Recherche quantitative originale – Associations entre les déterminants sociaux de la santé et le statut pondéral des enfants d’âge préscolaire : une étude de population 

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Jessica Wijesundera, B. Sc.Note de rattachement des auteurs 1; Padma Kaul, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 2; Anamaria Savu, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 2; Sunjidatul Islam, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 2; Douglas C. Dover, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 2; Linn E. Moore, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 2; Andrea M. Haqq, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1; Geoff D.C. Ball, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1

https://doi.org/10.24095/hpcdp.43.6.02f

Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.

Rattachement des auteurs
Correspondance

Geoff D.C. Ball, Département de pédiatrie, Université de l’Alberta, 4-515 Edmonton Clinic Health Academy, 11405, 87e avenue nord-ouest, Edmonton (Alberta)  T6G 1C9; courriel : gdball@ualberta.ca

Citation proposée

Wijesundera J, Kaul P, Savu A, Islam S, Dover DC, Moore LE, Haqq AM, Ball GD. Associations entre les déterminants sociaux de la santé et le statut pondéral des enfants d’âge préscolaire : une étude de population. Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada. 2023;43(6):312-321. https://doi.org/10.24095/hpcdp.43.6.02f

Résumé

Introduction. Les déterminants sociaux de la santé peuvent avoir une incidence sur le poids des enfants. Notre objectif était d’étudier les relations entre les déterminants sociaux de la santé et le poids des enfants d’âge préscolaire.

Méthodologie. Cette étude de cohorte rétrospective portait sur 169 465 enfants (âgés de 4 à 6 ans) dont les mesures anthropométriques ont été prises lors de rendez‑vous de vaccination de 2009 à 2017 à Edmonton et à Calgary (Canada). Les enfants ont été classés par statut pondéral sur la base des critères de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les données sur les mères ont été jumelées aux données sur les enfants. Les indices de défavorisation matérielle et sociale de Pampalon ont été utilisés pour évaluer la défavorisation. Nous avons utilisé une régression logistique multinomiale pour générer des rapports de risque relatif (RRR) afin d’étudier les associations entre, d’une part, le groupe ethnique, le statut d’immigration de la mère, le revenu des ménages du quartier, la résidence en milieu urbain ou rural et la défavorisation matérielle et sociale et, d’autre part, le statut pondéral de l’enfant.

Résultats. Les enfants d’origine chinoise risquaient moins que ceux de la population générale de faire de l’embonpoint (RRR = 0,64, IC à 95 % : 0,61 à 0,69) ou de l’obésité (RRR = 0,51, 0,42 à 0,62). Les enfants d’origine sud-asiatique risquaient plus que ceux de la population générale d’être en situation d’insuffisance pondérale (RRR = 4,14, 3,54 à 4,84) ou d’obésité (RRR = 1,39, 1,22 à 1,60). Les enfants de mère immigrante risquaient moins que les autres à être en situation d’insuffisance pondérale (RRR = 0,72, 0,63 à 0,82) ou d’obésité (RRR = 0,71, 0,66 à 0,77). La probabilité que les enfants fassent de l’embonpoint (RRR = 0,95, 0,94 à 0,95) ou de l’obésité (RRR = 0,88, 0,86 à 0,90) diminuait avec chaque passage à la tranche de revenu de 10 000 $ CA supérieure. Par rapport au quintile le moins défavorisé, les enfants du quintile le plus défavorisé sur le plan matériel risquaient plus de présenter une insuffisance pondérale (RRR = 1,36, 1,13 à 1,62), un surpoids (RRR = 1,52, 1,46 à 1,58) ou de l’obésité (RRR = 2,83, 2,54 à 3,15). Par rapport au quintile le moins défavorisé, les enfants du quintile le plus socialement défavorisé risquaient plus de présenter un surpoids (RRR = 1,21, 1,17 à 1,26) ou de l’obésité (RRR = 1,40, 1,26 à 1,56). Tous les résultats sont significatifs à p < 0,001.

Conclusion. Nos constatations indiquent qu’il est nécessaire de mettre en place des interventions et des politiques qui tiennent compte des déterminants sociaux de la santé chez les enfants d’âge préscolaire afin d’optimiser leur poids et leur santé.

Mots‑clés : déterminants sociaux de la santé, malnutrition infantile, surpoids infantile, santé de la population

Points saillants

  • Nous avons observé des associations entre les principaux déterminants sociaux de la santé et un poids malsain chez les enfants d’âge préscolaire.
  • Les enfants d’origine chinoise risquaient moins de présenter un surpoids ou de l’obésité et les enfants d’origine sud‑asiatique risquaient plus d’être en situation d’insuffisance pondérale ou d’obésité.
  • Les enfants de mère immigrante risquaient moins que les autres d’être en situation d’insuffisance pondérale ou d’obésité.
  • À chaque passage à une tranche de revenu de 10 000 $ CA supérieure, les enfants risquaient moins de présenter un surpoids ou de l’obésité.
  • Les enfants du quintile le plus défavorisé sur le plan matériel risquaient plus que les autres de présenter une insuffisance pondérale ou un surpoids ou de l’obésité. Les enfants du quintile le plus défavorisé sur le plan social risquaient plus que les autres de présenter un surpoids ou de l’obésité.

Introduction

La santé pendant l’enfance est essentielle pour un développement et un bien-être optimaux tout au long de la vieNote de bas de page 1. De nombreux problèmes de santé comme l’obésité, les maladies cardiaques et les maladies mentales prennent racine dès l’enfanceNote de bas de page 2. Étant donné que ces problèmes de santé chroniques sont susceptibles de nuire au potentiel économique et à la participation à la société tout au long de la vie, les interventions pendant la petite enfance vont pouvoir améliorer le développement physique, émotionnel et socialNote de bas de page 3.

