Recherche quantitative originale – Étude transversale sur la santé mentale et le bien-être de jeunes de familles liées au milieu militaire 

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Alyson L. Mahar, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1; Heidi Cramm, Ph. D., OT Reg (Ont.)Note de rattachement des auteurs 2; Matthew King, B.A.Note de rattachement des auteurs 3; Nathan King, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 4; Wendy M. Craig, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 5; Frank J. Elgar, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 6; William Pickett, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 7

https://doi.org/10.24095/hpcdp.43.6.03f

Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.

Rattachement des auteurs
Correspondance

Alyson Mahar, École de soins infirmiers, Université Queen’s, Édifice Cataraqui, 92 rue Barrie, Kingston (Ontario)  K7L 3N6; tél. : 613-533-2668; courriel : alyson.mahar@queensu.ca

Citation proposée

Mahar AL, Cramm H, King M, King N, Craig WM, Elgar FJ, Pickett W. Étude transversale sur la santé mentale et le bien-être de jeunes de familles liées au milieu militaire. Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada. 2023;43(6):322-331. https://doi.org/10.24095/hpcdp.43.6.03f

Résumé

Introduction. L’objectif de l’étude était de comparer la santé mentale et les comportements à risque de jeunes Canadiens de familles liées au milieu militaire (« familles de militaires ») et de jeunes Canadiens de familles de civils au sein d’un échantillon récent. Nous avons émis l’hypothèse que les jeunes de familles de militaires auraient une moins bonne santé mentale, une moins grande satisfaction à l’égard de la vie et une plus grande propension à prendre des risques que les jeunes de familles de civils.

Méthodologie. Dans cette étude transversale, nous avons utilisé les données de l’Enquête sur les comportements de santé des jeunes d’âge scolaire au Canada menée en 2017-2018, dont les participants constituaient un échantillon représentatif des jeunes de la 6e à la 10e années. Les questionnaires utilisés ont permis de recueillir des renseignements sur l’emploi des parents dans l’armée et sur six indicateurs de santé mentale, de satisfaction à l’égard de la vie et de comportements à risque. Nous avons utilisé des modèles multivariés de régression de Poisson avec une variance d’erreur robuste, en pondérant les données de l’enquête et en tenant compte des grappes correspondant aux écoles.

Résultats. L’échantillon comprenait 16 737 élèves, dont 9,5 % ont indiqué qu’un parent ou un tuteur servait ou avait servi dans l’armée canadienne. Après ajustement pour le niveau scolaire, le sexe et le niveau d’aisance familiale, les jeunes de famille de militaires étaient 28 % plus susceptibles de faire état d’un faible sentiment de bien-être (IC à 95 % : 1,17 à 1,40), 32 % plus susceptibles de faire état de sentiments persistants de désespoir (1,22 à 1,43), 22 % plus susceptibles de faire état de problèmes émotionnels (1,13 à 1,32), 42 % plus susceptibles de faire état d’un faible degré de satisfaction à l’égard de la vie (1,27 à 1,59) et 37 % plus susceptibles de déclarer adopter fréquemment des comportements à risque (1,21 à 1,55).

Conclusion. Les jeunes de familles de militaires ont déclaré avoir une moins bonne santé mentale et adopter davantage de comportements à risque que les jeunes issus de familles de civils. Les résultats laissent penser qu’il faudrait prévoir un soutien supplémentaire en matière de santé mentale et de bien-être pour les jeunes Canadiens de familles de militaires et qu’il faudrait mener des travaux de recherche longitudinaux pour comprendre les déterminants sous-jacents qui contribuent à ces différences.

Mots-clés : familles de militaires, adolescents, santé mentale, satisfaction à l’égard de la vie, comportements à risque

Points saillants

  • Les jeunes de familles liées au milieu militaire (« familles de militaires ») sont exposés à des facteurs de stress spécifiques liés à la carrière de militaire de leur parent, ces facteurs étant susceptibles d’avoir des répercussions négatives sur leur santé mentale et leur bien-être. Les travaux de recherche dont on dispose se limitent principalement à des cohortes d’enfants et d’adolescents de familles de militaires aux États-Unis.
  • Les jeunes Canadiens de familles de militaires ont déclaré avoir une moins bonne santé mentale, éprouver une moins grande satisfaction à l’égard de la vie et adopter davantage de comportements à risque que les jeunes issus de familles de civils.
  • Il est nécessaire de se concentrer à l’échelle internationale sur les conséquences de la carrière militaire des parents et sur les meilleurs moyens de gérer les risques qui en découlent pour leurs enfants.

Introduction

Les jeunes de familles liées au milieu militaire (« familles de militaires » dans la suite du texte) sont exposés à un ensemble spécifique de facteurs de stress. Les absences prolongées du (ou des) parent(s) militaire(s) pour les entraînements ou les déploiements, le risque inhérent de blessure ou de décès du parent et les réinstallations fréquentes qui perturbent l’éducation, les activités parascolaires et les groupes de pairs peuvent tous avoir une incidence négative sur la santé mentale et le bien-être des jeunesNote de bas de page 1Note de bas de page 2. En outre, par rapport au personnel non militaire, les militaires sont plus susceptibles d’avoir eux-mêmes eu des expériences négatives ou des traumatismes pendant l’enfance, ce qui peut avoir une incidence sur leur comportement en tant que parentsNote de bas de page 3Note de bas de page 4.

