Évaluation du Programme des travailleurs qualifiés (fédéral)
1. Introduction
1.1. Objet
Le Canada a adopté une politique exhaustive en matière d’immigration qui prévoit la sélection des immigrants au titre de plusieurs catégories : regroupement familial, immigration économique (comprend les travailleurs qualifiés, les candidats des provinces, les travailleurs indépendants, les entrepreneurs, les investisseurs et les aides familiaux résidants) et réfugiés. Depuis le 28 juin 2002, le programme d’immigration du Canada est régi par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) et son règlement d’application. Le Programme des travailleurs qualifiés (fédéral) [PTQF]4 vise à sélectionner des résidents permanents en fonction de leur capacité à s’établir économiquement au Canada. Sont présentés ici les résultats et les conclusions de l’évaluation du PTQF pour la période de 2002 à 2008, soit la période comprise entre l’entrée en vigueur de la LIPR et la mise en œuvre des instructions ministérielles (projet de loi C-50).
L’exercice visait à évaluer la conception, la mise en œuvre et les résultats du nouveau PTQF, mis en œuvre le 28 juin 2002. L’évaluation visait plus précisément5 à vérifier :
- la conception et la mise en œuvre du Programme, y compris l’efficacité, l’uniformité et la transparence du processus de sélection;
- les retombées du Programme à ce jour par rapport aux niveaux de résultats immédiats et intermédiaires, y compris l’établissement économique des travailleurs qualifiés.
L’évaluation s’appuie sur une série de thèmes et de questions ayant trait à la pertinence, à la conception et à la mise en œuvre du Programme, aux résultats du Programme, aux solutions de rechange, à la rentabilité et aux répercussions imprévues (voir le tableau ci-dessous).
Pertinence |
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Conception et mise en œuvre |
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Résultats du Programme |
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Solutions de rechange |
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Rentabilité |
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Répercussions imprévues |
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1.2. Méthodologie de l’évaluation
Plusieurs méthodes et sources de données ont été utilisées aux fins de l’évaluation. Les données qui ont été recueillies et analysées dans le cadre de cet exercice proviennent de différentes sources primaires (p. ex. entrevues, sondages et groupes de discussion) et secondaires (examen de documents, recension des écrits et analyse des bases de données du gouvernement fédéral).
A. Sources de données primaires
Les sources de données primaires utilisées aux fins de l’évaluation incluent des entrevues avec des informateurs principaux, des sondages auprès de TQF et de leurs employeurs, et des études de cas. La méthodologie utilisée pour chaque catégorie de données est décrite ci-dessous :
- Entrevues avec des informateurs principaux. Les questions posées lors de ces séances visaient à évaluer la pertinence ainsi que la conception et la mise en œuvre du Programme, ses résultats et son efficacité, les répercussions imprévues, et les solutions de rechange. Comme l’indique le tableau suivant, des entrevues ont été tenues avec 53 informateurs principaux.
Population cible | Nombre de répondants | Type d’entrevue | Participants |
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Agents de programme et cadres de CIC à l’administration centrale | 8 | Entrevues semi-structurées tenues en personne à Ottawa en juillet 2009 |
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Représentants de Ressources humaines et Développement des compétences Canada | 5 | Entrevues semi-structurées tenues en personne principalement |
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Membres de la Société canadienne de consultants en immigration (SCCI) | 14 | Entrevues semi-structurées tenues par téléphone |
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Membres de l’Association du Barreau canadien (ABC) | 18 | ||
Représentants des provinces | 8 | Deux représentants ont fourni des commentaires écrits; les autres ont été interviewés au téléphone. |
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Total des informateurs principaux interviewés |
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- Sondages auprès de TQF et d’employeurs. Un sondage téléphonique a été mené auprès de 1 500 travailleurs qualifiés qui ont été admis au Canada dans le cadre du PTQF. Un formulaire de CIC demandait aux travailleurs qualifiés immigrants leur consentement à participer à un sondage téléphonique. Le formulaire a été envoyé à un échantillon aléatoire de 30 000 travailleurs qualifiés (fédéral) sélectionnés en vertu de la LIPR et admis au Canada entre 2002 et 2008. Quelque 6 000 formulaires ont été retournés en raison d’une erreur d’adresse. Sur les 24 000 travailleurs qualifiés qui ont reçu le formulaire, 2 053 ont accepté de participer au sondage et chacun d’eux a été contacté. L’échantillon total obtenu compte 1 500 répondants. Ceux-ci ont été invités à fournir des renseignements au sujet de leurs employeurs actuels ou récents, et au sujet des employeurs ayant présenté des offres d’emploi réservé (OER). Des entrevues ont été menées auprès d’un échantillon de 110 employeurs courants ou récents et de 53 employeurs ayant déjà fourni une OER à un ou plusieurs travailleurs qualifiés, qu’ils ont ultérieurement embauchés. L’entrevue avait pour objectif de recueillir les commentaires des employeurs ayant engagé des TQF concernant le besoin du Programme, le processus de demande et d’embauche de travailleurs qualifiés avec offre d’emploi réservé, les caractéristiques des travailleurs qualifiés et de leurs postes, ainsi que la satisfaction globale des employeurs à l’égard du PTQF.
