Comment nous avons créé la Croix de Victoria
La Croix de Victoria canadienne est un gage de vaillance soigneusement fabriqué. Voici comment nous confectionnons chaque médaille.
Pour les Canadiens, la Croix de Victoria canadienne a remplacé la Croix de Victoria britannique. La Croix originale, créée par la reine Victoria le 29 janvier 1856, a été décernée à des militaires canadiens au cours de différents conflits jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
La Croix de Victoria originale a été décernée à 81 membres des forces militaires du Canada sur un total de 1 353 Croix et de 3 barrettes décernées dans tout l’Empire britannique jusqu’à aujourd’hui. Ce nombre inclut uniquement ceux qui ont reçu la VC alors qu’ils étaient au service des Forces armées canadiennes (y compris Terre Neuve) et ne tient pas compte des récipiendaires canadiens qui étaient au service des forces britanniques ou des récipiendaires britanniques qui ont par la suite déménagé au Canada ou qui se sont joints à nos forces armées. Le dernier récipiendaire canadien de la Croix de Victoria, le sergent Ernest Avila « Smokey » Smith, VC, CM, OBC, CD, (retraité), est décédé le 3 août 2005.
La nouvelle Croix de Victoria, créée par Sa Majesté la reine Elizabeth II au moyen de lettres patentes émises le 31 décembre 1992, fait partie d’une nouvelle série de décorations appelée « Décorations de la vaillance militaire » dans laquelle on trouve :
- la Croix de Victoria (VC)
- l’Étoile de la vaillance militaire (ÉVM)
- la Médaille de la vaillance militaire (MVM)
Ces décorations reconnaissent les actes de vaillance, d’abnégation ou de dévouement face à l’ennemi. Tandis que l’ÉVM et la MVM ont toutes deux été décernées depuis octobre 2006, la VC canadienne n’a toujours pas été décernée.
Annonce de la fabrication
À l’occasion de la fin de semaine de la fête de Victoria de 2008, Son Excellence la très honorable Michaëlle Jean, CC, CMM, COM, CD, Gouverneure générale et Commandante en Chef du Canada, a dévoilé officiellement la Croix de Victoria à Rideau Hall, le 16 mai 2008, en présence :
- de nombreux dignitaires
- d'anciens combattants décorés
- de représentants des jeunes du Canada
- de membres actuels des Forces canadiennes, y compris des récipiendaires de l’ÉVM et de la MVM
Bien que la version canadienne de la VC existe sur papier et sous forme d’illustration depuis 1992, la première Croix a été fabriquée en 2007. Compte tenu de l’importance historique et du caractère mystique de cette décoration, qui est la plus haute distinction décernée au Canada, c’est après de longues réflexions et des recherches exhaustives que l’on a convenu du concept à adopter. Ce concept maintient un lien tangible avec l’histoire, la VC originale et ses récipiendaires canadiens. Il crée également un lien avec la naissance de notre pays et relie cette histoire au présent et à l’avenir.
Le groupe de planification de la production de la Croix de Victoria a été créé sous l’autorité du Comité sur la politique en matière de distinctions honorifiques du gouvernement en collaboration avec :
- Anciens Combattants Canada
- le ministère de la Défense nationale
- le ministère du Patrimoine canadien
- la Monnaie royale canadienne (MRC)
- Ressources naturelles Canada (RNCan)
- des représentants du Bureau du Secrétaire du Gouverneur général
Ce groupe, présidé à l’origine par Mary de Bellefeuille Percy de la Chancellerie et, par la suite, par André M. Levesque de la Défense nationale, a formulé des recommandations qui ont finalement été approuvées par le gouvernement du Canada et a supervisé le processus de fabrication.
Concept
Bien qu’il soit impossible d’établir avec certitude qui a dessiné la VC originale, il semblerait que Henry Armstead de la bijouterie londonienne Hancocks & Co., le seul fabricant de la VC britannique, soit à l’origine du concept. On sait également que la reine Victoria et le prince Albert s’intéressaient personnellement au dessin et à la fabrication de la VC.