Des millions d’enfants dans le monde souffrent d’insuffisance pondérale, de surpoids et d’obésité. L’insuffisance pondérale est un facteur crucial chez les enfants d’âge préscolaire, car elle est associée à un retard du développement cognitif et à un mauvais rendement scolaireNote de bas de page 4Note de bas de page 5. Le surpoids et l’obésité peuvent accroître le risque de maladies chroniques (diabète de type 2, maladies cardiaques) et nuire à la santé et au bien-être psychologiquesNote de bas de page 6Note de bas de page 7. L’incidence du surpoids et de l’obésité sur la santé et le bien‑être a augmenté depuis l’émergence de la pandémie de coronavirus, dans la mesure où l’embonpoint semble augmenter le risque de complications respiratoires de la COVID-19Note de bas de page 8.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit les déterminants sociaux de la santé comme les conditions dans lesquelles les gens naissent, grandissent, vivent, travaillent et vieillissentNote de bas de page 9. Plusieurs études ont fait ressortir des relations importantes entre ces déterminants et le statut pondéral des enfants. Par exemple, les minorités ethniques sont touchées de façon disproportionnée par l’obésité infantile aux États‑UnisNote de bas de page 10. Selon un rapport canadien, les scores z moyens de l’indice de masse corporelle (IMC) des enfants d’immigrants à la deuxième génération (parents nés au Canada) étaient plus élevés que ceux des enfants d’immigrants à la première génération (parents nés à l’étranger) et des enfants de grands-parents nés au CanadaNote de bas de page 11. La proportion d’enfants obèses est particulièrement élevée dans les quartiers à faible revenu, selon une étude menée à TorontoNote de bas de page 12. Bien qu’il existe peu de données sur la défavorisation des quartiers ou sur le milieu de résidence (urbain/rural) et leurs associations avec le statut pondéral des enfants canadiens, une étude longitudinale menée par Carter et ses collaborateurs13 a révélé un lien positif entre la défavorisation matérielle des quartiers et un poids supérieur chez les enfants.

Le mécanisme par lequel les déterminants sociaux de la santé influent sur le poids de l’enfant comprend divers facteurs (voir l’annexe S1 de la documentation complémentaire), notamment des différences en matière de perception du poids selon la culture et le revenu, le rôle parental dans l’alimentation (pratiques parentales d’alimentation des enfants) et l’activité physique. Ces différences peuvent soit protéger les enfants, soit les prédisposer à un poids malsain.

La littérature comporte plusieurs limites concernant l’incidence des déterminants sociaux de la santé sur le statut pondéral des enfants d’âge préscolaire. Premièrement, certains rapports intègrent des données anthropométriques autodéclarées ou déclarées par d’autres personnes, qui sont sujettes à des biaisNote de bas de page 14Note de bas de page 15. Deuxièmement, les recherches sur les enfants ayant une insuffisance pondérale dans les pays développés sont limitées et l’insuffisance pondérale peut toucher de façon disproportionnée certains groupes démographiques ou socioéconomiques. Enfin, il existe peu de littérature sur les liens entre, d’une part, le groupe ethnique, le statut d’immigration de la mère et la défavorisation sociale et matérielle et, d’autre part, le statut pondéral des enfants canadiens d’âge préscolaire. L’amélioration de la compréhension des contextes environnementaux permettrait d’orienter les interventions et les politiques ciblées en matière de santéNote de bas de page 16. Compte tenu de ces enjeux, nous nous sommes fixé pour objectif d’étudier les associations entre les déterminants sociaux de la santé – le groupe ethnique, le statut d’immigration de la mère, le revenu des ménages du quartier, le milieu de résidence urbain/rural) et la défavorisation matérielle et sociale – et le statut pondéral des enfants d’âge préscolaire en Alberta (Canada).

Méthodologie

Approbation éthique

Cette étude a été approuvée par le comité d’éthique de la recherche de l’Université de l’Alberta (Pro00020230). Le comité d’éthique a déterminé que la recherche constituait une étude rétrospective d’une base de données pour laquelle l’obtention du consentement des participants à l’accès à des renseignements médicaux personnels permettant de les identifier ne serait pas raisonnable, faisable ou pratique. 

Population à l’étude

Cette étude a porté sur des enfants d’âge préscolaire (âgés de 4 à 6 ans) nés en Alberta (Canada) entre le 1er janvier 2005 et le 29 novembre 2013 et qui s’étaient rendus dans des bureaux de la santé publique d’Edmonton et de Calgary pour recevoir des vaccins entre janvier 2009 et novembre 2017. Selon le recensement de 2016 de Statistique CanadaNote de bas de page 17, Edmonton et Calgary comptaient une plus grande proportion de personnes d’origine chinoise et d’origine sud‑asiatique et ayant un statut d’immigrant par rapport aux données nationales. Le revenu moyen des ménages à Edmonton et à Calgary en 2015 était également supérieur à celui des autres ménages canadiens (annexe S2 de la documentation complémentaire).

Sources de données sur les déterminants sociaux de la santé et jumelage des données

Les données anthropométriques sur les enfants ont été tirées de la base de données sur les dossiers de vaccination du service de santé publique de l’Alberta. Le personnel infirmier en santé publique a utilisé un protocole normaliséNote de bas de page 18 (peser l’enfant debout au centre du pèse-personne et mesurer la taille de l’enfant avec ses talons l’un contre l’autre) et de l’équipement normalisé (pèse‑personne pour enfants et adolescents, pèse‑personne compatible avec l’usage d’un fauteuil roulant) pour recueillir les données sur les enfants et les parents. La date de naissance, le sexe, l’âge à la mesure, la taille mesurée (au 0,1 cm près) et le poids déterminé (au 0,1 kg près) des enfants ont été notés lors des rendez‑vous de vaccination.

Pour la période à l’étude, la disponibilité des données variait entre 17,6 % (en 2013) à 67,7 % (en 2008). La même stratégie de jumelage a été utilisée tout au long de l’étude. Les données sur l’IMC ont été recueillies entre le quatrième et le septième anniversaire des enfants, avec une disponibilité des données particulièrement faible vers la fin de l’étude (années de naissance 2012 et 2013) du fait que les enfants nés ces années-là n’avaient pas encore atteint leurs sept ans en novembre 2017 (le dernier mois pour lequel les données sur l’IMC étaient disponibles). Comme dans le cas d’une étude précédenteNote de bas de page 19, nous avons constaté certaines différences dans les caractéristiques démographiques entre les mères des enfants ayant fourni des données sur l’IMC et celles n’en ayant pas fourni : les mères en mesure de fournir des données sur l’IMC de leur enfant étaient légèrement plus âgées, avaient un statut socioéconomique plus élevé, étaient plus nombreuses à être nullipares et présentaient des taux légèrement plus élevés de diabète gestationnel et d’hypertension pendant la grossesse par rapport aux autres mères. Toutefois, nous sommes d’avis que les données manquantes sur l’IMC n’ont pas affecté la validité interne de l’étude.

