Page 3 - Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : Document technique : N-nitrosodiméthylamine (NDMA)Footnote
Partie II. Science et considérations techniques
4.0 Propriétés, utilisations, sources et devenir dans l'environnement
4.1 Propriétés, utilisations et sources dans l'environnement
La N-nitrosodiméthylamine (NDMA) est la plus simple des dialkylnitrosamines. Sa formule moléculaire est C2H6N2O (ATSDR, 1989). La NDMA est également connue sous les noms de diméthylnitrosamine, N, N-diméthylnitrosamine, N-méthyl-N-nitrosométhanamine, N-nitroso-N, N-diméthylamine, DMN et DMNA. La NDMA est un liquide jaune et huileux, volatil et combustible. Ses propriétés physico-chimiques sont indiquées dans le tableau 1.
Propriété | ValeurTableau 1 note de bas de page 1 |
---|---|
Masse moléculaire relative | 74,08 |
Point de fusion | −50 °C |
Point d'ébullition | 151 à 154 °C |
Tension de vapeur | 1 080 Pa à 25 °C |
Solubilité dans l'eau | miscible |
Coefficient de partage n-octanol/eau (Log Koe) | 0,57 |
Constante de la loi de Henry (Kaw) | 3,34 Pa·m³/mole at 25 °C |
La NDMA est un sous-produit des procédés industriels qui utilisent des nitrates ou des nitrites et des amines à différents pH (ATSDR, 1989; PISSC, 2002). Elle se forme de manière accidentelle lorsque des alkylamines, principalement la diméthylamine (DMA) et la triméthylamine, se trouvent en présence et réagissent avec des oxydes d'azote, de l'acide nitreux ou des sels de nitrite ou lorsqu'il y a trans-nitrosation par des composés nitrés ou nitrosés (ATSDR, 1989). La NDMA peut donc être présente dans les rejets dans l'environnement de diverses industries, notamment celles de fabrication du caoutchouc, de tannage du cuir, de fabrication de pesticides, de transformation des aliments, de fabrication de teintures et les fonderies, et se retrouver dans les effluents des stations d'épuration des eaux usées. Ces rejets sont responsables de la présence de la NDMA dans différents milieux, notamment l'air, le sol et l'eau. Presque tous les rejets dans l'environnement sont déversés dans l'eau. La NDMA peut aussi se former dans l'eau potable à la suite de la dégradation de la diméthylhydrazine (un composant du propergol) (Siddiqui et Atasi, 2001; Mitch et coll., 2003b). De plus, la NDMA a été décelée dans les émissions des gaz d'échappement des véhicules à moteur diesel (Goff et coll., 1980).
La NDMA peut se former directement dans les eaux d'égout, sous l'effet de la transformation biologique et chimique des alkylamines en présence de nitrates ou de nitrites (Ayanaba et Alexander, 1974; ATSDR, 1989). Elle peut également être libérée dans l'environnement, à la suite de l'épandage de boues d'épuration sur des sols riches en nitrates ou en nitrites. Mitch et Sedlack (2004) ont démontré que la désinfection au chlore des effluents d'eau usée produit de la NDMA. Elle peut aussi être libérée dans l'environnement suite à l'application de boues résiduaires à des sols riches en nitrate ou en nitrite. Le précurseur de la NDMA, la DMA, peut pénétrer dans les eaux de surface à partir des eaux de ruissellement agricoles, puisqu'il a été décelé dans les fèces de vaches laitières (van Rheenan, 1962).
La NDMA peut aussi se former durant le traitement de l'eau potable (MEO, 1994). Dans les usines de traitement d'eau utilisant un procédé de chloration ou un traitement aux chloramines en présence de matière organique azotée, il y a formation de NDMA en tant que sous-produit de la désinfection (Richardson, 2003). Des précurseurs de la NDMA tels que la DMA et la triméthylamine peuvent être décelés dans l'eau traitée avec des polyélectrolytes cationiques à base d'azote (Wilczak et coll., 2003) ou des résines échangeuses d'ions (Kimoto et coll., 1980). Consulter la section 7.0 pour en savoir davantage sur la formation de la NDMA durant les procédés de désinfection.
La NDMA peut aussi être libérée dans l'environnement à la suite de l'utilisation de certains pesticides contaminés par ce composé (Pancholy, 1978). La NDMA est en effet présente dans divers pesticides de qualité technique et commerciale, utilisés en agriculture, dans les hôpitaux et à domicile, par suite de sa formation durant leur fabrication ou leur entreposage. Les préparations de pesticides suivantes contenant de la DMA peuvent aussi contenir de la NDMA comme microcontaminant : la bénazoline, le bromacil, le dicamba, l'acide 2,4 dichlorophénoxyacétique (2,4-D), le mécoprop et l'acide (4-chloro-2-méthylphénoxy) acétique (MCPA) (PISSC, 2002).
Dans les années 1990, des tests réalisés au Canada sur plus de 100 échantillons de préparations de pesticides (sel de DMA des herbicides phénoxy) potentiellement contaminés par la NDMA ont permis d'en déceler la présence dans 49 % des échantillons, avec une concentration moyenne de 0,44 µg/g; seuls six échantillons contenaient des concentrations supérieures à 1,0 µg/g (1,02 à 2,32 µg/g). Les concentrations de NDMA dans les pesticides ont diminué au fil des ans. En 1994, environ un million de kilogrammes d'herbicides du type phénoxy d'usage commercial contenant de la DMA ont été épandus sur les sols au Canada (Moore, 1999). D'après la quantité de ce type d'herbicides épandue en 1994, la concentration moyenne de NDMA de 0,44 µg/g et le taux de détection de 49 %, on a estimé qu'environ 200 g de NDMA ont pu être libérés dans l'environnement par suite de l'utilisation de ces herbicides (PISSC, 2002).
Il n'existe aucun usage industriel ou commercial de la NDMA au Canada ou aux États-Unis. La NDMA a déjà été utilisée au Canada et est possiblement toujours utilisée dans d'autres pays comme produit ignifuge dans les préparations de caoutchouc ainsi que dans l'industrie chimique organique comme produit intermédiaire, catalyseur, antioxydant, additif pour lubrifiants et plastifiant pour copolymères (ATSDR, 1989; Budavari et coll., 1989).
