Recherche quantitative originale – Statut résidentiel et décès accidentels attribuables à une intoxication aiguë liée à une substance au Canada, 2016-2017

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Amanda VanSteelandt, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1; Brandi AbeleNote de rattachement des auteurs 2; Raahyma Ahmad, M.S.P., MBANote de rattachement des auteurs 1; Aganeta Enns, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1; Beth Jackson, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 3; Tanya Kakkar, M.S.P.Note de rattachement des auteurs 1; Fiona Kouyoumdjian, M.D., M.P.S., Ph. D.Note de rattachement des auteurs 4

https://doi.org/10.24095/hpcdp.44.7/8.03f

Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.
Cet article fait partie de notre série thématique sur la « Mortalité par surdose accidentelle ».

Creative Commons License

Attribution suggérée

Article de recherche par VanSteelandt A et al. dans la Revue PSPMC mis à disposition selon les termes de la licence internationale Creative Commons Attribution 4.0

Rattachement des auteurs
Correspondance

Amanda VanSteelandt, Division des méfaits liés aux substances, Agence de santé publique du Canada, 785, avenue Carling, Ottawa (Ontario)  K1A 0K9; tél. : 613-294-5944; courriel : Amanda.VanSteelandt@phac-aspc.gc.ca

Citation proposée

VanSteelandt A, Abele B, Ahmad R, Enns A, Jackson B, Kakkar T, Kouyoumdjian F. Statut résidentiel et décès accidentels attribuables à une intoxication aiguë liée à une substance au Canada, 2016-2017. Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada. 2024;44(7/8):353-366. https://doi.org/10.24095/hpcdp.44.7/8.03f

Résumé

Introduction. Il existe une relation complexe entre le statut résidentiel et la consommation de substances. En effet, la consommation de substances réduit les perspectives de logement et le fait d’être sans logement augmente les raisons de consommer des substances ainsi que les risques et la stigmatisation qui y sont associés.

Méthodologie. Dans cette analyse descriptive des personnes sans logement qui ont perdu la vie en raison d’une intoxication aiguë accidentelle liée à une substance au Canada, nous avons utilisé les données relatives aux enquêtes sur les décès tirées d’une étude nationale d’examen des dossiers concernant les décès par intoxication aiguë due à une substance en 2016 et 2017, afin de comparer les facteurs sociodémographiques, les antécédents médicaux, les circonstances du décès et les substances ayant contribué au décès des personnes sans logement et des personnes non identifiées comme sans logement, au moyen du test du khi carré de Pearson. Nous avons comparé le profil démographique des personnes décédées d’une intoxication aiguë aux données du Dénombrement ponctuel coordonné de l’itinérance dans les collectivités canadiennes de 2016 et du Recensement de 2016.

Résultats. Les personnes sans logement étaient nettement surreprésentées parmi les personnes décédées d’une intoxication aiguë en 2016 et 2017 (8,9 % contre moins de 1 % de la population générale). L’intoxication aiguë ayant entraîné le décès des personnes sans logement a eu lieu plus souvent à l’extérieur (24 %); un opioïde ou un stimulant a plus fréquemment contribué à leur décès (68 % à 82 %; les deux substances ont été responsables de 59 % des décès) et ces personnes avaient plus souvent été libérées d’un établissement correctionnel ou été autorisées à sortir d’un établissement de soins de santé au cours du mois précédant leur décès (7 %).

Conclusion. Nous présentons plusieurs possibilités de réduire les décès attribuables à une intoxication aiguë chez les personnes sans logement, notamment lors de la prise de contact avec les services de santé et d’autres établissements, par des mesures de soutien à la réduction des méfaits liés à la consommation d’opioïdes et de stimulants ainsi que par la création d’environnements plus sûrs pour les personnes sans logement.

Mots-clés : surdose de drogues, surdose d’opioïdes, intoxication, décès, personnes en situation d’itinérance, personnes sans logement, personnes sans-abri, itinérance

Points saillants

  • Parmi les personnes décédées d’une intoxication aiguë accidentelle due à une substance en 2016 et 2017, 8,9 % d’entre elles n’avaient pas de logement au moment de leur décès, contre moins de 1 % de la population générale au Canada.
  • Un quart des intoxications aiguës ayant entraîné le décès a eu lieu à l’extérieur.
  • Les personnes sans logement au moment de leur décès avaient plus souvent un opioïde ou un stimulant identifié comme cause de décès par rapport à celles ayant un logement.
  • Les analyses toxicologiques ont détecté la présence d’opioïdes et de stimulants en combinaison chez plus de la moitié des personnes sans logement au moment de leur décès.

Introduction

La crise des surdoses au Canada constitue un enjeu de santé publique important. Entre janvier 2016 et décembre 2022, 36 442 décès ont été reliés à une intoxication apparente aux opioïdesNote de bas de page 1. Les rapports provinciaux et municipaux montrent que certaines populations ont été plus touchées que d’autres, notamment les personnes non logéesNote de bas de page 2Note de bas de page 3Note de bas de page 4Note de bas de page 5. On estime qu’environ 235 000 personnes étaient sans logement en 2016, ce qui inclut les 22 190 personnes se trouvant dans des refuges en moyenne chaque nuitNote de bas de page 6Note de bas de page 7.

Dans cet article, nous avons choisi d’employer les expressions « personnes non logées » ou « personnes sans logement » plutôt que « personnes en situation d’itinérance ». Un logement est un abri physique alors que l’itinérance englobe l’absence de foyer, lequel représente davantage qu’un lieu physique et revêt une signification personnelle et de liens sociauxNote de bas de page 8Note de bas de page 9Note de bas de page 10Note de bas de page 11. Une personne n’ayant pas accès à un abri physique stable ou sécuritaire peut tout de même trouver un foyer à travers les personnes de son entourage, les endroits où elle demeure et la communauté au sens plus large.

