Aperçu – Identité de genre et attirance sexuelle chez les jeunes Canadiens : résultats de l’Enquête canadienne sur la santé des enfants et des jeunes de 2019

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Chinchin Wang, M. Sc.Note de rattachement des auteurs 1Note de rattachement des auteurs 2Note de rattachement des auteurs 3; Gregory Butler, M. Sc.Note de rattachement des auteurs 1; Suzy L. Wong, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1; Colin Steensma, M. Sc.Note de rattachement des auteurs 1; Beth Jackson, M.A., Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1; Marisol T. Betancourt, M. Sc., M.D.Note de rattachement des auteurs 1; Karen C. Roberts, M. Sc.Note de rattachement des auteurs 1

https://doi.org/10.24095/hpcdp.43.6.04f

Rattachement des auteurs
Correspondance

Karen C. Roberts, Centre de surveillance et de recherche appliquée, Agence de la santé publique du Canada, salle 729-A4, 785, avenue Carling, Ottawa (Ontario)  K1A 0K9; tél. : 613‑697-8386; courriel : karen.c.roberts@phac-aspc.gc.ca

Citation proposée

Wang C, Butler G, Wong SL, Steensma C, Jackson B, Betancourt MT, Roberts KC. Identité de genre et attirance sexuelle chez les jeunes Canadiens : résultats de l’Enquête canadienne sur la santé des enfants et des jeunes de 2019. Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada. 2023;43(6):332-339. https://doi.org/10.24095/hpcdp.43.6.04f

Résumé

L’identité de genre et l’attirance sexuelle sont des déterminants importants de la santé. Cette étude fait état de la répartition des identités de genre et de l’attirance sexuelle chez les jeunes Canadiens à l’aide des données de l’Enquête canadienne sur la santé des enfants et des jeunes de 2019. Parmi les jeunes de 12 à 17 ans, 0,2 % se sont identifiés comme non binaires et 0,2 % comme transgenres. Chez les jeunes de 15 à 17 ans, 21,0 % des répondants, dont un nombre plus élevé de personnes s’identifiant comme étant de genre féminin que de personnes de genre masculin, ont déclaré avoir une attirance non exclusive envers des personnes du genre opposé. Compte tenu des associations connues entre, d’une part, la santé et, d’autre part, le genre et l’attirance physique, il est recommandé de procéder à un suréchantillonnage des groupes sexuels minoritaires dans les études à venir pour obtenir des estimations fiables permettant de cerner les iniquités et pour orienter les politiques.

Mots-clés : identité de genre, orientation sexuelle, jeunes, personnes transgenres, minorités sexuelles et de genre, Canada

Points saillants

  • Le genre et l’attirance sexuelle en tant que dimension de l’orientation sexuelle sont des déterminants importants de la santé chez les jeunes.
  • La collecte de renseignements sur le genre et l’attirance sexuelle dans le cadre des activités habituelles de surveillance de la santé publique est importante pour relever les iniquités et orienter les politiques.
  • Cette étude fait état d’estimations représentatives à l’échelle nationale de la répartition des genres et de l’attirance sexuelle chez les jeunes Canadiens.
  • Cette étude répertorie les populations (non binaires, transgenres et jeunes ayant une attirance envers des personnes du même genre) devant faire l’objet d’un suréchantillonnage ou d’autres approches afin de garantir que des estimations fiables puissent être obtenues dans le cadre de la surveillance de la santé publique.

Introduction

Le genre et l’orientation sexuelle sont des déterminants importants de la santé chez les adultesNote de bas de page 1Note de bas de page 2Note de bas de page 3Note de bas de page 4Note de bas de page 5 et les jeunesNote de bas de page 6Note de bas de page 7Note de bas de page 8Note de bas de page 9Note de bas de page 10, et les données relatives à ces variables devraient être recueillies de façon systématique dans le cadre des activités de surveillance de la santé publique pour relever les iniquités et orienter les politiques.

