Rapport sur la feuille de route de la taxonomie
Il est important de noter que les produits livrables et les rapports du CAFD au gouvernement du Canada représentent les points de vue du CAFD et, à ce titre, ne constituent pas la position officielle du gouvernement du Canada.
Table des matières
Introduction
Processus
À propos du présent rapport
Remerciements
Première partie : Occasions et risques d'une taxonomie
Notions sur la taxonomie de la finance verte et de transition
Occasions découlant de la taxonomie
Risques associés à la taxonomie
Discussion et recommandation
Deuxième partie : Conception de la taxonomie
Principaux facteurs de réussite
Modèle de gouvernance
Architecture du cadre
Priorité de développement futur
Troisième partie : Mise en œuvre
Annexe
Glossaire des principaux termes
Annexe 1 : Exemples de modèles de gouvernance à trois niveaux
Annexe 2 : Méthode pilote pour calculer la note des projets verts et de transition
Annexe 3 : Aperçu du marché de la finance durable
Nos principaux partenaires du savoir : L'Institut climatique du Canada; L'Institut de la finance durable
Sommaire
Le Canada doit rapidement augmenter ses investissements dans le domaine de la lutte contre les changements climatiques pour atteindre une économie à zéro émission nette d'ici 2050. Selon certaines estimations, le déficit d'investissement au Canada dans la lutte contre les changements climatiques atteindrait 115 milliards de dollars par année. Au cours des dernières années, de nombreux pays confrontés à un déficit d'investissement semblable ont élaboré des taxonomies au sein de cadres politiques plus larges pour aider à mobiliser les capitaux nécessaires pour atteindre les objectifs climatiques et à accélérer leur déploiement.
Les taxonomies proposent une approche normalisée qui sert de référence en vue de déterminer les activités économiques compatibles avec les objectifs climatiques nationaux et mondiaux. Elles établissent des critères de sélection qui permettent aux utilisateurs, comme les investisseurs, les entreprises et les intermédiaires financiers, d'évaluer la capacité des diverses activités économiques à soutenir la transition climatique (p. ex. en lien avec les décisions d'affaires et d'investissement). À l'échelle mondiale, les taxonomies se sont jusqu'à présent largement concentrées sur l'établissement de critères définissant les activités vertes; toutefois, de plus en plus d'efforts sont mis en œuvre pour inclure les activités de transition. Les taxonomies sont fréquemment utilisées pour définir les normes de classification des instruments financiers liés au climat (p. ex. obligations vertes), mais elles sont de plus en plus utilisées lorsque l'établissement d'une référence est jugé bénéfique, notamment dans les domaines de la gestion du risque climatique, de la transition nette zéro et de la divulgation climatique.
Compte tenu de l'urgence et de la complexité de la transition vers une économie à zéro émission nette, les taxonomies peuvent aider à déterminer avec une plus grande certitude si les activités économiques se placent sur une trajectoire de transition crédible et fondée sur la science. Elles peuvent contribuer à libérer les capitaux destinés à financer les projets climatiques et à accélérer leur déploiement, à atténuer le risque d'écoblanchiment et à promouvoir l'intégrité de la transition nette zéro. Dans ce contexte, des questions se posent quant à savoir si les taxonomies sont trop normatives et imposent un fardeau trop lourd, si elles peuvent s'adapter adéquatement à l'innovation sur les marchés et dans les technologies, et comment concilier l'urgence avec l'effort nécessaire sur plusieurs années pour élaborer des taxonomies crédibles et fondées sur la science.
En mai 2021, le Conseil d'action en matière de finance durable (CAFD) a reçu le mandat de formuler des conseils et des recommandations à la vice-première ministre et ministre des Finances ainsi qu'au ministre de l'Environnement et du Changement climatique du Canada sur la définition des investissements verts et des investissements de transition (taxonomie). Le CAFD a confirmé que la taxonomie est un domaine préliminaire d'intérêt et en a fait une priorité. Par la suite, il a mis sur pied un groupe d'experts techniques en taxonomie (GETT) pour réunir le leadership et l'expertise nécessaires à la réalisation de ce mandat. À la suite de recherches et d'efforts substantiels, le GETT a préparé le présent Rapport sur la feuille de route de la taxonomie, qui a été approuvé par le CAFD en septembre 2022.
Le Rapport sur la feuille de route de la taxonomie contient 10 recommandations portant sur les avantages, la conception et la mise en œuvre d'une taxonomie de la finance verte et de transition au Canada. Les recommandations sont présentées à la fin du sommaire et sont suivies d'un résumé de la proposition de valeur de la taxonomie.
Première partie : Occasions et risques d'une taxonomie
Le GETT recommande l'élaboration d'une taxonomie de la finance verte et de transition, étant donné que les occasions potentielles pour le Canada l'emportent largement sur les risques.
Une taxonomie canadienne peut :
- favoriser l'intégrité de la transition nette zéro au Canada en mobilisant des capitaux selon la trajectoire de transition et les objectifs climatiques du pays;
- contribuer à développer davantage le marché de la finance durable au Canada et à atténuer le risque d'écoblanchiment;
- être utilisée à différentes fins dans les secteurs public et privé où il serait utile d'avoir un outil normalisé qui servirait de référence aux activités liées au climat et à la transition;
- permettre au Canada de participer et de contribuer au dialogue sur la taxonomie mondiale, en particulier en ce qui a trait à l'intérêt économique du pays à favoriser une transition en douceur pour les secteurs à fortes émissions de carbone et pour les travailleurs de ces secteurs.
Une taxonomie canadienne peut favoriser l'intégrité de la transition nette zéro au Canada en mobilisant des capitaux selon la trajectoire de transition et les objectifs climatiques du pays.
Les risques comprennent la capacité de la taxonomie à s'adapter adéquatement aux innovations technologiques et à celles du marché; les ressources et le temps nécessaires pour élaborer une taxonomie crédible compte tenu de l'incertitude concernant son adoption et son utilisation; les répercussions potentielles sur la compétitivité avec les États-Unis, qui ne semblent pas être en train d'élaborer de taxonomie nationale. Bien que ces risques ne soient pas négligeables, ils peuvent en grande partie être atténués et gérés grâce à la conception et à la mise en œuvre efficace d'une taxonomie qui se distingue.
Deuxième partie : Conception de la taxonomie
La conception de la taxonomie aura des répercussions importantes sur son efficacité, sa crédibilité, sa facilité d'utilisation et son interopérabilité. C'est pourquoi le GETT s'est penché sur la façon dont la taxonomie de la finance verte et de transition au Canada devrait être conçue pour maximiser les occasions favorables et réduire les risques. L'architecture du cadre de taxonomie a été établie de concert avec l'Institut climatique du Canada.
Principaux facteurs de réussite
La liste ci-dessous résume les principaux fondements qui doivent être mis en place pour positionner la taxonomie canadienne sur la voie du succès.
Leadership et gouvernance
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Leadership conjoint du gouvernement fédéral et du secteur financier, avec une forte participation provinciale et autochtone, afin de maximiser la crédibilité et la facilité d'utilisation
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Gouvernance transparente, axée sur les résultats et qui protège l'intégrité scientifique
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Des ressources adéquates et un financement stable et prévisible à long terme
Objectifs, crédibilité et facilité d'utilisation
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Prioriser l'atténuation des changements climatiques, mais positionner l'initiative de façon à ce qu'elle se tourne rapidement vers d'autres éléments critiques, comme l'adaptation et la résilience aux changements climatiques
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Élaborer une taxonomie polyvalente qui permette la classification des instruments financiers liés au climat (p. ex. obligations, prêts) et puisse être utilisée à d'autres fins dans les secteurs privé et public
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Exiger que les sociétés émettrices s'engagent à publier un plan et des cibles pour atteindre zéro émission nette et divulguer l'information liée au climat, afin de s'assurer que la taxonomie soutienne une transition crédible
-
Favoriser des critères de sélection rigoureux et fondés sur la science qui sont régulièrement passés en revue afin de refléter l'innovation et la science du climat
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Promouvoir l'interopérabilité avec les principales taxonomies scientifiques à l'échelle mondiale afin de favoriser la confiance du marché et de réduire sa fragmentation
Gouvernance
Le modèle de gouvernance recommandé s'inspire des cadres de gouvernance fréquemment suivis par les organismes de normalisation et les taxonomies du secteur financier à l'échelle mondiale, tout en étant adapté aux besoins et aux circonstances propres à cette initiative canadienne. Le modèle de gouvernance se veut transparent et axé sur les résultats et vise à préserver l'intégrité scientifique de la taxonomie et de ses critères techniques. Par ailleurs, il est attendu que ce modèle de gouvernance et tous les autres aspects de l'initiative de taxonomie respecteront la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Le modèle de gouvernance comprend les éléments suivants :
- Conseil de la taxonomie (supervision et approbations) : dirigé par le gouvernement fédéral et le secteur financier, avec une forte participation provinciale et autochtone, le Conseil serait responsable de la gouvernance, de l'orientation stratégique et de la performance de l'initiative en matière de taxonomie. Il serait responsable de l'approbation de toutes les propositions de taxonomie à publier.
- Dépositaire de la taxonomie (élaboration de la taxonomie) : au sein d'un organisme indépendant, le dépositaire effectuerait le travail technique pour élaborer les propositions de taxonomie à proposer au Conseil pour approbation. Le Conseil peut demander une révision des propositions de taxonomie (sous réserve des règles de procédure) dans la mesure où cette révision ne porte pas atteinte à l'intégrité scientifique de la taxonomie et de ses critères techniques. Le dépositaire mènerait des activités de formation et de sensibilisation et répondrait aux commentaires et aux demandes de renseignements techniques.
- Groupes de travail techniques (expertise externe) : convoqués par le dépositaire, ces groupes de travail soutiendraient l'élaboration de critères techniques scientifiquement solides, crédibles et utilisables. Les groupes de travail peuvent être permanents ou temporaires et réunir une combinaison de spécialistes de l'industrie, du milieu universitaire et d'autres secteurs.
- Forum consultatif des parties prenantes (engagement et relations avec les parties prenantes) : le dépositaire créerait un forum consultatif pour les parties prenantes concernées par l'initiative en matière de taxonomie (p. ex. organismes sans but lucratif œuvrant dans le domaine de l'environnement, défenseurs de la lutte contre les changements climatiques, collectivités, secteurs, groupes du marché). Le Forum serait l'occasion pour le dépositaire d'informer les parties prenantes de l'avancement de l'initiative, de solliciter des commentaires dans le cadre des projets de consultation et de discuter des questions de mise en œuvre.
Le modèle de gouvernance vise à proposer une taxonomie d'application volontaire qui soit crédible et utilisable, et qui puisse servir à différentes fins. Il est entendu que ni le Conseil ni le dépositaire n'aurait la fonction de faire appliquer l'utilisation de la taxonomie.
Architecture du cadre
Le GETT a élaboré, de concert avec l'Institut climatique du Canada, une architecture recommandée pour le cadre afin de guider l'élaboration de la taxonomie de la finance verte et de transition au Canada.
Dans ce cadre, l'objectif de la taxonomie est de favoriser l'émission d'instruments financiers verts ou de transition qui répondent à des critères compatibles avec l'objectif du Canada d'atteindre zéro émission nette d'ici 2050 ainsi qu'avec l'engagement pris à Paris de maintenir la hausse de la température mondiale sous la barre de 1,5 °C (par rapport au niveau préindustriel) pour toutes les catégories d'émissions (portées 1, 2 et 3)Note de bas de page 1.
Pour pouvoir émettre des instruments financiers verts ou de transition admissibles à la taxonomie, les sociétés émettrices doivent satisfaire à trois catégories d'exigences :
Exigences générales : Les sociétés émettrices doivent se conformer aux exigences relatives à l'établissement de cibles vers zéro émission nette, à la planification de la transition et à la divulgation climatique, conformément aux nouvelles exigences réglementaires nationales et aux normes et pratiques exemplaires internationales. Ces exigences visent à s'assurer que les projets financés dans le cadre de la taxonomie soutiennent effectivement la transition
Exigences particulières : Les sociétés émettrices doivent utiliser un cadre de classification pour déterminer si le projet satisfait aux critères d'admissibilité des projets verts ou de transition selon la taxonomie, ou n'y est pas admissible par défautNote de bas de page 2.
Projets admissibles à l'émission d'instruments financiers verts :
- Projets ayant des émissions de portées 1 et 2 faibles ou nulles et des émissions en aval de portée 3 faibles ou nulles, ou destinés à produire des biens ou des services qui devraient afficher une forte croissance de la demande dans le cadre de la transition vers une économie mondiale à faibles émissions de carboneNote de bas de page 3. Par conséquent, les projets verts présentent des risques relativement limités liés à la transition. Exemples : production d'hydrogène vert, projets de boisement, fabrication de véhicules zéro émission (avec chaînes d'approvisionnement à faibles émissions de carbone), infrastructures de transport d'électricité.
Projets admissibles à l'émission d'instruments financiers de transition :
- Projets qui décarbonent des secteurs qui ont toujours généré beaucoup d'émissions de portées 1 et 2 (p. ex. fer et acier, produits chimiques, production d'aluminium et de ciment). Ces projets, en réduisant considérablement les émissions, améliorent la compétitivité des activités exposées à une augmentation du coût carbone au cours de la transition vers une économie mondiale à faibles émissions de carbone. Il s'agit de projets qui ne génèrent pas d'importantes émissions de portée 3 en aval et qui concernent des marchés qui devraient demeurer stables ou connaître une croissance pendant la transition (en raison de l'absence de solutions de rechange économiquement et techniquement viables). Exemples : aciérie qui installe un four électrique à arc, ou construction d'une usine de production d'hydrogène bleu avec un taux élevé de captage des émissions.
- Projets qui décarbonent des secteurs qui ont toujours généré beaucoup d'émissions de portée 3 en aval (p. ex. pétrole et gaz ou véhicules à essence). Il s'agit notamment de projets visant la vente de produits qui, en raison de leurs importantes émissions de portée 3 et de l'existence de solutions de rechange viables, devraient faire face à une baisse de la demande mondiale au cours de la transition. Pour être admissibles à la catégorie de transition, ces projets doivent avoir une durée de vie bien définie qui est à peu près proportionnelle à la baisse prévue de la demande mondiale dans le cadre de trajectoires compatibles avec un réchauffement de moins de 1,5 °C. En particulier, les projets pétroliers et gaziers admissibles doivent entraîner une importante réduction des émissions générées par les actifs existants. Exemples : installation d'un système de captage de méthane de calibre mondial dans des installations de production de gaz naturel existantes (d'une durée de vie courte à moyenne), ou installation d'une technologie de captage, d'utilisation et de stockage du carbone (CUSC) dans une usine existante de traitement des sables bitumineux (d'une durée de vie courte à moyenne).
Projets non admissibles :
- Tous les projets liés aux combustibles fossiles solides. Il s'agit d'activités à forte intensité d'émissions qui doivent être éliminées immédiatement afin de soutenir les objectifs visant à limiter l'augmentation des températures mondiales à moins de 1,5 °C (et idéalement à moins de 2,0 °C). Les technologies utilisées sont condamnées et il existe des solutions de rechange économiquement et techniquement viables. Exemples : mine de charbon thermique, installation de production d'électricité au charbon.
- Tout projet qui crée un frein à la décarbonation ou une « dépendance au sentier »; risque fortement d'être délaissé dans le cadre d'une transition nette zéro en raison de ses importantes émissions de portée 3 et de la baisse de la demande mondiale; génère des émissions de portées 1 et 2 qui sont incompatibles avec une transition nette zéro; et/ou n'est pas en mesure de s'adapter à la transition. Exemples : exploration et développement de nouveaux champs pétrolifères et projets industriels qui ne parviennent pas à réduire considérablement les émissionsNote de bas de page 4.
Les exemples de projets admissibles et non admissibles en vertu de la taxonomie présentés ci-dessus, et ceux qui figurent dans la partie principale du rapport, sont donnés à titre indicatif seulement. Ils visent à faciliter la lecture, mais n'établissent aucune contrainte quant aux activités et aux décisions futures. Le Conseil de la taxonomie prendra la décision finale sur ces questions, en fonction du travail technique du dépositaire de la taxonomie, y compris un examen approfondi des scénarios actuels et émergents concernant la transition nette zéro ainsi que d'autres considérations techniques fondées sur la science. Une attention particulière sera portée à l'établissement de critères fondés sur la science, reposant sur des seuils et des mesures d'émissions, qui différencient clairement les projets qui soutiennent la transition de ceux qui ne sont pas admissibles. Ces travaux devraient examiner la récente décision de l'Union européenne d'inclure des projets de production de gaz naturel et d'énergie nucléaire dans sa taxonomie (verte) de la finance durable, selon des seuils d'émissions stricts et des critères techniques sélectifs, y compris, pour le gaz naturel, exiger le remplacement d'une centrale alimentée au combustible fossile à fortes émissions par une installation de production au gaz naturel à faibles émissions (lorsqu'aucune solution d'énergie renouvelable n'est possible).
Exigence d'« absence de préjudice important » : La société émettrice doit évaluer le projet en fonction du critère d'« absence de préjudice important » pour s'assurer que le projet ne nuit pas aux autres objectifs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) (p. ex. construction d'éoliennes dans un milieu humide). Si un projet cause un préjudice important, il ne sera pas admissible au financement sujet à la taxonomie. Par exemple, un projet jugé vert qui cause des dommages environnementaux importants (non climatiques) ne serait pas admissible. Pour éviter de créer des redondances et du travail supplémentaire pour les émetteurs, l'intention est d'harmoniser les exigences visant à s'assurer que le projet ne causera aucun préjudice important avec les lois canadiennes existantes (p. ex. environnement, travail et droits des Autochtones). La terminologie et le concept entourant le fait qu'un projet ne causera aucun préjudice important sont apparus pour la première fois dans la taxonomie (verte) de la finance durable de l'Union européenne et occupent maintenant une place importante dans les taxonomies à l'échelle mondiale.
Évaluation des occasions et des risques liés à la transition
Les projets verts ou de transition selon la taxonomie ne présentent pas tous les mêmes occasions et risques liés à la transition; les différences sont parfois notables. Le cadre présenté ci-dessus détermine uniquement l'admissibilité des projets verts et de transition, et n'évalue pas les mérites des projets de ces catégories. De plus, l'initiative en matière de taxonomie devra éventuellement avoir comme priorité l'élaboration d'une méthodologie et de critères permettant de différencier les projets verts ou de transition, ce qui permettra de classer chaque émission d'instruments financiers en fonction des occasions et des risques qui en découlent.
Cela donnerait au marché une meilleure information sur les occasions et le profil de risque des projets verts ou de transition sous-jacents, ce qui serait particulièrement utile aux investisseurs. La crédibilité de la taxonomie en serait également renforcée, en particulier en ce qui a trait à la transition, car cela permettrait de mieux distinguer les projets de la catégorie de transition et montrerait comment l'admissibilité peut évoluer au fil du temps en raison des examens réguliers et du resserrement des critères.
Le présent rapport propose une méthodologie et des critères qui permettront de classifier les différents instruments financiers verts ou de transition. La figure 1 ci-dessous illustre ce processus de façon concrète. Elle présente divers exemples de projets verts ou de transition, évalués en fonction des occasions et risques relatifs liés à la transition. Ces exemples sont donnés à titre indicatif seulement. L'évaluation des projets nécessitera l'élaboration d'une méthodologie et de critères rigoureux, ainsi que la sélection du modèle d'exécution approprié pour leur utilisation et leur administration.
Troisième partie : Mise en œuvre
Il est impératif de procéder rapidement à l'élaboration et à la mise en œuvre de la taxonomie de la finance verte et de transition au Canada. Tout retard ferait manquer des occasions au Canada de mobiliser des capitaux verts à grande échelle, ainsi que d'influencer le dialogue mondial sur la taxonomie. Toutefois, procéder rapidement ne peut se faire au détriment de la qualité et de la crédibilité.
Compte tenu de ces considérations, le GETT recommande que la taxonomie soit élaborée et mise en œuvre en deux phases distinctes, comme suit :
-
Phase 1 : Le CAFD publierait une version abrégée de la taxonomie d'ici le milieu de 2023 couvrant les secteurs et les activités prioritaires, et il jetterait les bases de la mise en œuvre de la taxonomie à long terme, y compris en ce qui concerne la gouvernance, le financement et la planification stratégique.
-
Phase 2 : La mise en œuvre complète de l'initiative en matière de taxonomie et la publication d'une taxonomie beaucoup plus exhaustive et détaillée auraient lieu d'ici la fin de 2025 au plus tard.
La phase 1 serait menée par le CAFD et le GETT. Elle continuerait de s'appuyer sur les ententes de gouvernance existantes, y compris auprès du groupe officiel de coordination sectorielle fédéral-provincialNote de bas de page 5, tout en reconnaissant qu'un engagement équilibré sera nécessaire auprès des gouvernements provinciaux, des titulaires de droits autochtones et leurs dirigeants, de l'industrie et d'autres parties prenantes, afin de soutenir la mise en œuvre de la phase 2. Le présent rapport devrait être considéré comme le point de départ pour la phase 1, qui continuera d'être développée et peaufinée sous la direction du CAFD, afin d'établir un modèle de taxonomie complet pour la mise en œuvre de la phase 2.
Recommandations
- Nous recommandons que le Canada élabore une taxonomie de la finance verte et de transition.
- Nous recommandons que l'élaboration de la taxonomie canadienne de la finance verte et de transition soit menée conjointement par le gouvernement fédéral et le secteur financier, avec une forte participation provinciale et autochtone, selon un modèle de gouvernance transparent et axé sur les résultats. Il sera essentiel de préserver l'intégrité scientifique de la taxonomie et de consacrer des ressources proportionnelles à l'importance et à la portée de l'initiative.
- Nous recommandons que la taxonomie soit élaborée, en premier lieu, pour soutenir les objectifs visant à atténuer les changements climatiques et qu'elle soit conçue de façon à favoriser diverses utilisations. Les critères de la taxonomie doivent être rigoureux, objectifs et fondés sur la science du climat afin d'être crédibles à l'échelle internationale et de le rester. Il faudra revoir et mettre à jour régulièrement les critères et démontrer leur interopérabilité avec d'autres taxonomies scientifiques d'envergure.
- Nous recommandons la mise en place d'un modèle de gouvernance à trois niveaux : un Conseil de la taxonomie (niveau 1) – conjointement dirigé par le gouvernement fédéral et le secteur financier, avec une forte participation provinciale et autochtone – responsable de l'orientation stratégique globale, de la conception et du financement de l'initiative; un dépositaire (niveau 2) qui élabore les propositions de taxonomie et les critères techniques; et des groupes de travail techniques ainsi qu'un forum consultatif des parties prenantes (niveau 3) qui formulent des commentaires pour soutenir le dépositaire dans l'élaboration et l'évolution de la taxonomie.
- Nous recommandons que l'objectif principal de la taxonomie soit de soutenir l'atteinte des objectifs du Canada en matière de réduction des émissions pour limiter la hausse de la température mondiale à moins de 1,5 °C (par rapport au niveau préindustriel), et ce, pour toutes les catégories d'émissions. Associer la taxonomie à cet objectif climatique ambitieux permettra de créer et de maintenir une crédibilité à l'échelle internationale et de contribuer à faire progresser d'autres objectifs économiques, financiers et sociaux importants.
- Nous recommandons que les sociétés qui émettent des instruments financiers verts ou de transition en vertu de la taxonomie soient évaluées en fonction de leurs cibles zéro émission nette, de leur planification de la transition et de la divulgation climatique. Elles devraient être conformes aux nouvelles exigences réglementaires nationales ainsi qu'aux normes et aux pratiques exemplaires internationales.
- Nous recommandons que la taxonomie de la finance verte et de transition intègre le cadre de classification du présent rapport et selon lequel les projets sont jugés admissibles à la taxonomie seulement si leurs émissions de portées 1, 2 et 3, excluant la compensation carbone, sont compatibles avec les trajectoires visant à limiter la hausse des températures mondiales à moins de 1,5 °C. Les projets qui entraînent une augmentation importante des émissions et nuisent à leur réduction ne seraient pas admissibles dans le cadre de la taxonomie.
- Nous recommandons que les conditions d'admissibilité en vertu de la taxonomie de la finance verte et de transition comprennent une évaluation pour s'assurer que le projet ne cause aucun préjudice important. Cette évaluation doit tenir compte du contexte particulier du Canada et s'inspirer de la taxonomie de la finance durable de l'Union européenne, y compris et sans s'y limiter, le respect de normes minimales concernant les droits des Autochtones et la démarche de réconciliation, et le soutien des travailleurs et des collectivités dans le cadre d'une transition équitable.
- Nous recommandons que l'initiative en matière de taxonomie envisage, comme priorité future, l'élaboration d'une méthodologie et de critères pour différencier les occasions et les risques relatifs des projets verts et des projets de transition, afin d'améliorer les décisions d'investissement ainsi que le perfectionnement et la crédibilité de la taxonomie.
