Recherche quantitative originale – Associations entre durée et qualité du sommeil et indicateurs de santé mentale chez les jeunes et les adultes : résultats de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2015
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Publié par : L'Agence de la santé publique du Canada
Date de publication : mai 2023
ISSN: 2368-7398
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Zahra M. Clayborne, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1Note de rattachement des auteurs 2; Raelyne L. Dopko, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1; Chinchin Wang, M. Sc.Note de rattachement des auteurs 1Note de rattachement des auteurs 3Note de rattachement des auteurs 4; Marisol T. Betancourt, M. Sc., M.D.Note de rattachement des auteurs 1; Karen C. Roberts, M. Sc.Note de rattachement des auteurs 1; Colin A. Capaldi, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1
https://doi.org/10.24095/hpcdp.43.5.04f
Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.
Rattachement des auteurs
Correspondance
Colin A. Capaldi, Agence de la santé publique du Canada, 785, avenue Carling, Ottawa (Ontario) K1A 0K9; tél. : 613-299-7714; courriel : colin.capaldi@phac‑aspc.gc.ca
Citation proposée
Clayborne ZM, Dopko RL, Wang C, Betancourt MT, Roberts KC, Capaldi CA. Associations entre durée et qualité du sommeil et indicateurs de santé mentale chez les jeunes et les adultes : résultats de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2015. Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada. 2023;43(5):270-288. https://doi.org/10.24095/hpcdp.43.5.04f
Résumé
Introduction. De plus en plus d’études menées au Canada portent sur le lien entre le sommeil et la santé mentale. Cette recherche s’appuie sur ces travaux en étudiant les associations entre, d’une part, la durée et la qualité du sommeil et, d’autre part, une santé mentale positive ainsi que la maladie mentale et les idées suicidaires chez les jeunes et les adultes dans trois provinces canadiennes (l’Ontario, le Manitoba et la Saskatchewan).
Méthodologie. À l’aide de données transversales recueillies auprès de répondants de 12 ans et plus (n = 18 683) ayant répondu à des questions au sujet de leur sommeil dans l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2015 – Composante annuelle, nous avons réalisé des analyses de régression logistique non ajustées et des analyses de régression logistique ajustées en fonction des mesures autodéclarées sur la durée et la qualité du sommeil sous forme de variables indépendantes et d’un éventail d’indicateurs d’une santé mentale positive (par ex. une bonne santé mentale autoévaluée) et de maladie mentale ou d’idées suicidaires (par ex. un diagnostic de trouble de l’humeur) sous forme de variables dépendantes. Les analyses ont été réalisées au moyen des données des répondants ayant répondu à toutes les questions et elles ont été stratifiées selon le sexe et le groupe d’âge.
Résultats. Une bonne qualité de sommeil était associée à une probabilité plus élevée d’indicateurs d’une santé mentale positive (rapport de cotes ajusté [RCa] : 1,52 à 4,24) et à une probabilité plus faible d’indicateurs de maladie mentale et d’idées suicidaires (RCa : 0,23 à 0,47), et les associations sont demeurées significatives lorsque les analyses ont été stratifiées. Le respect des recommandations sur la durée du sommeil était associé positivement aux indicateurs d’une santé mentale positive (RCa : 1,27 à 1,56) et était associé négativement aux indicateurs de maladie mentale et d’idées suicidaires (RCa : 0,41 à 0,80), mais certaines associations ne sont pas demeurées significatives après la stratification.
Conclusion. Cette étude confirme les associations entre, d’une part, la durée et la qualité du sommeil et, d’autre part, les indicateurs d’une santé mentale positive ainsi que de maladie mentale et d’idées suicidaires. Les résultats peuvent orienter les futures activités de recherche et de surveillance visant à assurer le suivi des comportements en matière de sommeil et des indicateurs d’une santé mentale positive ainsi que de maladie mentale et d’idées suicidaires.
Mots-clés : sommeil, santé mentale positive, troubles anxieux, troubles de l’humeur, santé de la population, idées suicidaires, suicide
Points saillants
- Nous avons analysé les associations entre les mesures du sommeil autodéclarées (durée, qualité) et les résultats en matière de santé mentale chez les jeunes (12 à 17 ans) et les adultes (18 ans et plus) dans trois provinces canadiennes.
- Une bonne qualité de sommeil était systématiquement associée à une probabilité plus élevée de santé mentale positive et à une probabilité plus faible de maladie mentale et d’idées suicidaires chez les deux sexes et dans l’ensemble des groupes d’âge.
- Le respect des recommandations sur la durée du sommeil était associé à une probabilité plus élevée de santé mentale positive et à une probabilité plus faible de maladie mentale et d’idées suicidaires, mais ces associations n’étaient pas uniformes chez les deux sexes et dans l’ensemble des groupes d’âge.
Introduction
Un sommeil insuffisant et un sommeil de mauvaise qualité sont des problèmes courants. Plus du tiers des Canadiens de 5 à 79 ans n’ont pas le nombre recommandé d’heures de sommeil par jourNote de bas de page 1. De plus, le quart des adultes de 18 à 79 ans et le dixième des enfants et des jeunes de 5 à 17 ans au Canada affirment avoir des difficultés, la plupart du temps ou tout le temps, à s’endormir ou à rester endormisNote de bas de page 2Note de bas de page 3. Selon diverses recherches, un sommeil de mauvaise qualité est associé à un éventail d’effets néfastes sur la santé physique, notamment une mauvaise santé autoévaluée, l’obésité, des maladies cardiovasculaires et une augmentation du risque de décès toutes causes confonduesNote de bas de page 4Note de bas de page 5Note de bas de page 6Note de bas de page 7.
Selon des études antérieures, un sommeil de mauvaise qualité est associé à divers résultats psychologiques négatifs. Par exemple, des travaux de recherche à l’échelle internationale ont montré qu’un sommeil de mauvaise qualité est associé à un risque accru de dépression et d’anxiété tout au long de la vieNote de bas de page 8Note de bas de page 9. De plus, des chercheurs ont observé une association en forme de « U » entre la durée du sommeil et le risque d’humeur dépressive et de comportement suicidaire chez les jeunes et les adultes, le risque le plus élevé étant observé dans le cas d’une durée de sommeil courte (moins de 6 à 7 heures chez les adultes) et d’une durée de sommeil longue (plus de 8 à 9 heures chez les adultes)Note de bas de page 10Note de bas de page 11Note de bas de page 12. Chez les adultes au Canada, les associations entre une durée de sommeil longue et un diagnostic de dépression majeureNote de bas de page 13Note de bas de page 14, une durée de sommeil courte et le stress chroniqueNote de bas de page 15, ainsi qu’un sommeil de mauvaise qualité et des symptômes autodéclarés de dépression et d’anxiétéNote de bas de page 16 ont été documentées. Chez les jeunes au Canada, le respect des recommandations sur la durée du sommeil a été associé à un niveau de stress moins élevéNote de bas de page 17 et une augmentation de la durée du sommeil chez ceux qui dormaient moins de 8 heures par jour a été associée à une diminution des symptômes d’anxiété et de dépressionNote de bas de page 18.