Grandir au sein d’une famille de militaires exige également des jeunes qu’ils aient un réseau social qui s’adapte, ce qui peut avoir une incidence sur leur sentiment d’appartenance et sur leur accès au soutien de la collectivitéNote de bas de page 1Note de bas de page 2Note de bas de page 5. On peut comprendre les voies qui sous-tendent ce risque grâce au modèle du stress familialNote de bas de page 6Note de bas de page 7, qui décrit la manière dont les sentiments de détresse et d’insécurité éprouvés par les membres d’une famille affectent négativement les pratiques parentales et l’ajustement dyadique ainsi que les risques subséquents d’inadaptation chez les enfantsNote de bas de page 8. Par exemple, la dépression maternelle, un facteur important de risque de problèmes émotionnels et comportementaux chez les jeunesNote de bas de page 9, est répandue parmi les femmes non militaires dont le conjoint est militaireNote de bas de page 10Note de bas de page 11, en particulier à l’approche du déploiementNote de bas de page 12. D’autres travaux de recherche ont révélé que l’état de stress post-traumatique des parents dans les familles de militaires est également associé à une moins bonne santé mentale chez les enfantsNote de bas de page 7Note de bas de page 13.

Bien qu’il existe une littérature abondante faisant état d’une moins bonne santé mentale chez les enfants et les adolescents de familles de militaires, la plupart de ces travaux de recherche épidémiologique ont été menés aux États-UnisNote de bas de page 14. Or l’expérience des familles de militaires aux États-Unis pourrait ne pas être représentative de celle des familles d’autres pays, étant donné les différences dans le mode de vie militaire (conflits, réinstallations, déploiements, rythme et intensité des opérations) et la façon dont les militaires sont perçus et appréciés dans d’autres paysNote de bas de page 15Note de bas de page 16Note de bas de page 17Note de bas de page 18Note de bas de page 19Note de bas de page 20Note de bas de page 21. De plus, les travaux de recherche antérieurs ont été axés sur des comparaisons entre jeunes de familles de militaires et étudiaient l’incidence du déploiement, de la participation à des combats ou de l’état de stress post-traumatique des parents sur la santé mentale des jeunesNote de bas de page 1Note de bas de page 13Note de bas de page 22Note de bas de page 23Note de bas de page 24Note de bas de page 25. Bien que les voies et les déterminants d’une santé mentale plus fragile chez les familles de militaires aux États-Unis soient probablement valables dans d’autres pays, cette information ne permet pas aux familles, aux défenseurs des militaires ou aux décideurs politiques de connaître les répercussions directes ou indirectes de la carrière militaire des parents sur la santé et le bien-être de leurs enfants. Afin de comprendre dans quelle mesure ces relations demeurent valables dans différents contextes, il est nécessaire de disposer dans de nombreux pays d’une estimation du fardeau que constituent les problèmes de santé mentale et de bien-être chez les jeunes de familles de militaires par rapport aux jeunes de familles non liées au milieu militaire (« familles de civils » dans la suite du texte).

L’objectif de cette étude était d’analyser, au sein d’un échantillon représentatif de jeunes Canadiens, l’association entre le fait d’appartenir à une famille de militaires et des indicateurs de santé mentale, d’émotions et comportements positifs, de satisfaction à l’égard de la vie et de comportements à risque.

Méthodologie

Approbation éthique

L’Enquête sur les comportements de santé des jeunes d’âge scolaire au Canada a reçu l’approbation du Comité général d’éthique de la recherche de l’Université Queen’s, ainsi que celle du Comité d’éthique de la recherche de Santé Canada et de l’Agence de la santé publique du Canada. Le consentement actif ou passif, selon les pratiques de chaque commission scolaire, a été obtenu auprès des élèves participants, de leurs parents ou tuteurs et de leur école.

Conception de l’étude et population à l’étude

Il s’agit d’une étude transversale qui fait appel aux données de l’Enquête sur les comportements de santé des jeunes d’âge scolaire au Canada (Enquête HBSC) menée en 2017-2018 (8e cycle) au CanadaNote de bas de page 26. L’Enquête HBSC, réalisée tous les quatre ans en collaboration avec l’Organisation mondiale de la santéNote de bas de page 27, est une enquête en milieu scolaire représentative à l’échelle nationale menée auprès de jeunes de la 6e à la 10e années (6e année à secondaire 4 au Québec). L’échantillonnage des écoles est stratifié en fonction de la province (ou du territoire), de la langue d’enseignement, de la classification en école publique ou catholique et de la taille de la collectivité, avec écoles de remplacement dans l’éventualité où des écoles refusent de participer. Les enfants qui fréquentaient une école privée (au Québec, cela inclut les écoles catholiques), qui étudiaient à domicile ou dans une réserve des Premières Nations ou des Inuits, les jeunes de la rue qui n’allaient pas à l’école et les jeunes incarcérés n’étaient pas admissibles, ce qui représente au total moins de 7 % des jeunes CanadiensNote de bas de page 28. Une pondération a été appliquée pour chaque année scolaire, afin que chaque province et territoire soit représenté de façon proportionnelle.

Les élèves ont rempli un questionnaire sur papier ou en ligne (en fonction des préférences des commissions scolaires), qui leur a été généralement remis par un enseignant en classe, au cours d’une séance de 40 à 75 minutes. L’échantillon comprenait 21 541 élèves de la 6e à la 10e années (généralement âgés de 11 à 15 ans) dans 287 écoles représentant l’ensemble des provinces et deux territoires (le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest). Une pondération a été appliquée afin que chaque province ou territoire ait une représentation proportionnelle pour chaque année scolaire.

