Opération Passage
Nom de l’opération internationale : s.o.
Dates de l’opération internationale : s.o.
Organisme responsable : gouvernement du Canada
Nom de la région : Afrique
Lieu : Rwanda
Nom de l’opération canadienne : opération PASSAGE
Dates de l’opération canadienne : 1994/07/27 – 1994/10/20
Mandat de la mission : Fournir des services de santé aux réfugiés rentrant au Rwanda
Notes sur la mission :
Au cours des décennies ayant précédé le génocide, il y avait plus d’un million de réfugiés et de personnes déplacées à l’intérieur du territoire du Rwanda ou juste à l’extérieur des frontières du pays. Parmi eux se trouvaient plus de 500 000 Tutsis du Rwanda qui s’étaient enfuis vers des pays voisins après le renversement de la monarchie tutsie en 1959, 350 000 Rwandais, pour la plupart des Hutus, mais aussi quelques Tutsis, qui avaient fui les combats entre le Front patriotique rwandais et le gouvernement du Rwanda avant 1993, et 280 000 Burundais, principalement des Hutus, qui avaient fui après l’échec d’un coup d’État par des officiers de l’armée tutsis en octobre 1993 et qui étaient maintenant réfugiés dans le Sud du Rwanda. À eux seuls, ces grands groupes créaient des problèmes, dont des pénuries de nourriture, d’abris, d’eau et de médicaments, aux organisations d’aide internationale et aux Nations Unies, notamment la Mission des Nations Unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR).
Après la mort du président hutu du Rwanda, Juvénal Habyarimana, dans un écrasement d’avion le 6 avril 1994, les milices hutues, conjointement avec les Forces gouvernementales rwandaises, ont commencé à tuer les Tutsis et les Hutus modérés. Le 8 avril, le Front patriotique rwandais a entrepris une avance qui allait finalement l’amener à prendre le contrôle du pays. Plus d’un million de Hutus (certaines estimations indiquent jusqu’à deux millions), dont certains avaient commis des atrocités, se sont enfuis en direction nord-ouest, vers la frontière du Zaïre, lorsque que le Front patriotique rwandais a pris le pouvoir au début de juillet. Les autorités locales et, plus tard, les organisations internationales ne pouvaient pas composer avec cet afflux massif. Il n’y avait pas d’abris ni d’eau propre ni d’installations d’élimination ou de traitement des eaux usées pour accueillir les quelque 800 000 personnes qui sont arrivées à Goma, au Zaïre, en à peu près une semaine.
Dans ces conditions insalubres, on a soupçonné l’apparition du choléra le 18 juillet, ce qui a été confirmé deux jours plus tard, bien que d’autres maladies, comme la dysenterie et la rougeole, se soient aussi déclarées. Dans la seule journée du 26 juillet, 6 000 cas de choléra ont été signalés. Par conséquent, d’autres camps de réfugiés ont été créés pour éloigner les gens des conditions peu sûres, insalubres et malsaines régnant à Goma. L’Organisation mondiale de la santé et des organisations non gouvernementales comme Médecins Sans Frontières ont entrepris de traiter les malades et de fournir de l’eau propre. Un hôpital de campagne israélien et des laboratoires de France et des Pays-Bas ont rapidement commencé à poser des diagnostics et à traiter les victimes. Au début d’août, l’épidémie de choléra diminuait. Malgré l’aide fournie, environ 80 000 personnes étaient infectées et approximativement 42 000 étaient mortes du choléra au 14 août.
La bactérie du choléra, qui se transmet des excréments humains à l’eau potable, peut entraîner la mort par déshydratation, les personnes infectées pouvant perdre 12 litres de fluide ou plus en une seule journée. La réhydratation orale était (et elle demeure) le traitement le plus facile; cependant, l’approvisionnement en eau potable propre est l’une des premières mesures à prendre pour prévenir la propagation de la maladie.
À la fin de juillet 1994, le Canada a répondu à une demande de soutien humanitaire présentée par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR). L’opération, baptisée « opération PASSAGE », visait à fournir un groupe médical ainsi qu’un élément de sécurité intégrale et des capacités de purification de l’eau. Même s’il était indépendant de la MINUAR de l’ONU, le groupe médical relevait du Canadien le plus haut gradé dans le théâtre, le major-général Roméo Dallaire, commandant de la MINUAR jusqu’au 19 août 1994, puis le major-général Guy Tousignant, en ce qui concernait les questions canadiennes, et il coordonnait le soutien et les traitements médicaux par l’entremise de l’ONU et des organisations non gouvernementales.
