Rapport d’étape – Indicateurs géographiques de l’environnement alimentaire de la vente au détail pour l’intervention en santé publique

Ahalya Mahendra, M. Sc. S. Note de fin de document 1; Jane Y. Polsky, Ph. D. Note de fin de document 2; Éric Robitaille, Ph. D. Note de fin de document 3; Marc Lefebvre, M.A. Note de fin de document 4; Tina McBrien, MScCH Note de fin de document 5; Leia M. Minaker, Ph. D. Note de fin de document 6

https://doi.org/10.24095/hpcdp.37.10.06f

Correspondance : Ahalya Mahendra, Agence de la santé publique du Canada, 180, rue Queen Ouest, 11e étage, Toronto (Ontario)  M5V 3L7; tél. : 416-954-5036; téléc. : 416-973-0009; courriel : ahalya.mahendra@phac-aspc.gc.ca

Résumé

Le groupe de travail sur les indicateurs de base de l’Association des épidémiologistes en santé publique de l’Ontario (AESPO) a pour mandat d’uniformiser les définitions et les méthodes de calcul de plus de 120 indicateurs de la santé publique dans le but de fournir un cadre précis et commun à l’ensemble des bureaux de santé publique de l’Ontario pour la production de rapports sur l’état de santé des communautés. Le sous-groupe chargé de l’environnement bâti est une équipe multidisciplinaire composée de planificateurs, de chercheurs, d’analystes des politiques, de diététistes agréés, d’analystes de système d’information géographique (SIG) et d’épidémiologistes. Le sous-groupe a sélectionné et opérationnalisé un certain nombre d’indicateurs objectifs et uniformes en vue d’aider les bureaux de santé publique et les autorités sanitaires régionales à évaluer les environnements alimentaires de vente au détail de leur communauté. Le sous-groupe a proposé trois indicateurs s’appuyant sur des sources de données facilement accessibles et sur des données obtenues par suite d’analyses SIG  pour caractériser l’accessibilité géographique à divers types de commerces d’alimentation au détail dans des quartiers urbains. Le présent article propose un rapport d’étape sur la mise au point de ces indicateurs de l’environnement alimentaire.

Mots-clés : mesure, environnement alimentaire, environnements urbains, commerce de détail alimentaire, environnement bâti

Points saillants

  • La communauté scientifique reconnaît de plus en plus les facteurs environnementaux (p. ex. l’accès facile aux détaillants d’aliments malsains dans les communautés) comme d’importants déterminants des choix alimentaires  et des résultats sur la santé liés à l'alimentation, notamment l’obésité.
  • Les méthodes de mesure de l’environnement alimentaire manquent d’uniformité, ce qui pose des problèmes dans les nombreux territoires et provinces du Canada qui projettent d’instaurer des politiques visant à façonner un environnement alimentaire sain.
  • Cet article propose un rapport d’étape sur les récents travaux entrepris pour mettre au point un ensemble d’indicateurs (mesures) uniformes et objectifs destinés à aider les bureaux de santé publique et les autorités sanitaires régionales à évaluer les environnements alimentaires de vente au détail des communautés en milieu urbain.
  • Trois indicateurs ont été retenus pour évaluer les différentes composantes de l’environnement alimentaire communautaire : (1) l’intensité (densité) des commerces alimentaires; (2) la densité relative des commerces d’alimentation moins saine et (3) la proximité des commerces alimentaires pour la population de secteurs précis.

Introduction

Part importante du fardeau de la maladie au Canada, la mauvaise alimentation et l’excès de poids s’inscrivent parmi les enjeux de santé publique les plus pressants de l’heureNote de bas de page 1,Note de bas de page 2,Note de bas de page 3,Note de bas de page 4. La qualité des aliments consommés par une vaste majorité de Canadiens laisse à désirerNote de bas de page 5, sans compter que la prévalence de l’obésité a triplé depuis les trente dernières annéesNote de bas de page 6. Entre 2011 et 2012, le quart de la population, soit 6,3 millions de Canadiens, était obèseNote de bas de page 7, et entre 2012 et 2013, 62 % des adultes au pays présentaient un surpoids ou étaient obèses d’après les mesures de poids et de tailleNote de bas de page 8. Les habitudes alimentaires et le poids corporel sont des variables complexes qui font intervenir une variété de facteurs biologiques, comportementaux et contextuelsNote de bas de page 9,Note de bas de page 10.

