La manipulation des objets patrimoniaux
Janet Mason
La manipulation des objets patrimoniaux fait partie de la ressource Web Lignes directrices relatives à la conservation préventive des collections. Cette section présente les principaux aspects dont il faut tenir compte pendant la manipulation des objets patrimoniaux présents dans les collections.
Table des matières
- Manipulation : aspects clés
- Stratégies pour manipuler les objets en toute sécurité
- Avant la manipulation
- Soutenir, soulever et déplacer des objets
- Consolider ou immobiliser des éléments instables et des pièces mobiles
- Savoir où placer les mains
- Utiliser des supports plats et rigides et des plateaux
- Utiliser des supports
- Faire attention aux éléments fixés, aux poignées et aux anciennes réparations
- Manipuler des objets à plusieurs
- Soulever des types particuliers d’objets
- Déplacer des objets sur une courte distance
- Choisir le matériel roulant pour déplacer des objets
- Assurer la sécurité
- Signaler les dommages
- Bibliographie
Liste des abréviations
- ICC
- Institut canadien de conservation
- HEPA
- haute efficacité pour les particules de l’air
- PCV
- poly(chlorure de vinyle)
- format de document portable
- UBC
- Université de la Colombie-Britannique
Manipulation : aspects clés
Prendre soin de manipuler correctement les objets patrimoniaux et les collections est un aspect essentiel de la conservation à long terme. Au moment de manipuler des objets, il faut tenir compte de deux points importants : les risques associés à ces objets et les risques pour la personne qui les manipule. Il faut également suivre les protocoles de manipulation qui ont été établis dans le cas des objets sacrés ou culturellement sensibles. Consulter Le soin des objets sacrés ou culturellement sensibles pour obtenir de l’information sur l’importance de la consultation dans le processus de définition et d’élaboration des protocoles de manipulation pour ce type d’objets.
Manipulation : risques associés aux objets patrimoniaux
C’est lorsque les objets patrimoniaux sont manipulés qu’ils sont le plus exposés à d’importants risques de dommages.
Lorsqu’on examine des groupes d’objets, on se rend compte que les dommages les plus fréquents, comme les enfoncements, les éraflures, les fissures et les cassures (figure 1), sont habituellement attribuables aux impacts. Ces types de dommages se produisent couramment pendant l’utilisation initiale (ou historique) de l’objet et fournissent des preuves d’utilisation qui pourraient avoir une valeur pour les chercheurs. Cependant, une fois qu’un objet entre dans une collection, il faut le protéger pour qu’il ne subisse pas d’autres dommages.
Grâce à une bonne formation et à de la planification, on peut anticiper les problèmes et mettre au point des méthodes pour manipuler et déplacer les objets en toute sécurité, réduisant ainsi le risque de les endommager davantage.
Forces physiques
Les bris, les fissures, les ébréchures, les lacunes, les déformations et les abrasions constituent des preuves que des objets fragiles ont été échappés ou frappés, ou encore qu’une personne les a soulevés en plaçant ses mains au mauvais endroit. L’ampleur des dommages dépend du type de matériau et de son état. De manière générale, les matériaux cassants subissent plus de dommages que les matériaux souples, mais le poids des objets et la hauteur du point de chute sont aussi des facteurs importants à cet égard (consulter Agent de détérioration : forces physiques pour obtenir d’autres renseignements sur les forces physiques en tant qu’agent de détérioration).
Aux yeux d’un profane, un objet peut sembler solide, mais il pourrait comporter des endroits fragiles ou être dans un état de détérioration imprévu :
- Les matériaux peuvent devenir fragiles à cause de leur âge et d’une détérioration qui s’est produite au fil du temps. Par exemple, certains cuirs anciens et fourrures anciennes qui ont été teints en noir peuvent être extrêmement dégradés, au point de ne pouvoir soutenir leur propre poids (figures 2a et 2b).
- Des surfaces visuellement intactes peuvent dissimuler des zones intérieures très fragiles, comme une pièce de bois vermoulue, mais dont la surface, ou couche externe, apparaît intacte. Une surface dont l’aspect est trompeur pour les yeux peut l’être tout autant pour les mains. Même lorsqu’on manipule délicatement un objet, la préhension demande d’appliquer une pression aux endroits de prise. Si la matière est très fragile à ces endroits, elle pourrait ne pas résister à la pression, même si celle-ci est minime, et ainsi être endommagée.
