Le cadre juridique
Lors d'opérations internationales des FC, le DIH et le DIDP sont des des branches complémentaires du droit international, lequel définit les règles tranchant la ligne entre les conduites permises et interdites en contexte d'interrogatoires. La majorité des règles du droit international relatives aux interrogatoires sont exprimées sous la forme négative, c'est-à-dire que la loi indique les conduites prohibées. La règle qui est sans doute la plus importante est toutefois exprimée sous forme positive, à savoir : toute personne détenue par les FC doit être traitée avec humanité. En situation de conflit armé, le DIH s'applique en tant que lex specialis, et le DIDP, en tant que lex generalis. Il est toutefois reconnu que les règles du DIH et du DIDP sont fondées sur le même principe : assurer le respect de la dignité humaine. Pour cette raison, l'examen des cadres actuels en matière de DIDP sont dignes d'intérêt sur le plan pratique et normatif. Aussi, contrairement au DIDP, aucun traité n'a institué des organismes ou des mécanismes permettant d'assurer la mise en oeuvre du DIH et de contribuer à son évolution. Ainsi, bien que les différences normatives entre le DIH et le DIDP soient reconnues, un survol des principes et de la jurisprudence applicables au DIDP aidera à mieux comprendre les obligations et les normes imposées par le DIH.
Par exemple, les règles coutumières et conventionnelles du DIH interdisent catégoriquement, dans toute forme de conflits armés, le traitement inhumain. Les troisième et quatrième CG prescrivent que tous les détenus soient traités humainement en tout temps. De manière plus précise, infliger la mort, la torture, les traitements inhumains ou de causer de grandes souffrances ou blessures aux personnes protégées par les CG sont des infractions graves aux traités et constituent des crimes de guerre. Le droit en matière de droits de la personne fondé sur les coutumes et les traités définit également les concepts et les normes applicables aux interrogatoires. La jurisprudence de ce domaine examine si certaines techniques sont permises, qu'elles soient utilisées seules ou avec d'autres méthodes. Les obligations en matière de droits de la personne interdisent la torture et les autres formes de mauvais traitements, qu'il s'agisse de peines ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Même si les principes pertinents en matière de droits de la personne sont déterminés « uniquement en regard du droit applicable dans les conflits armés
»13, soit le DIH, les obligations des États en matière de droits de la personne demeurent valables durant les conflits armés. Ces obligations sont alors interprétées en tenant compte de la lex specialis du DIH. Sans répondre à la question complexe et difficile de savoir si d'autres sources du droit s'appliquent aux opérations des FC, l'examen des techniques d'interrogatoires jugées abusives par des organismes créés en vertu d'un traité international et par les tribunaux nationaux de juridiction pénale est instructif. Cet examen servira à relever les traitements qui peuvent être considérés illicites14.
I. Droit international humanitaire
A) Protection conférée par les Conventions de Genève de 1949
En matière de droit des traités et de droit coutumier, l'article 3 commun aux CG prescrit les droits et obligations à l'égard de toute personne qui est hors de combat et qui a cessé de prendre part activement aux hostilités15. Cette disposition précise que ces personnes « seront, en toutes circonstances, traitées avec humanité
». Pour ce faire, l'article énonce une norme minimale qui régit le déroulement de l'interrogatoire et le traitement des détenus. Les CG établissent donc le principe sur lequel repose des protections étendues, puisque l'article 3 commun aux CG prescrit une norme de traitement humain qui vaut « en toutes circonstances » et « en tout temps et en tout lieu
».
Les obligations de l'État consacrées par le DIH varient selon la nature du conflit et le statut de la personne détenue16. Les principes énoncés dans les traités en matière de DIH peuvent s'appliquer aussi en droit coutumier international. La norme minimale, le traitement humain, permet de discerner les interdictions légales concomitantes qui résultent des contraintes applicables en tout temps. Ce principe trouve son expression dans l'article 3 commun aux CG ainsi que dans d'autres dispositions des CG. Le principe de traitement humain est communément reconnu comme étant la [TRADUCTION] « norme de traitement fondamentale applicable à toute personne touchée par un conflit armé qui ne prend pas, ou ne prend plus, part aux hostilités
»17.