La communauté scientifique reconnaît de plus en plus l’environnement alimentaire comme un important déterminant des choix alimentaires et des résultats sur la santé liés à l'alimentation, notamment l’obésitéNote de bas de page 10,Note de bas de page 11. Par conséquent, une intervention ciblée dans les milieux où les décisions en matière d’achat et de consommation sont prises constitue une voie d’approche prometteuse pour favoriser l’adoption de saines habitudes alimentaires et pour réduire les risques de problèmes de santé connexes dans l’ensemble de la populationNote de bas de page 12,Note de bas de page 13,Note de bas de page 14,Note de bas de page 15,Note de bas de page 16.

Reconnaissant la complexité des facteurs psychosociaux et environnementaux qui modulent les habitudes alimentaires, les chercheurs du domaine se sont penchés sur les diverses facettes de l’environnement alimentaire corrélées avec les comportements d’achat et de consommation d’aliments, et les résultats sur la santé qui en découlentNote de bas de page 17,Note de bas de page 18,Note de bas de page 19,Note de bas de page 20,Note de bas de page 21. Dans l’article de Glanz et collègues, qui pose les fondements des environnements nutritionnels sainsNote de bas de page 19, le modèle conceptuel de l’environnement alimentaire intègre plusieurs composantes, notamment l’environnement médiatique, l’environnement organisationnel (p. ex. écoles et lieux de travail), l’environnement communautaire (types de magasins et de restaurants, et leur emplacement dans les quartiers) et l’environnement de consommation (disponibilité, prix et promotion des aliments en magasin et en restaurant). Jusqu’à présent, la recherche s’est attardée sur l’évaluation de l’environnement alimentaire organisationnel et sur les interventions qui y sont réaliséesNote de bas de page 22,Note de bas de page 23,Note de bas de page 24. Le nombre d’études portant sur les environnements communautaires et de consommation a connu une hausse depuis les dix dernières années. Ces études sont réalisées au moyen de centaines de mesures d’évaluation différentes des environnements alimentairesNote de bas de page 25. Une telle variabilité et disparité des mesures d’évaluation des environnements alimentaires est généralement considérée comme une limite importante dans ce domaine de rechercheNote de bas de page 17,Note de bas de page 18,Note de bas de page 20. Les mesures de l’environnement de consommation nécessitent souvent beaucoup de ressources (p. ex. mesures de gestion des stocks pour évaluer la disponibilité et le prix de certains aliments ou boissons, ou l’espace d’étalage consacré aux fruits et légumes). Dans ces circonstances, le présent rapport vise principalement à décrire des méthodes qui permettront à l’ensemble des bureaux de santé publique de l’Ontario d’évaluer de manière systématique les environnements alimentaires communautaires, et ce, grâce à des mesures uniformes et simples à mettre en œuvre.

Malgré un intérêt croissant à l’égard des effets des environnements alimentaires sur la santé depuis dix ans, toutes les études ne parviennent pas aux mêmes conclusionsNote de bas de page 17,Note de bas de page 18,Note de bas de page 20. Le recours à plusieurs centaines de mesures différentes pour évaluer les environnements alimentaires pourrait en partie expliquer cette situationNote de bas de page 18,Note de bas de page 20,Note de bas de page 25,Note de bas de page 26,Note de bas de page 27; un tel écueil méthodologique restreint la capacité des chercheurs de confronter les résultats des études qui portent sur une variété de populations, de contextes sociaux et économiques, de régions géographiques et de tendances au fil du tempsNote de bas de page 17,Note de bas de page 18,Note de bas de page 27,Note de bas de page 28,Note de bas de page 29. De plus, le manque d’uniformité dans les méthodes de mesure pose un problème pour les nombreuses administrations du Canada qui projettent d’instaurer des politiques visant à façonner un environnement alimentaire sain, mais qui ne bénéficient pas des repères nécessaires pour évaluer adéquatement leurs environnements alimentaires locauxNote de bas de page 30.