Nous avons présumé que 0,9 % des mesures étaient erronées (valeurs invraisemblables comme une taille de 0 cm, un poids de 0 kg ou des valeurs de poids et de taille résultant en un IMC inférieur à 10 ou supérieur à 50) dans les données disponibles sur le poids et la taille. La plage des poids de la cohorte de notre étude était de 9 kg à 78 kg et la plage des tailles était de 62 cm à 156 cm.

Les caractéristiques sur la naissance et la petite enfance (date de naissance, poids à la naissance, âge gestationnel à la naissance) ont été extraites du registre des naissances de Bureau de l’état civil de l’Alberta. Le groupe ethnique de l’enfant, présumé identique à celui de la mère, a été déterminé à l’aide des algorithmes de nom de famille du programme sur les groupes ethniques de l’Université de Calgary et du programme sur les groupes ethniques de l’Institut de recherche en services de santé. Les enfants ont été classés dans les groupes ethniques mutuellement exclusifs suivants : « chinois », « sud‑asiatique » et « population générale »Note de bas de page 20Note de bas de page 21Note de bas de page 22. Ces algorithmes ont été exécutés en utilisant le nom de jeune fille de la mère figurant dans le registre du régime d’assurance‑maladie de l’Alberta. Des données sur la mère (code postal, statut d’immigration, revenu des ménages du quartier, groupe ethnique) ont également été incluses. Les codes postaux ont été tirés du registre du régime d’assurance‑maladie de l’Alberta. La résidence en milieu urbain ou rural a été déterminée à l’aide du Fichier de conversion des codes postaux fourni par Santé Alberta. Le statut d’immigration des mères a été déterminé à l’aide du registre central des intervenants du régime d’assurance-maladie de l’Alberta, qui identifie les mères qui s’installent en Alberta en provenance d’un autre pays ou d’une autre province depuis 1984. Les données de recensement de Statistique Canada (2011) ont été jumelées aux régions de tri d’acheminement, ce qui a servi à déterminer le revenu des ménages (en dollars canadiens) en 2010 à l’échelle des quartiers afin de l’utiliser comme mesure de la situation socioéconomique du quartier.

Défavorisation matérielle et sociale

Les indices de défavorisation de Pampalon, deux mesures québécoises des inégalités sociales, ont été utilisés dans cette étude pour évaluer la défavorisation sociale et matérielleNote de bas de page 23. L’indice de défavorisation matérielle tient compte des différences relatives sur le plan des études, de l’emploi et du revenu tandis que l’indice de défavorisation sociale tient compte de l’état matrimonial de la mère, du fait de vivre seule et de la monoparentalité. Plus une valeur est élevée, plus la défavorisation est grande. Les indices, qui sont des prédicteurs valides des résultats en matière de santéNote de bas de page 24, ont été établis pour les aires de diffusion canadiennes et couvrent environ 98 % de la population canadienne. Pour les besoins de cette étude, les données des indices de défavorisation matérielle et sociale de Pampalon ont été extraites pour les aires de diffusion correspondant au code postal des mères à l’accouchement et classées en quintilesNote de bas de page 25.

Poids des enfants d’âge préscolaire

La variable d’intérêt était le poids des enfants au moment du rendez‑vous de vaccination préscolaire, qui a lieu entre l’âge de 4 et de 6 ans. Dans le cas des enfants qui ont eu plusieurs rendez‑vous, nous n’avons retenu que les dernières mesures. Conformément aux recommandations canadiennesNote de bas de page 26, les graphiques de croissance de l’IMC de l’OMS pour le Canada ont été utilisés pour classer le statut pondéral des enfants (annexe S3 de la documentation complémentaire). L’IMC a été calculé en divisant le poids (en kg) par la taille (en mNote de bas de page 2).

L’OMS utilise différents termes pour décrire les catégories de poids en fonction de l’âge. Pour les enfants de moins de 5 ans, le « surpoids » et l’« obésité » sont définis comme étant un IMC supérieur respectivement à 2 et à 3 écarts-types (ET) au-dessus de la médiane. Chez les enfants de 5 ans et plus, le « surpoids » et l’« obésité » correspondent à un IMC supérieur respectivement à 1 et à 2 écarts-types au-dessus de la médiane. Pour notre étude, qui comprenait à la fois des enfants de plus de 5 ans et des enfants de moins de 5 ans, nous avons défini nos catégories de statut pondéral en utilisant le score z de l’IMC (zIMC) (en comparant l’IMC des enfants à la moyenne nationale ajustée en fonction de l’âge) comme suit : « insuffisance pondérale » (zIMC < −2), « poids normal » (zIMC > −2 à ≤ 1), « surpoids » (zIMC > 1 à ≤ 3) et « obésité » (zIMC > 3), quel que soit l’âge de l’enfant au moment de la mesure. Nous avons également défini l’« embonpoint » comme étant le regroupement des catégories surpoids et obésité. Cela a été fait pour assurer la simplicité et l’uniformité entre les groupes d’âge. La répartition des scores z de la population étudiée se trouve à l’annexe S4 de la documentation complémentaire.

Analyses statistiques

Pour chaque catégorie de poids, nous avons utilisé les données suivantes : le sexe de l’enfant, les mesures anthropométriques à l’âge préscolaire, l’âge à la mesure et les variables liées aux déterminants sociaux de la santé (groupe ethnique, statut d’immigration de la mère, résidence en milieu urbain ou rural, revenu des ménages du quartier, indice de défavorisation matérielle et sociale). Pour évaluer l’association indépendante entre les déterminants sociaux de la santé et le poids à l’âge préscolaire, nous avons utilisé des modèles de régression logistique multinomiale pour produire des rapports de risque relatif (RRR) et présenter le statut pondéral à l’âge préscolaire comme un résultat à quatre catégories (insuffisance pondérale, poids normal, surpoids, obésité). La catégorie de référence était la catégorie de poids normal. Pour chaque variable, les modèles ont estimé les RRR et les intervalles de confiance à 95 % (IC à 95 %) associés à la probabilité d’avoir un poids malsain. Nous avons ajusté les données dans trois modèles à l’aide d’équations d’estimation généralisées et d’une matrice de corrélation échangeable. Cela a été fait pour tenir compte de la corrélation intra‑grappes potentielle liée à la présence de plusieurs enfants d’une même mère.

