Archivé - Placements des régimes de pension au Canada : La règle des 30 pour 100
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Date limite : Le 16 septembre 2016
Qui peut participer : Ces consultations s'adressent à toutes les personnes intéressées.
Les commentaires écrits sur l’utilité continue de la règle des 30 pour 100 et les considérations liées à son maintien, à son assouplissement ou à son élimination doivent être transmis par courriel au plus tard le 16 septembre 2016 à FIN.Pensions-Pensions.FIN@canada.ca.
Afin d’accroître la transparence et l’interactivité du processus de consultation, le ministère des Finances Canada souhaitera peut-être citer ou résumer les mémoires dans ses documents publics et les publier en tout ou en partie sur son site Web. Par conséquent, nous demandons aux parties qui présentent leurs observations d’indiquer clairement le nom de la personne ou de l’organisation qui devrait être identifiée comme ayant présenté le mémoire. Le mémoire devrait de préférence être transmis par voie électronique en format PDF ou en fichier texte afin de faciliter l’affichage.
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La promotion de la sécurité du revenu de retraite des Canadiennes et des Canadiens est un des objectifs importants pour le gouvernement du Canada. Le Canada compte sur un système de revenu de retraite robuste; ce système est reconnu à l’échelle internationale comme étant à la fois adéquat, abordable et viable. Les régimes de pension agréés privés liés à l’emploi constituent une composante essentielle de ce système.
Ces dernières années, le gouvernement a posé des gestes tangibles pour renforcer et moderniser le cadre législatif et réglementaire relatif aux régimes de pension privés, notamment en apportant des modifications à la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension et au règlement connexe dans le but d’améliorer la protection des participants aux régimes et de promouvoir la viabilité de ces régimes.
Le gouvernement cherche à obtenir des commentaires auprès des intervenants sur l’utilité de la règle qui empêche les régimes de pension sous réglementation fédérale de détenir plus de 30 pour 100 des actions avec droit de vote d’une entreprise (la règle des « 30 pour 100 »).
Le présent document établit le contexte lié à l’historique de la règle des 30 pour 100 et les développements récents. En empêchant les régimes de pension d’acquérir une participation de contrôle dans des sociétés par actions, la règle visait à limiter les régimes à un rôle plus passif et à réduire le risque d’exposition à la faillite d’entreprises. Le document aborde ensuite les considérations de prudence et les incidences de la règle relativement au rendement des placements. La règle des 30 pour 100 comporte aussi des répercussions sur la politique fiscale dans la mesure où elle limite la capacité d’un régime de pension à acquérir le contrôle des entreprises. En particulier, le contrôle du régime de pension qui exploite des entreprises peut donner lieu à certaines préoccupations quant à l’équité et l’efficience fiscales. Bien qu’ils ne soient pas uniquement attribuables à la règle des 30 pour 100, ces enjeux pourraient prendre de l’ampleur si la règle était assouplie ou éliminée.
Dans chacun de ces domaines, le document établit un certain nombre de questions aux fins de discussion sur lesquelles les parties intéressées sont invitées à réfléchir et à formuler des commentaires. Ces questions visent à favoriser la discussion et ne sont pas censées limiter l’ensemble des considérations; les intervenants ne devraient pas hésiter à émettre des commentaires sur d’autres considérations pertinentes.
Le gouvernement du Canada soutient les régimes de pension liés à l’emploi dans le cadre de la réglementation prudentielle et de l’aide fiscale. Les régimes de pension offerts dans les industries de compétence fédérale (par exemple, les services bancaires, le transport) ainsi que les régimes au Yukon, aux Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut sont réglementés par le gouvernement du Canada en vertu de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension (LNPP) et de la Loi sur les régimes de pension agréés collectifs (Loi sur les RPAC). En outre, les régimes sous réglementation fédérale et provinciale enregistrés en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) sont admissibles au traitement à imposition différée, qui est accordé afin d’aider les Canadiens à économiser en vue de leur retraite.