Un ordre d’avertissement visant à préparer les unités désignées pour l’opération a été émis le 24 juillet, et un ordre de mission officiel, le 27. Le 28 juillet, un détachement de reconnaissance de 11 militaires se trouvait dans le théâtre, où il devait rencontrer des représentants de l’ONU et des organisations non gouvernementales le lendemain. Il a été décidé que le meilleur emplacement pour l’installation de l’unité serait le long du corridor Gisenyi-Ruhengeri dans la partie nord-ouest du Rwanda. Après avoir effectué une reconnaissance de la région, on a mis sur pied un hôpital de campagne dans une usine de traitement du lait abandonnée, à Mareru, dans la partie ouest du Rwanda. Situé à un jour de marche de la frontière du Zaïre, cet endroit a été jugé le plus approprié, étant donné que de nombreux réfugiés rentrant au Rwanda passeraient par cette région. Le détachement de reconnaissance est demeuré sur place, et le gros des troupes est arrivé le 10 août.
La majorité des membres du personnel médical (66 membres des Forces armées canadiennes) de la nouvelle unité, baptisée 2e Ambulance de campagne (Rwanda/Zaïre) [nom abrégé : 2 Amb C R/Z], venaient de la 2e Ambulance de campagne, à Petawawa (Ont.), tandis que 27 autres venaient de la 5e Ambulance de campagne, à Valcartier (Qc), et 24, de la 1re Ambulance de campagne, à Calgary (Alb.). La sécurité était assurée par le 7e Peloton (36 membres du personnel) du 3e Commando, Régiment aéroporté du Canada, à Petawawa, et les capacités techniques, fournies par 24 ingénieurs du 4e Régiment d’appui du génie (4 RAG), à la BFC Gagetown. Huit (8) policiers militaires et 25 membres du personnel du 8e Escadron de transmissions et contrôle (Air), à Trenton, ont aussi participé à l’opération. Au total, 30 unités ont affecté les 248 membres du personnel qui ont pris part à l’Op PASSAGE.
Traitement médical
À l’arrivée à Mareru, la première tâche à laquelle ont dû s’attaquer les hommes et les femmes de la 2 Amb C R/Z a consisté à installer l’hôpital et les logements. Les installations devaient comprendre une zone de tri, où les malades seraient évalués, un centre de traitement, des salles où les patients nécessitant une hospitalisation recevraient des soins, et une pharmacie, qui délivrerait les médicaments. Comme les fournitures requises n’étaient pas toutes arrivées, l’hôpital n’a pas pu être immédiatement déclaré opérationnel. Il l’est effectivement devenu le 14 août, soit trois
jours après l’arrivée du gros des troupes à Mareru.
L’hôpital ne disposait toutefois pas d’un service de chirurgie, étant donné que cela n’avait pas été jugé nécessaire lors de la planification de la mission initiale. Les patients qui avaient besoin d’interventions chirurgicales étaient stabilisés à l’hôpital de la 2 Amb C R/Z. Une fois qu’ils étaient assez bien pour être transportés, on les emmenait à l’un des hôpitaux des organisations non gouvernementales dans les environs, comme celui qui était dirigé par Médecins Sans Frontières. Même sans service de chirurgie, la clinique canadienne était unique en son genre, car c’était la seule installation au Rwanda qui pouvait fournir des soins infirmiers aux malades, où un médecin était de service 24 heures sur 24 et qui donnait de la nourriture aux patients.
La coordination avec les organisations non gouvernementales locales concernant des questions comme la nourriture, l’eau et les traitements médicaux a commencé le 9 août et elle se poursuivrait tout au long du déploiement. Cette coordination ne consistait pas seulement à déterminer qui opérerait où et ce à quoi on pouvait s’attendre; des fournitures médicales supplémentaires étaient envoyées à d’autres hôpitaux et installations de traitement dans la région ainsi qu’à Goma, au Zaïre, la 2 Amb C R/Z assurant à la fois la transmission et la réception de telles fournitures.
