Le soin des objets sacrés ou culturellement sensibles
Miriam Clavir et John Moses
Le soin des objets sacrés ou culturellement sensibles fait partie de la ressource Web Lignes directrices relatives à la conservation préventive des collections. Cette section présente les principaux aspects dont il faut tenir compte pour prendre soin des objets sacrés ou culturellement sensibles présents dans les collections patrimoniales.
Table des matières
Les collections d'objets sacrés ou culturellement sensibles
Miriam Clavir, restauratrice émérite et chercheuse universitaire, UBC Museum of Anthropology (MOA)
La présente section décrit les collections et les objets sacrés ou culturellement sensibles, ainsi que les concepts culturels et déontologiques encadrant leurs soins particuliers.
Soins particuliers intégrant le respect
« Une collection [muséale], dans la langue maorie, n'est pas seulement la collection, c'est le point de vue des Maoris. Ce ne sont pas juste des collections, ce sont les ancêtres. » [traduction] - Rose EvansNote en bas de page 1
Le respect est le mot d'ordre lorsqu'il est question de prendre soin, dans un musée, d'objets culturellement sensibles. En principe, les meilleures pratiques de conservation devraient se marier aux normes ou pratiques culturelles définies par la communauté d'origine, afin d'en arriver à des soins qui reposent sur un partenariat protégeant les caractéristiques matérielles et immatérielles de ces objets.
Objets sacrés ou culturellement sensibles : définition et exemples
Dans les musées, la variété des collections reflète la diversité de la société. Le grand public, pour qui les musées préservent les collections au fil des générations, est composé de communautés culturelles et spirituelles pour qui certaines œuvres, soit sacrées, soit culturellement sensibles, demeurent particulièrement importantes.
Quels sont les objets considérés comme culturellement sensibles? Il y a évidemment les objets sacrés ou religieux utilisés pendant les rituels, mais aussi ceux dont l'accès est restreint pour des raisons culturelles. C'est le cas, par exemple, des objets ne pouvant être vus ou manipulés que par certaines personnes, soit des initiés ou des chamans, soit des personnes d'un sexe en particulier. Les documents d'acquisition obtenus lorsqu'un objet entre dans une collection muséale ne contiennent pas toujours des renseignements sur le contexte sacré ou culturellement sensible de l'œuvre. Le développement d'information sur les soins appropriés fait partie des discussions lors de consultations avec les représentants de la communauté d'origine (figure 1).
Objets sacrés ou saints
Quel est le sens ici de « sacré » ou de « saint »? Ces mots ne transmettent pas toujours fidèlement certaines notions propres à différents systèmes de croyances. L'adjectif « sacré » peut désigner, entre autres, des objets ou des lieux vénérés, consacrés, dédiés à quelqu'un ou à quelque chose ou protégés. Pour ce qui est de l'adjectif « saint », il est souvent associé à une religion ou à une divinité. Même si les cérémonies et les œuvres cérémonielles ne sont pas toutes de nature religieuse, elles peuvent avoir une très grande importance culturelle. Des lieux et des objets sacrés peuvent être vénérés dans un sens plus large, par exemple lorsqu'ils sont liés à des actes posés par des ancêtres culturels ou qu'ils rendent hommage à quelqu'un. Des définitions des termes « sacré » et « saint » se trouvent, entre autres, dans les dictionnaires et les textes de théologie et d'anthropologie, mais elles figurent aussi dans certaines lois, notamment dans la Native American Graves Protection and Repatriation Act (format PDF) (en anglais seulement). Ces définitions varient, mais concordent dans le sens qu'elles sont habituellement associées à des règles ou décrets visant à éviter la violation des croyances. Ce qui est caractérisé comme étant sacré et saint exige du respect.