La nouvelle Croix de Victoria est identique à l’originale; seule la devise « For Valour » figurant à l’avers a été changée pour « Pro Valore » en latin. le capitaine Bruce Wilbur Beatty, CM, SOM, CD (retraité), a peint en 1992 le dessin canadien sur lequel Sa Majesté a apposé sa signature en signe d’approbation. Cathy Bursey-Sabourin, Héraut Fraser de l’Autorité héraldique du Canada, a élaboré les dessins techniques utilisés pour fabriquer la Croix. Une petite modification qui n’était pas apparente dans le modèle peint en 1992 a été incluse dans les dessins techniques détaillés : une fleur de lis a été ajoutée aux deux extrémités du listel sur lequel figure la devise pour accompagner la rose, les chardons et le trèfle traditionnels, établissant ainsi un lien avec les éléments floraux représentés sur les Armoiries royales du Canada.
Conformément à la tradition, le numéro matricule, le grade, les initiales, le nom et l’unité du récipiendaire seront gravés au revers de la barrette de suspension. La date de l’action sera gravée au revers de la Croix elle-même.
Contenu métallique
La Croix de Victoria originale tire une partie de son caractère mystique dans le métal utilisé pour sa fabrication. On raconte que la version britannique de la Croix aurait été fabriquée à partir du bronze extrait de canons russes saisis à Sevastopol (auparavant connue sous le nom de Sebastopol) pendant la guerre de Crimée de 1853 à 1856. Bien qu’il n’y ait aucune preuve concluante de la provenance du métal utilisé à l’origine, cette histoire est considérée comme véridique. Ce qui est certain, c’est qu’à la fin de 1914, on avait épuisé cette réserve initiale et que, depuis ce temps, la majorité des croix ont été fabriquées à partir des culs-de-lampe de deux canons chinois dont l’origine reste incertaine. Un cul-de-lampe est la protubérance métallique en forme de bulbe à l’extrémité des canons, où se trouve la culasse qui est utilisée pour fixer les câbles de recul. Le seul cul-de-lampe restant est conservé par le 15e Régiment du Royal Logistics Corps à Donnington, à Telford, au Royaume-Uni et, lorsqu’on le sort de sa chambre forte, il doit demeurer sous garde armée, en présence d’un officier. Les fûts des canons chinois desquels les culs-de-lampe ont été retirés sont conservés à l’extérieur du mess des officiers des Royal Artillery Barracks, à Wollwich, au Royaume-Uni.
D’un côté, afin de préserver le lien historique important qui existe entre la VC originale (et ses récipiendaires canadiens) et la nouvelle version canadienne, on a jugé qu’il était essentiel d’inclure dans cette dernière le métal ayant servi à la fabrication de la VC britannique. D’un autre côté, on souhaitait grandement créer une décoration distincte propre au Canada. On a donc décidé d’utiliser divers métaux afin d’obtenir un amalgame représentant le passé, le présent et l’avenir. On trouve trois principaux composants dans l’alliage de la version canadienne de la VC :
- Le bronze à canon original utilisé dans la fabrication de la Croix de Victoria britannique. Avec l’autorisation de Sa Majesté la reine, le ministère de la Défense du Royaume-Uni a offert cordialement au Canada une partie du cul-de-lampe restant. Le fragment a été coupé lors d’une cérémonie privée à laquelle ont assisté des représentants du ministère de la Défense du Royaume-Uni et de l’État-major de liaison des Forces canadiennes (Londres).