4.2 Devenir dans l'environnement
La NDMA a une faible tension de vapeur (1 080 Pa à 25 °C). Il est peu probable que la NDMA, émise ou formée dans l'air, soit adsorbée sur des particules en suspension dans l'air. Elle devrait exister presque entièrement sous forme de vapeur. Le jour, elle se dégrade rapidement sous l'effet de la photolyse directe pour former de la diméthylnitramine. La demi-vie photolytique de la vapeur de NDMA exposée à la lumière du soleil se situe entre 0,5 et 1,0 heure (Hanst et coll., 1977). La demi-vie de la réaction avec des radicaux hydroxyles dans l'air varie entre 25,4 et 254 heures (Atkinson, 1985). La modélisation de la distribution de la NDMA dans l'environnement est fondée sur une demi-vie de cinq heures dans l'air (Environnement Canada et Santé Canada, 2001). Cette courte demi-vie dans l'air semble indiquer que ce composé n'est pas persistant dans ce milieu.
Comme la NDMA est miscible à l'eau et que sa tension de vapeur et son coefficient de partage n-octanol/eau (log Koe = 0,57) sont faibles, elle risque peu de se bioaccumuler, de s'adsorber sur des particules ou de se volatiliser en quantités appréciables (Thomas, 1982; ATSDR, 1989; MEO, 1991). L'oxydation, l'hydrolyse, la biotransformation et la biodégradation n'influent pas de façon importante sur le devenir de la NDMA dans les eaux lacustres (Tate et Alexander, 1975). La photodégradation est son principal procédé d'élimination du milieu aquatique et son efficacité dépend des caractéristiques du milieu aquatique en question. En général, la photodégradation de la NDMA se fait beaucoup plus lentement dans les eaux ayant une forte concentration de substances organiques et de matières en suspension que dans les eaux claires. La vitesse de dégradation par photolyse peut être sensiblement réduite par la présence de facteurs nuisant à la transmission de la lumière, comme une couverture de glace sur les cours d'eau récepteurs (PISSC, 2002; OMS, 2008). Cette observation est corroborée par le potentiel de persistance de la NDMA dans les eaux souterraines, et donc en l'absence de lumière (MEO, 1991). DMER et AEL (1996) ont supposé une demi-vie de 17 heures dans les eaux de surface, à 25 °C, pour modéliser la distribution de la NDMA dans l'environnement pour Environnement Canada et Santé Canada (2001). Howard et coll. (1991), pour leur part, font état d'une demi-vie variant de 1 008 à 8 640 heures dans les eaux souterraines, selon une estimation de la biodégradation aérobie en milieu aqueux sans acclimatation.
À la surface du sol, la NDMA est rapidement éliminée par photolyse et volatilisation. Oliver (1979) a indiqué que 30 à 80 % d'une concentration non déclarée de NDMA s'est volatilisée dans les quelques heures suivant son application à la surface du sol. Tel que résumé par Haruta et coll. (2008), la NDMA disparait rapidement des sols recevant des eaux usées récupérées, par dégradation microbienne et volatilisation.
En revanche, une fois incorporée sous la surface, la NDMA devient très mobile et peut migrer vers les eaux souterraines. Par ailleurs, la biodégradation dans le sol est légèrement plus lente en milieu anaérobique (ATSDR, 1989). Le type de sol influe peu sur la biodégradation de la NDMA. La biodégradation sera par contre meilleure dans un sol aéré que dans un sol détrempé. Enfin, la présence dans le sol de bactéries préalablement exposées à la NDMA en augmentent la biodégradation (Mallik et Tesfai, 1981).
5.0 Exposition
Les Canadiens peuvent être exposés à la NDMA par l'eau, l'air et les aliments. De plus, certains segments de la population peuvent y être exposés par l'utilisation de certains produits de consommation ou sur le lieu de travail.
5.1 Eau
Au Canada, les rejets de NDMA dans l'eau ont été mesurés principalement en Ontario et varient considérablement. Ces écarts entre les taux de NDMA ont été démontrés en 1996, lorsqu'une usine de produits chimiques a rejeté dans la rivière St. Clair des eaux usées contenant de la NDMA à une concentration de 0,266 µg/L (Environnement Canada, 1997). En avril 1997, les concentrations de NDMA dans les eaux usées de cette même usine variaient considérablement par rapport aux mesures de l'année précédente, se situant entre 0,096 et 0,224 µg/L au point de rejet dans les eaux de surface. Les rejets de NDMA devraient diminuer, puisque l'entreprise a installé une station d'épuration des eaux usées en 1998 (PISSC, 2002).
Lors d'une analyse des effluents des stations d'épuration des eaux usées de l'Ontario réalisée en 1990, de la NDMA a été décelée dans 27 des 39 échantillons analysés, la concentration maximale atteignant alors 0,22 µg/L (MEO, 1991). Des 390 échantillons d'eau de surface non traitée prélevés, de 1990 à juillet 1998, dans 101 usines de traitement d'eau de l'Ontario, on a décelé de la NDMA (> 0,001 µg/L) dans les échantillons d'eau brute de 37 de ces usines, à une concentration moyenne de 1,27 x 10-3 µg/L. La plus forte concentration de NDMA dans l'eau brute a été de 0,008 µg/L; cette concentration a été observée dans deux usines de traitement d'eau, en 1996 (PISSC, 2002).
En 1990, les concentrations de NDMA dans 24 échantillons d'eau souterraine prélevés à différents endroits de l'Ontario étaient inférieures aux limites de détection (lesquelles variaient de 0,001 à 0,010 µg/L) (MEO, 1991). Des concentrations de NDMA se situant entre 1,3 et 2,9 µg/L ont été mesurées dans l'aquifère municipal d'Elmira contaminé par une usine de produits chimiques située à proximité (Kornelsen et coll., 1989). Les puits municipaux alimentés par cet aquifère ont été condamnés en 1989 (Ireland, 1989).