Les personnes non logées ont des taux de consommation de substances plus élevés que la population généraleNote de bas de page 12Note de bas de page 13. La relation entre l’insécurité en matière de logement (« la perte, la menace ou l’incertitude face à un milieu domiciliaire sûr, stable et abordable »Note de bas de page 14, p.344 [traduction]), la consommation de substances et les méfaits qui y sont associés est complexe. La consommation de substances et les troubles qui y sont liés sont souvent les raisons qui expliquent la perte d’un logement, et les personnes non logées sont susceptibles d’avoir connu un traumatisme, un problème de santé mentale ou l’incarcération, des facteurs contribuant à accroître le risque de consommation de substancesNote de bas de page 15Note de bas de page 16Note de bas de page 17Note de bas de page 18Note de bas de page 19. L’itinérance peut accroître la consommation comme moyen de composer avec les difficultés et les dangers de la vie en l’absence d’un logement privé et sécuritaireNote de bas de page 15Note de bas de page 20Note de bas de page 21Note de bas de page 22. Cette situation augmente aussi directement et indirectement les méfaits associés à la consommation de substances, notamment les intoxications aiguësNote de bas de page 23. En raison de la stigmatisation et des obstacles logistiques dans l’accès aux services, les personnes non logées ont un accès plus restreint aux traitements et aux services de réduction des méfaitsNote de bas de page 24. Elles peuvent également ressentir le besoin de dissimuler leur consommation de substances ou de consommer rapidement, de consommer seules et de consommer de plus grandes quantités pour éviter d’être accusées de possession de droguesNote de bas de page 25Note de bas de page 26. Enfin, l’absence de logement peut placer les personnes dans des situations criminalisées, et les périodes d’incarcération risquent de perturber la continuité du traitement et des services ainsi que l’approvisionnement en drogues, contribuant ainsi à accroître le risque d’intoxication aiguë à leur sortie, en partie à cause d’une tolérance moindre aux droguesNote de bas de page 27Note de bas de page 28Note de bas de page 29.

L’objectif de cette étude est de décrire les profils sociodémographiques, les antécédents médicaux, les substances mises en cause et les circonstances du décès dû à une intoxication aiguë accidentelle liée à une substance chez les personnes non logées.

Méthodologie

Énoncé d’éthique

Le Comité d’éthique de la recherche de l’Agence de la santé publique du Canada (REB 2018-027P), le Comité d’éthique de la recherche en santé de l’Université du Manitoba (HS22710) et le Comité d’éthique de la recherche en santé de Terre-Neuve-et-Labrador (20 200 153) ont évalué cette étude et l’ont approuvée.

Principale source de données

Cette étude utilise des données provenant d’un examen national rétrospectif des dossiers d’enquêtes des coroners et des médecins légistes sur les décès par intoxication aiguë due à une substance survenus entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2017. Même si les procédures d’enquête sur les décès varient d’une entité territoriale à l’autre au Canada, les dossiers d’enquête sur les décès contiennent généralement une combinaison de documents comme un certificat de décès, un rapport du coroner ou du médecin légiste, des déclarations de témoins, des dossiers médicaux, des rapports de police, des rapports toxicologiques ou des rapports d’autopsie.

Sont incluses dans la définition de cas toutes les personnes décédées au Canada entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2017 d’une intoxication aiguë accidentelle résultant des effets directs de l’administration d’une ou de plusieurs substance(s) exogène(s), dont une drogue, un médicament ou de l’alcool. Les variables recueillies à partir des dossiers d’enquête sur les décès par les responsables de l’abstraction des données sont les facteurs de risque sociodémographiques, la consommation de substances et les antécédents médicaux documentés, les circonstances du décès et les résultats d’analyses toxicologiques. Comme les antécédents de problèmes de santé physique ou mentale ou de symptômes sont tirés des dossiers médicaux ou des déclarations des témoins figurant dans les dossiers d’enquête sur les décès, ces problèmes ou symptômes ne constituent pas nécessairement des diagnostics cliniques. De même, l’étude n’a pris en compte que ce qui était accessible dans le dossier, ce qui pourrait ne pas inclure l’ensemble des antécédents médicaux ou des expériences de vie de la personne.

Les responsables de l’abstraction des données ont reçu une formation et des directives écrites sur le type de renseignements à sélectionner dans les dossiers d’enquête sur les décès et sur la manière de les coder ou de les décrire dans la base de données. Les événements potentiellement traumatisants recensés étaient un problème de santé d’un ami ou d’un membre de la famille, des difficultés avec le ou la partenaire intime (divorce, désaccord) ou autres difficultés relationnelles (comme un conflit familial), des problèmes professionnels ou scolaires, des problèmes financiers, le décès récent d’un ami ou d’un membre de la famille par suicide ou autre, des problèmes juridiques de nature criminelle (arrestation, prison, comparution devant un tribunal) ou autres problèmes juridiques (comme un litige portant sur la garde d’enfant, un procès civil), de la violence interpersonnelle (en tant que victime ou auteur), une expérience de maltraitance pendant l’enfance, une expérience en famille d’accueil, une expérience dans des pensionnats autochtones, le fait d’être victime de violence sexuelle, de subir de la violence physique ou d’être victime d’agression. Les responsables de l’abstraction des données peuvent également avoir saisi un autre événement en expliquant en quoi il répond à la définition d’un événement potentiellement traumatisant. Le protocole de l’étude d’examen des dossiers, la base de données et les définitions des variables sont décrits plus en détail ailleursNote de bas de page 30.

Définitions du statut résidentiel

Pour identifier les personnes non logées, cette étude fait appel à la définition de l’itinérance proposée par l’Observatoire canadien sur l’itinérance, à savoir « la situation d’un individu [...] qui n’a pas de logement stable, sécuritaire, permanent ou adéquat, ou qui n’a pas la possibilité, les moyens ou la capacité immédiate de s’en trouver un »Note de bas de page 31, p.1. Cela inclut les personnes qui vivent sans abri dans la rue, qui sont hébergées dans des refuges d’urgence et qui logent temporairement chez des amis ou de la famille ou qui échangent un emploi informel ou des ressources contre un logement. Cette définition englobe également les personnes qui présentent un risque imminent de se retrouver sans logement en raison d’une perte d’emploi ou d’une expulsion par un propriétaire, par exemple.

Dans l’ensemble de données nationales, les personnes décédées d’une intoxication aiguë accidentelle ont été identifiées comme étant « non logées au moment du décès » ou « non logées au cours des 6 mois précédant le décès » à partir des variables liées à leurs conditions de logement, à tout déménagement récent au cours des 6 mois précédant le décès et aux commentaires en texte libre formulés par les responsables de l’abstraction des données au sujet du dossier d’enquête. Une variable spécifique dans la base de données indique, dans le dossier d’enquête sur le décès, que la personne a connu une période d’instabilité résidentielle au cours de sa vie. Les personnes pour lesquelles on ne disposait d’aucune information suggérant qu’elles n’étaient pas logées à un quelconque moment de leur vie (c.-à-d. ne correspondant à aucune variable relative à l’absence de logement) ont été classées dans la catégorie « non identifiées comme étant non logées ». Puisque les dossiers des coroners et des médecins légistes ne constituent pas un dossier complet de la vie d’une personne, il est possible que certaines personnes « non identifiées comme étant non logées » n’aient pas été incluses dans la bonne catégorie.