Parmi les autres règles régissant les placements, les régimes de pension sous réglementation fédérale ne sont pas autorisés à détenir plus de 30 pour 100 des actions avec droit de vote afin d’élire les administrateurs d’une société (la règle des 30 pour 100). Selon le principe sur lequel repose cette règle, un investisseur qui détient un tel pourcentage d’actions est un investisseur actif et les régimes de pension devraient être des investisseurs passifs au lieu de gérer les opérations quotidiennes des entreprises dans lesquels ils investissent. La règle visait aussi à réduire l’exposition au risque des régimes de pension si une entreprise contrôlée faisait faillite (par exemple, des incitatifs pour conserver les placements faits dans une entreprise en difficulté dans l’espoir que ses activités se redressent). La règle ne s’applique pas aux placements d’un régime de pension dans les valeurs de sociétés de placement, de sociétés immobilières ou de sociétés d’exploration de ressources lorsque certaines conditions prévues dans la LNPP sont remplies.
À la suite d’une initiative d’harmonisation au début des années 2000, la plupart des lois provinciales sur les pensions ont incorporé les règles fédérales de placement et seraient directement touchées par des modifications fédérales. Les normes de placement de l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada, l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public (fédéral) et la Caisse de dépôt et placement du Québec comprennent aussi une version de la règle.
Sur la scène internationale, la majeure partie des placements de retraite ne sont pas assujettis à une limite de la concentration de l’actionnariat. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Canada est le seul pays à imposer une limite à la concentration de l’actionnariat parmi les sept pays membres dont les institutions détiennent 90 pour 100 des actifs de pension1. Cependant, comme discuté plus loin dans le document, la plupart de ces pays ont des règles fiscales qui limitent la déductibilité de certains paiements d’intérêts dans le contexte de sociétés contrôlées par un régime de pension et/ou assujettissent directement à l’impôt les régimes de pension.
Au cours des dernières années, l’accroissement de la longévité a fait augmenter le coût des paiements de prestations prévus pour les régimes de pension. Parallèlement, les régimes de pension ont vu des augmentations des montants à investir en raison des cotisations importantes versées par les baby-boomers (âgés actuellement de 50 à 69 ans) qui sont au sommet de leur courbe de rémunération. De plus, de faibles taux d’intérêt et la volatilité dans les marchés mondiaux des actions découlant de la crise financière mondiale de 2008 ont diminué la capacité des régimes à produire un rendement financier à partir de placements passifs, tels que les obligations à long terme, afin de les associer à leur passif. Par conséquent, les régimes de pension cherchent de plus en plus de placements qui peuvent assurer des rendements solides et stables sur un horizon de moyen terme.
De nombreux régimes de pension l’ont fait en augmentant leur stock de placements dans lequel ils jouent un rôle actif. Il est estimé qu’en 2014, les six plus grands régimes de pension du Canada détenaient au moins 22,25 milliards de dollars en placements actifs dans des entités canadiennes en dehors des secteurs de l’immobilier et des ressources. Selon l’Association canadienne des gestionnaires de caisses de retraite, les régimes de pension membres ont déclaré en 2000 que seulement 1,5 pour 100 de leurs actifs a été investi dans des sociétés privées et l’infrastructure, ce qui comporte souvent une participation financière importante. En 2014, ces placements (au Canada et à l’étranger) comptaient environ 13 pour 100 d’actifs de régimes de pension.
Afin d’atteindre ces cibles en matière de placement, les grands régimes de pension ont contourné la règle des 30 pour 100 par des structures financières, juridiques et organisationnelles complexes qui permettent en fait de contrôler une société tout en détenant moins de 30 pour 100 des actions avec droit de vote2. Au cours des dernières années, les grands régimes de pension ont demandé que le gouvernement fédéral élimine la règle. Ils soutiennent que la participation de contrôle permet une amélioration du rendement du capital investi et ils déplorent que le contournement de la règle entraîne d’importants coûts administratifs et juridiques ainsi que d’autres difficultés. La règle des 30 pour 100 peut créer un obstacle supplémentaire à la possibilité pour un régime de pension canadien de faire des placements dans un marché étranger, en ce sens que les structures complexes utilisées pour contourner la règle pourraient être perçues négativement par les intervenants de ce marché étranger. Par conséquent, certains régimes de pension et groupes de l’industrie demandent l’élimination de la règle des 30 pour 100.