Sur quarante des 100 sites de l'Ontario échantillonnés (313 échantillons au total) entre 1994 et 1996, au moins un échantillon contenait de la NDMA à une concentration supérieure à la limite de détection de 0,001 µg/L. La concentration moyenne était de 0,0027 µg/L. Les concentrations les plus élevées ont été mesurées dans les échantillons prélevés dans les usines de traitement d'eau utilisant un prémélange particulier de polyamine et d'alun comme coagulant (MEO, 1996). Une concentration de 0,04 µg/L a notamment été observée à l'usine de traitement d'eau de Huntsville, en Ontario. La NDMA a aussi été décelée dans chacun des 20 échantillons prélevés dans quatre usines de traitement d'eau utilisant ce même coagulant. La concentration moyenne de NDMA dans ces 20 échantillons était de 0,012 µg/L, alors que la concentration moyenne dans les 293 autres échantillons prélevés aux endroits où ce coagulant n'était pas utilisé était de 0,002 µg/L.
Des données plus récentes, obtenues dans le cadre du Programme de surveillance de l'eau potable de l'Ontario, font état de trois cas, observés entre 1998 et 1999, où les concentrations de NDMA dans l'eau qui sort de l'usine de traitement ont dépassé la norme provinciale de 0,009 µg/L. Ce dépassement variait de 0,012 à 0,027 µg/L (MEO, 2009).
Des analyses récentes effectuées dans différents réseaux de distribution et usines de traitement d'eau du Canada ont indiqué des concentrations de NDMA variant de < 1 à 12 ng/L partout sauf dans un réseau de distribution où elles étaient supérieures à 100 ng/L (Charrois et coll., 2004, Tugulea et coll., 2008). Des échantillons d'eau potable et d'eau non traitée ont été analysés dans le cadre de la validation des méthodes d'analyse élaborées par Charrois et coll. (2004). Une série d'échantillons provenait d'une ville de l'Alberta ayant recours à la désinfection aux chloramines et aux UV. Aucune concentration de NDMA n'a été décelée dans la source d'eau (limites de détection variant de 0,0004 à 0,0016 µg/L); par contre, l'eau à sa sortie de l'usine de traitement et dans le réseau de distribution contenaient respectivement des concentrations de NDMA de 0,067 µg/L et de 0,16 µg/L. Une analyse plus approfondie a confirmé que les échantillons prélevés dans le réseau de distribution contenaient des concentrations beaucoup plus élevées de NDMA que ceux prélevés à la sortie de l'usine de traitement. D'autres études doivent être menées pour mesurer les concentrations de NDMA dans les réseaux de distribution des usines de traitement d'eau utilisant des chloramines.
Dans une autre étude, Charrois et coll. (2007) ont analysé l'eau de 23 sites dans 20 réseaux de distribution en Alberta. Les auteurs ont rapporté des concentrations de NDMA à au moins un site de chacun de six de ces systèmes, à des concentrations allant de moins de la limite de détection de la méthode de 5 ng/L à 100 ng/L. Cinq de ces six systèmes utilisaient la chloramine comme désinfectant secondaire ou leur source d'eau comportait des concentrations naturelles d'ammoniac.
Dans une enquête canadienne de 33 usines de traitement effectuée en 2009 (Tugulea et coll., 2010), de faibles concentrations de NDMA ont été décelées dans trois usines. Les concentrations variant de 1 à 2 ng/L ont été trouvée dans les échantillons d'eau traitée et d'eau dans le réseau de distribution de chaque usine. Les trois usines où la NDMA a été décelée usitlisaient la chloramine comme désinfectant secondaire.
En 2001, le California Department of Health Services a réalisé une étude des concentrations de NDMA dans les réseaux d'alimentation en eau potable de la Californie (DHS, 2002). Trois des 20 réseaux utilisant des chloramines avaient des concentrations de NDMA supérieures à 0,01 µg/L, tandis que les huit réseaux utilisant seulement du chlore libre avaient des concentrations de NDMA inférieures à 0,005 µg/L.
La présence de la NDMA dans l'eau potable est généralement associée à sa formation durant le traitement de l'eau plutôt qu'à sa présence dans la source d'eau. La nature et la quantité des composés précurseurs ainsi que la méthode de désinfection utilisée sont des facteurs qui influent sur sa formation. Le traitement aux chloramines est le procédé de désinfection secondaire le plus souvent associé à la formation de la NDMA, l'espèce prédominante de nitrosamines formée durant ce procédé. Les mécanismes de formation de la nitrosamine associés à la désinfection de l'eau sont abordés à la section 7.0. on s'attend à ce que la formation de nitrosamines se poursuive dans les réseaux de distribution contenant de la chloramine.
5.2 Air
On dispose de peu de données sur la présence ou les concentrations de NDMA dans l'air ambiant (c.-à-d. l'air extérieur) que ce soit au Canada ou ailleurs dans le monde. Les données canadiennes disponibles ne touchent que la province d'Ontario, où des mesures à court terme ont été prises dans le voisinage immédiat de sources ponctuelles potentielles de rejet dans l'atmosphère, afin de les comparer aux mesures de fond dans d'autres milieux urbains.
On ne possède pas de données sur les concentrations atmosphériques en régions rurales. Les sept échantillons prélevés dans cinq villes dans le cadre d'un échantillonnage fait en 1990 dans différents emplacements industriels et urbains de l'Ontario ont tous indiqué des concentrations de NDMA inférieures à la limite de détection (laquelle variait de 0,0034 à 0,0046 µg/m³) (MEO, 1990). Selon des relevés de l'air ambiant effectués en 1990 à proximité d'une usine de production de produits chimiques située à Elmira, en Ontario, les concentrations de NDMA dans 41 échantillons ont varié d'une quantité non décelable (limites de détection variant de 0,0029 à 0,0048 µg/m³) à 0,230 µg/m³; dans 20 de ces 41 échantillons, les concentrations étaient supérieures ou égales à la limite de détection (MEO, 1990). Les concentrations les plus élevées ont été mesurées dans le périmètre de l'usine de production, tandis que la concentration maximale mesurée à l'extérieur de ce périmètre était de 0,079 µg/m³. Des échantillons prélevés à proximité d'un site industriel à Kitchener, en Ontario, en 1992, ont indiqué des concentrations semblables de NDMA (MEO, 1992).