Statistique Canada a récemment élaboré des normes en matière de données pour le sexe et le genreNote de bas de page 11, et a mené des consultations pour établir des normes semblables en matière d’orientation sexuelleNote de bas de page 12. Le genre désigne « l’identité personnelle et sociale d’un individu en tant qu’homme [genre masculin], femme [genre féminin] ou personne non binaire »Note de bas de page 13. Les catégories de genre et les expressions normatives du genre varient selon les contextes historique, culturel et social. Le sexe à la naissance, en revanche, est déterminé à partir d’un ensemble de caractéristiques anatomiques et physiologiquesNote de bas de page 13. Le terme « cisgenre » désigne une personne dont l’identité de genre correspond au sexe qui lui a été assigné à la naissance. Le terme « transgenre » désigne une personne dont l’identité de genre ne correspond pas au sexe qui lui a été assigné à la naissanceNote de bas de page 14. Le terme « non binaire » englobe les personnes dont l’identité de genre n’est pas exclusivement masculine ou féminineNote de bas de page 14. Ce terme est souvent utilisé comme terme générique pour les identités de genre autres que binaire (masculin/féminin), en particulier les personnes se définissant comme asexuées, de genre queer ou de genre fluideNote de bas de page 14Note de bas de page 15. Les personnes non binaires peuvent ou non s’identifier comme transgenresNote de bas de page 14.

L’orientation sexuelle comprend trois dimensions : l’attirance sexuelle (sexes ou genres des personnes envers lesquelles une personne ressent de l’attirance), l’identité sexuelle (désignation qu’une personne s’attribue, par exemple personne hétérosexuelle, bisexuelle, lesbienne ou gaie) et le comportement sexuel (sexes ou genres des personnes avec qui une personne vit des expériences sexuelles)Note de bas de page 16Note de bas de page 17. Les « minorités sexuelles » correspondent généralement aux personnes qui ont une attirance, une identité ou un comportement qualifiés de « non hétérosexuels » (personnes qui ne sont pas attirées exclusivement par des personnes du sexe/genre opposé, qui s’identifient comme non hétérosexuelles ou encore qui ont vécu des expériences sexuelles avec des personnes du même sexe/genre)Note de bas de page 17. L’orientation sexuelle diffère de l’orientation amoureuse (« romantic orientation »), qui désigne les sexes ou les genres des personnes avec lesquelles une personne désire avoir une relation amoureuseNote de bas de page 18. Enfin, le terme « personne bispirituelle » est utilisé par les peuples autochtones en Amérique du Nord pour désigner un large éventail d’identités sexuelles et de genre, et des termes variés sont également utilisés dans plusieurs langues autochtonesNote de bas de page 19.

Les études révèlent que les personnes non binaires, transgenres, bispirituelles et les personnes issues de groupes sexuels minoritaires au Canada font face à un vaste éventail d’iniquités sanitaires et sociales comparativement aux personnes cisgenres et hétérosexuellesNote de bas de page 1Note de bas de page 2Note de bas de page 3Note de bas de page 4Note de bas de page 5Note de bas de page 19Note de bas de page 20, notamment de moins bons résultats sur le plan de la santé mentale chez les jeunesNote de bas de page 6Note de bas de page 7.

La répartition des orientations sexuelles est variable en fonction de la dimension qui est analysée. Il n’est pas toujours possible de recueillir des données pour chaque dimension en raison de contraintes pratiques, et il n’est pas nécessairement souhaitable ou approprié de mesurer toutes ces dimensions pour toutes les populations. Par exemple, l’identité sexuelle d’une personne se développe au fil du temps et peut évoluer, en particulier à l’adolescence et au début de l’âge adulteNote de bas de page 17Note de bas de page 21. Le comportement sexuel est aussi appelé à changer – de nombreux jeunes n’ont pas encore eu d’expériences sexuellesNote de bas de page 17, et les comportements sont influencés par les possibilités ainsi que par l’identité et l’attiranceNote de bas de page 22. Bien que l’attirance sexuelle puisse également changer au fil du temps, des études révèlent que les questions liées à l’attirance sexuelle sont plus faciles à comprendre pour les jeunes et que ceux‑ci considèrent l’attirance sexuelle comme l’élément principal de l’orientation sexuelleNote de bas de page 23Note de bas de page 24.

