ARCHIVÉE - Résumé de l'innocuité de l'essence de citronnelle comme aromatisant

Division de l'évaluation du danger des produits chimiques pour la santé
19 juillet 2004

Question

L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) a proposé l'abandon graduel des insectifuges d'usage personnel à base d'essence de citronnelle, une conséquence de leur décision de ne pas permettre l'homologation continue de l'ingrédient actif essence de citronnelle. Puisque l'essence de citronnelle est aussi utilisée comme aromatisant alimentaire, les principes sur lesquels se base le projet de révocation de l'homologation de son utilisation dans les produits d'usage personnel ont des répercussions quant à son utilisation en tant qu'aromatisant alimentaire.

Contexte

La proposition de l'ARLA est basée sur une réévaluation récente de l'essence de citronnelle, dans le cadre du programme de l'ARLA visant à revoir les produits plus anciens (homologués avant le 1er janvier 1995), afin de déterminer si leur utilisation s'avère acceptable compte tenu des normes de protection sanitaire et environnementale modernes d'aujourd'hui. L'ARLA n'a pas identifié de risques imminents pour la santé. Néanmoins, le manque de données en matière d'innocuité sur l'essence de citronnelle combiné au niveau d'exposition élevé et prolongé a créé de l'incertitude en ce qui a trait à l'innocuité de ces produits. Des préoccupations additionnelles liées à l'innocuité ont été identifiées avec certains des composants individuels de l'essence de citronnelle, parce que ces produits chimiques ont été liés à des effets toxiques spécifiques. Par conséquent, l'ARLA a été incapable de conclure que le risque pour la santé humaine découlant de l'utilisation de produits insectifuges à usage personnel contenant de l'essence de citronnelle était acceptable et, à partir de cela, ils ont proposé un abandon graduel de ces produits (1).

Origines

Les essences de citronnelle de Ceylan et de Java sont les deux principales variétés de cette huile essentielle disponibles dans le commerce. La citronnelle de Ceylan est obtenue par hydrodistillation de la plante partiellement séchée (Cymbopogon nardus; variété lenabatu). La citronnelle type Java est également obtenue par hydrodistillation ou distillation de la plante fraîche ou partiellement séchée (Cymbopogon winterianus; variété mahapengira) (2).

Caractéristiques générales

L'essence de citronnelle type Ceylan est un liquide jaune pâle à brun jaunâtre et contient 7-15 % d'acétaldéhyde et 55-65 % d'alcool total. L'essence type Java est un liquide clair, jaune pâle à brunâtre, avec une teneur en acétaldéhyde de 30-45 % et 32-35 % d'alcool total. L'essence type Ceylan possède une odeur caractéristique qui rappelle le citronnellal, alors que l'essence type Java possède une forte odeur qui rappelle le citron (2).

Utilisations alimentaires

En ce qui a trait aux aliments, l'essence de citronnelle est un aromatisant alimentaire puissant et est utilisé en faibles concentrations dans les boissons alcoolisées, les produits de boulangerie, produits laitiers glacés, céréales de petit déjeuner, gélatine alimentaire, poudings, boissons sans alcool et bonbons durs et mous (2).

Niveaux d'utilisation

Le niveau d'utilisation de l'essence de citronnelle dépend de l'aliment dans lequel elle est ajoutée, mais le niveau habituel varie entre 3 et 35 ppm. Le niveau maximal d'utilisation varie entre 13 et 48 ppm. L'essence de citronnelle a un goût prononcé et, conséquemment, son utilisation dans n'importe quel aliment est limitée par cette propriété (2; on trouvera plus de détails dans le tableau 1).

Usages homologués

Aux États-Unis d'Amérique, la Food and Drug Administration a inscrit l'essence de citronnelle sur sa liste de produits chimiques qui sont généralement reconnus inoffensifs (GRAS), et la Flavor and Extract Manufacturers' Association (FEMA) a également approuvé la reconnaissance GRAS pour l'essence de citronnelle.
Le Conseil de l'Europe a inscrit l'essence de citronnelle type Java dans la catégorie 1 (les substances ne soulèvent pas de préoccupations quant à leur innocuité dans les quantités ingérées) et l'essence de citronnelle type Ceylan dans la catégorie 3 (les substances soulèvent des préoccupations quant à leur innocuité liées à l'ingrédient actif; dans le cas de l'essence de citronnelle type Ceylan, il existe des limites pour la teneur en méthyl eugénol).
Au Canada, il n'y a pas de normes qui définissent les origines et compositions permises en ce qui a trait à l'essence de citronnelle utilisée en tant qu'aromatisant alimentaire, comme il existe pour d'autres huiles essentielles énumérées à la Partie B, Titre 10 de la Loi sur les aliments et drogues. Selon la Loi sur les aliments et drogues, l'innocuité de la plupart des substances aromatisantes, y compris les huiles essentielles telles que l'essence de citronnelle, est la responsabilité du fabricant tel que stipulé à la Partie A, Section 4a.