Des données disponibles aux États-Unis (Brunnemann et Hoffmann, 1978) et en Autriche (Stehlik et coll., 1982; Klus et coll., 1992) ont signalé des concentrations élevées de NDMA dans l'air intérieur contaminé par la fumée de tabac ambiante. La concentration maximale de NDMA dans l'air intérieur contaminé par la fumée de tabac ambiante était de 0,24 µg/m³; par contre, la NDMA n'a pas été décelée (< 0,003 µg/m³) dans l'air intérieur de la résidence d'un non-fumeur, échantillonné de la même manière (Brunnemann et Hoffmann, 1978). Dans ces deux pays, les concentrations de NDMA dans l'air intérieur contaminé par la fumée de tabac ambiante variaient généralement de 0,01 à 0,1 µg/m³ (Santé Canada, 1999).
5.3 Aliments
La NDMA peut se former durant la transformation, la conservation ou la préparation des aliments, à partir de composés précurseurs déjà présents dans les aliments ou qui y sont ajoutés. Les produits alimentaires les plus souvent contaminés par la NDMA peuvent être répartis entre les catégories générales suivantes (PISSC, 2002) :
- les aliments conservés par l'addition de nitrate ou de nitrite, comme les salaisons (en particulier le bacon) et les fromages (ces méthodes de conservation introduisant des agents de nitrosation dans les aliments);
- les aliments conservés par fumage, comme le poisson et les produits de viande (les oxydes d'azote présents dans la fumée agissant comme des agents de nitrosation);
- les aliments déshydratés par des gaz de combustion, comme le malt, le lait en poudre écrémé et les épices (les gaz de combustion pouvant contenir des oxydes d'azote);
- les aliments marinés, en particulier les légumes (à cause de la réduction microbienne des nitrates en nitrites); et
- les aliments cultivés ou entreposés dans des conditions humides (entraînant la formation de nitrosamines par des bactéries contaminantes).
Il faut toutefois noter que la plupart des données relatives aux concentrations de NDMA dans les aliments proviennent d'études réalisées dans les années 1970 et 1980, et qu'elles pourraient donc ne pas permettre d'estimer de façon fiable l'exposition actuelle à cette substance, étant donné les limites de la méthode d'analyse utilisée à cette période. De plus, des efforts ont été déployés au Canada et ailleurs afin de réduire le risque d'exposition à la NDMA dans les aliments, notamment en diminuant constamment les concentrations de nitrites admissibles pour conserver les aliments, en interdisant l'utilisation des nitrates pour certains groupes d'aliments et en utilisant davantage des inhibiteurs de la nitrosation, tels que l'ascorbate et l'érythorbate (Cassens, 1997; Sen et Baddoo, 1997).
Les niveaux de NDMA dans les aliments canadiens vers la fin des années 1970 et au début des années 1980 ont fait l'objet d'une étude approfondie dans le cadre du Programme international sur la sécurité des substances chimiques (PISSC, 2002). Les concentrations de NDMA allaient de < 0,1 µg/kg à 17,2 µg/kg dans la viande, de < 0,1 µg/kg à 4,2 µg/kg dans les poissons et les fruits de mer, et de < 1 µg/kg à 68 µg/kg dans un échantillon de fromage au vin. La NDMA n'a pas été décelée dans les produits laitiers, sauf dans la poudre de lait écrémé où elle était présente à des concentrations inférieures à 0,7 µg/kg (PISSC, 2002). Un rapport publié en 1981 par Sen et Seaman a indiqué la présence de la NDMA dans trois des huit échantillons de préparations en poudre pour nourrissons contenant de la poudre de lait écrémé, avec des concentrations variant de négligeables à 1 µg/kg. La NDMA n'a pas été décelée dans les aliments pour bébé, le jus de pomme, le ketchup, les sauces, la margarine ou le beurre (PISSC, 2002). Les concentrations de NDMA pouvaient atteindre jusqu'à 17,2 µg/kg dans le bacon cuit, mais les mesures de contrôle en matière d'utilisation des nitrates et des nitrites auraient permis de les réduire. Les boissons à base de malt, comme la bière et le whisky, contiennent de la NDMA, mais, encore une fois, ces concentrations sont à la baisse. La concentration moyenne de NDMA était seulement de 0,10 µg/L dans la bière canadienne analysée entre 1988 et 1989 tandis que la concentration moyenne dans la bière importée était de 0,71 µg/L en 1991-92 et de 0,15 µg/L en 1994 (Sen et coll., 1996).
En plus d'être présente dans diverses sources alimentaires, la NDMA peut aussi se former de façon endogène à la suite de la nitrosation d'amines secondaires présentes dans différents aliments. Ce processus suppose que les nitrites et les nitrates dans les aliments réagissent avec l'acide gastrique pour former des groupes nitrosés qui peuvent, à leur tout, réagir avec les amines pour former la NDMA. Bien que les mécanismes de formation de la NDMA aient fait l'objet de nombreuses études, les données sont insuffisantes pour évaluer les quantités formées de façon endogène chez les humains (Fristachi et Rice, 2007).
5.4 Produits de consommation
L'exposition à la NDMA peut également être attribuable à l'utilisation de produits de consommation. De la NDMA a été décelée dans divers produits de soins personnels et cosmétiques (p. ex., les shampoings, les revitalisants et toniques capillaires, les gels pour le bain et la douche, les crèmes et les huiles, les toniques pour le visage et les nettoyants). Ceci est sans doute dû à une réaction entre les agents de nitrosation, comme les nitrites ou les oxydes d'azote qui sont souvent présents dans ces produits (Spiegelhalder et Preussmann, 1984), et les composés aminés couramment utilisés dans les ingrédients des produits de soins personnels (ECETOC, 1990).