Plusieurs groupes d’experts provinciaux sur la réglementation des pensions ont recommandé l’élimination de la règle pour des motifs de gestion des risques; toutefois, ils n’ont pas abordé les répercussions fiscales. En juin 2015, le Québec a adopté le projet de loi 38, qui habilite la Caisse de dépôt et placement du Québec à gérer et à exécuter des projets d’infrastructure dans la province et à soustraire de la règle des 30 pour 100 ses placements dans des sociétés d’infrastructure.
Dans le document Perspectives économiques et revue financière de 2015, l’Ontario a annoncé qu’il avait l’intention d’éliminer la règle des 30 pour 100. Le 14 mars 2016, l’Ontario a rendu publique une description de la réglementation proposée aux fins de consultation. Les régimes sous réglementation ontarienne comptaient pour 34 pour 100 de tous les actifs des régimes de pension agréés canadiens à la fin de 2013. L’Ontario avait déjà annoncé son intention d’élaborer une réglementation qui exempterait les régimes de la règle pour les placements dans l’infrastructure publique de cette province seulement.
Les administrateurs de régime de pension sont responsables de la fonction de placement de leur régime de pension, en prenant en compte l’équilibre entre les risques et les bienfaits. La LNPP impose le principe de prudence selon lequel l’administrateur doit, en matière de placement d’actifs du régime de pension, adopter la pratique qu’une personne prudente suivrait dans la gestion d’un portefeuille de placements de régime de pension. La démonstration de la prudence est évaluée principalement par le processus au moyen duquel les stratégies de placement sont élaborées, adoptées, mises en œuvre et surveillées relativement au portefeuille du régime dans son ensemble. Les régimes de pension sous réglementation fédérale sont tenus d’établir par écrit un énoncé des politiques et des procédures de placement. Le Bureau du surintendant des institutions financières et l’Association canadienne des organismes de contrôle des régimes de pension ont publié une directive sur ce qui doit être inclus dans le document. Le Bureau du surintendant des institutions financières peut aussi à sa discrétion exiger aux administrateurs de régime de pension de fournir des documents qui démontrent la façon dont ils respectent le principe de prudence et d’autres exigences légales.
La règle des 30 pour 100 est étroitement définie, ne s’appliquant ainsi qu’aux actions d’une société qui confèrent le droit de voter pour des administrateurs. Toutefois, pourvu que les régimes de pension n’investissent pas plus de 10 pour 100 de la valeur comptable de leur régime dans une seule entité, ils peuvent obtenir plus de 30 pour 100 de participation en capital dans cette entité si les actions supplémentaires ne confèrent pas de droits de vote. Cette situation crée une disparité potentielle entre la détention et le droit de vote, ce qui incite les régimes de pension à rechercher des structures de gouvernance complexes afin de conserver le contrôle de leurs placements.
Certains intervenants ont soutenu que la capacité d’un actionnaire (à savoir le régime de pension) à voter pour élire (et à retirer) des administrateurs constitue un mécanisme de gouvernance d’entreprise essentiel. Ce mécanisme agit pour assurer que les administrateurs et les gestionnaires professionnels qu’ils supervisent s’acquittent de leurs fonctions et responsabilités de bonne foi et dans les meilleurs intérêts de la société et, en particulier, de ses actionnaires. Ils ont de plus fait part de leur avis selon lequel l’élimination de la règle des 30 pour 100 peut avoir pour effet d’accroître la surveillance, la responsabilisation et la transparence des sociétés publiques et privées et de rendre possible une gestion plus efficace des risques par les administrateurs des régimes de pension.
Questions de consultation
- La philosophie selon laquelle les administrateurs de régime devraient agir à titre d’investisseurs passifs continue-t-elle d’être valide? Sinon, pourquoi?
- Quels sont les avantages et les risques que les régimes de pension assument un rôle double, notamment en procurant des avantages aux participants et en jouant un rôle actif dans les activités d’une entreprise?