Le présent article propose un rapport d’étape sur les récents travaux entrepris par l’AESPO pour mettre au point un ensemble d’indicateurs (mesures) uniformes et objectifs destinés à aider les bureaux de santé publique et les autorités sanitaires régionales à évaluer les environnements alimentaires des communautés en milieu urbain. Ces indicateurs s’appuient sur des ensembles de données facilement accessibles ainsi que sur des données obtenues par suite d’analyses SIG  et sont utilisés pour caractériser l’accessibilité géographique à divers types de commerces de détail alimentaire dans les quartiers urbains.

Sous-groupe chargé de l’environnement bâti de l’AESPO

Le sous-groupe chargé de l’environnement bâtiNote de bas de page * rattaché au groupe de travail sur les indicateurs de base de l’AESPO reconnaît l’importance pour les professionnels de la santé publique d’évaluer leurs environnements alimentaires locaux, et considère le manque d’uniformité dans les outils d’évaluation comme l’une des lacunes les plus criantes au chapitre des pratiques.

Choix et adaptation des indicateurs

En 2014, nous avons effectué, de manière non systématique, un examen de la portée de la documentation existante sur le sujet pour le sous-groupe. Nous avons cherché des articles en anglais évalués par les pairs et publiés jusqu’en mai 2014 (inclusivement) dans les bases de données PubMed, Web of Science et Scopus. Divers mots-clés ont été utilisés, comme « food/nutrition environment » (environnement alimentaire/nutritionnel) et « retail food access » (accessibilité aux aliments vendus au détail), pour cibler les études qui mettaient de l’avant des résultats quantitatifs rapprochant certains aspects de l’environnement alimentaire au détail avec des effets sur la santé qui se rapportent à l’alimentation ou au poids. Des comptes-rendus, documents conceptuels et commentaires ont été aussi examinés, de même que des études traitant de l’environnement alimentaire scolaire. La qualité de la recherche et les propriétés psychométriques des mesures employées dans le cadre des études n’ont toutefois pas été analysées. En plus, tout au long du processus de sélection et d’adaptation des indicateurs, le sous-groupe a examiné les articles de recherche empiriques et les articles de synthèse principaux publiés après mai 2014.

Nous avons passé en revue les titres et les résumés, puis avons retenu 190 articles dans le corpus de résultats. À l’instar d’examens systématiques antérieurs sur le même sujetNote de bas de page 17,Note de bas de page 18,Note de bas de page 20,Note de bas de page 31,Note de bas de page 32, nous avons conclu que, de toutes les composantes de l’environnement alimentaireNote de bas de page 19, celle qui a trait à la communauté (accessibilité géographique aux commerces d’alimentation au détail locaux) a été la plus amplement étudiée; cette tendance pourrait s’expliquer par une facilité d’accès accrue aux données requises liées à la vente au détail et à des outils SIGNote de bas de page 31,Note de bas de page 32. Sachant qu’une source de données fiables et le recours à des outils SIG sont indispensables au travail d’évaluation, de surveillance et de sensibilisation dans le secteur de la santé publique, nous avons ciblé des indicateurs qui permettent avant tout de mesurer objectivement l’accessibilité géographique aux aliments vendus au détail dans les communautés.

Par ailleurs, nous avons constaté, au même titre que d’autres examens systématiques, que les mesures objectives de l’accessibilité géographique aux magasins et aux restaurants locaux sont souvent de trois types : la densité, la proximité et la variétéNote de bas de page 17,Note de bas de page 18,Note de bas de page 20,Note de bas de page 27,Note de bas de page 31. En règle générale, les mesures de la densité permettent d’évaluer la concentration des commerces (nombre) dans un quartier ou dans une région géographique donnée. La mesure de la proximité, elle, correspond habituellement à la distance entre un lieu (p. ex. secteur résidentiel ou école) et le commerce alimentaire d’un certain type le plus proche (p. ex. épicerie ou dépanneur). Enfin, les mesures de la variété expriment la répartition des différents types de commerces d’alimentation présents dans une région donnée. Déjà employées dans un certain nombre d’enquêtes récentes sur l’environnement alimentaire localNote de bas de page 33,Note de bas de page 34,Note de bas de page 35,Note de bas de page 36, ces trois mesures peuvent être combinées à d’autres mesures de l’environnement alimentaire communautaire (p. ex. évaluations faites en magasin) ou venir compléter des données démographiques de manière à dégager un portrait cohérent de l’environnement alimentaire au détail à différentes échelles (p. ex. quartier, municipalité ou région).

