Commentaire – Nourrir notre pensée en matière d’environnement alimentaire au Canada

Lana Vanderlee, Ph. D., rédactrice invitée; Mary R. L’Abbé, Ph. D.

https://doi.org/10.24095/hpcdp.37.9.01f

Rattachement des auteures

Département des sciences de la nutrition, Université de Toronto, Toronto (Ontario), Canada

Correspondance : Lana Vanderlee, Université de Toronto, Département des sciences de la nutrition, 150, College St, Toronto (Ontario) M5S 3E2; tél. : 416‑946‑7545; courriel : lana.vanderlee@utoronto.ca

Dans l’ensemble, les différents milieux dans lesquels nous effectuons nos choix alimentaires ne renforcent pas et ne soutiennent pas les comportements sains. Nos milieux de vie, de travail et de loisirs au Canada échouant à fournir et promouvoir de saines habitudes alimentaires, le pays connaît des taux élevés et croissants de surpoids, d’obésité et de maladies chroniques liés à l’alimentation, et ce, à tous les âges et dans tous les secteurs de la société, avec des taux particulièrement élevés au sein des populations vulnérables (notamment les populations autochtones et les personnes à faible niveau socioéconomique). Swinburn et ses collègues définissent l’environnement alimentaire comme [traduction] « les milieux, possibilités et conditions physiques, économiques, politiques et socioculturels qui ont une influence sur les choix de la population en matière d’aliments, de boissons et d’état nutritionnel »Note de bas de page 1 . La portée de ce qu'on nomme « environnement alimentaire » est vaste et s’applique entre autres domaines à l’accès aux aliments et à la disponibilité alimentaire, à la promotion et à l’établissement des prix des aliments, à l’étiquetage des produits alimentaires, à la qualité nutritionnelle de l’approvisionnement alimentaire et des aliments fournis dans les secteurs public et privé et enfin à l’environnement de la vente au détail des aliments. Ces domaines subissent les influences des principaux acteurs jouant un rôle dans l’établissement d’un environnement alimentaire sain, en particulier le gouvernement (santé, éducation, agriculture, finances et commerce international, entre autres), l’industrie alimentaire et plus largement la société civile.

Plus important encore, les politiques, les interventions et les mesures visant à améliorer l’environnement alimentaire visent aujourd'hui à transférer la responsabilité en matière d'amélioration des habitudes alimentaires depuis l'individu, responsable de ses choix et comportements, vers les facteurs environnementaux collectifs, qui soutiennent (ou découragent) les choix alimentaires sains. Cette approche à l’échelle de la population vise à réorienter les tendances actuelles, tant pour la population à haut risque que pour la population en général, et se concentre sur les interventions à grande portée et à vaste champ d’application, tout en tenant compte de la diversité des facteurs sociaux à l'origine des normes et des structures sociales susceptibles de soutenir ou d'entraver les comportements sains. Un environnement alimentaire axé sur la promotion de la santé contribue à ce que les choix sains constituent non seulement des choix faciles, mais également les choix les plus accessibles, disponibles, abordables et de prédilection pour les consommateursNote de bas de page 2 .

À l’échelle mondiale, on semble assister actuellement à une ouverture considérable en faveur de l’adoption de politiques en matière d'environnement alimentaire. La Déclaration politique de la Réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur la prévention et la maîtrise des maladies non transmissiblesNote de bas de page 3  des Nations unies (ONU) en 2011 a ouvert la voie aux efforts mondiaux de lutte contre les maladies non transmissibles liées à l’alimentation, ce qui a mené au Plan d’action mondial pour la lutte contre les maladies non transmissibles de l’Organisation mondiale de la santé (OMS)Note de bas de page 4 . Ensuite, le Rapport de la Commission pour mettre fin à l’obésité de l’enfantNote de bas de page 5  de l’OMS et les Recommandations sur la commercialisation des aliments et boissons non alcoolisées destinés aux enfantsNote de bas de page 6, entre autres publications et projets importants, ont établi de solides recommandations en matière de politiques afin d’améliorer les caractéristiques de l’environnement alimentaire. Au niveau des pays, le guide alimentaire révolutionnaire du BrésilNote de bas de page 7 , qui offre une vue globale d'une alimentation saine, la taxe d’accise du Mexique sur les boissons sucrées et riches en caloriesNote de bas de page 8  et les politiques globales sur l’étiquetage des denrées alimentaires et le marketing auprès des enfants du ChiliNote de bas de page 9  constituent quelques exemples des politiques d’avant‑garde mises en place pour soutenir et renforcer un environnement alimentaire sain. Au Canada, la mise en oeuvre de la Stratégie en matière de saine alimentationNote de bas de page 10  récemment annoncée positionnera le pays comme chef de file mondial de l’amélioration de l’environnement alimentaire sous toutes ses formes, grâce à des politiques et des programmes globaux et novateurs.