Évaluation de l'innocuité de l'essence de citronnelle à des fins alimentaires

L'approche utilisée ici pour évaluer l'innocuité de l'essence de citronnelle est la même que celle proposée par le JECFA (Comité mixte FAO-OMS d'experts des additifs alimentaires) pour évaluer des agents aromatisants naturels complexes. Ce protocole d'évaluation dépend de la composition de l'aromatisant à ajouter aux aliments, de l'innocuité individuelle des différents constituants qui le composent et de leurs congénères, ainsi que de l'estimation de l'apport alimentaire de cet aromatisant (3). Ceci représente une extension aux travaux antérieurs du JECFA, visant à évaluer des aromatisants simples constitués d'un seul ou d'un nombre limité de composants et pour lesquels le protocole d'évaluation repose sur la structure chimique, les chemins métaboliques connus ou hypothétiques, une estimation du degré d'exposition et des données disponibles sur l'innocuité de ces constituants ou des composés structurellement similaires.

Les essences de citronnelle types Ceylan et Java contiennent plus de 80 composants, desquels environ 50 composés chimiques constituent plus 90 % de l'essence. Les principaux composants de l'essence de citronnelle type Ceylan sont le géraniol (18 à 20 %), le citronnellol (6,4 à 8,4 %), le citronnellal (5 à 15 %), le géranyl acétate (2 %), le limonène (9 à 11 %) et le méthyl isoeugénol (7,2 à 11,3 %). L'essence de citronnelle type Java est quant à elle constituée principalement de citronnellal (32 à 45 %), de géraniol (21 à 24 %), de citronnellol (11 à 15 %), de géranyl acétate (3 à 8 %), de limonène (1,3 à 3,9 %), d'élémol et d'alcools sesquiterpéniques (2 à 5 %) (3; on trouvera plus de détails dans le tableau 2).

Selon le protocole d'évaluation utilisé par le JECFA, les composants individuels d'un aromatisant alimentaire naturel ne soulèvent pas de préoccupations liées à leur innocuité si le niveau d'absorption de ce composant individuel est inférieur à 1,5 µg/personne/jour. Cette limite générale est basée sur une estimation de la quantité d'un composé chimique qui est absorbée et pour laquelle la probabilité d'induire le développement d'un cancer chez moins d'une personne sur un million au cours de leur vie est de 95 %. Étant donné que cette limite se base sur des hypothèses très prudentes, il est possible de supposer que ce raisonnement couvre tous les types de toxicité (4). En plus de cette limite générale, le JECFA a recours aux limites de 1800, 540 et 90 µg/personne/jour respectivement pour les composés chimiques de classes I, II, et III. Les composés chimiques de classe I ont une structure qui suggère que le composé en question est métabolisé de façon efficace et possède un faible potentiel de toxicité. Les composés de classe II ont des caractéristiques structurales moins inoffensives que celles des composés de classe I, sans toutefois laisser indiquer de toxicité particulière. Les composés chimiques de classe III, quant à eux, ont des caractéristiques structurales qui ne permettent pas de conclure initialement à une présomption d'innocuité ou de toxicité évidente. Ces limites sont basées sur le cinquième du plus bas niveau de la dose de non effet ou NOEL, déterminée à partir d'études de toxicité chez les animaux, pour les composés de chaque classe structurale et divisée par un facteur d'incertitude de 100.