Peu d’études ont porté sur la répartition du genre et de l’attirance sexuelle (ou d’autres dimensions de l’orientation sexuelle) chez les jeunes CanadiensNote de bas de page 1Note de bas de page 25Note de bas de page 26. Il s’agit là d’une lacune importante, compte tenu des iniquités sanitaires et sociales connues associées à l’attirance sexuelle chez les jeunes qui s’identifient comme non binaires, transgenres, bispirituels et des personnes issues de groupes sexuels minoritaires. Cette étude fait état de la répartition des identités de genre et de l’attirance sexuelle dans un échantillon représentatif à l’échelle nationale des jeunes Canadiens.

Méthodologie

Source des données

Cette étude se fonde sur les données de l’Enquête canadienne sur la santé des enfants et des jeunes de 2019 (ECSEJ), une enquête transversale réalisée par Statistique CanadaNote de bas de page 27. La collecte de données a eu lieu du 11 février au 2 août 2019. L’ECSEJ portait sur un échantillon représentatif à l’échelle nationale des enfants et des jeunes de 1 à 17 ans, à l’exclusion de ceux vivant dans une réserve des Premières Nations ou dans tout autre peuplement autochtone et de ceux placés dans des foyers d’accueil ou vivant en institution. Le cadre d’échantillonnage était constitué de bénéficiaires de l’Allocation canadienne pour enfants, ce qui représente 98 % de la population de 1 à 17 ans dans toutes les provinces et 96 % de cette population dans tous les territoires. L’ECSEJ est une enquête menée par Statistique Canada en vertu de la Loi sur la statistique, et tous les participants ont donné leur consentement éclairé et leur assentiment. L’ECSEJ et la méthodologie utilisée pour réaliser l’enquête sont décrits plus en détail ailleursNote de bas de page 27.

Cette étude porte sur les jeunes de 12 à 17 ans. Les données ont été recueillies au moyen d’un questionnaire rempli en ligne ou dans le cadre d’un entretien téléphonique. Tous les jeunes ont été interrogés au sujet de leur identité de genre, tandis que seuls les jeunes de 15 à 17 ans ont été interrogés au sujet de leur attirance sexuelle. Les autres dimensions de l’orientation sexuelle (c’est-à-dire l’identité sexuelle et le comportement sexuel) n’ont pas été incluses dans l’ECSEJ.

L’échantillon compte 11 077 répondants de 12 à 17 ans ayant participé à l’ECSEJ de 2019 (5 301 jeunes de 15 à 17 ans; taux de réponse de 41,3 %). Les coefficients de pondération de l’enquête ont été fournis par Statistique Canada pour tenir compte du plan d’enquête et des non‑réponses ainsi que pour générer des estimations représentatives à l’échelle nationale. Les analyses ont été limitées aux répondants ayant fourni des données, soit 11 064 répondants (99,9 %) dans le cas de l’identité de genre et 5 254 répondants (99,1 %) dans le cas de l’attirance sexuelle.

Mesures

Sexe

On a demandé aux jeunes « Quel était votre sexe à la naissance? Par sexe, on entend le sexe assigné à la naissance. ». Les choix de réponse étaient « masculin » et « féminin ».

Identité de genre

On a demandé aux jeunes « Quel est votre genre? Par genre, on entend le genre actuel, qui peut différer du sexe assigné à la naissance ou de celui inscrit dans les documents légaux. » Les choix de réponse étaient « masculin », « féminin » ou « veuillez préciser votre genre ». Les jeunes qui avaient indiqué un genre autre que masculin ou féminin ont été classés dans la catégorie « non binaire ».