- Les joints, les attaches, les éléments collés, etc., peuvent être endommagés, usés ou avoir trop de jeu. Souvent, les joints et les assemblages semblent suffisamment solides à première vue, mais un examen plus attentif peut révéler des faiblesses (figures 3 et 4).
Les objets peuvent être endommagés si on les soulève sans l’aide de supports adéquats. Par exemple, un vase en céramique ayant des fissures naissantes peut se casser s’il est manipulé sans être bien soutenu. Les parties fragiles d’un objet pourraient ne plus pouvoir soutenir leur propre poids ou le poids des pièces attachées et des pièces en saillie. Par exemple, si une œuvre en soie ornée d’éléments décoratifs est soulevée sans l’aide d’un support, la soie risque d’être trop fragile pour résister au poids des ornements. Les ornements exerceront alors des tensions aux points d’attache, ce qui causera des déchirures dans le tissu adjacent (figure 5). L’œuvre au complet doit plutôt être soutenue sur toute sa largeur pour éviter d’être endommagée pendant le déplacement.
On utilise couramment des appareils de transport roulants pour déplacer les objets, comme des diables ou des chariots. Cependant, le roulement de ces appareils peut occasionner de petits soubresauts, ce qui risque d’endommager les objets très fragiles, par exemple des objets dont la couche picturale adhère de façon précaire (figure 6) ou dont les joints tiennent mal. Des fissures déjà présentes sur un objet peuvent s’étendre, ou des pièces ayant trop de jeu peuvent branler, ce qui soumet le point d’attache, comme les charnières de porte mal fixées, à une forte tension. Diverses solutions à ces problèmes existent, comme l’emploi d’une matelassure ou la pose d’attaches de rétention. Ces solutions sont examinées sous Soutenir, soulever et déplacer des objets.
Contaminants
Les huiles et les sels naturels des mains peuvent marquer les surfaces propres, sans que cela soit immédiatement visible.
Voici quelques types d’objets particulièrement à risque de subir des dommages lorsqu’ils sont manipulés à mains nues :
- les surfaces métalliques : argent, cuivre et laiton polis (figures 7, 9 et 10);
- les surfaces dorées (figure 8);
- les photographies, qui peuvent facilement être tachées, car la plupart des surfaces de papier photographique sont extrêmement absorbantes et hygroscopiques.
Les surfaces brillantes, comme le verre ou la pierre très polie, peuvent retenir les empreintes digitales. Même si les huiles et les sels n’attaquent pas vraiment ces surfaces, les empreintes altèrent l’apparence visuelle de ces objets et mènera à des nettoyages ou à des polissages supplémentaires qui auraient pu être évités.
Si les surfaces par lesquelles on saisit l’objet ne sont pas propres (poussiéreuses ou souillées), la saleté pourrait être poussée plus profondément dans le substrat. Si la préhension se fait à mains nues, la transpiration et les huiles « fixeront » la saleté, particulièrement sur des surfaces poreuses ou rugueuses.
Manipulation : risques pour la personne qui manipule l’objet
L’autre volet des enjeux liés à la manipulation est celui des risques que peuvent poser les objets pour la santé et la sécurité de la personne qui le manipule. En effet, certains types d’objets peuvent comporter des dangers en raison de la nature de leurs matériaux constitutifs et de leurs mécanismes de dégradation, par exemple les cadrans lumineux radioactifs (Warren, 2010), le plomb corrodé (figure 11), certains plastiques (Tsang, 2010), certains spécimens ethnobotaniques (Kubiatowicz et Benson, 2003). D’autres objets peuvent être devenus dangereux au fil de leur histoire et de leur utilisation, par exemple les objets contaminés par des moisissures (figure 12) et ceux qui contiennent des résidus de pesticides (Sirois, Poulin et Stone, 2010). Ces objets posent alors des risques pour la santé de la personne qui les manipule.
Consulter le Bulletin technique de l’ICC 26 Prévention des moisissures et récupération des collections : lignes directrices pour les collections du patrimoine pour en savoir davantage sur les effets sur la santé d’une exposition à des moisissures.