Peu d’études ont porté sur les associations entre le sommeil et une santé mentale positive. Des travaux de recherche menés auprès de jeunes adultes en Corée du Sud ont permis de découvrir qu’une meilleure qualité de sommeil était associée à une plus grande satisfaction à l’égard de la vieNote de bas de page 19, et une récente méta-analyse des études issues de plusieurs pays a révélé qu’une durée de sommeil adéquate chez les adolescents était généralement associée à une humeur positiveNote de bas de page 20. Les résultats des études canadiennes sont toutefois mitigés. L’une de ces études a révélé que des durées de sommeil courtes et longues étaient associées à une mauvaise santé mentale autoévaluée, à un faible sentiment d’appartenance à la communauté et à une faible satisfaction à l’égard de la vie chez les adultes, même après ajustement pour de nombreuses covariablesNote de bas de page 21. Une autre étude réalisée auprès d’adultes atteints de troubles de l’humeur ou de troubles d’anxiété a révélé que l’association entre, d’une part, une durée de sommeil courte (moins de 6 heures) et, d’autre part, une mauvaise santé mentale autoévaluée et une faible satisfaction à l’égard de la vie ne persistait pas après la prise en compte d’autres variables, et qu’une durée de sommeil longue n’était associée à aucun des résultats liés à une santé mentale positive dans les analyses, qu’elles soient ajustées ou non ajustéesNote de bas de page 22.
Les résultats des travaux de recherche sur le sommeil et une santé mentale positive réalisés au Canada se sont révélés également variables selon le groupe d’âge. Une étude a révélé des associations entre, d’une part, des durées de sommeil courtes et longues et, d’autre part, une mauvaise santé mentale autoévaluée et un faible sentiment d’appartenance à la communauté chez les adultes, mais seule l’association entre une durée de sommeil longue et un faible sentiment d’appartenance à la communauté était statistiquement significative chez les adultes de 65 à 79 ansNote de bas de page 13. En outre, les auteurs ont indiqué qu’une durée de sommeil courte n’était pas associée de manière significative à la santé mentale autoévaluée ni au sentiment d’appartenance à la communauté chez les jeunes de 14 à 17 ans (une durée de sommeil longue n’a pas été évaluée chez ce groupe d’âge)Note de bas de page 13. Toutefois, d’autres résultats concernant les jeunes indiquent que le respect des recommandations sur la durée du sommeil est associé à une bonne santé mentale autoévaluéeNote de bas de page 17 et qu’une augmentation de la durée du sommeil chez ceux qui dorment moins de 8 heures par jour est associée à un bien‑être psychologique accruNote de bas de page 18.
Ces résultats variés indiquent qu’il est nécessaire de réaliser davantage de recherches axées sur la population visant à analyser les associations entre, d’une part, une bonne qualité de sommeil et le respect des recommandations sur la durée du sommeil et, d’autre part, un grand nombre d’indicateurs d’une santé mentale positive ainsi que de maladie mentale et d’idées suicidaires chez les jeunes, les adultes et les aînés au Canada. De fait, l’exploration de l’association entre le sommeil et le bien‑être est un besoin de recherche qui a été établi dans le cadre de l’élaboration des Directives canadiennes en matière de mouvement sur 24 heuresNote de bas de page 23Note de bas de page 24.
Une santé mentale positive et une maladie mentale ne se situent pas aux extrémités opposées d’un même spectre : il s’agit plutôt de concepts distincts qui peuvent avoir des antécédents et des conséquences spécifiquesNote de bas de page 25Note de bas de page 26. Il est possible de ressentir simultanément des niveaux élevés/faibles de santé mentale positive et des niveaux élevés/faibles de maladie mentaleNote de bas de page 22Note de bas de page 25, ce qui renforce l’argument en faveur de l’étude de ces deux concepts.
La prévention ou la diminution des répercussions des problèmes de santé physique et mentale et la promotion d’une santé mentale positive constituent des priorités importantes en matière de recherche et de stratégies de santé publique, tant au Canada qu’à l’échelle mondialeNote de bas de page 27Note de bas de page 28Note de bas de page 29. En effet, un sommeil de mauvaise qualité et de durée insuffisante et des problèmes de santé mentale sont associés à de lourds fardeaux économiques et sociétaux, notamment une espérance de vie réduite, une perte de productivité et des coûts élevés en soins de santéNote de bas de page 30Note de bas de page 31Note de bas de page 32. En revanche, il a été prouvé qu’une santé mentale positive permet de prévenir l’apparition des problèmes de santé mentale et physique ou d’en diminuer la gravitéNote de bas de page 33Note de bas de page 34. L’étude des associations entre le sommeil et plusieurs indicateurs d’une santé mentale positive ainsi que de maladie mentale et d’idées suicidaires dans un vaste échantillon canadien peut orienter les futures activités de surveillance et de recherche sur les comportements en matière de sommeil et la santé mentale de la population.
Dans cette étude, nous avons analysé les associations entre, d’une part, la durée et la qualité du sommeil et, d’autre part, les indicateurs d’une santé mentale positive ainsi que de maladie mentale et d’idées suicidaires chez les 12 ans et plus dans trois provinces canadiennes. Nous nous attendions à ce que les personnes respectant les recommandations sur la durée du sommeil et ayant une bonne qualité de sommeil soient plus nombreuses à déclarer avoir une santé mentale positive et moins nombreuses à déclarer avoir une maladie mentale ou des idées suicidaires.
Méthodologie
Données et participants
Nous avons analysé les données tirées de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2015 (ESCC) – Composante annuelleNote de bas de page 35. L’ESCC est une enquête transversale à participation volontaire réalisée par Statistique Canada pour obtenir des estimations représentatives de données sur la santé de la population cible de 12 ans et plus résidant dans les collectivités de l’ensemble des provinces et des territoires du Canada. Nous avons choisi l’ESCC de 2015 car il s’agissait de l’ensemble de données le plus récent comportant diverses mesures du sommeil et de la santé mentale.
Les données de l’ESCC de 2015 ont été recueillies entre janvier et décembre 2015 à l’aide d’entrevues téléphoniques assistées par ordinateur et d’entrevues personnelles assistées par ordinateur. L’ESCC utilise la liste de demandeurs de la Prestation fiscale canadienne pour enfants pour obtenir un échantillon de jeunes de 12 à 17 ans et la base aréolaire de l’Enquête sur la population active au Canada menée auprès des ménages pour obtenir un échantillon d’adultes de 18 ans et plus. L’ESCC exclut les personnes vivant en établissement, les membres à temps plein des Forces canadiennes et les personnes vivant en foyer d’accueil, dans une réserve et dans d’autres peuplements autochtones ou dans deux régions sanitaires du Québec, ces exclusions représentant un peu moins de 3 % de la population canadienne.
