Chapitre 8 : Le dépôt des accusations

Avertissement 

Cette publication n’a pas encore été mise à jour pour refléter les modifications législatives résultant de la Loi visant à renforcer la justice militaire pour la défense du Canada, L.C. 2013, ch. 24, qui est entrée en vigueur le 1er septembre 2018.

SECTION 1 - INTRODUCTION

1. Une accusation est une accusation formelle alléguant qu'une personne justiciable du Code de discipline militaire a commis une infraction d'ordre militaire1. Pour être portée, une accusation doit être consignée par écrit à la Partie 1 du procès-verbal de procédure disciplinaire (PVPD) et être signée par une personne autorisée à porter telle accusation2.

2. Il ne faut pas confondre les termes accusation et plainte. Même si une plainte peut mener à une enquête qui résulte en une accusation, la plainte est un rapport verbal ou écrit par toute personne, militaire ou civile, alléguant qu'une infraction d'ordre militaire a été commise3.

SECTION 2 - LE DÉPÔT D'ACCUSATION

Pouvoir de porter des accusations

3. Les militaires suivants ont le pouvoir de porter des accusations en vertu du Code de discipline militaire :

  1. un commandant;
  2. un officier ou un militaire du rang autorisé par un commandant à porter des accusations; et
  3. un officier ou un militaire du rang de la Police militaire à qui on a assigné une fonction d'enquêteur au sein du Service national d'enquêtes (SNE)4.

4. Les dossiers sur lesquels la Police militaire enquête sont référés à l'unité pour le dépôt d'une accusation.

5. Le SNE déposera les accusations, s'il y a lieu, dans les cas où il aura effectué l'enquête5.

6. Un commandant doit considérer plusieurs facteurs lorsqu'il détermine qui aura l'autorisation de déposer des accusations. Si un commandant songe à porter lui-même des accusations ou s'il délègue ce pouvoir à un officier, il doit garder à l'esprit que la compétence de l'officier présidant le procès sommaire est limitée lorsque c'est cet officier qui a déposé les accusations ou participé à l'enquête d'une manière quelconque. Dans un tel cas, l'officier qui a porté les accusations devrait présider le procès sommaire seulement s'il est impossible d'avoir un autre officier pour le faire dans les circonstances6. Donc, dans le cours ordinaire des événements, cet officier ne devrait pas présider le procès. Le cas échéant, le procès devrait plutôt être présidé par un autre officier présidant.

7. Le commandant devrait être attentif au fait que la désignation spécifique de militaires pour le dépôt d'accusations a été introduite pour assurer l'uniformité de la discipline au sein de l'unité, c'est-à-dire de maintenir des normes élevées dans la rédaction des accusations et accroître la responsabilité des militaires impliqués. Une approche pour rencontrer ces objectifs est de limiter au minimum le nombre de personnes désignées pour porter des accusations dans une unité, et de les désigner par leur poste, comme le capitaine-adjudant, ou des sous-officiers supérieurs comme le SMR, l'adjudant-chef de l'unité ou le capitaine d'armes. Dans certaines unités, la délégation du commandant inclut les grades égaux ou supérieurs à caporal-chef/matelot-chef.

8. Sans égard au nombre de personnes désignées, un commandant devrait s'assurer que tous, sans exception, désignés ou non, se considèrent impliqués dans le maintien de la discipline au sein de l'unité. Tout militaire peut déposer une plainte pour une infraction d'ordre militaire. Il existe d'ailleurs une obligation, pour les militaires, de rapporter une infraction commise à l'encontre du Code de discipline militaire7. Même si un officier ou un militaire du rang n'a pas reçu l'autorité du commandant pour porter des accusations, rien n'interdit à un membre de rédiger une accusation et de la soumettre à un militaire autorisé à déposer formellement des accusations. Par exemple, un commandant pourrait autoriser seulement l'adjudant-chef et les adjudants-maîtres à porter des accusations. Cependant, une politique pourrait être implantée dans l'unité à l'effet qu'il incombera aux sous-officiers du grade de sergent et grades supérieurs de rédiger les accusations résultant de plaintes qui auront été portées à leur attention.

