Jour J : L’ARC et la Second Tactical Air Force

Article de nouvelles / Le 14 mai 2019

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Par le major (retraité) William March

Le 6 juin 2019 marquera le 75e anniversaire du jour J, l’invasion de la Normandie par les Alliés. L’opération, qui s’est révélée un succès, a constitué un tournant dans la Seconde Guerre mondiale.

La 2nd Tactical Air Force (2TAF) de la Royal Air Force a vu le jour afin de fournir un soutien aérien direct aux forces d’invasion.

Mise sur pied le 1er juin 1943, elle s’inspirait du modèle de la Desert Air Force et de la North African Tactical Air Force anglo-américaine. Les leçons retenues au cours des campagnes africaines ont permis à la 2TAF, principalement considérée comme une force de chasseurs et de chasseurs-bombardiers, de disposer également de bombardiers légers et moyens.

Lors du jour J, la 2TAF comptait quatre groupes distincts : le 2e Groupe (Bomber Command), composé de 12 escadrons, le 83e Groupe, composé de 34 escadrons de reconnaissance, de chasseurs et de chasseurs-bombardiers, le 84e Groupe, composé de 31 escadrons, et le 85e Groupe, composé de 21 escadrons et demi. La 2TAF disposait donc d’un total d’environ 1 576 avions répartis entre 98 escadrons et demi afin de soutenir le débarquement.

La mission de la 2TAF, tout comme celle des autres éléments de la force aérienne alliée, a commencé bien avant le 6 juin 1944. Des vols de reconnaissance presque constants ont eu lieu au-dessus de la Normandie, mais un nombre égal ou supérieur de vols ont été effectués dans toute l’Europe occupée afin d’empêcher l’ennemi de deviner l’emplacement réel de l’attaque.

Des bombardiers du 2e Groupe ont pris part à la campagne d’interdiction menée par le Bomber Command contre les centres de transport et de communication allemands. Les chasseurs-bombardiers attaquaient tout ce qui bougeait, tandis que les chasseurs effectuaient jour et nuit des balayages des terrains d’aviation allemands, cherchant à détruire autant d’avions ennemis que possible. Tout ce travail visait à faire en sorte que les divisions d’assaut parviennent à débarquer sur les plages de la Normandie.

Parmi les escadrons de l’Aviation royale du Canada (ARC) affectés à la 2TAF, 16 ont servi dans le 83e Groupe; ils étaient organisés, pour la plupart, en escadres canadiennes. Les pilotes de la 126e Escadre (ARC) avaient été informés du jour J tard dans la soirée du 5 juin et savaient ce qu’on attendait d’eux au cours des jours suivants.

Tôt avant l’aube, les Spitfire IXB des 400e, 411e et 412e Escadrons ont décollé dans le ciel couvert. Le ciel pour le « grand jour » resterait couvert, mais, puisque la visibilité serait d’environ huit kilomètres, il convenait pour assurer une protection aérienne. De concert avec des avions des escadres de la RAF, dont des Spitfire du 402e Escadron de l’ARC (qui faisait partie de la 142e Escadre), ils ont volé à une altitude inférieure à 1 524 mètres au-dessus des plages pour assurer la protection contre les appareils allemands qui pouvaient tenter de nuire au débarquement.

Toute la journée, les pilotes ont fait le va-et-vient entre leur aérodrome, pour faire le plein de carburant, et leur zone d’opération. Ils n’ont rencontré aucun avion ennemi et se sont retrouvés à observer l’assaut qui se déroulait sous eux.

Pour les pilotes de la 126e Escadre, le jour J était en quelque sorte décevant en raison de la domination aérienne que les Alliés avaient établie au cours des mois précédents. La Luftwaffe n’a pas posé de difficulté de taille avant le 7 juin, date à laquelle, à la grande joie des Canadiens, elle a lancé une attaque contre la plage. Les Spitfire de la 126e Escadre ont attaqué 18 bombardiers Ju-88 qui s'acharnaient sur les plages près de Saint-Aubin, en France. Lors de l’affrontement, douze appareils allemands ont été déclarés détruits, tandis que les autres ont fui, ayant subi des dommages variables.

Les pilotes des 403e, 416e et 421e Escadrons, affectés à la 127e Escadre (ARC), ont dû accomplir la même mission. Mus par l’enthousiasme que suscitait cette occasion déterminante, ils ont fait voler leurs Spitfire dans le ciel au-dessus de la Manche dans l’attente d’un combat furieux, mais ils ont été déçus. Ils se sont retrouvés eux aussi spectateurs du déroulement du débarquement.

Comme la plupart des autres unités concernées, ils sont retournés à leur aérodrome pour prendre un repas rapide pendant qu’on faisait l’entretien de leur avion, criant des réponses hâtives aux questions que leur posait le personnel au sol, avant de partir pour mener une autre patrouille. Chacun des escadrons de la 127e Escadre a effectué quatre patrouilles le jour J et les pilotes frustrés et fatigués savaient qu’ils pouvaient s’attendre à la même chose le jour suivant.

Le jour J, les escadrons de reconnaissance de la 128e Escadre (ARC) ont connu une journée beaucoup plus chargée.