- Études de cas. Des visites sur place ont été effectuées dans cinq bureaux canadiens des visas à l’étranger : Londres, New Delhi, Hong Kong, Port of Spain et Buffalo. Ces visites ont permis de recueillir des renseignements utiles sur la mise en œuvre du Programme, le processus de sélection, les difficultés et les pratiques exemplaires. Dans le cadre des études de cas, des entrevues ont été réalisées avec des employés des bureaux des visas (dont des médecins agréés), un groupe de discussion a été organisé dans chaque mission et un examen des documents de la mission, des données et d’un échantillon de dossiers de TQF a été fait. Des entrevues ont également été réalisées avec des intervenants de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et de la GRC, des représentants du Projet canadien d’intégration des immigrants à New Delhi et à Hong Kong, un représentant du NARIC (Londres) et des employés du British Council. Des entrevues avec des demandeurs, tenues par des agents des visas dans le cadre du processus de demande, ont été observées. Au total, 83 employés de bureaux des visas et intervenants ont été interviewés (huit cadres, 55 agents des visas et 20 intervenants), 73 dossiers de clients ont été examinés et huit entrevues avec des clients ont été observées.
B. Sources de données secondaires
Les sources de données secondaires utilisées aux fins de l’évaluation incluent l’examen de documents, une recension des écrits et une analyse de données statistiques provenant du Système de soutien des opérations des bureaux locaux (SSOBL), du Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (STIDI) et de la Banque de données longitudinales sur les immigrants (BDIM). Ces sources sont décrites ci-dessous :
- Examen de documents. Dans le cadre de cet exercice, une attention particulière a été accordée à la collecte de renseignements qui permettraient d’évaluer la pertinence du Programme ainsi que le processus de sélection et de traitement des demandes. L’échantillon de documents examinés comprend des guides opérationnels, des directives de missions, des notes d’information, des rapports d’étape, financiers, statistiques et annuels, des documents de politique, des profils opérationnels, des notes de réunions concernant le Programme, et des documents relatifs aux processus et procédures.
- Recension des écrits. Diverses études s’intéressant aux travailleurs qualifiés immigrants au Canada et dans d’autres pays ont été examinées dans le but d’obtenir des renseignements et des données probantes sur d’autres méthodes de sélection et de traitement des demandes de travailleurs qualifiés. Une analyse comparative a été réalisée sur des programmes similaires existant en Australie et en Nouvelle-Zélande. Le processus de sélection des travailleurs qualifiés du Québec, qui est administré par la province, a également été examiné. La recension des écrits a permis de recueillir des données probantes sur la réussite économique des immigrants, sur l’évolution du marché du travail et sur l’adéquation du système de sélection existant.
- Analyse des données statistiques du STIDI et du SSOBL. La base de données du Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (STIDI) contient des renseignements sur toutes les demandes d’immigration qui sont présentées à CIC et sur les points accordés aux demandeurs pour chacun des facteurs de sélection du PTQF (voir la secton 1.3 pour connaître les limites des données). Le Système de soutien des opérations des bureaux locaux (SSOBL) contient des renseignements sur les immigrants qui sont admis au Canada. L’analyse de ces deux bases de données a permis de colliger de l’information sur la conception et la mise en œuvre du Programme, y compris sur l’admission rapide et efficace de travailleurs qualifiés immigrants (STIDI), et d’établir le profil des immigrants admis (SSOBL).