Le premier modèle (R2 = 0,014) comprenait le groupe ethnique et le statut d’immigration de la mère ainsi que le revenu des ménages à l’échelle du quartier et le milieu de résidence (urbain ou rural). Les deuxième (R2= 0,0075) et troisième (R2= 0,0047) modèles ont servi à étudier respectivement l’indice de défavorisation matérielle et l’indice de défavorisation sociale en utilisant le premier quintile (le moins défavorisé) comme catégorie de référence. Tous les modèles ont été ajustés en fonction du sexe et de l’âge des enfants au moment de la mesure du poids préscolaire. Les indices de défavorisation ont également été ajustés en fonction du groupe ethnique, mais ils ont été modélisés séparément, de manière à tenir compte de la corrélation possible entre eux et les autres variables des déterminants sociaux de la santé. Les valeurs RNote de bas de page 2 ont été calculées comme proposé par ZhengNote de bas de page 27 pour mesurer la réduction proportionnelle de la variation et évaluer la qualité de l’ajustement pour les modèles marginaux.

Pour valider les résultats de chaque modèle, nous avons évalué la capacité de chacun d’eux à distinguer les catégories de résultats pondéraux des enfants. Pour ce faire, nous avons estimé l’indice de discrimination polytomique (IDP) de Van Calster et ses collaborateurs à l’aide de la macro SAS de Dover et ses collaborateursNote de bas de page 28Note de bas de page 29. Tous les modèles multinomiaux ont présenté des capacités de discrimination supérieures à celles d’un classificateur sélectionnant aléatoirement l’une des quatre catégories : tous les modèles avaient un IDP supérieur au seuil de 25 %. Le modèle multinomial intégrant les déterminants sociaux individuels de la santé et le modèle intégrant les quintiles de l’indice de défavorisation matérielle ont présenté les IDP les plus élevés, soit respectivement 0,324 (IC à 95 % : 0,318 à 0,331) et 0,326 (0,319 à 0,332). Le modèle intégrant les quintiles de l’indice de défavorisation sociale a donné un IDP inférieur : 0,315 (0,309 à 0,322). Ce résultat signifie que la modélisation effectuée au moyen des déterminants sociaux individuels de la santé a une capacité de discrimination supérieure à celle de la modélisation effectuée au moyen de l’indice de défavorisation sociale seul, et il en est de même pour la modélisation utilisant l’indice de défavorisation  et le groupe ethnique par rapport à la modélisation utilisant l’indice de défavorisation seul.

L’unité d’analyse était l’enfant. Toutes les analyses statistiques ont été réalisées à l’aide de la version 9.4 du logiciel SAS (SAS Institute Inc., Cary, Caroline du Nord, É.-U.). Les paramètres des modèles logistiques marginaux multinomiaux avec réponses corrélées ont été estimés à l’aide du logiciel SAS selon les procédures proposées par Kuss et McLerranNote de bas de page 30. Compte tenu de la grande taille de l’échantillon, nous avons défini la signification statistique à p < 0,001.

Résultats

La population initiale de notre étude comprenait 177 284 dossiers, mais elle a diminué en raison de numéros d’identification manquants pour les enfants, de données manquantes sur la taille et le poids, de valeurs d’IMC calculées inférieures à 10 kg/mNote de bas de page 2 ou supérieures à 50 kg/mNote de bas de page 2 et de mesures répétées de la taille et du poids. Notre premier modèle comprenait 168 387 enfants et 125 778 mères, du fait de données manquantes sur le revenu du quartier de la mère et le milieu de résidence (urbain ou rural). Les caractéristiques descriptives de la population exclue de notre étude se trouvent à l’annexe S5 de la documentation complémentaire. Les indices de défavorisation étaient absents pour 5 558 des 169 465 enfants étudiés dans les modèles 2 et 3 (aire de diffusion manquante ou données manquantes sur le revenu du quartier de la mère), réduisant ainsi l’échantillon à 163 907 enfants et 122 773 mères.

Les caractéristiques descriptives de notre population complète d’enfants et de mères sont présentées dans le tableau 1. Les garçons étaient beaucoup plus nombreux en proportion que les filles à relever de la catégorie du surpoids (55,9 %) ou de celle de l’obésité (64,0 %) (p < 0,001 dans les deux cas).

En ce qui concerne le groupe ethnique et le statut d’immigration de la mère, notre premier modèle (tableau 2) a montré que les enfants d’origine chinoise avaient un moindre risque (par rapport à la population générale) de surpoids (RRR = 0,64, IC à 95 % : 0,61 à 0,69) ou d’obésité (RRR = 0,51, 0,42 à 0,62; p < 0,001 dans les deux cas). Les enfants d’origine sud‑asiatique avaient un moindre risque (par rapport à la population générale) d’insuffisance pondérale (RRR = 4,14, 3,54 à 4,84), de surpoids (RRR = 0,80, 0,75 à 0,85) ou d’obésité (RRR = 1,39, 1,22 à 1,60; p < 0,001 dans tous les cas). Les enfants de mère immigrante avaient un moindre risque (par rapport aux enfants de mère née au Canada) d’insuffisance pondérale (RRR = 0,72, 0,63 à 0,82) ou d’obésité (RRR = 0,71, 0,66 à 0,77; p < 0,001 dans les deux cas).