- Le principe de prudence et d’autres normes de la LNPP sont-ils suffisants pour compenser les risques potentiels inhérents aux régimes de pension qui acquièrent une participation de contrôle dans une société?
- Si la participation d’un régime de pension excède un certain seuil, le régime devrait-il être assujetti à des exigences supplémentaires? Dans l’affirmative, en quoi ces exigences devraient-elles consister et quel serait le seuil adéquat?
En 2005, le gouvernement a pris des mesures pour offrir aux régimes de pension à imposition différée, y compris les régimes de pension, une plus grande souplesse pour prendre de l’expansion vers de nouveaux marchés et diversifier les actifs par l’élimination de la règle sur les biens étrangers. Cette règle limitait auparavant la détention de biens étrangers (par exemple, des actions, des unités et des titres d’emprunt émis par des entités non résidentes) à 30 pour 100 des actifs du régime. Il a été soutenu que l’élimination de la règle des 30 pour 100 pourrait produire un résultat semblable, ce qui conférerait aux régimes de pension une plus grande souplesse pour accroître leurs avoirs dans des sociétés à rendement élevé.
L’élimination de la règle des 30 pour 100 accorderait en principe une plus grande souplesse aux régimes de pension pour identifier, acquérir et gérer les sociétés sur lesquelles un contrôle pourrait être exercé. Toutefois, certains observateurs mettent en doute la notion selon laquelle les régimes de pension ont peu d’options pour investir dans des sociétés à rendement élevé. Ils affirment aussi que le potentiel d’un rendement accru en l’absence de la règle des 30 pour 100 ne devrait pas être surestimé, en soulignant des données qui laissent croire que les portefeuilles de valeurs mobilières publiques des régimes de pension gérés activement ne surclassent pas généralement les portefeuilles de référence passifs. En revanche, si les régimes de pension avaient des capacités semblables aux fonds de capitaux privés pour gérer des placements actifs, en théorie, ils pourraient éviter de payer des frais de gestion (explicites ou implicites) associés à l’investissement dans des sociétés d’investissement en capital et pourraient accroître ainsi potentiellement leur rendement.
Les régimes de pension sont uniques et contribuent de façon importante à l’efficience des marchés financiers canadiens. Empêcher les régimes de faire des placements actifs au Canada pourrait avoir des conséquences négatives sur l’efficience des marchés financiers en réduisant la liquidité, la disponibilité des capitaux patients et des capitaux destinés aux projets à grande échelle dans lesquels les grands investisseurs institutionnels sont actifs. En outre, contraindre une catégorie importante d’investisseurs canadiens pourrait entraîner une augmentation des prises de contrôle d’entreprises canadiennes par des intérêts étrangers.
Questions de consultation
- La règle des 30 pour 100 empêche-t-elle les administrateurs de régime de pension d’obtenir des rendements appropriés sur le capital investi? Si tel est le cas, pourquoi?
- Quels sont les coûts, s’il y a lieu, que la règle des 30 pour 100 impose aux régimes de pension à la recherche de placements actifs?
- La règle des 30 pour 100 crée-t-elle des iniquités entre les grands et les petits régimes de pension? Inversement, son élimination pourrait-elle avoir le même effet? Si tel est le cas, pourquoi?
En vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR), les cotisations (dans les limites prescrites) aux régimes de pension agréés (RPA)3, aux régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER) et aux régimes de pension agréés collectifs (RPAC) sont déductibles du revenu imposable. Les revenus de placement gagnés sur les cotisations ne sont pas imposés à mesure qu’ils s’accumulent dans ces régimes et les paiements ou les retraits sont assujettis à l’impôt ordinaire sur le revenu des particuliers pour le bénéficiaire. Par conséquent, la LIR prévoit un report d’impôt important à des fins d’épargne dans ces régimes. Le report de l’impôt accordé sur l’épargne accumulée dans les RPA, les REER et les RPAC vise à encourager et à aider les Canadiens à épargner pour qu’ils puissent mieux atteindre leurs objectifs en matière de revenu de retraite. Dans le cas des RPA, la non-imposition du revenu gagné sur les placements est réalisée par leur traitement en tant qu’entité exonérée d’impôt.