Notre revue de la littérature existante faite, nous avons sélectionné trois indicateurs qui reflètent différentes composantes de l’environnement alimentaire communautaire : (1) l’intensité (densité) des commerces alimentaires; (2) la densité relative des commerces d’alimentation moins saine; et (3) la proximité de la population avec les commerces alimentaires. Ces indicateurs rendent compte des aspects objectifs les plus fréquemment étudiés de l’accessibilité géographique aux aliments dans les communautés; en Ontario, ils peuvent aisément être traités au moyen de la base de données d’inspection des services d’alimentation existante d’un bureau de santé, d’unités géographiques normalisées utilisées pour le recensement au Canada (ou d’unités géographiques adaptées, s’il y en a), et de la base de données Réseau routier de l’Ontario (ou d’un autre fichier de réseau routier) dans un environnement SIG. Tous les indicateurs retenus mesurent l’environnement alimentaire à l’intérieur d’un rayon de 1 000 m (l’équivalent approximatif d’une marche de 10 à 15 minutes) des zones résidentielles, distance souvent employéeNote de bas de page 37,Note de bas de page 38,Note de bas de page 39 dans le cadre d’études antérieures pour reproduire un quartier facile d’accès à piedNote de bas de page 34,Note de bas de page 35,Note de bas de page 40.

Définitions des indicateurs

1. Densité : nombre moyen, pondéré en fonction de la population, de commerces d’alimentation d’une catégorie donnée, à l’intérieur d’un rayon de 1 000 mNote de bas de page des centroïdes des îlots de diffusion (ID) d’une aire de diffusion (AD)Note de bas de page (ou d’une autre région géographique d’intérêt comme les alentours d’une habitation).

Figure 1 : Équation 1
Figure 1
Figure 1 - Description textuel

La densité des commerces alimentaires est égale à la somme, pour tous les îlots de diffusion de l'aire de diffusion, de : la population de l'îlot de diffusion multipliée par le nombre de commerces alimentaires d'une catégorie dans un rayon de 1000 m du centroïde de l'îlot de diffusion; cette somme divisée par la population totale de l'aire de diffusion.

2. Densité relative (parfois appelée Indice modifié de l’environnement alimentaire de vente au détail [mRFEI]) : nombre de détaillants d’aliments malsains par rapport au nombre de détaillants d’aliments tant sains que malsains, à l’intérieur d’un rayon de 1 000 m des îlots de diffusion (ID) d’une aire de diffusion (AD) (ou d’une région géographique de plus grande superficie, comme un secteur de recensement, une division administrative ou un quartier).

Figure 2 : Équation 2
Figure 2
Figure 2 - Description textuel

La densité relative, ou Indice modifié de l'environnement alimentaire de vente au détail, est égale à la somme, pour tous les îlots de diffusion de l'aire de diffusion, de : le nombre de détaillants d'aliments moins sains dans un rayon de 1000 m du centroïde de l'îlot de diffusion, divisé par le nombre de détaillants d'aliments sains ET le nombre de détaillants d'aliments moins sains dans un rayon de 1000 m du centroïde de l'îlot de diffusion, ce total ensuite multiplié par 100.

3. Proximité : distance moyenne sur le réseau (mètres), pondérée en fonction de la population, entre les centroïdes des îlots de diffusion (ID) et les commerces alimentaires d’une catégorie donnée les plus proches, dans une aire de diffusion (AD) (ou une autre unité géographique d’intérêt).

Figure 3 : Équation 3
Figure 3
Figure 3 - Description textuel

La proximité des commerces alimentaires est égale à la somme, pour tous les îlots de diffusion de l'aire de diffusion, de : la population de l'îlot de diffusion multipliée par la distance (en mètres) du centroïde d'un îlot de diffusion au commerce d'une catégorie donnée le plus proche; cette somme divisée par la population totale de l'aire de diffusion.