Les motifs pour porter une accusation

9. Un militaire qui dépose une accusation doit croire que l'accusé a commis l'infraction en question. La croyance que l'accusé a commis l'infraction alléguée doit être raisonnable. En droit, une croyance raisonnable fait allusion à la croyance qui amènerait une personne ordinairement prudente à conclure que l'accusé est probablement coupable de l'infraction reprochée8.

10. Le test déterminant s'il existe des motifs pour porter une accusation, comporte deux éléments : un volet subjectif et un autre objectif. Le volet subjectif consiste à se demander si le militaire suggérant de porter l'accusation croit en la culpabilité de l'accusé. Le critère objectif consiste à déterminer si une personne raisonnable en viendrait à la conclusion que l'accusé est probablement coupable de l'infraction alléguée9. Les deux éléments doivent être présents pour qu'il existe des motifs suffisants pour porter une accusation10.

La discrétion de porter les accusations

11. La discrétion de porter des accusations appartient à l'autorité désignée à cette fin11. En déterminant s'il est approprié de porter ou non des accusations, on devrait toujours considérer s'il est dans l'intérêt de la discipline de le faire.

12. Par exemple, il ne serait pas dans l'intérêt de la discipline de porter des accusations contre une jeune recrue qui est en retard à son premier jour de service. En raison de l'âge de l'accusé, de son inexpérience au sein du service militaire et la gravité minime de l'infraction, il ne serait pas approprié d'utiliser des accusations pour discipliner cette recrue.

Le double péril

13. Le militaire autorisé à porter des accusations doit également vérifier si l'accusé a déjà été trouvé coupable ou acquitté de l'infraction en question12. Un individu ne peut être accusé plus d'une fois pour la même infraction ou une substantiellement similaire13. Il s'agit de la règle interdisant le double péril14.

14. La prise de mesures administratives n'empêche pas de porter des accusations pour le même incident15. Les sanctions administratives sont reliées au travail du militaire et ne sont pas de nature pénale. Les actions prises en vertu du Code de discipline militaire visent l'imposition de sanctions disciplinaires au nom de la société. Une mesure administrative n'est pas un substitut à une mesure disciplinaire. En effet, des mesures administratives et des mesures disciplinaires peuvent être entreprises pour un même incident.

Consultation obligatoire avec le conseiller juridique de l'unité

15. Les militaires autorisés à porter des accusations doivent obtenir un avis de leur conseiller juridique dans les circonstances suivantes :

  1. lorsque l'infraction n'est pas autorisée à être jugée sommairement en vertu de l'article 108.07 des ORFC (Compétence- Infractions);
  2. lorsqu'une infraction est alléguée avoir été commise par un officier ou un militaire du rang d'un grade supérieur à celui de sergent;
  3. si l'accusation donne à l'accusé le choix d'une cour martiale16.

Le conseiller juridique de l'unité fournira normalement ces conseils17.

16. Il n'existe aucune obligation d'obtenir un avis juridique lorsque l'individu est accusé d'une des cinq infractions mineures qui ne comportent pas le droit de choisir d'être jugé devant une cour martiale18.

17. Les militaires qui portent des accusations ont l'obligation d'obtenir un avis juridique portant sur la suffisance des éléments de preuve, sur la question de savoir si une accusation doit ou non être portée dans les circonstances, et lorsqu'il faudrait porter une accusation, sur le choix de l'accusation appropriée19.

18. Pour soutenir l'accusation, il doit y avoir suffisamment de preuve démontrant une possibilité raisonnable d'obtenir une condamnation20. Un examen de la preuve devra inclure la disponibilité, la compétence et la crédibilité objective des éventuels témoins ainsi que l'admissibilité de la preuve impliquant l'accusé.