Répercussions fiscales des acquisitions d’entreprises par les régimes de pension
Il est probable que l’assouplissement ou l’élimination de la règle des 30 pour 100 se traduirait par des niveaux accrus de placements actifs par les régimes de pension. Bien que les régimes de pension aient des incitatifs pour investir dans des instruments de manière avantageuse sur le plan fiscal pour les placements actifs et passifs, leur relation plus étroite avec la direction des entreprises dans lesquelles ils ont une participation de contrôle offre des possibilités de planification fiscale pour les placements actifs qui n’existent pas pour leurs placements passifs. Par exemple, les régimes de pension peuvent permettre dans certaines situations de restructurer ces entreprises pour faire passer le revenu imposable de l’entité commerciale au régime de pension. Puisque le régime de pension est exonéré d’impôt, une telle restructuration se traduit par l’évitement des impôts fédéraux et provinciaux des sociétés sur le revenu gagné par ces entreprises. Plusieurs structures de planification fiscale potentielle pourraient être utilisées.
- Dépouillement des bénéfices au moyen de dettes entre parties liées : Dans la mesure où le plan d’acquisition comporte un investissement par le régime de pension dans des actions de la société contrôlée, le régime de pension pourrait remplacer une partie (potentiellement une grande partie) de ses actions par des dettes entre parties liées. Puisque l’intérêt, contrairement aux dividendes, est déductible d’impôt, les paiements d’intérêts sur la dette détenue par le régime de pension pourraient être structurés de manière à réduire de façon significative ou à éliminer le revenu imposable de la société contrôlée. Toutefois, la préoccupation éventuelle ne se rapporte pas à l’utilisation de niveaux élevés de dette en soi, comme on le voit dans les acquisitions par emprunt typiques. La préoccupation réside plutôt dans l’utilisation de la dette entre parties liées détenue par le fonds de pension qui remplacerait de fait le capital propre et amènerait la dette totale de la société à un niveau qui excède celui typiquement observé dans des conditions normales de marché. Étant donné que les revenus en intérêts ne sont pas imposables pour le régime de pension exonéré d’impôt, ni le régime de pension ni la société ne seraient imposés sur le revenu gagné, distribué sous forme de paiements d’intérêts, de la société. Un exemple simplifié est donné ci-dessous.
Exemple 1 : Dépouillement des bénéfices au moyen de dettes entre parties liées
Une société imposable est déjà complètement financée par endettement au moyen de dettes entre parties liées et génère annuellement 10 millions de dollars en gains avant impôt. La société est assujettie à l’impôt fédéral sur le revenu des sociétés de 15 pour 100 sur ses 10 millions de dollars en gains, ou 1,5 million de dollars. Elle paie aussi un impôt provincial sur le revenu des sociétés de 10 pour 100 – 1 million de dollars supplémentaires. Après le paiement des impôts, le solde – 7,5 millions de dollars – est réparti aux actionnaires en tant que dividendes.
Supposons cependant qu’un régime de pension acquiert toutes les actions de la société. Le régime de pension pourrait restructurer son investissement afin de remplacer une partie importante des actions de la société par une dette entre parties liées. Supposons, par exemple, que le régime de pension n’a conservé qu’une participation nominale dans les capitaux propres et qu’il détenait le reste de son investissement sous la forme de titres d’emprunt (disons 200 millions de dollars) émis par la société qui paie un taux d’intérêt raisonnable sur le plan commercial (supposons qu’un taux de 5 pour 100 est justifiable dans les circonstances). Le paiement d’intérêts de 10 millions de dollars exonéré d’impôt compenserait entièrement les gains de la société et éliminerait les impôts sur le bénéfice à payer de la société. Étant donné que le régime de pension ne serait pas imposé sur les intérêts reçus (en contraste avec le cas où le paiement d’intérêts est payé à un investisseur assujetti à l’impôt), ni le régime de pension ni la société ne serait imposé sur les gains générés par la société.
Quoique cet exemple établisse un cas extrême où tous les gains de la société sont distribués libres d’impôt au fonds de pension, le même enjeu stratégique est soulevé si seulement une partie des gains de la société est distribuée de cette façon.