Les Spitfire XI du 400e Escadron effectuaient des vols de reconnaissance à haute altitude, tandis que les Mustang des 414e et 430e Escadrons assuraient la reconnaissance à basse altitude et soutenaient les tirs de l’artillerie navale. Les pilotes de Mustang ont aidé à diriger les tirs navals là où ils étaient le plus nécessaires, c’est-à-dire, dans la plupart des cas, contre les défenses côtières allemandes et les cibles intérieures dans la zone d’invasion. Ils localisaient une cible, communiquaient avec le navire auquel ils étaient jumelés et corrigeaient le tir jusqu’à ce que la cible soit détruite. Le scénario s’est répété à de nombreuses reprises au cours de la journée. Les pilotes commentaient la turbulence causée par le passage des obus filant vers leur cible.

Trois Mustang du 430e Escadron ont été envoyés au-dessus de routes situées juste à l’intérieur des terres, à la recherche de moyens de transport ennemis, lorsqu’ils ont subi l’attaque de quatre FW-190 allemands pendant l’un des rares assauts de la Luftwaffe le jour J. Bien que bref, le combat s’est révélé mortel pour les Canadiens. Le lieutenant d’aviation Jack Scott Cox, âgé de 23 ans, de Brockville, en Ontario, a été abattu et tué. À l’arrivée de deux autres chasseurs ennemis, les Mustang restants ont rapidement battu en retraite.

Les Spitfire de la 144e Escadre (ARC) se sont également retrouvés à assurer une protection aérienne au-dessus des plages. Tous les avions disponibles des 441e, 442e et 443e Escadrons ont effectué quatre sorties le jour J.

Le lieutenant-colonel d’aviation « Johnnie » Johnson, de la RAF, a dirigé les 36 appareils de l’escadre vers leur position au-dessus des plages. Observant l’assaut en dessous, le lieutenant-colonel d’aviation Johnson a noté : « Ici et là, l’ennemi semble opposer une résistance acharnée : nous voyons fréquemment des tirs de mortier et de mitrailleuses dirigés contre nos soldats et notre équipement sur les plages. De petits groupes d’hommes se dirigent vers les cabines de plage et les maisons au bord de la mer, dont beaucoup sont en feu. » [traduction]

Mais le plus grand danger pour les pilotes résidait dans la masse d’avions alliés qui se déplaçaient sans cesse au-dessus des zones d’assaut. « Des bombardiers moyens, des bombardiers légers, des chasseurs-bombardiers, des chasseurs, des avions de reconnaissance et d’artillerie et des appareils des forces aéronavales ont envahi l’espace aérien limité sous les nuages et, à deux reprises, nous avons dû tourner brusquement pour éviter des collisions frontales. » [traduction]

À la tombée de la nuit, les escadrons de chasseurs de jour du 83e Groupe se sont retirés des plages et ont été remplacés par des chasseurs de nuit du 85e Groupe. Deux escadrons canadiens, les 409e et 410e, équipés de Mosquito, ont participé à ces opérations.

Tout comme leurs homologues de jour, ils ont trouvé peu de cibles. Si la Luftwaffe s’était présentée, les chasseurs de nuit auraient eu l’avantage supplémentaire de disposer du soutien de radars d’interception au sol, établis sur la tête de pont le 6 juin au soir.

Plus de 1 800 aviateurs, dont un certain nombre de Canadiens, sont débarqués avec les forces d’invasion. Affrontant des tirs d’artillerie soutenus et précis, un certain nombre d’entre eux ont perdu la vie ou subi des blessures, dont le caporal canadien Francis Edward Day, de Winona, en Ontario, qui s’était joint à la RAF à titre de technicien des communications. Il a trouvé la mort sur la plage Omaha, pendant son affectation à l’unité radar d’ICS no 15082, dont le travail consistait à soutenir les forces des États-Unis.

Bien qu’il y ait eu peu de combats aériens au-dessus des plages le jour J, les Alliés ne pouvaient être sûrs que la Luftwaffe n’offrirait pas une résistance déterminée. En effet, un peu plus de deux ans auparavant, certains des combats les plus meurtriers de la guerre avaient eu lieu dans le ciel de Dieppe.

Pour veiller à ce que les forces d’invasion ne subissent pas d’attaques aériennes, plus de 5 400 chasseurs ont assuré la protection des navires et de l’assaut amphibie. Le fait qu’ils n’aient pas été nécessaires témoigne du travail minutieux accompli au cours des mois qui ont précédé le jour J.

Conçue pour suivre de près l’avancée des forces armées alliées, la 2TAF a fait débarquer plusieurs détachements précurseurs en compagnie des troupes d’assaut en Normandie. Le 8 juin, ces personnes avaient établi deux pistes d’atterrissage d’urgence. Deux jours plus tard, dans un champ près de Sainte-Croix-sur-Mer, les 441e, 442e et 443e Escadrons de la 144e Escadre (ARC) devenaient les premières unités des forces aériennes alliées à travailler en sol français depuis 1940.

Ils avaient accompli leur mission avec brio.

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