En ce qui a trait à l'essence de citronnelle, son absorption à partir d'une utilisation d'agents aromatisants est estimée à 69 µg/personne/jour (5). En utilisant la valeur limite générale de 1,5 µg/personne/jour, les composants individuels de l'essence de citronnelle qui représentent moins de 2,2 % de sa composition totale ne seraient pas considérés comme posant un risque d'innocuité en raison du faible degré d'exposition.1 Les composants de l'essence de citronnelle représentant une concentration supérieure ou égale à 2,2 % de la composition globale de l'essence incluent le géraniol, le citronnellol, le citronnellal, le camphène, le ß-cubébène, le limonène, le méthyl isoeugénol, l'élémol et le géranyl acétate. À l'exception du ß-cubébène, tous ces constituants ont été évalués par le JECFA, en utilisant les valeurs limites des classes chimiques et les valeurs d'absorption ou selon les protocoles traditionnels d'évaluation toxicologique qui débouchent sur l'établissement des valeurs d'apport quotidien moyen. À partir de ces études, on a conclu que le niveau d'absorption de ces composants individuels à partir d'une utilisation d'agents aromatisants ne dépassait pas les limites établies pour la classe de composés chimiques à laquelle ils appartiennent ni leur niveau respectif d'apport quotidien moyen. Ces études ont également établi que les composés en question seraient métabolisés en produits inoffensifs et qu'il n'existait pas de problèmes d'innocuité liés à l'utilisation de ces composants en tant qu'agents aromatisants compte tenu des niveaux d'absorption existants. De plus, le JECFA a considéré l'hypothèse improbable selon laquelle tous les composés chimiques de la même classe structurale seraient consommés en même temps et a conclu que ces groupes de composés ne soulèveraient pas de préoccupations liées à l'innocuité. Le JECFA n'a pas encore évalué le groupe de composés chimiques auquel appartient le ß-cubébène et les hydrocarbures sesquiterpéniques. Le ß-cubébène représente 3,8 % de l'essence de citronnelle type Ceylan et 2,3 % de l'essence de citronnelle type Java. Ceci signifie que l'exposition maximale au ß-cubébène à partir d'essence de citronnelle serait toute au plus égale à 2,6 µg/personne/jour. Bien que ce niveau d'exposition dépasse la valeur limite générale de 1,5 µg/personne/jour, elle n'atteint pas le double de cette valeur limite. Compte tenu des hypothèses très prudentes utilisées pour déterminer la valeur limite générale, le degré d'exposition au ß-cubébène à partir d'essence de citronnelle n'a pas été considéré comme pouvant représenter un danger pour la santé.

Commentaires

L'absorption estimée d'essence de citronnelle à partir d'aliments est au moins 65 000 fois moins élevée que l'exposition estimée due à l'application topique d'un insectifuge d'usage personnel à base de citronnelle (0,0686 mg/personne/jour contre 4610 mg/personne/jour)2. L'exposition relativement faible à l'essence de citronnelle en tant qu'aromatisant semble laisser croire que le risque pour la santé est beaucoup moindre qu'avec de la citronnelle utilisée comme insectifuge d'usage personnel.

Le degré d'exposition extrêmement faible à l'essence de citronnelle et l'application de l'approche du JECFA fondée sur le seuil d'innocuité pour évaluer les effets toxiques d'aromatisants complexes provenant de sources naturelles indiquent que les composants individuels de l'essence de citronnelle en tant qu'aromatisant ne soulèvent pas de préoccupations quant à leur innocuité.

Cet avis s'applique également au méthyl eugénol, une substance qui s'est révélée avoir un potentiel cancérogène chez les souris et les rats, que l'on retrouve dans l'essence de citronnelle types Ceylan et Java dans des concentrations de 0,99 et 0,09 %, respectivement. Dans le cas de l'essence de citronnelle utilisée comme aromatisant, l'absorption de méthyl eugénol est estimée être en deçà du seuil qui pourrait poser un risque de cancer équivalant à 1 cancer additionnel sur 1 million de personnes. De plus, on a remarqué que l'exposition au méthyl eugénol à partir d'autres sources d'aliments (muscade, basilic, noix de Grenoble, confiserie, produits de boulangerie et autres) dépasse de beaucoup la quantité absorbée à partir de l'essence de citronnelle (0,00068 mg/personne/jour contre 13 mg/personne/jour)(6) et, par conséquent, l'essence de citronnelle en tant qu'aromatisant ne vient pas augmenter de façon significative l'exposition humaine totale au méthyl eugénol. Le limonène est également présent dans l'essence de citronnelle types Ceylan et Java, et il a lui aussi démontré un potentiel cancérogène chez les rongeurs, plus spécifiquement chez le rat mâle. Cependant, les chercheurs ont déterminé que le limonène présentait des effets cancérogènes chez le rat mâle en raison de la physiologie particulière de ce dernier et qu'il ne soulevait pas de préoccupations liées au cancer chez l'homme. Pour cette raison, le limonène dans l'essence de citronnelle ne pose pas de risques spécifiques liés au cancer.

Recommandation

L'essence de citronnelle possède un goût prononcé et cette caractéristique limite son ajout aux aliments. Si l'on se base sur les estimations d'absorption, et sur une évaluation de l'innocuité des composants de l'essence de citronnelle faisant appel à une procédure qui tient compte de la structure chimique, du sort métabolique et des données toxicologiques disponibles, on prédit que l'utilisation d'essence de citronnelle en tant qu'aromatisant dans les aliments ne soulèverait pas de préoccupations liées à son innocuité.


1 Pour que l'exposition à un composé chimique individuel de l'essence de citronnelle soit égale à 1,5 µg/personne/jour, il faudrait qu'elle soit égale à 2.3 % de l'exposition à l' essence de citronnelle (=1,5 µg/personne/jour à 66.0 µg/personne/jour x 100 %).