La Cour internationale de Justice a confirmé que les règles relatives à la protection des personnes hors de combat constituent un élément fondamental dans la mesure où elles énoncent des « considérations élémentaires d'humanité
»18. L'importance de ce principe de base est renforcée par le fait que le principe de traitement humain consacré par l'article 3 commun aux CG est réitéré dans l'ensemble des dispositions des quatre CG. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), dans ses Commentaires sur les CG, a souligné que : « L'obligation d'accorder aux personnes protégées un traitement humain est le véritable leitmotiv des quatre Conventions de Genève
»19.
De plus, il ne fait aucun doute qu'il ne peut y avoir de dérogation aux préceptes d'humanité. Ce principe est donc fondamental puisqu'il demeure valide en tout temps et doit être respecté sans égard aux impératifs militaires ou touchant par ailleurs à la sécurité.
Ni le traitement humain ni le traitement inhumain ne sont expressément définis dans les CG20. Un certain sens se dégage des obligations positives et négatives prévues à l'égard du traitement et de l'interrogatoire des personnes21. À ce propos, les dispositions mêmes des CG et des Protocoles additionnels I (PAI)22 et II (PAII)23 précisent le contenu et l'étendue de la norme de traitement humain. Tel qu'il en sera question plus loin, la troisième CG, relative aux prisonniers de guerre24, et la quatrième CG, relative à la protection des civils en temps de guerre25, apportent des précisions sur le principe de traitement humain et expliquent la norme de traitement ainsi que les conduites concomitantes interdites.
Quant au processus d'interrogatoire, les CG interdisent l'emploi de la coercition pour obtenir des renseignements. Cet aspect de la protection qu'accordent les CG complète l'obligation générale de traiter les détenus humainement. Encore là, aucune définition n'est prévue à cet égard dans les dispositions des CG, mais il est certain que la coercition, qu'elle soit physique ou morale, est prohibée.
B) Traitement humain
i) Les détenus doivent être traités avec humanité :
La plupart des règles du DIH en matière d'interrogatoires sont négatives et interdisent un certain type de traitement. La seule exception est l'obligation positive de traiter tous les détenus avec humanité26. Cette obligation est omniprésente dans les dispositions et protections contenues dans les quatre CG.
En ce qui concerne les prisonniers de guerre (PG), l'obligation générale énonce simplement : « Les prisonniers de guerre doivent être traités en tout temps avec humanité
»27. Les Commentaires du CICR sur les CG expliquent que les rédacteurs ont ajouté « en tout temps » pour prévenir toute dérogation au principe d'humanité motivée par les impératifs du conflit28. En d'autres mots, la notion de « nécessité militaire » ne peut être invoquée pour modifier la norme de traitement.
Le libellé de l'article 13 de la troisième CG indique également que les PG doivent être protégés « en tout temps, notamment contre tout acte de violence ou d'intimidation, contre les insultes et la curiosité publique
». L'article précise ensuite les types de traitement interdits et d'autres qui sont obligatoires. Selon le CICR, les « principaux éléments d'un traitement humain
» décrits à l'article 13 sont les suivants29 :
- tout acte ou omission illicite de la part de la Puissance détentrice entraînant la mort ou mettant gravement en danger la santé d'un prisonnier de guerre en son pouvoir est interdit30;
- aucun prisonnier de guerre ne pourra être soumis à une mutilation physique;
- aucun prisonnier de guerre ne pourra être soumis à […] une expérience médicale ou scientifique de quelque nature qu'elle soit qui ne serait pas justifiée par le traitement médical du prisonnier intéressé et qui ne serait pas dans son intérêt;
- Les prisonniers de guerre doivent de même être protégés en tout temps, notamment contre tout acte de violence ou d'intimidation31, contre les insultes et la curiosité publique32;
- Les mesures de représailles à leur égard [PG] sont interdites.