- Nous recommandons que la taxonomie de la finance verte et de transition soit élaborée en deux phases distinctes. Durant la phase 1, le CAFD publierait une version abrégée de la taxonomie d'ici le milieu de 2023 couvrant les secteurs et les activités prioritaires, et il jetterait les bases de la mise en œuvre de la taxonomie à long terme, y compris en ce qui concerne la gouvernance, le financement et la planification stratégique. La mise en œuvre complète de l'initiative en matière de taxonomie et la publication d'une taxonomie exhaustive et détaillée auraient lieu lors de la phase 2, soit d'ici la fin de 2025 au plus tard.
Proposition de valeur
L'élaboration et la mise en œuvre d'une taxonomie de la finance verte et de transition au Canada contribueraient à :
- définir les catégories de projets et d'activités qui soutiennent de manière crédible les efforts visant à limiter les émissions et qui sont compatibles avec les objectifs du Canada d'atteindre zéro émission nette;
- mettre en place des normes et des mesures de performance qui s'harmonisent de façon directe, claire et crédible avec les objectifs du Canada d'atteindre zéro émission nette (tant en ce qui concerne l'atténuation que l'adaptation et la résilience) afin de susciter la confiance et d'attirer les capitaux sur les marchés financiers nationaux et internationaux;
- illustrer le leadership du Canada dans la transition d'une économie axée sur les ressources, selon les attentes internationales;
- tenir compte de la réalité des diverses trajectoires vers zéro émission nette (y compris l'évaluation économique détaillée des solutions de rechange) et du besoin mondial d'accès à l'énergie;
- mettre en évidence le rôle de chef de file du Canada en matière de technologie à zéro émission nette et soutenir les efforts visant à améliorer la résilience et la compétitivité de l'économie canadienne dans le cadre de la transition mondiale vers une économie à faibles émissions de carbone et renforcer les engagements du Canada à atteindre zéro émission nette;
- établir une taxonomie canadienne normalisée unique et consciente des enjeux du marché, reposant sur des principes communs définissant l'investissement vert ou de transition, sous une forme facile à utiliser et favorisant la confiance;
- aider les investisseurs à divulguer clairement leurs progrès vers l'atteinte de leurs cibles zéro émission nette;
- attirer des capitaux vers les projets verts ou de transition.
Conformément aux conclusions du Groupe d'experts sur la finance durable au Canada, une taxonomie canadienne pourrait contribuer à ce que la gestion des occasions et des risques liés aux changements climatiques devienne chose courante dans le secteur financier et soit intégrée aux décisions, aux produits et aux services de tous les jours – un impératif pour maintenir la hausse de la température mondiale sous la barre de 1,5 °C et améliorer la résilience du Canada face aux conséquences des changements climatiques.
Introduction
Pour bâtir une économie à zéro émission nette d'ici 2050, le Canada devra augmenter ses investissements dans la lutte contre les changements climatiques pour les faire passer de 15 G$-25 G$ par année à environ 125 G$-140 G$ par annéeNote de bas de page 6. Pour ce faire, les secteurs public et privé devront prendre d'importantes mesures et mettre en place dès le départ les bonnes infrastructures de marché.
De nombreux pays ont mis au point une taxonomie (ou sont en train de le faire) visant à servir d'outil de base, dans un cadre politique plus large, pour aider à mobiliser des capitaux pour lutter contre les changements climatiques et à accélérer leur déploiement. Compte tenu de l'urgence et de la complexité de la transition nette zéro, les taxonomies sont considérées comme un moyen de libérer des capitaux et de rapidement faire en sorte que ceux-ci et les activités commerciales soutiennent les objectifs nationaux de transition et de lutte contre les changements climatiques.
Bien que les approches varient, les taxonomies établissent généralement des critères pour déterminer quelles activités économiques sont compatibles avec la lutte contre les changements climatiques. À l'échelle mondiale, les taxonomies se sont jusqu'à présent largement concentrées sur l'établissement de critères définissant les activités vertes; toutefois, de plus en plus d'efforts sont mis en œuvre pour inclure les activités de transition, étant donné l'importance de la décarbonation rapide des secteurs à fortes émissionsNote de bas de page 7. Dans ce contexte, les taxonomies ont été le plus souvent utilisées pour établir des normes concernant la classification des instruments financiers liés au climat (p. ex. obligations vertes), afin de réduire le risque d'écoblanchiment et de diriger des capitaux vers des activités susceptibles, de manière crédible, de contribuer à la lutte contre les changements climatiques. Toutefois, étant donné que les taxonomies servent à évaluer la capacité à lutter contre les changements climatiques et à soutenir la transition par rapport aux critères de référence, leur utilisation s'est multipliée, notamment pour éclairer les politiques prudentielles, les pratiques de gestion du risque climatique, la planification de la transition nette zéro et les cadres de divulgation climatique.
Malgré l'élaboration de taxonomies à l'échelle mondiale, des questions se posent quant à savoir si les taxonomies sont trop normatives et imposent un fardeau trop lourd, si elles peuvent s'adapter adéquatement à l'innovation sur les marchés et dans les technologies, et comment concilier l'urgence avec l'effort nécessaire sur plusieurs années pour élaborer des taxonomies crédibles et fondées sur la science.
Dans ce contexte et conformément aux conclusions du Groupe d'experts sur la finance durable au Canada concernant la taxonomieNote de bas de page 8, le gouvernement du Canada a mandaté le Conseil d'action en matière de finance durable (CAFD) en mai 2021 pour formuler des conseils et des recommandations à la vice-première ministre et ministre des Finances ainsi qu'au ministre de l'Environnement et du Changement climatique du Canada sur la définition des investissements verts et des investissements de transition (taxonomie). Cela fait partie d'un ensemble de points visant à développer l'infrastructure de base du marché pour augmenter le financement durable au Canada. Depuis, le mandat a été mis à jour afin d'inclure l'élaboration de stratégies encourageant l'investissement du secteur privé vers la transition et d'en faire rapportNote de bas de page 9.
Le CAFD a confirmé que la taxonomie est un domaine préliminaire d'intérêt et en a fait une prioritéNote de bas de page 10. Il a interprété le mandat comme englobant deux éléments : formuler une recommandation sur le bien-fondé d'une taxonomie de la finance verte et de transition comme outil pertinent dans le contexte canadien; et, dans l'affirmative, formuler des recommandations sur la conception optimale d'une taxonomie pour le Canada, y compris les éléments essentiels à la réussite, le modèle de gouvernance et l'architecture du cadre de taxonomie.
Processus
À l'été 2021, le CAFD a mis sur pied le groupe d'experts techniques en taxonomie (GETT) pour tirer parti du leadership et de l'expertise nécessaires à la réalisation de ce mandat. Le GETT comprend un sous-groupe d'organisations participantes au CAFD ainsi qu'une représentation sectorielle officielle et un certain nombre de partenaires du savoir externes.
Le GETT a par la suite entamé des discussions approfondies sur les avantages théoriques et appliqués d'une taxonomie canadienne, ainsi que sur la meilleure façon de concevoir une telle taxonomie, compte tenu des pratiques exemplaires nationales et internationales et de ce qui serait approprié dans le contexte canadien. Ces discussions ont été éclairées par un éventail de données et de contributions, notamment :
- un cadre de taxonomie de la finance verte et de transition élaboré par l'Institut climatique du Canada;
- un rapport intitulé Global Financial Taxonomies: Considerations for the Canadian Context, commandé par le Groupe CSA et préparé par la Climate Bonds InitiativeNote de bas de page 11;
- un examen approfondi des rapports nationaux et internationaux sur les taxonomies et la finance de transition, une étude comparative de la taxonomie et des modèles de gouvernance pour l'établissement de normes, ainsi qu'un aperçu des tendances et des nouveautés en matière de finance durable à l'échelle nationale et internationale (voir l'annexe 3) préparés par l'Institut de la finance durable;
- des séances d'information et des discussions avec des experts nationaux et internationaux sur divers sujets liés à la taxonomie;
- les leçons tirées de l'initiative du secteur privé visant à élaborer une taxonomie de la finance de transition sous la direction du Groupe CSANote de bas de page 12.
Le présent Rapport sur la feuille de route de la taxonomie (le « rapport ») reflète les résultats de ce processus. Le GETT a finalisé le rapport à la suite d'une série de séances de rétroaction auxquelles ont participé les parties prenantes à l'été 2022. Le CAFD a ensuite examiné et approuvé le rapport lors de sa réunion plénière en septembre 2022.
À propos du présent rapport
Le rapport se compose de trois parties, chacune comportant une analyse et une discussion soutenant des recommandations à prendre en considération et à mettre en œuvre. La première partie présente le concept de taxonomie de la finance verte et de transition et évalue les occasions et les risques pour le Canada. La deuxième partie traite de la façon dont une telle taxonomie devrait être conçue pour le contexte canadien et comprend des sections sur les principaux éléments nécessaires à la réussite, à la gouvernance et à l'architecture du cadre. La troisième partie décrit comment mettre en œuvre la taxonomie. Un glossaire des principaux termes est présenté à la fin du document. Le rapport est accompagné d'un recueil qui contient les recherches et les documents supplémentaires qui ont été préparés dans le cadre des travaux du GETT.
Remerciements
La présidente du CAFD, Kathy Bardswick, la présidente du GETT, Barbara Zvan, et l'ensemble du CAFD souhaitent remercier les membres du GETT pour leur profond engagement envers cette démarche ainsi que pour le temps et les efforts qu'ils ont consacrés à la préparation de ce rapport exhaustif. Nous aimerions également remercier nos partenaires du savoir externes d'avoir partagé leur expertise et leurs connaissances tout au long du processus et d'avoir grandement contribué à l'élaboration du rapport. Ces partenaires sont l'Institut de la finance durable, l'Institut climatique du Canada, le Groupe CSA et l'Institut du risque mondial. L'Institut climatique du Canada a par ailleurs mené les analyses qui ont permis d'orienter l'architecture du cadre de taxonomie qui apparaît dans le présent rapport. Nous sommes reconnaissants d'avoir pu profiter des leçons tirées de l'initiative distincte du secteur privé visant à élaborer une taxonomie de la finance de transition, sous la direction du Groupe CSA. Bien qu'elle n'ait pas mené à la publication d'un document consensuel, cette initiative du secteur privé a constitué un important fondement qui a inspiré et permis d'accélérer ce processus de travail. Pour finir, nous tenons également à remercier les experts nationaux et internationaux qui ont eu la gentillesse de nous faire part de leurs points de vue sur la taxonomie, ainsi que les parties prenantes et titulaires de droits dans les domaines du climat, de la recherche, de l'industrie et de la réglementation, de même que les représentants des peuples autochtones, qui ont participé aux séances de rétroaction sur le rapport.
Première partie : Occasions et risques d'une taxonomie
Cette section présente le concept de taxonomie de la finance verte et de transition. Elle présente ensuite l'évaluation faite par le GETT des occasions et des risques associés à l'élaboration et à la mise en œuvre d'une telle taxonomie au Canada. Elle se termine par une analyse des conclusions et une recommandation.
Notions sur la taxonomie de la finance verte et de transition
Une taxonomie de la finance verte et de transition est un outil qui vise à mobiliser des capitaux pour le financement des activités économiques compatibles avec les objectifs nationaux concernant la transition et l'atténuation des changements climatiques. Elle peut être pilotée par le gouvernement, le secteur privé ou les deux conjointement.
Cette forme de taxonomie établit des critères, souvent organisés par grands secteurs économiques, définissant quelles activités économiques (actifs, projets ou activités générant des revenus) entrent dans les catégories suivantes :
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Verte : activités à émissions faibles ou nulles (p. ex. production d'hydrogène vert, d'énergie solaire ou éolienne) ou activités qui les rendent possibles (p. ex. lignes de transport d'électricité, pipelines d'hydrogène);
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Transition : décarbonation des activités à forte intensité d'émissions qui sont essentielles à la transformation sectorielle et compatibles avec une trajectoire de transition nette zéro visant à limiter la hausse des températures mondiales à moins de 1,5 °C (p. ex. installation de fournaises électriques à plus faibles émissions pour produire de l'acier).
Les taxonomies fournissent également, par omission ou par exclusion, de l'information sur les activités qui présentent des risques élevés pour la transition climatique, car elles risquent de mener au délaissement de certains actifs ou de constituer un frein à la décarbonation, ou elles ne sont pas compatibles avec une transition nette zéro.
Les catégories d'émissions liées aux activités vertes ou de transition, ou qui ne sont pas admissibles en vertu de la taxonomie peuvent comprendre les émissions directes de portée 1 (provenant de sources détenues ou contrôlées [p. ex. émissions générées par une usine]), les émissions indirectes de portée 2 (provenant de
l'utilisation d'énergie achetée [p. ex. émissions associées à l'achat d'électricité utilisée dans une usine]), et les émissions de portée 3 générées par la chaîne de valeur (émissions de la chaîne de valeur, y compris les émissions en amont et en aval [p. ex. émissions associées en amont à tous les intrants utilisés dans une usine, et en aval, à la consommation ou à l'élimination]).
Les critères peuvent être établis en s'appuyant sur des principes directeurs, des listes d'activités approuvées, des critères techniques de sélection ou une combinaison de ceux-ci. Les critères peuvent être statiques ou dynamiques. Les critères dynamiques font l'objet d'un processus d'examen régulier, qui permet de les rendre plus stricts au fil du temps, afin de tenir compte des progrès technologiques et de la nécessité d'être plus ambitieux à l'approche de la date d'échéance des cibles climatiques. Le schéma 1 donne un aperçu d'une taxonomie de la finance verte et de transition comprenant des critères dynamiques.
Ensemble, les critères visent à soutenir une théorie du changement à l'échelle de l'économie afin d'augmenter rapidement les activités vertes, en décarbonant les secteurs à fortes émissions, dans la mesure du possible, et en délaissant les activités économiques qui ne cadrent pas avec les objectifs climatiques mondiaux et qui comportent un important risque lié à la transition.
La taxonomie peut être utilisée par les investisseurs, les sociétés et les intermédiaires financiers pour évaluer si les décisions d'investissement ou d'affaires sont réellement vertes ou orientées vers la transition. Elle peut également être utilisée pour classifier les activités économiques vertes ou de transition afin de soutenir l'émission d'instruments financiers correspondants (un des thèmes du présent rapport et de l'architecture de la taxonomie présentée dans la deuxième partie).
Elle peut aussi être utilisée par les autorités gouvernementales et les organismes de réglementation dans de nombreux domaines, y compris pour éclairer les cadres prudentiels liés au climat (surveillance du risque et exigences en matière de capital), la planification de la transition nette zéro, les cadres d'émission d'obligations souveraines vertes ou de transition, et les exigences de divulgation climatique, entre autres.
Occasions découlant de la taxonomie
Mobilisation des capitaux verts et des capitaux de transition
Une taxonomie canadienne aiderait à mobiliser des capitaux et à accélérer leur déploiement, d'une manière qui reflète les objectifs de transition du Canada.
Au Canada, le défi n'est pas lié à une pénurie de capitaux pour soutenir la transition, mais plutôt au risque que ces capitaux financent une transition qui soit incompatible avec les objectifs de transition du pays. En l'absence d'une taxonomie visant à promouvoir et à favoriser cette compatibilité, il est difficile de déterminer si les capitaux sont affectés à l'atteinte des objectifs de transition du Canada ou le sont de manière partielle et sous-optimale. Cette incertitude représente un risque important pour l'intégrité de la transition nette zéro au Canada. Par l'établissement de critères rigoureux reflétant les objectifs en matière de transition et les politiques gouvernementales, une taxonomie canadienne contribuerait à réduire ce risque (voir les exemples du tableau 1).
La description | |
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Initiatives fédérales | |
Règlement sur les combustibles propres | La taxonomie pourrait établir des critères pour l'élaboration et l'utilisation de carburants propres conformément au Règlement sur les combustibles propres. |
Crédit d'impôt à l'investissement pour le captage, l'utilisation et le stockage du carbone (CUSC) | La définition dans la taxonomie des projets de CUSC admissibles pourrait s'inspirer des critères d'admissibilité au crédit d'impôt à l'investissement pour le CUSC. |
Proposition de norme sur l'électricité propre (pour soutenir un secteur de l'électricité à zéro émission nette) | Les critères prescrits dans la taxonomie pour la production d'électricité pourraient être établis conformément à la proposition de norme sur l'électricité propre qui est en cours d'élaboration. |
Plan d'action des petits réacteurs modulaires | La taxonomie pourrait définir la conception et la mise en œuvre des petits réacteurs modulaires comme une activité verte admissible. |
Initiatives provinciales | |
Feuille de route de l'hydrogène de l'Alberta (Hydrogen Roadmap) | La taxonomie pourrait établir des seuils et des critères d'intensité d'émissions pour l'hydrogène propre conformément aux considérations et à la vision énoncées dans la feuille de route (p. ex. production à faible intensité carbone rentable et pouvant soutenir une production à grande échelle). |
CleanBC Industrial Incentive Program | Les indices de référence relatifs aux émissions de chaque secteur établis dans le CleanBC Industrial Incentive Program pourraient être utilisés pour établir les indices de référence et les seuils d'émissions de la taxonomie. |
Cadre des obligations vertes pour le nucléaire | Les critères de la taxonomie liés à la production d'électricité pourraient s'inspirer des cadres des obligations vertes de l'Ontario Power Generation et de Bruce Power, et être éclairés par d'autres opinions et émissions d'instruments financiers connexes. |
Développer à long terme le marché canadien de la finance de transition
Une taxonomie canadienne susciterait la confiance des investisseurs et soutiendrait la croissance du marché canadien de la finance de transition. Il s'agit d'un élément essentiel pour veiller à ce que les sociétés canadiennes aient accès à une source fiable de capitaux à long terme afin de soutenir des plans crédibles de transition nette zéro.
Le marché canadien de la finance de transition est petit et fait face au risque d'écoblanchiment. Le segment des obligations sur le marché de la finance de transition n'existe pas, puisqu'une seule émission d'obligations de ce type a eu lieu sur le marché jusqu'à présentNote de bas de page 13. Par ailleurs, le segment des obligations liées à la durabilité a connu une croissance rapide au cours des dernières années, mais il fait maintenant face à des soupçons d'écoblanchimentNote de bas de page 14. La structure donne aux émetteurs le contrôle sur la façon dont le produit est utilisé tant que les cibles de durabilité sont atteintes. Si ces cibles ne sont pas atteintes, les émetteurs font face à une pénalité financière, qui correspond généralement à une augmentation de 25 à 50 points de base du taux d'intérêt nominal de l'obligationNote de bas de page 15. Certains instruments émis à l'échelle canadienne et mondiale ne semblent pas avoir des cibles suffisamment ambitieuses, et certains se demandent si la pénalité imposée pour non-conformité est adéquate.
Une taxonomie canadienne permettrait d'encadrer l'émission d'obligations et de prêts verts ou de transition et d'orienter les mesures et les données des produits liés à la durabilité, et elle accélérerait la croissance de ce marché au Canada. La croissance du marché de la finance de transition est essentielle pour s'assurer que les sociétés canadiennes, en particulier celles œuvrant dans les secteurs où les émissions sont difficiles à réduire, aient durablement accès à une source fiable de capitaux afin de soutenir des plans de transition crédibles. Même si les sociétés sont actuellement en mesure de réunir des capitaux de sources traditionnelles pour financer des plans de transition qui pourraient ne pas être compatibles avec les objectifs de transition du Canada, cela n'est pas toujours le cas. En effet, les parties prenantes exercent de plus en plus de pression pour assurer une meilleure harmonisation et plus de transparence, grâce à des cadres de divulgation qui seront de plus en plus utilisés et raffinés. À mesure que les pressions s'intensifient et que les attentes du marché évoluent, il serait avantageux de pouvoir compter sur un marché bien établi, ancré dans une taxonomie fondée sur la science qui peut être utilisée pour soutenir des plans de transition crédibles.
Améliorer les cadres climatiques des secteurs privé et public
Une taxonomie canadienne établirait une base solide pour inspirer et améliorer les cadres climatiques des secteurs privé et public; il s'agit d'un outil polyvalent aux usages multiples (tableau 2).
Dans le secteur privé, une taxonomie peut être utilisée pour établir des normes de classification des instruments financiers liés au climat (obligations et prêts). Elle pourrait servir à mettre en évidence les lacunes en matière d'investissement ainsi que les risques et les occasions liés à la transition, à évaluer la performance de la transition des sociétés en portefeuille, à analyser des scénarios, à faciliter la présentation d'information sur les émissions financées et à améliorer les données sur le climat.
Tableau 2 : Des usages multiples pour soutenir les objectifs climatiques du Canada
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Politique climatique et économique
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Classification des instruments financiers verts et de transition
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Plans de transition vers zéro émission nette
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Politique d'approvisionnement
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Comptabilisation des émissions de carbone financées et rapports sur les émissions financées
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Exigences en matière de capi-tal (banques et sociétés d'assurance)
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Analyses de scénarios
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Établissement d'un budget vert
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Gestion des risques
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Politique fiscale liée au climat
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Tests de résistance climatique
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Financement mixte
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Divulgation climatique
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Politiques commerciales (p. ex. ajustement carbone à la frontière)
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Normalisation des données
Source : NATIXIS, The New Geography of Taxonomies: A Global Standard-Setting Race, novembre 2021
La taxonomie peut également être utilisée comme l'un des principaux outils dans l'élaboration de plans de transition crédibles conformes aux pratiques exemplaires émergentes. L'encadré 1 montre comment les institutions financières peuvent utiliser les taxonomies pour élaborer des plans de transition conformément au cadre de pratiques exemplaires émis par la Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ). Par exemple, la taxonomie interne d'Investissements PSP consacre une dimension complète à la planification de la transition. Elle comprend un système de catégorisation en trois phases pour les sociétés en portefeuille, soit « aucune transition », « transition amorcée » et « transition avancée » (ou aligné sur l'initiative Science Based Targets [SBTi])Note de bas de page 16.
À l'échelle du gouvernement, une taxonomie peut guider l'émission d'instruments financiers verts ou de transition (p. ex. obligations de transition). Elle peut être utilisée par les organismes de contrôle prudentiel pour orienter l'élaboration de la politique prudentielle, y compris les exigences en matière de capital et la gestion du risque. Elle peut également aider les organismes de contrôle prudentiel à établir des normes et à améliorer les types de données et de renseignements financiers relatifs aux activités vertes ou de transition communiqués par les entités supervisées. De meilleurs renseignements et données permettraient une analyse plus fiable des risques climatiques et, par conséquent, guideraient l'élaboration des politiques. Pour finir, elle peut enrichir les exigences de divulgation climatique (p. ex. les rapports sur la conformité à la taxonomie); inspirer les politiques budgétaires, fiscales, commerciales et d'exportation; et améliorer les pratiques d'approvisionnement liées à l'environnement et à la transition.
Encadré 1 : Recommandations et lignes directrices proposées par GFANZ sur les plans de transition nette zéro des institutions financières
GFANZ propose que les institutions financières à l'échelle mondiale élaborent des plans de transition qui mènent à la réduction des émissions de carbone et soutiennent la transition nette zéro au moyen de financement ou en :
- favorisant le développement et la mise à l'échelle de solutions climatiques pour remplacer les technologies, les activités ou les services à fortes émissions;
- appuyant les sociétés déjà alignées sur une trajectoire limitant la hausse des températures à moins de 1,5 °C;
- facilitant la transition nette zéro des entreprises de l'économie réelle selon des plans transparents et robustes, compatibles avec les trajectoires sectorielles limitant la hausse des températures à moins de 1,5 °C;
- soutenant l'élimination progressive, accélérée et contrôlée des actifs physiques à fortes émissions.
Les taxonomies peuvent améliorer les plans de transition en établissant des critères permettant d'harmoniser les décisions de financement et les cibles avec ces quatre domaines prioritaires. Elles peuvent servir à établir ce que la GFANZ appelle des « garde-fous » pour se prémunir contre l'écoblanchiment, en particulier lorsqu'il s'agit des points 3 et 4 qui traitent du financement lié à la transition et à l'élimination contrôlée des actifs. De façon plus générale, elles peuvent contribuer à d'autres éléments du cadre de transition de GFANZ, y compris la gouvernance, la stratégie de mise en œuvre et les données.
Source : GFANZ. Recommendations and Guidance on Financial Institution Net-Zero Transition Plans, document de consultation, juin 2022.
Influencer le dialogue mondial sur la taxonomie
La taxonomie en tant qu'outil servant à mobiliser des capitaux et à accélérer leur déploiement pour atteindre les objectifs climatiques prend de plus en plus d'importance à l'échelle mondiale. Le Canada ne peut influencer et façonner le dialogue mondial sur la taxonomie sans adopter sa propre taxonomie.
Trente pays en sont à différentes étapes d'élaboration de leur taxonomie (mise en œuvre, en cours ou envisagée), dont la plupart des pays du G7, du G20 et de nombreuses économies émergentes (tableau 3). Parmi ces taxonomies, la taxonomie de la finance durable de l'UE est la plus avancée et elle est considérée comme une pratique exemplaire à l'échelle mondiale. La taxonomie est un élément important de la feuille de route du G20 sur la finance durable et un élément central de la plateforme internationale sur la finance durable, qui a élaboré une taxonomie commune pour promouvoir l'interopérabilité des taxonomies à l'échelle mondialeNote de bas de page 17.