- Entités intermédiaires privées : Un régime de pension pourrait aussi détenir l’entreprise dans une entité intermédiaire privée telle qu’une fiducie ou une société de personnes privée. Puisque le revenu généré par ces entités intermédiaires est en général imposable pour l’investisseur, il ne serait pas assujetti à l’impôt, quel que soit le niveau, lorsque l’investisseur est un régime de pension. En 2006, en raison de la prolifération des fiducies de revenu, un impôt au niveau des entités a été instauré pour les entités intermédiaires de placement déterminées (EIPD) cotées en bourse (fiducies et sociétés de personnes), qui reflète essentiellement l’impôt des sociétés. Cela se traduit par une imposition comparable au niveau de l’entité, peu importe la forme sous laquelle une entreprise cotée en bourse peut être exploitée. L’imposition des EIPD ne s’applique pas cependant aux fiducies et aux sociétés de personnes qui ne sont pas cotées en bourse.
Exemple 2 : Entités intermédiaires privées
Un régime de pension achète 50 pour 1004 des unités dans une société de personnes en commandite non cotée en bourse qui exerce ses activités en tant qu’entreprise active. Les 50 pour 100 restants sont détenus par une société d’investissement en capital. Supposons que la société de personnes en commandite gagne annuellement 10 millions de dollars en revenus d’entreprise avant impôt. Aux fins de l’impôt, les 10 millions de dollars seraient attribués aux associés selon la proportion de leur participation financière. Toutefois, les 5 millions de dollars en revenus attribués au régime de pension ne seraient pas assujettis à l’impôt, quel que soit le niveau, compte tenu du statut d’exonération d’impôt du régime de pension.
Il conviendrait de noter dans les deux exemples que même si le revenu d’entreprise n’est pas imposé initialement, il le sera plus tard lorsque le régime de pension distribuera à ses participants les revenus de pension, qui sont assujettis à l’impôt des particuliers. Cependant, une préoccupation stratégique subsiste liée au fait que cette distribution imposable peut ne pas avoir lieu avant de nombreuses années après que le revenu est gagné, ce qui engendre un report très considérable. Ce report n’est pas disponible aux entreprises imposables.
Un investisseur imposable ne serait pas d’ordinaire incité à entreprendre les stratégies énoncées ci-dessus, puisque les revenus qui ne sont pas imposés au niveau de l’entité commerciale seraient acheminés à l’investisseur et seraient imposables entre ses mains. La capacité du régime de pension à éliminer l’impôt courant sur les revenus d’entreprise soulève des questions d’équité entre les différentes catégories d’investisseurs. Cette situation pourrait aussi créer potentiellement des distorsions dans les décisions en matière de placement, ce qui pourrait avoir des répercussions sur l’efficience économique et causer éventuellement des pertes de revenus fiscaux.
Équité et efficience
L’équité et l’efficience économique laissent en général supposer que les investisseurs dans les marchés financiers et les entités qui exercent des activités dans les marchés des affaires devraient être en concurrence sur un pied d’égalité. Il est donc important de considérer si le potentiel pour les régimes de pension (au moins les plus importants) d’éliminer l’impôt sur le revenu, au niveau de l’entité des entreprises qu’ils contrôlent, pourrait leur conférer un avantage concurrentiel à titre d’investisseurs (par exemple, par rapport aux sociétés imposables, aux petits régimes de pension et à d’autres régimes de retraite, aux investisseurs étrangers) et/ou aux entreprises qu’ils contrôlent. Cet enjeu est pertinent pour des raisons d’équité fiscale, d’efficience des marchés et de revenus du gouvernement. Certains des enjeux et des questions qui pourraient être pris en compte sont énoncés ci-dessous, lesquels ont été évoqués par des commentateurs. Le présent document ne prétend pas répondre à ces questions, mais les soulève en tant qu’enjeux potentiels aux fins de commentaires et d’éléments à prendre en compte par les intervenants.