Importance selon le contexte culturel; objet doté de pouvoir
Le concept d'objet culturellement sensible inclut non seulement les œuvres sacrées et saintes mais aussi un éventail plus large, c'est-à-dire tout objet nécessitant un respect particulier en raison de son importance dans le contexte culturel. Un objet peut être intrinsèquement lié à une communauté culturelle ou à un individu en particulier de cette communauté et peut devenir associé à des protocoles reconnus par la communauté entière, ce qui est un signe du respect manifesté envers cet objet. À titre d'exemple, un manteau provenant de la communauté maorie de la Nouvelle-Zélande pourrait toujours posséder son mana, c'est-à-dire les pouvoirs personnels de son propriétaire; une réplique muséale exacte constituerait un objet complètement différent. « Les ballots de remèdes traditionnels [des Indiens des Plaines de l'Ouest] ne sont pas les seuls objets pouvant être dotés d'un pouvoir de guérison ou d'un autre pouvoir. Certains types de boucliers et de couvre-boucliers, certains types de coiffes, de pipes et de tambours, de même que divers articles vestimentaires et ornements personnels peuvent constituer des manifestations matérielles de ce pouvoir de guérison. » [traduction] (Moses, 1998)
En plus de la valeur associée au contexte culturel, certains objets sacrés ou culturellement sensibles possèdent intrinsèquement un certain pouvoir. En quoi consiste le pouvoir intrinsèque? Comment se manifeste-t-il et que signifie-t-il pour les gens entrant en contact avec l'objet? Ce pouvoir pourrait être comparé à la différence entre un échantillon de granit et un échantillon d'uranium dans une collection d'histoire naturelle. Ces deux échantillons présentent une intégrité physique qui peut être décrite selon des méthodes standards, mais l'uranium présente une caractéristique intrinsèque puissante et invisible. Ceux qui savent comment se servir de l'échantillon d'uranium peuvent l'utiliser à bon ou à mauvais escient, et ceux qui ne savent pas comment s'en servir peuvent être blessés. Ainsi, la manipulation et l'utilisation d'objets dotés de pouvoir sont régies par des protocoles stricts.
Si, dans certaines communautés, des objets sacrés ou culturellement sensibles peuvent renfermer un pouvoir, ce n'est pas nécessairement le cas pour des objets semblables appartenant à d'autres communautés culturelles. Un masque des Pueblos du Sud-Ouest peut être sacré et renfermer un pouvoir intrinsèque qui ne s'éteint pas, tandis qu'un masque des Amérindiens de la côte Nord-Ouest peut plutôt représenter les droits et privilèges de son utilisateur, et peut donc être remplacé s'il n'est plus possible de le porter pour la danse. Cet exemple suscite trois enjeux indissociables :
- Pour une personne qui ne connaît pas les croyances d'une communauté ou d'une culture, les objets se ressemblent parce qu'il s'agit de deux masques. Ces masques sont tous les deux utilisés pendant des cérémonies et ils revêtent une grande importance culturelle. Cependant, il faut comprendre chacune des communautés séparément.
- Si l'on fait abstraction du pouvoir intrinsèque, les deux masques sont associés à des protocoles culturels particuliers que les communautés désirent voir respecter dans les musées.
- Même si les deux objets peuvent avoir été séparés de leur communauté d'origine pendant un certain temps, cela ne diminue pas nécessairement leur importance ni leur pouvoir.
Le pouvoir considéré comme étant inhérent à certains objets peut-il avoir une incidence sur une personne ne faisant pas partie du système de croyances? Il n'y a pas de réponse simple à cette question. Cependant, le respect des protocoles culturels ne demande pas de croire, mais de respecter ceux qui croient.
Différentes perceptions de l'importance d'un objet
Le fait qu'un objet soit désigné comme étant sacré ou culturellement sensible a parfois été mis en doute, par exemple lorsque le terme « sacré » semblait tenir davantage de la rhétorique politique que de la tradition culturelle. Cette situation tient du fait que l'importance culturelle de l'objet et son authenticité sont perçues différemment (entre autres concepts), et devient d'autant plus complexe lorsqu'elle comprend la connotation morale de « juste ou faux ». Des perceptions différentes peuvent toutes être ancrées dans des croyances devant être reconnues.
À titre d'exemple, un objet représentant deux réalités a fait partie d'une exposition muséale contenant des objets du peuple Navaho. Des experts-conseils de ce peuple s'opposaient à l'exposition d'un panier en particulier parce que ce dernier ressemblait beaucoup à du matériel sacré ou culturellement sensible. Le panier était une reproduction connue et n'avait jamais été utilisé dans des rites. De plus, certains éléments du panier faisaient ressortir avec évidence les différences physiques par rapport au panier « original ». Ainsi, pour le musée, le panier n'avait pas de connotation sacrée. Or, les experts-conseils du peuple Navaho ont jugé que sa conception était suffisamment authentique pour que l'objet ne soit pas exposé, et il a donc été retiré de l'exposition.