Les produits contenant du caoutchouc qui entrent en contact avec la peau humaine constituent une autre source potentielle d'exposition à la NDMA, car les dialkylamines utilisées par les fabricants de caoutchouc comme accélérateurs et stabilisants durant la vulcanisation du caoutchouc peuvent réagir avec les agents de nitrosation pendant ce processus et former des nitrosamines (Biaudet et coll., 1997). De la NDMA a été décelée dans divers milieux de travail ainsi que dans des produits de consommation et médicaux contenant du caoutchouc, notamment les tétines en caoutchouc (Santé Canada, 1999; Fristachi et Rice, 2007).
La nitrosation des constituants naturels du tabac durant le séchage et la fermentation donne lieu à la formation de trois principaux groupes de composés N-nitroso dans le tabac et les produits du tabac, à savoir des N-nitrosamines volatiles, non volatiles et spécifiques du tabac (Hoffmann et coll., 1984; Tricker et coll., 1991). En outre, la combustion du tabac à cigarette entraîne la formation pyrolytique de N-nitrosamines volatiles, incluant la NDMA (Tricker et Preussmann, 1992). Les teneurs en N-nitrosamines volatiles dans la fumée de cigarette, lors de la combustion du tabac, dépendent de nombreux paramètres chimiques et physiques, notamment des quantités d'azote et de nitrates organiques. La nicotine est également un précurseur propre à la formation de la NDMA (Hoffmann et coll., 1987).
5.5 Contribution de l'eau potable à l'exposition totale
Les données canadiennes relatives aux milieux environnementaux, utilisées pour estimer l'exposition de la population à la NDMA, sont limitées à la fois dans le temps et l'espace. Selon l'estimation du pire cas d'exposition à la NDMA dans l'air, l'eau et les aliments contaminés, l'apport quotidien de NDMA d'une personne âgée de 20 à 59 ans varierait de 0,005 à 0,016 µg/kg p.c. par jour (Environnement Canada et Santé Canada, 2001). L'apport quotidien de NDMA par ingestion d'eau potable pour ce même groupe d'âge a été estimée entre 0,0003 et 0,001 µg/kg p.c. par jour (Environnement Canada et Santé Canada, 2001), en se basant sur une concentration moyenne de 0,012 µg/L et une concentration maximale de 0,04 µg/L de NDMA mesurées dans 20 échantillons prélevés dans quatre usines de traitement d'eau utilisant un prémélange de polyamine et d'alun durant le processus de traitement (MEEO, 1996). Compte tenu de la comparaison des valeurs minimales et maximales de l'apport quotidien de NDMA par ingestion d'eau potable, l'exposition totale à la NDMA présente dans l'air, l'eau et les aliments contaminés indique que la contribution relative de l'eau potable à l'exposition humaine est très faible.
Dans une étude détaillée ayant porté sur différentes sources d'exposition à la NDMA, Les auteurs ont estimé que l'apport par voie orale de la NDMA attribuable à l'eau potable au cours d'une vie de 75 ans est de moins de 1 % (Fristachi et Rice, 2007). Bien que les concentrations de NDMA dans les aliments soient faibles et que l'exposition par voie alimentaire soit donc relativement faible aussi, on estime que les aliments constituent une source d'exposition à la NDMA beaucoup plus importante que l'eau potable (Fristachi et Rice, 2007). Il faut toutefois noter que des concentrations plus élevées, telles qu'observées dans des eaux souterraines contaminées, conduiraient à une exposition considérablement plus importante par l'eau potable (OEHHA, 2006).
5.6 Exposition par voies multiples par l'eau potable
Afin d'évaluer l'exposition potentielle à la NDMA par inhalation et absorption cutanée liée à des activités telles que la douche ou le bain, la contribution relative de chaque voie d'exposition a été évaluée au moyen d'une évaluation de l'exposition par voies multiples. Cette méthode a été établie à partir de modèles pharmacocinétiques physiologiques (Krishnan, 2004). Pour une substance chimique organique volatile, l'absorption cutanée et l'inhalation sont considérées comme des voies d'exposition importantes si elles équivalent à au moins 10 % de la consommation d'eau potable.
5.6.1 Exposition cutanée
L'étape 1 de l'évaluation de l'exposition par voies multiples détermine que l'exposition cutanée est une voie d'exposition importante à la NDMA si elle équivaut à au moins 10 % de la consommation d'eau potable (10 % de 1,5 L = 0,15 L). Pour que cette contribution représente au moins 0,15 litre équivalent (Leq), le coefficient de perméabilité cutanée (Kp) de cette substance chimique doit être supérieur à 0,024 cm/h. Le Kp de la NDMA peut être calculé à l'aide de la formule suivante décrite par Krishnan (2004) :
Figure 1 - Description textuel
Le coefficient de perméabilité cutanée pour la NDMA est de 0,58 cm/h. Cette valeur est calculée en soustrayant le produit de 0,0104 et 74,08 (poids moléculaire de la NDMA) de -0.812, puis en ajoutant le produit de 0,616 et 0,57 (le log Koe de la NDMA).où :
- PM est le poids moléculaire de la NDMA (74,08);
- log Koe est le logarithme du coefficient de partage n-octanol/eau (0,57).
Puisque le Kp de la NDMA est supérieur à 0,024 cm/h, on considère que l'absorption cutanée est une voie d'exposition importante durant la douche et le bain. Par conséquent, il est nécessaire d'effectuer un calcul de 2è étape pour déterminer la valeur Leq permettant de tenir compte de l'exposition cutanée.
La valeur Leq de l'exposition cutanée à la NDMA dans l'eau potable peut être calculée en utilisant la formule suivante décrite par Krishnan, 2004 :
Figure 2 - Description textuel
La valeur en litres équivalent de l'absorption cutanée de la NDMA est égale à 0,4 litres équivalents par jour. Cette valeur a été calculée en multipliant les valeurs constantes 6,3 et 0.058 cm/heures (coefficient de perméabilité de la peau).Ce Leq doit être pris incorporé dans le calcul de la CMA, et la valeur de 1,5 L/j généralement utilisée pour l'ingestion d'eau potable devient 1,9 L/j pour l'exposition totale par l'eau potable.