Stratégies pour manipuler les objets en toute sécurité
Voici des stratégies pour manipuler des objets qui doivent être déplacés, au quotidien, sur de courtes distances à l’intérieur d’un bâtiment.
Avant la manipulation
Puisque la manipulation peut facilement causer des dommages physiques, dans la mesure du possible, il est préférable d’éviter de manipuler les objets. Si une manipulation s’avère nécessaire, la prévoyance et la planification sont de rigueur, peu importe l’objet ou la longueur du trajet.
Comprendre l’objet
Tout d’abord, il est important de bien examiner l’objet en entier avant de le manipuler pour déterminer où sont les endroits les plus forts et ceux qui sont les plus fragiles. Certains objets sont si fragiles (par exemple, des objets dont la surface peinte s’écaille ou est pulvérulente) qu’on doit les manipuler le moins possible ou prendre des mesures spéciales pour les manipuler de façon sécuritaire. En ce qui concerne les objets complexes, il faudrait consulter les constats d’état, s’il y en a, et les mettre à jour, au besoin. On devrait examiner l’objet de près en se posant les questions suivantes :
- La surface est-elle intacte ou à risque de se détacher par endroits?
- Certaines parties risquent-elles de tomber si l’objet est déplacé de son emplacement actuel?
- La surface est-elle sale ou contaminée par des moisissures?
- Sera-t-il nécessaire de porter de l’équipement de protection individuelle?
- L’objet comporte-t-il des pièces ou des composants mobiles mal fixés?
- Quel est le poids de l’objet?
- Combien de personnes seront nécessaires pour soulever et déplacer l’objet sans danger?
- L’objet serait-il mieux protégé s’il était placé sur un support ou un plateau matelassé pour le déplacement?
Ouvrir la voie
Avant de déplacer un objet, il faut connaître à l’avance le parcours entre son emplacement actuel et le nouvel emplacement et, au besoin, vérifier si le champ est libre. Une connaissance théorique du parcours ne permet pas de prévoir les obstacles d’origine récente.
Pour planifier un parcours, procéder selon les étapes suivantes :
- Préparer le nouvel emplacement. Il doit être propre, assez grand pour l’objet et matelassé, au besoin (figure 13).
- Libérer le passage et garder les portes ouvertes ou s’assurer d’obtenir l’aide de quelqu’un pour ouvrir la voie.
- Vérifier la hauteur et la largeur des ouvertures de portes pour savoir si le dégagement est suffisant.
- S’assurer qu’il y a suffisamment d’espace pour tourner les coins.
- Enlever du plancher les obstacles et tout ce qui pourrait présenter un risque ou tout objet pendant du plafond.
Se préparer à manipuler des objets
Protection de l’objet
Les personnes qui manipulent des objets devraient enlever tout ce qui pourrait érafler ou accrocher les objets, comme les bagues, les bracelets, les montres, les pendentifs ou les boucles de ceinture.
Protection des personnes qui manipulent l’objet
Les personnes qui doivent manipuler un objet doivent savoir si celui-ci pose un risque. Si elles doivent travailler avec des matières dangereuses ou si un doute persiste à cet effet, elles doivent porter l’équipement de protection approprié, comme des masques à filtre HEPA (haute efficacité pour les particules de l’air), des gants, des combinaisons, des tabliers, des blouses de laboratoire, des chaussures de protection (figure 14).
Voici quelques exemples courants de matières dangereuses : des matières contaminées par des moisissures; des matières pulvérulentes qui risquent de contaminer l’air de fines particules lorsqu’elles sont déplacées; des résidus de pesticides (par exemple, sur de vieux spécimens naturalisés ou des objets traités antérieurement aux insecticides); des particules contenant du plomb; des résidus chimiques sur les objets pharmaceutiques et médicaux. Consulter Conserv O Gram 2/19 Guidelines for the Handling of Pesticide Contaminated Collections (Version PDF, 231 Ko) (en anglais seulement) pour en savoir davantage sur ces questions liées à la santé et à la sécurité.
Limiter la contamination
Gants : avantages et inconvénients
Comme il a été mentionné ci-dessus, les gants sont nécessaires pour protéger les personnes qui manipulent les objets lorsqu’il existe un risque pour la santé et la sécurité en raison d’une possible contamination.