Éléments mesurés dans le cadre de l’étude

L’enquête comprenait des questions obligatoires et facultatives normalisées à l’échelle internationaleNote de bas de page 26. Le lien avec le milieu militaire a été mesuré en tant que variable dichotomique. On a demandé aux élèves de répondre « oui », « non » ou « je ne sais pas » à la question : « L’un de tes parents ou tuteurs sert-il actuellement ou a-t-il déjà servi dans les Forces armées canadiennes (Armée de terre, Marine ou Armée de l’air)? » Les élèves ayant répondu « oui » ont été classés comme ayant un lien avec le milieu militaire. Les élèves ayant indiqué qu’ils ne savaient pas ou n’ayant pas répondu à la question ont été exclus.

Trois indicateurs de mauvaise santé mentale, un indicateur d’émotions et comportements positifs, une mesure de la satisfaction à l’égard de la vie et une mesure de comportements à risque ont été étudiés. Le faible niveau de bien-être a été mesuré à l’aide de l’indice de bien-être en cinq points de l’Organisation mondiale de la santé (5-item World Health Organization Well-Being Index, WHO-5)Note de bas de page 27, les scores les plus faibles étant associés aux niveaux de bien-être moins élevés. Les cinq points de cet indice sont les suivants : « Au cours des deux dernières semaines, combien de fois : t’es-tu senti(e) joyeux(se) et de bonne humeur; t’es-tu senti(e) calme et détendu(e); t’es-tu senti(e) actif(ve) et énergique; t’es-tu senti(e) frais(fraîche) et dispos(e) en te réveillant; as-tu passé une journée remplie de choses qui t’intéressent? » Six réponses étaient possibles, allant de « toujours » (valeur 1) à « jamais » (valeur 6). Les scores ont été additionnés et ramenés à une échelle de 0 à 25, puis multipliés par 4 afin d’obtenir un résultat sur 100. Un score de 50 et moins correspond à un niveau de bien-être faibleNote de bas de page 29Note de bas de page 30.

Le sentiment de désespoir a été mesuré à l’aide de la question : « Au cours des 12 derniers mois, t’es-tu déjà senti(e) triste ou désespéré(e) au point de cesser certaines de tes activités habituelles presque tous les jours pendant deux semaines d’affilée ou plus? » (choix de réponse : « oui » ou « non »). Le désespoir ou la tristesse durable est un critère et un prédicteur d’idées suicidaires et de dépression d’importance cliniqueNote de bas de page 31.

Les problèmes émotionnels ont été évalués à l’aide des huit questions suivantes : « Combien de fois as-tu eu le moral bas ou t’es-tu senti(e) déprimé(e)? »; « Combien de fois t’es-tu senti(e) nerveux(se)? »; « Combien de fois as-tu eu de la difficulté à t’endormir? » (5 choix de réponse allant de 1 pour « Presque chaque jour » à 5 pour « Rarement ou jamais ») ainsi que « J’ai du mal à prendre des décisions »; « Je souhaite souvent être quelqu’un d’autre »; « Je me sens souvent sans recours »; « J’ai souvent l’impression d’être délaissé(e) » et « Je me sens souvent seul(e) » (5 choix de réponse allant de 1 pour « Tout à fait d’accord » à 5 pour « Pas du tout d’accord »)Note de bas de page 30. Les scores ont été additionnés (plage de 8 à 40; α = 0,86), et le fait de se situer dans le tertile inférieur a été considéré comme un indice de problèmes émotionnels importants.

Le comportement prosocial, qui est un indicateur d’émotions et de comportements positifs, a été mesuré à l’aide de cinq éléments mesurant si l’élève aidait les autres ou était gentil avec eux sans qu’on le lui demandeNote de bas de page 30. Les scores associés aux réponses allant de « Ça ne me ressemble pas du tout » (valeur 1) à « Ça me ressemble beaucoup » (valeur 6) ont été additionnés, et le fait de se situer dans le premier tertile a été considéré comme un indice de comportement prosocial marqué.

La satisfaction à l’égard de la vie a été mesurée à l’aide de l’échelle de CantrilNote de bas de page 32. Pour cet indicateur, on présente aux élèves l’image d’une échelle afin qu’ils évaluent où ils se situent (de 0 pour « La pire vie possible » à 10 pour « La meilleure vie possible »). Un score de 5 ou moins a été considéré comme l’indice d’une faible satisfaction à l’égard de la vie.

Enfin, la notion de « prise de risques manifeste » combine les éléments décrivant la fréquence des comportements suivants : consommation d’alcool (présente et passée), antécédents d’ivresse, consommation de produits du tabac autres que la cigarette (présente et passée), antécédents de tabagisme et consommation de boissons énergisantes contenant de la caféineNote de bas de page 33.

