Déclaration concernant les principes et présomptions relatifs à l'exercice de la compétence concurrente par les poursuivants canadiens
COMITÉ FÉDÉRAL-PROVINCIAL-TERRITORIAL DES CHEFS DES POURSUITES PÉNALES
DÉCLARATION CONCERNANT LES PRINCIPES ET PRÉSOMPTIONS RELATIFS À L'EXERCICE DE LA COMPÉTENCE CONCURRENTE PAR LES POURSUIVANTS CANADIENS
ATTENDU QUE le rapport du troisième examen indépendant de la Loi sur la défense nationale (LDN), publié le 30 avril 2021, recommandait qu'une entente multilatérale soit conclue entre les chefs des services des poursuites pénales au Canada, en consultation avec le Groupe de la police militaire des Forces canadiennes et les forces de police civile, sur un ensemble clair de principes et de présomptions relatifs à l'exercice de la compétence concurrente entre les systèmes de justice civil et militaire ;
ET ATTENDU QUE, après un examen minutieux par le Comité fédéral-provincial-territorial des Chefs des poursuites pénales, à la suite de consultations avec des représentants policiers civils et militaires, un consensus est intervenu entre les services des poursuites pénales concernant un ensemble de principes et de présomptions ;
PAR CONSÉQUENT, les services des poursuites membres représentés au Comité fédéral-provincial-territorial des Chefs des poursuites pénales adoptent et acceptent les principes et présomptions suivants pour guider l'exercice de l’autorité et la compétence de poursuivre en ce qui concerne les infractions assujetties à la compétence concurrente.
Format alternatif
DÉFINITIONS
« Code de discipline militaire » (CDM) les dispositions de la partie III de la LDN
« consultation entre les services des poursuites civiles et militaires » une consultation entre un représentant identifié par le Directeur des poursuites militaires et un représentant identifié par le service des poursuites civiles approprié ayant juridiction sur l’infraction alléguée
« cour civile » une cour de juridiction criminelle ordinaire au Canada et comprend une cour de juridiction sommaire
« cour martiale » une cour constituée en vertu de la LDN et comprend une cour martiale générale et une cour martiale permanente (voir notamment la Division 6 de la LDN)
« Forces armées canadiennes » les forces armées de Sa Majesté levées par le Canada, constituées par la LDN (voir notamment l’article 14 de la LDN)
« infraction civile » tout acte ou omission survenu au Canada et punissable sous le régime de la partie VII de la LDN, le Code criminel ou toute autre loi fédérale (p. ex. la Loi réglementant certaines drogues et autres substances), ou survenu à l’étranger, mais qui serait punissable au Canada sous le régime de la partie VII de la LDN, le Code criminel ou toute autre loi fédérale. Cette définition ne comprend pas les infractions créées par une province ou un territoire
« infraction d’ordre militaire » toute infraction commise par un justiciable du CDM punissable en vertu de la LDN, du Code criminel ou de toute autre loi fédérale
« infraction de violence familiale » toute infraction impliquant de la violence commise contre un partenaire intime ou un membre de la famille du partenaire intime ou de l’accusé
« infraction relevant de la compétence concurrente » toute infraction civile qui peut être jugée par une cour martiale ou une cour civile. Ceci inclut toute infraction civile qui n’est pas spécifiquement exclue de la juridiction de la cour martiale lorsque commise par quelqu’un qui, au moment de la commission, était assujetti au CDM en vertu de l’article 60 de la LDN (voir également les articles 61 à 65). Sont exclus spécifiquement le meurtre, l’homicide involontaire, et l’enlèvement d’un enfant lorsque qu’une ou l’autre de ces infractions est commise au Canada (voir article 70 de la LDN)
« partenaire intime » inclut toute personne - quel que soit son sexe ou son orientation sexuelle - avec laquelle l'accusé/défendeur entretient ou a entretenu une relation étroite et personnelle ou intime, qu'ils soient ou non légalement mariés ou qu'ils vivent ensemble au moment du comportement criminel allégué
« victime » personne qui a subi des dommages — matériels, corporels ou moraux — ou des pertes économiques par suite de la perpétration ou prétendue perpétration d’une infraction relevant de la compétence concurrente
CONTEXTE
- L’objectif du CDM est de maintenir la discipline, l’efficacité et le moral des Forces armées canadiennes. Le CDM s’applique uniquement aux catégories de personnes mentionnées aux articles 60 à 65 de la LDN.