Personnes cisgenres et personnes non cisgenres

Les jeunes ayant indiqué un genre correspondant à leur sexe à la naissance ont été classés dans la catégorie « personne cisgenre ». Les jeunes s’identifiant à un genre autre que masculin ou féminin ont été classés dans la catégorie « personne non binaire ». Les jeunes s’identifiant au genre opposé au sexe qui leur a été assigné à la naissance ont été classés dans la catégorie « personne transgenre ». Bien que les personnes non binaires puissent ou non s’identifier comme transgenres, les normes de données de Statistique Canada considèrent que les « personnes non binaires » et les « personnes transgenres » appartiennent à des catégories différentes, la définition des personnes transgenres reposant sur le modèle binaire homme/femmeNote de bas de page 14. Dans la mesure où notre étude ne pouvait pas faire état de toutes les catégories en raison des échantillons de petite taille et de la forte variabilité de l’échantillonnage, les personnes non binaires et les personnes transgenres ont été regroupées dans la catégorie « personnes non cisgenres ».

Attirance sexuelle

On a demandé aux jeunes de 15 à 17 ans de choisir l’énoncé décrivant le mieux leurs sentiments : « attiré(e) seulement par les hommes », « attiré(e) surtout par les hommes », « attiré(e) autant par les femmes que par les hommes », « attiré(e) surtout par les femmes », « attiré(e) seulement par les femmes » ou « pas certain(e) ». Les jeunes cisgenres et transgenres ont été classés dans les catégories « attiré(e) seulement par des personnes du genre opposé », « attiré(e) par des personnes des deux genres », « attiré(e) seulement par des personnes du même genre » ou « pas certain(e) » selon leur attirance déclarée et leur identité de genre autodéclarée. Les jeunes non binaires ont été classés dans les catégories « attiré(e) par des personnes des deux genres », « attiré(e) seulement par un genre » ou « pas certain(e) ».

La catégorie « attiré(e) par des personnes des deux genres » a été subdivisée en plusieurs sous‑catégories : « attiré(e) surtout par des personnes du genre opposé », « attiré(e) autant par les deux genres » et « attiré(e) surtout par des personnes du même genre » lorsque la taille de l’échantillon était suffisante.

En raison de la taille insuffisante de l’échantillon, il n’a pas toujours été possible de réaliser des analyses en fonction de l’attirance sexuelle, particulièrement pour l’inclusion des jeunes non binaires. Par conséquent, pour cette analyse, tous les jeunes ont été classés dans la catégorie « attirance exclusive envers des personnes du genre opposé » ou dans la catégorie « attirance non exclusive envers des personnes du genre opposé » s’ils étaient attirés par des personnes des deux genres, par des personnes du même genre ou s’ils n’étaient pas certains, ou encore s’ils s’étaient identifiés comme non binaires. Des classifications semblables ont été utilisées dans d’autres étudesNote de bas de page 28Note de bas de page 29. Les répondants ayant choisi l’option « pas certain(e) » ont été exclus de l’analyse de sensibilité.

Analyses statistiques

Des statistiques descriptives ont servi à calculer les pourcentages et les intervalles de confiance à 95 % (IC à 95 %) pour les mesures de l’identité de genre, dans l’ensemble et après stratification selon le groupe d’âge (12 à 14 ans et 15 à 17 ans). Des statistiques descriptives ont également été utilisées pour calculer les pourcentages et les IC à 95 % pour les mesures de l’attirance sexuelle, dans l’ensemble et après stratification selon le genre (masculin et féminin). Toutes les statistiques ont été calculées au moyen de coefficients de pondération fournis par Statistique Canada afin de produire des estimations représentatives à l’échelle nationale. Nous avons calculé les IC à 95 % à l’aide de poids bootstrap. Deux tests d’hypothèses ont été employés pour évaluer les différences liées au genre selon l’âge et les différences liées à l’attirance sexuelle selon le genre sous un seuil de signification de 0,05. Les analyses ont été réalisées à l’aide du logiciel SAS Enterprise Guide 7.1 (SAS Institute, Inc., Cary, Caroline du Nord, États‑Unis).

Résultats

Identité de genre

Environ 0,5 % des jeunes Canadiens de 12 à 17 ans ont été classés dans la catégorie des personnes non cisgenres, tandis que 0,2 % s’identifiaient comme personnes non binaires et 0,2 % comme personnes transgenres (tableau 1). Le pourcentage de jeunes classés dans la catégorie des personnes non cisgenres ne différait pas selon le groupe d’âge.