Les banques centrales et les organismes de contrôle prudentiel à l'échelle mondiale s'intéressent de plus en plus aux taxonomies. Le Network of Central Banks and Supervisors for Greening the Financial System (NGFS) a récemment publié les résultats d'un sondage montrant que plus de la moitié des 25 banques centrales (55 %) et 24 organismes de contrôle prudentiel (60 %) ayant répondu au sondage prévoient utiliser une taxonomie ou envisagent cette possibilitéNote de bas de page 18. De plus, le NGFS a publié deux rapports au cours de la dernière année, dans le cadre de son programme visant à combler les lacunes en matière de données climatiques, qui indiquent que les taxonomies sont un élément important pour améliorer la fiabilité et la comparabilité des données à l'échelle mondialeNote de bas de page 19. Ces rapports soulignent la nécessité d'accélérer l'élaboration des taxonomies à l'échelle mondiale, d'une manière qui favorise l'interopérabilité et l'établissement de normes, en vue de créer au fil du temps une taxonomie mondiale de base.
Les taxonomies occupent une place importante dans le secteur privé. Certains suggèrent que jusqu'à 200 taxonomies sont utilisées à l'échelle mondiale par les institutions financières et d'autres entités du secteur privé (p. ex. Investissements PSP, BlackRock)Note de bas de page 20.
La première phase de conception d'une taxonomie à l'échelle mondiale a été de définir les activités vertes; la deuxième phase, en cours, consiste à élargir les taxonomies pour définir les activités de transition dans le contexte des secteurs qui génèrent le plus d'émissions. Cette deuxième phase est plus complexe et présente un intérêt stratégique particulier pour le Canada, compte tenu de l'importance du secteur des ressources et du secteur industriel pour l'économie canadienne.
Une taxonomie canadienne permettrait au Canada de faire valoir ses intérêts dans le dialogue mondial sur la taxonomie et d'améliorer l'interopérabilité, au besoin, avec d'autres grandes taxonomies fondées sur la science. En l'absence d'une taxonomie canadienne, il y a un risque que certains secteurs et activités de premier plan pour le Canada soient omis ou que les critères établis ne reflètent pas les probables objectifs de transition du Canada.
« La taxonomie de l'UE est sur le point de devenir une norme verte servant de langage commun entre les entreprises et les investisseurs. En date du 24 août [2022], 365 sociétés représentant une capitalisation boursière de 6 200 milliards de dollars avaient déclaré être admissibles à la taxonomie, et 147 sociétés (capitalisation boursière de 3 100 milliards de dollars) avaient déclaré s'être conformées à la taxonomie un an à l'avance. Les sociétés expriment de plus en plus leur reconnaissance et leur appréciation envers l'influence de la taxonomie dans les rapports annuels et les conférences de présentation de résultats. Les sociétés sont conscientes qu'en harmonisant leurs activités à la taxonomie, elles pourront accéder à des capitaux plus facilement et à moindre coût. Par ailleurs, certaines sociétés dont les activités sont les moins conformes à la taxonomie ont souligné être conscientes des risques financiers et de réputation. »
Taxonomie existante | Ébauche ou élaboration en cours | Taxonomie envisagée | Autres initiatives en matière de taxonomie |
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Source : recherche interne faisant référence à la publication de la Climate Bonds Initiative, Global Green Taxonomy Development, Alignment, and Implementation, 2022. |
Risques associés à la taxonomie
Mobilisation de ressources
L'élaboration, la mise en œuvre et la mise à jour d'une taxonomie crédible exigeraient beaucoup de temps et de ressources. Il s'agirait d'un engagement substantiel à long terme, qui consisterait à favoriser le développement d'un tout nouveau segment des marchés financiers canadiens axé sur la finance de transition. Cela nécessiterait une structure de gouvernance permanente, une grande équipe d'experts et de techniciens ainsi qu'un modèle de financement stable. Il faudrait procéder secteur par secteur pour établir des critères pour les activités économiques vertes et celles de transition. Les propositions relatives à la taxonomie nécessiteraient des consultations ciblées et publiques, et les versions publiées devraient être soutenues par des directives détaillées ainsi que par des activités de formation et de sensibilisation. Des activités de révision et de mise à jour de la taxonomie seraient nécessaires. Même si l'élaboration d'une taxonomie est une tâche imposante, le Canada dispose des connaissances et de l'expertise nécessaires dans les domaines pertinents pour accélérer l'élaboration de la taxonomie, puis soutenir l'initiative à long terme.
Soutien incertain
Le soutien des sociétés envers une taxonomie de la finance verte et de transition reste incertain. En l'absence de signaux politiques (p. ex. directives, réglementation), la demande pour une taxonomie n'est pas clairement définie. Il est possible que les sociétés, en particulier celles œuvrant dans les secteurs à plus grande intensité d'émissions, contournent la rigueur de la taxonomie en continuant à mobiliser des capitaux pour la transition au moyen d'instruments financiers traditionnels. De plus, certaines sociétés pétrolières et gazières disposent actuellement d'importantes liquidités et n'ont peut-être pas besoin d'une taxonomie dans l'immédiat.
Progression de l'innovation
La taxonomie est trop normative et encadrée par des règles; il se pourrait donc qu'elle ne parvienne pas à suivre le rythme de l'innovation. Il est possible que les critères de la taxonomie ne puissent être revus et mis à jour assez rapidement pour suivre le rythme de l'innovation technologique et du marché. La taxonomie risque de ralentir l'affectation de capitaux à des domaines à la frontière technologique entre les activités vertes et celles de transition, surtout en comparaison à des approches davantage fondées sur des principes. Il peut également être difficile de concevoir une taxonomie suffisamment exhaustive pour couvrir l'ensemble des activités, des projets et des actifs auxquels elle devrait raisonnablement s'appliquer.
Harmonisation avec les États-Unis
Les États-Unis n'ont pas annoncé leur intention d'élaborer une taxonomie, ce qui soulève des questions de politique et de conception au Canada. En mars 2021, le représentant des États-Unis pour le climat a exprimé son intérêt pour le concept de taxonomie, mais a indiqué que toute approche devrait protéger les marchés financiers américains contre une réglementation excessiveNote de bas de page 21. Depuis, les États-Unis sont restés silencieux à cet égard, semblant être en faveur d'approches davantage axées sur le marché et des principes de transition, en mettant l'accent sur la divulgation climatique, y compris les plans de transition nette zéro.
Même si les États-Unis ne semblent pas concevoir une taxonomie nationale pour l'instant, les gestionnaires de placements américains qui gèrent activement des mandats d'obligations « vertes » ou « durables » disposent généralement de cadres d'évaluation (ou de taxonomies) pour déterminer ce qui peut être inclus dans leur fonds. Les indices obligataires verts utilisent également des méthodes pour déterminer cette admissibilité. Par exemple, les indices des obligations vertes S&P 500 sont composés d'un ensemble d'obligations mondiales considérées comme étant « vertes » par la Climate Bonds Initiative (CBI) et assujetties à des critères d'admissibilité.
L'élaboration d'une taxonomie canadienne est suggérée afin de soutenir la réalisation des objectifs climatiques et les trajectoires de transition du Canada, tout en tenant compte des répercussions potentielles sur les coûts et la compétitivité des participants au marché canadien. Il est également important de rechercher l'interopérabilité, dans la mesure du possible, avec les marchés financiers des États-Unis. Le présent rapport propose une taxonomie dont l'utilisation serait volontaire, du moins au début, ce qui signifie que toute incidence potentielle sur les coûts et la compétitivité n'est pas contraignante. Toutefois, pour que la taxonomie soit la plus utile possible pour les participants au marché canadien, il est essentiel que son élaboration soit fondée sur la science du climat et que ses principes soient équitables et favorisent l'interopérabilité avec les marchés financiers américains. Elle devra également être cohérente avec la politique climatique aux États-Unis, que ce soit à l'échelle fédérale ou des États.
Discussion et recommandation
L'évaluation indique qu'il existe d'importantes occasions à saisir pour le Canada en lien avec la taxonomie de la finance verte et de transition.
La taxonomie peut :
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favoriser l'intégrité de la transition nette zéro au Canada en mobilisant des capitaux selon la trajectoire de transition et les objectifs climatiques du pays;
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contribuer à développer davantage le marché de la finance durable au Canada et à atténuer le risque d'écoblanchiment;
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être utilisée à différentes fins dans les secteurs public et privé où il serait utile d'avoir un outil normalisé qui servirait de référence aux activités liées au climat et à la transition;
-
permettre au Canada de participer et de contribuer au dialogue sur la taxonomie mondiale, en particulier en ce qui a trait à l'intérêt économique du pays à favoriser une transition en douceur pour les secteurs à fortes émissions de carbone et pour les travailleurs de ces secteurs.
Dans ce contexte, l'évaluation indique que les risques ne sont pas négligeables, mais qu'ils peuvent être largement atténués et gérés par l'engagement et le leadership du gouvernement et du secteur financier, ainsi que par la conception et la mise en œuvre efficaces d'une taxonomie. Dans l'ensemble, les occasions offertes par une taxonomie bien conçue l'emportent largement sur les risques.
Recommandation 1
Nous recommandons que le Canada élabore une taxonomie de la finance verte et de transition.
Deuxième partie : Conception de la taxonomie
À la lumière de la recommandation d'une taxonomie, le GETT s'est penché sur la façon dont la taxonomie de la finance verte et de transition au Canada devrait être conçue pour maximiser les occasions favorables et réduire les risques et les coûts. L'architecture du cadre de taxonomie a été établie de concert avec l'Institut climatique du Canada.
La section ci-dessous indique les principaux facteurs de réussite de la taxonomie. Ces éléments portent sur des considérations stratégiques en matière de leadership, de gouvernance et de ressources, ainsi que sur des objectifs et des considérations de conception visant à promouvoir la crédibilité et la facilité d'utilisation de la taxonomie.
Les deux sections suivantes (B et C) appliquent ces exigences. La première présente le modèle proposé pour régir l'initiative en matière de taxonomie au Canada, et la seconde décrit l'architecture du cadre proposée pour guider l'élaboration de la taxonomie, y compris les objectifs et les exigences pour l'émission d'instruments financiers considérés comme étant verts ou de transition.
L'approche globale est conforme aux principes généraux d'élaboration d'une taxonomie établis par le Groupe de travail sur la finance durable du G20 (voir l'encadré 2).
Encadré 2 : Groupe de travail sur la finance durable du G20
Principes d'élaboration d'une taxonomie
- Assurer une contribution importante aux objectifs de durabilité et mettre l'accent sur les résultats.
- Éviter des répercussions négatives sur d'autres objectifs de durabilité.
- Procéder rapidement à des ajustements reflétant les changements de politiques, de technologies et d'état de la transition.
- Refléter une bonne gouvernance et une transparence adéquate.
- Avoir des objectifs environnementaux fondés sur la science et d'autres enjeux de durabilité fondés sur la science ou des données probantes.
- Tenir compte des facteurs liés à la transition.
Source : Feuille de route du G20 sur la finance durable, octobre 2021.
A) Principaux facteurs de réussite
Leadership et gouvernance
Leadership conjoint du gouvernement fédéral et du secteur financier : Le leadership et l'engagement du gouvernement fédéral et du secteur financier, avec une forte participation provinciale et autochtone, créeraient des conditions optimales pour l'élaboration et la mise en œuvre d'une taxonomie.
- Le leadership du gouvernement fédéral permettrait de concevoir une taxonomie fondée sur les objectifs climatiques nationaux et capable d'orienter les politiques climatiques et économiques. Il donnerait de la crédibilité à l'exercice entourant la taxonomie, y compris aux yeux des parties prenantes internationales, un facteur crucial. Il disposerait ainsi d'une gamme de leviers pour soutenir l'adoption généralisée de la taxonomie. Une forte participation provinciale et autochtone donnerait également du poids à plusieurs égards. La vaste majorité des taxonomies élaborées à ce jour ont été établies par les gouvernements (voir le tableau 3 ci-dessus) et, selon la Banque mondiale et l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les taxonomies sont plus efficaces lorsqu'elles sont mises en œuvre parallèlement à une réglementation et à des mesures incitatives, et qu'elles s'inscrivent dans un cadre politique plus largeNote de bas de page 22.
- Les chefs de file du secteur financier veilleraient à ce que la taxonomie soit utilisable, crédible et adaptée à l'objectif, et à ce qu'elle soit adoptée comme norme du secteur financier pour classifier les instruments verts et de transition.
Gouvernance efficace : Le modèle de gouvernance de la taxonomie doit être transparent, être axé sur les résultats et protéger l'intégrité scientifique de la taxonomie. La gouvernance devrait refléter les pratiques exemplaires observées par de nombreux organismes de normalisation financière à l'échelle mondiale et les initiatives de taxonomie. Elle devrait veiller à ce que les spécialistes des secteurs et les spécialistes techniques participent à l'élaboration de la taxonomie et à ce qu'un éventail de parties prenantes canadiennes aient l'occasion de donner leur point de vue sur cette démarche.
Affectation adéquate de ressources : L'initiative a besoin qu'un financement stable lui soit consacré à long terme, en raison de sa nature substantielle. Une initiative adéquate en matière de taxonomie ne peut être mise en œuvre sans un dépositaire bien financé capable d'attirer et de retenir le personnel spécialisé nécessaire à l'élaboration du cadre et des directives, et capable d'entreprendre les activités de sensibilisation nécessaires pour promouvoir l'utilisation de la taxonomie.
Recommandation 2
Nous recommandons que l'élaboration de la taxonomie canadienne de la finance verte et de transition soit menée conjointement par le gouvernement fédéral et le secteur financier, avec une forte participation provinciale et autochtone, selon un modèle de gouvernance transparent et axé sur les résultats. Il sera essentiel de préserver l'intégrité scientifique de la taxonomie et de consacrer des ressources proportionnelles à l'importance et à la portée de l'initiative.
Objectifs, crédibilité et facilité d'utilisation
Prioriser l'atténuation des changements climatiques : Compte tenu de l'urgence causée par la menace des changements climatiques, la taxonomie devrait se concentrer, en premier lieu, sur l'établissement de critères verts ou de transition pour mobiliser des capitaux privés afin d'atteindre les objectifs de transition et d'atténuation des changements climatiques du Canada. La taxonomie devrait viser à établir des critères pour tous les secteurs et toutes les activités qui présentent des occasions favorables et des risques importants liés à la transition. Au fil du temps, la taxonomie devrait être élargie pour tenir compte d'autres objectifs sociaux et environnementaux, y compris l'adaptation aux changements climatiques, qui est un enjeu crucial pour le Canada et qui profiterait des points de référence établis par la taxonomie. De nombreuses taxonomies à l'échelle mondiale couvrent plusieurs objectifs.
Favoriser une utilisation polyvalente : L'élaboration de la taxonomie devrait se concentrer sur la classification des activités vertes ou de transition en contexte d'émission d'instruments financiers, y compris les prêts et les obligations. Même si la taxonomie s'adresse principalement aux acteurs du marché, en particulier les investisseurs, les sociétés et les intermédiaires financiers, cela ne signifie pas que son utilisation doit être limitée à ce type d'utilisateurs. La taxonomie établira des critères permettant d'évaluer si une activité est verte ou de transition, mais elle peut avoir de nombreuses autres utilisations (voir le tableau 2 ci-dessus) et devra donc être conçue de façon à faciliter et à promouvoir une application plus large.
Présentation d'information et engagement à atteindre zéro émission nette : : Chaque société qui émet des instruments financiers conformément à la taxonomie devrait être tenue de s'engager à atteindre zéro émission nette d'ici 2050, puis de publier un plan de transition net zéro comprenant des cibles d'émissions de GES fondées sur la science, suivi d'un rapport de progression annuel. Plus précisément, les exigences devraient être fondées sur les nouvelles exigences réglementaires nationales ainsi que sur les normes et les pratiques exemplaires internationales. Chacune devrait également divulguer les occasions favorables et les risques liés au climat aux investisseurs et aux autres parties prenantes, conformément au Groupe de travail sur l'information financière relative aux changements climatiques (GIFCC), aux exigences réglementaires canadiennes à venir et aux normes mondiales de présentation d'information sur la durabilité. Concernant la divulgation de renseignements dans le cadre de l'émission d'instruments financiers, la taxonomie devrait établir des exigences de vérification conformes aux pratiques exemplaires internationales actuelles et, entre autres, encourager l'utilisation de la norme externe la plus stricte avant et après l'émission.
Critères de sélection rigoureux :
- Critères objectifs et fondés sur la science : Les critères utilisés pour déterminer si une activité est considérée comme étant verte ou de transition en vertu de la taxonomie devraient être fondés sur les objectifs de transition du Canada et cadrer avec le Plan de réduction des émissions du gouvernement fédéral et les objectifs de l'Accord de Paris, y compris tenter de limiter le réchauffement mondial à 1,5 °C en moyenne au- dessus du niveau préindustriel. Les critères doivent être précis, clairement définis et fondés sur la science; ils doivent utiliser des seuils (et non des principes) qui ne dépendent pas de la technologie dans la mesure du possible. Les critères et les seuils devraient exiger la présentation de mesures normalisées et de données qualitatives qui établiraient des exigences claires en matière de données, soutiendraient la comparabilité intrasectorielle et intersectorielle de la conformité à la taxonomie et exigeraient des rapports une fois le produit financier émis.
- Adaptation à la science et à l'innovation : Le domaine de l'atténuation des changements climatiques évolue rapidement, et il est important que la taxonomie demeure pertinente et à jour. À cette fin, il faudrait réviser la taxonomie régulièrement pour veiller à ce que les critères et les autres exigences reflètent les plus récentes connaissances en science du climat, politiques gouvernementales et innovations technologiques et du marché. Par exemple, la Commission européenne est tenue de revoir les critères de sélection de la taxonomie de la finance durable de l'Union européenne à intervalles définis, soit au moins tous les trois ans pour les activités de transition et au moins tous les cinq ans pour les activités vertes. En raison de ce processus, certaines activités qui étaient auparavant considérées comme conformes à la taxonomie pourraient ne plus l'être, car les critères deviennent plus stricts au fil du temps.
- Processus d'examen des demandes d'inclusion ponctuelles : En plus des examens réguliers, les concepteurs de la taxonomie devraient tenir compte des avantages d'un mécanisme qui permettrait d'examiner des demandes ponctuelles significatives des acteurs du marché pour inclure à titre exceptionnel des activités, des projets et des actifs dans la taxonomie. Comme il est difficile de définir des critères qui couvriraient toutes les activités vertes ou de transition, ce mécanisme d'examen donnerait un pouvoir discrétionnaire d'approuver les demandes ponctuelles qui seraient conformes aux objectifs climatiques de la taxonomie et à la science du climat.
Principe d'« absence de préjudice important » : Des critères devraient être établis afin que les utilisateurs de la taxonomie excluent les investissements dans des activités vertes ou de transition si celles-ci peuvent nuire de façon significative à d'autres objectifs ESG (p. ex. démarche de réconciliation avec les Autochtones [construction d'un réseau de pipelines d'hydrogène vert à proximité des communautés autochtones sans consultation ou approbation de leur part], adaptation aux changements climatiques [construction d'un parc de production d'énergie solaire dans une plaine qui pourrait devenir inondable] ou biodiversité [construction d'éoliennes en zone humide]). L'objectif est de prévenir une vision trop étroite du processus d'investissement qui poursuit l'objectif d'atténuer les changements climatiques sans tenir compte d'autres objectifs importants.
Interopérabilité à l'échelle mondiale : Le Canada devrait chercher à harmoniser les caractéristiques et les critères courants de la taxonomie canadienne avec ceux des taxonomies fondées sur la science d'autres grands pays, y compris, par exemple, la taxonomie de la finance durable de l'Union européenne. Une taxonomie canadienne qui permet la comparaison et l'interopérabilité avec d'autres grandes taxonomies à l'échelle mondiale favoriserait la confiance du marché et réduirait sa fragmentation. Elle serait intéressante pour les investisseurs internationaux et ferait la promotion du Canada comme destination potentielle pour les investissements verts ou de transition.
Recommandation 3
Nous recommandons que la taxonomie soit élaborée, en premier lieu, pour soutenir les objectifs visant à atténuer les changements climatiques et qu'elle soit conçue de façon à favoriser diverses utilisations. Les critères de la taxonomie doivent être rigoureux, objectifs et fondés sur la science du climat afin d'être crédibles à l'échelle internationale et de le rester. Il faudra revoir et mettre à jour régulièrement les critères, et démontrer leur interopérabilité avec d'autres taxonomies scientifiques d'envergure.
B) Modèle de gouvernance
Une gouvernance efficace est essentielle au succès à long terme de l'initiative en matière de taxonomie. Conformément aux éléments favorisant la réussite, le GETT a cherché à élaborer un modèle de gouvernance de la taxonomie qui soit transparent et axé sur les résultats et qui préserve l'intégrité scientifique de ses critères. L'objectif est d'avoir un modèle qui favorise une taxonomie objective et fondée sur la science, émise sous forme de directives d'application volontaire, qui puisse être utilisée à diverses fins, dont la première serait la classification des activités vertes et de transition pour soutenir l'émission d'instruments financiers.
Le modèle présenté ci-dessous est fondé sur le cadre de gouvernance à trois niveaux fréquemment suivi par les organismes de normalisation du secteur financier et les initiatives de taxonomie à l'échelle mondiale (voir les exemples à l'annexe 1), tout en étant adapté aux besoins et aux circonstances propres au Canada (le schéma 2 résume le modèle de gouvernance). Compte tenu de la nature volontaire de la taxonomie, le modèle de gouvernance n'envisage pas de vérifier la conformité et de pousser à l'application, bien que la taxonomie puisse à un certain moment avoir des points communs avec les lois fédérales et provinciales (p. ex. l'émission d'instruments financiers en vertu de la taxonomie serait assujettie aux lois provinciales sur les valeurs mobilières administrées par les organismes provinciaux de réglementation des valeurs mobilières, dont le rôle est d'assurer la conformité et le respect de la loi).
Le modèle à trois niveaux comprend généralement :
- un organisme haut placé qui est responsable de l'initiative et qui assure l'orientation stratégique et la surveillance (niveau 1);
- un organisme technique dépositaire qui dispose d'un personnel spécialisé pour élaborer les normes et les critères techniques (niveau 2);
- des groupes consultatifs techniques composés d'experts externes indépendants qui contribuent au travail technique du dépositaire, ainsi que des forums et des initiatives en bonne et due forme pour obtenir les commentaires des parties prenantes sur les projets de consultation (niveau 3).
Niveau 1 : Conseil de la taxonomie
Mandat
Le Conseil de la taxonomie (le « Conseil ») serait responsable de la gouvernance, de l'orientation stratégique et de la performance de l'initiative en matière de taxonomie. Il serait dirigé conjointement par le gouvernement fédéral et le secteur financier canadien, avec une forte participation provinciale et autochtone.
Le Conseil établirait les objectifs généraux, les principes de conception et les priorités pour l'élaboration de la taxonomie. Le dépositaire de la taxonomie (le « dépositaire »), à titre de principal architecte technique de la taxonomie (fonction décrite ci-dessous), élaborerait des propositions conformément à ces paramètres et à l'orientation stratégique. Le Conseil communiquerait périodiquement avec le Groupe consultatif pour la carboneutralité du gouvernement fédéral pour l'informer de ses priorités et de ses activités de planification.
Le Conseil étudierait les demandes d'approbation de propositions de taxonomie qui lui seraient soumises par le dépositaire aux fins de publication. Lors du premier examen d'une proposition de taxonomie, le Conseil pourrait l'approuver sans réserve ou la renvoyer au dépositaire pour qu'il la révise. Si la proposition n'était pas approuvée par le Conseil après réexamen, celui-ci aurait le pouvoir de demander au dépositaire d'apporter des modifications à la taxonomie, tant que ces révisions ne minent pas l'intégrité scientifique de la taxonomie (p. ex. les commentaires formulés pourraient être liés au caractère pratique de l'utilisation)Note de bas de page 23. Par exemple, le Conseil ne pourrait pas demander à ce que la révision des critères inclue un ensemble défini d'activités économiques si les données scientifiques suggèrent que celles-ci ne seraient pas compatibles avec une trajectoire de transition visant à limiter la hausse des températures à moins de 1,5 °C. Dans la mesure du possible, il est essentiel que le Conseil n'interfère pas avec les responsabilités techniques du dépositaire.
Le processus d'examen et d'approbation des propositions de taxonomie serait établi par une procédure officielle de vote définie par le Conseil. Dans le cadre de cette procédure, les représentants fédéraux détiendraient une majorité simple des votes afin de refléter la dimension d'intérêt public de l'initiative et d'assurer la crédibilité de la démarche (particulièrement aux yeux des observateurs externes). Au moment de sa création, le Conseil convoquerait un comité consultatif composé d'experts externes (p. ex. chercheurs et universitaires de renom) que les membres du Conseil pourraient consulter dans le cadre de l'évaluation des propositions en matière de taxonomie et pour obtenir des conseils sur d'autres points liés à leurs fonctions au sein du Conseil.