- De nombreux actes ou omissions qui ne sont pas interdits par la loi dans le contexte civil peuvent constituer des infractions d’ordre militaire lorsqu’ils sont commis par une personne assujettie au CDMNote de bas de page 1.
- La LDN incorpore toutes les infractions civiles au CDM en tant qu’infractions militaires pouvant être jugées par une cour martiale, à l’exception des infractions qui sont expressément excluesNote de bas de page 2. Conformément au paragraphe 130(1) de la LDN, il est sans conséquence que l'infraction ait été commise au Canada ou à l'étranger, pourvu qu'elle soit punissable si elle était commise au Canada.
- En vertu de l'article 273 de la LDN, une cour civile a une compétence concurrente pour juger des infractions civiles commises à l'extérieur du Canada par des personnes assujetties au CDM.
- Dans certaines situations, la cour civile et la cour martiale sont donc toutes deux compétentes pour entendre une cause impliquant une personne assujettie au CDM qui a commis une infraction civile. Lorsque de telles situations se produisent, le Directeur des poursuites militaires et tout service des poursuites civiles ayant juridiction sur l’infraction présumée ont l'autorité légale d'engager des poursuites.
- Conformément à l'article 71 de la LDN, rien dans le CDM n'affecte la compétence d'une cour civile de juger une personne pour toute infraction relevant de la juridiction de cette cour.
- En vertu de l'article 66 de la LDN, une personne jugée dans un système (militaire ou civil) ne peut pas l’être de nouveau dans l'autre système lorsqu’un verdict est prononcé à son endroit (selon les principes d’autrefois acquit et autrefois convict).
LA PORTÉE
- Les principes et présomptions contenus dans le présent document sont destinés à guider les décisions relatives à l'exercice de la compétence en matière de poursuites pour des infractions relevant à la fois de la juridiction civile et de la juridiction militaire.
- Ces principes et présomptions ne s'appliquent pas aux décisions des organismes chargés de l'application de la loi (civils ou militaires). L'élaboration de tout principe ou présomption pouvant guider l'exercice du pouvoir discrétionnaire d'enquêter demeure la prérogative des divers organismes civils et militaires chargés de l’application de la loi.
- Bien qu'ils ne soient pas liés par ces principes ou présomptions, les organismes civils et militaires chargés de l'application de la loi peuvent avoir intérêt à les connaître. Les services des poursuites militaires et civils devraient donc :
- porter ces principes et présomptions à l'attention des organismes chargés de l'application de la loi opérant dans leur juridiction; et
- encourager ces organismes à consulter le service des poursuites militaires ou civiles opérant dans leur juridiction s'ils ont des questions ou s'ils souhaitent connaître la position des services des poursuites concernant la détermination de qui des poursuivants militaires ou civils assumeront la compétence sur une affaire particulière sur laquelle ils enquêtent.
- Le présent document ne vise qu'à guider la détermination de l'autorité de poursuite la plus apte à traiter une affaire particulière. Il n'a pas pour but et ne doit pas être considéré comme limitant de quelque manière que ce soit le pouvoir discrétionnaire du service des poursuites qui assume la compétence sur l'affaire. Rien dans le présent document ne limite le pouvoir discrétionnaire d’un service des poursuites quant à l'opportunité ou à la manière de mener une poursuite particulière pour laquelle ce service a assumé la compétence.
LES PRINCIPES GÉNÉRAUX
- Une infraction relevant de la compétence concurrente ne devrait être traitée dans le cadre du système de justice militaire que lorsque sa commission a porté atteinte ou risque de porter atteinte au maintien de la discipline, de l'efficacité et du moral des Forces armées canadiennesNote de bas de page 3.
- Si une infraction relevant de la compétence concurrente a porté atteinte à un civil ou à ses biens, elle ne devrait être traitée par le système de justice militaire qu'après consultation entre les services des poursuites civiles et militaires.