Tableau 1. Identités de genre des jeunes Canadiens de 12 à 17 ans, dans l’ensemble et selon l’âge, Enquête canadienne sur la santé des enfants et des jeunes de 2019
Catégorie Ensemble
(N = 11 063)
% (IC à 95 %)
Jeunes de 12 à 14 ans
(n = 5 770)
% (IC à 95 %)
Jeunes de 15 à 17 ans
(n = 5 293)
% (IC à 95 %)
Genre
Féminin 48,5 (43,4 à 53,6) 48,1 (46,8 à 49,4) 49,0 (47,6 à 50,3)
Masculin 51,2 (46,9 à 55,6) 51,7 (50,4 à 53,0) 50,8 (49,4 à 52,2)
Non binaire 0,2Note de bas de page E (0,0 à 3,6) Note de bas de page F 0,2Note de bas de page E (0,1 à 0,4)
TotalNote de bas de page b 100 100 100
Personnes cisgenres/non cisgenres
Personnes cisgenres 99,5 (99,3 à 99,7) 99,5 (99,3 à 99,8) 99,5 (99,3 à 99,7)
Personnes non cisgenresNote de bas de page a 0,5Note de bas de page E (0,0 à 5,7) 0,5Note de bas de page E (0,2 à 0,8) 0,5Note de bas de page E (0,3 à 0,7)
  • Personnes non binaires
0,2Note de bas de page E (0,0 à 3,6) Note de bas de page F 0,2Note de bas de page E (0,1 à 0,4)
  • Personnes transgenres
0,2Note de bas de page E (0,1 à 3,7) Note de bas de page F 0,3Note de bas de page E (0,1 à 0,5)
0,5Note de bas de page E 0,5Note de bas de page E 0,5Note de bas de page E
TotalNote de bas de page b 100 100 100

Attirance sexuelle

Parmi les jeunes de 15 à 17 ans, 79,0 % ont déclaré avoir une attirance exclusive envers des personnes du genre opposé et 21,0 % ont déclaré avoir une attirance non exclusive envers des personnes du genre opposé (jeunes ayant une attirance envers des personnes des deux genres, jeunes incertains de leur attirance sexuelle, jeunes non binaires). Lorsque nous avons exclu de l’analyse de sensibilité les jeunes qui n’étaient pas certains de leur attirance sexuelle (n = 190, 3,6 %), la proportion de jeunes déclarant avoir une attirance non exclusive envers des personnes du genre opposé s’établissait à 17,8 % (23,7 % des filles, 11,9 % des garçons).

Parmi les jeunes cisgenres et transgenres de 15 à 17 ans qui se sont identifiés comme étant de genre masculin ou féminin, 79,3 % étaient attirés seulement par des personnes du genre opposé, 15,9 % étaient attirés par des personnes des deux genres, 1,0 % étaient attirés seulement par des personnes du même genre et 3,8 % n’étaient pas certains de leur attirance sexuelle (tableau 2). La majorité des jeunes ayant une attirance envers des personnes des deux genres étaient attirés surtout par des personnes du genre opposé. Les personnes de genre féminin étaient moins susceptibles d’avoir une attirance seulement envers des personnes du genre opposé comparativement aux personnes de genre masculin. Tous les jeunes transgenres ont déclaré être attirés par des personnes des deux genres ou être attirés seulement par des personnes du même genre (le pourcentage n’a pas pu être publié en raison de la petite taille de l’échantillon). Chez les jeunes non binaires de 15 à 17 ans, 69,9 % ont déclaré avoir une attirance envers des personnes des deux genres. Les autres avaient une attirance envers des personnes de genre féminin, envers des personnes de genre masculin ou n’étaient pas certains de leur attirance sexuelle (les pourcentages n’ont pas pu être publiés en raison de la petite taille de l’échantillon).