Obligation de porter des accusations aussi rapidement que les circonstances le permettent

19. Lorsqu'une personne est présumée avoir commis une infraction et que cette personne est maintenue sous garde ou qu'elle est libérée sous conditions, la personne autorisée à porter des accusations doit le faire dès que les circonstances le permettent. Ceci devrait être le cas pour toutes les accusations, cependant ce devoir de porter les accusations avec célérité est d'autant plus important lorsque la personne faisant l'objet des mesures disciplinaires subit des restrictions importante à sa liberté en raison de la détention préventive ou de conditions à la remise en liberté21.

SECTION 3 - RÉDACTION DES ACCUSATIONS

Sélectionner l'accusation appropriée

20. Il est important de bien choisir l'accusation reliée à l'infraction commise avant de la porter. Toutes les infractions au Code de discipline militaire sont prévues au chapitre 103 des ORFC, avec un modèle d'accusation22. L'accusation doit alléguer une infraction seulement, être rédigée tel que prévu au chapitre 103 des ORFC, et contenir l'énoncé de l'infraction, un exposé des détails de l'action, l'omission, la conduite, le désordre ou la négligence constituant l'infraction23.

21. Toutes les accusations portées contre un accusé devraient être incluses dans un seul procès-verbal de procédure disciplinaire, dans la Partie I24.

22. Il est essentiel que chaque accusation allègue une seule infraction25. Il faut donc rédiger l'énoncé et les détails de l'infraction reprochée en évitant les conjonctions « et » ou « ou ».

23. Le dépôt d'une accusation pour chaque infraction présumément commise permet à l'accusé de mieux se préparer et de pouvoir se défendre convenablement. L'accusé ne doit pas subir de préjudice dans la préparation de sa défense en raison d'un manque de précision ou de l'ambiguïté dans le libellé de l'accusation26. Un énoncé de l'infraction alléguant deux infractions différentes provoquerait une multiplicité des accusations et serait alors invalide27. Un tel exemple serait un énoncé d'infraction sous l'article 86 LDN alléguant que :

L'ACCUSÉ S'EST QUERELLÉ OU S'EST BATTU AVEC UNE PERSONNE JUSTICIABLE DU CODE DE DISCIPLINE MILITAIRE.

Cette multiplicité pourrait être corrigée en séparant les infractions sous deux accusations distinctes ayant chacune un énoncé d'infraction alléguant que :

L'ACCUSÉ S'EST QUERELLÉ AVEC UNE PERSONNE JUSTICIABLE DU CODE DE DISCIPLINE MILITAIRE. ET L'ACCUSÉ S'EST BATTU AVEC UNE PERSONNE JUSTICIABLE DU CODE DE DISCIPLINE MILITAIRE.

24. Une accusation serait également multiple si l'exposé des détails alléguait plus d'une infraction. Un exemple d'une accusation multiple dans l'exposé des détails serait :

Détails : En ce que le, le ou vers le 25 mai 1997, à l'hôpital de la base, il a dit au Sergent Smith : « La prochaine fois c'est toi qui se retrouvera à l'hôpital » ou des paroles semblables, et le ou vers le 2 juin 1997, alors qu'il était au mess, il a donné un coup de poing dans le ventre du Caporal Green.

25. Cet exposé des détails rendrait l'accusation multiple car il porte sur deux infractions différentes commises en deux occasions distinctes. Les incidents en question devraient donc constituer deux accusations séparées.

26. Plus d'une accusation peut être requise si on allègue la commission de plus d'une infraction. Lorsque plus d'une infraction est commise, chacune d'elle devrait faire l'objet d'une accusation. Selon les circonstances, il pourrait être approprié de porter ces accusations de façon subsidiaire.

Accusations subsidiaires

27. Des accusations subsidiaires peuvent être formulées si, à la fois, les allégations figurant dans les détails sont jugées suffisantes pour etayer une déclaration de culpabilité à l'égard, soit d'une de plusieurs infractions, d'une infraction particulière mais, en l'absence de preuve à l'appui d'un ou plusieurs éléments de cette infraction, d'une autre infraction, et l'infraction véritable ne peut être déterminée que par voie de procès28.