5.6.2 Exposition par inhalation
Une évaluation en deux étapes a aussi été utilisée pour analyser la voie d'exposition par inhalation. Tout comme pour l'exposition cutanée, la première étape de l'évaluation détermine si l'inhalation de la NDMA durant le bain ou la douche équivaut à au moins 10 % de la consommation d'eau potable. Pour un objectif de 0,15 Leq à l'étape 1, le ratio air-eau (Fair-eau) de la concentration de NDMA devrait être supérieur à 0,000 89. À l'aide de la constante de la loi de Henry (Kaw), on a déterminé la valeur Fair-eau de la NDMA au moyen de l'équation suivante (Krishnan, 2004) :
Figure 3 - Description textuel
La concentration air-eau de la NDMA est égale à 2,0 x 10-5. Cette valeur a été calculée en divisant le produit de 0,61 et 3,3 x 10-5 par le produit de 80,25 et de 3,3 x 10-5 additionné à 1.où :
- Kaw est la constante sans unité de la loi de Henry, soit 3,3 × 10-5 à 25 °C;
- 0,61 est l'efficacité de transfert de 61 % (McKone et Knezovich, 1991);
- 80,25 est le rapport entre le volume d'air d'une salle de bain moyenne (6 420 L) et le volume d'eau moyen (80 L) utilisé pendant la douche ou le bain (Krishnan, 2004).
Comme la valeur Fair-eau est inférieure à 0,000 89, l'exposition à la NDMA par inhalation pendant le bain ou la douche n'est pas considérée comme importante. Il n'est donc pas nécessaire de réaliser la deuxième étape de l'évaluation, laquelle permet de calculer le volume d'eau (en Leq) pour tenir compte de l'exposition par inhalation (Krishnan, 2004).
6.0 Méthodes d'analyse
La U.S. Environmental Protection Agency a approuvé une méthode, soit la Method 521, pour l'analyse de la NDMA et a recommandé son utilisation en vertu de l'Unregulated Contaminants Monitoring Rule 2. Cette méthode fait appel à une extraction en phase solide suivie d'une chromatographie en phase gazeuse sur colonne capillaire couplée à une spectrométrie de masse par ionisation chimique. Elle indique une limite de détection de 0,28 ng/L et fixe la concentration minimale à déclarer à 1,6 ng/L (U.S. EPA, 2004).
La méthode 6410B de Standard Methods for the Examination of Water and Wastewater permet d'analyser la NDMA à l'aide de l'extraction liquide-liquide suivie d'une chromatographie en phase gazeuse couplée à une spectrométrie de masse (APHA et coll., 2005). Cette méthode n'indique toutefois aucune limite de détection.
D'autres méthodes qui ont été publiées ont recours à différentes techniques d'extraction et de concentration, telles que l'extraction liquide-liquide et l'extraction en phase solide (Cheng et coll., 2006). Plusieurs études sont actuellement en cours afin d'améliorer la détection de la NDMA et d'autres nitrosamines; cependant, aucune n'est encore approuvée pour la surveillance régulière.
7.0 Considérations de traitement
La présence de la NDMA dans l'eau potable est généralement associée à sa formation durant le traitement de l'eau plutôt qu'à sa présence dans la source d'eau. La formation de la NDMA dans l'eau dépend principalement de la nature et de la quantité des composés précurseurs ainsi que de la méthode de désinfection utilisée.
7.1 Formation de la NDMA durant la désinfection
La formation de la NDMA est principalement associée au traitement aux chloramines. Les recherches ont permis d'identifier trois mécanismes de formation des nitrosamines associés à la désinfection de l'eau. Pour ce qui est des deux premiers mécanismes, les précurseurs organiques azotés (c.-à-d. la DMA et la triméthylamine) sont vraisemblablement similaires, bien que les concentrations de DMA et de triméthylamine dans la source d'eau sont généralement trop faibles pour être à l'origine de la formation de la NDMA (Gerecke et Sedlak, 2003; Mitch et Sedlak, 2004; Mitch et Schreiber, 2008).
En ce qui a trait au premier mécanisme, le traitement aux chloramines a été associé à la formation de nitrosamines (Mitch et coll., 2003a), ce qui suppose une réaction possible de la dichloramine avec les précurseurs organiques azotés durant les jours qui suivent le traitement (Schreiber et Mitch, 2006a). Bien que les réseaux chloraminés contiennent principalement de la monochloramine, on y trouve généralement aussi de faibles concentrations de dichloramine. Les précurseurs organiques azotés sont généralement associés aux effluents d'eaux usées et les installations qui utilisent des sources d'eau contaminées par les eaux d'égout peuvent présenter un risque particulier (Schreiber et Mitch, 2006b). Les précurseurs organiques azotés se forment également à la suite de l'oxydation normale des matières organiques naturelles (MON) telles que les substances humiques (Chen et Valentine, 2007). Les émissions industrielles de nitrosamines peuvent aussi être préoccupantes pour ces sources d'approvisionnement en eau (Sedlak et coll., 2005). D'autres précurseurs importants présents dans les systèmes d'eau potable incluent les polymères de coagulation cationiques à base d'amines quaternaires (Wilczak et coll., 2003) et les résines échangeuses d'anions (Najm et Trussell, 2001).
En ce qui a trait au second mécanisme, la chloration en présence de nitrites peut rapidement former des nitrosamines (Choi et Valentine, 2003; Schreiber et Mitch, 2007). Ce mécanisme est probablement de moindre importance, puisque le chlore libre et les nitrites ne se trouvent pas en concentrations notables dans les usines de traitement d'eau, mais il pourrait devenir plus préoccupant dans les réseaux de distribution d'eau.
Le troisième mécanisme de formation de la NDMA consiste en l'ozonation des produits de dégradation d'un fongicide, le tolylfluanide, comme l'ont démontré Schmidt et Brauch (2008).