- Les économies d’impôt réalisables prévues (ou leur valeur actuelle) par un régime de pension attribuables à des stratégies de réduction d’impôt disponibles pourraient lui permettre de payer une prime pour la cible d’acquisition. Tous les autres facteurs étant égaux, on pourrait se demander si une telle bonification pourrait conférer un avantage aux régimes de pension par rapport aux investisseurs imposables dans le marché pour les acquisitions de sociétés.
- Les petits régimes de pension, quoiqu’également exonérés d’impôt, peuvent ne pas avoir la taille, la capacité ou la tolérance au risque pour pouvoir acquérir une participation de contrôle dans des entreprises. Cette situation soulève la question à savoir si ces derniers seraient empêchés d’entreprendre certaines stratégies fiscales dont disposent les grands régimes de pension ou s’ils pourraient devoir assumer des coûts de transaction importants (par exemple, en travaillant ensemble par l’intermédiaire de sociétés d’investissement en capital) pour avoir recours à des stratégies semblables.
- Les régimes d’épargne-retraite autogérés tels que les REER ne sont pas en général autorisés à détenir des intérêts de 10 pour 100 ou plus dans n’importe quelle entreprise. En l’absence de la règle des 30 pour 100, les régimes de pension peuvent être perçus comme ayant un avantage indu par rapport aux autres régimes d’épargne-retraite et investisseurs institutionnels.
- Les investisseurs étrangers, y compris les régimes de pension étrangers et les fonds souverains, sont assujettis à des règles fiscales, appelées « règles de capitalisation restreinte », qui limitent leur capacité à recevoir des revenus d’une société canadienne exonérée d’impôt (ou assujettie seulement à des retenues d’impôt) à l’aide d’une dette entre parties liées. Ces règles soulèvent la question à savoir si de telles restrictions devraient s’appliquer aux régimes de pension canadiens.
- Les régimes de pension pourraient avoir recours à des stratégies fiscales telles que celles mentionnées ci-dessus afin de rendre déductible d’impôt tout leur rendement du capital à partir d’une entreprise contrôlée. Cela soulève la question à savoir si les économies d’impôt qui en résultent, réalisées en permanence par une entreprise contrôlée par un régime de pension, pourraient lui permettre d’offrir des prix plus concurrentiels que les entreprises concurrentes, facilitant ainsi l’expansion de la société aux dépens d’entreprises appartenant à des investisseurs canadiens assujettis à l’impôt ou à des investisseurs étrangers.
Un autre enjeu à prendre à compte consiste à déterminer si la plus grande capacité des régimes de pension à réduire au minimum les coûts fiscaux (en ce qui concerne les placements actifs par rapport aux placements passifs) pourrait créer une distorsion envers un placement actif par un régime de pension dans une entreprise comparativement à ce qui serait autrement dicté par les mérites respectifs des placements.
Mesures fiscales potentielles
Comme il a été mentionné plus tôt, la règle des 30 pour 100 n’a pas empêché les régimes de pension canadiens d’acquérir des positions de contrôle dans des entreprises canadiennes. Les régimes de pension canadiens ont aussi l’autorisation explicite depuis de nombreuses années, aux fins de l’impôt et de la réglementation, de détenir directement certaines sociétés immobilières et d’exploration de ressources et de bénéficier d’une exonération d’impôt à l’égard de celles-ci. Néanmoins, l’assouplissement ou l’élimination de la règle des 30 pour 100 pourrait avoir pour effet de renforcer la capacité des régimes de pension à acquérir une participation de contrôle dans des entreprises. Dans la mesure où les enjeux d’équité et d’efficience tels que ceux mentionnés ci-dessus sont des préoccupations réelles, une telle initiative pourrait les aggraver. Dans ce cas, des mesures fiscales potentielles pourraient être envisagées en vue d’atténuer certains des enjeux d’équité et d’efficience. Vraisemblablement, les règles fiscales potentielles s’appliqueraient aux régimes de pension sous réglementation fédérale et provinciale, puisque c’est le statut d’exonération d’impôt en tant que RPA qui donne lieu à des possibilités de planification fiscale dont il a été question.