Tableau 2. Attirance sexuelle chez les jeunes de 15 à 17 ans, dans l’ensemble et selon le genre, Enquête canadienne sur la santé des enfants et des jeunes de 2019
Catégorie EnsembleNote de bas de page a (N = 5 254)
% (IC à 95 %)
Genre masculin (n = 2 571)
% (IC à 95 %)
Genre féminin (n = 2 683)
% (IC à 95 %)
Comparaison entre les genres (seuil de signification)
Attirance sexuelle
Attiré(e) seulement par des personnes du genre opposé 79,3 (77,8 à 80,7) 85,7 (83,8 à 87,5) 72,7 (70,4 à 75,0) Note de bas de page *
Attiré(e) par des personnes des deux genresNote de bas de page b 15,9 (14,6 à 17,3) 10,5 (8,9 à 12,2) 21,5 (19,4 à 23,7) Note de bas de page *
  • Attiré(e) surtout par des personnes du genre opposé
10,2 (9,0 à 11,3) 7,3 (5,9 à 8,8) 13,1 (11,3 à 14,9) Note de bas de page *
  • Attiré(e) également par les deux genres
4,7 (3,9 à 5,5) 2,5 (1,7 à 3,3) 7,0 (5,6 à 8,3) Note de bas de page *
  • Attiré(e) surtout par des personnes du même genre
1,1Note de bas de page E (0,7 à 1,4) Note de bas de page F 1,4Note de bas de page E (0,8 à 2,1) s.o.
15,9 10,5 21,5 s.o.
Attiré(e) seulement par des personnes du même genre 1,0Note de bas de page E (0,7 à 1,4) 1,1Note de bas de page E (0,6 à 1,6) 1,0Note de bas de page E (0,5 à 1,4) s.o.
Pas certain(e) 3,8 (3,1 à 4,5) 2,7 (2,0 à 3,5) 4,8 (3,6 à 6,0) Note de bas de page *
TotalNote de bas de page c 100 100 100 s.o.

Analyse

Cette étude présente les premières estimations représentatives à l’échelle nationale de la répartition des identités de genre et de l’attirance sexuelle chez les jeunes Canadiens de 12 à 17 ans.

Identité de genre

Parmi la population de jeunes étudiée, 0,2 % se sont identifiés comme non binaires et 0,2 % comme ayant une identité de genre différente du sexe qui leur a été assigné à la naissance (c’est‑à‑dire comme personnes transgenres). Ces estimations concordent de manière générale avec les données du Recensement de 2021, dans lequel 0,79 % des Canadiens de 15 à 24 ans se sont identifiés comme personnes non binaires ou transgenresNote de bas de page 25, ainsi qu’avec les résultats de l’enquête sur la santé des adolescents de la Colombie‑Britannique réalisée en 2013, où moins de 1 % des répondants s’étaient identifiés comme transgenresNote de bas de page 26. De même, 1,2 % des répondants se sont identifiés comme personnes transgenres dans une enquête populationnelle réalisée en Nouvelle‑Zélande auprès d’élèves du secondaireNote de bas de page 30, tandis que cette proportion était de 1,1 % dans une enquête représentative à l’échelle nationale réalisée aux États‑Unis auprès de jeunes de 14 à 17 ansNote de bas de page 31. Bien qu’elles représentent une petite proportion de la population, les personnes non binaires et transgenres se heurtent à un large éventail d’iniquitésNote de bas de page 1Note de bas de page 2Note de bas de page 3Note de bas de page 4Note de bas de page 5Note de bas de page 6Note de bas de page 7. Il faudrait envisager de procéder à un suréchantillonnage de ces groupes lors de la conception d’études de surveillance et de recherche afin d’obtenir des estimations fiables et de tirer des conclusions quant à leur santé et aux iniquités auxquelles ils font faceNote de bas de page 32.