Changement des valeurs culturelles au fil du temps
Il est aussi important que les employés qui prennent soin des collections comprennent que les valeurs culturelles associées aux objets peuvent changer au fil du temps. Les sociétés humaines accordent des valeurs à leurs œuvres et à leurs milieux. La conservation des preuves matérielles peut être perçue de manière scientifique en ce qui concerne l'aspect matériel d'un objet, mais elle peut aussi être perçue selon une perspective sociale. Quelles valeurs une société accorde-t-elle à un objet particulier ou à son aspect? Ce n'est pas seulement la nature physique du patrimoine matériel qui s'altère ou change au fil du temps; les éléments que la société choisit comme étant importants à conserver changent aussi, pour de nombreuses raisons, et ces deux volets de la conservation du patrimoine ne sont pas tout à fait indépendants. Voici deux exemples de changement de perception et de valeurs au fil du temps :
- Un spécimen d'histoire naturelle, empaillé et datant de 1920, n'a jamais fait l'objet de soins particuliers parce qu'il aurait été remplacé une fois qu'il serait devenu inutilisable pour la recherche. Or, ce spécimen ne peut plus être remplacé parce que l'espèce est éteinte ou protégée. Les quelques spécimens de musée qui restent ont donc acquis une valeur beaucoup plus élevée en tant que preuve matérielle, même si des insectes ont gravement endommagé leur état.
- Un canot qui constituait autrefois un objet utilitaire parmi des douzaines d'autres couramment fabriqués est maintenant le dernier canot de la communauté. Il a acquis une grande importance culturelle et est devenu un objet culturellement sensible.
Ce n'est pas seulement la situation d'origine ou l'utilisation prévue de l'objet qui détermine si ce dernier est aujourd'hui considéré comme un objet patrimonial sacré ou culturellement sensible, mais aussi le temps et les événements.
Consultation avec les intervenants du domaine culturel
Souvent, la description de l'objet dans les registres du musée ne reflète pas l'importance actuelle de l'objet. La documentation peut aussi être incomplète. Cela dit, dans certains cas, et surtout lorsqu'il s'agit d'anciennes sources documentaires, l'information liée à l'objet peut être considérée comme étant privilégiée, c'est-à-dire un patrimoine immatériel sacré ou culturellement sensible dont l'accès devrait être restreint.
La consultation de spécialistes du sujet, surtout de représentants reconnus de la communauté (par exemple, famille, société cérémoniale, etc., comme il convient) est un processus important de la préservation des collections. Hors de son contexte culturel, un panier peut sembler être un panier ordinaire, mais s'il était utilisé pour recevoir le placenta d'un nouveau-né, il pourrait être considéré comme du matériel culturellement sensible.
Les objets culturels associés au sacré ou à d'autres contextes culturels sensibles, et qui continuent de remplir leurs fonctions jusqu'à ce jour, se trouvent dans tous les types de collections, pas seulement dans des collections autochtones. À titre d'exemple :
- L'Église catholique a des protocoles de traitement pour les reliquaires.
- Les restaurateurs ne doivent pas réparer les rouleaux de parchemin de la Torah des juifs, sauf s'ils ont suivi une formation spéciale et obtenu la sanction de la communauté. De même, l'exposition des rouleaux de la Torah est soumise à des conditions particulières.
- Par souci de respect, il faut exposer et entreposer les statues de Bouddha de sorte que la tête de la statue dépasse les objets qui l'entourent.
- Dans des expositions comprenant des articles de la religion islamique, il peut s'avérer nécessaire de se demander si la représentation humaine est permise à proximité de ces articles.
C'est le rôle des musées de chercher et de reconnaître la valeur culturelle et spirituelle des objets dont ils prennent soin et de suivre les protocoles nécessaires pour les objets culturellement sensibles. Ainsi, leurs collections pourront refléter la diversité des sociétés qu'elles représentent et démontrer le respect qu'une telle diversité nécessite.