Les données sociodémographiques étaient l’âge, le sexe et le niveau scolaire. L’âge (en années) a été calculé à l’aide de la date de naissance autodéclarée et de la date de participation à l’enquête. Le sexe (« masculin », « féminin », « aucun de ces termes ne me décrit ») et le niveau scolaire ont été autodéclarés. Les antécédents culturels et raciauxNote de bas de page * ont été choisis à partir d’une liste établie par Statistique Canada. Le niveau d’aisance familiale a été mesuré à l’aide de l’échelle du niveau d’aisance de la famille en six points (6-item Family Affluence Scale; FAS III), un indice des possessions matérielles au sein du foyer, et a été divisé en quintiles approximatifs reposant sur la distribution complète de l’échantillonNote de bas de page 34. L’appartenance au milieu de résidence (urbain ou rural) a été définie à partir de l’emplacement géographique de l’école des élèves, en appliquant les catégories utilisées par Statistique Canada pour la taille des collectivitésNote de bas de page 35. Les élèves pour lesquels il manquait des données relativement au niveau scolaire, au sexe ou au niveau d’aisance familiale ont été exclus de l’échantillon.

Analyse

Les élèves ayant fourni une réponse complète à tous les éléments utilisés dans les modèles multivariés ont été inclus dans chaque analyse. Dans les expériences antérieures utilisant des données de l’Enquête HBSC, les analyses de cas imputées et complètes donnaient des résultats sensiblement similaires dans la plupart des cas, avec toutefois quelques gains en efficacité statistiqueNote de bas de page 36, ce qui concorde avec les conclusions d’autres enquêtes canadiennes sur la santé mentale menées auprès des jeunesNote de bas de page 37. Les caractéristiques sociodémographiques des élèves de familles de militaires et de ceux de familles de civils ont été décrites et comparées à l’aide de tests du chi carré de Rao-Scott tenant compte des grappes correspondant aux écoles.

Nous avons utilisé des modèles bivariés et multivariés de régression de Poisson modifiée à variance d’erreur robuste pour estimer le risque relatif (RR) et les intervalles de confiance (IC) à 95 % correspondants en étudiant les associations entre le fait d’avoir un lien avec le milieu militaire et la santé mentale. Les modèles multivariés ont été ajustés pour le sexe, le niveau scolaire et le niveau d’aisance familiale. Les modèles ont été estimés pour l’ensemble de l’échantillon et en fonction de strates correspondant au niveau scolaire (6e à 8e années et 9e ou 10e années) et au sexe (garçons et filles). Tous les modèles ont été ajustés pour les grappes correspondant aux écoles à l’aide d’équations d’estimation généralisées. On a utilisé une puissance statistique de 80 % dans les analyses afin de détecter des risques relatifs de 1,10 à 1,18 dans l’échantillon global, de 1,17 à 1,31 chez les garçons, de 1,14 à 1,25 chez les filles, de 1,14 à 1,34 dans le groupe des élèves les plus jeunes et de 1,12 à 1,25 dans le groupe des élèves les plus âgés (α = 0,05, bilatéral). La pondération de l’Enquête HBSC n’a été appliquée qu’aux jeunes sans lien avec le milieu militaire. Toutes les analyses ont été effectuées à l’aide du logiciel SAS, version 9.4 (SAS Institute, Cary, Caroline du Nord, États-Unis).

Résultats

Dans l’ensemble, 21 541 jeunes de 6e à 10e années ont participé à l’enquête. L’échantillon pondéré final comprenait 16 737 élèves, après exclusion des élèves qui ne savaient pas si leur famille avait un lien avec le milieu militaire (n = 2 573; n pondéré = 2 111) et des élèves dont les données liées aux variables de base étaient incomplètes (n = 3 544; n pondéré = 2 693). Par rapport aux élèves inclus dans l’étude, les élèves exclus étaient davantage susceptibles d’être des garçons (53 % contre 47 %) et d’être en 6e, 7e ou 8e années (67 % contre 58 %) et moins susceptibles d’avoir un lien avec le milieu militaire (5,7 % contre 9,5 %). Environ 9,5 % de l’ensemble de l’échantillon non pondéré (1 470 élèves) ont déclaré avoir un lien avec le milieu militaire. Les élèves ayant un lien avec le milieu militaire étaient légèrement plus susceptibles de s’identifier comme des garçons (51 % contre 45 %) et étaient beaucoup plus susceptibles d’être blancs (76 % contre 71 %), de vivre en milieu rural ou dans un petit centre de population (57 % contre 46 %) et d’être dans le quintile le plus élevé du niveau d’aisance familiale (24 % contre 19 %; tableau 1).

Tableau 1. Caractéristiques sociodémographiques des élèves de familles de militaires et des élèves de familles de civils
Caractéristiques Élèves liés au milieu militaire
(familles de militaires)
Élèves sans lien avec le milieu militaireNote de bas de page a (familles de civils) pNote de bas de page b
n (%) n (%)
Total 1 470 (100) 15 267 (100) s.o.
Sexe
Garçons 750 (51,0) 6 931 (45,4) < 0,001
Filles 692 (47,1) 8 161 (53,5)
« Aucun des deux termes ne me décrit » 28 (1,9) 175 (1,1)
Niveau scolaire
6e à 8e années 881 (59,9) 8 872 (58,1) 0,64
9e et 10e années 589 (40,1) 6 394 (41,9)
Antécédents culturels et raciauxNote de bas de page c
Blanc 1 096 (76,0) 10 634 (70,6) < 0,001
Noir 39 (2,7) 664 (4,4)
Latino-Américain 13 (0,9) 217 (1,4)
Autochtone 74 (5,1) 410 (2,7)
Asiatique de l’Est et du Sud-Est 18 (1,3) 496 (3,3)
Asiatique du Sud 11 (0,8) 574 (3,8)
Asiatique de l’Ouest 8 (0,6) 283 (1,9)
Autre (dont réponses multiples) 184 (12,8) 1 790 (11,9)
Information manquante 27 s.o. 200 s.o.
Milieu de résidence
Zone rurale (Moins de 1 000 hab.) 43 (2,9) 124 (0,8) < 0,001
Petit centre de population (1 000 à 29 999 hab.) 795 (54,1) 6 836 (44,8)
Moyen centre de population (30 000 à 99 999) 288 (19,6) 2 717 (17,8)
Grand centre de population urbain (100 000 hab. ou plus) 344 (23,4) 5 589 (36,6)
Niveau d’aisance familiale
1er quintile (le plus bas) 242 (16,5) 2 856 (18,7) < 0,001
2e quintile 327 (22,2) 3 340 (21,9)
3e quintile 279 (19,0) 2 369 (15,5)
4e quintile 267 (18,2) 3 867 (25,3)
5e quintile (le plus élevé) 355 (24,2) 2 845 (18,6)