Peu de recherches ont porté sur la formation de la NDMA dans les réseaux de distribution. Lorsque la NDMA est formée suivant le premier mécanisme, la formation de nitrosamines devrait se poursuive dans les réseaux de distribution utilisant des chloramines, étant donné le temps de réaction lent de la dichloramine. Il a été démontré que les concentrations de NDMA dans les réseaux de distribution augmentaient avec le temps de séjour (Barrett et coll., 2003; Wilczak et coll., 2003; Charrois et Hrudey, 2007).
La chloration au-delà du point critique et le temps de contact du chlore libre influent de manière importante sur la formation de la NDMA. Lors d'un essai en laboratoire, Charrois et Hrudey (2007) ont indiqué une réduction de 93 % de la formation de la NDMA, avec une concentration de 3 ng/L dans les effluents lorsque le chlore libre a été appliqué pendant un temps de contact de deux heures avant le traitement aux chloramines. Dans une étude en laboratoire portant sur la désinfection secondaire, la chloration au-delà du point critique a réduit la formation de NDMA. La chloration a produit des concentrations de NDMA supérieures à 200 ng/L avec un rapport molaire du chlore à l'azote de 0,5, mais des concentrations négligeables lorsqu'il était de 4 (Schreiber et Mitch, 2005). Lorsque l'ammoniaque est déjà présente dans la source d'eau, il est possible d'inactiver les précurseurs en ajoutant une dose de chlore libre supérieure au point critique (Schreiber et Mitch, 2007).
7.2 Prévention de la formation de la NDMA
Les usines et processus de traitement déjà en place devraient être optimisés afin de réduire la formation de sous-produits de désinfection, notamment la NDMA, sans compromettre l'efficacité de la désinfection. Les stratégies visant à prévenir la formation de la NDMA durant la désinfection sont axées sur l'élimination de ses plus importants précurseurs, des précurseurs organiques azotés (c.-à-d. la DMA et la triméthylamine) et de la dichloramine.
L'utilisation d'oxydants puissants, notamment le chlore libre (Schreiber et Mitch, 2005; Charrois et Hrudey, 2007), le dioxyde de chlore ou l'ozone (Lee et coll., 2007a), en amont du traitement aux chloramines peut inactiver les précurseurs organiques. Dans une étude en laboratoire portant sur des eaux synthétiques et naturelles, l'oxydation par l'ozone ou le dioxyde de chlore a permis de réduire la formation de la NDMA (Lee et coll., 2007a).
Comme il en a été fait mention précédemment, certains procédés de traitement peuvent conduire à la formation de la NDMA. Pour minimiser cette formation, les usines de traitement d'eau devraient prêter une attention particulière au choix des coagulants à base de polyélectrolytes et des résines échangeuses d'ions, et limiter l'utilisation des polymères de coagulation cationiques à base d'amines quaternaires (Wilczak et coll., 2003).
7.3 Technologies de traitement
La NDMA est la principale espèce de nitrosamines qui se forme durant le traitement aux chloramines, mais elle peut aussi être un sous-produit de la chloration. Dans les essais en laboratoire et en vraie grandeur, les concentrations des autres nitrosamines formées (la N-nitrosoéthylméthylamine et la N-nitrosodiéthylamine) étaient 10 à 100 fois moins élevées que celles de la NDMA (Sacher et coll., 2008). Des recherches plus approfondies doivent être menées sur la toxicité et les caractéristiques de traitement des autres nitrosamines.
Afin de réduire les concentrations de NDMA dans l'eau traitée, il est important d'étudier l'influence du traitement sur la formation de la NDMA et des autres sous-produits de la désinfection. Plus spécifiquement, l'étude du traitement (y compris les essais pilotes) devrait évaluer la stratégie de désinfection pour déterminer le potentiel de formation de sous-produits de désinfection. Cette évaluation aidera à assurer que la stratégie de traitement choisie permet de minimiser la formation de tous les sous-produits de désinfection potentiels.
7.3.1 Échelle municipale
La méthode de traitement la plus couramment utilisée pour diminuer la NDMA déjà présente est la photolyse UV (Mitch et coll., 2003a). La NDMA peut être éliminée par adsorption sur charbon actif, osmose inverse, oxydation par l'ozone, biodégradation ou le procédé d'oxydation avancée (POA) UV/H2O2 (Siddiqui et Atasi, 2001; Mitch et coll., 2003a), bien que ces méthodes ne soient pas très efficaces. La NDMA est biodégradable, mais sa biodégradation prend tout de même quelques jours. Il est donc impossible de recourir à cette solution dans le cas du traitement de l'eau. Sharpless et Linden (2003) de même que Liang et coll. (2003) ont conclu que l'ajout de peroxyde d'hydrogène en tant que POA offre un avantage économique limité lorsqu'il est utilisé seulement pour l'élimination de la NDMA.
7.3.1.1 Irradiation aux UV et oxydation avancée
Le procédé le plus couramment utilisé pour diminuer la NDMA est l'irradiation aux UV. La dose d'UV permettant de réduire la NDMA de 90 % est d'environ 1 000 mJ/cm², soit environ 10 fois plus que la dose requise pour l'inactivation des virus (Mitch et coll., 2003a). La réduction de la NDMA par irradiation aux UV est techniquement réalisable, mais coûteuse et peut se révéler complexe pour les petites installations de service public.
Les principaux sous-produits de la photolyse UV de la NDMA sont la DMA et les nitrites (Bolton et Stefan, 2000; Mitch et coll., 2003a). Lorsque le procédé UV/H2O2 est appliqué, le principal produit de dégradation est le nitrate et les concentrations de DMA sont considérablement inférieures à celles obtenues par photolyse directe (Bolton et Stefan, 2000).
Une étude comparant la capacité des lampes UV à vapeur de mercure basse et moyenne pression à dégrader la NDMA additionnée à une concentration de 75 µg/L à une eau potable synthétique a démontré que les deux types de lampes présentaient une efficacité semblable en matière de dégradation de cette substance (Sharpless et Linden, 2003). L'ajout de 100 mg/L de peroxyde d'hydrogène a permis d'augmenter la vitesse de dégradation de 30 % avec la lampe basse pression, mais n'a pas amélioré l'efficacité de la lampe moyenne pression.