Soins traditionnels des objets culturellement sensibles originaires des peuples autochtones du Canada
John Moses, membre de la bande Delaware, Six Nations of the Grand River
La présente section traite de questions relatives aux objets autochtones du Canada. Elle décrit la nature des soins traditionnels des objets sacrés ou de ceux à accès restreint, et offre des conseils sur la forme que ces soins peuvent prendre dans le contexte muséal.
Introduction
Les objets autochtones sacrés sont des objets de culture matérielle considérés comme sacrés ou sacro-saints en raison de leur utilisation dans certains rites ou certaines cérémonies. Selon la communauté culturelle en question, ces objets peuvent comprendre une variété d'articles liés à la danse, à l'utilisation de tambours, aux cérémonies du calumet, à la quête de visions, au jeûne ou aux rituels de guérison traditionnels et à la cérémonie de la suerie. Dans la culture autochtone d'origine, l'accès à ce type d'objets est parfois restreint en fonction de l'âge, du sexe, des réalisations ou d'une initiation préalable.
Soins traditionnels
Les soins traditionnels comprennent les aspects de la vie quotidienne des Autochtones qui se rapportent à la sauvegarde des objets utilisés pendant les rites ou les cérémonies et qui peuvent, dans la mesure prescrite par les membres de la communauté autochtone visée, être incorporés dans les pratiques courantes de soins des collections et les techniques d'exposition des musées.
Il existe de nombreux types de soins traditionnels. Certains soins sont prodigués en privé, par exemple dans les réserves muséales abritant les collections. Parmi ces soins, il y a la purification périodique d'objets par la fumée et l'alimentation rituelle de certains articles, comme des masques. La purification par la fumée (figure 2) consiste à exposer des objets rituels à la fumée de certaines plantes, comme le foin d'odeur, le tabac ou la sauge, brûlant à feu couvant. L'alimentation rituelle peut comprendre l'application d'huile végétale ou d'aliments à la surface des objets.
D'autres types de soins traditionnels se manifestent publiquement. Les démonstrations publiques de soins traditionnels peuvent comprendre l'exposition d'objets dans une configuration traditionnellement appropriée (par exemple, les fourneaux de pipes séparés des tuyaux) ou le fait de placer, dans une vitrine, à côté de l'objet pour lequel cela est requis, une plante ou une herbe traditionnellement appropriée servant d'offrande (figure 3). L'emploi de la terminologie exacte en langue autochtone pour désigner des objets sur les étiquettes, les panneaux d'exposition ou toute publication peut également être considéré comme une forme de soin traditionnel ainsi qu'un signe de respect.
Lorsque les communautés autochtones permettent au musée de traiter d'aspects touchant la spiritualité traditionnelle ou les rites dans leur exposition, sans toutefois permettre d'exposer des objets sacrés ou culturellement sensibles, une stratégie d'interprétation intéressante serait de commander une œuvres d'art évoquant ces aspects (figure 4).
Comme il devient maintenant courant pour les musées publics d'adopter la pratique de tenir des consultations et des collaborations plus étroites avec les concitoyens autochtones ayant des liens intrinsèques avec des objets dans leurs collections, certaines situations exigeant une réflexion approfondie pourraient se présenter, notamment :
- Veiller à ce que le contenu de l'exposition soit approprié lorsqu'il est question de culture autochtone.
- Voir s'il y a lieu que certains articles ne soient pas exposés publiquement ou que leur accès, dans la réserve, soit soumis à des restrictions supplémentaires.
- Envisager la possibilité de demandes de rapatriement.
- Établir des ententes de garde conjointe ou des plans de cogestion à l'intérieur du musée.
- Permettre aux membres des communautés d'avoir l'occasion de prendre soin de certaines parties de la collection de façon traditionnelle.
- Examiner la possibilité que les membres des communautés confient et enseignent certains aspects des soins traditionnels aux employés du musée.