Aussi, il est nécessaire de toujours porter des gants afin de protéger les objets faits de certains types de matériaux ou qui possèdent certains types de surfaces. Citons, entre autres, les métaux, les surfaces dorées, les documents photographiques (épreuves, négatifs, diapositives et pellicules de film cinématographique), les surfaces très polies et les surfaces pulvérulentes (cuir détérioré, etc.) ou sales (consulter Contaminants pour en savoir davantage sur ces matériaux).
Porter des gants pour manipuler tout objet de la collection est un signe de respect à l’égard de la valeur patrimoniale des objets et la preuve que la personne est soucieuse de bien en prendre soin. Dans certaines situations, cependant, les gants diminuent la sensibilité tactile et ne sont donc pas recommandés. Le risque d’endommager un objet à cause d’une réduction de la sensibilité tactile ou d’une prise moins solide doit être soupesé par rapport à celui de contaminer l’objet par les huiles et les sels naturels des mains nues.
En cas d’incertitude, opter pour des gants minces et ajustés demeure la meilleure solution. Ils offrent suffisamment de dextérité et de sensibilité tactile, tout en protégeant les surfaces. La figure 15 illustre différents types de gants et le tableau 1 fournit une comparaison entre ces types de gants en indiquant leurs avantages et leurs inconvénients.
Tableau 1 : Types de gants offerts sur le marché pour la manipulation d’objets et leurs avantages et inconvénients
Type de gants | Sensibilité tactile et qualité de la prise | Transfert des sels et des huiles | Protection de la personne qui manipule | Confort et ajustement | Commentaire |
---|---|---|---|---|---|
Sans gants (mains nues) |
Excellentes |
Oui |
Aucune |
Excellents |
Les mains doivent être fraîchement lavées et bien séchées, et les coupures, le cas échéant, doivent être couvertes; certains types de matériaux et de surfaces ne devraient pas être manipulés à mains nues |
Coton |
Moyennes; les gants glissent sur les surfaces lisses |
Aucun transfert d’huiles et de sels (à moins que les gants soient beaucoup utilisés sans être lavés) |
Minimale |
Ajustement variable (variété de formes et de tissus); confortables pour une utilisation prolongée |
Réutilisables mais doivent être lavés régulièrement |
Coton avec nodules pour améliorer la prise (figures 16 et 17) |
Mauvaise sensibilité mais bonne prise |
Aucun transfert d’huiles et de sels, mais transfert de plastifiants si les nodules sont en poly(chlorure de vinyle) (PCV) |
Minimale |
Généralement, l’ajustement est meilleur que celui des gants de coton; confortables pour une utilisation prolongée |
Les nodules peuvent être en PCV et laisser des plastifiants sur les surfaces (certaines marques causent le ternissement des métaux, comme l’illustre la figure 18); les gants peuvent être lavés et réutilisés, mais les nodules finiront par se détériorer |
Nylon Polygenex |
Moyennes |
Aucun transfert d’huiles et de sels |
Minimale |
Ajustement semblable aux gants de coton de qualité supérieure; confortables pour une utilisation prolongée |
Les gants n’égratignent pas les surfaces et sont appropriés pour manipuler tous les types de pellicules photographiques; le nylon dissipe l’électricité statique; |
Nitrile |
Bonnes; |
Aucun transfert d’huiles et de sels |
Bonne protection contre les particules et de nombreux produits chimiques |
Minces et s’ajustent parfaitement aux mains (offerts en plusieurs tailles); retiennent la transpiration des mains |
Ne pas utiliser des gants non poudrés traités au chlore; utiliser plutôt des gants revêtus d’une couche polymère à l’intérieur; jetables (non réutilisables) Certains types de gants de nitrile ternissent l’argent. Consulter Le soin des objets métalliques pour en savoir davantage |
Latex |
Bonnes; |
Aucun transfert d’huiles et de sels |
Bonne protection contre les particules et certains produits chimiques |
Minces et s’ajustent parfaitement aux mains (offerts dans plusieurs tailles); retiennent la transpiration des mains |
Danger de réaction allergique pour certaines personnes; ces gants peuvent se dégrader plus rapidement que ceux de nitrile; jetables (non réutilisables) |