Dans l’ensemble, 29,5 % des jeunes de familles de militaires ont déclaré avoir un faible sentiment de bien-être, 37,5 % ont déclaré avoir un sentiment de désespoir, 38,4 % se situaient dans le tiers supérieur de la distribution de l’échantillon en ce qui concerne les problèmes émotionnels, 22,7 % ont déclaré avoir un faible degré de satisfaction à l’égard de la vie, 31,5 % se situaient dans le tiers supérieur de la distribution de l’échantillon en ce qui concerne le comportement prosocial et 22,4 % ont déclaré adopter des comportements à risque (tableau 2).

Tableau 2. Associations entre l’existence d’un lien avec le milieu militaire et certains indicateurs de santé mentale
Critère Lien avec le milieu militaire (jeunes de familles de militaires) Sans lien avec le milieu militaire (jeunes de familles de civils)   RR brutNote de bas de page a
(IC à 95 %)
  RR ajustéNote de bas de page aNote de bas de page b 
(IC à 95 %)
Effectif total (n) Proportion de oui (%) Effectif total (n) Proportion de oui (%)
Bien-être faible 1 422 (29,5) 14 883 (24,5) 1,24
(1,13 à 1,35)
1,28
(1,17 à 1,40)
Désespoir 1 423 (37,5) 14 941 (29,3) 1,28
(1,18 à 1,39)
1,32
(1,22 à 1,43)
Problèmes émotionnels importants 1 378 (38,4) 14 494 (32,8) 1,17
(1,08 à 1,27)
1,22
(1,13 à 1,32)
Satisfaction à l’égard de la vie faible 1 437 (22,7) 15 070 (16,6) 1,37
(1,22 à 1,53)
1,42
(1,27 à 1,59)
Comportement prosocial marqué 1 421 (31,5) 14 877 (31,9) 0,98
(0,90 à 1,07)
1,00
(0,92 à 1,09)
Prise de risque manifeste importante 1 385 (22,4) 14 564 (17,2) 1,42
(1,21 à 1,66)
1,37
(1,21 à 1,55)

Après ajustement pour le niveau scolaire, le sexe et le niveau d’aisance familiale, les jeunes de familles de militaires étaient beaucoup plus susceptibles de mentionner des valeurs négatives pour les indicateurs de santé mentale que ceux de familles de civils. Ils étaient 28 % plus susceptibles de faire état d’un faible sentiment de bien-être (RR = 1,28; IC à 95 % : 1,17 à 1,40), 32 % plus susceptibles de faire état d’un sentiment de désespoir (RR = 1,32; 1,22 à 1,43), 22 % plus susceptibles de faire état de problèmes émotionnels (RR = 1,22; 1,13 à 1,32) et 42 % plus susceptibles de faire état d’un faible degré de satisfaction à l’égard de la vie (RR = 1,42; 1,27 à 1,59).

Les associations entre le fait d’avoir un lien avec le milieu militaire, un faible sentiment de bien-être et un faible degré de satisfaction à l’égard de la vie étaient plus fortes chez les élèves plus jeunes (6e à 8e années) que chez les élèves de 9e et 10e années (tableau 3). Par exemple, les jeunes de 6e à 8e années de familles de militaires étaient 42 % plus susceptibles de faire état d’un faible sentiment de bien-être que ceux de familles de civils (RR = 1,42; 1,24 à 1,62), comparativement à 15 % chez les jeunes de 9e et 10e années (RR = 1,15; 1,03 à 1,30). Les associations entre le fait d’avoir un lien avec le milieu militaire et d’autres problèmes de santé mentale étaient en général similaires chez les élèves de 6e à 8e années par rapport à ceux de 9e et 10e années. Les associations entre le fait d’avoir un lien avec le milieu militaire et une moins bonne santé mentale étaient en général similaires chez les garçons et chez les filles (tableau 4).