Les personnes hospitalisées ou ayant été admises dans un établissement correctionnel ou un autre établissement au moment de leur décès ont été exclues des catégories « non logées au moment du décès » et « non identifiées comme étant non logées » et ne sont donc pas prises en compte dans les comparaisons entre ces deux groupes. Les données sur les conditions de logement étaient manquantes pour 10,9 % des personnes, ce qui fait que ces dernières ont également été exclues des analyses. Les comparaisons entre les personnes pour lesquelles il manquait des données sur les conditions de logement et celles sans données manquantes ont révélé des différences statistiquement significatives pour un sous‑ensemble de variables clés comprenant l’âge, le sexe, les antécédents de consommation de substances, les antécédents de troubles liés à la consommation de substances (sauf l’alcool) et des contacts avec le système de santé au cours de l’année précédant le décès.

Analyses statistiques

Nous avons choisi les variables à analyser en fonction de nos hypothèses sur les relations entre le logement et la consommation de substances ou car nous les avons considérées comme points d’intervention potentiels. Comme nous l’avons déjà mentionné, les protocoles d’enquête sur les décès varient d’une administration territoriale à l’autre. De nombreuses variables n’étaient pas accessibles dans la documentation source pour l’ensemble des provinces et territoires. Par conséquent, l’analyse descriptive porte sur des effectifs et des proportions minimaux de personnes décédées d’une intoxication aiguë pour lesquelles des renseignements ont été consignés pour une variable donnée. Nous avons effectué des tests du khi-carré de Pearson pour évaluer les différences statistiques entre les personnes non logées au moment de leur décès et celles non identifiées comme étant non logées (p < 0,05). Comme cette étude est descriptive et que les variables ont été présélectionnées en fonction des hypothèses de relations, aucun ajustement pour comparaisons multiples n’a été fait. Les substances et les combinaisons de substances les plus fréquentes à l’origine du décès des personnes des deux sous-groupes de population ont été identifiées à l’aide du progiciel ComplexUpsetNote de bas de page 32.

Nous avons également comparé le profil démographique des deux groupes de personnes décédées d’une intoxication aiguë aux données du Dénombrement ponctuel coordonné de l’itinérance dans les collectivités canadiennes de 2016Note de bas de page 20 et du Recensement de 2016Note de bas de page 33. Entre le 1er janvier et le 30 avril 2016, 32 collectivités canadiennes ont participé à un dénombrement coordonné des personnes dans les refuges et dans les rues de leur collectivité. Certains dénombrements ont également inclus les personnes qui se trouvaient dans un établissement de santé ou un établissement correctionnel et qui n’avaient aucun endroit où aller à leur sortie. Tous les cinq ans, le recensement dresse un portrait statistique de la population du Canada. Les individus sont recensés à leur lieu de résidence habituel, qui peut être un logement privé ou collectif. Bien que les logements collectifs incluent les refuges, le recensement comporte des limites dans sa capacité à saisir les personnes sans logementNote de bas de page 12. Les tests de différence statistique n’ont pas été utilisés dans ces comparaisons, parce que les populations de ces trois sources de données ne sont pas indépendantes.

Pour des raisons de confidentialité, tous les effectifs provenant des données de l’examen des dossiers ont été arrondis aléatoirement à la base 3, et les proportions et les taux sont fondés sur ces nombres arrondisNote de bas de page 30. Les analyses statistiques et les arrondissements aléatoires ont été effectués à l’aide du logiciel statistique RNote de bas de page 34et du logiciel RStudio (version 2022.02.0).

Résultats

Comparaison avec la population générale

D’après les données dont nous disposions pour 7 902 personnes décédées en raison d’une intoxication aiguë accidentelle en 2016 ou 2017 au Canada, 9,4 % (n = 744) d’entre elles au moins n’étaient pas logées au cours des 6 mois précédant leur décès et 8,9 % (n = 702) n’étaient pas logées au moment de leur décès (figure 1).

Figure 1. Statut résidentiel des personnes décédées d’une intoxication aiguë accidentelle, Canada, 2016-2017
Figure 1. La version textuelle suit.
Figure 1 : Texte descriptif

Personnes décédées d’une intoxication aiguë accidentelle en 2016-2017 : N = 7 902

  • Non incluses dans la comparaison (encadré rouge) : Personnes ayant déjà été non logées, mais pas au cours des 6 derniers mois : n = 39 (< 1 %)
  • Non incluses dans la comparaison (encadré rouge) : Aucune information sur les conditions de logement : n = 864 (10,9 %)
  • Non incluses dans la comparaison (encadré rouge) : Personnes admises dans un hôpital ou un établissement correctionnel au moment du décès : n = 75 (< 1 %)
  • Incluses dans la comparaison (encadré gris) : Personnes non identifiées comme étant non logées : n = 6 180 (78,2 %)
  • Non incluses dans la comparaison (encadré rouge) : Personnes non logées au cours des 6 mois précédant le décès : n = 744 (9,4 %)
    • Incluses dans la comparaison (encadré gris) : Personnes non logées au moment du décès : n = 702 (8,9 %)

Remarque : Dans cette étude, nous comparons les groupes dans les encadrés gris. Les groupes dans les encadrés rouges ont été exclus des comparaisons.

Comme 0,06 % à 0,10 % de la population canadienne était non logée à une date donnée en 2016 et que 0,67 % était non logée en tout temps en 2016Note de bas de page 11Note de bas de page 12Note de bas de page 33, les personnes non logées sont donc surreprésentées parmi celles décédées d’une intoxication aiguë accidentelle.

Parmi les personnes décédées d’une intoxication aiguë accidentelle, celles qui n’étaient pas logées avaient tendance à être plus jeunes (20 à 49 ans; p < 0,001) et de sexe masculin (p < 0,05) (tableau 1). Lorsqu’on les compare à la population générale canadienneNote de bas de page 33 ou à la population générale canadienne non logée en 2016Note de bas de page 21, les personnes décédées d’une intoxication aiguë accidentelle non logées avaient plus souvent entre 30 et 59 ans et étaient plus souvent des hommes (tableau 1).