Nos analyses se limitent aux répondants de l’Ontario, du Manitoba et de la Saskatchewan, car le module sur le sommeil faisait partie du contenu facultatif dont les questions ont été posées uniquement aux répondants de ces trois provinces (n = 18 683). Le taux de réponse global à l’ESCC de 2015 a été de 57,5 %, et les taux de réponse de l’Ontario, du Manitoba et de la Saskatchewan de respectivement 55,7 %, 63,8 % et 61,5 %.
Mesures
Mesures du sommeil
La durée du sommeil a été évaluée au moyen de la question « Habituellement, combien d’heures dormez-vous chaque nuit? ». Les choix de réponses allaient de « moins de 2 heures » à « 12 heures ou plus », augmentant par tranche d’une heure (par exemple « de 2 heures à moins de 3 heures »). Nous avons créé une variable dichotomique pour identifier les répondants qui respectaient les recommandations sur le sommeil pour leur groupe d’âge, en fonction de la durée de sommeil indiquée dans les Directives canadiennes en matière de mouvement sur 24 heuresNote de bas de page 23Note de bas de page 24. À l’aide des seuils de surveillance suggérés pour fixer le respect des recommandations qui ont été publiés dans les Directives canadiennes en matière de mouvement sur 24 heuresNote de bas de page 24, nous avons défini le respect des recommandations sur la durée du sommeil chez les adultes de 18 à 64 ans (soit 7 à 9 heures de sommeil par nuit) comme étant de 7 heures 0 minute à 9 heures 59 minutes (ce qui correspond aux options de réponse allant « de 7 heures à moins de 8 heures » à « de 9 heures à moins de 10 heures »), et le respect des recommandations sur la durée du sommeil chez les adultes de 65 ans et plus (soit 7 à 8 heures de sommeil par nuit) comme étant de 7 heures 0 minute à 8 heures 59 minutes (ce qui correspond aux options de réponse allant « de 7 heures à moins de 8 heures » à « de 8 heures à moins de 9 heures »).
Les seuils de surveillance suggérés pour déterminer le respect des recommandations sur le sommeil ne sont pas aussi précis pour les jeunes (c’est‑à‑dire qu’ils ne contiennent pas de nombre exact de minutes)Note de bas de page 23. Nous avons utilisé une approche cohérente avec celle utilisée pour les adultes : nous avons défini le respect des recommandations sur la durée du sommeil chez les jeunes de 12 à 13 ans (soit 9 à 11 heures de sommeil par nuit) comme étant de 9 heures 0 minute à 11 heures 59 minutes (ce qui correspond aux options de réponse allant « de 9 heures à moins de 10 heures » à « de 11 heures à moins de 12 heures »), et le respect des recommandations sur la durée du sommeil chez les jeunes de 14 à 17 ans (soit 8 à 10 heures de sommeil par nuit) comme étant de 8 heures 0 minute à 10 heures 59 minutes (ce qui correspond aux options de réponse allant « de 8 heures à moins de 9 heures » à « de 10 heures à moins de 11 heures »). Les personnes ayant déclaré un nombre d’heures supérieur ou inférieur aux intervalles recommandés ont été considérées comme ne respectant pas les recommandations.
Le premier indicateur de qualité du sommeil a été évalué au moyen de la question « À quelle fréquence avez-vous des problèmes à vous endormir ou à rester endormi? ». Les choix de réponses étaient « jamais », « rarement », « parfois », « la plupart du temps » et « tout le temps ». À l’instar des indicateurs de l’activité physique, du comportement sédentaire et du sommeil (APCSS) ainsi que des recherches antérieuresNote de bas de page 2Note de bas de page 21Note de bas de page 36Note de bas de page 37, les répondants ayant répondu « jamais », « rarement » ou « parfois » ont été considérés comme ayant peu de difficultés à s’endormir ou à rester endormis.
Le second indicateur de qualité du sommeil a été évalué au moyen de la question « À quelle fréquence votre sommeil est-il réparateur? » Les choix de réponses étaient « jamais », « rarement », « parfois », « la plupart du temps » et « tout le temps ». Conformément au codage de notre premier indicateur de la qualité du sommeil, les répondants ayant répondu « la plupart du temps » ou « tout le temps » ont été considérés comme ayant un sommeil réparateur.
Mesures de la maladie mentale et des idées suicidaires
Les quatre mesures de la maladie mentale et des idées suicidaires utilisées dans cette étude l’ont été précédemment par l’Agence de la santé publique du Canada pour la production de rapports sur des initiatives comme l’Outil de données sur les inégalités en santéNote de bas de page 38.
On a demandé aux répondants s’ils avaient reçu de la part d’un professionnel de la santé un diagnostic relativement à diverses affections ayant duré ou susceptibles de durer au moins 6 mois. L’une des questions était « Êtes-vous atteint d’un trouble de l’humeur tel que la dépression, le trouble bipolaire, la manie ou la dysthymie? ». Les répondants ayant répondu « oui » ont été considérés comme atteints d’un trouble de l’humeurNote de bas de page 38. On a également posé la question suivante aux répondants : « Êtes-vous atteint d’un trouble d’anxiété tel qu’une phobie, un trouble obsessionnel compulsif ou un trouble panique? ». Les répondants ayant répondu « oui » ont été considérés comme atteints d’un trouble d’anxiétéNote de bas de page 38.
Des questions sur les idées suicidaires récentes ou au cours de la vie ont été posées aux répondants de 15 ans et plus. Les antécédents d’idées suicidaires au cours de la vie ont été évalués à l’aide de la question « Avez-vous déjà sérieusement songé à vous suicider? ». Les personnes ayant répondu « oui » ont été considérées comme ayant des antécédents d’idées suicidaires au cours de leur vieNote de bas de page 38Note de bas de page 39Note de bas de page 40. On a posé la question suivante aux personnes ayant répondu « oui » : « Est-ce que cela s’est produit au cours des 12 derniers mois? ». Les personnes ayant répondu « oui » à cette seconde question ont été considérées comme ayant eu des idées suicidaires récemmentNote de bas de page 38Note de bas de page 39Note de bas de page 40. En raison des petits ensembles de données obtenus, nous avons tenu compte des idées suicidaires récentes dans des analyses globales et stratifiées selon le sexe, mais pas dans des analyses stratifiées selon l’âge.
Mesures d’une santé mentale positive
Les cinq mesures d’une santé mentale positive prises en compte dans cette étude ont déjà été utilisées par l’ASPC pour assurer le suivi de la santé mentale positive des Canadiens au moyen du Cadre d’indicateurs de surveillance de la santé mentale positive (CISSMP)Note de bas de page 41Note de bas de page 42.
La santé mentale autoévaluée a été mesurée à l’aide de la question « En général, diriez-vous que votre santé mentale est...? ». Les choix de réponses étaient « excellente », « très bonne », « bonne », « médiocre » et « mauvaise ». Les répondants qui avaient répondu « excellente » ou « très bonne » ont été considérés comme ayant une bonne santé mentale autoévaluée.