2 4610 mg d'essence de citronnelle/personne/jour constitue une faible estimation de l'exposition pour les utilisateurs, puisqu'elle suppose seulement une application unique d'huile par jour. Des données suggèrent qu'une application aux 30 minutes est nécessaire pour que l'essence de citronnelle s'avère efficace en tant qu'insecticide.

Tableau 1- Utilisations déclarées pour l'essence de citronnelle dans les aliments
(tiré de G.A. Brudock, Fenaroli's Handbook of Flavor Ingredients, 4 e édition, pp. 314-315, 2002, CRC Press, New York, É.-U.)
Catégorie d'aliments Niveau habituel (ppm) Niveau maximal (ppm)
Boissons alcoolisées 32,96 40,00
Produits de boulangerie 34,95 47,61
Produits laitiers glacés 31,60 42,58
Gélatine alimentaire, poudings 24,95 38,92
Boissons sans alcool 16,60 26,23
Bonbons mous 33,24 45,88
Bonbons durs 3,28 12,98
Tableau 2- Composition chimique de deux variétés commerciales d'essences de citronnelle
(modifié d'après M.H. Boelens et al., Perfumer & Flavorist, 19: 29-45, 1994)
Produit chimique Type Ceylan (%) Type Java (%)
géraniol 20,91 23,18
limonène 8,66 2,81
(E)-méthyl isoeugénol 8,42 -
camphène 6,97 0,04
citronnellol 6,15 11,19
citronnellal 6,09 34,79
β-cubébène 3,77 2,25
géranyl acétate 2,40 5,07
cis-β-ocimène 1,92 0,37
α-pinène 1,87 0,05
(Z)-méthyl isoeugénol 1,18 -
élémol 1,14 3,16
citronnellyl acétate 1,10 1,88
β-élémène 1,10 1,96
tricyclène 1,09 0,01
trans-β-ocimène 1,07 0,19
α-terpinéol 1,05 0,05
méthyl eugénol 0,99 0,09
isopulégol 0,87 0,22
bornéol 0,87 0,05
myrcène 0,83 0,09
terpinolène 0,74 0,06
terpinène-4-ol 0,65 0,04
linalool 0,56 0,72
T-amorphol/bulnésol 0,55 0,65
α-muurolène 0,46 0,46
β-caryophyllène 0,44 0,22
bornyl acétate 0,42 -
muurolène 0,36 0,67
trans-muurolol 0,33 0,53
10-épi-eudesmol 0,23 0,17
α-humulène 0,21 0,13
décanal 0,18 0,10
β-bourbonène 0,18 0,10
α-phellandrène 0,17 -
6-méthyl-5-hepten-2-one 0,16 0,01
δ-3-carène 0,12 0,01
mélonal 0,11 0,08
néryl acétate 0,10 0,04
p-cymène 0,10 -
δ-cadinène 0,09 1,17
(Z)-α-farnésol 0,07 0,10
3,3-diméthylbicycloheptan-2-one 0,07 -
β-phellandrène+1,8cinéole 0,06 0,07
(E)-α-farnésol 0,06 0,08
sabinène 0,06 0,07
β-pinène 0,06 0,01
α-terpinène 0,06 0,01
α-copaène 0,04 0,08
δ-élémène 0,03 0,01
α-thujène 0,02 -
α-terpinyl acétate 0,01 0,16
(Z)-3-hexenol - 0,01
acide citronnellique - 0,13
eugénol - 2,45
% total d'essence 90,48 97,54

- signifie non détecté

Références


1. ARLA, Projet d'acceptabilité d'homologation continue, réévaluation de l'huile de citronnelle comme insectifuge personnel et autres composés actifs. Ébauche 2004.

2. Boelens, M.H., Evaluation sensorielle et chimique des huiles des herbes tropicales, Perfumer & Flavorist. 19: 29-45, 1994.

3. Conseil de l'Europe, Sources d'aromatisants naturels - Rapport No. 1. pp.169-172, Publications du Conseil de l'Europe, 2000.

4. 61e Comité mixte FAO-OMS d'experts des additifs alimentaires. L'évaluation des risques B la santé des substances aromatisantes individuelles et des complexes aromatisants naturels. Organisation mondiale de la Santé. 2004.

5. Burdock, G.A., Fenaroli's Handbook of Flavor Ingredients, 4e édition, pp.314-315, CRC Press, New York, USA, 2002.

6. Comité scientifique sur les aliments, Commission des communautés européennes, L'opinion du comité scientifique sur les aliments concernant le Methyleugenol (4-Allyl-1,2-dimethoxybenzene), 26 septembre 2001.

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