analytique qui aide à intégrer les considérations relatives à la diversité et à l’inclusion dans les politiques et les programmes à chaque étape de l’élaboration, de la mise en œuvre et de la prestation. Elle reconnaît que les gens ont de multiples facteurs d’identité qui font d’eux ce qu’ils sont. Dans le cadre du soutien aux victimes d’inconduite sexuelle, l’ACS+ exige que nous tenions compte de la façon dont les multiples facteurs d’identité (p. ex. le sexe, la race, le statut d’Autochtone, la religion, les coutumes et préférences culturelles, le handicap, l’âge, l’identité de genre et l’orientation sexuelle) interagissent avec les expériences de vie pour influer sur les expériences d’inconduite sexuelle; que nous soyons sensibles aux besoins de soutien particuliers d’une personne; que nous cernions et comblions les lacunes en matière de soutien, et que nous supprimions les obstacles systémiques et sociaux pour divers groupes.

Les pratiques axées sur les survivants qui donnent des résultats positifs pour ceux-ci profitent non seulement aux survivants, mais aussi à leurs familles, au MDN et aux FAC dans leur ensemble, et aux Canadiens, car les Forces armées appuient pleinement ceux qui vivent au service des autres et, par conséquent, améliorent leur bien-être et leur état de préparation opérationnelle.

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