- Analyse des données statistiques de la Banque de données longitudinales sur les immigrants (BDIM)6. Dans la BDIM, les dossiers administratifs sur l’immigration et l’imposition sont combinés pour former une source exhaustive d’information sur la performance économique des immigrants au Canada7. Pour les besoins de l’évaluation, une série de champs de données du STIDI ont été ajoutés dans la BDIM, permettant ainsi une analyse plus complète du PTQF. Les données de la BDIM ont été utilisées pour répondre à un certain nombre de questions de l’évaluation portant sur les résultats du Programme, sur l’efficacité des facteurs de sélection et sur la mobilité des travailleurs qualifiés (migration interprovinciale et émigration). Elles ont servi en particulier à comparer les résultats économiques des demandeurs principaux (DP) selon qu’ils ont été sélectionnés en vertu de la LIPR ou de l’ancien régime, et à examiner les facteurs ayant la plus grande incidence sur les résultats en fonction du processus de sélection et du système de pointage en vertu desquels ils ont été admis. Aux fins de l’analyse, tous les revenus ont été rajustés en fonction de l’indice des prix à la consommation (IPC) pour tenir compte de l’inflation. Il a ainsi été possible de comparer les revenus pour les différentes années de la période visée.
1.3. Forces et limites de l’évaluation
A. Forces de l’évaluation
Principales forces de la méthode d’évaluation :
- Des relations peuvent être établies en combinant plusieurs sources de données, par exemple par l’utilisation de différentes sources d’information et méthodes (entrevues, sondages, études de cas, examen de documents, recension des écrits et analyses statistiques fondées sur trois bases de données différentes). Ce genre de plan d’évaluation facilite la triangulation des résultats en plus d’accroître la fiabilité et la validité des résultats.
- La taille considérable des échantillons permet de rendre compte du point de vue des principaux groupes d’intervenants du Programme. Les sources de données primaires contiennent les commentaires de plus de 1 800 personnes de différents groupes, renforçant ainsi le niveau de confiance.
- La grande utilisation de données secondaires couvrant la période antérieure et postérieure à l’entrée en vigueur de la LIPR (p. ex., demandes/approbations, délais de traitement, données sur le revenu) a permis d’élaborer un modèle simple de série chronologique et de créer une tendance temporelle de base à des fins de comparaison. Tel qu’il a été mentionné plus haut, l’analyse de la BDIM inclut un grand nombre de personnes admises entre 2000 et 2006, dont 157 440 TQF sélectionnés sous l’ancien régime, 28 730 TQF ayant fait l’objet d’une évaluation hybride et 31 945 TQF sélectionnés en vertu de la LIPR. Au total, 218 115 personnes ont été incluses dans les analyses de la BDIM. Seules les personnes ayant produit une déclaration de revenus font partie de la BDIM. Le nombre de personnes se trouvant dans cette base de données est donc inférieur au nombre total d’admissions étant donné que les immigrants n’ont pas tous produit une déclaration de revenus.
- Diverses analyses statistiques descriptives et inférentielles ont été utilisées (tableau croisé, régression, analyse de survie, etc.) pour corroborer les résultats des comparaisons et l’efficacité des facteurs de sélection.
La triangulation indique une grande uniformité des résultats pour les diverses sources de données utilisées, sauf en ce qui concerne les OER (voir la section 3.4 . du rapport). Les données tirées de chaque source ont été analysées dans le but de répondre à chaque question d’évaluation, en tenant compte de leurs forces et limites respectives.
B. Difficultés et limites
Les difficultés et limites suivantes doivent être prises en considération dans l’analyse des résultats :
- Possibilité d’erreur due à la non-réponse dans le sondage auprès des TQF. Comme le sondage a été effectué auprès d’un échantillon autosélectionné de répondants, il est possible que les caractéristiques des TQF ayant répondu au sondage soient différentes de celles des non-répondants. Une analyse comparative révèle de légères différences entre les TQF qui ont participé au sondage et la population générale des TQF. Les répondants sont un peu plus susceptibles :
- de s’être établis en Alberta (15 % versus 11 % pour la population générale des TQF);
- d’être de sexe féminin (36 % versus 31 %);
- d’être d’origine britannique (11 % versus 7 %) et moins susceptibles d’avoir une origine indienne (8 % versus 17 %) ou chinoise (7 % versus 16 %);
- d’avoir plus de 35 ans à l’arrivée (64 % versus 50 %);
- d’avoir l’anglais comme langue maternelle (29 % versus 19 %).
Par ailleurs, les TQF qui ont répondu au sondage sont moins susceptibles d’avoir déménagé. Quelque 20 % des formulaires de consentement ont été retournés à CIC parce que le destinataire n’habitait plus à la dernière adresse connue8.