Le Conseil examinerait et approuverait le plan d'affaires, le budget et les autres rapports d'entreprise en ce qui concerne le dépositaire et l'initiative dans son ensemble. Le gouvernement fédéral et le secteur financier seraient responsables de veiller à ce que l'initiative dispose du financement nécessaire, tant au début qu'à long terme. Dans ce contexte, un modèle de financement où les principaux bénéficiaires de la taxonomie – le secteur financier, l'industrie et le gouvernement – partagent son coût pourrait être approprié. Il pourrait également y avoir des occasions à explorer pour monétiser certains éléments du travail entourant la taxonomie (p. ex. vente de publications liées à la taxonomie).
Le Conseil peut demander au dépositaire d'entreprendre des examens périodiques des instruments financiers verts et de transition en vertu de la taxonomie, afin de repérer tout problème systémique. Le Conseil pourrait envisager de prendre des mesures visant à régler les problèmes systémiques relevés au cours de ces examens, notamment en publiant une déclaration publique ou en renvoyant la question aux autorités compétentes.
Composition
Le gouvernement fédéral et le CAFD (initialement) seraient responsables de la composition du Conseil, et chacun nommerait ses membres respectifs au Conseil.
Les représentants fédéraux devraient inclure des représentants des ministères et des organismes dont les mandats suscitent un intérêt direct pour l'initiative en matière de taxonomie, pour l'établissement de politiques ou de la réglementation. Ces organismes et ministères fédéraux devraient inclure, au minimum, le Bureau du surintendant des institutions financières, la Banque du Canada, Finances Canada, Environnement et Changement climatique Canada et Ressources naturelles Canada. La représentation fédérale au Conseil devrait être permanente et attribuée à des postes de haut niveau (et non à des personnes précises) au sein des ministères et organismes fédéraux participants.
La représentation du secteur financier devrait englober chacun des principaux segments du secteur financier canadien, à savoir les institutions de dépôt, les compagnies d'assurance et les caisses de retraite (principaux utilisateurs de la taxonomie dans le secteur financier). La représentation du secteur financier serait attribuée à de hauts dirigeants, sélectionnés, en premier lieu, par le CAFD pour représenter les intérêts des divers segments du secteur financier, avec des mandats d'une durée fixe (p. ex. quatre ans). Étant donné la rotation des représentants du secteur financier au fil du temps, le Conseil devrait établir des procédures pour la sélection et la nomination de nouveaux représentants du secteur financier (p. ex. créer un comité pour cibler et nommer de nouveaux représentants du secteur financier à être approuvés par le Conseil).
Il serait avantageux pour le Conseil d'inclure des représentants des gouvernements provinciaux afin de promouvoir l'élaboration et la mise en œuvre d'une taxonomie canadienne qui tient compte des considérations provinciales, y compris les politiques sur le climat et sur la transition ainsi que l'exploitation des ressources.
Le Conseil devrait également inclure des représentants autochtones étant donné l'incidence potentielle de la taxonomie sur l'économie et les intérêts des peuples autochtones. La taxonomie devrait se conformer à la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtonesNote de bas de page 24. Avant de finaliser le modèle de gouvernance, le gouvernement fédéral devrait consulter les gouvernements provinciaux ainsi que les dirigeants
et titulaires de droits autochtones pour déterminer comment ils souhaitent participer et être représentés au sein du Conseil.
Niveau 2 : Dépositaire de la taxonomie
Le dépositaire serait responsable de l'exécution du travail technique visant l'élaboration des propositions de taxonomie à soumettre au Conseil pour approbation. Les propositions doivent être conformes aux objectifs généraux, aux principes de conception et aux priorités établis par le Conseil.
Le dépositaire devrait être constitué au sein d'une organisation indépendante et non partisane, de manière à faire l'objet d'une séparation préétablie avec les gouvernements, le secteur financier et les autres intérêts. Le dépositaire devrait posséder une expertise en matière de changements climatiques et d'environnement, ainsi qu'un réseau établi d'experts dans les domaines pertinents à la taxonomie. Ceux-ci pourraient être engagés à des fins de recherche et de conseil ou pour participer aux groupes de travail techniques nécessaires à l'élaboration de la taxonomie (discuté ci-dessous).
Le dépositaire hébergerait le personnel de gestion et le personnel technique nécessaires à la taxonomie, qui seraient représentatifs de la portée de l'initiative et de son financement établis par le Conseil. Le personnel serait responsable de l'élaboration de l'architecture de la taxonomie (structure, présentation du contenu, méthodologies) et des critères techniques. Cela impliquerait la planification du travail et l'établissement des priorités ainsi que la constitution des groupes de travail d'experts techniques nécessaires à l'élaboration de la taxonomie, selon une approche établie avec le Conseil. Le dépositaire établirait un processus interne, jugé acceptable par le Conseil, pour l'examen des propositions de taxonomie avant leur publication aux fins de consultation publique et leur approbation par le Conseil par la suite. Après la publication de la taxonomie, le dépositaire dirigerait les efforts visant à élaborer des directives et à informer les parties prenantes du contenu de la taxonomie, ainsi qu'à mettre en place un service responsable de répondre aux commentaires et aux demandes de renseignements techniques.
Le dépositaire établirait un processus pour examiner et mettre à jour régulièrement les critères techniques afin de tenir compte des plus récentes connaissances en science du climat, politiques gouvernementales et innovations technologiques et du marché. Il établirait également un processus formel pour examiner les demandes significatives ponctuelles des acteurs du marché, afin d'établir la portée des activités, des projets et des actifs à inclure de manière ponctuelle, dans la mesure où ils reflètent les objectifs climatiques de la taxonomie et qu'ils sont conformes à la science du climat. Le Conseil serait responsable de l'approbation des modifications à apporter aux critères et de l'approbation des demandes ponctuelles, à la lumière des conseils et recommandations du dépositaire.
Niveau 3 :
Groupes de travail techniques
Le dépositaire serait responsable de réunir des groupes de travail techniques qui soutiendraient l'élaboration de critères techniques scientifiquement solides, crédibles et utilisables. Les groupes de travail peuvent être permanents ou d'une durée préétablie, et ils devraient être constitués d'une combinaison adéquate de spécialistes de l'industrie, du milieu universitaire et d'autres secteurs. Les groupes de travail peuvent être organisés par secteur (p. ex. pétrole et gaz, mines), par sujet ou thème (p. ex. technologies propres) ou par groupe de parties prenantes (p. ex. questions autochtones). Les mandats et la composition des groupes de travail devraient viser à établir un équilibre approprié entre rigueur et efficacité.
Forum consultatif des parties prenantes
Le dépositaire établirait un forum consultatif des parties prenantes (le « Forum ») composé des parties prenantes concernées par l'initiative en matière de taxonomie, comme les organismes sans but lucratif œuvrant dans le domaine de l'environnement, les défenseurs de la lutte contre les changements climatiques et les parties prenantes d'une transition équitable (p. ex. secteurs, travailleurs et collectivités). Le dépositaire devrait chercher à établir un forum largement représentatif.
Le Forum serait l'occasion pour le dépositaire d'informer les parties prenantes de l'avancement et des priorités de l'initiative en matière de taxonomie. Il servirait à solliciter des commentaires sur les ébauches de consultation ainsi qu'à discuter de questions de mise en œuvre (p. ex. écoblanchiment, respect du principe d'« absence de préjudice important »). Le Forum ne serait pas un organisme chargé d'élaborer des critères techniques (il s'agit de la fonction des groupes de travail techniques mentionnés ci-dessus), mais plutôt de veiller à ce que les personnes concernées par la taxonomie aient l'occasion d'échanger avec le dépositaire dans le cadre d'un forum prévu à cet effet, et ce, à intervalles définis.
Recommandation 4
Nous recommandons la mise en place d'un modèle de gouvernance à trois niveaux : un Conseil de la taxonomie (niveau 1) – conjointement dirigé par le gouvernement fédéral et le secteur financier, avec une forte participation provinciale et autochtone – responsable de l'orientation stratégique globale, de la conception et du financement de l'initiative; un dépositaire (niveau 2) qui élabore les propositions de taxonomie et les critères techniques; et des groupes de travail techniques ainsi qu'un forum consultatif des parties prenantes (niveau 3) qui formulent des commentaires pour soutenir le dépositaire dans l'élaboration de la taxonomie.
C) Architecture du cadre
Cette section décrit l'architecture recommandée pour le cadre afin de guider l'élaboration de la taxonomie de la finance verte et de transition au Canada. Celle-ci définit les objectifs de la taxonomie et examine les exigences générales et particulières que les sociétés doivent respecter pour émettre des instruments financiers verts ou de transition dans le cadre de la taxonomie. Elle peut également être utilisée pour catégoriser les obligations, les actions et les prêts détenus dans un portefeuille. L'Institut climatique du Canada a établi l'architecture du cadre en se fondant sur ses recherches portant sur les trajectoires nationales vers zéro émission nette et les répercussions pour le Canada du passage à une économie à faibles émissions de carbone à l'échelle mondiale.
Les exigences générales portent sur la préparation de plans de transition pour les entreprises et la divulgation climatique afin de s'assurer que le financement selon la taxonomie est affecté à des projets de transition crédibles. Les exigences spécifiques établissent un processus en plusieurs étapes pour évaluer si les projets sont admissibles en vertu de la taxonomie et ne causent pas un préjudice important aux autres objectifs ESG.
Pour favoriser l'interopérabilité, la taxonomie s'appuie sur les approches utilisées dans d'autres pays, tout en intégrant des éléments et des réflexions fondés sur les caractéristiques uniques de l'économie canadienne et la trajectoire à suivre pour atteindre zéro émission nette d'ici le milieu du siècle. Bien que la présente section se concentre sur une utilisation précise (c.-à-d. l'élaboration de normes pour l'émission d'instruments financiers verts ou de transition), l'intention est que le cadre puisse être utilisé par les secteurs public et privé dans d'autres circonstances (p. ex. planification de la transition nette zéro, divulgation climatique).
Le cadre – les critères, les indicateurs et les seuils – vise à établir les éléments nécessaires pour faire progresser l'élaboration d'une taxonomie au Canada. Il ne doit pas être considéré comme définitif, mais plutôt comme le point de départ d'autres recherches, consultations et améliorations, à mesure que l'initiative progresse.
Objectives
Le cadre de la taxonomie vise à guider l'émission d'instruments financiers verts ou de transition, conformes à l'objectif du Canada d'atteindre zéro émission nette d'ici 2050 et aux cibles intermédiaires de réduction des émissions de carbone requises pour atteindre cet objectif. De façon plus générale, le cadre est conçu en tenant compte de l'engagement pris à Paris de maintenir la hausse de la température mondiale sous la barre de 1,5 °C (par rapport au niveau préindustriel)Note de bas de page 25.
Le cadre traite de l'ensemble du cycle de vie des émissions de gaz à effet de serre (GES) liées aux activités économiques, y compris les émissions de portées 1, 2 et 3 (voir l'encadré 3). Les émissions de portée 3 ne font pas partie des cibles de réduction des émissions du gouvernement fédéral du Canada, mais elles doivent occuper une place importante dans la taxonomie, car elles représentent un enjeu de transition crucial pour le secteur financier canadien (émissions financées) ainsi que pour d'autres secteurs, dont celui du pétrole et du gaz (émissions provenant de l'utilisation ou de la consommation).
Encadré 3 : Émissions de portées 1, 2 et 3 dans la taxonomie
Les émissions de GES sont classées en trois catégories par le Protocole des GES, qui rassemble les normes les plus largement utilisées pour la comptabilisation du carbone. Les émissions de portée 1 sont les émissions directes provenant de sources détenues ou contrôlées. Les émissions de portée 2 sont les émissions indirectes générées lors de la production de l'énergie achetée. Les émissions de portée 3 sont les émissions indirectes, autres que les émissions de portée 2, générées dans la chaîne de valeur de l'entité déclarante, y compris les émissions en amont et en aval.
Le cadre de la taxonomie se penche sur les émissions de portées 1, 2 et 3. Bien que la plupart des cibles et des politiques fédérales et provinciales d'atténuation des changements climatiques n'incluent pas les émissions de portée 3, il s'agit d'un élément de plus en plus important pour comprendre le risque lié à la transition. Par exemple, les secteurs dont les produits génèrent d'importantes émissions en aval (portée 3) sont vulnérables à la baisse de la demande pour leurs produits, car les politiques climatiques deviennent plus strictes et imposent des contraintes carbone aux consommateurs.
Les émissions de portée 3 représentent un enjeu important pour les institutions financières, car elles englobent les émissions des portefeuilles de prêts et de placements (c.-à-d. les émissions financées). En raison de leur importance, la GFANZ exige que ses membres produisent des rapports sur les trois catégories d'émissions. Les émissions de portée 3 sont également un point central des efforts déployés à l'échelle mondiale pour améliorer la divulgation climatique, en particulier sur les marchés financiers mondiaux. Le Conseil des normes internationales d'information sur la durabilité (International Sustainability Standards Board – ISSB) élabore actuellement un projet de norme mondiale de divulgation de l'information liée aux changements climatiques qui exigerait que les sociétés divulguent leurs émissions de portée 3 (ISSB, 2022). La norme du Partnership for Carbon Accounting Financials (PCAF) a été lancée en 2020 afin d'aider les institutions financières à mesurer et à divulguer avec constance les émissions de portée 3 de leurs portefeuilles de prêts et de placements. Les émissions financées de portée 3 représentent souvent la plus grande partie des émissions des institutions financières et constituent donc un excellent moyen d'évaluer les risques et les occasions en matière de climat.
La taxonomie se concentre principalement sur le rôle des émissions de portée 3 générées en aval pour l'évaluation du risque lié à la demande des projets. Cette démarche reflète le fait que les émissions en aval représentent habituellement une part importante des émissions de portée 3 des produits qui sont exposés à un risque élevé lié à la demande. L'utilisation de combustibles fossiles dans les moteurs à combustion interne, par exemple, représente de 70 % à 80 % de leurs émissions totales pendant leur cycle de vie (IHS Markit, 2020), alors que ces émissions sont considérées comme des émissions de portée 3 générées en aval pour les producteurs et les raffineurs de pétrole. De plus, les sociétés n'ont que peu ou pas de contrôle sur les émissions en aval, alors qu'elles peuvent exercer une influence sur leurs fournisseurs en amont.
La crédibilité de la taxonomie canadienne de la finance verte et de transition repose sur cet objectif climatique ambitieux et rigoureux. La taxonomie a pour but d'établir la norme la plus élevée possible et d'offrir une trajectoire qui s'harmonise avec la transition mondiale et les marchés financiers mondiaux qui faciliteront la transition. En cas d'ambiguïté, la taxonomie devrait privilégier le maintien de cette crédibilité internationale.
En plus de l'objectif principal d'atténuer les changements climatiques, la taxonomie devrait chercher à soutenir l'avancement d'autres objectifs qui sont essentiels pour le Canada dans la transition, notamment :
- objectifs économiques : améliorer la résilience et la compétitivité de l'économie canadienne dans le cadre de la transition mondiale vers une économie à faibles émissions de carbone;
- objectifs financiers : réduire les risques liés à la transition pour le système financier et mobiliser les capitaux du secteur privé pour soutenir la transition mondiale;
- objectifs sociaux : réduire les effets de la transition sur les travailleurs et leur famille, les communautés et les peuples autochtones.
Dans de nombreux cas, l'atteinte de l'objectif climatique de la taxonomie peut faire progresser d'autres objectifs secondaires en parallèle. Par exemple, une taxonomie assortie de seuils d'intensité d'émissions stricts peut aider à mobiliser des capitaux pour décarboner les sources existantes de croissance économique, comme la fabrication à forte intensité d'émissions. Ces investissements peuvent améliorer la compétitivité de l'économie canadienne durant la transition vers une économie mondiale à faibles émissions de carbone, réduire le risque lié à la transition auquel fait face le secteur financier et faciliter la transition pour les travailleurs en maintenant les occasions d'emploi. Une taxonomie qui aide à mobiliser des capitaux vers de nouvelles sources de croissance (p. ex. hydrogène propre, technologies agricoles et protéines alternatives, batteries et stockage) peut procurer des avantages similaires.
En plus de ces objectifs principaux et secondaires, nous nous sommes demandé si la sécurité énergétique et l'abordabilité de l'énergie devraient être explicitement intégrées à la taxonomie. Bien qu'il s'agisse d'objectifs importants, il a été décidé de ne pas recommander leur intégration puisque la taxonomie ne serait pas en mesure de les traiter de manière adéquate compte tenu de leur vaste champ d'application et de leur complexité. Il est également possible que les compromis faits pour ces objectifs réduisent la clarté et la pertinence de l'information apportée par la taxonomie, dont le but fondamental est de faire progresser les objectifs climatiques en tenant compte de la science. De plus, une telle intégration n'a semble-t-il pas encore été effectuée dans les taxonomies mondiales. La taxonomie ne peut tenir compte de tous les enjeux primordiaux de la transition énergétique, et son utilisation ne devrait pas empêcher le développement et l'utilisation de différents outils pour prendre en compte d'autres objectifs.
Recommandation 5
Nous recommandons que l'objectif principal de la taxonomie soit de soutenir l'atteinte des objectifs du Canada en matière de réduction des émissions pour limiter la hausse de la température mondiale à moins de 1,5 °C (par rapport au niveau préindustriel), et ce, pour toutes les catégories d'émissions. Associer la taxonomie à cet objectif climatique ambitieux permettra de créer et de maintenir une crédibilité à l'échelle internationale et de contribuer à faire progresser d'autres objectifs économiques, financiers et sociaux importants.
Exigences relatives à l'émission d'instruments financiers
Pour pouvoir émettre des instruments financiers verts ou de transition admissibles à la taxonomie, les sociétés émettrices doivent satisfaire à trois catégories d'exigences :
1) Exigences générales
Chaque société émettrice doit se conformer aux exigences générales relatives à l'établissement de cibles nettes zéro, à la planification de la transition et à la divulgation climatique. Ces exigences visent à s'assurer que le projet financé dans le cadre de la taxonomie est entrepris pour soutenir un plan de transition crédible et fondé sur la science, plutôt que ponctuel et successif.
Selon la taxonomie, les sociétés émettrices doivent :
-
établir une cible crédible et fondée sur la science pour atteindre zéro émission nette d'ici 2050 ou avant, ainsi qu'une cible intermédiaire à atteindre d'ici 2030 (et de préférence établir une ou plusieurs autres cibles intermédiaires à atteindre entre 2030 et 2050);
-
élaborer un plan préliminaire de transition nette zéro dans les 12 mois suivant l'émission du produit financier et un plan de transition complet fondé sur la science dans les 24 mois suivants;
-
publier un rapport annuel des progrès réalisés, et revoir et mettre à jour les plans tous les cinq ans;
-
préparer les renseignements liés au climat et les rendre publics, à court terme selon les recommandations du GIFCC, puis en se conformant aux nouvelles exigences réglementaires nationales et aux normes internationales.
Étant donné que l'objet de certaines de ces exigences évolue rapidement, il est important qu'avant la finalisation de cette catégorie d'exigences, le dépositaire de la taxonomie procède à une révision et mise à jour afin de tenir compte de l'évolution des pratiques exemplaires découlant des travaux en cours dans ce domaine. À cet égard, voici quelques-unes des initiatives importantes :
- Le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) a publié une ébauche de la Ligne directrice B-15 : Gestion des risques climatiques, qui établit ses attentes en matière de surveillance des institutions financières sous réglementation fédérale en ce qui a trait à la gouvernance liée au climat, aux pratiques de gestion du risque, aux exigences en matière de divulgation et aux plans de transition nette zéro.
- Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) sont en train d'élaborer une règle nationale sur la divulgation climatique à l'intention des sociétés cotées; l'organisme a récemment publié des lignes directrices à l'intention des fonds d'investissement concernant les pratiques de divulgation climatique et à d'autres facteurs ESG.
- Le gouvernement du Canada a lancé le Défi carboneutre en août 2022. Les entreprises qui se joignent au Défi doivent s'engager à élaborer et à mettre en œuvre un plan crédible et efficace pour rendre leurs installations et leurs activités nettes zéro d'ici 2050Note de bas de page 26. Les institutions financières qui se sont jointes à la GFANZ peuvent participer au Défi carboneutre au moyen d'un processus accéléré.
- L'ISSB a été créé lors de la COP26 en novembre 2021 afin d'élaborer et de mettre à jour des normes mondiales de présentation d'information sur la durabilité. Sa priorité est d'élaborer des normes pour la divulgation de l'information générale sur la durabilité ainsi que sur les changements climatiques. Par la suite, les conseils canadiens de surveillance de la normalisation en comptabilité, audit et certification ont annoncé la création du Conseil canadien des normes d'information sur la durabilité (CCNID), qui sera opérationnel d'ici avril 2023Note de bas de page 27. Le CCNID sera responsable d'examiner et de cibler les futures normes de l'ISSB à appliquer au Canada.
- La GFANZ prépare actuellement des recommandations et des directives à l'intention des institutions financières sur les plans de transition nette zéro (voir l'encadré 1 présenté plus haut dans le rapport).
Le dépositaire de la taxonomie devrait élaborer des lignes directrices sur les aspects techniques des exigences générales en matière d'émission d'instruments financiers qui ne sont pas prescrites par les organismes de réglementation, mais qui sont néanmoins essentielles à l'intégrité du cadre de la taxonomie et du processus d'application volontaire. Cela pourrait comprendre, par exemple, une plus grande précision quant à la signification de termes comme « exhaustif », « crédible » et « fondé sur la science » dans le contexte d'un plan de transition et de l'engagement à atteindre zéro émission nette. Le dépositaire devrait également préciser les conditions d'application des exigences générales par les petits émetteurs. Les lignes directrices devraient s'inspirer des pratiques exemplaires nationales et internationales, y compris des lignes directrices du processus mondial pour l'émission d'instruments financiers liés au climat, qui mentionne le recours à des parties externes et à des examens techniques indépendants pour vérifier les émissions de ces instruments.
Recommandation 6
Nous recommandons que les sociétés qui émettent des instruments financiers verts ou de transition en vertu de la taxonomie soient évaluées en fonction de leurs cibles nettes zéro, de leur planification de la transition et de la divulgation climatique. Elles devraient être conformes aux nouvelles exigences réglementaires nationales ainsi qu'aux normes et aux pratiques exemplaires internationales.
2) Exigences propres à l'émission d'instruments financiers
La société émettrice doit déterminer si le projet satisfait aux critères d'admissibilité « vert » ou « de transition » en vertu de la taxonomie ou s'il n'est pas admissible. La figure 2 présente un cadre de classification pour évaluer et déterminer l'admissibilité des projets. Les questions de ce cadre de classification portent sur les émissions absolues de gaz à effet de serre d'un projet. Le cadre évalue l'importance des émissions de portées 1, 2 et 3 d'un projet, l'« importance » étant déterminée par les trajectoires représentatives visant à limiter la hausse des températures à moins de 1,5 °C (voir l'encadré 4).
Encadré 4 : Déterminer l'importance des émissions de gaz à effet de serre pour chaque projet
Bien que le concept d'importance soit bien ancré dans les marchés financiers et les marchés des capitaux, il est difficile de déterminer des seuils précis pour les émissions importantes de portées 1, 2 et 3. L'importance est également essentielle pour déterminer si un projet entre dans la catégorie « vert » ou « de transition ». Dans certains cas, la détermination de l'importance est claire. Un nouveau projet d'hydrogène vert, par exemple, pourrait générer des émissions de portées 1 et 2 faibles ou nulles et des émissions limitées ou nulles de portée 3. Toutefois, pour d'autres projets, cela pourrait ne pas être aussi clair. Par exemple, si une nouvelle installation de production d'hydrogène bleu peut capter et séquestrer 90 % de ses émissions, les 10 % restantes doivent-elles être considérées comme importantes?
Des critères détaillés et transparents de détermination de l'importance devront être établis pour catégoriser les activités. Ce processus pourrait, par exemple, s'appuyer sur les pratiques exemplaires émergentes en matière de divulgation climatique, qui sont fondées sur les émissions de portées 1, 2 et 3. Il pourrait également utiliser l'analyse de scénarios pour évaluer des catégories générales d'activités ou de secteurs dans le cadre des trajectoires visant à limiter la hausse des températures à moins de 1,5 °C, selon une approche semblable à celle mentionnée dans le rapport de 2021 de l'Institut climatique du Canada, intitulé Ça passe ou ça casse. Dans ces scénarios, il est clair que les fabricants d'acier, d'aluminium et de ciment génèrent d'importantes émissions de portées 1 et 2, tandis que les producteurs de pétrole et de gaz et les raffineurs génèrent en aval d'importantes émissions de portée 3.
Projets de transition
En commençant par le haut du cadre de classification de la figure 2, la première chose à déterminer concernant un projet est de savoir s'il est exposé à un risque lié à la demande ou s'il en suscite un dans le cadre de trajectoires visant à limiter la hausse des températures mondiales à moins de 1,5 °C (étape 1). C'est-à-dire qu'il faut évaluer si le projet vend ses produits sur des marchés (ou dépend de marchés) qui devraient connaître une contraction lors de la transition mondiale, en raison de la baisse de la demande.