La satisfaction à l’égard de la vie a été mesurée à l’aide de la question « Au cours du dernier mois, à quelle fréquence vous êtes-vous senti satisfait à l’égard de votre vie? ». Cette question était fondée sur le Continuum de santé mentale – Questionnaire abrégé (CSM‑QA)Note de bas de page 43. Les choix de réponses pour le CSM-QA étaient « tous les jours », « presque tous les jours », « environ deux ou trois fois par semaine », « environ une fois par semaine », « une fois ou deux » ou « jamais ». Les personnes ayant répondu « tous les jours » ou « presque tous les jours » ont été considérées comme ayant une grande satisfaction à l’égard de la vieNote de bas de page 41.
Le niveau de bonheur a été mesuré à l’aide de la question « Au cours du dernier mois, à quelle fréquence vous êtes-vous senti heureux? » fondée sur le CSM‑QANote de bas de page 43. Les personnes ayant répondu « tous les jours » ou « presque tous les jours » ont été considérées comme ayant un niveau élevé de bonheurNote de bas de page 41.
Le bien‑être psychologique a été mesuré à l’aide de six items du CSM‑QA, qui portaient sur les sentiments d’acceptation de soi, de maîtrise de l’environnement, d’épanouissement personnel, d’autonomie, sur le fait d’avoir un but dans la vie ainsi que sur les relations positives avec les autres au cours du dernier moisNote de bas de page 43. Conformément au CISSMP chez les adultes et aux recherches antérieuresNote de bas de page 41Note de bas de page 42Note de bas de page 44, nous avons converti les choix de réponses en nombre de jours au cours du dernier mois de la façon suivante : « tous les jours » correspondant à 28 jours (4 semaines × 7 jours par semaine), « presque tous les jours » correspondant à 20 jours (4 semaines × 5 jours par semaine), « environ deux ou trois fois par semaine » correspondant à 10 jours (4 semaines × 2,5 jours par semaine) « environ une fois par semaine » correspondant à 4 jours (4 semaines × 1 jour par semaine), « une fois ou deux » correspondant à 1,5 jour et « jamais » correspondant à 0 jour. Nous avons généré les notes moyennes après conversion des choix de réponses, et les personnes ayant obtenu une note de 20 ou plus (correspondant au fait d’éprouver un sentiment de bien‑être psychologique, en moyenne, « presque tous les jours » ou plus souvent) ont été considérées comme ayant un niveau élevé de bien‑être psychologique.
Le sentiment d’appartenance à la communauté a été évalué à l’aide de la question « Comment décririez-vous votre sentiment d’appartenance à votre communauté locale? Diriez-vous qu’il est...? ». Les choix de réponses étaient « très fort », « plutôt fort », « plutôt faible » et « très faible ». Les personnes ayant répondu « très fort » ou « plutôt fort » ont été considérées comme ayant un fort sentiment d’appartenance à la communauté.
Covariables
Les données ont été ajustées pour tenir compte de plusieurs variables sociodémographiques clés dans les analyses de régression logistique : sexe (homme, femme); âge (jeunes de 12 à 17 ans, adultes de 18 à 64 ans, aînés de 65 ans et plus), statut d’immigrant (oui, non), quintile de suffisance de revenu pour le ménage (fondé sur le ratio du revenu du ménage du répondant ajusté pour tenir compte du seuil de faible revenu établi pour la taille de la collectivité et du ménage), milieu de résidence (centre urbain, zone rurale) et membre d’un groupe dit racisé (oui, non).
Les personnes ayant déclaré être nées au Canada ont été considérées comme non immigrantes, et les résidents non permanents ainsi que les immigrants reçus comme immigrants. Le revenu du ménage a été déclaré par le répondant (ou dans le cas des jeunes, par la « la personne la mieux renseignée ») ou imputé par Statistique Canada. Les centres urbains correspondent aux zones ayant une densité de population d’au moins 400 habitants/kmNote de bas de page 2 et une concentration de population d’au moins 1000 habitants.
Les répondants qui se sont identifiés comme Blancs ont été considérés comme ne faisant pas partie d’un groupe dit racisé et ceux qui ont indiqué avoir une autre origine ethnique ou culturelle (par ex. sud-asiatique, chinoise, noire) ont été considérés comme faisant partie d’un groupe dit racisé. (Les répondants qui se sont identifiés comme étant membres d’une Première Nation, Métis ou Inuit n’avaient pas à répondre à cette question au sujet de leur origine ethnique ou culturelle et ont été exclus des analyses de régression.)
Ces covariables ont été sélectionnées a priori, car les outils de surveillance de l’ASPC ventilent souvent les résultats en fonction des caractéristiques sociodémographiques, de manière à révéler les inégalités relatives aux résultats pour la santé au sein de ces groupesNote de bas de page 2Note de bas de page 38Note de bas de page 39Note de bas de page 42Note de bas de page 45.
Analyses statistiques
Les statistiques descriptives de l’échantillon admissible sont présentées à l’aide de pourcentages pondérés avec un intervalle de confiance (IC) à 95 %. Des analyses de régression logistique non ajustées et des analyses de régression ajustées pour les covariables ont été réalisées pour étudier les associations entre les variables du sommeil et les résultats en matière de santé mentale. Ces analyses de régression n’ont inclus que les personnes ayant fourni des données complètes pour toutes les variables à l’étude, soit 89,2 % des participants admissibles (n = 16 674), et les répondants ayant fourni la réponse « ne sais pas » ou n’ayant pas répondu à au moins une question ont été retirés de ces analyses. Les rapports de cotes (RC) avec IC à 95 % n’incluant pas la valeur 1,00 ont été jugés statistiquement significatifs.
Pour tenir compte de la complexité du plan d’enquête, nous avons utilisé les poids d’échantillonnage de Statistique Canada pour générer des estimations représentatives de la populationNote de bas de page 35 et nous avons estimé les variances à l’aide de poids bootstrap, qui ont également été fournis par Statistique Canada. Nous avons calculé les estimations globales ainsi que les résultats stratifiés selon le sexe (homme, femme) et l’âge (jeunes de 12 à 17 ans, adultes de 18 à 64 ans et aînés de 65 ans et plus).
Les analyses ont été réalisées à l’aide du logiciel SAS Enterprise Guide, version 7.1 (SAS Institute, Cary, Caroline du Nord, États‑Unis).
Résultats
Les statistiques descriptives (caractéristiques sociodémographiques, mesures du sommeil, mesures d’une santé mentale positive et mesures de la maladie mentale et des idées suicidaires) sont présentées dans le tableau 1. La plupart des répondants ont déclaré avoir une bonne qualité de sommeil : 85,3 % ont signalé avoir peu de difficultés à s’endormir ou à rester endormis et 61,9 % ont indiqué avoir un sommeil réparateur. La moitié (51,0 %) des répondants respectaient les recommandations sur la durée du sommeil relatives à leur groupe d’âge.