La plupart des pays du G7 (hormis le Canada) disposent soit de règles qui limitent les déductions d’intérêts d’entreprise dans le cas des investisseurs canadiens exonérés d’impôt et des investisseurs étrangers, soit de règles qui assujettissent directement à l’impôt les régimes de pension. Les approches comprennent des limites sur les déductions d’intérêts par les sociétés, par exemple par des règles de capitalisation restreinte ou des règles fondées sur les revenus (la France, l’Allemagne, l’Italie et les États-Unis) et des impôts sur les actifs des régimes de pension (le Japon) et le revenu de placement (l’Italie). En outre, les États-Unis imposent un impôt sur le « revenu des entreprises non liées » des entités exonérées d’impôt. Le projet du G20 et de l’OCDE concernant l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS) a recommandé des règles afin de limiter des déductions d’intérêts nets qui pourraient s’appliquer aux groupes nationaux et multinationaux.
Au Canada, certains types de mesures fiscales potentielles pourraient être étudiés afin de régler les enjeux d’équité et d’efficience fiscales associés au contrôle des régimes de pension sur des entités commerciales canadiennes.
À titre d’exemple, la capacité des régimes de pension à remplacer les capitaux propres par des titres d’emprunt déductibles d’impôt dans les sociétés où ils ont d’importants intérêts pourrait être limitée en élargissant aux dettes dues aux régimes de pension les règles de capitalisation restreinte qui s’appliquent actuellement aux dettes contractées auprès de certains non-résidents. Ces règles permettent de refuser la déductibilité des frais d’intérêts d’une entité associés au montant de la dette contractée auprès d’un non-résident déterminé (qui a un intérêt important dans l’entité) qui est supérieur à un ratio dettes-capitaux propres de 1,5 pour 1.
Afin d’aborder l’utilisation potentielle de sociétés de personnes et de fiducies, le gouvernement pourrait envisager d’élargir aux entités intermédiaires privées contrôlées par des régimes de pension le régime d’imposition des EIPD au niveau de l’entité, qui ne s’applique actuellement qu’aux entités intermédiaires cotées en bourse.
Questions de consultation
- Est-ce que les préoccupations stratégiques concernant la capacité des régimes de pension exempts d’impôt relativement à leur capacité d’acquérir des positions de contrôle dans des sociétés imposables s’observent de manière substantielle? Par exemple les stratégies potentielles visant à éliminer l’imposition au niveau de l’entreprise, qui pourrait accorder un avantage aux régimes de pension ou aux entreprises qu’ils contrôlent.
- Comment l’assouplissement ou l’élimination possible de la règle des 30 pour 100 influe-t-il sur les préoccupations décrites relativement à la question précédente?
- Le gouvernement devrait-il envisager de mettre en œuvre des mesures fiscales (par exemple les règles sur la capitalisation restreinte, l’application de l’imposition des EIPD aux fiducies et aux sociétés de personnes contrôlées par les régimes de pension) afin de limiter la capacité des régimes de pension à entreprendre des stratégies de planification fiscale qui réduisent ou qui éliminent l’impôt sur le revenu d’entreprise au niveau de l’entité? Y a-t-il d’autres mesures fiscales possibles que le gouvernement devrait envisager à cet égard? Quels aspects devraient être pris en considération dans l’évaluation de telles mesures éventuelles?
1 Ces sept pays membres sont l’Australie, le Canada, le Japon, les Pays-Bas, la Suisse, le Royaume-Uni et les États-Unis.
Sources : « Pension Markets in Focus », OCDE (2014); « Annual Survey of Investment Regulation of Pension Funds », OCDE (2014)
2 Par exemple, ces règles peuvent être contournées à l’aide d’un titre d’emprunt convertible qui peut être transféré en actions avec ou sans droit de vote, ou un régime peut nommer un prête-nom pour voter selon les orientations du régime de pension.
3 Théoriquement, le Régime de pensions du Canada et le Régime des rentes du Québec ne sont pas des RPA, mais ils sont assujettis à un régime d’imposition semblable.
4 Le régime de pension doit s’assurer que sa responsabilité à titre d’associé demeure limitée (c’est-à-dire qu’il ne peut pas être un associé commandité) afin de maintenir son statut de RPA en vertu de la LIR.
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