- Le métal de la Médaille de la Confédération. Ce médaillon commémoratif de grande taille a été fabriqué à la demande du gouvernement du nouveau Dominion en 1867 afin de souligner la création du Canada moderne dans le cadre de la Confédération. La médaille de 76 mm de diamètre a été conçue par Joseph Shepherd Wyon et frappée à Londres, au Royaume-Uni, par l’entreprise de ce dernier, laquelle portait le nom de Wyon & Co. L’effigie de la reine Victoria, qui a créé la VC en 1856 et a fait du Canada un dominion en 1867, figure sur l’avers de la médaille. Sur le revers, une représentation allégorique de la Confédération est reproduite, sous la forme de quatre personnages féminins, représentant les quatre provinces, regroupés autour de Britannia, figure maternelle ayant à ses pieds le lion britannique. L’une de ces médailles a été frappée en or massif (22 K) et présentée à la reine Victoria; 50 ont été frappées en argent sterling et remises à de hauts dignitaires de l’État canadien, notamment :
- au gouverneur général
- aux lieutenants-gouverneurs
- aux ministres de la Couronne
- diverses institutions
- les Pères de la Confédération
- les sénateurs et les députés au moment de la Confédération
- Des métaux trouvés par des moyens naturels ou extraits de mines situées un peu partout au Canada, notamment du cuivre, du zinc et du plomb. Ils permettent de lier l’histoire des deux autres composants à celle du Canada d’aujourd’hui et de demain.
500 autres ont été frappées en bronze, ou plutôt faites de cuivre avec un fini bronze, et présentées à d’autres hauts représentants, tels que :
La médaille en question n’a jamais été attribuée et a été retrouvée il y a quelques années dans une voûte du ministère du Patrimoine canadien, qui l’a par la suite remise à la Chancellerie des distinctions honorifiques afin qu’elle puisse être utilisée dans la fabrication de la VC. Cet élément représente la naissance du Canada en tant que nation (lire l’article détaillé sur la médaille de la Confédération rédigé par Darrel E. Kennedy).
Après avoir déterminé les composants de la médaille, les métallurgistes spécialisés de Ressources naturelles Canada ont travaillé à l’élaboration de la formule à adopter en réalisant des recherches approfondies, notamment des essais sur les Croix de Victoria conservées par le Musée canadien de la guerre. Après avoir réuni tous les éléments requis dans les bonnes proportions, on les a fondus ensemble dans un four à induction afin de créer l’alliage unique pour la fabrication de la nouvelle Croix de Victoria canadienne. Cette opération a eu lieu le 7 décembre 2006 dans le Laboratoire de la technologie des matériaux de Ressources naturelles Canada, à Ottawa, en présence de la plupart des membres du groupe de planification. Elle a permis la création de sept gros lingots de l’alliage de la VC canadienne..
Le contenu métallique exact ou les proportions des différents composants ne seront pas révélés afin de prévenir toute contrefaçon.
Fabrication
Bien que la VC britannique a toujours été fabriquée par une entreprise privée, la version canadienne, quant à elle, a été fabriquée au Canada, par le gouvernement du Canada, en faisant appel avant tout aux efforts de collaboration entre les spécialistes de la Monnaie royale canadienne (MRC) et ceux de Ressources naturelles Canada (RNCan).
Le personnel du service de la gravure de la Monnaie royale canadienne sous la direction du maître‑graveur Cosme Saffioti, a créé le modèle qui a servi par la suite pour fabriquer les moules en vue du processus de coulage.
Une équipe de RNCan a coulé les médailles avant de les envoyer à la MRC, où on a procédé aux travaux de finition à la main puis à l’assemblage, sous la direction de :
- Peter Newcombe (du Laboratoire de la technologie des matériaux de CANMET)
- John E. Udd (des Laboratoires des mines et des sciences minérales de CANMET)
- John E. Dutrizac (des Laboratoires des mines et des sciences minérales de CANMET)
Le premier coulage des Croix de Victoria avec l’alliage spécial du Canada a eu lieu le 26 janvier 2007. Ci‑dessous figurent en détail les étapes du processus de fabrication :
- Les dessins techniques sont réalisés par l’Autorité héraldique du Canada.
- À partir des dessins techniques, le personnel du service de la gravure de la MRC sculpte les principaux éléments (couronne et lion) en plâtre.
- On scanne ensuite les sculptures de plâtre afin de convertir les images tridimensionnelles en données électroniques.
- En utilisant ces éléments fondamentaux, les graveurs terminent le sculptage par ordinateur au moyen d’un logiciel à la fine pointe de la technologie.
- Une fois le sculptage terminé, les données sont envoyées dans un appareil de gravure commandé par ordinateur pour la production des matrices.