28. Une accusation subsidiaire ne devrait être utilisée que si :

  1. il existe un doute quant à savoir si, en droit, les détails constituent cette infraction ou une autre infraction;
  2. il existe un doute au sujet d'un élément essentiel de l'infraction, mais qu'une accusation de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline peut être prouvée. Par exemple, lorsque l'élément essentiel de l'intention de vol demeure douteux, une accusation de possession irrégulière portée en vertu de l'article 129 de la LDN peut être appropriée;
  3. l'infraction d'ordre militaire est, en soi, une forme plus grave de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline, comme dans les cas de conduite scandaleuse (art. 92 LDN) ou de cruauté ou de conduite déshonorante (art. 93 LDN)29.

29. Si l'accusation est portée en vertu de l'article 130 LDN, le membre portant l'accusation devrait considérer le fait que de nombreuses infractions contraires aux lois du Canada permettent une condamnation pour des infractions incluses sans que ces infractions fassent l'objet d'accusation. Par exemple, dans une accusation de voies de fait causant des lésions corporelles, on peut rendre un verdict de voies de fait simple sans que cette accusation n'ait été portée30. Des situations similaires peuvent survenir relativement à l'article 88 (désertion) et l'article 84 (violence envers un supérieur) de la LDN31.

30. Lorsqu'il n'est pas pratique, avant le procès, de déterminer lesquelles parmi diverses infractions ont été commises, celles qu'on peut raisonnablement supposer avoir été commises devraient être portées de façon subsidiaire. Un exemple de ce cas est celui de vol et de recel en vertu des articles 114 et 115 de la LDN respectivement32.

31. L'accusation la plus grave devrait précéder la moins grave dans le procès-verbal de procédure disciplinaire. Les accusations subsidiaires devraient porter l'indication à l'effet qu'elles sont portées de façon subsidiaire33.

Rédaction de l'exposé des détails

32. Toutes les accusations doivent contenir un exposé des détails. Les détails doivent être suffisamment précis pour informer raisonnablement l'accusé de l'infraction alléguée afin de lui permettre de préparer convenablement sa défense34.

33. Les détails devraient indiquer, entre autres, la date, l'heure et l'endroit de l'infraction alléguée ainsi que l'infraction reprochée. Des exemples de rédaction de détails se retrouvent au chapitre 103 des ORFC pour chacune des infractions d'ordre militaire.

34. En plus des infractions d'ordre militaire, les commandants peuvent juger certaines infractions contraires au Code criminel et à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances35. Des exemples d'accusations et des détails à rédiger pour ces infractions se trouvent à l'annexe O du présent manuel.

Les éléments essentiels

35. Toute infraction comprend un certain nombre d'éléments essentiels qui doivent être prouvés avant d'obtenir un verdict de culpabilité. Lorsqu'on rédige une accusation, il faut déterminer si la preuve permet de prouver chacun de ces éléments. S'il manque de la preuve pour soutenir l'un des éléments essentiels, l'accusation ne devrait pas être portée. Certains éléments sont communs pour tous les types d'infractions tels que :

  1. la date de l'infraction, même aproximative;
  2. le lieu de l'infraction, qui peut être la ville ou la région;
  3. l'identité de l'accusé; et
  4. l'acte ou l'omission constituant l'infraction.

36. Il est primordial pour chacune des infractions de prouver l'acte ou la conduite constituant l'infraction. Il s'agit, en droit, de l'actus reus. L'actus reus peut être un acte ou une omission d'agir. Le premier cas fait allusion à une inconduite active, alors que le deuxième porte plutôt à des situations où l'accusé a négligé de poser un geste qu'il aurait dû poser. Par exemple, il y aurait omission lorsqu'un militaire en devoir ne complèterait pas le registre de service comme il en avait l'obligation36.