Attirance sexuelle

Un pourcentage considérable de jeunes (21,0 %) a déclaré avoir une attirance non exclusive envers des personnes du genre opposé. Ce chiffre est similaire au pourcentage de jeunes ayant déclaré une identité sexuelle autre qu’hétérosexuelle dans l’enquête sur la santé des adolescents de la Colombie‑Britannique de 2013 (19 %)Note de bas de page 26, et considérablement plus élevée que dans l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2015 pour les jeunes de 15 à 24 ans (5,6 %)Note de bas de page 1. Les écarts dans les estimations peuvent s’expliquer par des différences relatives aux dimensions de l’orientation sexuelle et à la population évaluée, aux choix de réponse offerts ou encore aux tendances au fil du temps. En effet, on a observé au fil des années une augmentation de la proportion de personnes qui s’identifient comme personnes gaies, lesbiennes ou bisexuelles, en particulier chez les jeunes générationsNote de bas de page 33. Ailleurs qu’au Canada, on a constaté par exemple que 25,6 % des jeunes de 14 à 17 ans aux États‑Unis ont déclaré avoir une attirance non exclusive envers des personnes du genre opposé dans une enquête représentative à l’échelle nationaleNote de bas de page 31, comparativement à seulement 11,1 % des jeunes de 14 à 15 ans en AustralieNote de bas de page 34.

À l’instar des études portant sur l’identité sexuelle chez les jeunes et les adultes du CanadaNote de bas de page 1Note de bas de page 26, les femmes étaient plus susceptibles que les hommes de déclarer avoir une attirance non exclusive envers des personnes du genre opposé. Cette différence est en grande partie attribuable au fait que les femmes sont plus nombreuses à déclarer avoir une attirance envers des personnes des deux genres ou à être incertaines de leur attirance.

La variabilité de l’échantillonnage était élevée pour le pourcentage de jeunes « attirés surtout » et « attirés seulement » par des personnes du même genre. Le pourcentage de garçons « attirés surtout » par des personnes du même genre n’a pas pu être publié, tout comme la répartition de l’attirance sexuelle chez les jeunes non binaires ou transgenres. De manière générale, on recommande de publier les estimations pour toutes les catégories d’attirance sexuelle lorsque cela est possible, car l’état de santé peut différer d’un groupe à l’autreNote de bas de page 8, et cet élément devrait être pris en compte dans le plan d’échantillonnage des études de surveillance.

Pour évaluer les différences relatives à l’état de santé selon l’attirance sexuelle à l’aide des données actuelles, il peut s’avérer nécessaire de regrouper certaines catégories (par exemple l’attirance exclusive envers des personnes du genre opposé comparativement à attirance non exclusive envers des personnes du genre opposé) afin de pouvoir fournir des estimations fiables. La plupart des jeunes qui n’étaient pas attirés exclusivement par des personnes du genre opposé étaient « attirés surtout » par des personnes du genre opposé. Des études laissent entendre que certaines de ces personnes pourraient avoir une identité hétérosexuelle ou adopter des comportements hétérosexuelsNote de bas de page 35. Même si les jeunes qui n’étaient pas certains de leur attirance sexuelle ont été classés dans la catégorie des jeunes n’étant pas attirés exclusivement par des personnes du genre opposé, certains d’entre eux pourraient avoir une orientation hétérosexuelle ultérieurementNote de bas de page 36. Dans le cas des personnes attirées par des personnes du genre opposé, l’attirance se révèle relativement stable tout au long de l’adolescence et du début de l’âge adulte comparativement aux personnes attirées par des personnes du même genre ou des deux genres et aux personnes incertaines de leur attirance, même si les études semblent faire état de différences quant à la stabilité de l’orientation sexuelleNote de bas de page 21Note de bas de page 36Note de bas de page 37. Il peut par conséquent être pertinent de comparer les personnes qui sont attirées seulement par des personnes du genre opposé à celles qui déclarent toute autre forme d’attirance, en particulier dans les analyses transversales.