Dans les faits, cette question porte sur l'importance des émissions de portée 3 générées en aval par un projet. Dans le cadre de la transition mondiale, la demande pour les produits qui génèrent d'importantes émissions lorsqu'ils sont consommés ou utilisés diminuera. Ces émissions de portée 3 sont particulièrement importantes pour évaluer le risque lié à la transition de certains actifs ou instruments financiers, car il s'agit d'émissions que les projets et les producteurs ne peuvent contrôler ou gérer. À mesure que la demande se tourne vers des options à faibles émissions de carbone – que ce soit en raison des politiques, des technologies ou des préférences des consommateurs –, les émissions de portée 3 générées en aval deviennent un important facteur de risque lié à la transition et doivent donc être traitées séparément dans le cadre de la taxonomie.
Bien que la plupart des projets liés aux combustibles fossiles répondraient par l'affirmative à cette première question en raison des importantes émissions générées en aval par l'utilisation des produits, il pourrait inclure d'autres activités, comme la fabrication d'automobiles traditionnelles, pour lesquelles la demande devrait considérablement diminuer pendant la transition. Il pourrait aussi inclure l'extraction de la tourbe, qui peut libérer de grandes quantités de CO2 stocké lors de son utilisation (p. ex. horticulture, production d'électricité).
D'autres types de projets pourraient répondre par l'affirmative à cette question qui peut être moins intuitive. La construction d'une nouvelle infrastructure de distribution de gaz naturel, par exemple, pourrait engendrer un risque lié à la demande en imposant la consommation de gaz naturel pour le chauffage et la cuisson et, par conséquent, augmenter le risque que l'actif soit à un certain moment délaissé. Il convient toutefois de noter que si les progrès technologiques futurs permettaient d'atténuer ou d'éliminer les émissions de portée 3 provenant de l'utilisation de combustibles fossiles, les projets ne répondraient plus par l'affirmative à cette première question du cadre de la taxonomie.
Pour les projets exposés au risque lié à la demande, la prochaine question (étape 2 de la figure 2) vise à déterminer le moment où le risque lié à la demande se matérialisera (dans une trajectoire représentative visant à limiter la hausse des températures à moins de 1,5 °C). Le moment où la demande mondiale diminuera au cours de la transition ne sera pas le même pour tous les produits, ce qui influe sur le risque relatif lié à la transition associé à un investissement. Un produit de base pour lequel il existe des substituts à faibles émissions de carbone largement disponibles, comme le charbon thermique, fait face dès aujourd'hui à un important risque lié à la demande dans le cadre de la transition nette zéro : il doit être éliminé immédiatement pour rester sur une trajectoire visant à limiter la hausse des températures à moins de 1,5 °C et n'est donc pas admissible dans le cadre de la taxonomie.
Les nouveaux projets d'extraction de pétrole et de gaz naturel devraient également ne pas être admissibles dans le cadre de la taxonomie parce qu'ils comportent un risque important lié à la demande, qui devrait se matérialiser à court terme dans le cadre de la transition nette zéro. Les nouveaux projets d'extraction exigent beaucoup de capitaux (surtout au Canada), et la récupération de l'investissement s'étend souvent sur plusieurs décennies. De plus, étant donné que la demande mondiale de pétrole et de gaz devrait commencer à diminuer dans les années 2020, selon la trajectoire visant à limiter la hausse des températures à moins de 1,5 °C, les nouveaux projets pétroliers et gaziers ne semblent pas compatibles avec la transition à l'heure actuelle.
En revanche, à ce stade-ci du cadre de classification, les projets pétroliers et gaziers existants pourraient tout de même être admissibles, et les trajectoires à suivre pour le pétrol et le gaz doivent être évaluées séparément. La demande mondiale de pétrole et de gaz subsistera pendant plusieurs décennies, malgré les trajectoires représentatives visant à limiter la hausse des températures à moins de 1,5 °C, ce qui met l'accent sur l'importance de la décarbonation des installations de production existantes. La réduction des émissions provenant de la production pétrolière et gazière est essentielle pour que le Canada atteigne ses propres cibles en matière d'émissions. Par conséquent, la taxonomie devrait récompenser les projets qui déploient des technologies canadiennes et internationales pour réduire les émissions de portées 1 et 2, même dans les secteurs exposés au risque lié à la demande à moyen terme. L'encadré 5 donne une définition des projets pétroliers et gaziers « nouveaux » et « existants ».
Pour les projets exposés à un risque lié à la demande qui ne devrait pas se matérialiser immédiatement, la prochaine question du cadre (étape 3 de la figure 2) consiste à déterminer la durée de vie du projet et si celle- ci exposera le projet à la baisse de la demande dans le cadre des trajectoires représentatives visant à limiter la hausse des températures à moins de 1,5 °C. Cette question porte sur la réduction du risque que les projets finissent par poser un frein à la décarbonation d'une grande quantité d'émissions de carbone ou par être délaissés.
En règle générale, les projets qui présentent un risque lié aux émissions de portée 3, mais qui ont une durée de vie plus courte, reflètent un risque lié à la transition plus faible et demeurent admissibles. La mise hors service et l'élimination des actifs à fortes émissions pourraient également être des activités admissibles si elles soutiennent la transition nette zéro du secteur, ce qui serait conforme aux recommandations et aux directives proposées par la GFANZ concernant les plans de transition nette zéro des institutions financières (voir l'encadré 1).
(Il convient de noter que pour qu'un projet soit admissible à un financement selon la taxonomie, il faudrait que l'émetteur donne l'assurance que le projet sera mis hors service à une date précise.)
Encadré 5 : Définition des activités pétrolières et gazières admissibles et non admissibles dans le cadre de la taxonomie
Pour concevoir une taxonomie pratique et crédible pour le Canada, il faut définir les types d'activités compatibles avec l'objectif de limiter la hausse des températures mondiales à moins de 1,5 °C. Cette définition est importante pour les activités pétrolières et gazières en raison de leur profil d'émissions, et elles doivent être analysées séparément; toutefois, bien les cerner est un travail complexe qui nécessitera d'importants travaux techniques et la mobilisation du secteur dans les prochaines phases de mise en œuvre.
Pour ce qui est des facteurs à prendre en considération, la baisse de la demande mondiale prendra du temps, et des investissements pour décarboner la production pétrolière et gazière sont nécessaires afin de réduire les émissions mondiales et d'aider le Canada à atteindre ses cibles en matière d'émissions. La taxonomie devrait donc être conçue pour aider à mobiliser des capitaux vers des projets qui déploient des technologies canadiennes et internationales visant à réduire les émissions de portées 1 et 2. Toutefois, l'augmentation des investissements dans la production de pétrole et de gaz peut comporter des risques. Les combustibles fossiles produisent en aval des émissions de portée 3 (combustion) malgré la réduction des émissions en amont. L'augmentation de la production pourrait compliquer la réduction nécessaire des émissions.
Compte tenu de ces complexités, la taxonomie devrait faire la distinction entre les projets d'extraction de pétrole et de gaz existants et nouveaux au moment d'évaluer leur admissibilité. Les projets de production de pétrole et de gaz existants pourraient être admissibles, mais ils devront satisfaire à un ensemble de critères. Les projets existants comprennent les champs pétroliers et gaziers déjà en production et les champs en développement qui ont fait l'objet d'une décision d'investissement finale. Cela comprend, par exemple, les activités pour lesquelles un permis de production a été accordé pour l'extraction à l'intérieur des limites définies du réservoir géologique et pour lesquelles des dépenses en immobilisations importantes ont été engagées.
Pour être considérés comme étant de transition dans le cadre de la taxonomie, les projets pétroliers et gaziers existants devront démontrer une réduction de leur intensité d'émissions d'ici 2030. Les projets admissibles devront donc démontrer que les dépenses en immobilisations actuelles et futures leur permettront de réduire leur intensité d'émissions de manière à respecter le seuil à atteindre d'ici 2030 selon les modèles de transition nette zéro. Les projets admissibles devraient également avoir une durée de vie qui est proportionnelle aux prévisions concernant la demande mondiale dans le cadre de trajectoires visant à limiter la hausse des températures mondiales à moins de 1,5 °C (en reconnaissant que la durée de vie des projets gaziers est probablement plus longue que celle des projets pétroliers). Les projets d'extraction de pétrole ou de gaz existants devront également démontrer qu'un nouvel investissement visant à réduire les émissions n'augmentera pas la durée de vie de leurs activités.
Pour finir, les nouveaux projets d'extraction de pétrole et de gaz ne devraient pas être admissibles dans le cadre de la taxonomie, car ils ne sont pas compatibles avec les scénarios actuels visant à limiter l'augmentation des températures mondiales à moins de 1,5 °C. Ces projets sont des projets d'exploration et de mise en valeur
des champs pétrolifères (zone géographique surplombant un gisement de pétrole ou de gaz) qui ne sont pas actuellement en exploitation ou dont la mise en valeur n'a pas débuté. Ils incluent les projets d'exploration et de mise en valeur qui, à la date prescrite (p. ex. 2023), ne font pas l'objet d'une décision définitive d'investissement ou d'un permis du gouvernement (ou d'un contrat), et pour lesquels des dépenses en capital limitées ont été engagéesNote de bas de page 28. Des définitions, des critères et des seuils précis pour les types de projets pétroliers et gaziers de transition (selon des scénarios compatibles avec une augmentation des températures mondiales inférieure à 1,5 °C) devront être élaborés, en tenant compte des connaissances techniques et des modèles les plus récents, dès la phase 1 du processus d'élaboration de la taxonomie (voir la section 3).
Si un projet présentant un risque élevé lié à la demande doit arriver en fin de vie au moment où la demande mondiale pour le produit diminue, la question suivante (étape 4 de la figure 2) vise à déterminer si le projet réduit significativement ses émissions de portées 1 et 2. Cette question revêt une importance fondamentale pour la raison d'être et la crédibilité de la taxonomie : récompenser seulement les projets qui sont compatibles avec les objectifs d'émissions nationaux et mondiaux permettant l'atteinte de zéro émission nette d'ici le milieu du siècle, et exclure ceux qui ne sont pas compatibles avec cet objectif. La forte réduction des émissions peut aussi rendre ces actifs plus concurrentiels dans la transition mondiale vers une économie à faibles émissions de carbone, en réduisant le coût carbone (c.-à-d. en réduisant le prix payé pour les émissions).
Pour ce critère de réduction des émissions, le projet doit démontrer une intensité d'émissions conforme à l'atteinte de zéro émission nette d'ici 2030. Cet objectif est essentiel pour s'assurer que la taxonomie récompense non seulement les activités qui réduisent leurs émissions aujourd'hui, mais aussi celles qui contribuent de façon importante à la transition nette zéro. Ces réductions d'émissions doivent également provenir de l'atténuation ou de la réduction des émissions à l'intérieur des limites du projet et ne peuvent provenir de la compensation (voir l'encadré 6).
Bien que les seuils d'intensité d'émissions spécifiques à un projet restent à établir, ils devraient être fondés sur des objectifs sectoriels compatibles avec l'atteinte de la cible mondiale de 1,5 °C. La Transition Pathway Initiative, par exemple, fournit déjà ce type d'analyse, dont la taxonomie du Canada pourrait s'inspirer pour établir ses seuils. Les seuils d'émissions pourraient également être fondés sur le Plan de réduction des émissions du Canada pour 2030, qui a été publié plus tôt en 2022.
Pour déterminer ces seuils, il sera également nécessaire d'utiliser une optique régionale et de rendre opérationnel le concept de « viabilité économique et technique », notamment en tenant compte des communautés et nations autochtones du Nord. Des projections économiquement et techniquement viables dans le sud du Canada pourraient ne pas l'être dans le Nord canadien, ce qui risque de rendre difficile (voire impossible) l'atteinte pour les projets du Nord des mêmes seuils d'émissions que ceux du Sud. Au début du processus, le dépositaire devra effectuer davantage de recherches, d'analyses et d'échanges avec les titulaires de droits autochtones afin de rendre opérationnels ces concepts importants et d'établir des seuils d'émissions qui reflètent les principales différences entre les régions canadiennes.
Encadré 6 : Pourquoi la compensation carbone n'est-elle pas admissible dans le cadre de la taxonomie?
Bien que la compensation carbone puisse jouer un rôle important dans l'atteinte des cibles climatiques mondiales, les projets admissibles en vertu de la taxonomie ne doivent pas dépendre de la compensation carbone pour se conformer aux seuils d'intensité d'émissions. L'objectif de la taxonomie est d'encourager les investissements qui réduisent directement les émissions. L'atténuation ou la réduction directe des émissions par le projet lui-même (p. ex. amélioration de l'efficacité énergétique, substitution de carburant, captage, utilisation et stockage du carbone) réduit le risque lié à la transition.
En revanche, le fait de permettre à des projets d'acheter des crédits pour le carbone compensé ailleurs dans l'économie affaiblit la motivation à effectuer les investissements transformateurs nécessaires pour harmoniser les activités avec la transition mondiale. Si cette compensation n'était soudainement plus disponible, ou s'avérait douteuse, cela pourrait exposer le projet à un risque élevé lié à la transition : l'absence de compensation pourrait obliger le projet à payer un prix carbone pour ses émissions (le coût pourrait être plus élevé que la compensation).
Au cours du développement du cadre de la taxonomie, les critères devront être améliorés et modifiés en conséquence. Délimiter les projets est particulièrement important. Un projet peut, par exemple, confier le captage, l'utilisation et le stockage du carbone généré par ses activités à une société externe afin de réduire ses émissions de portée 1. La taxonomie aurait besoin de lignes directrices claires pour ce type de projets, afin de s'assurer que l'élément du projet qui reçoit un financement en raison de sa conformité à la taxonomie soit tenu responsable de cette réduction des émissions.
Les projets qui ne sont pas exposés au risque lié à la demande (c.-à-d. ceux qui n'ont pas d'importantes émissions de portée 3 générées en aval) devront répondre à une série de questions dans le cadre de classification de la figure 2.
La première question (étape 5 de la figure 2) vise à déterminer si ces projets génèrent d'importantes émissions de portées 1 et 2 et, par conséquent, s'ils sont exposés au risque lié à l'offre. Comme il est indiqué dans le rapport de 2021 de l'Institut climatique du Canada intitulé Ça passe ou ça casse, les activités à forte intensité d'émissions seront de plus en plus exposées à la hausse du prix du carbone – une réalité nécessaire si le monde veut atteindre ses objectifs climatiques. L'augmentation des coûts du carbone au fil du temps fera augmenter les coûts de production ou d'approvisionnement des producteurs à forte intensité d'émissions – en particulier ceux dont les activités génèrent le plus d'émissions (par rapport à leurs concurrents) – et deviendra un facteur dominant de risque lié à la transition.
Cette catégorie comprend, par exemple, bon nombre d'activités et de secteurs à forte intensité d'émissions, comme la fabrication de fer, d'acier, de ciment, d'aluminium et de produits chimiques, ou le secteur aérien. Elle pourrait également inclure des projets qui utilisent de l'électricité produite à partir du gaz naturel pour remplacer la production d'électricité à partir du charbon, mais seulement lorsqu'ils sont soumis à des seuils d'émissions stricts qui nécessiteraient l'ajout de technologies de captage, d'utilisation et de stockage du carbone. Cette approche suscite l'intérêt en raison des récents changements apportés à la taxonomie de la finance durable de l'UE pour rendre ces types d'activités de remplacement vertes (voir encadré 7).
Encadré 7 : Décision de l'UE d'inclure le gaz naturel et l'énergie nucléaire dans sa taxonomie (verte) de la finance durable
Chaque activité dans la taxonomie de l'UE comporte des critères techniques de sélection qui permettent de déterminer si elle contribue significativement à un objectif environnemental et ne cause pas un préjudice important à d'autres objectifs. L'acte délégué complémentaire relatif aux objectifs climatiques de la taxonomie de l'UE, qui s'appliquera en 2023, introduit des critères de sélection pour la construction et l'exploitation d'installations d'énergie nucléaire et d'installations utilisant du gaz fossile (naturel).
Le fait de rendre ces activités admissibles dans la taxonomie de l'UE a déclenché un débat majeur sur la question de savoir si l'utilisation de l'énergie nucléaire et du gaz naturel peut être compatible avec les objectifs climatiques (et les autres objectifs environnementaux) mondiaux. Cela soulève également d'importantes questions quant à la façon dont ces activités pourraient être traitées dans le cadre d'une taxonomie canadienne. Ci-dessous sont énumérés quelques-uns des principaux éléments à prendre en considération au Canada.
Premièrement, il est important de souligner que les nouveaux critères de sélection pour le gaz naturel ne s'appliquent pas à l'extraction et à la production en amont (ces activités ne sont pas incluses dans la taxonomie de l'UE). Les projets de gaz naturel admissibles doivent être des installations de production d'électricité ou de chaleur qui cogénèrent de l'électricité ou qui sont reliées à des systèmes de chauffage et de refroidissement centralisés efficaces.
Deuxièmement, les critères de l'UE établissent des seuils stricts par rapport à l'intensité d'émissions des installations existantes de l'UE. Pour être vertes, toutes les installations de production d'électricité (y compris celles qui produisent de l'électricité à partir d'énergie nucléaire ou du gaz naturel) doivent générer moins de 100 g d'éq. CO2/kWh (équivalent de dioxyde de carbone par kilowattheure) pendant leur cycle de vie. Le seuil d'intensité d'émissions des installations de gaz naturel autorisé avant 2030 est moins exigeant (270 g d'éq. CO2/kWh), mais ces installations doivent satisfaire à d'autres critères. Par exemple, elles doivent remplacer les installations alimentées par des combustibles fossiles à forte intensité d'émissions, pour lesquelles aucune solution de rechange renouvelable n'est possible, et elles ne peuvent pas augmenter considérablement la capacité de production totale. Elles doivent également, d'ici 2036, être entièrement alimentées par un carburant renouvelable ou à faibles émissions de carbone.
Pour mettre les choses en perspective, à l'échelle de l'UE, l'intensité d'émissions des installations productrices d'électricité à partir du gaz naturel est estimée à 370 g d'éq. CO2/kWh, ce qui est bien supérieur au seuil permis pour être admissible (Ember, 2022). Pour demeurer conformes à la taxonomie, les projets de production d'électricité à partir du gaz naturel et d'énergie nucléaire devront également ne causer aucun préjudice important.
Pour finir, alors que la taxonomie de l'UE ne couvre que les activités vertes, le cadre de taxonomie proposé pour le Canada couvre les activités vertes et de transition, ce qui pourrait apaiser certaines des préoccupations soulevées dans l'UE. En vertu de ce cadre proposé pour le Canada, les projets de production d'électricité alimentés au gaz naturel seraient considérés comme générant d'importantes émissions de portées 1 et 2 (ils seraient ainsi exposés à des coûts carbone élevés dans l'avenir). Ils devront donc démontrer une forte réduction des émissions pour être catégorisés comme projets de transition. Dans ces cas, le dépositaire de la taxonomie canadienne pourrait envisager d'adopter les seuils établis par l'UE et évaluer s'ils sont compatibles avec les objectifs nets zéro du Canada.
Au Canada, l'intensité d'émissions de la production d'électricité à partir du gaz naturel était de 489 g d'éq. CO2/kWh en 2020, ce qui est bien supérieur au seuil permis dans le cadre de la taxonomie de l'EU (ECCC, 2022). En revanche, l'énergie nucléaire pourrait être catégorisée comme activité verte dans le cadre de taxonomie proposé pour le Canada. À l'échelle mondiale, l'énergie nucléaire a une intensité médiane d'émissions sur le cycle de vie de 12 g d'éq. CO2/kWh (Schlömer et coll., 2014). Ces projets devront également satisfaire au critère visant à s'assurer qu'ils ne causent aucun préjudice important.
La prochaine question pour les projets générant d'importantes émissions de portées 1 et 2 (étape 6 de la figure 2) consiste à prévenir la dépendance au sentier. Certains projets et certaines activités exposés au risque lié à l'offre peuvent entraîner un frein à la décarbonation et une dépendance au sentier qui sont incompatibles avec l'objectif de limiter la hausse des températures mondiales à moins de 1,5 °C. Ces projets pourraient comprendre, par exemple, la construction d'une usine de biocarburants de première génération produisant de l'éthanol à partir du maïs ou du blé. L'utilisation à grande échelle de ces types de biocarburants conventionnels est restreinte par les limites de mélange relativement faibles pour le parc actuel de véhicules à essence et elle pourrait indirectement créer une inertie dans la transition vers les véhicules électriques ou à hydrogèneNote de bas de page 29. Les projets ayant une longue durée de vie peuvent également entraîner une dépendance au sentier et un frein à la décarbonation, en particulier dans les secteurs industriels lourds dont les installations peuvent être en activité pendant plusieurs décennies.
Pour les projets exposés au risque lié à l'offre qui ne créent pas de dépendance au sentier, la prochaine question vise à déterminer s'ils réduisent considérablement les émissions (étape 4 de la figure 2). Ces projets pourraient inclure, par exemple, une aciérie qui investit dans un four électrique à arc réduisant considérablement ses émissions de portées 1 et 2; la construction d'une nouvelle flotte d'avions utilisant de l'hydrogène propre pour réduire considérablement les émissions générées par la combustion (qui, pour la compagnie aérienne, sont considérées comme des émissions de portée 1); la transformation d'une usine de production de pâtes et papiers pour qu'elle soit en mesure d'utiliser la biomasse pour ses besoins énergétiques; ou une usine de fabrication de ciment qui se dote d'un système de captage et de stockage du carbone afin de réduire considérablement les émissions liées à ses processus. Quoi qu'il en soit, si le projet pouvait démontrer qu'il réduit significativement les émissions (d'une manière compatible avec l'atteinte de zéro émission nette d'ici 2030), il serait catégorisé comme projet axé sur la transition.
En résumé, il existe deux manières pour les projets d'être catégorisés comme projets de transition. Les projets qui sont exposés à un risque élevé lié à la demande ou qui en suscitent un doivent respecter les critères suivants :
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Risque lié à la demande qui ne se matérialise pas à court terme, et projets qui n'exigent pas une élimination immédiate pour atteindre l'objectif de limiter la hausse des températures mondiales à moins de 1,5 °C;
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Durée de vie qui ne dépasse pas le moment où la demande mondiale devrait diminuer dans le cadre de la transition visant à limiter la hausse des températures à moins de 1,5 °C;
-
Réduction importante des émissions compatible avec l'objectif de limiter la hausse des températures mondiales à moins de 1,5 °C d'ici 2030.
Les projets exposés à un risque lié à l'offre doivent répondre à un ensemble de critères similaires :
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Pas de dépendance au sentier ou de frein à la décarbonation;
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Réduction importante des émissions compatible avec l'objectif de limiter la hausse des températures mondiales à moins de 1,5 °C d'ici 2030.
Dans les deux cas, le cadre de classification est conçu pour filtrer les projets et les activités incompatibles avec l'objectif de limiter la hausse des températures mondiales à moins de 1,5 °C. Une partie de ce processus consiste à ne pas rendre admissibles les activités qui n'entraînent pas une réduction importante des émissions. Toutefois, il faut également éviter les activités condamnées. Comme l'a souligné le Groupe consultatif pour la carboneutralité du Canada, certaines technologies et sources d'énergie rendront la transition nette zéro plus difficile en « maintenant des infrastructures, des systèmes et des technologies qui devront être remplacés ou modernisés une seconde fois »Note de bas de page 30.
Les combustibles fossiles solides, l'extraction de tourbe et les moteurs à combustion interne sont trois exemples d'activités condamnées qui ne seront pas admissibles dans le cadre de classification. Il s'agit d'activités qui doivent être éliminées pour atteindre les objectifs visant à limiter la hausse des températures à moins de 1,5 °C et pour lesquelles il existe des substituts à la fois techniquement et économiquement viables. À mesure que la transition progressera, d'autres technologies condamnées émergeront, et le cadre de la taxonomie devra être mis à jour en conséquence.
Projets verts
Les projets qui ne génèrent pas d'importantes émissions de portées 1 et 2 et dont les émissions de portée 3 générées en aval sont faibles ou nulles sont automatiquement catégorisés comme projets verts dans le cadre de classification. Pour ces projets à faibles émissions, la seule question supplémentaire (étape 7 de la figure 2) vise à déterminer s'ils peuvent bénéficier ou s'ils offrent des occasions liées à la demande dans le cadre de la transition visant à limiter la hausse des températures mondiales à moins de 1,5 °C. Le rapport Ça passe ou ça casse montre que la transition nette zéro augmentera considérablement la demande mondiale de certains biens et services, créant de nouvelles occasions de marché et de croissance. La transition vers une économie à faibles émissions de carbone augmentera – et continuera d'augmenter – directement la demande pour des produits comme l'énergie propre, les technologies propres ou environnementales, et les protéines d'origine autre qu'animale. Dans d'autres cas, certains biens et services pourraient favoriser ces activités, comme les infrastructures de transport d'électricité ou les services d'ingénierie verte.
Pourtant, il existe de nombreuses activités économiques dont les émissions sont faibles, voire nulles, mais qui ne présentent pas nécessairement d'occasions liées à la transition. Cela comprend, par exemple, une grande partie du secteur des services dans l'économie. Bien que la taxonomie puisse être élargie pour inclure ce type d'activités, cette question vise à axer la taxonomie sur les activités qui présentent les meilleures occasions liées à la transition ou sur les projets et activités de vente sur des marchés en croissance.