- On grave ensuite des matrices, lesquelles consistent en des images négatives, pour l’avers et le revers de la Croix ainsi que pour la barrette de suspension.
- Les matrices sont améliorées, polies et préparées à la main par le graveur avant la frappe.
- On utilise les matrices pour frapper un modèle en étain de l’insigne (image positive).
- En utilisant le motif en étain, le personnel du Laboratoire de la technologie des matériaux de RNCan crée des moules en caoutchouc des composants (image négative).
- On utilise les moules en caoutchouc pour produire des modèles en cire, lesquels sont des représentations positives des composants de la VC.
- Les morceaux de cire sont fixés à un tronc pour créer un arbre de cire.
- On plonge l’arbre de cire dans de la céramique liquide, puis on laisse sécher le tout.
- Le bloc de céramique sec dans lequel est encastré l’arbre de cire est chauffé dans un four, ce qui fait durcir la céramique et fondre la cire. La cire s’échappe par le bas du moule de céramique, créant ainsi un espace vide (image négative) dont la forme est celle des parties de la VC. Il s’agit d’un procédé appelé « moulage à la cire perdue ».
- On verse ensuite l’alliage fondu dans le moule de céramique par le tronc de l’arbre, de manière à remplir les espaces ayant la forme des parties de la VC.
- Après une période de refroidissement, on brise le moule de céramique et on obtient l’arbre de bronze composé des parties de la Croix de Victoria
- On répète le processus de coulage jusqu’à ce que l’on obtienne un nombre suffisant de morceaux de qualité.
- Les morceaux sont détachés de l’arbre, taillés et envoyés à la MRC, où ils seront délicatement travaillés et ciselés à la main afin de faire ressortir les détails et de corriger toute imperfection mineure.
- On perce des trous dans le haut de la Croix et dans la barrette de suspension.
- La Croix et la barre sont reliées par un anneau fabriqué avec le même matériel que celui utilisé pour la VC.
- Une fois assemblée, la Croix est patinée avec un fini brun foncé traditionnel.
- La VC est polie légèrement afin de retirer la patine sur les parties surélevées et ainsi faire ressortir les détails.
- On applique ensuite un revêtement protecteur sur la Croix.
- On grave par la suite les inscriptions aux endroits appropriés sur la VC, comme sur les spécimens .
- On fixe ensuite à la Croix le ruban cramoisi distinctif au moyen d’une épingle en bronze.
- Le produit fini est déposé dans l’écrin de présentation spécial, fait de bois et recouvert de cuir. Les inscriptions « V.C. » et « CANADA », en lettres moulées or, figurent sur le couvercle.
À la fin du cycle de production, on aura produit 20 croix authentiques et six barrettes signifiant une deuxième reconnaissance qui seront remises à la Chancellerie des distinctions honorifiques, à Rideau Hall, où elles seront gardées en lieu sûr. L’alliage authentique restant, produit selon la formule originale, sera également conservé à la Chancellerie sous forme de lingots marqués, dans l’éventualité où les générations à venir auraient besoin de couler d’autres Croix de Victoria.
En plus des VC authentiques, huit spécimens de VC ont été fabriqués au moyen des mêmes outils et de la même méthode. Ils sont cependant en laiton ordinaire, mais leur finition est la même que celle des VC authentiques. La mention « SPECIMEN » est gravée sur le revers de la barrette de suspension, et les codes S-1 à S-8 de même que l’année de fabrication sont gravés sur le revers de la croix. Ils sont exposés et utilisés à des fins historiques par ces institutions :
- S-1 et S-2 : Collection royale (mentionnons que ces deux spécimens ont été envoyés au palais de Buckingham et présentés à Sa Majesté la reine Elizabeth II à l’occasion du 55e anniversaire de son accession au trône le 6 février 2007. La Reine a ordonné qu’un spécimen soit exposé au château de Windsor.)
- S-3 : Rideau Hall
- S-4 : Défense nationale
- S-5 : Bibliothèque et Archives Canada (collection numismatique nationale)
- S-6 : Musée canadien de la guerre
- S-7 : Monnaie royale canadienne
- S-8 : Ressources naturelles Canada
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