Tableau 3. Associations entre le fait d’avoir un lien avec le milieu militaire et certains indicateurs de santé mentale, par niveau scolaire
Critère 6e à 8e années 9e et 10e années
RR brut
(IC à 95 %)
RR ajustéNote de bas de page a
(IC à 95 %)
RR brut
(IC à 95 %)
RR ajustéNote de bas de page aNote de bas de page b
(IC à 95 %)
Bien-être faible 1,36 (1,18 à 1,56) 1,42 (1,24 à 1,62) 1,13 (1,01 à 1,27) 1,15 (1,03 à 1,30)
Désespoir 1,25 (1,11 à 1,40) 1,29 (1,15 à 1,44) 1,33 (1,19 à 1,48) 1,36 (1,22 à 1,52)
Problèmes émotionnels importants 1,23 (1,09 à 1,37) 1,28 (1,14 à 1,43) 1,13 (1,03 à 1,24) 1,16 (1,06 à 1,28)
Satisfaction à l’égard de la vie faible 1,46 (1,27 à 1,69) 1,54 (1,34 à 1,77) 1,26 (1,07 à 1,48) 1,28 (1,09 à 1,51)
Comportement prosocial marqué 0,97 (0,87 à 1,08) 0,98 (0,88 à 1,10) 1,00 (0,88 à 1,15) 1,02 (0,90 à 1,16)
Prise de risque manifeste importante 1,39 (1,11 à 1,74) 1,35 (1,08 à 1,69) 1,35 (1,18 à 1,54) 1,34 (1,17 à 1,53)
Tableau 4. Associations entre le fait d’avoir un lien avec le milieu militaire et certains indicateurs de santé mentale, par sexe
Critère Garçons Filles
RR brut
(IC à 95 %)
RR ajustéNote de bas de page a
(IC à 95 %)
RR brut
(IC à 95 %)
RR ajustéNote de bas de page aNote de bas de page b
(IC à 95 %)
Bien-être faible 1,20 (1,02 à 1,41) 1,24 (1,05 à 1,47) 1,30 (1,16 à 1,46) 1,30 (1,17 à 1,46)
Désespoir 1,41 (1,22 à 1,63) 1,43 (1,24 à 1,65) 1,28 (1,16 à 1,40) 1,29 (1,17 à 1,41)
Problèmes émotionnels importants 1,15 (0,99 à 1,35) 1,18 (1,01 à 1,38) 1,25 (1,13 à 1,38) 1,26 (1,14 à 1,39)
Satisfaction à l’égard de la vie faible 1,40 (1,17 à 1,68) 1,45 (1,21 à 1,74) 1,43 (1,25 à 1,64) 1,46 (1,27 à 1,67)
Comportement prosocial marqué 1,00 (0,87 à 1,15) 0,98 (0,85 à 1,12) 1,02 (0,90 à 1,14) 1,01 (0,90 à 1,14)
Prise de risque manifeste importante 1,35 (1,13 à 1,62) 1,37 (1,17 à 1,60) 1,36 (1,08 à 1,70) 1,31 (1,09 à 1,57)

Après ajustement pour les covariables, nous n’avons pas détecté de différence dans la probabilité de faire état d’un comportement prosocial marqué entre les jeunes de familles de militaires et ceux de familles de civils (tableau 2). La probabilité de de comportement prosocial chez les jeunes de familles de militaires par rapport à ceux de familles de civils était la même dans tous les niveaux scolaires (tableau 3) ainsi qu’entre filles et garçons (tableau 4).

Les jeunes de familles de militaires étaient 37 % plus susceptibles d’adopter des comportements à risque par rapport aux jeunes de familles de civils, après ajustement pour les covariables (RR = 1,37; 1,21 à 1,55; tableau 2). Ces associations sont demeurées stables entre les niveaux scolaires (tableau 3) ainsi qu’entre garçons et filles (tableau 4).

Analyse

Cette étude comparait la santé émotionnelle et comportementale de jeunes de familles de militaires et de jeunes de familles de civils au Canada, à la lumière des résultats d’une enquête nationale sur la santé menée en milieu scolaire. Nous avons observé que les jeunes de familles de militaires étaient plus susceptibles d’avoir des scores compatibles avec un faible sentiment de bien-être, un sentiment de désespoir, un faible degré de satisfaction à l’égard de la vie et des comportements à risque fréquents comparativement aux jeunes de familles de civils. Ces résultats confirment l’hypothèse selon laquelle l’exposition des enfants à la triade de dimensions caractérisant le mode de vie des familles militaires (risques, absences prolongées, réinstallations) pourrait avoir une incidence négative sur leur santé mentale et leur bien-êtreNote de bas de page 38. Nos observations corroborent également la force et la résilience des jeunes de familles de militaires. Nous avons observé un taux similaire de comportement prosocial chez les jeunes de familles de militaires et les jeunes de familles de civils, ce qui laisse entendre que le développement socioémotionnel des jeunes est comparable malgré les risques accrus de problèmes émotionnels et comportementaux.

Nos résultats concordent avec ceux de la littérature internationale qui font état d’une moins bonne santé mentale et d’un moins grand sentiment de bien-être chez les enfants et les adolescents de familles de militairesNote de bas de page 1Note de bas de page 24Note de bas de page 25Note de bas de page 39Note de bas de page 40Note de bas de page 41. Les enfants et les adolescents des familles canadiennes de militaires étaient plus susceptibles de consulter un médecin pour obtenir des services de santé mentale, particulièrement pour un trouble non psychotique (comme la dépression), un trouble envahissant du développement (comme l’autisme) et un trouble du comportement perturbateur (comme un trouble déficitaire de l’attention)Note de bas de page 42. Par rapport à la population générale, les enfants et les adolescents de familles de militaires ailleurs qu’au Canada étaient plus susceptibles d’avoir un score moyen plus élevé en ce qui concerne les difficultés émotionnelles et comportementales, un taux plus élevé de comportements d’externalisation et d’internalisation et un taux plus élevé d’idées suicidaires ou de tentatives de suicideNote de bas de page 1Note de bas de page 24Note de bas de page 25Note de bas de page 39Note de bas de page 40Note de bas de page 41.  