Classification des types de commerces de détail alimentaires

Les détaillants alimentaires peuvent être classés dans diverses catégories au moyen des codes de la Classification type des industries (CTI) ou du nouveau Système de classification des industries de l’Amérique du Nord (SCIAN)Note de bas de page 43,Note de bas de page §. Ces indicateurs de l’intensité et de la proximité peuvent être calculés par rapport à une catégorie de commerces en particulier (p. ex. épicerie), ou à un éventail de commerces dits « sains » ou « malsains », comme c’est le cas pour l’indicateur de densité relative (mesure de la proportion des commerces qui proposent des choix d’aliments malsainsNote de bas de page 46,Note de bas de page 47,Note de bas de page 48). Lors d’études précédentes, les épiceries et les marchés de fruits et légumes étaient généralement classés parmi les commerces de détail « sains », tandis que les dépanneurs et les restaurants-minute (avec service restreint) étaient classés comme « malsainsNote de bas de page 44,Note de bas de page 49,Note de bas de page 50. » Même s’il est admis qu’on retrouve des produits alimentaires hautement transformés, riches en calories et peu nutritifs chez les détaillants « sains » (p. ex. épiceries) et, à l’inverse, qu’il est possible de se procurer des aliments peu transformés et nutritifs dans certains commerces « malsains » (p. ex. dépanneurs ou restaurants avec service restreint vendant fruits, légumes ou produits moins transformés), des recherches antérieures ont montré que l’environnement nutritionnel de consommation (informations guidant les achats du consommateur en magasin ou en restaurant) varie selon le type de commerceNote de bas de page 49,Note de bas de page 51,Note de bas de page 52.

Analyse

Un environnement alimentaire au détail dans lequel il est possible de trouver et de se procurer des aliments sains fait partie intégrante d’un quartier dont l’aménagement et l’environnement bâti favorisent la santé. L’évaluation de l’accessibilité géographique aux commerces de détail uniquement ou en association avec d’autres mesures de l’environnement nutritionnel de consommation (audits faits en magasin et en restaurant) est une première façon pour les bureaux santé de caractériser l’environnement alimentaire de vente au détail local et ainsi de mieux comprendre en quoi la conception d’une communauté influence la santé et le bien-être des populations. D’autres méthodes de mesure, tels les questionnaires, les entrevues et les inventaires des aliments vendus dans les magasins et les restaurants, peuvent servir à évaluer la perception qu’ont les résidents de leur environnement alimentaire, ou encore la disponibilité et le prix des produits nutritifsNote de bas de page 32,Note de bas de page 53.

Points forts et limites

Les indicateurs de base de l’AESPO, conçus pour définir et opérationnaliser systématiquement un ensemble d’indicateurs de la santé, ont été mis au point dans la perspective de pallier les disparités observées entre les rapports et de constituer de véritables unités de comparaison partagées par les tous les bureaux de santé. Grâce à des définitions et des méthodes uniformisées, ces indicateurs fournissent un cadre concret et bien défini à des notions complexes, et servent d’assises aux rapports sur l’état de santé communautaire dans le secteur public en Ontario. Premier ensemble d’indicateurs de base de la province, les indicateurs de l’environnement alimentaire communautaire décrits dans le présent article (intensité, densité relative et proximité) donneront aux bureaux de santé les moyens d’exercer une surveillance de leur milieu et d’en examiner les relations avec divers effets sur la santé ou avec diverses données socio-économiques. Dans un contexte où des municipalités partout au Canada et dans le monde envisagent de plus en plus d’adopter, ou s’activent à implanter, des politiques pour réformer l’environnement alimentaire local (p. ex. règlements de zonage restreignant l’installation de restaurants-minute dans certains endroits), ces indicateurs permettront aux bureaux de santé d’évaluer la portée de telles mesures sur la santé des communautés. De plus, ils sont compatibles avec les plus récents indicateurs définis par le réseau international INFORMAS pour la surveillance et la comparaison des environnements alimentaires communautairesNote de bas de page 27. L’emploi des indicateurs retenus pourrait dès lors concourir à une surveillance homogène des environnements alimentaires locaux à l’échelle internationale, démarche essentielle à l’établissement de politiques efficacesNote de bas de page 27.