Polyéthylène (taille unique) |
Médiocres, car l’ajustement est très mauvais; les gants peuvent glisser sur les surfaces lisses |
Aucun transfert d’huiles et de sels |
Protection contre les particules et certains produits chimiques |
Minces mais aucunement ajustés aux mains et très peu extensibles; ils sont peu commodes à porter |
Jetables (non réutilisables) |
PCV |
Moyennes; gants minces mais pas aussi souples que le latex ou le nitrile, donc l’ajustement n’est pas aussi bon |
Aucun transfert d’huiles et de sels, mais transfert des plastifiants présents dans le PCV |
Protection contre les particules et certains produits chimiques |
Retiennent la transpiration des mains; l’ajustement est de passable à médiocre |
Le PCV ne devrait pas être utilisé ni entreposé près des collections, car il se dégrade et transfère des résidus corrosifs et collants sur les objets avec lesquels il est en contact; les gants sont jetables (non réutilisables) |
Caoutchouc |
Médiocre; plastique épais qui ne permet pas un bon ajustement |
Aucun transfert d’huiles et de sels |
Protection contre les particules et certains produits chimiques; peuvent résister à un certain degré d’abrasion |
Retiennent la transpiration des mains; l’ajustement est médiocre |
Durables malgré une utilisation fréquente, mais se salissent |
Combinaison (gants de plastique à l’extérieur et gants de coton à l’intérieur) |
Moyennes; sensibilité réduite, mais ne glissent pas sur les surfaces lisses si des gants de latex ou de nitrile sont portés par‑dessus les gants de coton |
Aucun transfert d’huiles et de sels |
Protection variable selon le type de gants de plastique portés par‑dessus les gants de coton |
Du coton de bonne qualité et des gants de latex ou de nitrile d’une taille adéquate procureront un ajustement moyen ou même assez bon; l’ajout des gants de coton améliore le confort pour une utilisation prolongée |
Les gants de coton à l’intérieur peuvent être réutilisés; les gants de plastique sont jetables (non réutilisables) |
Figures 16 à 18 : Une expérience a été menée à l’ICC pour vérifier si des gants à nodules en PCV posaient un risque pour les objets. De l’argent sterling (92,5 % argent et 7,5 % cuivre) a été testé parce que cet alliage réagit rapidement en présence de nombreux agents nocifs et que le ternissement qui en résulte est visible à l’œil nu. La feuille d’argent sterling a été mise en contact direct avec un gant de marque Sure Grip (figure 16). Après une exposition à la lumière directe du soleil pendant neuf semaines, les nodules (visibles sur la figure 17) ont laissé des traces sur l’argent (figure 18). Cela indique que les nodules ont transféré une matière pouvant corroder l’alliage. On en conclu qu’il est préférable de ne pas utiliser ce type de gant pour manipuler les objets.
Limiter la manipulation des objets sales
Les objets recouverts de poussière ou de suie devraient être manipulés au minimum. Lorsqu’on manipule des surfaces sales, la poussière pénètre souvent sous la couche superficielle de la matière et se compacte sous la pression des mains (figure 19). Les surfaces poreuses sont particulièrement difficiles à nettoyer, car la saleté pénètre dans les petits interstices.
S’ils sont sales, les objets constitués de matériaux souples couvrant de grandes surfaces, comme les fourrures, les plumes et les textiles, devraient être déplacés le moins possible jusqu’à ce qu’ils soient nettoyés. Des mouvements inutiles peuvent entraîner les particules encore plus en profondeur sous la surface.
Il faudrait envisager d’enlever la poussière et les saletés superficielles avant de déplacer l’objet pour les raisons suivantes :
- Un objet propre est habituellement plus facile à manipuler et moins dangereux pour la santé et la sécurité.
- Cela permet de bien voir l’état de la surface.
- La saleté ne sera pas poussée à l’intérieur de la surface.
- La poussière et la saleté ne seront pas transférées ailleurs.
- Un objet propre aura plus de valeur pour la plupart des gens qui, instinctivement, le manipuleront avec plus de soin que s’il était sale (même si cela ne devrait pas influencer la qualité des soins prodigués à l’objet).