Tableau 1. Répartition par sexe et par groupe d’âge des personnes décédées d’une intoxication aiguë accidentelle selon le statut résidentiel au moment du décès (2016‑2017) et pour l’ensemble de la population, Canada, 2016
Groupe d’âge (ans) Personnes non logées
(N = 702)
n (%)
Personnes non identifiées comme étant non logées
(N = 6 180)
n (%)
Population sans logement (proportion estimée)
(N = 4 266)
n (%)
Population totale
(N = 35 151 730)
 n (%)
Ensemble
19 ou moins Masqué 123 (2,0) 1 041 (24,4) 7 865 725 (22,4)
20 à 29 150 (21,4) 1 095 (17,7) 776 (18,2) 4 528 685 (12,9)
30 à 39 222 (31,6) 1 596 (25,8) 875 (20,5) 4 617 765 (13,1)
40 à 49 168 (23,9) 1 323 (21,4) 538 (12,6) 4 615 095 (13,1)
50 à 59 138 (19,7) 1 416 (22,9) 294 (6,9) 5 298 310 (15,1)
60 ou plus 18 (2,6) 627 (10,2) 747 (17,5) 8 226 145 (23,4)
Hommes
Tous les âges 546 (77,8) 4 581 (74,1) 2 656 (62,3) 17 264 200 (49,1)
19 ou moins Masqué 72 (1,2) 538 (12,6) 4 032 135 (11,5)
20 à 29 111 (15,8) 849 (13,7) 567 (13,3) 2 288 965 (6,5)
30 à 39 168 (23,9) 1 272 (20,6) 691 (16,2) 2 266 925 (6,4)
40 à 49 138 (19,7) 978 (15,8) 380 (8,9) 2 262 200 (6,4)
50 à 59 111 (15,8) 999 (16,2) 137 (3,2) 2 603 935 (7,4)
60 ou plus 15 (2,1) 411 (6,7) 346 (8,1) 3 810 035 (10,8)
Femmes
Tous les âges 156 (22,2) 1 596 (25,8) 1 610 (37,7) 17 887 530 (50,9)
19 ou moins Masqué 51 (0,8) 503 (11,8) 3 833 590 (10,9)
20 à 29 36 (5,1) 249 (4,0) 209 (4,9) 2 239 720 (6,4)
30 à 39 54 (7,7) 321 (5,2) 183 (4,3) 2 350 840 (6,7)
40 à 49 33 (4,7) 345 (5,6) 158 (3,7) 2 352 905 (6,7)
50 à 59 27 (3,9) 417 (6,7) 158 (3,7) 2 694 375 (7,7)
60 ou plus Masqué 216 (3,5) 401 (9,4) 4 416 115 (12,6)

Interactions avec le système de soins de santé en fonction du statut résidentiel

La proportion minimale de personnes ayant eu un contact avec le système de soins de santé au cours de l’année précédant leur décès par intoxication aiguë accidentelle était plus élevée chez les personnes non identifiées comme étant non logées que chez celles sans logement (75 % contre 68 %; p < 0,001). Les personnes sans logement avaient plus souvent utilisé les services de soins ambulatoires et hospitaliers que celles non identifiées comme étant non logées (tableau 2). Elles avaient également cherché plus souvent à obtenir des soins pour une blessure aiguë (8 % contre 4 %; p < 0,001), une intoxication aiguë non mortelle (14 % contre 7 %; p < 0,001) ou une consommation de substances ou une dépendance (16 % contre 12 %; p < 0,05). Toutefois, la raison de la demande de soins est demeurée inconnue pour de nombreuses personnes, indépendamment de leur situation en matière de logement, et les différences entre les deux groupes sont susceptibles de relever de biais de déclaration plutôt que de véritables différences.

Tableau 2. Répartition des interactions avec le système de soins de santé des personnes décédées d’une intoxication aiguë accidentelle en fonction du statut résidentiel au moment du décès, Canada, 2016-2017 (N = 7 902)
Variable Personnes non logées
n (%)
Personnes non identifiées comme étant non logées
n (%)
Valeur pNote de bas de page a
Nombre total de décès accidentels N = 702 N = 6 180 sans objet
Contact avec le système de santé au cours de l’année précédant le décès 477 (68) 4 608 (75) < 0,001Note de bas de page b
Contact avec le système de santé au cours de l’année précédant le décès N = 477 N = 4 608 sans objet
A reçu un traitement ambulatoire 342 (72) 2 961 (64) < 0,001Note de bas de page b
A reçu un traitement hospitalier 138 (29) 927 (20) < 0,001Note de bas de page b
On ignore si le traitement reçu était ambulatoire ou hospitalier 81 (17) 1 323 (29) < 0,001Note de bas de page b
A cherché à obtenir des soins pour une blessure aiguë 36 (8) 198 (4) < 0,001Note de bas de page b
A cherché à obtenir des soins pour la douleur 105 (22) 1 197 (26) > 0,05
A cherché à obtenir des soins pour une intoxication aiguë non mortelle 66 (14) 312 (7) < 0,001Note de bas de page b
A cherché à obtenir des soins pour des problèmes de consommation de substances ou de dépendance 78 (16) 567 (12) < 0,05Note de bas de page b
A cherché à obtenir des soins en santé mentale 45 (9) 513 (11) > 0,05
A cherché à obtenir des soins chirurgicaux 12 (3) 135 (3) > 0,05
Raison de la demande de soins inconnue 189 (40) 1 932 (42) > 0,05

Antécédents de consommation de substances, de problèmes de santé mentale et d’événements de vie potentiellement traumatisants

Parmi les personnes décédées d’une intoxication aiguë accidentelle, celles sans logement avaient plus souvent des antécédents de consommation de substances et de consommation chronique de substances que celles non identifiées comme étant non logées (respectivement 92 % contre 83 % et 63 % contre 54 %; p < 0,001) (tableau 3). Les proportions de personnes ayant des antécédents de troubles liés à l’utilisation de substances ou de troubles liés à l’utilisation d’alcool étaient similaires pour les deux populations. La dépression ou les symptômes dépressifs ont été répertoriés plus souvent chez les personnes non identifiées comme étant non logées que chez celles sans logement (26 % contre 15 %; p < 0,001). Les antécédents en matière de santé mentale sont demeurés inconnus pour 29 % des personnes sans logement et 22 % de celles non identifiées comme étant non logées (p < 0,001).