Variables | %Note de bas de page a | LI – IC à 95 % | LS – IC à 95 % |
---|---|---|---|
Caractéristiques sociodémographiques | |||
Sexe (n = 18 683) | |||
Homme | 48,9 | 48,6 | 49,1 |
Femme | 51,1 | 50,9 | 51,4 |
Province (n = 18 683) | |||
Ontario | 86,0 | 85,8 | 86,1 |
Manitoba | 7,5 | 7,4 | 7,6 |
Saskatchewan | 6,5 | 6,4 | 6,6 |
Groupe d’âge (ans) (n = 18 683) | |||
12 à 17 | 7,6 | 7,4 | 7,7 |
18 à 24 | 11,1 | 10,3 | 11,9 |
25 à 44 | 31,5 | 30,4 | 32,5 |
45 à 64 | 33,3 | 32,6 | 34,0 |
65 et plus | 16,5 | 16,3 | 16,8 |
Statut vis-à-vis de l’immigration (n = 18 342) | |||
Immigrant | 30,7 | 29,4 | 32,0 |
Non immigrant | 69,3 | 68,0 | 70,6 |
Membre d’un groupe dit raciséNote de bas de page b (n = 17 264) | |||
Non | 73,4 | 72,2 | 74,7 |
Oui | 26,6 | 25,3 | 27,8 |
Quintile de suffisance de revenu pour le ménage (n = 18 646) | |||
Q1 (revenu le plus faible) | 19,9 | 18,8 | 21,0 |
Q2 | 19,7 | 18,7 | 20,8 |
Q3 | 20,1 | 19,1 | 21,1 |
Q4 | 20,1 | 19,1 | 21,1 |
Q5 (revenu le plus élevé) | 20,2 | 19,1 | 21,2 |
Milieu de résidence (n = 18 683) | |||
Centre urbain | 84,9 | 83,9 | 85,8 |
Zone rurale | 15,1 | 14,2 | 16,1 |
Mesures du sommeil | |||
Durée du sommeil, heures (n = 18 683) | |||
Moins de 3Note de bas de page d heures | 0,7Note de bas de page c | 0,4 | 0,9 |
De 3 heures à moins de 4 heures | 1,3 | 1,1 | 1,6 |
De 4 heures à moins de 5 heures | 3,8 | 3,4 | 4,3 |
De 5 heures à moins de 6 heures | 11,6 | 10,7 | 12,4 |
De 6 heures à moins de 7 heures | 26,7 | 25,6 | 27,9 |
De 7 heures à moins de 8 heures | 32,9 | 31,7 | 34,1 |
De 8 heures à moins de 9 heures | 17,4 | 16,5 | 18,3 |
De 9 heures à moins de 10 heures | 3,6 | 3,1 | 4,1 |
De 10 heures à moins de 11 heures | 1,2 | 1,0 | 1,5 |
De 11 heures à moins de 12 heures | 0,4Note de bas de page c | 0,3 | 0,5 |
12 heures ou plus | 0,4Note de bas de page c | 0,2 | 0,5 |
Respect des recommandations sur la durée du sommeil (n = 18 683) | |||
Oui | 51,0 | 49,7 | 52,3 |
Non | 49,0 | 47,7 | 50,3 |
Difficulté à dormir (n = 18 683) | |||
Peu de difficultés | 85,3 | 84,4 | 86,2 |
Jamais | 26,7 | 25,5 | 28,0 |
Rarement | 29,1 | 28,0 | 30,3 |
Parfois | 29,4 | 28,3 | 30,6 |
Difficultés fréquentes | 14,7 | 13,8 | 15,6 |
La plupart du temps | 10,5 | 9,8 | 11,3 |
Tout le temps | 4,2 | 3,7 | 4,6 |
Sommeil réparateur (n = 18 683) | |||
Oui | 61,9 | 60,7 | 63,1 |
La plupart du temps | 44,6 | 43,4 | 45,9 |
Tout le temps | 17,2 | 16,2 | 18,3 |
Non | 38,1 | 36,9 | 39,3 |
Jamais | 4,1 | 3,6 | 4,6 |
Rarement | 10,1 | 9,3 | 10,8 |
Parfois | 24,0 | 22,9 | 25,1 |
Mesures de la maladie mentale et des idées suicidaires | |||
Trouble de l’humeur (n = 18 644) | |||
Oui | 8,1 | 7,4 | 8,7 |
Non | 91,9 | 91,3 | 92,6 |
Trouble d’anxiété (n = 18 652) | |||
Oui | 8,0 | 7,3 | 8,7 |
Non | 92,0 | 91,3 | 92,7 |
Idées suicidaires au cours de la vieNote de bas de page e (n = 17 790) | |||
Oui | 10,8 | 10,0 | 11,5 |
Non | 89,2 | 88,5 | 90,0 |
Idées suicidaires dans les 12 derniers moisNote de bas de page e (n = 17 785) | |||
Oui | 2,2 | 1,8 | 2,5 |
Non | 97,8 | 97,5 | 98,2 |
Mesures d’une santé mentale positive | |||
Bonne SMAE (n = 18 642) | 72,4 | 71,2 | 73,6 |
Grande satisfaction à l’égard de la vie (n = 18 465) | 87,4 | 86,4 | 88,3 |
Niveau élevé de bonheur (n = 18 487) | 86,2 | 85,2 | 87,1 |
Niveau élevé de bien-être psychologique (n = 18 683) | 70,9 | 69,7 | 72,1 |
Fort sentiment d’appartenance à la communauté (n = 18 442) | 70,6 | 69,4 | 71,9 |
De faibles proportions de personnes ont signalé avoir eu des idées suicidaires au cours de leur vie (10,8 %), avoir eu des idées suicidaires au cours des 12 derniers mois (2,2 %) et avoir reçu un diagnostic de trouble de l’humeur (8,1 %) ou de trouble d’anxiété (8,0 %). La plupart des répondants ont indiqué avoir une bonne santé mentale autoévaluée (72,4 %), une grande satisfaction à l’égard de la vie (87,4 %), un niveau élevé de bien‑être psychologique (70,9 %) et un fort sentiment d’appartenance à la communauté (70,6 %) ainsi qu’un niveau élevé de bonheur (86,2 %).
Les statistiques descriptives stratifiées selon le sexe et l’âge (mesures du sommeil, d’une santé mentale positive ainsi que de la maladie mentale et des idées suicidaires) sont présentées dans le tableau 2.