Pendant la mise sur pied des installations, le personnel est tombé par hasard sur ce qui semblait être un tombeau peu profond contenant deux corps, qui avaient été déterrés par des chiens sauvages. Les ingénieurs, qui avaient commencé à creuser un tombeau convenant à deux personnes, ont bientôt découvert plus de 30 corps et ont dû élargir la sépulture. Au cours de la nouvelle inhumation, les gens de l’endroit ont commencé à se rassembler, car ils croyaient que les Canadiens profanaient les corps en quelque sorte. C’est uniquement grâce à l’aide de l’aumônier de l’unité que les tensions ont pu être atténuées, une fois qu’il a eu expliqué ce qui se passait. C’était là le début du constat, par la 2 Amb C R/Z, des horreurs du génocide rwandais et de ses conséquences.
Le jour où la clinique a ouvert ses portes, une foule plus importante que prévu s’est rassemblée à l’entrée principale. Au cours du déploiement, chez la plupart des patients traités, le personnel a diagnostiqué diverses maladies intestinales (comme le choléra et la dysenterie), de la malnutrition ainsi que de la déshydratation causée par le manque d’eau le long du trajet effectué par les réfugiés qui avaient quitté les camps au Zaïre pour commencer à rentrer chez eux. L’un des premiers traitements consistait simplement à assurer la réhydratation des malades en leur donnant de l’eau potable propre qui était produite par les systèmes de purification d’eau par osmose inverse apportés par les Canadiens.
Des traitements médicaux étaient offerts non seulement aux réfugiés rentrant au Rwanda à partir du Zaïre, mais aussi à la population locale. Comme on se demandait si certaines personnes profitaient du service pour obtenir des drogues ou des médicaments supplémentaires, peut-être dans le but de les vendre sur le marché noir, une vérification a été réalisée pendant la dernière partie du déploiement; celle-ci a permis de déterminer qu’au cours d’une seule et même semaine, moins de 0,3 p. 100 des patients avaient consulté plus d’une fois. Ainsi, les personnes qui recevaient les traitements en avaient indéniablement besoin.
Dès le début des traitements médicaux, les membres de la 2 Amb C R/Z chargés du transport ont commencé à utiliser leurs camions pour aller chercher des réfugiés à des points de rassemblement sur le bord de la route et les emmener jusqu’aux installations d’organisations non gouvernementales ou à la clinique canadienne. Le premier jour, 450 personnes ont ainsi été aidées. Tout au long de la mission, la section du transport demeurerait occupée par cette tâche, rendue encore plus ardue par le fait que les pièces de rechange essentielles à la réparation des véhicules n’étaient pas toujours faciles à obtenir et, dans de nombreux cas, devaient être livrées du Canada.
Pendant tout le déploiement, la routine quotidienne a entre autres consisté à examiner les malades et à admettre ceux qui avaient besoin de soins supplémentaires, à transporter les réfugiés et à fournir de l’eau, produite par les systèmes de purification d’eau par osmose inverse, à ces personnes ainsi qu’aux organisations non gouvernementales. De plus, il fallait vaquer aux tâches quotidiennes nécessaires au fonctionnement de l’hôpital canadien, notamment la préparation des repas, l’entretien des génératrices et des véhicules, la lessive, l’élimination des déchets et les communications. Toutefois, l’une des tâches des plus importantes à long terme dont s’est acquittée la section du transport a été de transformer deux Toyota Land Cruiser de l’UNHCR en ambulances, dont il y avait pénurie au Rwanda.
Après la guerre qui a porté l’Armée populaire rwandaise (APR) au pouvoir, il y avait beaucoup de munitions explosives non explosées et de mines sur le terrain. Des victimes d’explosions de grenades et de mines étaient régulièrement transportées à l’hôpital, et des survivants d’attaques à la machette au cours du génocide y venaient aussi se faire traiter, bien que leurs blessures aient partiellement guéri. En raison des maladies bactériennes et de la malnutrition si répandues chez les individus demandant à être traités, il y en avait inévitablement parmi eux qui devaient être hospitalisés. Ils ne survivaient pas tous. Au cours des deux premières semaines, 15 patients sont morts, dont 8 enfants de moins de 5 ans. Vers la fin de la mission, les patients dans l’état le plus grave qui étaient examinés à l’hôpital étaient des victimes d’accidents de véhicule.
Ce n’était pas uniquement la mort des patients qui pouvait se révéler troublante pour les hommes et les femmes de la 2 Amb C R/Z. En effet, lorsqu’ils se rendaient dans des collectivités locales pour aider au nettoyage et à la réparation d’églises, d’écoles et d’autres installations, ils voyaient souvent des éclaboussures de sang sur les murs et d’autres preuves de génocide à ces endroits. Beaucoup parmi les personnes qui passaient par la clinique avaient une apparence squelettique à cause de la malnutrition, de la déshydratation et d’autres privations. Dans un cas particulier au début de l’opération, une femme inconsciente a été amenée à la clinique, déshydratée et souffrant d’inanition. Elle était couverte de sang, car elle venait de donner naissance à un fœtus qui n’avait pas survécu.