S’il n’est pas possible de nettoyer l’objet avant de le déplacer, il est alors recommandé de le ranger dans une boîte ou de le couvrir avec du papier de soie ou une pellicule de plastique. Cela réduira le contact direct avec la surface et empêchera la dispersion de la poussière pendant le déplacement de l’objet.
Soutenir, soulever et déplacer des objets
Consolider ou immobiliser des éléments instables et des pièces mobiles
Toutes les pièces d’un objet devraient être déplacées en même temps, à moins de pouvoir les séparer et de déplacer chaque pièce individuellement (par exemple, tiroirs de mobilier ou couvercles). Toute pièce à risque de se détacher et toute partie mobile fixée à un objet (par exemple, à l’aide de charnières) doivent être immobilisées. Pour ce faire, on attache la pièce à l’objet lui-même ou au support de l’objet. Parmi les exemples de pièces qui devraient être attachées de la sorte, on trouve les portes qui ne peuvent être verrouillées, les parties brisées mal retenues, ainsi que les revêtements déchirés ou décollés.
Du ruban toile ou des courroies peuvent servir à attacher les objets, grâce à leurs surfaces douces et à leur souplesse (figure 20). Des bandes de serrage peuvent aussi être utilisées pour attacher de plus gros objets, mais il faut veiller à ne pas trop serrer et à bien matelasser l’objet à tous les points de pression (par exemple, cales en mousse ou couvertures aux coins).
L’intérieur des objets doit être vérifié et toute pièce ayant trop de jeu doit être stabilisée (c’est-à-dire enlevée, attachée ou matelassée). Un bon exemple est le retrait des poids et du pendule avant de déplacer une horloge de parquet.
Savoir où placer les mains
Il faut se servir des deux mains pour transporter un objet à la fois. Une main peut être placée en haut de l’objet pour maintenir l’équilibre, alors que l’autre sera placée à sa base pour le soutenir (figures 21 à 24). Pour remettre un objet à une autre personne, il faut le poser sur une surface solide plutôt que simplement le transférer de main en main.
Utiliser des supports plats et rigides et des plateaux
Les mains ne peuvent envelopper et soutenir qu’une petite surface. Cela peut convenir pour soutenir de petits objets ou des objets plus gros qui sont rigides et solides. Des objets souples mais suffisamment solides peuvent aussi tolérer d’être soutenus par les mains (et parfois les bras), pourvu qu’il s’agisse d’un déplacement court, comme dans le cas d’un vêtement soulevé à partir d’une table de travail et déplacé vers un endroit tout près (figure 25).
De manière générale, cependant, les articles en matière souple, comme le papier, les textiles, les cuirs, les peaux, exigent un support complet (figure 26).
Les matériaux fragiles, qu’ils soient rigides ou souples, exigent aussi d’être soutenus également sur toute leur surface, ce qui est impossible avec les mains. Un support rigide sous l’objet permettra de manipuler le support plutôt que l’objet.
La robustesse du support sera choisie en fonction du poids de l’objet. Des objets légers, tels une feuille de papier ou un article en tissu, peuvent être supportés par un simple carton à quatre plis. Une feuille de plastique cannelée ou un panneau de mousse ferme peuvent servir de support pour les objets de poids léger à moyen, alors que le contreplaqué peut être utilisé pour les articles plus lourds. Des supports plats peuvent être glissés sous les objets. Les plateaux ou les bacs sont utiles s’il est possible de soulever l’objet pour l’y déposer (figure 27).
Utiliser des supports
Le recours à des supports permanents pour la mise en réserve et la manipulation constitue la meilleure solution. Ces supports serviront de protection à long terme et diminueront les risques associés à la manipulation ainsi que le temps de préparation nécessaire pour déplacer les objets (figures 28 à 31). L’objet sera entièrement soutenu et la personne qui le manipulera n’aura peut-être même pas à le toucher.