Tableau 3. Répartition des antécédents médicaux, des circonstances du décès et des substances ayant contribué au décès des personnes par intoxication aiguë accidentelle, selon le statut résidentiel au moment du décès, Canada, 2016-2017 (N = 7 902)
Variable Personnes non logées
n (%)
Personnes non identifiées comme étant non logées
n (%)
Valeur pNote de bas de page a
Santé mentale N = 702 N = 6 180 sans objet
Antécédents relatifs à la santé mentale inconnus 204 (29) 1 374 (22) < 0,001Note de bas de page h
Dépression ou symptômes dépressifs 108 (15) 1 581 (26) < 0,001Note de bas de page h
Antécédents de troubles liés à l’utilisation de substances (sauf l’alcool) 135 (19) 1 221 (20) > 0,05
Antécédents de troubles liés à la consommation d’alcool 57 (8) 564 (9) > 0,05
Consommation de substances N = 702 N = 6 180 sans objet
Antécédents de consommation de substances (sauf l’alcool) 642 (92) 5 106 (83) < 0,001Note de bas de page h
Mention d’une consommation chronique de substances 444 (63) 3 312 (54) < 0,001Note de bas de page h
Événements de vie potentiellement traumatisantsNote de bas de page b N = 702 N = 6 180 sans objet
Antécédents d’événements de vie potentiellement traumatisants 372 (53) 2 364 (38) < 0,001Note de bas de page h
Difficulté avec le ou la partenaire intime (divorce, désaccord) 108 (15) 870 (14) > 0,05
Problème juridique de nature criminelle (arrestation, prison, contribution devant un tribunal) 231 (33) 960 (16) < 0,001Note de bas de page h
Tout événement potentiellement traumatisant survenu au cours des 2 semaines précédant le décès 42 (6) 231 (4) < 0,05Note de bas de page h
Sortie d’un établissement au moins 1 mois avant le décès N = 702 N = 6 180 sans objet
Établissement correctionnelNote de bas de page c  24 (3) 66 (1) < 0,001Note de bas de page h
Hôpital 24 (3) 129 (2) > 0,05
N’importe quel établissementNote de bas de page d  51 (7) 237 (4) < 0,001Note de bas de page h
Lieu de l’intoxication aiguë ayant entraîné le décès N = 702 N = 6 180 < 0,001Note de bas de page h
Lieu public extérieur 159 (22) 138 (2) < 0,001Note de bas de page h
Résidence privéeNote de bas de page e 138 (20) 4 572 (74) < 0,001Note de bas de page h
Domicile d’une autre personne 159 (23) 411 (7) < 0,001Note de bas de page h
Refuge 60 (9) 0 < 0,001Note de bas de page h
Hôtel ou motel 33 (5) 246 (4) < 0,001Note de bas de page h
Bâtiment public 36 (5) 66 (1) < 0,001Note de bas de page h
Autre ou inconnu 120 (17) 744 (12) < 0,001Note de bas de page h
Localisation spécifique de l’intoxication aiguë ayant entraîné le décès N = 702 N = 6 180 sans objet
À l’extérieur 171 (24) 210 (3) < 0,001Note de bas de page h
Véhicule 24 (3) 141 (2) > 0,05
Dans un lit ou à proximité 147 (21) 1 791 (29) < 0,001Note de bas de page h
Lieu du décès N = 702 N = 6 180 < 0,01Note de bas de page h
Le même que celui de l’intoxication aiguë 519 (74) 4 764 (77) < 0,01Note de bas de page h
HôpitalNote de bas de page f 147 (21) 981 (16) < 0,01Note de bas de page h
Autre 39 (6) 435 (7) < 0,01Note de bas de page h
Consommation de substances en présence d’autres personnes avant l’intoxication aiguë N = 702 N = 6 180 < 0,001Note de bas de page h
Oui 147 (21) 1 017 (16) < 0,001Note de bas de page h
Oui, alcool seulement 21 (3) 246 (4) < 0,001Note de bas de page h
Non 240 (34) 2 505 (41) < 0,001Note de bas de page h
Inconnu 297 (42) 2 409 (39) < 0,001Note de bas de page h
Décès en présence d’un témoin N = 702 N = 6 180 < 0,001Note de bas de page h
La personne était vivante au moment de sa découverte 75 (11) 645 (10) < 0,001Note de bas de page h
La personne était décédée au moment de sa découverte 162 (23) 1 905 (31) < 0,001Note de bas de page h
On ne sait pas si la personne était encore vivante au moment de sa découverte 171 (24) 1 293 (21) < 0,001Note de bas de page h
Inconnu 294 (42) 2 337 (38) < 0,001Note de bas de page h
Intervention sur le lieu de l’intoxication aiguë N = 702 N = 6 180 sans objet
Services médicaux d’urgence (SMU) 378 (54) 3 510 (57) > 0,05
Services d’incendie 138 (20) 876 (14) < 0,001Note de bas de page h
Forces de l’ordre 351 (50) 3 180 (51) > 0,05
Personnel hospitalier 15 (2) 183 (3) > 0,05
Personnes ayant présenté au moins un symptôme d’intoxication aux opioïdesNote de bas de page g N = 207 N = 1 620 sans objet
La personne a reçu de la naloxone 87 (42) 375 (23) < 0,001Note de bas de page h
Naloxone administrée par les SMU 57 (28) 234 (14) < 0,001Note de bas de page h
Naloxone administrée par du personnel hospitalier 33 (16) 120 (7) < 0,001Note de bas de page h
Naloxone administrée par des passants 18 (9) 45 (3) < 0,001Note de bas de page h
Substances multiples ayant contribué au décès N = 702 N = 6 180 sans objet
Oui 558 (79) 4 311 (70) < 0,001Note de bas de page h
Types de substances ayant contribué au décès N = 702 N = 6 180 sans objet
Un opioïde a contribué au décès 579 (82) 4 545 (74) < 0,001Note de bas de page h
Un stimulant a contribué au décès 477 (68) 3 051 (49) < 0,001Note de bas de page h
Un opioïde et un stimulant ont contribué au décès 411 (59) 2 250 (36) < 0,001Note de bas de page h
Substance(s) ayant contribué au décès connue(s) N = 675 N = 5 820 sans objet
Origine non pharmaceutique 573 (85) 4 065 (70) < 0,001Note de bas de page h
Origine pharmaceutique 168 (25) 2 175 (37) < 0,001Note de bas de page h
La substance ayant contribué au décès était d’origine pharmaceutique N = 168 N = 2 175 sans objet
La substance avait été prescrite à la personne décédée 63 (38) 1 038 (48) < 0,05Note de bas de page h

Parmi les personnes décédées d’une intoxication aiguë accidentelle, environ la moitié (53 %) de celles sans logement avaient des antécédents d’au moins un événement potentiellement traumatisant, contre environ un tiers (38 %) pour les personnes non identifiées comme étant non logées, soit une différence de 17 points de pourcentage (p < 0,001) (tableau 3). Les personnes sans logement étaient plus nombreuses à avoir vécu un événement de vie potentiellement traumatisant au cours des deux semaines précédant leur décès que leurs pairs non identifiés comme tels (6 % contre 4 %; p < 0,05).

Même si les problèmes juridiques de nature criminelle et les problèmes liés au partenaire intime étaient les événements de vie potentiellement traumatisants les plus fréquemment identifiés pour les deux populations, les problèmes juridiques de nature criminelle étaient significativement plus fréquents chez les personnes sans logement (33 % contre 16 %; p < 0,001).

Séjour récent dans un établissement

Au moins 7 % des personnes décédées par intoxication aiguë accidentelle et sans logement avaient été libérées d’un établissement jusqu’à un mois avant leur décès (p < 0,001). La proportion de personnes libérées d’un établissement correctionnel était plus élevée chez les personnes sans logement que chez celles non identifiées comme étant non logées (3 % contre 1 %; p < 0,001) mais les proportions de personnes ayant reçu leur congé d’un hôpital étaient similaires (tableau 3).