37. Les infractions doivent contenir un élément mental ou psychologique, ou une intention de commettre une faute. Ce concept variera en fonction de la nature de l'infraction en question. Le terme mens rea fait allusion à l'état d'esprit coupable. Ce concept est plus aisément compréhensible lorsque les infractions exigent une faute ou un certain état d'esprit de l'accusé comme une intention, la connaissance, l'insouciance ou la volonté.

38. La négligence décrit une faute causée par inadvertance ou par manque de prudence et constituant un écart marqué de la norme. Elle s'établit par un test objectif. Ce test implique une comparaison du comportement de l'accusé avec le comportement d'une personne raisonnable dans les mêmes circonstances37. Si une personne raisonnable avait agi ou avait omis d'agir de la même manière que l'accusé, le comportement de l'accusé ne sera pas considéré négligent.

39. Des mots différents sont souvent utilisés pour décrire l'intention requise, tel que : intentionnellement, volontairement, avec l'intention de ou dans le but de. Certaines infractions exigent une connaissance de quelque chose par l'accusé, comme dans le cas de l'infraction de possession. Cependant, avoir l'intention ou la connaissance satisfera seulement à l'élément mental ou psychologique de l'infraction si l'intention ou la connaissance est directement reliée à l'infraction alléguée.

40. Pour certaines infractions, le fait de prouver l'insouciance suffira pour satisfaire au critère de la mens rea. L'insouciance veut dire agir délibérément en ayant conscience du risque et des conséquences probables de son geste. L'insouciance se distingue de la négligence civile, qui consiste plutôt à ne pas prendre les précautions raisonnables. Lorsqu'on doit établir s'il y a eu insouciance, il faut se demander si l'accusé était conscient du fait que sa conduite pouvait entraîner un résultat interdit par la loi et qu'il a malgré tout pris ce risque38.

41. La négligence criminelle est différente de la négligence civile et survient lorsque quelqu'un : « montre une insouciance déréglée ou téméraire à l'égard de la vie ou de la sécurité d'autrui »39. La négligence criminelle nécessite un « écart marqué » par rapport à la norme de diligence d'une personne raisonnable40.

42. Par ailleurs, la Cour d'appel de la cour martiale (CACM) a déterminé que la norme de diligence applicable à l'accusation de négligence dans l'exécution des tâches militaires, art 124 LDN, est celle de :

« la conduite attendue de la personne raisonnable occupant le rang et se trouvant dans la situation de l'accusé au moment et à l'endroit où l'infraction reprochée est survenue. Dans le contexte d'une opération militaire, la norme de diligence variera considérablement en fonction du degré de responsabilité incombant à l'accusé, de la nature et de l'objet de l'opération ainsi que des exigences d'une situation donnée »41.

43. Quant à savoir quel critère utiliser, la Cour d'appel de la cour martiale a précisé dans l'affaire R. c. Mathieu :

« Il est maintenant bien établi qu'en matière d'infractions de négligence pénale la norme de responsabilité applicable est une norme objective basée sur l'appréciation faite par la Cour de ce qu'une personne raisonnable aurait fait dans les circonstances »42.

Surplus

44. Si les informations contenues dans les détails de l'accusation ne sont pas essentielles à la constitution de l'infraction, elles seront traitées en surplus. Ceci veut dire qu'il ne s'agit pas d'éléments de l'infraction et qu'ils n'ont donc pas à être prouvés43.

Procès-verbal de procédure disciplinaire (PVPD)

45. Le procès-verbal de procédure disciplinaire (PVPD) se divise en sept parties, la partie 1 étant celle pertinente au dépôt d'accusations44. Toute accusation déposée contre un accusé doit être inscrite à la partie 1 du procès-verbal de procédure disciplinaire45.

46. La partie 1 du procès-verbal de procédure disciplinaire contient l'état de mise en accusation46. Ces renseignements comprennent : l'énoncé de l'infraction, l'exposé des détails, le nom, le grade, le numéro de matricule et l'unité ou l'élément auquel appartient l'accusé. La partie 1 renferme également le nom, le grade, la position et la signature du militaire qui dépose l'accusation47. Il indique finalement le nom et le grade de l'officier désigné pour aider l'accusé ainsi que le choix de la langue de l'accusé pour les procédures. Il doit aussi être indiqué qu'une copie du procès-verbal de procédure disciplinaire a été fournie à l'accusé.