Points forts et limites

Il s’agit de la première étude décrivant la répartition de l’identité de genre et de l’attirance sexuelle chez les jeunes Canadiens de 12 à 17 ans et apportant une contribution importante à l’évolution de la compréhension de la portée de la diversité sexuelle et de genre au sein de cette population. Ces résultats font ressortir la nécessité d’accroître la recherche sur l’efficacité des politiques et des interventions pour réduire au minimum les iniquités en santé fondées sur le genre et l’attirance ou l’orientation sexuelle. Les études dont on dispose font état d’interventions visant à réduire la consommation de substances, les facteurs de stress d’ordre social et les préoccupations liées à la santé mentaleNote de bas de page 38Note de bas de page 39Note de bas de page 40, dont une étude d’intervention ciblant les jeunes qui ont une attirance envers des personnes du même genre et qui ont des idées suicidairesNote de bas de page 41. Jusqu’à présent cependant, les recherches ont été limitées, particulièrement chez les jeunes.

Cette étude comporte plusieurs limites. Malgré la taille importante de l’échantillon, une grande variabilité a été observée dans les pourcentages obtenus chez certains groupes. Il n’a pas été possible de déterminer la répartition de l’attirance envers certaines identités de genre particulières, notamment chez les jeunes bispirituels.

Le questionnaire ne précisait pas si l’attirance sexuelle envers les hommes et envers les femmes était fondée sur le genre ou sur le sexe. Aux fins de notre étude, nous avons supposé que l’attirance était fondée sur le genre plutôt que sur le sexe, ce qui n’est peut-être pas le cas pour tous les répondants.

Les identités non cisgenres et les orientations non hétérosexuelles sont souvent porteuses de stigmates, qui varient en fonction du contexte sociétal et culturelNote de bas de page 24Note de bas de page 42. Ces stigmates peuvent entraîner un biais de désirabilité sociale lors de la déclaration, de sorte que les pourcentages de personnes déclarant une identité non cisgenre et une attirance sexuelle non exclusive envers le genre opposé pourraient être sous‑estimés. Ces biais sont susceptibles de s’atténuer au fil du temps, grâce à la reconnaissance, à la visibilité et à l’acceptation de la diversité de genre et sexuelleNote de bas de page 42.

Enfin, cette étude se limitait à l’analyse de l’attirance sexuelle en tant que dimension de l’orientation sexuelle. Bien qu’il puisse sembler plus approprié de mesurer la dimension de l’attirance sexuelle chez les jeunes plutôt que les dimensions de l’identité sexuelle ou du comportement sexuel, l’attirance sexuelle ne concorde pas toujours avec les autres dimensions et peut entraîner des répercussions différentes sur la santéNote de bas de page 23Note de bas de page 24. Idéalement, la surveillance devrait englober les trois dimensions afin de surveiller les inégalités, de faciliter les recherches et de cibler les groupes ayant des besoins en santé publique.

Conclusion

Compte tenu des données autodéclarées, 0,2 % des jeunes Canadiens de 12 à 17 ans s’identifient comme non binaires et 0,2 % comme transgenres. Parmi les jeunes Canadiens de 15 à 17 ans s’identifiant de genre masculin, féminin ou non binaire, 79,0 % déclaraient avoir une attirance exclusive envers des personnes du genre opposé et 21,0 % avoir une attirance non exclusive envers des personnes du genre opposé. Des recherches antérieures ont révélé que ce dernier groupe se heurte à d’importantes iniquités sanitaires et sociales, tout comme d’autres minorités dont il est question dans notre étude. Les activités de surveillance et de recherche constituent une étape nécessaire en vue de réduire les iniquités. Les équipes de recherche devraient envisager de procéder à un suréchantillonnage ou d’adopter d’autres approches pour s’assurer d’obtenir des estimations fiables en ce qui concerne les jeunes non binaires et transgenres qui ont une attirance envers des personnes du même genre.

Conflits d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.

Contributions des auteurs et avis

Conception; rédaction, relecture et révision : CW, GB, SLW, CS, BJ, MTB et KCR. Méthodologie : CW et GB. Analyse officielle et rédaction de la première version du manuscrit : CW.

Le contenu de l’article et les points de vue qui y sont exprimés n’engagent que les auteurs; ils ne correspondent pas nécessairement à ceux du gouvernement du Canada.

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