Lors des premières étapes de l'élaboration de la taxonomie, les émetteurs pourraient procéder à une évaluation globale des occasions de marché, étant entendu que cette évaluation risque d'être difficile pour les émetteurs de petite et de moyenne taille. Les principaux marchés et technologies énumérés dans le rapport Ça passe ou ça casse, par exemple, pourraient servir de point de départ, puisqu'ils ont déjà été évalués dans le contexte canadien. Une fois le dépositaire sélectionné, il pourra présenter une analyse plus détaillée pour soutenir l'évaluation des « occasions de marché », ce qui permettrait aux émetteurs de mieux suivre le cadre. Comme c'est le cas pour d'autres aspects de la taxonomie, le dépositaire pourrait également procéder à une mise à jour régulière pour tenir compte de l'évolution du contexte.
L'envergure et la portée des projets verts devraient augmenter considérablement au fil du temps. Dans son rapport Ça passe ou ça casse, l'Institut climatique du Canada mentionne neuf marchés qui devraient se développer dans le cadre de la transition vers une économie mondiale à faibles émissions de carbone, notamment l'électricité et le transport à faibles émissions de carbone, les technologies agricoles, les protéines d'origine non animale et l'hydrogène propre. Il s'agit de marchés où les sociétés canadiennes sont déjà présentes et attirent les investissements, et où l'admissibilité à la catégorie des projets verts selon la taxonomie pourrait aider à mobiliser et à suivre les capitaux. De plus, les coûts continuent de diminuer pour un éventail de technologies à émissions de carbone faibles ou nulles, comme les énergies renouvelables, les batteries et les électrolyseurs (pour la production d'hydrogène vert), ce qui accélérera leur adoption et la croissance de ces marchés.
Les projets à émissions de carbone faibles ou nulles pourraient être admissibles à la catégorie des projets verts selon la taxonomie, et ce, tout le long de la chaîne d'innovation, de l'innovation technologique à la commercialisation à grande échelle. Par exemple, il existe un éventail de technologies à faibles émissions de carbone qui ne sont pas encore viables sur le plan commercial, mais qui pourraient procurer des avantages environnementaux et économiques importants pour la transition nette zéro au Canada. Il s'agit notamment de la production de produits chimiques à forte valeur ajoutée à partir de matières premières à faibles émissions de carbone, comme le méthanol produit à partir de déchets solides municipaux, l'ammoniac produit à partir d'hydrogène avec CUSC, ou les biocarburants de l'aviation produits à partir de déchets de l'agriculture et du bois. Selon les spécifications du projet, ces types de projets pilotes seraient verts.
Il convient également de noter que les projets qui soutiennent les occasions liées à la demande pendant la transition pourraient être considérés comme des projets verts. Il s'agit notamment de projets et d'activités qui ne présentent pas directement d'occasions liées à la demande, mais qui fournissent plutôt l'infrastructure de marché essentielle pour saisir les occasions liées à la transition. La construction d'une usine de transformation de protéines de pois, par exemple, permet aux agriculteurs locaux de modifier leurs cultures et de cultiver davantage de protéines de pois. Un autre exemple est l'infrastructure de réseau qui permet une meilleure électrification.
Les projets dont les émissions absolues de portées 1, 2 et 3 sont faibles ou nulles et qui pourraient bénéficier d'importantes occasions liées à la demande lors de la transition pourraient être considérés comme des projets verts dans le cadre de la taxonomie.
Recommandation 7
Nous recommandons que la taxonomie de la finance verte et de transition intègre le cadre de classification du présent rapport et selon lequel les projets sont jugés admissibles à la taxonomie seulement si leurs émissions de portées 1, 2 et 3, excluant la compensation carbone, sont compatibles avec les trajectoires visant à limiter la hausse des températures mondiales à moins de 1,5 °C. Les projets qui entraînent une augmentation importante des émissions et nuisent à leur réduction ne seraient pas admissibles dans le cadre de la taxonomie.
3) Absence de préjudice important
La dernière étape de l'évaluation de l'admissibilité des projets en vertu de la taxonomie (illustrée dans le tableau 4) consiste à s'assurer que chaque projet ne cause aucun préjudice important. Il s'agit de critères binaires : si un projet contrevient à l'un de ces critères, il ne sera pas admissible dans le cadre de la taxonomie. Par exemple, un projet jugé vert qui cause des dommages environnementaux importants (non climatiques) ne serait pas admissible. La terminologie et le concept concernant l'assurance qu'un projet ne causera aucun préjudice important sont apparus pour la première fois dans la taxonomie (verte) de la finance durable de l'UE. Ce concept est maintenant considéré comme une pratique exemplaire et constitue une exigence courante dans les taxonomies à l'échelle mondiale.
Encadré 8 : Critères de l'UE visant à déterminer si un projet cause un préjudice important
Ces critères visant à déterminer si un projet cause un préjudice important sont fondés sur l'approche adoptée par l'UE (voir l'encadré 8), mais ils sont adaptés aux besoins particuliers du Canada. Un critère visant à s'assurer que les projets respectent les normes minimales en matière de respect des droits des Autochtones et de la réconciliation a été ajouté afin de refléter l'importance de cet enjeu au Canada. Un autre critère a été ajouté pour s'assurer que les projets ne nuisent pas aux travailleurs et aux collectivités (et qu'ils respectent les principes d'une transition équitable).
D'autres travaux d'élaboration seront nécessaires pour finaliser les seuils et les normes minimales du tableau 4, et pour définir clairement le concept de préjudice important afin qu'il soit utilisé correctement et qu'il ne soit pas mal interprété. Des travaux d'élaboration seront également nécessaires pour s'assurer que les critères visant à déterminer si un projet cause un préjudice important soient conformes aux lois canadiennes applicables (p. ex. environnement, travail, droits des Autochtones) et qu'ils réduisent au minimum les redondances et le travail supplémentaire pour les émetteurs. L'objectif est d'établir des exigences clairement définies et faciles à suivre, qui permettent une évaluation crédible de la présence ou non d'un préjudice important.
Ces exigences pourraient s'inspirer des pratiques exemplaires internationales, y compris celles énoncées dans la taxonomie de la finance durable de l'UE. Les seuils pour les travailleurs et pour une transition équitable pourraient être inspirés par les travaux de la World Benchmarking Alliance et de l'Organisation internationale du Travail. En plus des critères visant à déterminer si un projet cause un préjudice important, l'établissement de critères visant à éliminer les projets qui ne respectent pas les mesures de protection sociale minimales, y compris en ce qui concerne les droits de la personne et du travail ainsi que la lutte contre la corruption à l'échelle internationale, pourrait être envisagé. Cela pourrait s'inspirer de l'approche de l'UE, où les projets doivent être conformes aux principaux cadres de responsabilité sociale des entreprises, y compris les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de la personne et les Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales.
Objectif | Justification | Critères |
---|---|---|
Aucun préjudice important à l'environnement | Certaines activités incluses dans la taxonomie peuvent entraîner des dommages ou des coûts environnementaux (non climatiques), qui doivent être réduits au minimum. Ce critère regroupe trois catégories dans la taxonomie de l'UE (utilisation durable et protection de l'eau et des ressources marines, prévention et contrôle de la pollution, et protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes). | L'activité répond aux exigences minimales concernant les répercussions sur l'eau, la biodiversité, la pollution et les déchets. |
Aucun préjudice important à la résilience climatique | Certaines activités incluses dans la taxonomie risquent d'être inadaptées ou d'augmenter le risque climatique. | L'activité intègre des pratiques exemplaires pour réduire le risque physique. |
Aucun préjudice important aux droits des Autochtones | Certaines activités incluses dans la taxonomie risquent de porter atteinte aux droits des peuples, des communautés et des nations autochtones. | L'activité démontre son respect de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. |
Aucun préjudice important aux travailleurs ou à une transition équitable | Certaines activités incluses dans la taxonomie pourraient avoir des conséquences négatives imprévues sur le marché du travail, notamment en ce qui concerne la création d'emplois, la formation, l'investissement dans les collectivités vulnérables et la participation des Autochtones. |
L'activité n'aggrave pas les perspectives d'emploi des travailleurs. |
Recommandation 8
Nous recommandons que les conditions d'admissibilité en vertu de la taxonomie de la finance verte et de transition comprennent une évaluation pour s'assurer que le projet ne cause aucun préjudice important. Cette évaluation doit tenir compte du contexte particulier du Canada et s'inspirer de la taxonomie de la finance durable de l'Union européenne, y compris et sans s'y limiter, le respect de normes minimales concernant les droits des Autochtones et la démarche de réconciliation, et le soutien des travailleurs et des collectivités dans le cadre d'une transition équitable.
En vedette : La taxonomie dans la pratique – Émission d'obligations et de prêts verts et de transition
Exemple 1 : Émission d'obligations vertes et de transition
Les émetteurs qui cherchent à mettre sur le marché des obligations vertes ou de transition pour financer des projets admissibles dans le cadre d'une taxonomie sont susceptibles de le faire conformément aux lignes directrices mondiales, dont les Principes applicables aux obligations vertes et le Guide sur le financement de la transition climatique publiés par l'International Capital Market Association (ICMA)Note de bas de page 31. Selon l'ICMA, la vaste majorité des émetteurs d'obligations durables à l'échelle mondiale se servent de ses principes et de ses lignes directrices pour établir des pratiques de divulgation d'information complètes et transparentesNote de bas de page 32.
À l'aide de ces lignes directrices, les émetteurs mettent généralement en œuvre le processus formel d'émission en élaborant et en publiant un cadre d'obligations vertes ou de transition. Ce cadre expliquerait aux investisseurs comment l'émission d'obligations permet de soutenir les objectifs de financement et la stratégie de durabilité de l'émetteur, tout en respectant la taxonomie et les exigences générales en matière de divulgation énoncées dans les lignes directrices mondiales. Le cadre divulguerait les types de renseignements suivants :
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Description des catégories de projets verts ou de transition que le produit de l'émission pourrait financer, ainsi que les critères de sélection correspondant aux exigences spécifiques de la taxonomie et à l'absence de préjudice important;
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Description de la gouvernance et de la gestion du processus d'émission d'instruments financiers, y compris l'évaluation et la sélection des projets admissibles, la méthodologie d'évaluation de l'absence de préjudice important, l'examen des rapports et des divulgations liés au cadre, le suivi des instruments financiers émis et de l'évolution des pratiques sur le marché;
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Des détails sur les procédures visant à s'assurer que le produit de l'émission est utilisé uniquement pour des projets admissibles, ainsi qu'une explication de la fréquence, de la nature et de la portée des rapports sur l'utilisation du produit de l'émission et sur les répercussions environnementales connexes.
Le cadre devrait faire l'objet d'un examen externe, ce qui donnerait lieu à une deuxième opinion sur sa conformité aux Principes applicables aux obligations vertes de l'ICMA et à la taxonomie. Conformément au Guide sur le financement de la transition climatique, les émetteurs peuvent également obtenir un examen technique indépendant de leur plan de transition, notamment en ce qui a trait aux cibles climatiques, à la décarbonation et à l'incidence de leur modèle d'affaires sur l'environnement.
Après la publication du cadre, les obligations vertes et de transition seraient émises sur le marché. Les émetteurs commenceraient à publier des rapports sur la façon dont le produit de l'émission a été utilisé ainsi que sur l'incidence que l'investissement a eue sur l'environnement au cours de l'année suivant son émission, puis chaque année par la suite. Un auditeur externe pourrait vérifier que le produit de l'émission est affecté à des projets verts ou de transition admissibles.
Tout au long du processus d'émission, les émetteurs devront se conformer aux lois provinciales sur les valeurs mobilières en ce qui concerne la distribution d'instruments financiers, notamment les exigences en matière d'inscription, de divulgation et de tenue de livres. Les organismes provinciaux de réglementation des valeurs mobilières sont responsables de l'administration de ces lois, y compris de la surveillance de la conformité et de la prise de mesures coercitives en cas de non-respect des lois (p. ex. divulgations trompeuses, déclarations frauduleuses). Les investisseurs peuvent également intenter des poursuites civiles pour obtenir des dommages et intérêts en cas de fausses déclarations relatives à l'émission sur les marchés primaire et secondaire.
Exemple 2 : Émission par les sociétés de prêts verts et de transition
À l'instar des obligations vertes et de transition, les entreprises qui cherchent à obtenir un prêt vert ou de transition pour financer des projets admissibles dans le cadre de la taxonomie sont susceptibles de le faire conformément aux lignes directrices mondiales, y compris les principes applicables aux prêts verts publiés par les organismes suivants : Loan Market Association (LMA), Asia Pacific Loan Market Association (APLMA) et Loan Syndications and Trading Association (LSTA)Note de bas de page 33.
Les emprunteurs commenceraient le processus de montage de prêts en préparant un cadre de prêt vert ou de transition, qui contiendrait un grand nombre des éléments mentionnés plus haut. Comme le marché des prêts repose sur les relations, un emprunteur travaillera souvent en étroite collaboration avec ses prêteurs pour élaborer ce cadre. Reflétant les objectifs de financement et la stratégie de durabilité de l'emprunteur, le cadre permettrait d'identifier les catégories de projets verts ou de transition susceptibles d'être financés ainsi que les critères de sélection fondés sur les exigences spécifiques de la taxonomie et l'absence de préjudice important. Le cadre expliquerait le processus de gouvernance interne permettant l'évaluation et la sélection des projets admissibles, les systèmes de surveillance et de suivi de l'utilisation des fonds provenant du prêt, ainsi que la fréquence des rapports soumis aux prêteurs sur ce sujet.
L'emprunteur peut choisir de publier le cadre ou de limiter sa distribution aux prêteurs éventuels seulement. Le cadre peut être distinct ou s'inscrire dans un cadre plus vaste portant sur un certain nombre d'instruments financiers verts et de transition. Les emprunteurs peuvent faire examiner certains ou tous les aspects du cadre par un intervenant externe (p. ex. deuxième opinion), mais cela n'est pas toujours le cas, surtout si les prêteurs sont convaincus que l'emprunteur possède l'expertise interne adéquate pour attester la véracité du cadre proposé.
Après son adoption, le cadre serait intégré dans l'entente de prêt (contrat) vert ou de transition entre l'emprunteur et le ou les prêteurs. Bien qu'il n'existe aucune norme de marché dictant le contenu d'une entente de prêt vert ou de transition, les principes applicables aux prêts verts indiquent que ces ententes devraient clairement définir, dans les dispositions relatives à l'utilisation du prêt, les catégories de projets pouvant être financés. Ces ententes devraient également fournir des renseignements sur les engagements relatifs aux projets verts ou de transition et établir une obligation juridique pour l'emprunteur de présenter de l'information exacte sur l'utilisation des fonds du prêt. L'entente devrait également clairement énoncer les conséquences d'une violation des dispositions relatives à l'utilisation du prêt, y compris si cette violation risque de déclencher un défaut de paiement ou simplement un changement de catégorie du prêt (p. ex. un prêt vert qui devient un prêt sans objectif environnemental).
D) Priorité de développement futur : Évaluer les occasions et les risques relatifs liés à la transition que présentent les projets verts ou de transition
Les sociétés émettrices sont tenues d'utiliser le cadre de classification dont il a été question précédemment pour évaluer si les projets sont verts ou s'ils soutiennent la transition selon la taxonomie. Toutefois, les projets verts ou de transition n'auront pas tous les mêmes avantages pendant la transition, et le cadre de classification ne fait pas ressortir les différences importantes en matière d'occasions et de risques liés à la transition pour ces deux types de projets.
Par exemple, un producteur d'aluminium qui investit dans l'électrification de ses activités afin de réduire considérablement ses émissions de portées 1 et 2 présentera des occasions et des risques liés à la transition différents de ceux d'une installation de sables bitumineux existante qui investit dans le captage, l'utilisation et le stockage du carbone (CUSC). Le producteur de pétrole est exposé au risque lié à la demande, contrairement au producteur d'aluminium. La demande mondiale d'aluminium à faibles émissions de carbone est susceptible d'augmenter pendant la transition, tout comme les occasions offertes aux producteurs d'aluminium, tandis que la demande de combustibles fossiles risque de diminuer.
L'initiative en matière de taxonomie devrait élaborer une méthodologie et des critères afin que l'émission d'instruments visant à financer des projets verts ou de transition puisse être catégorisée en fonction des occasions et des risques liés à la transition. Les investisseurs pourraient plus facilement prendre en compte les occasions et les risques liés à la transition propres à chaque instrument dans leurs décisions d'investissement. Cela favoriserait la crédibilité de la taxonomie en permettant aux parties prenantes de comprendre et de différencier les projets et les activités de transition et la façon dont cette admissibilité pourrait changer au fil du temps en raison des examens réguliers et du resserrement des critères. Enfin, ce type d'approche serait conforme aux conseils du Groupe d'experts sur la finance durable du Canada, qui a recommandé que la taxonomie canadienne soit suffisamment détaillée pour éviter toute ambiguïté.
Nous décrivons ci-dessous les critères fondamentaux proposés pour l'évaluation et la différenciation des projets verts ou de transition. L'annexe 2 présente un système de notation à utiliser conjointement avec les critères pour coter et catégoriser les projets verts ou de transition, ainsi qu'une série d'exemples de projets hypothétiques à des fins d'illustration. Les critères et les méthodologies proposés visent à donner au dépositaire un point de départ, comme possible priorité de développement futur. En plus des questions méthodologiques, il faudra nommer un organisme d'administration approprié pour appliquer les critères et attribuer les notes aux émissions d'instruments financiers (p. ex. agences de notation ESG, organisme de normalisation).
Évaluer les activités vertes
Le tableau 5 présente un ensemble de critères proposés pour évaluer les risques et les occasions liés à la transition des projets verts. Le premier critère du tableau concerne l'intensité relative des émissions d'un projet. Les seuils de ce critère pourraient être établis en fonction de ceux déjà élaborés par l'UE, qui utilise un seuil d'intensité d'émissions établi en fonction des émissions pendant le cycle de vie (portées 1, 2, 3). À l'aide de ces seuils, les projets pourraient être évalués pour déterminer s'ils génèrent des émissions nulles ou négatives, ou si celles-ci sont supérieures, égales ou inférieures à la moyenne du secteur ou des produits comparables. Le seuil pour les projets d'hydrogène vert, par exemple, pourrait correspondre au seuil d'émissions déterminé par l'UE, qui est de 3 tonnes de dioxyde de carbone ou d'équivalent par tonne d'hydrogène produit (3 t éq. CO2/t H2). Les projets pourraient être évalués en fonction de ce seuil.
Le deuxième critère évalue les occasions de marché relatives associées au projet (et les biens ou services qu'il vend). Ce critère est justifié par le fait que tous les projets et toutes les activités ne bénéficieront pas des mêmes occasions. Lorsque le marché prévu est petit ou très incertain, le risque est plus élevé (ou les occasions sont moindres) que pour les marchés où les occasions sont à la fois importantes et certaines durant la transition. La disponibilité de substituts techniquement et économiquement viables est un facteur important à prendre en considération : les projets qui vendent sur un vaste marché où peu de solutions de rechange viables concurrentes sont disponibles offrent de meilleures occasions.
Objectif | Critères | Justification | Mesure possible |
---|---|---|---|
Réduire les émissions relatives de GES (émissions pendant le cycle de vie) |
Intensité d'émissions par rapport à la moyenne du secteur ou des produits comparables | Les activités à faibles émissions ou qui se démarquent dans ce domaine offrent de meilleures occasions liées à la transition (analyse fondée principalement sur les seuils de l'UE). |
|
Soutenir les activités offrant de meilleures occasions de marché pendant la transition | Taille de la chaîne de valeur d'ici 2050 dans une trajectoire axée sur l'objectitif de 1,5 °C | La demande pour certaines activités sera plus importante que pour d'autres durant la transition. Les activités dont le marché devrait se développer d'ici 2050 offrent de meilleures occasions liées à la transition. Les meilleures occasions de marché présenteront également une plus grande adaptabilité de la technologie et la capacité de gagner ou de conserver des parts de marché (seuil de rentabilité). |
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Projets de séquestration seulement | |||
Réduire les émissions de façon permanente | Proportion des émissions séquestrées rejetées dans l'air |
Certaines activités offrent une plus grande certitude quant à la permanence de la réduction des émissions, ce qui reflète de meilleures occasions lors de la transition. |
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Par exemple, les occasions de marché pour les véhicules électriques légers sont importantes et convergent rapidement. D'autres types de technologies à faibles émissions de carbone existent pour les véhicules légers, comme les piles à hydrogène, mais, selon les prévisions, les véhicules électriques seront la technologie dominante.
En revanche, le marché futur de l'hydrogène propre devrait être vaste, mais comporter une plus grande incertitude. La valeur du marché pourrait se situer entre 2 500 G$ et 12 000 G$ d'ici 2050, selon le taux d'adoption dans plusieurs secteurs (c.-à-d. que certains secteurs ont des substituts de l'hydrogène propre plus viables que d'autres, mais il y a encore quelques secteurs où l'hydrogène propre pourrait devenir la technologie dominante). Le marché de certains minéraux critiques est encore moins certain et dépend du type de technologie de batterie ou de stockage qui remportera des parts de marché au cours des prochaines décennies, de sorte que le marché pour ce type de projets pourrait offrir moins d'occasions.
Bien que l'évaluation des occasions de marché liées à un produit ou à un service soit difficile (voir l'encadré 9), elle peut être utile pour évaluer la taille relative des occasions et des risques liés à la transition. Les seuils, par exemple, pourraient être établis en fonction de la taille prévue des chaînes de valeur selon différentes trajectoires de transition nette zéro et des fourchettes d'estimations relatives. Quoi qu'il en soit, des seuils clairs et cohérents devront être établis pour ce critère et mis à jour périodiquement, en fonction de l'évolution de la technologie et de l'ajustement des différentes trajectoires.
Encadré 9 : Défis à entrevoir pour définir le « marché » des projets
Il peut être difficile de délimiter le « marché » d'un projet donné, un exercice qui aura des répercussions importantes sur les occasions et les risques relatifs liés à la transition. Prenons, par exemple, le marché d'une nouvelle installation qui produit de petits réacteurs nucléaires modulaires (PRM). D'une part, le marché des PRM pourrait être relativement petit, en raison de la disponibilité de solutions de rechange moins chères et plus rentables pour la production d'électricité, comme les énergies renouvelables (avec ou sans technologie de stockage). Toutefois, si le marché des PRM est défini de façon plus générale – comme l'ensemble du marché de l'électricité propre, peu importe la façon dont elle est produite –, il sera beaucoup plus vaste.
La délimitation du marché soulève aussi d'importantes questions d'ordre géographique. Certains biens et services sont très facilement commercialisables, notamment les nouveaux logiciels de réseau intelligent pouvant être adoptés partout dans le monde. Le marché potentiel pour ces types de produits (et projets) est vaste. Par contre, d'autres marchés, comme la production et la distribution d'électricité propre, sont plus limités géographiquement.
L'évaluation et le classement des occasions et des risques relatifs associés à la taille du marché peuvent également influer sur les technologies qui génèrent des avantages importants, mais seulement pour une petite population. Les technologies qui fournissent de l'énergie propre et fiable aux collectivités rurales, éloignées et autochtones, par exemple, pourraient générer d'importants avantages locaux, mais la technologie risque d'être perçue comme ayant un petit marché si son champ d'application ne peut être élargi. Ces cas nécessiteront des recherches plus approfondies lors de l'établissement de critères et de mesures.
Le dernier critère des projets verts ne s'appliquerait qu'à ceux qui séquestrent les émissions. Ce critère pourrait, par exemple, viser les solutions axées sur la nature, comme les projets de boisement ou de restauration de milieux humides. Les solutions axées sur la nature devraient, par définition, avoir des émissions négatives, ce qui signifie que le premier critère (intensité d'émissions) ne s'appliquerait pas à ces projets. Cela permet de s'assurer que les solutions axées sur la nature ne seront pas désavantagées par le cadre par rapport aux autres types de projets verts.
Ce critère s'explique par le fait que toutes les émissions séquestrées ne sont pas comparables; en effet, certaines le sont de manière plus permanente que d'autres. Un projet de boisement dans une région où le risque de feux de forêt est élevé, par exemple, présente une probabilité plus élevée que certaines des émissions séquestrées soient rejetées dans l'atmosphère. Plus un projet de séquestration offre des garanties (p. ex. protection contre le risque de feux de forêt ou interdiction d'aménagement pour éviter un futur empiétement), plus le risque lié à la transition est faible (et les occasions, importantes). Les seuils de ce critère devraient ultimement correspondre aux normes de compensation établies.
Évaluer les activités de transition
Les critères de la catégorie de transition devraient s'appuyer sur les critères verts (voir le tableau 6), en commençant par évaluer l'intensité d'émissions d'un projet pour l'année en cours. L'intensité d'émissions de chaque projet serait comparée à la moyenne du secteur ou des produits comparables établie en fonction des trajectoires de transition nette zéroNote de bas de page 34.
Toutefois, alors que la détermination des activités vertes utilise les émissions pendant le cycle de vie comme seuil principal, les seuils des activités de transition sont fondés uniquement sur les émissions de portées 1 et 2. Deux raisons expliquent cette approche légèrement différente. Premièrement, les émissions de portée 3 ont déjà été prises en compte dans le cadre de classification, c'est-à-dire que certains projets de transition tombent dans cette catégorie précisément en raison du risque climatique plus élevé associé aux émissions de portée 3. Deuxièmement, la catégorie verte vise à établir la norme la plus élevée et, par conséquent, ses critères tiennent compte des émissions pendant la totalité du cycle de vie d'un projetNote de bas de page 35. La catégorie de transition correspond à une norme légèrement inférieure, mais les projets de cette catégorie doivent tout de même réduire considérablement les émissions de portées 1 et 2.