- Le fait qu'une personne était assujetti au CDM lorsqu'elle a commis une infraction relevant de la compétence concurrente ne permet pas en soi de déterminer quelle juridiction (civile ou militaire) est la mieux placée pour traiter l’affaire.
PRÉSOMPTIONS
- À moins d’une entente à la suite d'une consultation entre les services des poursuites civiles et militaires, le service des poursuites civiles compétent assumera la poursuite des infractions suivantes :
- toute infraction commise au Canada qui ont eu des répercussions sur une personne civile ou sur ses biens;
- toute infraction commise à l'extérieur du Canada qui ont eu des répercussions sur une personne civile canadienne ou sur ses biens;
- toute infraction qui constitue des infractions de violence familiale;
- toute infraction commise en collaboration avec une personne civile; et
- une infraction commise par une personne civile qui est assujetti au CDM en vertu de l'article 60(1)(f) ou 60(1)(j) de la LDNNote de bas de page 4.
CONSULTATIONS ENTRE LES SERVICES DES POURSUITES
- Toute autorité de poursuite peut initier une consultation entre les services des poursuites civiles et militaires. L'objectif de la consultation est de déterminer la juridiction (civile ou militaire) la plus appropriée pour traiter une affaire particulière. Une consultation peut également servir tout autre objectif jugé approprié par les représentants.
- Un représentant du Directeur des poursuites militaires entreprendra une consultation entre les services des poursuites civiles et militaires dans chaque cas où une victime militaire a exprimé une quelconque préférence pour que l'affaire soit traitée par le système de justice civile.
- Il y aura de rares cas où la police civile enquêtera sur des infractions commises par des membres des Forces armées canadiennes qui n’engage pas la présomption énoncée au paragraphe 15. Dans ces cas, le service des poursuites civiles compétent devrait envisager d'engager une consultation entre les services des poursuites civiles et militaires avant d'exercer sa compétence.
- Lorsqu'un service des poursuites est incertain quant à la détermination de la juridiction (civile ou militaire) la plus appropriée pour traiter l'affaire, ce service devrait engager une consultation entre les services des poursuites civiles et militaires.
LES FACTEURS QUI DOIVENT GUIDER TOUTES LES CONSULTATIONS ENTRE LES SERVICES DES POURSUITES
- Les décisions relatives à l'exercice de la compétence en matière de poursuites pour des infractions faisant l'objet d'une compétence concurrente devraient notamment être guidées par l’appréciation des facteurs suivants :
- le degré d'intérêt public d'une poursuite potentielle tel qu'évalué par l'autorité civile chargée des poursuites ;
- le degré d'intérêt public d'une poursuite militaire tel qu'évalué par le service des poursuites militaires ;
- le point de vue d’une personne victime ;
- le fait que l'accusé, la victime ou les deux soient membres des Forces armées canadiennes ;
- les considérations géographiques, telles que l'emplacement des témoins nécessaires à la poursuite;
- les différences dans les conséquences de la détermination de la peine, par exemple les dispositions relatives aux peines obligatoires ;
- les différences dans la disponibilité de mécanismes alternatifs aux poursuites ; et,
- l'impact potentiel de l’exercice de la compétence en matière de poursuites sur la confiance du public dans l'administration de la justice.
RÉSOLUTION DES DÉSACCORDS
- En cas de désaccord sur la détermination du service des poursuites (civiles ou militaires) le mieux placé pour traiter l'affaire, et si ce désaccord n'est pas résolu par une consultation entre les services des poursuites civiles et militaires, la décision du service des poursuites civiles approprié d'assumer ou non la compétence de la poursuite prévaudra.
Liens connexes
- Lettre du DPM - Traitement provisoire des agressions sexuelles et autres infractions pénales de nature sexuelle relevant de la compétence concurrente
- Directive sur la mise en oeuvre Déclaration de la concernant les principes et présomptions relatifs à l'exercice de la compétence concurrente par les poursuivants canadiens le 29 février 2024
- Directive intérimaire concernant l’implémentation de la recommandation provisoire de Madame Arbour
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