Les numéros spéciaux de septembre et d’octobre de la revue ont pour objet l’examen des diverses caractéristiques de l'environnement alimentaire dans une variété de secteurs et visent à faire connaître diverses possibilités aux principaux acteurs pour qu'ils puissent prendre des mesures en ce domaine. Dans le numéro de septembre, Potvin Kent et ses collèguesNote de bas de page 11  examinent l’orientation santé des céréales pour petit déjeuner disponibles sur le marché alimentaire canadien, aliments habituellement destinés aux enfants et aux familles et qui font l’objet de publicité sur les emballages et dans les principaux médias. Ils ont découvert que le profil nutritionnel des céréales dites destinées aux enfants est d'une qualité particulièrement faible. ProwseNote de bas de page 12  examine les politiques en matière de marketing alimentaire en utilisant une approche fondée sur des paramètres pour déterminer quelles politiques actuellement en place permettent de limiter le pouvoir de la publicité et quels sont les effets de l’exposition sur un public jeune et particulièrement vulnérable à de telles pratiques. Potvin Kent et Prowse font état de diverses possibilités fondées sur des politiques pour réduire les effets du marketing et soulignent la nécessité de s’entendre avec l’industrie alimentaire pour faire progresser l'objectif d’amélioration de la qualité de l’approvisionnement alimentaire.

Jalbert‑Arsenault et ses collèguesNote de bas de page 13  explorent les aspects du marketing et de la promotion des aliments dans les supermarchés, qui constituent l'un des environnements de vente au détail les plus proches des consommateurs et ayant le plus de pouvoir de les influencer sur leurs choix alimentaires au point de vente. Ils ont utilisé un outil élaboré pour mesurer la disponibilité, les prix, la promotion et l’emplacement réservé aux aliments sains (p. ex. les légumes et les fruits) et aux aliments moins sains (c.‑à‑d. les produits alimentaires sur‑transformés et les boissons gazeuses). Le constat d'une grande diversité des environnements de vente au détail entre les diverses chaînes de supermarchés d’un quartier aux revenus faible à moyen de Montréal et d'une forte proportion de gros vendeurs au détail faisant davantage la promotion de produits alimentaires sur‑transformés que de produits alimentaires sains remet en question la définition actuelle des supermarchés comme magasins d’alimentation « santé » et montre que la promotion de la santé au sein des environnements alimentaires de vente au détail est possible.

Orava et ses collèguesNote de bas de page 14  explorent la possibilité de mettre en œuvre des normes obligatoires en matière de nutrition dans les établissements scolaires de l’Ontario afin de promouvoir une saine alimentation chez les élèves au moyen d’une approche globale de la santé en milieu scolaire. Orava constate que si l’environnement physique des écoles peut constituer un soutien à l’alimentation saine, l’environnement social n'est pas uniformément propice à l’amélioration des habitudes alimentaires. La mobilisation des intervenants et des champions au sein des programmes favorise la participation et la mise en œuvre des politiques. L’article fournit un aperçu de l’importance du contexte dans lequel les politiques sont mises en œuvre et de la nécessité d’adopter une approche par politiques pour mettre en œuvre un programme de santé global à l’école afin de promouvoir une alimentation et des comportements sains en milieu scolaire.

Enfin, avec l’activité mondiale croissante en matière de politiques sur l’environnement alimentaire, le suivi est essentiel pour cerner la diffusion des mises en œuvre et évaluer les répercussions des politiques. Dans le numéro de septembre, Boucher et ses collèguesNote de bas de page 15  explorent les indicateurs d’accès aux aliments sains, la littératie alimentaire et les environnements alimentaires utilisant les données publiques déjà recueillies en Ontario et au Canada, et font état des principales lacunes qui empêchent d’effectuer un suivi approfondi en Ontario. Au fur et à mesure que les efforts visant à améliorer l’environnement alimentaire se poursuivent au Canada, des données complètes à l’échelle fédérale, provinciale et municipale vont se révéler de plus en plus indispensables pour cartographier et faire le suivi des progrès accomplis dans l’amélioration de l’environnement et des habitudes alimentaires. Au Canada, Raine et ses collègues ont rédigé un rapport sur les environnements alimentaires sains, actuellement utilisé en Alberta pour surveiller l’état de l’environnement alimentaire et produire des recommandations en matière de mesures à prendreNote de bas de page 16 . Cela fait partie de la tendance en matière de surveillance des environnements alimentaires à l’échelle mondiale, tout comme INFORMAS (International Network for Food and Obesity/Non‑communicable Diseases Research, Monitoring and Action Support), un groupe d’universitaires et d’intervenants du secteur public qui ont collaboré pour établir un ensemble de méthodes communes utilisables pour surveiller les environnements alimentaires à l’échelle mondiale, et actuellement à l’œuvre au CanadaNote de bas de page 1 .

La diversité des articles de ce numéro spécial souligne l’ampleur des travaux menés au Canada pour combler les lacunes et éclairer les politiques en matière de saine alimentation. Les comportements alimentaires constituent le principal facteur de risque comportemental de décès dans le monde, surpassant le tabagisme, la consommation d’alcool et l’inactivité physiqueNote de bas de page 17 . Avec la mise en œuvre au Canada de politiques et d'interventions visant à modifier l’environnement alimentaire en faveur de la promotion de la santé, il va être essentiel de suivre et d’évaluer l'impact de ces efforts pour déterminer quelles orientations prendre pour améliorer le régime alimentaire et la santé des Canadiens.

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