Compte tenu des scènes que les militaires, hommes et femmes, voyaient quotidiennement, les Forces armées canadiennes et les dirigeants de la mission ont reconnu la possibilité de traumatismes causés par le stress. Par conséquent, une équipe de counseling en matière de stress causé par un incident grave composée de cinq personnes est arrivée à la mi-septembre. Le 17 septembre, elle a entrepris des séances de débreffage de section et individuelles et a aussi pu rencontrer un officier britannique de la 23 Parachute Field Ambulance (23 Para Fd Amb), Royal Army Medical Corps.
Au milieu des décès, des blessures et des maladies, il y avait aussi des vies nouvelles qui jaillissaient. Le 20 août, trois bébés sont nés à l’hôpital, dont des jumeaux. Le 28 septembre, il y a eu quatre naissances et, un ou deux jours plus tard, deux autres, dont une à la réception, où un adjoint médical a mis le bébé au monde. Au total, 37 bébés sont nés à l’unité. L’un des éléments de la mission dont on a le plus parlé était l’incubateur construit par les ingénieurs pour venir en aide aux petits bébés; les médias au Canada y ont d’ailleurs accordé beaucoup d’attention.
Avant même que l’hôpital soit opérationnel, les membres du personnel traitaient des patients. Le 10 août, ils sont arrivés par hasard sur les lieux d’un accident de véhicule dans lequel était impliqué un camion transportant des réfugiés. Ils ont fourni les premiers soins, et les victimes ont été envoyées à la 23 Para Fd Amb. En moins de quelques jours, ils fournissaient de l’aide aux membres de la 23 Para Fd Amb, déployés à Ruhengiri, dans le Nord-Ouest du Rwanda. Les équipes de traitement de la 2 Amb C R/Z ont tiré de précieuses leçons de ces expériences, qui leur ont montré à quoi s’attendre. Lorsque la 23 Para Fd Amb a déménagé à Kitabi, dans le Sud du Rwanda, la 2 Amb C R/Z s’est engagée à fournir une section médicale, du personnel de soutien et du personnel d’un peloton de défense et de sécurité au petit établissement de traitement à Ruhengiri. Elle a rempli cet engagement jusqu’au 5 septembre, date à laquelle Médecins Sans Frontières a pris la relève. Ce détachement particulier, qui voyait régulièrement jusqu’à 200 patients par jour, était souvent presque aussi occupé que l’hôpital principal à Mareru. Le détachement accueillait beaucoup de patients atteints de maladies intestinales et de malaria, mais il traitait aussi plus de patients souffrant de blessures aux tissus mous, causées par des armes à feu et des mines terrestres, qu’à Mareru.
Après le départ du détachement établi à Ruhengiri, le succès des installations à cet endroit a indiqué que l’affectation d’un détachement supplémentaire permettrait peut-être de fournir un meilleur soutien aux réfugiés et à la population locale. Le 6 septembre, il a donc été décidé d’établir un détachement à Kora, dans l’Ouest du Rwanda, qui entamerait ses activités le 10 septembre. Au début, le détachement a travaillé dans des tentes, mais lorsque l’organisation non gouvernementale Concern a quitté Kora, où elle avait installé un centre d’alimentation, il a pu emménager dans les bâtiments récemment laissés vacants. Comme dans le cas de la clinique principale à Mareru, la plupart des individus examinés souffraient de maladies intestinales et de déshydratation. Le détachement a cessé ses activités le 8 octobre, peu de temps avant la clôture de la mission.
Soutien technique
Les ingénieurs du 4 RAG ont été parmi les premiers à arriver au Rwanda, avec le système de purification d’eau par osmose inverse. Apporté à Mareru le 7 août, le système a été mis en service et a commencé à fonctionner le jour même à partir d’un bassin hydrographique, près de l’enceinte. L’eau étant désormais purifiée, les ingénieurs ont ensuite entrepris d’assurer la sécurité de l’enceinte, en vérifiant la présence de munitions explosives non explosées et en détruisant une grenade qui s’y trouvait.