SECTION 4 - RENVOI DES ACCUSATIONS

47. Une fois qu'une accusation a été portée par un officier ou un militaire du rang, y compris un membre du SNE, la personne ayant portées l'accusation doit l'envoyer au commandant de l'accusé, au commandant de la base, l'unité ou l'élément où se trouvait l'accusé au moment où l'accusation a été portée, ou encore à un officier délégué48. Ce renvoi, comme tout renvoi subséquent de l'officier présidant ou d'une autorité de renvoi, sera inscrit au procès-verbal de procédure disciplinaire49. Le militaire qui a déposé l'accusation doit également fournir une copie du procès-verbal de procédure disciplinaire à l'accusé et confirmer la signification sur le procès-verbal de procédure disciplinaire.

48. Le commandant ou l'officier délégué à qui on a déféré une accusation doit s'assurer qu'une copie du procès-verbal de procédure disciplinaire soit placée dans le fichier des poursuites disciplinaires de l'unité50. Voir également le Chapitre 16 – Les mesures administratives après le procès.

49. Lorsqu'une accusation est déférée à un officier délégué, ce dernier doit voir à ce que l'on instruise le procès en conformité avec le chapitre 108 des ORFC, ce qui implique de prendre les mesures nécessaires pour entamer les procédures sommaires ou renvoyer l'accusation au commandant en lui recommandant de ne pas donner suite à l'accusation, s'il juge qu'on ne doit pas y donner suite51.

50. Lorsqu'une accusation est déférée au commandant par le militaire qui a porté une accusation ou par un officier délégué, le commandant doit voir à ce que l'on instruise le procès en conformité avec le chapitre 108 des ORFC ou ne pas donner suite à l'accusation, s'il juge qu'on ne doit pas y donner suite52.

51. De la même manière, si le commandant renvoie l'accusation à un commandant supérieur, le commandant supérieur doit aussi voir à ce que l'on instruise le procès conformément au chapitre 108 des ORFC ou ne pas donner suite à l'accusation, s'il juge qu'on ne doit pas y donner suite.

52. Lorsqu'une décision de ne pas procéder avec une accusation est prise et que cette décision met fin à toutes les accusations, le commandant ou le commandant supérieur qui a décidé de ne pas donner suite à l'accusation doit s'assurer que le procès-verbal de procédure disciplinaire original et une copie de tout rapport d'enquête sont placés au fichier des poursuites disciplinaires de l'unité53.

53. Avant que l'officier à qui une accusation est déférée décide de donner suite ou non à une accusation, il doit obtenir les conseils du conseiller juridique de son unité s'il s'agit d'une des infractions suivantes :

  1. qui n'est pas autorisée à être instruite sommairement (la liste des infractions pouvant être instruites par procès sommaire se trouve à l'article 108.07 des ORFC);
  2. qui a été présumément commise par un officier ou un militaire du rang d'un grade supérieur à celui de sergent;
  3. qui donnerait le droit à l'accusé d'être jugé devant une cour martiale54.

54. Finalement, l'accusation doit être traitée avec toute la célérité que les circonstances permettent55. En d'autres mots, tout militaire traitant avec cette affaire doit le faire avec diligence et promptitude dans le renvoi du dossier et le règlement des détails administratifs.

55. Le conseiller juridique de l'unité fournira les conseils requis quant à savoir si l'officier saisi de l'accusation devrait procéder par voie de procès sommaire. Si l'officier saisi de l'accusation devait décider de ne pas suivre ces conseils, il devra alors expliquer par écrit les motifs de sa décision. Une copie de la décision et de ses motifs doit être fournie au conseiller juridique et à l'officier envers qui il est responsable pour les questions de discipline, dans les 30 jours suivant la réception de l'avis juridique56.