Notre étude va également dans le même sens que les travaux de recherche menés aux États-Unis montrant que les enfants et les adolescents de familles de militaires sont plus enclins à adopter des comportements à risqueNote de bas de page 40Note de bas de page 43. Il faudra mener des études qualitatives et quantitatives axées sur les mécanismes qui contribuent à ces différences en matière de santé mentale et de comportements à risque, et notamment déterminer par quels moyens les familles ont réussi à relever ces défis professionnels, afin d’élaborer des programmes et des services qui s’attaquent efficacement aux causes profondes de ces problèmes de santé et de comportement. Il est essentiel de comprendre comment les jeunes de familles de militaires définissent une bonne santé mentale et comment ils intègrent la carrière militaire de leur parent ou de leur tuteur dans leur santé et leur bien-être en général.

Les dimensions de la carrière militaire d’un parent sont susceptibles de générer un stress qui se traduit par une moins bonne santé mentale et un moins grand bien-être chez les jeunes concernés que chez leurs pairs. Les familles canadiennes de militaires font état de trois défis communs : les réinstallations, l’absence des membres de la famille en service et leur risque de maladie, de blessure et de décèsNote de bas de page 44. Au Canada, les enquêtes sur les réinstallations des militaires ont mis en lumière les conséquences des déménagements sur l’éducation des enfants et cela peut constituer un motif valable pour demander une affectation dans un lieu précis ou une justification pour la réinstallation du parent militaire sans sa familleNote de bas de page 45. Des études menées aux États-Unis et au Royaume-Uni auprès de populations d’enfants et d’adolescents de familles de militaires ont fait état d’une moins bonne santé mentale chez les jeunes après une réinstallation et d’une moins bonne santé mentale chez les jeunes dont un parent est ou a récemment été déployé, souffre d’état de stress post-traumatique (ESPT) ou consomme de l’alcool de façon abusiveNote de bas de page 11Note de bas de page 24Note de bas de page 46Note de bas de page 47Note de bas de page 48.

Selon le contexte et la composition de la famille, ces facteurs de stress peuvent avoir des répercussions plus ou moins importantes sur la santé mentale des jeunesNote de bas de page 45. Ces facteurs sont susceptibles de s’additionner ou d’interagir au sein d’une famille au cours de la carrière militaire d’un parent, tout au long de la vie de la famille ainsi que lors d’événements marquants comme le déploiement d’un parent ou une réinstallationNote de bas de page 38. Par conséquent, les facteurs de stress et les expériences sont dynamiques, tant au sein d’une famille qu’entre les familles, et tant chez un jeune qu’entre les jeunes.

La carrière militaire d’un parent offre également de nombreux avantages aux jeunes et aux familles, ainsi que des occasions de s’adapter et de grandir en réponse à ces dimensions du mode de vie militaireNote de bas de page 49. Les parents ou les tuteurs militaires ont un emploi, ce qui offre d’importants avantages économiques pour les familles. Par exemple, au Canada, les jeunes de familles de militaires vivent dans des régions à revenu plus élevé que les jeunes de familles de civilsNote de bas de page 50. En outre, pour certains jeunes, le fait de déménager fréquemment leur permettra de découvrir davantage le monde ou leur propre pays, de vivre de nouvelles expériences, d’apprendre à s’adapter à des situations sociales et d’apprentissage nouvelles et différentes, d’améliorer leurs compétences relationnelles, d’élargir leur réseau social à plusieurs provinces et territoires et de resserrer les liens familiauxNote de bas de page 14Note de bas de page 49. Alors que les familles canadiennes de militaires se disent généralement fortes et capables de s’adapterNote de bas de page 44, peu de travaux de recherche ont été menés sur les mécanismes d’interaction positive et sur les conséquences de ces facteurs de stress, ce qui fait que des études plus approfondies sur le sujet sont nécessairesNote de bas de page 49.

D’après les résultats de travaux antérieurs menés au Canada sur les consultations externes en santé mentale et sur les retards dans les soins prodigués par les psychiatres et les pédiatres, et d’après les constatations de notre étude, il est possible que les besoins en matière de soins de santé mentale des jeunes de familles de militaires ne soient pas satisfaitsNote de bas de page 42Note de bas de page 51. Outre un accès aux services et aux programmes de santé mentale civils financés par des fonds publics ou privés, ces familles ont accès à des aides et à des services spécialisés offerts par les Forces armées canadiennes, par exemple des services de counseling et de gestion de crise dans les Centres de ressources pour les familles des militaires, la télésanté et d’autres soutiens virtuels en matière de santé mentale. À ce jour, il n’existe aucune évaluation canadienne de l’efficacité et de la suffisance des services de soins de santé mentale destinés aux enfants et aux adolescents des familles de militaires, ni des obstacles à l’accès à ces soins. Des études menées auprès de familles de militaires aux États-Unis ont révélé des obstacles à l’obtention de soins de santé mentale par les adolescents ayant un lien avec le milieu militaireNote de bas de page 1Note de bas de page 24Note de bas de page 25Note de bas de page 39Note de bas de page 40Note de bas de page 41. La disponibilité à l’échelle nationale de soins de santé mentale culturellement adaptés et de services et de soutiens accessibles est essentielle pour que les enfants et les adolescents ne payent pas « un prix pour le service au pays de leur parent »Note de bas de page 5, p.9, un prix affectant leur santé mentale et leur bien-être.