Tableau 1. Caractéristiques descriptives des enfants et des mères pour toutes les catégories de poids (n = 169 465)
Caractéristiques Échantillon total Insuffisance pondérale Poids normal Surpoids Obésité
zIMC < −2 zIMC ≥ −2 et ≤ 1 zIMC > 1 et ≤ 3 zIMC > 3
Caractéristiques des enfants
Total (n) 169 465 1 415 128 951 35 426 3 673
Fille (n et %) 82 860 (48,9) 676 (47,8) 65 249 (50,6) 15 613 (44,1) 1 322 (36,0)
Garçon (n et %) 86 605 (51,1) 739 (52,2) 63 702 (49,4) 19 813 (55,9) 2 351 (64,0)
Poids en kg (moyenne et ET) 19,0 (3,4) 15,0 (1,9) 18,0 (2,2) 21,7 (3,0) 30,4 (6,4)
Hauteur en cm (moyenne et ET) 109,0 (6,0) 109,5 (7,1) 108,6 (5,8) 110,1 (6,2) 113,5 (6,9)
IMC en kg/m2 (moyenne et ET) 15,9 (1,9) 12,4 (0,5) 15,2 (0,9) 17,8 (1,0) 23,5 (4,2)
Score z de l’IMC (moyenne et ET) 0,4 (1,4) −2,1 (0,3) −0,1 (0,6) 1,8 (0,7) 6,0 (3,1)
Âge de l’enfant à la mesure
≤ 4,99 ans (n et %) 103 611 (61,1) 750 (53,0) 78 569 (60,9) 22 189 (62,6)Note de bas de page * 2 103 (57,3)
5,00 à 5,99 ans (n et %) 58 425 (34,5) 580 (41,0) 44 707 (34,7) 11 770 (33,2) 1 368 (37,2)
≥ 6,00 ans (n et %) 7 429 (4,3) 85 (6,0) 5 675 (4,4) 1 467 (4,1) 202 (5,5)
Caractéristiques concernant la naissance et la petite enfance
Faible poids pour l’âge gestationnel (n et %) 17 243 (10,2) 407 (28,8) 14 393 (11,2) 2 179 (6,2)Note de bas de page * 264 (7,2)Note de bas de page *
Poids approprié pour l’âge gestationnel (n et %) 138 200 (81,6) 973 (68,8) 105 841 (82,1) 28 519 (80,5) 2 867 (78,1)
Poids élevé pour l’âge gestationnel (n et %) 14 022 (8,3) 35 (2,5) 8 717 (6,8) 4 728 (13,3) 542 (14,8)
Poids à la naissance (en g) (moyenne et ET) 3311,4 (563,0) 2 894,9 (685,8) 3 272,3 (556,5) 3 455,4 (548,2) 3 457,9 (575,4)
Groupe ethnique des enfantsNote de bas de page a
Population générale (n et %) 152 479 (90,0) 1 092 (77,2) 11 5467 (89,5) 32 625 (92,1) 3 295 (89,7)
Sud-Asiatique (n et %) 7 784 (4,6) 245 (17,3) 5 854 (4,5) 1 417 (4,0) 268 (7,3)
Chinois (n et %) 8 202 (5,4) 78 (5,5) 7 630 (5,9) 1 384 (3,9) 110 (3,0)
Statut d’immigration de la mère
Née au Canada (n et %) 129 500 (76,4) 929 (65,7) 99 011 (76,8) 27 020 (76,3) 2 540 (69,2)
Née à l’étranger (n et %) 39 965 (23,6) 486 (34,3) 29 940 (23,2) 8 406 (23,7) 1 133 (30,8)
Résidence
Milieu urbain (n et %) 130 982 (77,3) 1 158 (82,4) 99 616 (77,7) 27 303 (77,7) 2 905/3 641 (79,8)
Milieu suburbain (n et %) 28 550 (16,9) 179 (12,7) 22 014 (17,2) 5 816 (16,5) 541/3 641 (14,9)
Milieu ruralNote de bas de page b (n et %) 8 877 (5,2) 69 (4,9) 6 576 (5,1) 2 037 (5,8) 195/3 641 (5,4)
Revenu des ménages à l’échelle du quartier (en $ CA) (moyenne et ET) 85 551 (20 945) 84 176 (19 677) 86 247 (20 917) 83 620 (20 929) 80 211 (20 567)
Données sur la défavorisation matérielle de Pampalon (quintilesNote de bas de page c)
Q1 (n et %) 57 003 (33,6) 354 (25,7) 45 543 (36,5) 10 385 (30,4) 721 (20,4)
Q2 (n et %) 37 688 (22,2) 314 (22,8) 28 944 (23,2) 7 695 (22,5) 735 (20,8)
Q3 (n et %) 28 389 (16,8) 261 (19,0) 21 164 (17,0) 6 275 (18,3) 689 (19,5)
Q4 (n et %) 20 753 (12,2) 233 (16,9) 15 033 (12,0) 4 809 (14,1) 656 (18,5)
Q5 (n et %) 20 103 (11,9) 215 (15,6) 14 111 (11,3) 5 040 (14,7) 737 (20,8)
Données sur la défavorisation sociale de Pampalon (quintilesNote de bas de page c)
Q1 (n et %) 37 793 (22,3) 398 (28,9) 29 437 (23,6) 7 231 (21,1) 727 (20,5)
Q2 (n et %) 31 057 (18,3) 245 (17,8) 23 947 (19,2) 6 272 (18,3) 593 (16,8)
Q3 (n et %) 32 596 (19,2) 273 (19,8) 24 653 (19,8) 6 958 (20,3) 712 (20,1)
Q4 (n et %) 34 495 (20,4) 226 (16,4) 26 075 (20,9) 7 403 (21,6) 791 (22,4)
Q5 (n et %) 27 973 (16,5) 235 (17,1) 20 683 (16,6) 6 340 (18,5) 715 (20,2)
Tableau 2. Résultats de la régression multinomiale des déterminants sociaux de la santé en fonction des catégories de poids des enfants
Déterminants sociaux de la santé Insuffisance pondérale
(n = 1 406)
 Surpoids
(n = 35 152)
Obésité
(n = 3 641)
RRR (IC à 95 %) p RRR (IC à 95 %) p RRR (IC à 95 %) p
Sexe (garçon vs fille) 1,03 (0,93 à 1,15) 0,525 1,28 (1,25 à 1,31) < 0,001 1,70 (1,59 à 1,82) < 0,001
Âge lors de la mesure de l’IMC (par tranche d’un mois) 1,03 (1,02 à 1,03) < 0,001 0,99 (0,99 à 1,00) < 0,001 1,01 (1,01 à 1,02) < 0,001
Groupe ethnique (chinois vs population générale)Note de bas de page a 1,14 (0,89 à 1,45) 0,312 0,64 (0,61 à 0,69) < 0,001 0,51 (0,42 à 0,62) < 0,001
Groupe ethnique (sud-asiatique vs population générale)Note de bas de page a 4,14 (3,54 à 4,84) < 0,001 0,80 (0,75 à 0,85) < 0,001 1,39 (1,22 à 1,60) < 0,001
Mère immigrante vs mère non immigrante 0,72 (0,63 à 0,82) < 0,001 0,97 (0,95 à 1,00) 0,097 0,71 (0,66 à 0,77) < 0,001
Revenu du quartier (par augmentation de 10 000 $ CA) 0,98 (0,95 à 1,00) 0,103 0,95 (0,94 à 0,95) < 0,001 0,88 (0,86 à 0,90) < 0,001
Milieu de résidence rural vs urbain 1,03 (0,80 à 1,33) 0,808 1,04 (0,99 à 1,10) 0,117 0,91 (0,78 à 1,06) 0,233