56. La décision d'un commandant ou d'un commandant supérieur de ne pas donner suite à une accusation n'empêche pas l'exercice ultérieur d'une poursuite à son égard, dans le cas où l'accusation aurait été portée par un officier ou un militaire du rang du SNE57.

57. Si un commandant ou un commandant supérieur décide de ne pas procéder avec une accusation portée par un membre du SNE, il doit communiquer par écrit sa décision motivée58. La décision écrite doit être fournie au membre du SNE qui a porté les accusations ou au membre sous le contrôle duquel l'enquête a été conduite ou supervisée. Une copie de la décision motivée doit être envoyée à l'officier envers qui le commandant ou le commandant supérieur est responsable pour les questions de discipline59.

58. Le membre du SNE peut, après révision de la décision et des motifs qui l'accompagnent, saisir l'autorité de renvoi conformément à l'article 109.03 des ORFC si le membre du SNE estime que l'on devrait quand même donner suite à l'accusation60.


Notes en bas de page

1 ORFC 107.015 (1)

2 Id., 107.015 (2)

3 Id., 107.015 (note A).

4 Id., 107.02

5 Id., 107.02 (c).

6 ORFC 108.09 (note).

7 Id., 4.02 et 5.01.

8 Id.,107.02 (note). Voir aussi R. c. Storrey, [1991] 1 R.C.S. 241.

9 R. c. Storrey, [1991] 1 R.C.S. 241.

10 Ce test est similaire à celui qui est appliqué en droit criminel canadien avant de pouvoir porter des accusations, où il faut que la personne croit pour des motifs raisonnables que la personne a commis un acte criminel pour déposer une accusation (art 504 C.cr.).

11 ORFC 107.02. Les commandants, les militaires autorisés par les commandants et les enquêteurs du SNE.

12 Voir chapitre 11 – La compétence et les déterminations préliminaire au procès.

13 R. c. Riddle, [1980] 1 R.C.S. 380. Voir LDN, art. 66 et ORFC 102.17.

14 Le principe du double péril est aussi enchâssé à l'article 11 (h) de la Charte. En droit criminel, le principe du double péril est composé de deux principes : l'« autrefois acquit » et l'« autrefois convict ». L'expression « autrefois acquit » signifie que l'accusé a déjà été acquitté de l'infraction qui lui est imputée actuellement. Les termes « autrefois convict » signifient que l'accusé a déjà été trouvé coupable de l'accusation qui lui est reprochée.

15 Voir chapitre 14 - La sentence et les peines.

16 ORFC 107.03.

17 Id., 107.03

18 Voir ORFC 108.17 pour la liste des infractions mineures.

19 ORFC 107.03 (2).

20 Cependant, il n'est pas exigé de démontrer une plus grande probabilité quant à la culpabilité de l'accusé. Voir Politique relative à l'évaluation des accusations. JAG Directive # 010/00.

21 R. c. Perrier, (2000) CACM-434

22 Pour des modèle d'accusation pour les infractions sous l'article 130 LDN, voir l'annexe O.

23 Paragraphe 107.04 (2) des ORFC. Cette procédure n'est pas suivie dans le système civil canadien de justice criminelle, où l'énoncé de l'infraction et l'exposé des détails sont combinés.

24 ORFC 107.04 (1).

25 La règle de common law contre les accusations multiples interdit que des accusations subsidiaires soient portées sous un seul chef d'accusation. L'article 789 du Code criminel précise également que, dans le cas des accusations par voie de déclaration de culpabilité par procédure sommaire :

« ...la dénonciation…b) peut imputer plus d'une infraction ou viser plus d'un sujet de plainte, mais lorsque plus d'une infraction est imputée ou que la dénonciation vise plus d'un sujet de plainte, chaque élément doit être énoncé sous un chef distinct. ».

26 R. c. Sault St Marie, [1978] 2 R.C.S. 1299

27 Un chef d'accusation sera « multiple » s'il allègue plus de deux infractions distinctes. L'accusation sera alors invalide.