Points forts et limites

Notre étude a été menée avec le plus grand échantillon canadien de jeunes de familles de militaires utilisé à ce jour, couvrant toutes les provinces et deux territoires, et elle inclut des évaluations générales de la santé mentale, du bien-être et des comportements à risque. Bien que les mesures de santé mentale aient été brèves et non destinées à établir un diagnostic, elles ont été validées et ont fait l’objet d’un test de validité apparente. Par ailleurs, on les a utilisées dans divers cycles de travaux de recherche nationaux et internationaux fondés sur les données de l’Enquête HBSC afin de comprendre la santé mentale et le bien-être des jeunes. Nous n’envisageons aucune différence d’utilisation de ces échelles entre les jeunes de familles de militaires et ceux de familles de civils. Pour combler les lacunes qui subsistent dans l’épidémiologie des maladies mentales chez les enfants et les adolescents de familles de militaires, il convient de recourir à différentes mesures utilisant des critères validés de dépistage des troubles psychiatriques à l’aide de critères diagnostiques. Dans notre étude, nous n’avons pas abordé les explications possibles, qu’elles soient spécifiques à l’armée ou plus fondamentales, des différences observées en matière de santé mentale et de comportements à risque, comme l’absence d’un parent ou le risque de blessure ou de décès du parent, les relations avec la famille ou les pairs, les résultats scolaires ou encore les expériences d’intimidation.

En outre, nous n’avons pas recueilli d’information sur la durée de l’engagement militaire des parents, sur les déploiements ou sur le nombre de réinstallations liées à l’activité militaire. Ces renseignements supplémentaires aideraient les décideurs à comprendre comment ces relations complexes sont modulées ou modifiées par des variables telles que les comportements à risque des parents, les expériences négatives vécues par les parents pendant leur enfance ou d’autres caractéristiques spécifiques au personnel militaire et au personnel de la sécurité publique qui contribuent à la santé et au bien-être de leurs enfants. Il faut mener des études qualitatives et quantitatives, en particulier des études comparant les expériences des jeunes de familles liées au milieu militaire et de jeunes de familles liées au secteur de la sécurité publique, afin de permettre une compréhension plus nuancée des jeunes de familles de militaires et afin de déterminer à qui attribuer les ressources visant à améliorer la santé mentale et le bien-être des jeunes.

Conclusion

Il est essentiel que nous continuions à tenir compte des familles des militaires, de la nature dynamique et complexe de la vie militaire et de la vie familiale ainsi que des répercussions sur les jeunes, à la fois pendant et après la période d’engagement militaire des parents. Les jeunes des familles de militaires se sont révélés plus susceptibles d’adopter des comportements à risque et de faire état d’un sentiment de désespoir, d’un sentiment de bien-être faible et un degré faible de satisfaction à l’égard de la vie que les jeunes de familles de civils, tout en ayant un taux similaire de comportement prosocial malgré les risques accrus de problèmes émotionnels et comportementaux. Il est nécessaire de comprendre les mécanismes clés par lesquels ces différences en matière de santé mentale émergent et sont associées à des diagnostics médicaux. En outre, il convient de discerner la trajectoire à long terme des jeunes de familles de militaires qui ont une moins bonne santé mentale et un moins grand sentiment de bien-être afin de déterminer quelles seraient les meilleures façons d’intervenir. Il faudra mener des travaux de recherche pour élucider ces voies étiologiques hypothétiques et mieux comprendre la résilience et la capacité d’adaptation des personnes qui réagissent différemment à ces défis, afin de mettre au point et de tester des interventions visant à réduire les risques excessifs pour la santé mentale des jeunes découlant de la carrière militaire de leur parent.

Remerciements

Nous tenons à remercier l’Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans pour son soutien dans le recrutement des écoles qui ont participé à cette étude. Le 8e cycle de l’Enquête HBSC a été mené au Canada par le Groupe d’évaluation des programmes sociaux de l’Université Queen’s. Nous remercions Joanna Inchley, coordonnatrice internationale de l’Enquête HBSC (Université de Glasgow, Écosse) et Oddrun Samdal, coordonnatrice internationale des données (Université de Bergen, Norvège). Les chercheurs principaux canadiens ayant participé à l’Enquête HBSC de 2018 étaient Wendy Craig et William Pickett, de l’Université Queen’s. Le coordonnateur national était Matthew King.

Conflits d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.

Contributions des auteurs et avis

AM : conception, curation des données, méthodologie, rédaction de la première version du manuscrit. HC : méthodologie, révision et relecture du manuscrit. MK : curation des données, analyse formelle, révision et relecture du manuscrit. NK : analyse formelle, révision et relecture du manuscrit. FE : méthodologie, révision et relecture du manuscrit. WC : curation des données, méthodologie, révision et relecture du manuscrit. WP : curation des données, méthodologie, supervision, révision et relecture du manuscrit.

Le contenu de l’article et les points de vue qui y sont exprimés n’engagent que les auteurs; ils ne correspondent pas nécessairement à ceux du gouvernement du Canada.

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