Une étude réalisée par Lee et coll.(2005) a démontré que l'irradiation par une lampe à vapeur de mercure basse pression de 13 W permettait de dégrader entièrement la NDMA contenue dans une solution ayant une concentration de 7,5 µg/L à un pH de 7,0 après environ 15 minutes; une concentration de 750 µg/L nécessitait cinq heures. Une analyse subséquente a révélé que les produits de dégradation provenant de ce procédé de traitement étaient la méthylamine et la DMA et que leurs concentrations relatives dépendaient des conditions de la réaction.
Liang et coll. (2003) ont mené une étude en laboratoire pour déterminer l'efficacité d'oxydation de la NDMA des lampes UV à impulsions, puisqu'elles peuvent offrir une intensité de rayonnement plus élevée que les lampes UV à ondes continues. Des taux d'élimination élevés ont été observés avec les lampes à impulsions, mais leur viabilité doit faire l'objet d'autres études.
Des études portant sur le POA ont démontré que la dégradation de la NDMA dépendait fortement du taux d'élimination des radicaux hydroxyles dans les eaux naturelles. Dans le cadre d'expériences portant sur l'ozone et le peroxyde d'hydrogène, Lee et coll. (2007b) ont observé des taux d'oxydation de la NDMA de 55 et 78 % avec des doses d'ozone respectives de 160 µM et de 320 µM, un rapport O3/H2O2 de 2 pour 1, un pH de 7,9 et une concentration initiale de NDMA de 1 µM (74 µg/L). Des doses d'ozone de 40 et 160 µM ont permis de réduire la NDMA respectivement de 10 et 25 %, avec un pH de 7,0 et une concentration initiale de NDMA de 1 µM.
Une étude en laboratoire mené par Zhao et coll. (2008) suggère que la dégradation par UV ou le traitement par POA peut fournir une source de précurseurs qui pourraient former de la NDMA lors d'une étape ultérieure. L'étude indique également que la matière organique naturelle et les contaminants organiques artificiels dans les différentes sources d'eau pourraient avoir un effect sur l'enlèvement de la NDMA suite aux différentes caractérisiques de formation de celleci. Bien que les rayons UV et les PAO soient capables de réduire les concentrations de NDMA dans l'eau, le choix des options de traitement devra inclure des études en laboratoire et des considération de la formation potentielle de NDMA après les étapes de chloration.
7.3.1.2 Osmose inverse et adsorption
L'osmose inverse (OI) n'est pas un processus efficace d'élimination de la NDMA. Une étude en laboratoire ayant utilisé trois membranes différentes a produit des taux de rejet de 54, 61 et 70 % (Steinle-Darling et coll., 2007). Cette étude a aussi démontré que le revêtement additionnel et l'encrassement peuvent être des facteurs importants et, selon les conditions, augmenter ou réduire le rejet. Ceci souligne l'importance d'évaluer chaque membrane dans le cadre d'essais pilotes.
La NDMA s'adsorbe peu sur le sol, le charbon actif ou d'autres sorbants. Divers tests de laboratoire ont démontré l'inefficacité de réduction de la NDMA de différents adsorbants carbonés et zéolites (Fleming et coll., 1996; Zhu et coll., 2001; Kommineni et coll., 2003).
7.3.2 Échelle résidentielle
Il n'est généralement pas nécessaire d'utiliser des dispositifs de traitement sur l'eau potable traitée par la municipalité. Si un consommateur choisi d'utiliser un dispositif de traitement, il est important de noter que Santé Canada ne recommande pas de marques particulières de dispositifs de traitement de l'eau potable, mais conseille vivement aux consommateurs de choisir un dispositif dont la marque ou l'étiquette indique qu'il a été certifié par un organisme de certification accrédité comme étant conforme aux normes appropriées de la NSF et de l'American National Standards Institute (ANSI). Ces normes visent à préserver la qualité de l'eau potable en s'assurant de l'innocuité des matériaux et de l'efficacité des produits qui entrent en contact avec l'eau potable. Conformité à ces normes permet d'assurer que le dispositif de traitement n'introduit pas d'autres contaminants dans l'eau potable.
Les organismes de certification, accrédités par le Conseil canadien des normes (CCN), garantissent qu'un produit ou service est conforme aux normes en vigueur. Au Canada, les organismes suivants ont été accrédités par le CCN pour s'assurer que les dispositifs et les matériaux de traitement répondent aux normes NSF/ANSI :
- CSA International;
- NSF International [en anglais seulement];
- Water Quality Association [en anglais seulement];
- Underwriters Laboratories Inc. [en anglais seulement];
- Quality Auditing Institute Ltd. [en anglais seulement]; et
- International Association of Plumbing and Mechanical Officials. [en anglais seulement]
On peut obtenir une liste à jour des organismes de certification accrédités auprès du Conseil canadien des normes.
La NSF International (NSF) a élaboré plusieurs normes relatives aux dispositifs de traitement résidentiels de l'eau potable conçus pour réduire les concentrations de divers types de contaminants dans l'eau potable, mais aucune de ces normes ne traite de la NDMA. Des recherches sont en cours dans les secteurs public et privé pour vérifier et adopter des méthodes efficaces pour réduire la formation de la NDMA dans l'eau potable. Il n'existe actuellement aucun dispositif de traitement résidentiel conçu spécifiquement pour réduire la NDMA. Bien qu'elle ne soit pas très efficace, la filtration par osmose inverse peut réduire en partie la formation de la NDMA. Puisque sa réduction dépend du type de membrane, différents filtres OI devraient être mis à l'essai pour choisir le dispositif le plus approprié. Les produits qui font appel au procédé OI peuvent perdre de leur capacité d'élimination avec l'usage et le temps et devraient donc être entretenus ou remplacés conformément aux recommandations du fabricant. Même si l'irradiation aux UV peut réduire les concentrations de NDMA, les dispositifs de traitement résidentiels aux rayons UV n'émettent pas de doses suffisamment fortes pour réduire les concentrations de NDMA dans l'eau.
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