Mesures | Hommes (n = 8 525) |
Femmes (n = 10 158) |
JeunesNote de bas de page a (n = 1 573) |
AdultesNote de bas de page b (n = 12 313) |
AînésNote de bas de page c (n = 4 797) |
||||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
%Note de bas de page d | LI – IC à 95 % | LS – IC à 95 % | %Note de bas de page d | LI – IC à 95 % |
LS – IC à 95 % | %Note de bas de page d | LI – IC à 95 % |
LS – IC à 95 % | %Note de bas de page d | LI – IC à 95 % | LS – IC à 95 % | %Note de bas de page d | LI – IC à 95 % | LS – IC à 95 % | |
Sommeil | |||||||||||||||
Respect des recommandations sur la durée du sommeil | 50,9 | 49,0 | 52,7 | 51,1 | 49,3 | 52,9 | 43,7 | 40,0 | 47,4 | 52,1 | 50,5 | 53,6 | 49,3 | 46,8 | 51,9 |
Peu de difficultés à dormir | 88,5 | 87,4 | 89,6 | 82,2 | 80,9 | 83,5 | 91,3 | 89,5 | 93,1 | 84,8 | 83,7 | 85,8 | 84,9 | 83,2 | 86,6 |
Sommeil réparateur | 65,2 | 63,5 | 66,9 | 58,7 | 57,0 | 60,4 | 69,3 | 66,1 | 72,6 | 59,0 | 57,4 | 60,5 | 71,9 | 69,7 | 74,1 |
Maladie mentale et idées suicidaires | |||||||||||||||
Trouble de l’humeur | 6,1 | 5,2 | 7,0 | 10,0 | 9,0 | 10,9 | 5,3 | 3,8 | 6,9 | 8,7 | 7,9 | 9,6 | 6,2 | 5,2 | 7,2 |
Trouble d’anxiété | 5,5 | 4,7 | 6,3 | 10,4 | 9,3 | 11,4 | 7,7 | 5,6 | 9,9 | 8,6 | 7,8 | 9,5 | 5,2 | 4,2 | 6,1 |
Idées suicidaires au cours de la vieNote de bas de page e | 8,6 | 7,6 | 9,7 | 12,8 | 11,8 | 13,9 | 9,7 | 7,2 | 12,2 | 11,8 | 10,9 | 12,7 | 6,3 | 5,4 | 7,2 |
Idées suicidaires dans les 12 derniers moisNote de bas de page e | 1,4 | 1,0 | 1,7 | 2,9 | 2,3 | 3,5 | s.o. | s.o. | s.o. | s.o. | s.o. | s.o. | s.o. | s.o. | s.o. |
Santé mentale positive | |||||||||||||||
Bonne SMAE | 74,1 | 72,5 | 75,7 | 70,8 | 69,2 | 72,4 | 76,5 | 73,4 | 79,6 | 72,5 | 71,1 | 74,0 | 69,9 | 67,8 | 72,1 |
Grande satisfaction à l’égard de la vie | 87,5 | 86,0 | 88,9 | 87,3 | 86,0 | 88,5 | 91,7 | 89,5 | 93,9 | 86,1 | 85,0 | 87,3 | 91,1 | 89,8 | 92,5 |
Niveau élevé de bonheur | 86,5 | 85,1 | 87,9 | 85,9 | 84,6 | 87,1 | 92,2 | 90,4 | 94,1 | 85,3 | 84,1 | 86,5 | 87,6 | 86,0 | 89,2 |
Niveau élevé de bien-être psychologique | 71,8 | 70,0 | 73,6 | 70,0 | 68,5 | 71,6 | 73,7 | 70,7 | 76,7 | 71,5 | 70,0 | 73,0 | 66,9 | 64,5 | 69,2 |
Fort sentiment d’appartenance à la communauté | 70,3 | 68,4 | 72,1 | 71,0 | 69,4 | 72,6 | 84,5 | 81,6 | 87,3 | 67,9 | 66,4 | 69,4 | 77,0 | 74,7 | 79,3 |
Recommandations sur la durée du sommeil et santé mentale
Comparativement au fait de ne pas respecter les recommandations, le fait de respecter les recommandations sur la durée du sommeil était associé à une probabilité globale plus faible pour toutes les variables de maladie mentale et d’idées suicidaires et à une probabilité globale plus élevée pour toutes les variables d’une santé mentale positive, avant et après l’ajustement pour les covariables (tableau 3).
Dans les analyses stratifiées selon le sexe, le respect des recommandations sur la durée du sommeil était associé à une probabilité plus faible de déclarer avoir reçu un diagnostic de trouble d’anxiété et d’idées suicidaires à vie et à une probabilité plus élevée de déclarer une bonne santé mentale autoévaluée, une grande satisfaction à l’égard de la vie et un niveau élevé de bonheur dans les analyses non ajustées et dans les analyses ajustées, tant chez les hommes que chez les femmes. Les femmes (mais pas les hommes) qui respectaient les recommandations sur le sommeil étaient moins susceptibles d’avoir reçu un diagnostic de trouble de l’humeur et de déclarer avoir eu des idées suicidaires au cours des 12 derniers mois et plus susceptibles de déclarer un niveau élevé de bien‑être psychologique tant dans les analyses non ajustées que dans les analyses ajustées. Les hommes (mais pas les femmes) qui respectaient les recommandations sur le sommeil étaient plus susceptibles de déclarer un fort sentiment d’appartenance à la communauté dans les analyses non ajustées et dans les analyses ajustées (tableau 3).
Le respect des recommandations sur le sommeil était associé à une probabilité plus élevée de faire état d’une bonne santé mentale autoévaluée et d’un fort sentiment d’appartenance à la communauté chez tous les groupes d’âge dans les analyses non ajustées et dans les analyses ajustées. Chez les jeunes, le respect des recommandations sur le sommeil était également associé à une probabilité plus faible de déclarer avoir eu des idées suicidaires au cours de la vie ainsi qu’à une probabilité plus élevée de déclarer un niveau élevé de bonheur dans les analyses non ajustées et dans les analyses ajustées, et un niveau élevé de bien‑être psychologique dans les analyses non ajustées. Chez les adultes, le respect des recommandations sur le sommeil était associé à une probabilité plus faible de toutes les variables de maladie mentale et d’idées suicidaires et à une probabilité plus élevée de toutes les variables d’une santé mentale positive dans les analyses non ajustées et dans les analyses ajustées. Chez les aînés, le respect des recommandations sur le sommeil était également associé à une probabilité plus élevée de déclarer une grande satisfaction à l’égard de la vie et un niveau élevé de bonheur dans les analyses non ajustées et dans les analyses ajustées (tableau 4).
Qualité du sommeil et santé mentale
Le fait de déclarer avoir une bonne qualité de sommeil (mesurée par l’un ou l’autre des indicateurs de la qualité du sommeil) était associé à une probabilité globale plus faible de toutes les variables de maladie mentale et d’idées suicidaires et à une probabilité plus élevée de toutes les variables d’une santé mentale positive dans les analyses non ajustées et ajustées. Toutes les associations observées dans les analyses non ajustées et dans les analyses ajustées sont demeurées statistiquement significatives après la stratification des résultats selon le sexe et le groupe d’âge (tableaux 5, 6, 7 et 8).