Pour faire suite aux demandes de mettre en œuvre des soins traditionnels dans le musée, il faut surmonter certaines difficultés qui sont, pour la plupart, de nature logistique : le besoin d'obtenir l'équipement et les locaux nécessaires et le besoin d'assurer ou d'aider à mettre en œuvre le respect de quelques protocoles et conditions, par exemple la confidentialité. Ces considérations découlent de l'acceptation et du respect des anciennes traditions autochtones visant à assurer le bien-être physique des objets rituels. Même si ces traditions sont évidemment plus anciennes que les pratiques de conservation modernes, elles ressemblent souvent à certaines procédures générales de conservation préventive et de soins des collections. À titre d'exemple, les soins traditionnels, tout comme ceux de la pratique moderne, favorisent l'utilisation de contenants et de supports sur mesure pour protéger les objets pendant la mise en réserve et exigent parfois de restreindre l'accès aux objets ou leurs manipulations, sauf si les personnes ont suivi une formation spécialisée.
Politiques et droits
Lorsqu'il y a une demande d'accès à des objets rituels dans le but de leur utilisation dans un contexte de spiritualité traditionnelle, le musée doit toujours tenir compte non seulement des politiques de conservation et de gestion des collections du musée, mais aussi des droits moraux et légaux des peuples autochtones. En fait, selon les principes actuels de déontologie de la conservation, il faut préserver l'intégrité physique et conceptuelle des objets. Au Canada, les politiques fédérales sur les revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale des Autochtones établissent les paramètres dans lesquels les gouvernements autochtones peuvent négocier des compétences législatives concernant des aspects de leur culture, de leur patrimoine et de leurs langues sur les terres visées par le traité. Un nombre croissant de gouvernements autochtones ont élaboré leurs propres protocoles d'éthique de la recherche portant sur la propriété intellectuelle et les sujets muséaux. Ailleurs dans le monde, de nombreuses dispositions de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (format PDF) de 2007 énoncent les droits des Autochtones relatifs à leur culture et à leur patrimoine dans un contexte mondial. Dans le cas des objets autochtones au Canada, cette déclaration fournit une approche équilibrée à la préservation qui intègre le respect d'enjeux importants pour la communauté : l'accès, l'utilisation et les soins traditionnels à apporter.
Un domaine qui est en train d'émerger dans le contexte des droits autochtones et de la doctrine légale au Canada est celui portant sur l'obligation du gouvernement de consulter et, au besoin, d'accommoder les intérêts et les préoccupations des groupes autochtones lorsque le gouvernement met en œuvre une activité qui pourrait être perçue comme ayant des répercussions sur les droits inhérents des Autochtones ou sur les droits reconnus dans les traités, ce qui inclut notamment les droits concernant les connaissances traditionnelles et la propriété intellectuelle. Dans le cas d'un musée public, cela peut se manifester par l'obligation du musée de consulter les représentants autochtones lors de l'élaboration d'expositions, de programmations ou de politiques du musée portant sur des expériences autochtones. En d'autres mots, les consultations ne seraient plus seulement une question de mettre en œuvre de bonnes pratiques professionnelles ou de bâtir des relations respectueuses de collaboration, mais aussi une obligation légale formelle.
Délégations en visite
Les délégations en visite comprennent souvent des artisans traditionnels talentueux. Lors de ces visites des collections, le personnel chargé de la conservation, de la restauration et de la gestion des collections peut largement bénéficier des connaissances que ces artisans pourraient partager. Une telle interaction améliore la compréhension des collections et ancre davantage les objets dans leur contexte.
Lorsque les délégations autochtones visitent les collections pour effectuer des soins traditionnels, il pourrait être nécessaire de tenir compte des éléments suivants :
- Aménager temporairement des espaces de travail spéciaux; il devrait être possible de le faire dans les locaux d'enregistrement des objets de la collection ou dans d'autres locaux de gestion des collections sans trop perturber les activités.
- S'entendre au préalable avec le personnel de sécurité pour que les détecteurs de fumée soient désactivés avant les cérémonies de purification par la fumée; et informer les employés du musée de ces activités. Il convient aussi de prévoir, comme mesure de précaution, un petit extincteur ou un seau de sable avant la cérémonie de purification.
- S'assurer que la délégation et le personnel du musée participant directement aux activités de soins traditionnels peuvent procéder le plus possible en privé. Il est souvent possible de prendre des dispositions pour que la visite ait lieu avant ou après les heures d'ouverture normales du musée ou encore les fins de semaine.