Faire attention aux éléments fixés, aux poignées et aux anciennes réparations
Les pièces fixées à un objet ainsi que les pièces en saillie devant à l’origine servir de poignées pour déplacer ou soulever l’objet peuvent être devenues des points faibles à la suite de leur utilisation à répétition ou à cause de réparations mal faites remontant à une période antérieure à l’introduction de l’objet dans la collection. Il se peut qu’elles ne puissent plus soutenir le poids de l’objet si elles sont utilisées pour le saisir ou le soulever. Si une pièce cède et se rompt lorsqu’on la saisit au moment de soulever l’objet, le reste de l’objet pourrait tomber sur le sol et s’endommager. Il faut toujours se méfier des endroits de prise qui nous viennent en tête intuitivement, car souvent ce sont elles qui, par le passé, ont pu servir à soulever l’objet. Par exemple, on devrait toujours soulever une chaise par les côtés du siège et non par le dos ou les accoudoirs (figures 32 et 33). Si l’on utilise une partie en saillie fixée au sommet de l’objet pour le soulever, cette partie porte alors tout le poids de l’objet, ce qui risque de provoquer une rupture (figure 34). Un objet devrait plutôt être soulevé par sa base, qui soutiendra ainsi tout le poids (figure 24).
Manipuler des objets à plusieurs
Au moment de soulever un objet, s’assurer que suffisamment de personnes sont disponibles pour le faire. Il faut toujours soulever les objets et ne jamais les traîner. Une personne devrait agir comme chef d’équipe et donner des directives tout au long du déplacement en s’assurant que tous savent comment saisir l’objet sans danger et que tous sont prêts à exécuter les directives au même moment. Les mouvements doivent être coordonnés, et l’objet doit être surveillé pendant tout le déplacement. C’est particulièrement important lorsqu’on ne peut utiliser un chariot ou un diable pour déplacer l’objet (par exemple, s’il faut utiliser un escalier).
Soulever des types particuliers d’objets
Pour manipuler des objets mouillés (par exemple, par des fuites ou des inondations), il faut tenir compte du liquide absorbé par les objets qui en augmente le poids. Le matériau pourrait céder sous le poids additionnel, ou l’eau pourrait avoir ramolli la matière ou affaibli sa structure. Il est important de soutenir l’objet le plus possible, de préférence en utilisant un support solide.
Pour soulever un objet lourd ou volumineux, comme un meuble ou une sculpture, il faut le saisir près de la base à un endroit où la surface est assez solide et résistante (figure 35). Fléchir également les genoux et maintenir l’objet près du corps. Un objet lourd ne devrait être soulevé que pour un court déplacement. Pour cette raison, s’assurer d’avoir placé le chariot ou le diable près de l’objet. Les objets encore plus lourds devraient être déplacés avec l’équipement approprié (chariot élévateur, lève-palette ou petite grue) et par des personnes expérimentées.
Au moment de soulever des objets placés dans des sacs, il faut déterminer leur configuration, leurs points faibles et leur forme pour savoir où la prise sera la plus solide (figure 36). On devrait manipuler des objets placés dans des sacs à mains nues ou avec des gants de plastique bien ajustés, car la surface des sacs pourrait être glissante.
Toute surface plane comportant des revêtements fragiles, comme une couche picturale friable ou qui s’écaille, devrait être transportée et rangée à l’horizontale pour éviter les pertes.
Déplacer des objets sur une courte distance
Un bon aménagement du bâtiment peut grandement simplifier le déplacement des objets en toute sécurité. Certaines caractéristiques sont hautement souhaitables, comme des planchers de niveau, des monte-charges séparés, des rampes d’accès, des quais de chargement avec des niveleurs de quai, des ouvertures de portes surdimensionnées et suffisamment d’espace de manœuvre à l’intérieur des réserves.
Pour les déplacements, sur une courte distance, d’un ou de plusieurs petits objets dont le centre de gravité est bas, un plateau est approprié. L’intérieur du plateau doit être matelassé à l’aide d’une feuille de mousse qui amortit le contact de l’objet avec le fond du plateau et qui l’empêche de glisser. Dans le cas de petits objets dont le centre de gravité est élevé, il est préférable de les transporter à la main ou dans des boîtes matelassées.
Une boîte en carton ou un bac en plastique dans lequel les objets sont matelassés individuellement peut servir à les loger temporairement pendant un déplacement. En effet, si plusieurs objets sont déplacés dans un seul contenant, il est important de les séparer en utilisant une matelassure pour éviter qu’ils ne s’entrechoquent (figure 37). Les objets ne devraient pas être empilés.