La quatrième CG ajoute que les « personnes protégées » bénéficient des mêmes règles33. Les civils doivent être traités avec humanité en tout temps. Le libellé de l'article 27 de la quatrième CG peut permettre de préciser le sens du traitement humain tel qu'entendu par les CG. Cette disposition reconnaît que « les personnes protégées ont droit, en toutes circonstances, au respect de leur personne, de leur honneur, de leurs droits familiaux, de leurs convictions et pratiques religieuses, de leurs habitudes et de leurs coutumes » et qu'« elles seront traitées, en tout temps, avec humanité et protégées notamment contre tout acte de violence ou d'intimidation, contre les insultes et la curiosité publique
». Dans les Commentaires du CICR sur l'article 3 commun aux CG, il est indiqué que l'article 27 « di[t] ce qu'il faut entendre par "traitement humain"
». Là encore, cette disposition reprend les actes prohibés contenus dans les articles mentionnés plus haut, mais nous pourrions ajouter à cette liste les menaces de violence. En outre, l'article 75 du PAI prévoit également que les personnes visées par cette disposition, à savoir tous les détenus sans égard à leur statut, « seront, en toutes circonstances, traitées avec humanité
»34.
La protection garantie par l'article 3 commun aux CG comprend également la protection contre « les atteintes portées à la vie et à l'intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les traitements cruels, tortures et supplices
» et la protection contre « les atteintes à la dignité des personnes, notamment les traitements humiliants et dégradants
»35. Cette liste d'actes non exhaustive démontre clairement les conduites prohibées en raison de leur caractère inhumain. La torture constitue une grave violation des CG36.
ii) Torture :
Plusieurs dispositions des CG interdisent expressément le recours à la torture37. L'utilisation de la torture constitue donc une grave infraction des quatre CG38, un crime contre l'humanité39 et un crime de guerre40. L'article 3 commun aux CG interdit l'utilisation de la torture en toutes circonstances, mais ne définit pas ce qu'est la torture41. Le DIH ne définit pas la torture, toutefois le CICR propose ce qui suit dans ses Commentaires : « inline Le mot torture se réfère ici surtout aux souffrances infligées à une personne pour obtenir d'elle ou de tiers des aveux ou des renseignements
»42.
La loi qui régit les PG comprend la règle suivante : « Aucune torture physique ou morale ni aucune contrainte ne pourra être exercée sur les prisonniers de guerre pour obtenir d'eux des renseignements de quelque sorte que ce soit
»43. Dans le contexte de personnes protégées, l'interdiction générale de causer « des souffrances physiques ou l'extermination
» comprend l'interdiction expresse de tuer, de torturer, de punir par sévices corporels, de mutiler, de faire des expériences médicales, et « toutes autres brutalités, qu'elles soient le fait d'agents civils ou d'agents militaires
»44. Le PAI contient un ensemble de règles applicables aux « personnes qui sont au pouvoir d'une Partie au conflit et qui ne bénéficient pas d'un traitement plus favorable
». L'une de ses règles interdit « la torture sous toutes ses formes, qu'elle soit physique ou mentale
»45. Il ressort clairement du libellé de cette disposition que la torture constitue « [une atteinte portée] à la vie, à la santé et au bien-être physique ou mental des personnes
». Le paragraphe 75(2) prohibe donc également toute conduite qui ne constitue pas de la torture, dont les « peines corporelles ».
iii) Traitement cruel ou inhumain :
L'article 3 commun aux CG interdit les « traitements cruels », lesquels constituent des « atteintes portées à la vie et à l'intégrité corporelle
»46. L'une de ces règles interdit « toute forme quelconque […] de cruauté
»47. Une règle similaire s'appliquant aux internés prévoit que « sont interdites […], d'une manière générale, toute forme quelconque de cruauté
»48. Le PAII prévoit une règle applicable aux conflits armés non internationaux qui prohibe les « traitements cruels
»49.