La première semaine s’est révélée occupée, car non seulement ils ont aidé à organiser le camp et à en garantir la sécurité, mais ils ont aussi vérifié si des munitions explosives non explosées étaient présentes aux emplacements où le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés prévoyait établir ses bureaux à Gisenyi, dans l’Ouest du Rwanda. L’un des ingénieurs s’est rendu à l’hôpital de Save the Children, à Nemba, tout près, dans l’Est du Rwanda, et y a réparé la génératrice électrique. La sépulture que les ingénieurs avaient creusée à l’intérieur de l’enceinte pour ce qu’ils croyaient, au départ, être deux dépouilles a dû être beaucoup élargie lorsqu’ils ont découvert et fait détoner sur place trois grenades, la présence desquelles indiquait que l’enceinte avait été la scène de combats. Le système de purification d’eau par osmose inverse servait aussi à aider les réfugiés, puisqu’il en passait plus de 2 000 par jour près de l’enceinte de la 2 Amb C R/Z. C’est grâce à tous ces travaux que l’unité est devenue opérationnelle le 14 août.
Pendant tout le déploiement, les ingénieurs ont continué à améliorer les installations à Mareru. Le bassin hydrographique n’était pas adéquat. En effet, les premières pluies l’ont gravement engorgé, ce qui a ralenti le processus de purification de l’eau. Ce n’est que le 20 août que les autorités rwandaises locales ont donné l’autorisation d’utiliser le lac Karago. La pluie a aussi montré que le drainage à l’intérieur de l’enceinte ne fonctionnait pas bien, la plupart des tentes abritant de petits lacs. Par conséquent, il est devenu prioritaire d’installer un revêtement de sol, ce qui a été effectué en trois jours. Cependant, le drainage demeurerait un problème constant qui exigerait en fin de compte l’utilisation de petites charges explosives pour tenter de percer la dure roche volcanique.
Une voie de détresse pour les ambulances a été construite au cours de la deuxième semaine et a été constamment améliorée tout au long du déploiement; de même, on a procédé au câblage électrique de l’hôpital pour ensuite le mettre continuellement à niveau. Les routes dans l’enceinte, en particulier celle qui menait aux importantes installations de gestion des déchets, ont aussi fait l’objet de constantes améliorations.
Ce qui a peut-être revêtu le plus d’importance aux yeux des cliniciens et des patients, c’est l’incubateur que les ingénieurs ont construit avec des matériaux trouvés sur place. À mesure que les nuits devenaient plus froides, l’incubateur augmentait les chances de survie des nouveau-nés, qui autrement étaient faibles. Le 30 août, trois bébés souffrant de déshydratation et de malnutrition graves ont été les premiers patients à en bénéficier. En raison des nuits plus froides, il a aussi fallu installer des systèmes de chauffage portatifs dans les diverses salles.
Ce n’était pas uniquement les Canadiens à Mareru qui profitaient de l’expertise des ingénieurs. Il ne s’écoulait pas une semaine sans que ceux-ci ne vérifient la présence de munitions explosives non explosées aux installations d’organisations non gouvernementales, par exemple en ratissant les futurs emplacements des cliniques de Médecins Sans Frontières et des installations de distribution alimentaire de CARE le 16 août ou encore le bâtiment et les terrains de l’hôpital de Gisenyi. Il y avait aussi des tâches techniques comme la réparation de la plomberie aux installations de Save the Children, à Kirambo, dans le district de Karongi, dans l’Ouest du Rwanda, ainsi que l’amélioration de la sécurité des portes au même endroit et la correction de problèmes d’électricité et d’eau aux installations d’Americare. D’autres organisations non gouvernementales et organisations de l’ONU ont reçu de l’aide similaire.
La population locale a aussi bénéficié de soutien. Les ingénieurs ont retiré les automobiles accidentées des terrains de l’église à Nyondo, ont évalué les travaux requis à l’église et ont posé une conduite d’eau menant à ce lieu de culte. De plus, ils ont fait un levé de l’emplacement proposé pour la construction d’un orphelinat, pour lequel ils ont aussi bâti une balançoire. À Mareru, ils ont réparé le point d’eau local, ont amélioré une source d’eau à Matruba de sorte que les habitants de l’endroit n’aient pas à tirer l’eau d’un abreuvoir à bétail et ont donné de la formation sur la façon d’utiliser l’équipement de filtration d’eau aux installations de traitement de l’eau à Gisenyi. Enfin, ils ont ratissé le terrain de l’école locale pour y repérer d’éventuelles munitions explosives non explosées.