Les projets de transition devront également démontrer une amélioration de leur intensité d'émissions au fil du temps. Cela se justifie par le fait que les projets de transition – par définition dans le cadre de classification à l'étape 1 – génèrent une plus grande quantité d'émissions absolues et doivent réduire significativement leurs émissions pour rester compatibles avec les objectifs de transition nette zéro.
Objectif | Critères | Justification | Mesures possibles |
---|---|---|---|
Réduire les émissions relatives de GES (portées 1 et 2) | Intensité d'émissions par rapport à la moyenne du secteur ou des produits comparables (actuellement) | Les activités qui génèrent moins d'émissions offrent de meilleures occasions liées à la transition. Évaluation de la cohérence des activités par rapport au Plan de réduction des émissions. |
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Intensité d'émissions par rapport à la moyenne du secteur et des produits comparables pour 2030 (selon les trajectoires nettes zéro) | Les activités doivent démontrer une réduction des émissions de portées 1 et 2 au fil du temps, jusqu'à atteindre les cibles définies pour le secteur ou les produits comparables. Les activités qui démontrent une réduction des émissions futures offrent de meilleures occasions liées à la transition (et un risque moins élevé). |
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Soutenir les activités offrant de meilleures occasions de marché pendant la transition | Taille de la chaîne de valeur d'ici 2050 dans une trajectoire axée sur l'objectif de 1,5 °C | Les marchés de certaines activités de transition pourraient demeurer robustes pendant des décennies, tandis que d'autres risquent de connaître un déclin à long terme. Les activités dont le marché se sera développé en 2050 offrent de meilleures occasions liées à la transition. Les meilleures occasions de marché présenteront également la capacité de gagner ou de conserver des parts de marché (seuil de rentabilité). |
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Projets de séquestration seulement | |||
Réduction du risque associé au déploiement de la technologie CUSC | Proportion des émissions qui pourraient ne pas être captées ou proportion des émissions séquestrées rejetées dans l'atmosphèrea |
Certaines formes de CUSC ont un taux de captage et une permanence de la séquestration plus fiable que d'autres. |
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Projets exposés au risque lié à la demande uniquement | |||
Absence de frein à la décarbonation et de dépendance au sentier | Durée de vie du projet par rapport à la demande mondiale du produit dans le cadre d'une trajectoire axée sur l'objectif de 1,5 °C |
Les activités de transition ayant une durée de vie ou une période de récupération plus longue comportent un risque lié à la transition plus élevé. Les seuils de durée de vie sont déterminés en fonction de la demande mondiale pour un produit en particulier. |
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a) Bien que les seuils spécifiques à ce critère doivent encore être établis, l'objectif est de récompenser les projets qui utilisent une technologie CUSC affichant un taux de captage fiable et qui démontrent une séquestration permanente. |
Pour satisfaire à ce critère supplémentaire concernant l'intensité d'émissions, les projets doivent être en mesure de démontrer qu'ils apporteront une amélioration importante d'ici 2030. Plus précisément, les projets doivent démontrer, au moyen des dépenses en immobilisations existantes et des plans d'investissement prospectifs, que les émissions ne dépasseront pas le seuil établi pour 2030. Notamment, les projets ne pourront pas avoir une intensité d'émissions supérieure au seuil établi pour 2030, ce qui aide à garantir que les projets de transition devront procéder à d'importants investissements pour rester admissibles à cette catégorie (les projets qui ne procèdent pas à ces investissements importants pour la réduction des émissions ne seront pas admissibles dès l'étape 1 du cadre de classification).
Comme pour les projets verts, les projets de transition sont évalués en fonction des occasions de marché potentiel dont ils pourraient bénéficier pendant la transition (voir l'encadré 9 ci-dessus). En utilisant la chaîne de valeur de biens et de services précis comme représentation approximative, un projet qui vend sur un marché plus vaste – et sur lequel il existe moins de solutions de rechange viables à ce que le projet vend sur ce marché – offre de meilleures occasions. Le marché de l'acier vert, par exemple, devrait être un vaste marché pendant la transition.
Les projets de transition qui visent à séquestrer les émissions doivent satisfaire au même critère supplémentaire que les projets verts. Pour les activités de transition, ce critère s'applique aux projets qui utilisent les technologies CUSC pour réduire leurs émissions de portée 1 et 2. Bien que les seuils spécifiques à ce critère doivent encore être établis, l'objectif est de souligner le risque encouru si les émissions de portées 1 et 2 ne sont pas réduites dans le cadre de la transition d'un projet net zéro.
Deux raisons justifient ce critère. Tout d'abord, il est préférable d'éviter ou de réduire les émissions que de produire du carbone qui doit ensuite être capté et stocké. Deuxièmement, certaines technologies CUSC ont un taux de captage peu fiable ou ne peuvent garantir la permanence de la séquestration du carbone. Ces deux problèmes liés aux technologies CUSC pourraient exposer un projet (et un émetteur) à un risque élevé lié à la transition (p. ex. une augmentation soudaine des émissions non captées). Par exemple, de récentes défaillances mécaniques de la technologie CUSC du barrage Boundary en Saskatchewan ont fait en sorte que l'installation a émis en 2021 plus de 500 000 tonnes supplémentaires de CO qui devaient être captéesNote de bas de page 36.
Enfin, les projets de transition qui sont exposés à un risque lié à la demande doivent répondre à un critère supplémentaire qui mesure le risque de frein à la décarbonation et de dépendance au sentier. Bien que l'étape 1 du cadre de classification vise à filtrer les projets qui entraînent un frein à la décarbonation et une dépendance au sentier significatifs (p. ex. production de charbon, mise en valeur de nouveaux champs pétrolifères et gaziers), ces enjeux peuvent tout de même être pertinents pour certains projets de transition, en particulier ceux qui incluent la décarbonation pour des installations pétrolières et gazières existantes. Cela se justifie par le fait que les projets exposés à un risque lié à la demande présentent un risque plus élevé que les autres projets.
Le critère concernant le risque lié à la demande est fondé principalement sur la durée de vie du projet. Les projets ayant une durée de vie plus longue, comme une installation de production de gaz naturel d'une durée de vie de 25 ans, sont exposés à un risque lié à la transition plus élevé. Bien que les seuils précis de ce critère doivent encore être établis, la durée du projet doit être proportionnelle au risque relatif lié à la demande pour cette activité particulière. Autrement dit, la définition de « longue » durée de vie pour les installations de production de gaz naturel peut différer de celle pour les installations de production de pétrole, étant donné que la demande mondiale de gaz naturel devrait être plus forte (et d'une plus longue durée) que la demande de pétrole.
La figure 3 ci-dessous illustre comment ce type de système de notation pourrait fonctionner dans la pratique. Elle présente une gamme de projets hypothétiques verts et de transition, évalués en fonction des risques et des occasions qu'ils présentent en lien avec la transition. Ces exemples sont fournis à titre indicatif seulement. L'évaluation ou la notation réelle des projets nécessitera l'élaboration de la méthodologie et des critères rigoureux décrits ci-dessus. Il faudra également déterminer un modèle approprié pour son utilisation et son administration (p. ex. agences de notation ESG, organisme de normalisation). Voir l'annexe 2 pour plus de renseignements sur la méthode de notation, dont dépend le positionnement des projets dans cette figure.
Recommandation 9
Nous recommandons que l'initiative en matière de taxonomie envisage, comme priorité future, l'élaboration d'une méthodologie et de critères pour différencier les occasions et les risques relatifs des projets verts et des projets de transition, afin d'améliorer les décisions d'investissement ainsi que le perfectionnement et la crédibilité de la taxonomie.
Troisième partie : Mise en œuvre
Il est impératif de procéder rapidement à l'élaboration et à la mise en œuvre de la taxonomie de la finance verte et de transition au Canada. Tout retard ferait manquer des occasions au Canada de mobiliser des capitaux verts à grande échelle, ainsi que d'influencer le dialogue mondial sur la taxonomie. Toutefois, procéder rapidement ne peut se faire au détriment de la qualité et de la crédibilité. Compte tenu de ces considérations, le GETT recommande que la taxonomie soit élaborée et mise en œuvre en deux phases distinctes, comme suit :
Phase 1 : Démarrage mené par le CAFD (automne 2022 à été 2023)
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Publier une version abrégée de la taxonomie couvrant les secteurs et les activités prioritaires.
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Jeter les bases de la mise en œuvre de la taxonomie pour une utilisation à long terme.
Le CAFD a approuvé et soumis le présent rapport à la vice-première ministre et ministre des Finances ainsi qu'au ministre de l'Environnement et du Changement climatique du Canada pour examen et prise de mesures à l'automne 2022. Les ministres auront probablement besoin de temps pour examiner le rapport et présenter une réponse officielle concernant les recommandations du CAFD.
Entre-temps, le CAFD, sous réserve du soutien des autorités fédérales, demanderait au GETT de concevoir l'architecture de la taxonomie énoncée dans le présent rapport, en mettant l'accent sur l'établissement d'exigences d'application volontaire concernant l'émission d'instruments et l'élaboration de critères que les projets verts et de transition dans certains secteurs et certaines activités (déterminés selon une évaluation des risques et des besoins) devront satisfaire.
Pour accélérer ce travail, le GETT chercherait à tirer parti des connaissances et de l'expertise pertinentes en matière de taxonomie qui existent à l'échelle nationale et internationaleNote de bas de page 37. Pour ce faire, il s'en remettrait aux ressources en recherche dont le CAFD a retenu les services, ainsi qu'à son réseau de partenaires du savoir. Ces travaux consisteraient notamment à effectuer d'autres recherches approfondies et à mobiliser les parties prenantes sur les enjeux primordiaux repérés au cours de l'élaboration du rapport, y compris la définition de l'existant par rapport au nouveau, séparément pour les projets de production de pétrole et de gaz. Il faudra également travailler avec les organisations participantes au CAFD (p. ex. assurance IARD, réassurance) et les autres parties prenantes sur la façon d'intégrer l'adaptation et la résilience à l'architecture du cadre de taxonomie. L'engagement du secteur sera également essentiel pour tester sur le terrain la facilité d'utilisation et la pertinence des critères. L'objectif serait de publier une version abrégée de la taxonomie, sous la bannière du CAFD, d'ici le printemps ou l'été 2023.
Parallèlement, le CAFD et le GETT commenceraient à jeter les bases de la mise en œuvre de la taxonomie pour son utilisation à long terme. Cela pourrait inclure un dialogue sur la mise en œuvre avec le gouvernement fédéral et les provinces, ainsi que les dirigeants et titulaires de droits autochtones, la détermination les modèles de financement et des contributeurs potentiels, la préparation d'une courte liste de représentants du secteur financier pour le Conseil de la taxonomie et la suggestion d'organismes pouvant agir à titre de dépositaire. Cela pourrait également inclure l'amorce de discussions en vue d'officialiser l'échange de renseignements et d'établir des ententes d'assistance mutuelle avec des initiatives visant l'élaboration d'une taxonomie dans d'autres pays.
La phase 1 serait menée par le CAFD et le GETT. Elle continuerait de s'appuyer sur les ententes de gouvernance existantes, y compris l'engagement auprès du groupe officiel de coordination sectorielle fédéral-provincialNote de bas de page 38, tout en reconnaissant qu'un engagement équilibré sera nécessaire auprès des gouvernements provinciaux, de l'industrie et d'autres parties prenantes, afin de soutenir la mise en œuvre de la phase 2.
Phase 2 : Mise en œuvre complète menée par le gouvernement fédéral et le CAFD (à partir de l'été 2023)
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Le gouvernement fédéral et le CAFD établissent le Conseil de la taxonomie (le « Conseil »), choisissent ses membres et apportent le financement (été-automne 2023).
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Le Conseil mène un processus fondé sur le mérite pour choisir le dépositaire de la taxonomie (le « dépositaire ») (d'ici la fin de 2023).
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Le dépositaire embauche le personnel et réunit les groupes de travail techniques nécessaires pour élaborer une taxonomie complète, en utilisant la version abrégée comme point de départ (d'ici le milieu de 2024).
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Le dépositaire élabore le projet de taxonomie, le publie pour consultation (début 2025) et le soumet au Conseil pour approbation (automne 2025).
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La taxonomie approuvée est publiée (fin 2025); le Conseil établit la prochaine phase du travail d'élaboration de la taxonomie (travail continu).
Le gouvernement fédéral et le CAFD, à l'été ou à l'automne 2023, établiraient officiellement le Conseil comme l'organe directeur de l'initiative en matière de taxonomie. Le Conseil pourrait être prescrit par la loi, établi en tant que comité ministériel en vertu de la législation existante ou convoqué par des moyens non législatifs, comme un protocole d'entente. Puisque la rapidité d'élaboration est un facteur important, des approches non législatives peuvent être préférables; toutefois, chaque option devra être évaluée afin de déterminer celle qui répondrait le mieux à l'ensemble des besoins de cette initiative.
Dès la création du Conseil, le gouvernement fédéral et le CAFD nommeraient des représentants pour siéger au Conseil. La représentation fédérale serait déterminée par les ministres responsables de l'initiative. Le CAFD établirait un processus pour sélectionner un représentant de chacun des principaux segments du secteur financier canadien. Les provinces pourraient à ce moment être invitées à participer au processus (p. ex. organismes de réglementation des valeurs mobilières). Le gouvernement fédéral et le CAFD (c.-à-d. les contributions volontaires de ses organisations participantes) fourniraient le financement initial pour établir le Conseil.
Le Conseil mènerait un processus fondé sur le mérite pour sélectionner un organisme de recherche d'ici la fin de 2023 pour être le dépositaire. Une fois le dépositaire en place, y compris son équipe dirigeante, le Conseil lui demanderait d'élaborer la version complète de la taxonomie et de la lui soumettre pour approbation d'ici l'automne 2025. Le dépositaire utiliserait la taxonomie abrégée publiée comme point de départ et élargirait les exigences d'émission d'instruments financiers ainsi que les critères d'admissibilité à la catégorie verte et à la catégorie de transition à l'ensemble des secteurs et des activités au Canada qui jouent un rôle important dans l'atténuation des changements climatiques. Dans le cadre de cet exercice, il déploierait les efforts nécessaires pour élaborer des critères soutenant les objectifs d'adaptation et de résilience climatiques.
L'équipe dirigeante du dépositaire procéderait rapidement au renforcement des capacités nécessaires pour atteindre cette étape. D'ici le milieu de 2024, le dépositaire devrait avoir réuni le personnel spécialisé et les groupes de travail techniques externes nécessaires, et l'élaboration de la taxonomie devrait avoir bien avancé. Parallèlement, le Conseil mettrait en œuvre le reste de l'infrastructure nécessaire pour examiner et approuver les propositions de taxonomie, y compris l'élaboration de procédures et de règles de vote, un cadre pour mesurer la performance et les résultats, ainsi que la mise sur pied d'un comité consultatif composé d'experts.
Le dépositaire publierait une ébauche de la taxonomie d'ici le début de 2025. En plus d'inviter toutes les parties prenantes à formuler des commentaires, le Forum consultatif des parties prenantes serait lancé et la première réunion servirait à solliciter les commentaires des participants concernant l'ébauche. Le dépositaire examinerait les commentaires, apporterait les révisions nécessaires et soumettrait la proposition de taxonomie finale au Conseil pour approbation d'ici l'automne 2025, avec une date cible de publication d'ici la fin de 2025.
D'autres discussions devront avoir lieu au cours du processus d'élaboration, en particulier entre les représentants du gouvernement et des organismes de réglementation siégeant au Conseil, afin de déterminer le statut de
la taxonomie (p. ex. directives volontaires ou lignes directrices, raisons de la proposition de réglementation). Le dépositaire serait responsable d'accompagner la publication de la taxonomie avec du matériel explicatif supplémentaire, ainsi que de mener des activités de formation et de sensibilisation.
Au cours de la période suivant le lancement et la mise en œuvre de la taxonomie, le Conseil fixerait les objectifs et les priorités pour la prochaine phase de l'élaboration de la taxonomie, ce qui pourrait inclure l'officialisation du processus de révision périodique des critères d'admissibilité à la catégorie verte et à la catégorie de transition, l'approfondissement des éléments de la taxonomie publiée (p. ex. critères permettant d'évaluer l'adaptation et la résilience climatique ainsi que l'absence de préjudice important) et l'élargissement de la taxonomie pour y inclure d'autres objectifs environnementaux, sociaux et de gouvernance prioritaires.
Recommandation 10
Nous recommandons que la taxonomie de la finance verte et de transition soit élaborée en deux phases distinctes. Durant la phase 1, le CAFD publierait une version abrégée de la taxonomie d'ici le milieu de 2023 couvrant les secteurs et les activités prioritaires, et il jetterait les bases de la mise en œuvre de la taxonomie à long terme, y compris en ce qui concerne la gouvernance, le financement et la planification stratégique. La mise en œuvre complète de l'initiative en matière de taxonomie et la publication d'une taxonomie exhaustive et détaillée auraient lieu lors de la phase 2, soit d'ici la fin de 2025 au plus tard.
Annexe
Glossaire des principaux termes
Actifs délaissés : actifs qui, avant la fin de leur vie économique (déterminée lors de la décision d'investissement), ne sont plus en mesure de produire un rendement économique, en raison des changements associés à la transition vers une économie à faibles émissions de carbone (demande ou prix inférieurs aux prévisions).
Coût du carbone : prix payé par une entité pour ses émissions de gaz à effet de serre. Le coût du carbone peut être direct en raison de la tarification du carbone ou implicite en raison de la réglementation. Une entité qui réduit ses émissions réduit son coût du carbone et améliore la compétitivité carbone de ses produits.
Compensation carbone : unité d'émissions établie par un programme de crédits compensatoires de carbone qui représente une réduction ou une élimination des émissions de gaz à effet de serre. Les crédits compensatoires de carbone sont numérotés, émis, suivis et annulés au moyen d'un registre électronique.
Dépendance au sentier : phénomène par lequel les actifs, les technologies et les systèmes énergétiques existants créent une inertie et renforcent les facteurs politiques, de marché et sociaux qui retardent ou bloquent l'action climatique.
Émissions de portée 1 : émissions directes de gaz à effet de serre provenant de sources détenues ou contrôlées par une entité. Par exemple, les émissions résultant de la combustion dans des chaudières, des fournaises,
des véhicules qui sont contrôlés par une entité ou qui en sont la propriété, ou les émissions provenant de la production de produits chimiques au moyen d'équipements qui sont contrôlés par une entité ou qui en sont la propriété.
Émissions de portée 2 : émissions indirectes de gaz à effet de serre découlant de la production d'électricité, de vapeur, de chauffage ou de refroidissement utilisés par une entité. Les émissions de portée 2 proviennent des installations de production d'électricité, de vapeur, de chauffage ou de refroidissement.
Émissions de portée 3 : émissions indirectes autres que les émissions de portée 2 qui sont générées dans la chaîne de valeur d'une entité, y compris les émissions en amont et en aval. Par exemple, dans le cas d'une raffinerie de pétrole, les émissions de portée 3 sont générées par l'extraction et le transport de pétrole brut (en amont) et par la distribution et la combustion de produits raffinés (en aval).
Frein à la décarbonation : actifs, technologies et systèmes énergétiques à haute intensité d'émissions qui ont une longue durée de vie (ou une longue période de récupération du capital) « garantissant » ainsi les émissions futures et qui, par conséquent, éliminent la possibilité de faire appel à des solutions de rechange à faibles émissions de carbone; ils sont incompatibles avec les scénarios climatiques visant à limiter l'augmentation des températures à 1,5 °C. Investir dans des actifs susceptibles de freiner la décarbonation limite la souplesse d'agir dans le futur et peut à la fois augmenter les émissions et le coût de la lutte contre les changements climatiques. Le frein à la décarbonation peut toucher tant les projets exposés au risque lié à l'offre que les projets exposés au risque lié à la demande (voir définitions).
Occasions liées à la transition : potentiel de forte croissance du marché dans le cadre de la transition mondiale vers une économie à faibles émissions de carbone. De faibles émissions ou des émissions parmi les plus faibles du secteur, une forte demande projetée ou la certitude de réduire les émissions présentent d'excellentes occasions liées à la transition.
Plan de transition : partie de la stratégie globale d'une entité qui établit une série de cibles et de mesures pour soutenir sa transition vers une économie à faibles émissions de carbone, y compris des mesures comme la réduction de ses émissions.
Risque lié à l'offre : possibilité que les émissions de portées 1 et 2 d'un projet augmentent son coût du carbone lors de la transition vers une économie mondiale à faibles émissions de carbone. La hausse du coût du carbone augmente les coûts de production, ce qui réduit la compétitivité d'un projet ou d'une entreprise, car les émissions de carbone deviennent un fardeau de plus en plus lourd. En règle générale, les projets dont les émissions de portées 1 et 2 sont plus élevées sont exposés à un plus grand risque lié à l'offre.
Risque lié à la demande : possibilité de baisse de la demande mondiale pour un produit lors de la transition vers une économie mondiale à faibles émissions de carbone. Les projets présentant d'importantes émissions en aval (portée 3) sont exposés à un risque élevé lié à la demande, surtout lorsqu'ils ont une longue durée de vie. Les projets qui doivent être éliminés immédiatement pour respecter l'objectif de limiter le réchauffement de la planète à moins de 1,5 °C sont également exposés à un risque élevé lié à la demande.
Risque lié à la transition : possible stagnation ou contraction du marché lors de la transition mondiale vers une économie à faibles émissions de carbone. Des émissions élevées, la diminution prévue de la demande future, le frein à la décarbonation ou l'absence de certitude de pouvoir réduire les émissions présentent un risque élevé lié à la transition.
Technologies condamnées : technologies et avenues technologiques qui ne cadrent pas avec l'objectif climatique de limiter la hausse des températures mondiales à moins de 1,5 °C et qui doivent être progressivement éliminées. Les technologies condamnées ont souvent des solutions de rechange économiquement et techniquement viables et elles n'ont pas ou peu de place dans la transition vers les objectifs climatiques de 2050.
Annexe 1 : Exemples de modèles de gouvernance à trois niveaux
Sustainability Accounting Standards Board (SASB) (avant la fusion avec l'International Integrated Reporting Council)Note de bas de page 39
Governance related to the development of SASB standards | |
---|---|
Niveau 1 | Conseil d'administration de la SASB Foundation
|
Sustainability Accounting Standards Board
|
|
Niveau 2 | Personnel du SASB
|
Niveau 3 | Comités consultatifs
|
Climate Bonds Initiative
Gouvernance liée à la Climate Bonds Initiative ainsi qu'à son Climate Bonds Standard and Certification SchemeNote de bas de page 40 | |
---|---|
Niveau 1 | Conseil de fiduciaires de la Climate Bonds Initiative
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Climate Bonds Standards Board
|
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Niveau 2 | Climate Bonds Secretariat
|
Climate Science Reference Group
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Niveau 3 | Groupes de travail techniques
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Groupes de travail sectoriels
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Taxonomie de l'Union européenne
Gouvernance liée à l'élaboration de la taxonomie de l'UE (avant la création de la plateforme nationale de la finance durable)Note de bas de page 41 | |
---|---|
Niveau 1 | Commission européenne
|
Niveau 2 | Membres du groupe d'experts techniques
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Présidents de groupes sectoriels
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Niveau 3 | Experts techniques
|
Présidents de groupes sectoriels
|
Annexe 2 : Méthode pilote pour calculer la note des projets verts et de transition
La discussion qui suit présente un système pour noter les projets verts et de transition, en fonction des occasions et des risques liés à la transition qu'ils présentent, selon les critères proposés dans le présent rapport. Le système de notation a été conçu pour tester la faisabilité du concept et pourrait servir de point de départ au dépositaire de la taxonomie. D'autres travaux sont nécessaires pour affiner et tester cette approche.
Notation des projets verts
Comme le résume le tableau A1, les projets verts recevraient une note sur six, en fonction de leur conformité aux critères proposés. Les projets dont la note se situe entre 1 et 2 seraient classés dans la catégorie des projets verts(+). Il s'agit de la meilleure note possible dans le cadre de transition. Elle reflète une excellente occasion et un risque limité ou nul liés à la transition. Les projets dont la note se situe entre 3 et 4 seraient classés dans la catégorie des projets verts, tandis que ceux dont la note se situe entre 5 et 6 seraient classés dans la catégorie des projets verts(-). Les projets verts(-) offrent tout de même des occasions liées à la transition (il s'agit d'activités et de projets qui génèrent des émissions faibles ou nulles); toutefois, certaines caractéristiques du projet indiquent des éléments de risque relatif.