Analyse
Nous avons analysé les associations entre la durée du sommeil et plusieurs indicateurs d’une santé mentale positive ainsi que de maladie mentale et d’idées suicidaires auprès d’un vaste échantillon de Canadiens vivant en Ontario, au Manitoba et en Saskatchewan. De façon générale, une bonne qualité de sommeil et le respect des recommandations sur la durée du sommeil étaient associés de façon positive aux résultats d’une santé mentale positive et de façon négative aux résultats de maladie mentale et d’idées suicidaires. Les associations entre les mesures de la qualité du sommeil et les résultats d’une santé mentale positive ainsi que de maladie mentale et d’idées suicidaires étaient comparables chez les deux sexes et dans tous les groupes d’âge, tandis qu’un manque d’uniformité a été relevé dans les associations entre le respect des recommandations sur la durée du sommeil et certains résultats en matière de santé mentale dans les analyses stratifiées selon le sexe et l’âge.
Un sommeil de mauvaise qualité était fréquent chez les participants à cette étude : plus du dixième de la population a déclaré avoir fréquemment des difficultés à s’endormir ou à rester endormi, et plus du tiers a déclaré avoir rarement un sommeil réparateur. Il s’agit d’un enjeu préoccupant, car nos résultats révèlent des associations fortes et uniformes entre, d’une part, le fait d’avoir une bonne qualité de sommeil et, d’autre part, une probabilité plus élevée de santé mentale positive et une probabilité plus faible de maladie mentale et d’idées suicidaires chez les deux sexes et dans tous les groupes d’âge. D’autres études canadiennes révèlent également des associations entre, d’une part, un sommeil de mauvaise qualité et, d’autre part, une insatisfaction à l’égard de la vie, une piètre santé mentale autoévaluée et un faible sentiment d’appartenance à la communauté chez les 18 ans et plus de la Nouvelle‑Écosse, du Québec, du Manitoba, de l’Alberta et du YukonNote de bas de page 21; des symptômes de dépression et d’anxiété chez le personnel de la sécurité publiqueNote de bas de page 16 et des niveaux plus élevés de problèmes d’intériorisation chez les filles de 12 à 15 ans et chez les garçons de 12 à 13 ans, selon une analyse transversaleNote de bas de page 46. Des recherches longitudinales sur ces relations et leurs mécanismes possibles sont nécessaires, car de plus en plus de données probantes donnent à penser que les associations entre la qualité du sommeil et la santé mentale sont complexes et bidirectionnellesNote de bas de page 47Note de bas de page 48. Par exemple, selon des recherches menées en Suède et au Royaume‑Uni, la présence de dépression et d’anxiété au début de l’étude était associée à des troubles du sommeil 12 mois plus tard, et la présence de troubles du sommeil au début de l’étude permettait également de prédire une dépression et une anxiété subséquentesNote de bas de page 47Note de bas de page 48.
Il existe peu d’études canadiennes portant sur les associations entre, d’une part, d’autres mesures de la qualité du sommeil et, d’autre part, une santé mentale positive et la maladie mentale et les idées suicidaires. Les recherches menées auprès d’adolescents en Ontario semblant indiquer que la somnolence diurne est fréquente et qu’elle pourrait être associée à des résultats moins favorablesNote de bas de page 49. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour déterminer comment d’autres mesures pourraient être associées à la santé mentale. Il demeure que cette étude contribue à la recherche, grâce à l’analyse d’un éventail d’associations entre, d’une part, la durée et la qualité du sommeil et, d’autre part, les indicateurs d’une santé mentale positive ainsi que de maladie mentale et d’idées suicidaires, selon le sexe et le groupe d’âge. Les résultats de l’étude s’ajoutent aux données probantes dont on dispose et permettent de combler des lacunes dans ce domaine de recherche, lacunes mises en évidence ailleursNote de bas de page 23Note de bas de page 24.
Environ la moitié des 12 ans et plus de l’Ontario, du Manitoba et de la Saskatchewan respectaient les recommandations sur la durée du sommeil, ce qui représente une diminution par rapport à la proportion des 66 % de répondants qui avait été estimée précédemment dans l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé de 2014-2015Note de bas de page 1. Cet écart pourrait être attribuable aux différences entre les populations échantillonnées (personnes vivant dans des provinces différentes par exemple), à la formulation des questions (comme « chaque nuit » plutôt que « pendant une période de 24 heures »), aux choix de réponses (par exemple l’utilisation de variables catégorielles plutôt que de variables continues), etc. Nous avons constaté que le respect des recommandations sur la durée du sommeil était généralement associé à une probabilité plus élevée de santé mentale positive et à une probabilité plus faible de maladie mentale et d’idées suicidaires, mais ces associations n’étaient pas uniformes chez les deux sexes et dans l’ensemble des groupes d’âge.
Certaines études canadiennes ont fait état d’un manque d’uniformité dans les associations entre, d’une part, des durées de sommeil courtes et longues et, d’autre part, des résultats sur la santé mentale autoévaluée et le sentiment d’appartenance à la communautéNote de bas de page 13Note de bas de page 21, la dépressionNote de bas de page 14 et la satisfaction à l’égard de la vie au sein de la population généraleNote de bas de page 21 ainsi que sur la santé mentale autoévaluée et la satisfaction à l’égard de la vie chez les personnes atteintes de troubles de l’humeur et de troubles d’anxiétéNote de bas de page 22. Ce manque d’uniformité peut être attribuable à des différences dans la conception et l’opérationnalisation des mesures du sommeil ou des résultats en matière de santé mentale, étant donné que certaines études utilisent des méthodes de notation, des instruments ou des dispositifs différents ou encore des seuils différents pour mesurer les durées de sommeil courtes, moyennes et longues, par exempleNote de bas de page 14Note de bas de page 21Note de bas de page 22. De plus, l’association entre la durée du sommeil et le bien‑être peut être influencée par d’autres indicateurs, dont la qualité du sommeilNote de bas de page 50. Étant donné que les associations entre la durée et la qualité du sommeil et la santé mentale peuvent être complexes et bidirectionnelles, des recherches longitudinales sur ces relations sont nécessaires. Selon une première étude menée auprès de jeunes de la Colombie‑Britannique et de l’Ontario, le niveau de bien-être psychologique s’est amélioré en un an chez les participants ayant commencé à respecter les recommandations sur la durée du sommeilNote de bas de page 51.
Points forts et limites
Cette étude comporte plusieurs points forts. L’utilisation de données issues d’un échantillon de grande taille représentatif de la population permet d’obtenir une puissance statistique suffisante pour mener des analyses stratifiées selon le sexe et le groupe d’âge sur les associations entre plusieurs mesures du sommeil et les indicateurs d’une santé mentale positive ainsi que de maladie mentale et d’idées suicidaires. Notre analyse de la qualité et de la durée du sommeil est compatible avec les recommandations prônant d’étudier ces deux types de mesures et leurs associations avec la santéNote de bas de page 52, car les deux peuvent être associées de manière différente à la santé mentaleNote de bas de page 53. En effet, comparativement au respect des recommandations sur la durée du sommeil, nos deux mesures de la qualité du sommeil ont constitué des corrélats plus robustes à une santé mentale positive ainsi qu’à la maladie mentale et aux idées suicidaires.