Les objets plats, comme les peintures ou les articles encadrés, peuvent être disposés à la verticale dans une boîte et séparés les uns des autres au moyen de feuilles intercalaires rigides (carton, plastique ondulé, etc.) légèrement plus grandes que les objets qu’elles séparent.
Choisir le matériel roulant pour déplacer des objets
Il est plus facile et plus sûr d’utiliser un chariot ou un diable à plateau, à moins que l’objet ne doive être déplacé dans un escalier ou qu’il ne puisse tolérer le moindre mouvement induit par le matériel roulant. Il existe de nombreux styles de chariot pour toutes sortes d’applications spéciales, y compris le chariot chevalet comportant un support incliné pour les objets qui doivent être transportés à la verticale (figure 38). Les chariots sont plus faciles à manœuvrer si toutes les roues sont pivotantes. Cette caractéristique est importante dans les endroits où l’espace de manœuvre est limité. Il faut éviter que les soubresauts du chariot causés par un plancher inégal se répercutent sur les objets. L’utilisation d’une matelassure restreindra le mouvement des objets et amortira les vibrations.
Si les objets sont bien enveloppés et matelassés, ils peuvent être placés dans des chariots non matelassés, pourvu qu’ils soient retenus en place pour éviter les mouvements. Dans la plupart des cas, il est plus pratique de matelasser le chariot. Une matelassure robuste et compacte, comme du tapis, supportera de lourdes charges. On peut ajouter une matelassure plus souple, telle de la mousse (jusqu’à plusieurs centimètres d’épaisseur, selon le poids de l’objet), pour amortir les vibrations. Tous les objets doivent être séparés les uns des autres par une matelassure ou des feuilles rigides.
Le type et la taille des roues influeront sur la douceur du mouvement; les grosses roues (127 mm [5 po] de diamètre) passeront plus doucement sur les fissures et les défauts du plancher que les petites roues. Les roues à pneus réduiront les vibrations (figure 39) (Esser, 2011).
Assurer la sécurité
Déplacer des objets, même à l’intérieur d’un même bâtiment, pose un risque pour la sécurité. Voici quelques mesures de sécurité à suivre :
- déplacer les objets d’un endroit sûr à un autre et superviser le déplacement en tout temps pour prévenir les vols, le vandalisme ou les dommages;
- mettre à jour le dossier de l’objet en indiquant son nouvel emplacement.
Consulter Agent de détérioration : vol et vandalisme pour obtenir d’autres stratégies sur les mesures de renforcement de la sécurité des collections patrimoniales.
Signaler les dommages
Tout dommage observé doit faire l’objet d’un constat, accompagné de photographies de préférence, et l’employé responsable doit en être informé (par exemple, gestionnaire des collections, registraire, restaurateur, conservateur). Mettre dans une boîte ou un sac toutes les pièces qui se sont détachées, indiquer le contenu sur le contenant et le conserver avec l’objet (par exemple, mettre ensemble, dans une boîte ou un sac, l’objet et le sac ou la boîte renfermant les pièces détachées). Si les pièces ont de fines arêtes ou qu’elles sont fragiles, emballer chaque pièce dans du papier de soie avant de la placer dans le contenant. Si les parties nouvellement endommagées posent des risques d’accrocs, on peut les protéger en enroulant du ruban de toile tout autour ou bien munir l’objet d’une étiquette de mise en garde. Dans ce dernier cas, soit on attache l’étiquette à l’objet, soit on la place simplement à côté de l’objet.
Bibliographie
Esser, K. « Art-works With an Unfixed Paint Layer on Paper: Guidelines for Handling and Transport », Journal of Paper Conservation, vol. 12, no 2 (2011), p. 13-24.
Guild, S., et M. MacDonald, Prévention des moisissures et récupération des collections : lignes directrices pour les collections du patrimoine, Bulletin technique de l’ICC 26, Ottawa (Ontario), Institut canadien de conservation, 2004.
Illes, V., B. Derion et D. Tingry. Guide de manipulation des collections, Paris (France), Somogy éditions d’art, 2004.
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No de catalogue : CH57-4/7-2-2018F-PDF
ISBN 978-0-660-28052-3
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