Circonstances du décès

Le lieu de l’intoxication aiguë ayant conduit au décès accidentel différait considérablement selon le statut résidentiel (tableau 3). Dans le cas des personnes sans logement, l’intoxication aiguë a eu lieu le plus souvent en extérieur, dans une résidence privée ou au domicile d’une autre personne (environ 20 à 23 % des décès par intoxication aiguë pour chaque situation). Dans le cas des personnes non identifiées comme étant non logées, la plupart des intoxications aiguës mortelles ont eu lieu dans une résidence privée (74 %). Ainsi, environ un quart des intoxications aiguës subies par les personnes sans logement a eu lieu en extérieur (dans un lieu public extérieur, dans la cour avant ou arrière d’une résidence, sur un trottoir à côté d’un bâtiment), contre seulement 3 % pour les personnes non identifiées comme étant non logées (p < 0,001). Les personnes non identifiées comme étant non logées étaient plus souvent dans un lit ou à proximité lors de l’intoxication aiguë (29 %; < 0,001).

Quel que soit le statut résidentiel, le lieu du décès était le même que le lieu de l’intoxication aiguë pour la plupart des personnes décédées, mais les personnes non identifiées comme étant non logées sont plus souvent décédées au même endroit et les personnes sans logement sont plus souvent décédées à l’hôpital après avoir été transportées d’un autre endroit.

D’après les données dont nous disposons, quel que soit leur statut résidentiel, les personnes étaient majoritairement seules lors de la consommaient de substances avant l’intoxication aiguë, mais les personnes sans logement étaient significativement plus susceptibles d’être en présence d’autres personnes (21 %; p < 0,001) (tableau 3).

Les personnes sans logement présentant un ou plusieurs symptômes d’intoxication aux opioïdes (ronflement/gargouillement, difficultés respiratoires, micropupilles, inconscience/absence de réaction ou coloration bleue des lèvres, des ongles ou du visage) étaient plus susceptibles d’avoir reçu de la naloxone que les personnes non identifiées comme étant non logées (42 % contre 23 %; p < 0,001). Parmi celles qui présentaient au moins un symptôme d’intoxication aux opioïdes, les personnes sans logement étaient davantage susceptibles d’avoir reçu de la naloxone de la part des services médicaux d’urgence (SMU) (28 % contre 14 %), du personnel hospitalier (16 % contre 7 %) ou des passants (9 % contre 3 %) par rapport aux personnes non identifiées comme étant non logées (p < 0,001). Les SMU, les forces de l’ordre et le personnel hospitalier étaient tout autant susceptibles de se rendre sur les lieux pour intervenir auprès de personnes relevant des deux statuts résidentiels, mais le personnel des services d’incendie était davantage susceptible de se rendre sur les lieux dans le cas des personnes sans logement (20 %; p < 0,001).

Même si la proportion de personnes réputées comme étant encore vivantes au moment de leur découverte était similaire dans les deux groupes, une plus grande proportion de personnes non identifiées comme étant non logées étaient déjà décédées au moment de leur découverte (31 % contre 23 %). Pour une plus grande proportion de personnes sans logement, il était difficile ou impossible de savoir si elles étaient encore en vie au moment où elles ont été retrouvées.

Substances ayant contribué au décès

Plusieurs substances sont à l’origine de la plupart des décès, mais les décès causés par des substances multiples étaient significativement plus fréquents chez les personnes sans logement que chez celles non identifiées comme étant non logées (79 % contre 70 %; p < 0,001). Lorsque la substance (ou les substances) ayant contribué au décès était connue, son origine était moins souvent de nature pharmaceutique (25 % contre 37 %); p < 0,001) et elle avait été moins souvent prescrite à la personne décédée (38 % contre 48 %; p < 0,05) chez les personnes sans logement (tableau 3).

Les substances le plus souvent à l’origine des décès par intoxication accidentelle étaient les mêmes quel que soit le statut résidentiel, mais leur degré de contribution était variable (tableau 4). Le fentanyl a contribué le plus souvent au décès des personnes relevant de chaque statut résidentiel, mais il a contribué significativement plus souvent au décès des personnes sans logement que de celles non identifiées comme étant non logées (p < 0,001). La cocaïne est responsable d’une proportion similaire de décès chez les personnes de chaque statut résidentiel, mais d’autres stimulants comme la méthamphétamine et l’amphétamine ont contribué à une plus grande proportion de décès chez les personnes sans logement (p < 0,001).

Tableau 4. Origine et contribution d’autres substances pour les substances ayant contribué à au moins 10 % des décès accidentels en fonction du statut résidentiel au moment du décès, Canada, 2016-2017 (N = 7 902)
Substances ayant contribué à plus de 10 % des décès Personnes non logées (N = 702) Personnes non identifiées comme étant non logées (N = 6 180)
Rang Contribution aux décès
% (n)
Origine non pharmaceutique
% (n)
Origine pharmaceutique
% (n)
Origine inconnue
% (n)
Contribution avec d’autres substances
% (n)
Rang Contribution aux décès
% (n)
Origine non pharmaceutique
% (n)
Origine pharmaceutique
% (n)
Origine inconnue
% (n)
Contribution avec d’autres substances
% (n)
FentanylNote de bas de page * 1 60 (423) 51 (216) 1 (6) 48 (201) 89 (375) 1 47 (2 895) 46 (1 329) 4 (108) 50 (1 461) 81 (2 343)
MéthamphétamineNote de bas de page * 2 48 (336) 100 (336) s.o. s.o. 96 (321) 4 19 (1 179) 100 (1 179) s.o. s.o. 90 (1 056)
Cocaïne 3 32 (225) 100 (225) s.o. s.o.. 92 (207) 2 36 (2 196) 100 (2 196) s.o. s.o. 84 (1 848)
AmphétamineNote de bas de page aNote de bas de page * 4 26 (183) 16 (30) 0 84 (153) 100 (183) 6 11 (684) 19 (129) 1 (9) 79 (543) 100 (684)
Éthanol (alcool) 5 21 (150) s.o. s.o. s.o. 94 (141) 3 22 (1 347) s.o. s.o. s.o. 86 (1 158)
MorphineNote de bas de page a 6 15 (105) 17 (18) 6 (6) 14 (15) 97 (102) 5 14 (855) 16 (138) 13 (111) 71 (606) 94 (804)
Diacétylmorphine (héroïne)Note de bas de page * 6 15 (105) 100 (105) s.o. s.o. 94 (99) 7 10 (597) 100 (597) s.o. s.o. 97 (579)

 

Si le fentanyl était plus souvent présent dans les combinaisons de substances ayant le plus fréquemment contribué au décès des personnes pour les deux statuts résidentiels, l’implication des stimulants s’est avérée variable (tableau 5). Chez les personnes sans logement, la méthamphétamine était plus répandue parmi les combinaisons de substances contribuant le plus au décès tandis que chez les personnes non identifiées comme étant non logées, c’est la cocaïne qui était plus répandue.