28 ORFC 107.05 (a).

29 Id., 107.05 (note A).

30 Id., 107.05 (note B).

31 Id., 103.62.

32 Id., 107.05 (note D).

33 Id., 107.05 (note F).

34 Id., 107.04 (3). En relation avec les exigences similaires de l'article 581 du Code criminel, la Cour suprême du Canada a établi qu'une accusation doit inclure des détails concrets susceptibles d'identifier les actions précises pour lesquelles une poursuite est engagée et en donner avis à l'accusé. Brodie c. R., [1936] R.C.S. 188, confirmé dans R. c. Wis Developments Corp. Ltd. et al., [1984] 1 R.C.S. 485.

35 LDN, art. 130. Voir également l'article 108.07 des ORFC.

36 Une infraction sous l'article 129 LDN.

37 Don Stuart, Canadian Criminal Law, 3e éd., Scarborough : Carswell, 1995, p. 143.

38 Id., p. 202.

39 Voir C.cr., art. 219.

40 R. c. Creighton, (1993) 23 C.R. (4d) 265 (C.S.C.).

41 R. c. Brocklebank, (2 avril 1996) C.A.C.M. 383. [1996] A.C.A.C. no 4, paragraphe 18.

42 R. c. Mathieu, C.A.C.M. 379, p. 13, [1995] A.C.A.C. no 12, paragraphe 20.

43 Une référence inexacte à un article de la loi n'est pas fatale à l'accusation étant donné que la mention de l'article n'est pas considérée nécessaire à l'acte d'accusation.

44 Voir l'annexe B pour un exemplaire du procès-verbal de procédure disciplinaire (PVPD), le formulaire Liste de renseignements fournis conformément à l'article 108.15 et les exemplaires complétés de chacun.

45 ORFC 107.06 et 107.07.

46 Les renseignements à inscrire à la partie 1 sont similaires à ceux requis par le Code criminel dans le formulaire de la dénonciation. Voir le formulaire 2 au Code criminel. Il a déjà été décidé que certaines inexactitudes au niveau de l'information exigée sur le formulaire, tel que l'omission d'inscrire le nom et l'occupation du dénonciateur, n'invalideront pas forcément l'acte d'accusation (R. c. Eddy, (1982) 69 C.C.C. (2d) 568). Les tribunaux ont aussi décidé que l'omission d'indiquer la date de l'infraction ne rend pas le formulaire invalide, sauf s'il s'agit d'une date de prescription. (R. c. Akey, (1990) 1 O.R. (3d) 693). Omettre d'indiquer le lieu de l'infraction est également un défaut mineur susceptible d'être corrigé par la suite. (Re R. c. Phelps, (1972) 9 C.C.C. (2d) 127).

47 L'article 101.065 des ORFC précise, quant à l'interprétation des accusations, que :

  1. Dans l'énoncé d'une accusation, la partie 1 (État de mise en accusation) d'un procès-verbal de procédure disciplinaire ou d'un acte d'accusation, on doit présumer à l'appui toute proposition qu'on peut raisonnablement présumer implicitement incluse, bien qu'elle ne soit pas exprimée dans l'acte d'accusation, la partie 1 (État de mise en accusation) du procès-verbal de procédure disciplinaire ou l'acte d'accusation.
  2. On doit lire et interpréter concurremment l'énoncé de l'infraction et les détails de celle-ci. Cela suggère que les autorités donnent effet à l'accusation malgré les défauts qu'elle peut contenir.

48 ORFC 107.09.

49 Id., 107.07 et procès-verbal de procédure disciplinaire (PVPD) parties 1 et 5.

50 Article 107.14 (2), ORFC.

51 Id., 107. 09 (2).

52 Id., 107.09 (3).

53 Id., 107.09 (note).

54 Id., 107.11 (1).

55 Id., 107.08.

56 Id., 107.12 (2).

57 Id., 107.12 (note).

58 Id., 107.12 (1).

59 Id., 107.12 (1) et (2).

60 Id., 107.12 (3).

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