La troisième CG limite également les sanctions disciplinaires à l'égard des PG, notamment en interdisant de manière absolue les peines « inhumaines, brutales ou dangereuses pour la santé des prisonniers de guerre
»50. Il existe une règle semblable concernant les peines applicables aux internés51. Dans certains cas, le DIH permet des dérogations aux protections conférées aux personnes détenues pour espionnage ou sabotage, ou des personnes soupçonnées d'avoir commis des actes hostiles. Cependant, dans chacun des cas, ces personnes doivent être « traitées avec humanité
»52. Commettre un acte de « traitement inhumain » à l'égard d'un PG53, d'une personne protégée54, d'un blessé ou d'un malade55, d'un blessé ou d'un malade en mer, ou d'un naufragé56, constitue une infraction grave. Suivant le Statut de Rome, commet un crime de guerre, quiconque commet des actes de « traitement inhumain »57.
Dans les Commentaires du CICR sur les CG, a été soulevée la question de savoir lesquels, des mauvais traitements ou des pratiques abusives, autres que la torture, peuvent être considérés inhumains, et il a été conclu qu'il ne saurait s'agir uniquement des traitements qui portent atteinte à l'intégrité physique et à la santé d'un détenu; « le but de la présente Convention est certainement d'accorder aux prisonniers de guerre au pouvoir de l'ennemi une protection telle qu'ils conservent leur dignité humaine et ne soient pas ravalés au niveau de la bête
». Dans ce sens, les mesures qui pourraient causer « inline des atteintes graves à leur dignité d'hommes
» doivent être considérées comme étant inhumaines.
L'article 3 commun aux CG interdit « les traitements humiliants et dégradants
», les classant parmi les traitements qualifiés d'« inline atteintes à la dignité des personnes
»58. Le TPIY, dans l'arrêt Kunarac, a examiné le critère à utiliser pour mesurer le caractère d'humiliation ou de dégradation d'un acte ou d'une omission. La Chambre de première instance a soutenu que l'humiliation d'une victime doit être assez intense pour que toute personne raisonnable en soit outrée : les outrages à la dignité des personnes sont causés par « tout acte ou omission dont on reconnaîtrait généralement qu'ils causent une humiliation, une dégradation grave ou qu'ils attentent autrement gravement à la dignité des personnes
»59.
Ces mots exacts sont repris dans l'article 75 du PAI et s'appliquent donc aux personnes protégées par cettedisposition60. La commission de tels actes est considérée comme un crime de guerre dans le Statut de Rome61.
C) Interroger les personnes en détention
L'article 17 de la troisième CG et l'article 31 de la quatrième CG, portent expressément sur l'interrogatoire. La troisième CG, relative aux PG, interdit l'utilisation de toute forme de coercition alors que la quatrième CG interdit le recours à la coercition physique ou morale envers les personnes civiles.
Plus précisément, l'article 17 de la troisième CG prévoit : « Aucune torture physique ou morale ni aucune contrainte ne pourra être exercée sur les prisonniers de guerre pour obtenir d'eux des renseignements de quelque sorte que ce soit.
» De plus, les PG qui refusent de répondre ne peuvent être « ni menacés, ni insultés, ni exposés à des désagréments ou désavantages de quelque nature que ce soit
». L'article 99 prévoit également qu' « inline aucune pression morale ou physique ne pourra être exercée sur un prisonnier de guerre pour l'amener à se reconnaître coupable du fait dont il est accusé
»62. L'article 17 consiste en une interdiction de portée générale. Des auteurs de doctrine ont fait observer que le libellé de l'article 5 de la Convention de 1929, laquelle a précédé les conventions actuellement en vigueur, interdisait la coercition dans le cadre d'interrogatoires servant à obtenir des renseignements « relatifs à la situation de leur armée ou de leur pays
». Les rédacteurs de la Convention de 1949 ont clairement élargi la portée de cette interdiction en prohibant toute forme de coercition exercée dans le but de recueillir des renseignements de quelque nature que ce soit63.