Compte tenu des nombreuses munitions explosives non explosées se trouvant encore dans la région et des victimes qu’elles faisaient et qui étaient traitées dans les cliniques et les hôpitaux locaux, les ingénieurs ont mis au point un ensemble de sensibilisation aux munitions explosives non explosées à l’intention des écoles locales. À partir du 5 octobre, ils ont donné cette formation presque quotidiennement aux élèves sur place. Au 14 octobre, ils avaient formé plus de 6 500 élèves dans la région de Mareru et de Gisenyi.
Soutien spirituel
Dans le cadre de l’Op PASSAGE, on a également répondu aux besoins spirituels des militaires. Tous les dimanches, les membres de la 2 Amb C R/Z pouvaient assister à la messe en français et en anglais. Avec le personnel de la 2 Amb C R/Z, l’aumônier a organisé la restauration d’une école confessionnelle locale et de l’église qui y était associée, ainsi que d’une autre église et, par l’entremise de l’église Our Lady of Peace, à Trenton, il a pris des dispositions pour l’envoi de dons de nourriture et de vêtements.
L’aumônier a également joué un rôle important sur le plan de l’établissement de bonnes relations entre la communauté locale et la 2 Amb C R/Z, ce qui a aidé à dissiper la tension lors de la découverte d’une fosse commune dans l’enceinte de la 2 Amb C R/Z. Il a aussi officié lors d’un grand nombre de funérailles et de baptêmes – huit de chaque dans la semaine allant jusqu’au 4 septembre. À cette date, il a aussi dit sa première messe pour la population locale. La participation aux offices a continué à augmenter, si bien que le 2 octobre, il a célébré trois messes pour des communautés locales, en plus des deux qu’il a dites pour le personnel de la 2 Amb C R/Z. Lors d’un de ces offices, il y avait environ 2 500 personnes présentes. Pendant le dernier office qu’il a célébré, le 9 octobre, l’aumônier a tenu une cérémonie spéciale pour la réinhumation des prêtres et des paroissiens qui avaient été tués au cours du génocide et dont les restes humains avaient été jetés dans une fosse septique.
Redéploiement
Les effectifs de la mission étaient au départ de 248 personnes; toutefois, on s’est vite rendu compte qu’étant donné le changement dans les paramètres de la mission, ils étaient beaucoup trop élevés pour les besoins. On a commencé à dresser des plans de rapatriement au début de septembre, de sorte qu’au 15 septembre, 39 membres du personnel ont été envoyés à Kigali pour entreprendre le voyage de retour vers le Canada; il s’agissait notamment de la plupart des membres de la 1 Amb C. Parallèlement, on a établi des plans pour éliminer l’équipement et les fournitures médicales excédentaires en les donnant à d’autres organisations qui travaillaient au Rwanda. Le 13 octobre, les livraisons suivantes ont été effectuées : des produits pharmaceutiques, des tentes et d’autres fournitures ont été donnés à l’UNHCR, et des fournitures médicales, à Americare, à CARE Canada, à Concern et à la 23 Para Fd Amb.
Au 1er octobre, les effectifs de la mission étaient tombés à 171 membres du personnel, et des petits groupes étaient envoyés quotidiennement à Kigali en vue de leur rapatriement au Canada. L’hôpital a mené ses activités pour la dernière fois le 10 octobre; toutefois, une petite clinique d’urgence est demeurée ouverte jusqu’au 14 octobre. Le 11 octobre, un bébé y est venu au monde, ce qui a porté à 41 le total de nouveau-nés à la mission. Au 16 octobre, les derniers membres du personnel sont arrivés à Kigali et, le lendemain, ils rentraient au pays.
Affectés à l’origine pour combattre une épidémie de choléra, les membres du personnel de l’Op PASSAGE ont apporté un changement positif dans la vie de nombreuses personnes dans le Nord du Rwanda. Au cours des 60 jours où s’est déroulée la mission, le personnel a examiné plus de 22 000 malades, en a admis 690 et a compté 1 999 jours d’alitement de patients. Les militaires participant à la mission ont également fourni du soutien au-delà du domaine médical, en améliorant l’approvisionnement en eau, en fournissant de la formation de sensibilisation aux munitions explosives non explosées et en favorisant le bien-être spirituel.
Comme cette opération était une mission humanitaire canadienne, elle donnait droit à la Médaille du service spécial du Canada, avec barrette HUMANITAS.
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