L’étude comporte également des limites. Premièrement, il n’a pas été possible de vérifier la causalité et l’orientation des associations, car les données analysées sont transversales. Deuxièmement, bien que l’ESCC soit menée une fois par année, les seules données que nous pouvions utiliser étaient celles de 2015, en raison de la disponibilité des mesures liées à l’étude, ce qui fait que les associations observées ont pu évoluer au fil du temps. Par exemple, des recherches préliminaires laissent entendre que la qualité du sommeil et une santé mentale positive ont augmenté au sein de plusieurs populations, dont la population canadienne, pendant la pandémie de COVID‑19Note de bas de page 54Note de bas de page 55Note de bas de page 56, ce qui pourrait avoir une influence sur les associations entre le sommeil et la santé mentale. Par ailleurs, cette étude analyse des données plus récentes que celles de plusieurs autres études canadiennesNote de bas de page 14Note de bas de page 21, ce qui pourrait fournir des données de référence récentes pour étudier les répercussions de la pandémie de COVID‑19. Les résultats pourraient également orienter les activités de surveillance du sommeil et de la santé mentale ainsi que la collecte et l’analyse de nouvelles données.
Troisièmement, comme les mesures du sommeil ont été recueillies en Ontario, au Manitoba et en Saskatchewan seulement, les résultats ne sont pas représentatifs des autres provinces ou territoires, ou encore des personnes exclues de la collecte de données de l’ESCC ou des analyses de régression (comme les peuples autochtones). Quatrièmement, toutes les mesures étaient autodéclarées et donc sujettes aux biais de rappel ou de désirabilité sociale. Bien qu’il ne soit généralement pas possible de le faire pour la surveillance d’un échantillon de grande taille représentatif de la population en raison du temps et des coûts supplémentaires associés à la collecte des données, on considère que la mesure de la durée et de la qualité du sommeil par des moyens plus détaillés (par exemple la tenue d’un journal du sommeil pendant plusieurs jours) ou objectifs (par exemple l’actigraphie) sont d’une plus grande validité pour l’évaluation de la durée et de la qualité du sommeilNote de bas de page 57. Fait intéressant, les recherches menées au Royaume-Uni qui ont évalué le sommeil de manière plus objective, à l’aide d’accéléromètres, ont révélé une association plus forte et constante entre les diagnostics antérieurs de maladie mentale et les mesures de la qualité du sommeil par rapport à la durée du sommeilNote de bas de page 58.
Cinquièmement, nous avons utilisé dans nos analyses des poids d’échantillonnage qui tiennent compte de l’absence de réponse des ménages et des personnes, mais, compte tenu du taux de réponse, il existe toujours une possibilité que les estimations soient biaisées en raison de problèmes comme l’autosélectionNote de bas de page 59. Sixièmement, les mesures d’une santé mentale positive ainsi que de maladie mentale et d’idées suicidaires ont été analysées sous forme de résultats indépendants dans nos analyses. Or d’autres travaux de recherche ont analysé conjointement la santé mentale positive et la maladie mentale et ont constaté que les jeunes Canadiens qui présentent un niveau élevé de bien-être psychologique et de faibles symptômes de dépression étaient les plus susceptibles de respecter les recommandations sur la durée du sommeil, et que ceux qui présentent un faible niveau de bien‑être psychologique et d’importants symptômes de dépression étaient les moins susceptibles de respecter ces recommandationsNote de bas de page 60.
Septièmement, si les variables avaient été codées différemment, les répondants pour lesquels certaines données étaient manquantes et qui ont été exclus des analyses de régression n’auraient peut-être pas été les mêmes, et les résultats auraient donc pu être différents. Quoi qu’il en soit, les analyses de sensibilité non ajustées et les analyses ajustées (non présentées ici) qui incluaient les répondants dont les données étaient partielles ou qui classaient les mesures de la qualité du sommeil différemment (en incluant les réponses « parfois » dans le groupe présentant fréquemment des difficultés à s’endormir et en incluant les réponses « parfois » dans le groupe indiquant avoir un sommeil réparateur) ont tout de même révélé des associations globales significatives allant dans le sens attendu entre les mesures du sommeil et l’ensemble des résultats en matière de santé mentale positive ainsi que de maladie mentale et d’idées suicidaires. Enfin, nous ne pouvons pas exclure la possibilité que les associations observées aient été influencées par un facteur de confusion résiduel, car d’autres mesures qui ont été associées au sommeil et à la santé mentale n’ont pas été mesurées dans l’ESCC de 2015 (comme l’hygiène du sommeil) ou n’ont pas été prises en compte dans nos analyses (comme l’activité physique)Note de bas de page 61Note de bas de page 62.
Conclusion
Les troubles du sommeil sont répandus chez les Canadiens, et un sommeil de mauvaise qualité et de durée inadéquate a été associé à un niveau inférieur de bien‑être et à des problèmes de santé mentale. Cette étude fait la preuve de fortes associations entre une bonne qualité de sommeil et un risque réduit de maladie mentale et d’idées suicidaires et une meilleure santé mentale positive chez les deux sexes et dans tous les groupes d’âge. Bien que l’association soit moins constante, le respect des recommandations sur la durée du sommeil était aussi généralement associé aux résultats en matière de santé mentale positive ainsi que de maladie mentale et d’idées suicidaires. Des recherches longitudinales supplémentaires sont nécessaires pour vérifier l’orientation de ces associations. Il serait également utile que de futurs travaux de recherche étudient comment le sommeil interagit avec d’autres comportements liés à la santé (comme l’activité physique), en utilisant des mesures du sommeil objectives ou plus détaillées (comme des mesures de la régularité et de la continuité du sommeil) et en évaluant comment la qualité et la durée du sommeil peuvent interagir et avoir des répercussions sur la santé. Les activités de surveillance devraient continuer à être axées sur le suivi des comportements en matière de sommeil et les indicateurs de santé mentale positive ainsi que de maladie mentale et d’idées suicidaires afin d’orienter les stratégies de santé publique visant à promouvoir l’amélioration du sommeil et du bien‑être de la population canadienne.
Conflits d’intérêts
Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.
Contributions des auteurs et avis
RD, CC et MB ont conçu l’étude. ZC a effectué les analyses statistiques et a rédigé la première version du manuscrit. Tous les auteurs ont participé à l’élaboration du plan d’étude et de l’approche analytique et ont également tous contribué à l’interprétation des résultats ainsi qu’à la révision et à la relecture du manuscrit. Tous les auteurs ont approuvé la version finale du manuscrit.
Le contenu de l’article et les points de vue qui y sont exprimés n’engagent que les auteurs; ils ne correspondent pas nécessairement à ceux du gouvernement du Canada.
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