Tableau 5. Substances exclusives et combinaisons de substancesNote de bas de page a ayant contribué à la plupart des décès accidentels par intoxication aiguë en fonction du statut résidentiel au moment du décès, Canada, 2016-2017 (N = 7 902)
Substances et combinaisons de substances les plus courantes Personnes non logées
(N = 702)
Personnes non identifiées comme étant non logées
(N = 6 180)
Rang n % Rang n %
FentanylNote de bas de page b, méthamphétamineNote de bas de page c et amphétamineNote de bas de page c 1 54 8 6 144 2
FentanylNote de bas de page b 2 48 7 1 552 9
FentanylNote de bas de page b et cocaïneNote de bas de page c 3 33 5 2 354 6
FentanylNote de bas de page b et méthamphétamineNote de bas de page c 4 24 3 15 63 1
CocaïneNote de bas de page c 5 18 3 3 345 6
FentanylNote de bas de page b, méthamphétamineNote de bas de page c, cocaïneNote de bas de page c et amphétamineNote de bas de page c 5 18 3 15 63 1
MéthamphétamineNote de bas de page c 7 15 2 8 120 2
MéthamphétamineNote de bas de page c et carfentanilNote de bas de page b 7 15 2 > 17 21 0
Aucun renseignement toxicologique disponible 7 15 2 12 78 1
Polytoxicité 7 15 2 4 282 5
FentanylNote de bas de page b, méthamphétamineNote de bas de page c, amphétamineNote de bas de page c, morphineNote de bas de page b et diacétylmorphine (héroïne)Note de bas de page b 7 15 2 > 17 27 0
FentanylNote de bas de page b et éthanol (alcool) 12 12 2 7 135 2
MéthamphétamineNote de bas de page c et amphétamineNote de bas de page c 12 12 2 17 57 1
Éthanol (alcool) 12 12 2 5 186 3
FentanylNote de bas de page b, méthamphétamineNote de bas de page c et diacétylmorphine (héroïne)Note de bas de page b 12 12 2 > 17 24 0
MéthadoneNote de bas de page b 12 12 2 9 117 2
FentanylNote de bas de page b, cocaïneNote de bas de page c et éthanol (alcool) 12 12 2 13 72 1

Analyse

Les personnes sans logement sont nettement surreprésentées parmi les personnes décédées d’une intoxication aiguë en 2016 et 2017 (8,9 % des personnes décédées étaient non logées comparativement à moins de 1 % de la population générale du Canada). D’après les résultats de notre étude, plusieurs possibilités d’intervention et d’amélioration du soutien accordé aux personnes non logées ou risquant de l’être et aux personnes risquant de mourir d’une intoxication aiguë sont envisageables.

Au moins 7 % des personnes sans logement, soit environ le double de la proportion de personnes non identifiées comme étant non logées, avaient été libérées d’un établissement correctionnel ou autorisés à sortir d’un établissement de soins de santé au cours du mois précédant leur décès. Les séjours dans ces établissements peuvent avoir été liés ou non à la consommation de substances. Le risque de décès par intoxication aiguë est plus élevé après la sortie récente d’un établissement pour de nombreuses raisons. Ainsi, la tolérance d’une personne diminue après une période sans consommation de substances, le séjour peut interrompre l’accès aux traitements et aux mesures de soutien ou la poursuite de ceux-ci (comme les traitements par agonistes opioïdes) et, selon la durée du séjour, les personnes peuvent éprouver des symptômes de sevrage, entraînant ainsi une consommation à plus haut risque, ou encore les substances accessibles et leur toxicité peuvent avoir changéNote de bas de page 35Note de bas de page 36Note de bas de page 37.

Les hôpitaux et les établissements correctionnels pourraient mieux planifier la transition de ces personnes avant leur sortie et mettre en relation celles qui se retrouvent sans logement ou risquant de l’être avec des services de réduction des méfaits fondés sur des données probantes, de traitement, de soins de santé et de logement afin de prévenir les intoxications aiguës. Les personnes sans logement ont été en forte proportion en contact avec le système de soins de santé en général avant leur décès (par des soins ambulatoires ou hospitaliers), des interactions qui offre des opportunités de les mettre en relation avec les services sociaux et de santé nécessaires.

Si les personnes non logées et décédées d’une intoxication aiguë avaient plus souvent des antécédents connus de consommation de substances, leurs antécédents de troubles liés à l’utilisation de substances et de problèmes de santé mentale étaient similaires à ceux des personnes non identifiées comme étant non logées. Cette constatation peut s’expliquer par l’absence d’antécédents confirmés pour les personnes non logées en raison d’un accès limité aux services de santé ou à une moindre accessibilité de l’information au cours des enquêtes sur les décès. Parmi les personnes décédées, une personne sur deux sans logement avait des antécédents confirmés d’au moins un événement potentiellement traumatisant survenu au cours de sa vie, une proportion beaucoup plus élevée que celle des personnes non identifiées comme étant non logées. Ces résultats mettent en évidence la nécessité de mettre en place des services accessibles, inclusifs et tenant compte des traumatismes, conformes aux directives cliniques canadiennes, à l’intention des personnes sans logement qui vivent des situations médicales et sociales complexesNote de bas de page 38.

Chez les personnes non identifiées comme étant non logées, l’intoxication aiguë a eu lieu dans une résidence privée dans trois cas sur quatre. Parmi les personnes sans logement, un quart des intoxications aiguës ont eu lieu à l’extérieur. La consommation de substances en extérieur peut accroître les chances qu’un témoin constate une situation d’urgence médicale. En revanche, elle peut aussi donner lieu à des pratiques visant à dissimuler la consommation (consommation précipitée ou en grandes quantités) pour éviter les rencontres avec les autorités policières et les accusations de possession de drogues. En outre, la consommation en extérieur ou dans des lieux publics est associée à un risque accru d’être victime d’intoxication aiguëNote de bas de page 25Note de bas de page 26Note de bas de page 39.

Même si les personnes relevant des deux statuts résidentiels étaient plus souvent seules lors de la consommation de substances avant l’intoxication aiguë, la probabilité était plus forte pour les personnes sans logement d’avoir consommé des substances en présence d’autrui, ce qui offre une possibilité d’intervention plus élevée. Les programmes de réduction des méfaits, les services de logement et les politiques d’application de la loi pourraient promouvoir des milieux plus sûrs d’hébergement et de consommation de substances, où l’assistance médicale et la naloxone seraient plus facilement accessibles. L’amélioration de l’intégration des services et de la disponibilité en services complets dans le cadre des ressources de soutien existantes (refuges/services de logement, programmes de traitement et de réduction des méfaits) permet également de réduire les méfaits et d’améliorer la situation des personnes sans logement, qui peuvent avoir des besoins complexes et interdépendants en matière de santé et de services sociaux.