- Veiller à ce que le personnel dégage suffisamment d'espace libre sur des tables munies d'une surface matelassée afin de pouvoir manipuler les objets sans être à l'étroit. Des chariots (avec housses en tissu pour respecter la confidentialité, selon les besoins) seront nécessaires pour déplacer les objets entre les réserves et les locaux de travail.
- Consulter les délégations avant leur visite afin de pouvoir leur fournir d'autres matériaux nécessaires, par exemple des allumettes, un pot résistant au feu adéquat pour la purification et un contenant approprié où jeter les cendres.
- Prévoir qu'à la suite d'une cérémonie d'alimentation rituelle, il se pourrait que la délégation demande que tous les restes d'aliments soient jetés discrètement à l'extérieur, sur le terrain du musée.
Lutte contre les insectes
De nos jours, les communautés autochtones demandent de plus en plus que les activités de lutte contre les insectes se limitent à une inspection visuelle visant à repérer des signes de présence d'insectes et, dans certains cas, à la congélation. Le recours à des milieux anoxiques (par exemple, des enceintes avec dioxyde de carbone) et à des pesticides ou d'autres produits chimiques est rarement considéré comme approprié. L'alimentation rituelle, qui peut comprendre l'entrée d'infimes quantités d'aliments dans les réserves ou les salles d'exposition, ne présente aucun danger s'il y a des mesures préventives en place au départ pour éviter toute présence d'insecte dans les locaux.Sources d'information
De façon générale, dans les collections muséales, il y a divers types d'objets autochtones culturellement sensibles : ce sont souvent des objets associés aux rituels de guérison traditionnelle et à la cérémonie de la suerie, aux jeûnes ou aux festins, à la purification par la fumée, aux rites saisonniers d'agriculture, de chasse ou de pêche, à l'utilisation de tambours, aux cérémonies du calumet, aux cérémonies liées à la médecine et au ballot de remèdes, à la quête de visions et aux cérémonies et rituels associés à la puberté, à la naissance, à la mort et à l'attribution de noms. Il importe de reconnaître les situations où il serait préférable ou nécessaire de demander conseil auprès des membres et des représentants des communautés autochtones. Dans plusieurs cas, il est possible de communiquer directement avec des personnes ayant la capacité d'expliquer les rites ou le concept de sacré.
Il est aussi possible de communiquer avec des employés de plusieurs grands établissements muséaux. La conservation d'objets culturellement sensibles provenant de peuples autochtones du Canada (Amérindiens, Inuits ou Métis) est encadrée par des normes déontologiques décrites dans deux documents publiés : Rapport du Groupe de travail sur les musées et les Premières Nations (format PDF) et « Annexe E : Code d'éthique en matière de recherche » (format PDF), qui fait partie du rapport final de la Commission royale sur les peuples autochtones. Ces documents énoncent l'engagement des musées publics abritant des collections autochtones. Les employés de ces établissements peuvent s'attendre à agir comme personnes-ressources pour les sujets suivants :
- L'amélioration des normes de consultation, d'accès et de formation concernant leurs concitoyens autochtones qui ont un lien intrinsèque avec certains objets de la collection du musée.
- La connaissance de l'histoire de la constitution des collections de leur musée.
- La connaissance des enjeux relatifs aux Autochtones, dans le présent et le passé, à l'échelle régionale et nationale.
- Tout point de recoupement entre les sujets précédents pouvant avoir des répercussions sur leur établissement en ce qui a trait aux Autochtones dont les cultures sont représentées dans la collection.
Les employés de musée ayant peu de connaissances sur les peuples autochtones de leur région, province ou territoire peuvent obtenir rapidement de l'information à l'aide de ressources en ligne, comme Profils des Premières Nations. Ce site contient des liens vers les organismes culturels et politiques autochtones nationaux et régionaux, les conseils de bande des Premières Nations et l'ensemble des agences et ministères fédéraux, provinciaux et territoriaux dont le mandat touche les Autochtones.
Bibliographie et lectures recommandées
Références bibliographiques
- Affaires autochtones et développement du Nord Canada. Note d'information générale sur les politiques relatives à l'autonomie gouvernementale et aux revendications territoriales globales du Canada et sur l'état actuel des négociations, Ottawa (Ontario), Affaires autochtones et développement du Nord Canada, 2015.