Nos analyses relatives au revenu des ménages à l’échelle du quartier ont révélé que la probabilité de surpoids (RRR = 0,95, IC à 95 % : 0,94 à 0,95) ou d’obésité (RRR = 0,88, 0,86 à 0,90) chez les enfants diminuait avec chaque passage à la tranche de revenu de 10 000 $ CA supérieure (p < 0,001). Notre premier modèle n’a pas permis d’établir une association statistiquement significative entre le milieu de résidence (urbain/rural) et le risque lié au statut pondéral des enfants.

Dans le tableau 3, les données montrent les associations entre la défavorisation matérielle et le statut pondéral des enfants. Les enfants du quintile le plus défavorisé sur le plan matériel présentaient (par rapport au quintile le moins défavorisé) un risque plus grand d’insuffisance pondérale (RRR = 1,36, IC à 95 % : 1,13 à 1,62), de surpoids (RRR = 1,52, 1,46 à 1,58) ou d’obésité (RRR = 2,83, 2,54 à 3,15; p < 0,001 dans tous les cas). Le risque de surpoids et d’obésité augmente proportionnellement au niveau de défavorisation matérielle dans tous les quintiles. Le risque le plus élevé, de même que les écarts les plus importants entre les quintiles sur le plan du risque, sont liés à l’obésité.

Tableau 3. Associations entre le quintile de défavorisation matérielle et les catégories de poids des enfants
Quintile de défavorisation matérielle Insuffisance pondérale
(n = 1 415)
Surpoids
(n = 28 128)
Obésité
(n = 7 298)
RRR (IC à 95 %) p RRR (IC à 95 %) p RRR (IC à 95 %) p
Q2 vs Q1 1,31 (1,12 à 1,53) 0,001 1,15 (1,11 à 1,19) < 0,001 1,53 (1,38 à 1,70) < 0,001
Q3 vs Q1 1,38 (1,17 à 1,62) < 0,001 1,29 (1,24 à 1,33) < 0,001 1,90 (1,70 à 2,11) < 0,001
Q4 vs Q1 1,53 (1,29 à 1,82) < 0,001 1,37 (1,32 à 1,43) < 0,001 2,42 (2,17 à 2,70) < 0,001
Q5 vs Q1 1,36 (1,13 à 1,62) 0,001 1,52 (1,46 à 1,58) < 0,001 2,83 (2,54 à 3,15) < 0,001

Les données du tableau 4 montrent les associations entre la défavorisation sociale et le statut pondéral des enfants. Les enfants du quintile le plus défavorisé sur le plan social présentaient (par rapport au quintile le moins défavorisé) un risque plus grand de surpoids (RRR = 1,21, IC à 95 % : 1,17 à 1,26) ou d’obésité (RRR = 1,40, 1,26 à 1,56; p < 0,001 dans les deux cas). Le risque de surpoids était le même chez les enfants des deuxième et troisième quintiles les plus défavorisés (Q3 et Q4). Même si tous les RRR n’étaient pas statistiquement significatifs, le risque d’obésité augmente proportionnellement au niveau de défavorisation sociale dans tous les quintiles.

Tableau 4. Associations entre les quintiles de défavorisation sociale et les catégories de poids des enfants
Quintile de défavorisation sociale Insuffisance pondérale
(n = 1 415)
Surpoids
(n = 28 128)
Obésité
(n = 7 298)
RRR (IC à 95 %) p RRR (IC à 95 %) p RRR (IC à 95 %) p
Q2 vs Q1 0,87 (0,74 à 1,02) 0,094 1,05 (1,01 à 1,09) 0,011 1,03 (0,92 à 1,15) 0,604
Q3 vs Q1 0,94 (0,80 à 1,10) 0,449 1,13 (1,09 à 1,17) < 0,001 1,18 (1,06 à 1,31) 0,003
Q4 vs Q1 0,76 (0,64 à 0,90) 0,002 1,13 (1,09 à 1,17) < 0,001 1,25 (1,12 à 1,38) < 0,001
Q5 vs Q1 0,98 (0,83 à 1,16) 0,832 1,21 (1,17 à 1,26) < 0,001 1,40 (1,26 à 1,56) < 0,001

Analyse

L’objectif de notre étude était l’analyse des associations entre les principaux déterminants sociaux de la santé et le statut pondéral d’une vaste population d’enfants d’âge préscolaire. Nos analyses ont révélé plusieurs points importants. Nous avons constaté que, comparativement à la population générale, les enfants d’origine chinoise présentaient un moindre risque de surpoids ou d’obésité et les enfants d’origine sud‑asiatique présentaient un plus grand risque d’insuffisance pondérale ou d’obésité. Les enfants de mère immigrante avaient un moindre risque d’insuffisance pondérale et d’obésité que les enfants dont la mère était née au Canada. Plus le revenu des ménages du quartier était élevé, moins les enfants risquaient d’appartenir aux catégories « surpoids » ou « obésité ». Les enfants du quintile le plus défavorisé sur le plan matériel présentaient un plus grand risque d’insuffisance pondérale, de surpoids ou d’obésité. Enfin, les enfants du quintile le plus défavorisé sur le plan social présentaient un plus grand risque de surpoids ou d’obésité que les enfants du quintile le moins défavorisé. Dans l’ensemble, cette étude enrichit la littérature, limitée, sur l’incidence des déterminants sociaux de la santé sur le poids des enfants d’âge préscolaire.