Même si les trois indicateurs de l’environnement communautaire présentés dans l’article ont été en partie développés pour répondre aux Normes de santé publique de l’OntarioNote de bas de page 54, les autorités sanitaires d’autres régions peuvent aussi s’en servir pour caractériser leurs propres environnements alimentaires, car ils sont adaptés aux besoins des professionnels de la santé publique. Par ailleurs, à titre de contribution, le sous-groupe pour l’environnement bâti de l’AESPO a rencontré récemment Santé Canada à l’occasion de la création d’un manuel destiné à guider les communautés partout au pays dans l’évaluation de leurs environnements alimentaires. À l’issue de ces consultations, le manuel de Santé Canada et l’AESPO préconisent le recours au même ensemble d’indicateurs pour caractériser les environnements alimentaires des communautés en milieu urbain.

Malgré leurs points forts, les indicateurs sélectionnés comportent certaines limites. L’environnement alimentaire de la vente au détail se transforme constamment à mesure que se renouvellent les modèles opérationnels de ce marché. En effet, un nombre croissant de restaurants-minute proposent des options de repas saines, alors que les épiceries continuent de garnir leurs tablettes de quantité d’aliments hautement transformés; cette tendance rend difficile de départager les détaillants « sains » de ceux qui sont « malsains » en fonction des catégories actuelles. L’inclusion, dans les rapports qui font état de l’environnement alimentaire local, d’évaluations de l’environnement nutritionnel de consommation (en magasin ou en restaurant) adaptées au contexte canadienNote de bas de page 55 pourrait contrebalancer en partie l’effet de telles modifications.

Le besoin de recourir aux bases de données d’inspection de santé publique constitue un autre obstacle à l’évaluation de l’environnement communautaire au moyen des indicateurs proposés. Même si de telles bases sont accessibles au personnel des bureaux de santé en Ontario et dans certaines provinces (au Québec et à Terre-Neuve-et-Labrador, ces données sont recueillies à l’échelle provinciale), il ne faut pas oublier que la classification des commerces de détail alimentaire repose avant tout sur les risques pour l’innocuité des aliments et qu’elle n’est pas conçue à des fins de recherche ou de suivi. Dans ces circonstances, les détaillants pourraient devoir être classés différemment (p. ex. dépanneurs et magasins de fruits et légumes sont tous deux compris dans la classe à faible risque « magasin d’alimentation » dans les bases de données d’inspection, alors que ces types de commerces demandent à être bien distingués dans un contexte de recherche).

Enfin, ces indicateurs sont valides pour les milieux urbains. Plusieurs études ont mis de l’avant diverses méthodes d’évaluation des environnements alimentaires ruraux qui tiennent compte de l’interaction particulière des résidents avec ceux-ci, de même que de la faible densité du territoire et de la structure sociospatiale caractéristique de tels milieuxNote de bas de page 56,Note de bas de page 57,Note de bas de page 58,Note de bas de page 59.

Conclusion

Conscients du nombre élevé de Canadiens qui ont une mauvaise alimentation et qui sont en surpoids, les organismes de santé publique se tournent de plus en plus vers des politiques pour façonner des environnements alimentaires propices à un mode de vie sain et actif. Le recours à des indicateurs uniformes, calculés avec des données disponibles, apparaît comme une stratégie prometteuse qui permettrait aux professionnels de la santé d’évaluer leur environnement alimentaire local. Ces évaluations fourniraient une source précieuse de données de surveillance locale à partir desquelles l’efficacité des politiques pourrait être attestée. L’utilisation de méthodes de mesure uniformes et applicables partout en Ontario (et au Canada) donne en plus la possibilité de comparer avec exactitude la capacité des diverses politiques de réformer l’environnement alimentaire et de moduler les effets sur la santé des populations dans différentes régions.

Remerciements

Les auteurs tiennent à souligner le travail de tous les membres du sous-groupe pour l’environnement bâti rattaché au groupe de travail sur les indicateurs de base de l’AESPO. LMM accepte avec gratitude un prix de la Société canadienne du cancer pour le développement de carrière dans le domaine de la recherche en prévention (subvention 704744).

Conflits d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.

Contributions des auteurs

AM et JYP ont rédigé l’article; tous les auteurs ont apporté des révisions au texte et en ont approuvé la version finale.

Détails de la page

Date de modification :