- Possibilité de biais dans les réponses (groupes cibles ayant un intérêt direct envers le Programme). Certains groupes inclus dans l’analyse, comme les employeurs de TQF ayant une OER, pourraient donner des réponses faussées s’il est dans leur intérêt d’appuyer le Programme. Des points de vue sur les différents thèmes (traitement des demandes, performance économique des TQF, etc.) ont été recueillis de multiples intervenants. Le risque de biais a donc été atténué par l’utilisation de multiples sources de données, ainsi que par la validation des résultats au moyen d’autres sources primaires et secondaires. Quant à la capacité des TQF de répondre aux besoins du marché du travail cependant, le sondage auprès des employeurs de TQF était la seule façon de l’évaluer.
- L’échantillon d’employeurs a été constitué à partir des noms fournis par les TQF, d’où un risque de biais puisque les TQF sont plus susceptibles de donner le nom des employeurs avec lesquels ils ont eu une relation positive. Par ailleurs, ces résultats ne peuvent pas être généralisés étant donné que l’échantillon n’a pas été sélectionné aléatoirement.
- Difficultés liées à la manière dont le système de collecte de données (STIDI) est conçu. L’attribution de points et la saisie dans le STIDI s’effectuent en deux étapes. La « présélection », qui est la première étape, s’appuie sur un examen de la documentation figurant au dossier du candidat et est généralement effectuée par des employés recrutés sur place dans les bureaux canadiens des visas à l’étranger. À l’issue de ce processus, une décision de présélection est habituellement enregistrée dans le STIDI. Le pointage attribué à cette étape peut être modifié par l’agent des visas qui rend la décision de sélection et enregistre les points de sélection dans le STIDI (deuxième étape du processus). Si le candidat est dispensé de l’entrevue (dans environ 80 % des cas visés par la LIPR), la décision de sélection est favorable, mais les points de sélection sont rétablis à zéro. Par conséquent, les seuls renseignements restants pour ces personnes sont les points attribués à la présélection. L’analyse de la BDIM a utilisé les points de présélection, sauf lorsque les points de sélection étaient connus. Des vérifications ont été effectuées pour s’assurer que les points de présélection constituaient une solution de rechange acceptable. Quant aux personnes pour lesquelles on disposait de points de présélection et de données sur la décision de sélection (c’est-à-dire ceux qui ont subi une entrevue), les résultats indiquent une faible variation. Il ressort de l’analyse que, pour la plupart des variables, les résultats découlant des facteurs de présélection et de sélection étaient proches (le plus grand écart enregistré concerne la langue, où 72 % des points sont demeurés les mêmes entre la présélection et la sélection)9. Dans les cas où les valeurs ont été changées, c’était généralement pour augmenter le nombre de points alloués. On peut donc présumer que l’utilisation des points de présélection plutôt que les points de sélection (lorsqu’ils n’étaient pas disponibles) permettrait de brosser un tableau plus conservateur de la situation.
Notes
4 L’acronyme PTQF désigne le Programme des travailleurs qualifiés du volet fédéral, tandis que l’acronyme TQF renvoie aux travailleurs qualifiés du volet fédéral.
5 Le modèle logique qui a été élaboré pour le PTQF énonce les activités, les extrants et les résultats du programme. Il est présenté à l’appendice III.
6 Le rapport technique sur la BDIM donne de plus amples détails au sujet de l’analyse des données de la BDIM sur les immigrants qui a été effectuée aux fins de l’évaluation. En plus d’exposer la méthodologie utilisée et les résultats tirés de l’analyse, le rapport présente une comparaison entre la population se trouvant dans la BDIM à celle existant dans le SSOBL durant la même période.
7 Précisons que le nombre de personnes inscrites dans la BDIM est inférieur au nombre total d’admissions étant donné que les immigrants n’ont pas tous produit une déclaration de revenus.
8 Certaines personnes peuvent avoir déménagé dans la même ville ou province, ou dans une autre province.
9 Le plus grand écart enregistré concerne la langue, où 72 % des points sont demeurés les mêmes entre la présélection et la sélection. Le pointage pour la capacité d’adaptation est resté le même dans 82 % des cas lorsque les points de présélection et de sélection étaient disponibles, tandis que le taux de comparabilité s’établit à 86 % pour le facteur de l’expérience et pour celui de la scolarité. L’âge et l’emploi réservé sont les facteurs qui affichent la plus grande uniformité, les points de présélection et de sélection étant restés les mêmes dans 99,5 % (âge) et 97,5 % (emploi réservé) des cas.
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