- Affaires autochtones et développement du Nord Canada. Profils des communautés, Ottawa (Ontario), Affaires autochtones et développement du Nord Canada, 2013.
- Association canadienne pour la conservation et la restauration des biens culturels/Association canadienne des restaurateurs professionnels (ACCR/ACRP). Code de déontologie et Guide du praticien (format PDF), 3e éd., Ottawa (Ontario), ACCR/ACRP, 2000.
- Coote, K. Care of Collections: Conservation for Aboriginal and Torres Strait Islander Keeping Places and Cultural Centres, Canberra (Australie), Australian Museum, 1998.
- Dignard, C., K. Helwig, J. Mason, K. Nanowin et T. Stone (directeurs de publication). Préserver le patrimoine autochtone : approches techniques et traditionnelles. Actes du Symposium 2007, Ottawa (Ontario), Institut canadien de conservation, 2008.
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- Groupe consultatif en éthique de la recherche, gouvernement du Canada. « Chapitre 9 – La recherche visant les Premières nations, les Inuits ou les Métis du Canada », dans Énoncé de politique des trois Conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains 2, Ottawa (Ontario), Groupe consultatif en éthique de la recherche, 2010.
- Ministère de l’Intérieur des États-Unis. Native American Graves Protection and Repatriation Act (format PDF) (en anglais seulement), 16 novembre 1990.
- Moses, J. « First Nations Traditions of Object Preservation », dans First People’s Art and Artifacts: Heritage Conservation Issues, Kingston (Ontario), Conservation Program, Université Queen’s, 1993, p. 1-11.
- Moses, J. « Canadian Perspectives on the Conservation of Sacred Native Art. », Conservation restauration des biens culturels, vol. 11 (1998).
- Nations Unis. Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (format PDF), s. l., Nations Unies, 2008. (Voir plus particulièrement les dispositions relatives à la culture et au patrimoine aux articles 11, 12, 13, 14, 15, 16 et 31.)
- Six Nations Council. Conducting Research at Six Nations (format PDF) (en anglais seulement), édition révisée, Ohsweken (Ontario), Six Nations Council, 2014.
- Six Nations Council. Six Nations Council Research Ethics Committee Protocol (format PDF) (en anglais seulement), édition révisée, Ohsweken (Ontario), Six Nations Council, 2009.
- Sullivan, L., et A. Edwards (directeurs de publication). Stewards of the Sacred, Boston (Massachussets), American Association of Museums and Centre for the Study of World Religions, Université Harvard, 2004.
Lectures recommandées
- Affaires indiennes et du Nord Canada. « Annexe E : Code d’éthique en matière de recherche », dans Commission royale sur les peuples autochtones – Rapport final, vol. 5 – Vingt ans d’action soutenue pour le renouveau, Ottawa (Ontario), ministère des Approvisionnements et Services, 1996.
- Association canadienne des musées canadiens/Assemblée des Premières Nations. Rapport du Groupe de travail sur les musées et les Premières Nations – Tourner la page : forger de nouveaux partenariats entre les musées et les Premières Nations (format PDF), Ottawa (Ontario), Association des musées canadiens, 1992 (3e éd. imprimée en 1994).
- Clavir, M. Preserving What is Valued: Museums, Conservation and First Nations. Vancouver (Colombie-Britannique), University of British Columbia Press, 2002.
- Heikell, V., D. Whiting, M. Clavir, N. Odegaard, M. Kaminitz et J. Moses. « The Conservator’s Approach to Sacred Art » (en anglais seulement), Western Association for Art Conservation Newsletter, vol. 17, nº 3 (septembre 1995), p. 15-18.
- Sadongei, A. « What About Sacred Objects? », dans Caring for American Indian Objects: A Practical and Cultural Guide (sous la direction de S. Ogden), St. Paul (Minnesota), Minnesota Historical Society Press, 2004, p. 17-19.
© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation, 2018
Publié par :
Institut canadien de conservation
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No de catalogue : CH57-4/6-14-2018F-PDF
ISBN 978-0-660-28022-6
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