L’origine chinoise a été associée à un risque d’embonpoint moindre chez les enfants, un résultat qui concorde avec le taux relativement faible d’embonpoint chez les enfants d’origine chinoise en Amérique et chez les enfants et les adolescents canadiens d’origine est‑asiatiqueNote de bas de page 31Note de bas de page 32. Toutefois, l’association que nous avons révélée entre l’origine sud‑asiatique et des risques accrus d’insuffisance pondérale et d’obésité chez les enfants est digne de mention et nouvelle. Bien qu’une tendance semblable ait été observée chez les enfants vivant dans les pays d’Asie du Sud, ces populations avaient un revenu faible ou médiocreNote de bas de page 33. À notre connaissance, peu d’études se sont intéressées à l’origine sud‑asiatique et à l’insuffisance pondérale des enfants dans les pays à revenu élevé comme le Canada.

Le risque accru d’insuffisance pondérale que nous avons constaté chez les enfants d’origine sud‑asiatique peut s’expliquer par le fait que notre étude n’a pas appliqué de seuils d’IMC spécifiques au groupe ethnique pour définir le statut pondéral des enfants. Ces seuils tiennent compte des particularités morphologiques associées à un groupe ethnique précis : par exemple, une étude menée au Royaume‑Uni a montré que les enfants sud-asiatiques avaient une masse adipeuse plus importante (par rapport aux enfants blancs), si bien que les auteurs ont demandé des seuils d’IMC plus bas pour catégoriser les enfants sud‑asiatiquesNote de bas de page 34. Nous avons toutefois confiance envers les critères de l’OMS, qui reposent sur des lignes directrices fondées sur de vastes échantillons d’enfants élevés dans des environnements optimaux provenant de diverses régions, dont l’IndeNote de bas de page 35. Les Diététistes du Canada, qui ont tenu compte de différences ethniques similaires, continuent à recommander les tableaux de l’OMS comme meilleure référence disponible pour surveiller la croissanceNote de bas de page 26. D’autres recherches qualitatives pourraient permettre d’éclaircir les différences de résultats liées au groupe ethnique.

Nos constatations laissent penser que le statut d’immigrante de la mère a un effet protecteur contre l’insuffisance pondérale et l’obésité chez les enfants, ce qui peut s’expliquer par le maintien d’habitudes alimentaires plus saines chez les nouveaux immigrantsNote de bas de page 36. Nos constatations contrastent avec un rapport précédent selon lequel les enfants d’immigrants de deuxième génération (parents nés au Canada mais grands-parents nés à l’étranger) affichaient des scores z moyens d’IMC plus élevés que les enfants d’immigrants de première génération (parents nés à l’étranger) et que les autres enfants de parents nés au Canada, bien que cela soit probablement attribuable à l’inclusion de populations plus âgées dans le rapportNote de bas de page 11. Compte tenu de l’absence de données publiées sur l’association entre le statut d’immigration de la mère et l’insuffisance pondérale chez les enfants dans les pays à revenu élevé comme le Canada, nos constatations offrent une nouvelle perspective sur cet enjeu.

À l’instar de la littérature existante, nous avons constaté que plus le revenu des ménages du quartier était élevé, plus le risque de surpoids était faible. Par exemple, Fiechtner et ses collaborateursNote de bas de page 37 ont étudié une vaste fourchette d’âge (4 à 18 ans) dans leur recherche sur le revenu médian du quartier en lien avec le statut pondéral des enfants, et ont constaté que des revenus plus faibles à l’échelle du quartier amplifiaient les effets néfastes de l’environnement alimentaire (comme la proximité de dépanneurs) sur l’augmentation du score z de l’IMC des enfants. Oliver et HayesNote de bas de page 38 ont obtenu des résultats semblables dans leur analyse des données recueillies auprès d’enfants canadiens (de 2 à 11 ans) : les valeurs percentiles de l’IMC étaient particulièrement élevées chez les enfants vivant dans un quartier à faible revenu. L’association entre le revenu à l’échelle du quartier et le statut pondéral des enfants peut relever de différences dans la structure du quartier, certains éléments pouvant nuire au maintien d’une alimentation saine (accès aux épiceriesNote de bas de page 39 et aux comptoirs de restauration rapideNote de bas de page 40) et à l’activité physique (augmentation du temps passé devant un écranNote de bas de page 41) chez les enfants.

Notre constatation selon laquelle le degré de défavorisation matérielle est associé au risque de surpoids et d’obésité concorde avec les résultats obtenus par Carter et ses collaborateursNote de bas de page 13, qui ont mentionné une association positive entre la défavorisation matérielle du quartier et un poids plus élevé chez des enfants de 4 à 10 ans. L’incidence de la défavorisation matérielle sur le poids des enfants peut s’expliquer par des obstacles liés au revenu ou à l’emploi des parents qui nuisent à l’adoption de saines habitudes de vie (temps limité, fonds limités), ce qui se manifeste par un surpoids ou de l’obésité chez les enfants. Fait intéressant, nous avons constaté que l’augmentation de la défavorisation matérielle était également associée à un risque accru d’insuffisance pondérale chez les enfants. Il existe actuellement peu de données sur les associations entre la défavorisation matérielle et l’insuffisance pondérale chez les enfants dans les pays à revenu élevé. Une étude menée au Royaume-Uni n’a pas révélé d’association entre la défavorisation et la prévalence de l’insuffisance pondérale chez les enfantsNote de bas de page 42. Étant donné que notre étude est la première à évoquer une association entre la défavorisation matérielle et l’insuffisance pondérale dans un pays à revenu élevé, des études approfondies du mécanisme par lequel la défavorisation matérielle influe sur le statut pondéral sont nécessaires pour éclaircir cette association.