Le profil des substances en cause dans les décès diffère selon le statut résidentiel. Les stimulants et les opioïdes sont des drogues de rue accessibles et la consommation de ces substances pour composer avec les traumatismes et les facteurs de stress situationnels a déjà été étudiéeNote de bas de page 40Note de bas de page 41. La consommation de stimulants comme les méthamphétamines peut aider les personnes à rester éveillées et alertes lorsqu’elles sont sans abri et qu’elles ne sont pas en sécuritéNote de bas de page 42Note de bas de page 43. La demi-vie plus longue de plusieurs heures et le prix généralement plus bas expliquent sans doute pourquoi les méthamphétamines plutôt que la cocaïne ont plus souvent contribué au décès des personnes en situation d’itinérance et pourquoi la cocaïne a plus souvent contribué au décès des personnes ayant un logementNote de bas de page 44. Il semble que l’utilisation simultanée d’opioïdes et de stimulants permet de calmer une personne après la consommation d’un stimulant, d’atténuer les symptômes de sevrage ou la paranoïa provoquée par un stimulant, d’éviter la somnolence lors de l’utilisation d’un opioïde, de créer une vague de stimulations et de sédations successives ou d’équilibrer les effets de chaque substanceNote de bas de page 45. Par ailleurs, la présence de ces deux substances peut également être involontaire et résulter d’une contamination. Consulter les personnes non logées ou risquant de l’être au sujet des substances qu’elles consomment et de leurs habitudes de consommation permettrait d’orienter la prestation de services de promotion de la santé et de réduction des méfaits, notamment en offrant des options d’approvisionnement plus sûres. Le fait de connaître les substances qui causent des préjudices peut aussi aider à adapter la formation des premiers intervenants et des passants qui interviennent en cas d’intoxication aiguë.

Points forts et limites

Les données des estimations nationales et de l’étude d’examen des dossiers concernant les personnes non logées reposent sur des dénombrements ponctuels (pour les estimations nationales, il s’agit du jour du dénombrement; pour l’étude d’examen des dossiers, il s’agit du jour du décès). Elles n’incluent pas toutes les personnes sans logement dans une collectivité au cours d’une période donnée. Souvent, les gens entrent dans le cycle de l’itinérance et en sortent, et ceux qui sont temporairement hébergés par des amis ou de la famille sont moins susceptibles d’être comptabilités lors du dénombrementNote de bas de page 46Note de bas de page 47. Les personnes qui vivent dans l’insécurité sur le plan du logement ou qui courent un risque immédiat d’être sans logement sont également moins susceptibles d’être recensées.

L’objectif des enquêtes sur les décès est d’établir la cause et le mode du décès et, dans certains cas, de formuler des recommandations pour prévenir de futurs décès de même nature. Par conséquent, les coroners et les médecins légistes ne s’intéressent pas nécessairement aux variables sélectionnées pour notre étude. Les protocoles d’enquête sur les décès, les méthodes de collecte de données et l’accessibilité de certaines variables sont variables à l’échelle du Canada. Par exemple, la définition binaire du sexe s’est révélée toujours disponible, mais l’identité de genre l’a rarement été. En outre, les enquêtes sur les décès de personnes non logées contiennent généralement moins d’information parce qu’il peut être difficile de rencontrer des témoins, des amis, des membres de la famille ou des fournisseurs de services qui peuvent parler de leur histoire. Dans les dossiers d’enquête sur les décès, il n’est pas toujours évident de savoir si une personne vivait avec un ami ou un membre de la famille du fait d’une insécurité en matière de logement. L’itinérance, les antécédents de consommation de substances, les symptômes et les problèmes de santé mentale et les expériences potentiellement traumatisantes sont tous des éléments probablement sous-déclarés dans l’étude de l’examen des dossiers. Les données fournissent donc les proportions minimales de personnes ayant vécu ces expériences. Il est possible que les différences entre les personnes non logées au moment de leur décès et celles non identifiées comme étant non logées soient sous-estimées en raison d’erreurs de classification des personnes si l’enquête n’a pas permis d’obtenir l’information nécessaire.

Conclusion

Cette étude présente plusieurs possibilités de réduire le nombre de décès accidentels par intoxication aiguë parmi les personnes non logées, notamment lors des contacts avec les services de santé et par un renforcement de la planification de la transition avant la sortie d’un établissement, en tenant compte de la nécessité de mettre en place des services accessibles, inclusifs et adaptés aux traumatismes, en améliorant l’intégration des services aux ressources de soutien existantes, en créant des milieux plus sûrs d’hébergement et de consommation de substances et en adaptant les services de promotion de la santé et de réduction des méfaits à leurs besoins particuliers.

Depuis la période visée par l’étude, la pandémie de COVID-19 a contribué à une augmentation du nombre de personnes sans logement et à la multiplication des obstacles à l’accès aux services qui leur sont destinésNote de bas de page 48. Des recherches sur les liens actuels entre le statut résidentiel et les méfaits liés aux substances ainsi que l’intégration de la participation de personnes ayant vécu ou vivant une expérience concrète d’itinérance seraient très utiles pour faire avancer les politiques et les programmes visant à prévenir d’autres décès accidentels dus à une intoxication aiguë.

Remerciements

Nous tenons à remercier nos collaborateurs des bureaux des coroners en chef et des médecins légistes en chef de l’ensemble du Canada, qui nous ont donné accès à leurs dossiers d’enquête sur les décès. Nous remercions également nos co-chercheurs pour leur contribution à l’élaboration de l’étude nationale d’examen des dossiers sur les décès attribuables à une intoxication aiguë accidentelle liée à une substance : Matthew Bowes, Songul Bozat-Emre, Jessica Halverson, Dirk Huyer, Graham Jones, Jennifer Leason, Regan Murray, Erin Rees, Jenny Rotondo et Emily Schleihauf.

Financement

Cette étude a reçu le soutien financier de l’Agence de la santé publique du Canada.

Conflits d’intérêts

Aucun.

Contribution des auteurs et avis

  • AV : méthodologie, conception, rédaction de la première version du manuscrit, relectures et révisions, supervision, administration du projet, curation des données, analyse formelle, recherche.
  • BA : méthodologie, conception, relectures et révisions.
  • RA : méthodologie, conception, rédaction de la première version du manuscrit, relectures et révisions, curation des données, analyse formelle, recherche.
  • AE : méthodologie, conception, rédaction de la première version du manuscrit, relectures et révisions, curation des données, analyse formelle.
  • BJ : méthodologie, conception, relectures et révisions.
  • TK : méthodologie, conception, rédaction de la première version du manuscrit, relectures et révisions, curation des données, analyse formelle, recherche.
  • FK : méthodologie, conception, relectures et révisions.

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