Critères | Mesure |
---|---|
Intensité d'émissions par rapport à la moyenne du secteur ou des produits comparables | 0 = S. o. (émissions négatives) 1 = Sous la moyenne du secteur/des produits comparables 2 = Semblable à la moyenne du secteur/des produits comparables 3 = Au-dessus de la moyenne du secteur/des produits comparables |
Taille de la chaîne de valeur d'ici 2050 dans une trajectoire axées sur l'objectif de 1,5 °C |
1 = Grande chaîne de valeur d'ici 2050 2 = Chaîne de valeur moyenne d'ici 2050 3 = Chaîne de valeur petite ou inexistante d'ici 2050 |
Projets de séquestration seulement | |
Proportion des émissions séquestrées risquant d'être rejetées dans l'air | 0 = S. o. 1 = Grande certitude quant à la permanence 2 = Certitude moyenne quant à la permanence 3 = Faible certitude quant à la permanence |
Légende de la notation Total entre 1 et 2 = Vert(+) Total entre 3 et 4 = Vert Total entre 5 et 6 = Vert(-) |
Le tableau A2 indique la note obtenue par divers projets verts hypothétiques, en fonction des critères et des mesures mentionnés plus haut.
Projet | Critère | Résultat | Note |
---|---|---|---|
Nouvelle installation d'hydrogène vert En exploitation d'ici 2026 avec une intensité de 2 t éq. CO2/tH2 |
Intensité d'émissions pendant le cycle de vie par rapport à la moyenne des produits comparables dans une trajectoire nette zéro | Intensité d'émissions pendant le cycle de vie inférieure à la moyenne des produits comparables | 1/3 |
Taille du marché de la chaîne de valeur dans une trajectoire axée sur l'objectif de 1,5 °C d'ici 2050 | Le marché de l'hydrogène propre devrait être vaste, mais l'incertitude est grande (entre 2 500 G$ et 12 000 G$ d'ici 2050) | 2/3 | |
Certitude quant à la permanence des émissions séquestrées | S. o. : aucune séquestration | S. o. | |
Classification : Vert | Note totale : 3/6 | ||
Projet de boisement Grand projet de boisement sur des terres désignées et protégées |
Intensité d'émissions pendant le cycle de vie par rapport à la moyenne des produits comparables dans une trajectoire nette zéro | S. o. : émissions négatives | S. o. |
Taille du marché de la chaîne de valeur dans une trajectoire axée sur l'objectif de 1,5 °C d'ici 2050 | Grand marché en croissance pour des solutions certifiées d'émissions négatives | 1/3 | |
Certitude quant à la permanence des émissions séquestrées | Zone boisée présentant un faible risque de feux de forêt | 1/3 | |
Classification : Vert(+) | Note totale : 2/6 | ||
Production de véhicules électriques Installation déjà convertie et en exploitation avec une intensité de 35 g CO2/ km jusqu'en 2030 |
Intensité d'émissions pendant le cycle de vie par rapport à la moyenne des produits comparables dans une trajectoire nette zéro | Intensité d'émissions pendant le cycle de vie supérieure à la moyenne des produits comparables | 3/3 |
Taille du marché de la chaîne de valeur dans une trajectoire axée sur l'objectif de 1,5 °C d'ici 2050 | Le marché des véhicules électriques devrait valoir plus de 1 000 G$ d'ici 2030 | 1/3 | |
Certitude quant à la permanence des émissions séquestrées | S. o. : aucune séquestration | S. o. | |
Classification : Vert | Note totale : 4/6 | ||
Nouvelle installation de production de biocarburéacteur En exploitation d'ici 2025 avec une intensité de 1 343 g éq. CO2/ tonne-kilomètre payante jusqu'en 2035. Marché de taille moyenne. Aucune séquestration. |
Intensité d'émissions pendant le cycle de vie par rapport à la moyenne des produits comparables dans une trajectoire nette zéro | Intensité d'émissions pendant le cycle de vie supérieure à la moyenne des produits comparables | 3/3 |
Taille du marché de la chaîne de valeur dans une trajectoire axée sur l'objectif de 1,5 °C d'ici 2050 | Le marché mondial devrait atteindre 800 M$ d'ici 2030, mais il est très incertain par la suite | 2/3 | |
Certitude quant à la permanence des émissions séquestrées | S. o. : aucune séquestration | s. o. | |
Classification : Vert(-) | Note totale : 5/6 |
Projets de transition
Comme le résume le tableau A3, les projets de transition recevraient une note minimale de 3 et une note maximale de 15. Ceux dont la note totale se situe entre 3 et 5 seraient classés dans la catégorie des projets de transition(+), tandis que ceux dont la note se situe entre 6 et 10 seraient classés dans la catégorie des projets de transition. Ceux dont la note se situe entre 11 et 15 seraient classés dans la catégorie des projets de transition(-).
Critère | Mesure |
---|---|
Intensité d'émissions par rapport à la moyenne du secteur ou des produits comparables (actuellement) | 1 = Sous la moyenne du secteur/des produits comparables 2 = Semblable à la moyenne du secteur/des produits comparables 3 = Au-dessus de la moyenne du secteur/des produits comparables |
Intensité d'émissions par rapport à la moyenne du secteur et des produits comparables pour 2030 (selon les trajectoires nettes zéro) | 1 = Bien en deçà de la moyenne du secteur/des produits comparables pour 2030 2 = Inférieure à la moyenne du secteur/des produits comparables pour 2030 3 = Semblable à la moyenne du secteur/des produits comparables pour 2030 |
Taille de la chaîne de valeur d'ici 2050 dans une trajectoire axée sur l'objectif de 1,5 °C | 1 = Grande chaîne de valeur d'ici 2050 2 = Chaîne de valeur moyenne d'ici 2050 3 = Chaîne de valeur petite ou inexistante d'ici 2050 |
Projets de séquestration seulement | |
Proportion des émissions qui pourraient ne pas être captées ou proportion des émissions séquestrées rejetées dans l'atmosphère | 0 = S. o. 1 = Faible risque 2 = Risque modéré 3 = Risque élevé |
Projets uniquement exposés au risque lié à la demande | |
Durée de vie du projet par rapport à la demande mondiale du produit dans une trajectoire axée sur l'objectif de 1,5 °C | 0 = S. o. 1 = Courte durée de vie 2 = Durée de vie moyenne 3 = Longue durée de vie |
Légende de la notation Total entre 1 et 5 = Transition(+) Total entre 6 et 10 = Transition Total entre 11 et 15 = Transition(-) |
Le tableau A4 ci-dessous indique la note obtenue par divers projets hypothétiques de transition, en fonction des critères et des mesures mentionnés plus haut.
Projet | Critère | Résultat | Note |
---|---|---|---|
Nouvelle installation d'hydrogène bleu En exploitation d'ici 2024 avec une intensité de 27 kg éq. CO2/GJ. Recours aux technologies CUSC pour séquestrer 90 % des émissions |
Intensité d'émissions par rapport à la moyenne des produits comparables dans une trajectoire nette zéro (en 2022) | Intensité d'émissions bien en deçà de la moyenne des produits comparables pour 2022 |
1/3 |
Intensité d'émissions par rapport à la moyenne des produits comparables dans une trajectoire nette zéro (d'ici 2030) | Intensité d'émissions bien en deçà de la moyenne des produits comparables pour 2030 |
1/3 | |
Taille du marché de la chaîne de valeur dans une trajectoire axée sur l'objectif de 1,5 °C d'ici 2050 | Le marché de l'hydrogène propre devrait être vaste, mais l'incertitude est grande (entre 2 500 G$ et 12 000 G$ d'ici 2050) |
2/3 | |
Projets exposés au risque lié à la demande uniquement : période de récupération par rapport au risque lié à la demande dans une trajectoire axée sur l'objectif de 1,5 °C | Processus de captage du carbone hautement fiable; les émissions séquestrées suivent des normes de certification élevées | 1/3 | |
Projets exposés au risque lié à la demande uniquement : période de récupération par rapport au risque lié à la demande dans une trajectoire axée sur l'objectif de 1,5 °C | S. o. : utilisation de l'offre de gaz existante, aucun nouveau risque lié à la demande | 0/3 | |
Classification : Transition(+) | Note totale : 5/15 | ||
Production d'acier au moyen de l'énergie électrique Électrification d'une installation déjà en exploitation avec une intensité de 1,5 t éq. CO2/t d'acier jusqu'en 2030 |
Intensité d'émissions par rapport à la moyenne des produits comparables dans une trajectoire nette zéro (en 2022) | Intensité d'émissions supérieure à la moyenne des produits comparables pour 2022 | 3/3 |
Intensité d'émissions par rapport à la moyenne des produits comparables dans une trajectoire nette zéro (d'ici 2030) | Intensité d'émissions bien en deçà de la moyenne des produits comparables pour 2030 |
1/3 | |
Taille du marché de la chaîne de valeur dans une trajectoire axée sur l'objectif de 1,5 °C d'ici 2050 | Le marché mondial de l'acier est évalué à près de 1 000 G$, et il devrait se développer d'ici 2050 | 1/3 | |
Projets de séquestration seulement : risque lié à l'utilisation de la technologie CUSC | S. o. : aucune séquestration | 0/3 | |
Projets exposés au risque lié à la demande uniquement : période de récupération par rapport au risque lié à la demande dans une trajectoire axée sur l'objectif de 1,5 °C | S. o. : aucun nouveau risque lié à la demande | 0/3 | |
Classification : Transition(+) | Note totale : 5/15 | ||
Production de gaz naturel avec des installations modernisées Captage du méthane, modernisation d'une installation déjà en exploitation avec une intensité de 62 g éq. CO2/ MJ et une durée de vie de 10 ans |
Intensité d'émissions par rapport à la moyenne des produits comparables dans une trajectoire nette zéro (en 2022) | L'intensité d'émissions est semblable à la moyenne des produits comparables en 2022 | 2/3 |
Intensité d'émissions par rapport à la moyenne des produits comparables dans une trajectoire nette zéro (d'ici 2030) | L'intensité d'émissions est semblable à la moyenne des produits comparables pour 2030 | 3/3 | |
Taille du marché de la chaîne de valeur dans une trajectoire axée sur l'objectif de 1,5 °C d'ici 2050 | Le marché a commencé à reculer au cours des années 2020, mais la demande demeure robuste pour les producteurs à faibles coûts et à faibles émissions |
2/3 | |
Projets de séquestration seulement : risque lié à l'utilisation de la technologie CUSC | S. o. : aucune séquestration | 0/3 | |
Projets exposés au risque lié à la demande uniquement : période de récupération par rapport au risque lié à la demande dans une trajectoire axée sur l'objectif de 1,5 °C | Courte période de récupération qui devrait prendre fin d'ici 2032 | 1/3 | |
Classification : Transition | Note totale : 8/15 | ||
Production de sables bitumineux avec des installations modernisées Modernisation de la technologie CUSC pour les installations existantes, avec une intensité de 90 kg éq. CO2/baril. Les installations fermeront en 2045. |
Intensité d'émissions par rapport à la moyenne des produits comparables dans une trajectoire nette zéro (en 2022) | Intensité d'émissions supérieure à la moyenne des produits comparables | 3/3 |
Intensité d'émissions par rapport à la moyenne des produits comparables dans une trajectoire nette zéro (d'ici 2030) | Intensité d'émissions inférieure à la moyenne des produits comparables | 2/3 | |
Taille du marché de la chaîne de valeur dans une trajectoire axée sur l'objectif de 1,5 °C d'ici 2050 | Le marché a commencé à se contracter dans les années 2020 (plus rapidement que pour le gaz). La demande est très incertaine et volatile après 2035. |
3/3 | |
Projets de séquestration seulement : risque lié à l'utilisation de la technologie CUSC | Problèmes potentiels de fiabilité du captage, normes de stockage élevées pour obtenir la certification | 2/3 | |
Projets exposés au risque lié à la demande uniquement : période de récupération par rapport au risque lié à la demande dans une trajectoire axée sur l'objectif de 1,5 °C | Longue période de récupération qui devrait prendre fin en 2045 | 2/3 | |
Classification : Transition(-) | Note totale : 12/15 |
Annexe 3 : Aperçu du marché de la finance durable
Vue d'ensemble
Marché mondial : obligations durables
Total : 2 700 G$ US
Émissions en 2021 : 1 100 G$ US (+105 % sur 12 mois)
Par catégorie en 2021 :
environ 55 % d'obligations vertes, 19 % d'obligations sociales, 16 % d'obligations de durabilité, 10 % d'obligations liées à la durabilité, 0,4 % d'obligations de transition
Marché Canadien : obligations durables
Total : 49 G$ US
Émissions en 2021 : 20 G$ US (+105 % sur 12 mois)
Par catégorie en 2021 :
environ : 67,2 % d'obligations vertes, 17 % d'obligations de durabilité, 12,4 % d'obligations liées à la durabilité, 3,4 % d'obligations sociales
Quels sont les types de titres de créance durables?
L'univers des titres de créance durables est composé de toute une gamme d'instruments financiers en pleine évolution appartenant principalement à deux catégories de financement par emprunt : les obligations dont le produit de l'émission est directement affecté à un projet particulier et les obligations liées à la durabilité, ou basées sur la performance. La principale différence entre ces deux catégories est la façon dont les fonds peuvent être utilisés.Note de bas de page 42
- Les instruments financiers dont le produit est directement affecté à un projet particulier désignent tous types de titres obligataires ou de prêts pour lesquels le produit est réservé exclusivement au financement ou au refinancement de projets sociaux ou environnementaux admissibles. De nombreuses catégories thématiques ont émergé au fil du temps, comme obligations et prêts verts, obligations et prêts sociaux, obligations de durabilité et obligations de transition.
- Les instruments financiers liés à la durabilité désignent tous types de titres obligataires ou de prêts qui visent à encourager des réalisations environnementales ou sociales majeures, en liant les modalités financières de l'obligation ou du prêt à des cibles de durabilité prédéterminées par l'entreprise et mesurées par des indicateurs de performance clés. Contrairement au modèle dans lequel les fonds sont directement affectés à un projet particulier, le produit de l'émission d'obligations liées à la durabilité peut être utilisé à des fins générales déterminées par l'entreprise. Cette catégorie comprend les prêts liés à la durabilité (PLD) et les obligations liées à la durabilité (OLD).
Marché mondial : Aperçu du marché en 2021
En fin d'année 2021, les émissions de titres de créance durables dépassaient les 4 000 G$ USNote de bas de page 43, ce qui a fait de cette année une période de croissance exceptionnelle alimentée par un volume annuel record d'émissions de 1 650 G$ US, soit une augmentation de 115 % par rapport à 2020 et de 184 % par rapport à 2019.
Les obligations durablesNote de bas de page 44 représentaient près de 70 % du total de 2021 et ont, pour la première fois, atteint le seuil symbolique mais très attendu de 1 000 G$ d'émissions en une année. Les obligations vertes, qui constituent le segment le plus ancien et le mieux établi des obligations, sont demeurées en tête du marché, l'émission de ces obligations ayant doublé pour atteindre 621 G$. Toutefois, les nouvelles catégories, y compris les obligations de durabilité et les obligations liées à la durabilité, gagnent en popularité, comme en témoigne la baisse de la part du marché des obligations vertes, qui est passée de 90 % en 2017 à 55 % en 2021.
Par ailleurs, après sa baisse modérée de 10 % entre 2019 et 2020, le financement durable a recommencé à augmenter en 2021, les prêts durables représentant 30 % du total annuel. Cette croissance est entièrement attribuable aux prêts liés à la durabilitéNote de bas de page 45, les prêts ayant plus que triplé pour atteindre 428 G$. Les prêts verts ont reculé d'un modeste 1 % et ont été les seuls à enregistrer une baisse.
Montant cumulé des émissions de titres de créance durables (1 000 G$ US)
Émission annuelle d'obligations et de prêts durables, par catégorie
Obligations durables
- Montant des émissions de 1 100 G$, soit plus du double des émissions en 2020. Le total des émissions a atteint 2 700 G$.
- Émissions annuelles records pour les cinq catégories d'obligations thématiques.
- Environ : 55 % d'obligations vertes, 19 % d'obligations sociales, 16 % d'obligations de durabilité, 10 % d'obligations liées à la durabilité, 0,4 % d'obligations de transition
- 6 000 titres de créance émis par plus de 1 500 émetteursNote de bas de page 46
Le seuil de 1 000 G$ a été franchi dans un contexte de croissance pour toutes les catégories d'obligations thématiques. Plus particulièrement, les émissions d'obligations liées à la durabilité, dont la première a eu lieu en 2019 par la société italienne d'énergie Enel, ont été près de neuf fois supérieures à ce qu'elles ont été en 2020.
Les émissions d'obligations de durabilité ont plus que doublé, tandis que les émissions d'obligations sociales, qui ont bondi en 2020 en raison de la pandémie de COVID-19, ont connu une augmentation plus modeste d'environ 40 % en 2021. Jusqu'à présent, les obligations de transition, qui représentaient un peu moins de 5 G$ d'émissions, ont bénéficié de moins de clarté que les autres obligations dont le produit est directement affecté à un projet particulier admissible. Ce manque de certitude est probablement un des facteurs qui ont contribué à la croissance relativement modeste de ces obligations. Parmi les émissions notables de cette année, mentionnons la première émission d'obligations vertes par l'UE pour un montant de 12 G€, ainsi que deux émissions d'obligations vertes souveraines par le Royaume-Uni totalisant 22 G$Note de bas de page 47. Par ailleurs, l'émission d'obligations vertes de la province de l'Ontario pour un montant de 2,75 G$ CA (2,2 G$ US) a été la plus importante émission d'obligations vertes par une autorité locale en 2021Note de bas de page 48.
Part du montant annuel des émissions par catégorie
D'autres types d'obligations continuent de gagner du terrain
Marché obligataire durable au Canada en 2021Note de bas de page 49
La croissance des émissions d'obligations durables par les émetteurs canadiens a suivi le rythme du marché mondial, les nouvelles émissions ayant atteint un record de 20 G$ US en 2021, soit un peu plus du double par rapport aux 9,75 G$ émis en 2020. À la fin de l'année, le total des émissions d'obligations durables s'élevait à environ 49 G$, ce qui a permis au marché canadien de dépasser les 50 G$ au début de 2022. Trente-deux émetteurs se sont tournés vers le marché en 2021, dont huit sont responsables de l'émission de plus d'une obligation. Pour obtenir des renseignements sur les cinq principaux émetteurs de 2021, voir le tableau A5.
Avec 13,4 G$ en 2021, les obligations vertes continuent de représenter la majorité des émissions totales. Toutefois, le marché continue de se diversifier en raison de l'arrivée des obligations sociales en 2018, des obligations de durabilité en 2019 et des labels d'obligation liés à la durabilité en 2021. En conséquence, la part de marché des obligations vertes est passée de 100 % en 2017 à 67 % en 2021.
Les gouvernements provinciaux et municipaux représentent 25 % du volume cumulatif des émissions. Derrière la province de l'Ontario, de loin le plus grand émetteur, se trouvent la province de Québec et les villes d'Ottawa, de Toronto et de Vancouver.
En novembre 2021, Bruce Power, l'exploitant de la centrale nucléaire en Ontario, a émis une obligation pour un montant de 500 M$ CA. Ce fut la première émission d'obligations vertes au monde destinée à financer l'énergie nucléaireNote de bas de page 50. En juillet 2022, Ontario Power Generation (OPG) a émis une obligation verte, pour un montant de 300 M$, afin de financer un projet de rénovation de la centrale nucléaire de Darlington.
Émission annuelle d'obligations durables
Émission d'obligations durables, 2021
Les dix principaux émetteurs à date ont émis des obligations pour 28,7 G$ US, soit 58 % du montant total des émissions. Ces dix principaux émetteurs ont procédé à plus d'une émission, la province de l'Ontario et la Banque Nationale du Canada arrivant en tête avec dix chacune. Trois d'entre eux sont présents sur le marché depuis ses débuts en 2014. Enbridge, émetteur pour la première fois en 2021, avec deux émissions d'obligations liées à la durabilité, est la dernière à être entrée dans les dix principaux émetteurs. Pour en savoir plus sur les principaux émetteurs, consultez le tableau A6.
Les obligations ont été émises dans cinq devises. Le dollar canadien a été la monnaie la plus utilisée, représentant 63 % du montant cumulé des obligations émises. Le dollar américain vient loin derrière, suivi de l'euro, du dollar australien et du dollar de Singapour.
Répartition des obligations émises par devise
Au total, 33 % des obligations ont atteint 500 M$ US ou plus, représentant un total de 29,5 G$, soit 60 % du total d'émission. Les instruments financiers émis sont le plus souvent d'un montant compris entre 300 M$ US et 500 M$ US.
Taille des instruments émis par : part des obligations émises (graphique de gauche) et part du volume d'émission (graphique de droite)
Dix émissions d'obligations vertes de l'OntarioNote de bas de page 51
L'Ontario est le plus important émetteur d'obligations vertes libellées en dollars canadiens. En 2021, la province a émis sa dixième et plus importante obligation verte à ce jour, pour un montant de 2,75 G$ CA (environ 2,2 G$ US), dépassant le montant cumulé de 10 G$ CA (environ 8,4 G$ US) des émissions précédentes.
En date de novembre 2021, 89 % du produit avait été déboursé pour financer 27 projets de transport écologique (75 %), d'efficacité énergétique et de conservation (21 %) et d'adaptation et de résilience (3 %).
Le programme d'obligations vertes a joué un rôle important dans le financement du développement du transport collectif en Ontario. De plus, avec 148 G$ CA d'investissements prévus dans les infrastructures au cours des dix prochaines années, dont 61 G$ CA dans les infrastructures de transport en commun, la province a fait part de son intention de poursuivre le programme et prévoit l'émission de nombreuses obligations vertes sur le marché chaque année.
Demande des investisseurs pour les dix émissions, par région et par type
Faits saillants depuis le début de 2022
Au début de juin, 13 obligations vertes, de durabilité et liées à la durabilité avaient été émises pour un total d'au moins 10,6 G$ USNote de bas de page 52. Ce montant est plus élevé que le total d'émission de 2020 et représente plus de la moitié du total d'émission de 2021. La première émission de 5 G$ CA d'obligations vertes souveraines du gouvernement du Canada a été la plus importante émission d'obligations vertes à l'échelle mondiale au premier trimestre de 2022Note de bas de page 53. Avec des demandes de souscription totalisant 11 G$ CA de 98 investisseurs institutionnelsNote de bas de page 54, l'émission d'obligations a attiré une forte demande.
Les premiers émetteurs incluent OMERS et Investissements PSP, avec une émission d'obligations de durabilité en deux tranches totalisant 1,1 G$ US et une émission d'obligations vertes de 1 G$ CA, respectivement. Avec les émissions précédentes de l'OIRPC, du RREO et de la CDPQ, les régimes de retraite publics canadiens ont procédé à une émission totalisant 9 G$ US. Il s'agit d'une caractéristique unique du marché canadien : en date de juillet 2021, aucune caisse de retraite à l'extérieur du Canada n'avait émis de titres de créance vertsNote de bas de page 55.
Le total d'émission des gouvernements provinciaux et municipaux atteint au moins 2,3 G$ US en 2022, avec l'Ontario (1,3 G$ US), le Québec (781 M$ US) et la Ville d'Ottawa (155 M$ US), qui n'en sont pas à leur première émission.
D'autres émetteurs, comme iA Groupe financier (durabilité) et Tamarack Valley Energy (OLD), ont lancé leur première émission. Parmi les autres émetteurs ayant déjà procédé à l'émission d'instruments financiers auparavant figurent QuadReal (obligations vertes), TELUS (OLD), Manuvie (obligations vertes) et Dream Industrial REIT (obligations vertes).
Émetteur | Nombre | Valeur (M$ US) | Part du montant total | Type |
---|---|---|---|---|
Province de l'Ontario | 2 | 3 186 | 15,96 % | Obligations vertes |
Enbridge* | 2 | 1 860 | 9,32 % | Obligations liées à la durabilité |
CDP Financière* (CDPQ) | 1 | 1 000 | 5,01 % | Obligations vertes |
Banque de Nouvelle-Écosse | 1 | 1 000 | 5,01 % | Obligations de durabilité |
Allied Properties REIT* | 2 | 871 | 4,36 % | Obligations vertes |
Total | 8 | 7 917 | 39,67 % | – |
* Première émission Source : BloombergNEF |
Émetteur | Nombre | Valeur (M$ US) | Part du montant total | Type |
---|---|---|---|---|
Province de l'Ontario | 10 | 8 364 | 16,97 % | Obligations vertes |
CPPIB Capital | 7 | 4 637 | 9,41 % | Obligations vertes |
Province de Québec | 6 | 2 542 | 5,16 % | Obligations vertes |
Banque Toronto-Dominion | 4 | 2 453 | 4,98 % | Obligations vertes et de durabilité |
Banque Nationale du Canada | 10 | 2 441 | 4,95 % | Obligations de durabilité |
Exportation et développement Canada | 5 | 1 884 | 3,82 % | Obligations vertes |
Enbridge | 2 | 1 860 | 3,77 % | Obligations liées à la durabilité |
Ontario Power Generation | 4 | 1 571 | 3,19 % | Obligations vertes |
Banque de Nouvelle-Écosse | 2 | 1 500 | 3,04 % | Obligations vertes et de durabilité |
Ontario Teachers' Finance Trust | 2 | 1 453 | 2,95 % | Obligations vertes |
Total | 52 | 28 706 | 58,25 % | – |
Source : BloombergNEF |
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