Nous avons également constaté que la défavorisation sociale était associée à un risque accru de surpoids chez les enfants. Nos constatations contrastent avec celles de Carter et ses collaborateursNote de bas de page 13, qui ont constaté une association inverse entre la défavorisation sociale et la prise de poids des enfants. Toutefois, leur étude portait sur une cohorte plus petite (n = 1 580) et une tranche d’âge plus large (4 à 10 ans), tandis que nos résultats brossent un portrait plus complet de la tranche d’âge de la population étudiée. L’association que nous avons constatée pourrait s’expliquer par la présence potentiellement accrue de facteurs de stress et de dépression chez les parents socialement défavorisés, qui seraient de ce fait moins enclins à encourager une alimentation saine et l’activité physique chez leurs enfants. Des associations positives ont été relevées entre la dépression chronique de la mère et le risque accru de surpoids chez l’enfantNote de bas de page 43.

Points forts et limites

Notre étude enrichit la littérature, limitée, sur les déterminants du statut pondéral chez les enfants d’âge préscolaire au Canada, en faisant ressortir certaines des associations complexes entre les déterminants sociaux de la santé et le statut pondéral des enfants. Ce projet repose sur une importante base de données sur les enfants de même que sur des mesures variables objectives qui ont été recueillies et analysées au moyen de procédures uniformes.

Malgré ces points forts, nous sommes conscients de l’existence de certaines limites. Premièrement, l’algorithme des groupes ethniques utilisé dans notre étude ne classait les données que dans trois catégories, ce qui limite la précision de nos constatations et notre capacité à les généraliser à des groupes ethniques autres que sud‑asiatique et chinois. Étant donné que le classement des enfants a été effectué à partir des noms de famille seulement, il est également possible que les enfants d’origine mixte aient été mal classés. Néanmoins, l’algorithme a généré une catégorisation de haut niveau des groupes ethniques, ce qui nous a permis d’établir des niveaux différents de risque pour chacun d’eux. Deuxièmement, même si la disponibilité des données utilisées variait au fil des années visées par notre étude, nous avons pu travailler avec un ensemble de données volumineux et informatif. Troisièmement, notre étude ne comprenait pas suffisamment de données sur les enfants vivant en dehors d’Edmonton et de Calgary, ce qui limite notre perspective sur les collectivités rurales et éloignées, où le surpoids pourrait être plus répandu. Quatrièmement, le registre central des intervenants du régime d’assurance‑maladie de l’Alberta utilisé pour déterminer le statut d’immigration de la mère ne saisit pas la migration secondaire (la résidence antérieure dans une autre province) et la durée de résidence en Alberta, ce qui aurait pu fournir une perspective supplémentaire sur les associations entre l’immigration des mères au Canada et le poids des enfants. Cinquièmement, étant donné que cette cohorte exclut les enfants scolarisés à domicile et les enfants non vaccinés, il existe un biais potentiel en raison de l’absence de représentation de cette population.

Notre étude indique que les politiques et les interventions visant à maintenir un poids santé chez les enfants devraient tenir compte des déterminants sociaux de la santé des populations ciblées. Des politiques conçues pour réduire les facteurs obésogènes liés au faible revenu (accessibilité alimentaire, possibilités de loisirs, etc.) ou des interventions fondées sur des approches culturellement adaptées pour les populations à risque (par exemple en lien avec l’ethnicité sud‑asiatique) pourraient être bénéfiques.

Conclusion

Dans le cadre d’une vaste étude de cohorte rétrospective dans la population, nous avons constaté des associations significatives entre le groupe ethnique, le statut d’immigration de la mère, le revenu des ménages du quartier, la défavorisation et le statut pondéral de l’enfant. Ces associations laissent entrevoir un problème de malnutrition chez les personnes d’origine sud-asiatique, un effet protecteur du statut d’immigrante de la mère contre un poids malsain chez l’enfant, des associations entre la défavorisation matérielle et l’insuffisance pondérale chez les enfants ainsi qu’une association entre la défavorisation sociale et le surpoids chez les enfants. D’autres recherches sur les mécanismes à l’origine de ces associations sont nécessaires pour orienter la planification des politiques et les interventions ciblées.

Remerciements

Cette étude a été financée par une subvention attribuée à l’issue d’un concours du Novo Nordisk Alberta Diabetes (NOVAD) Fund, offerte par l’University Hospital Foundation, le gouvernement de l’Alberta et Novo Nordisk Canada, Inc. et fondée en partie sur les données fournies par Santé Alberta et Services de santé Alberta (AHS). Nous remercions le service de gestion des relations avec la clientèle et d’accès aux données de Santé Alberta pour avoir créé la base de données jumelées. PK est titulaire d’une chaire de recherche sur le sexe et le genre des Instituts de recherche en santé du Canada et d’une chaire de recherche de la Fondation des maladies du cœur du Canada. GDCB est titulaire de la chaire AHS de recherche sur l’obésité.

Énoncé sur la disponibilité des données

Les données sur lesquelles s’appuie cet article ont été fournies par le gouvernement de l’Alberta en vertu d’un accord de recherche. Les demandes de renseignements concernant l’accès aux données peuvent être envoyées à l’adresse suivante : health.resdata@gov.ab.ca.

Conflits d’intérêts

GDCB a été membre du Comité consultatif national d’experts en obésité pédiatrique de Novo Nordisk Canada. Les autres auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.

Contributions des auteurs et avis

Conception : JW, GDCB. Méthodologie : JW, DCD, AS, GDCB. Analyse formelle : AS, JW. Rédaction de la première version du manuscrit : JW. Révisions et relectures du manuscrit : JW, PK, AS, SI, DCD, LEM, AMH, GDCB.

Le contenu de l’article et les points de vue qui y sont exprimés n’engagent que les auteurs; ils ne correspondent pas nécessairement à ceux du gouvernement de l’Alberta ou du gouvernement du Canada. Ni le gouvernement de l’Alberta ni le ministère de la Santé de l’Alberta ne se sont prononcés sur cette étude.

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