L'interdiction à l'égard des personnes protégées dispose : « Aucune contrainte d'ordre physique ou moral ne peut être exercée à l'égard des personnes protégées, notamment pour obtenir d'elles, ou de tiers, des renseignements
»64. Cette interdiction « couvre tous les cas, qu'il s'agisse de pressions directes, indirectes, apparentes ou déguisées […] quel qu'en soit le motif ou le but
»65. L'article 32 prévoit en outre que la protection conférée aux personnes protégées vise notamment le meurtre, la torture, les peines corporelles, la mutilation, les expériences médicales et toute autre mesure brutale. Enfin, l'article 33 complète ces interdictions en soulignant que « toute mesure d'intimidation ou de terrorisme, [est] interdit[e]
».
La coercition n'est pas expressément prohibée par l'article 3 commun aux CG. Certains prétendent que le type de pratique pouvant être qualifiée de coercition est néanmoins interdite dans la mesure où l'article 3 commun aux CG prohibe les traitements inhumains, plus particulièrement « les traitements cruels » et « les traitements dégradants
»66.
D) La coercition dans le cadre d'interrogatoires
Il n'existe aucune définition complète qui puisse permettre de déterminer quels sont les actes manifestement inadmissibles et prohibés67. Cependant des directives générales qui peuvent être utiles : dans le contexte des CG, la torture est considérée comme une forme de coercition, mais il y a aussi des pratiques coercitives qui, sans être de la torture, sont tout de même prohibées. En outre, comme il en a été question précédemment, le sens que donne le DIH au terme coercition est relié au principe du traitement humain. À cet égard, la coercition ne se limite pas à l'utilisation de la force physique. La coercition psychologique et les mesures dégradantes envers les détenus sont aussi illégales. La définition tirée du manuel de campagne de l'armée américaine est intéressante :
[TRADUCTION] Certaines contraintes physiques interdites peuvent être évidentes, comme la violence physique infligée à une personne faisant l'objet d'une enquête ou d'un interrogatoire. D'autres formes de contraintes inacceptables peuvent être plus subtiles, comme des menaces de livrer une personne à d'autres pour qu'elles abusent d'elle; faire subir à une personne des traitements humiliants et dégradants inacceptables; causer un préjudice à la personne ou à ses biens. D'autres actes interdits comportent le fait de laisser sous-entendre qu'il y aura privation des protections applicables garanties par la loi en raison d'une absence de coopération68.
En pratique, il peut être difficile de différencier les techniques coercitives des autres techniques. Les techniques d'interrogatoire comprenant des pressions psychologiques sont permises, mais celles qui sont intrinsèquement coercitives sont illégales. Pour bien faire la distinction dans un cas donné, il est utile d'examiner l'effet produit sur la personne interrogée. Les techniques d'interrogatoire coercitives entravent le libre arbitre du détenu. Certains disent que [TRADUCTION] « l'essence de la coercition consiste à ce qu'une personne soit forcée, par une puissance supérieure, à faire ou ne pas faire quelque chose contre sa volonté
»69. Dans cet ordre d'idées, une distinction peut être faite entre le fait pour une personne d'être privée de son libre arbitre, ou le fait de simplement l'amener à reconsidérer sa façon d'agir70. La dernière option n'est pas prohibée en autant qu'elle n'entre pas dans la définition de coercition71. En d'autres mots, [TRADUCTION] « la question pertinente consiste à déterminer si la personne traitée de façon à ce que sa conduite soit influencée peut exercer son libre choix et se conformer de plein gré, ou si elle n'a d'autre choix que de se conformer
»72. Dans cette perspective, la coercition s'entend non pas de ce qui influence le détenu dans sa décision de fournir ou non les renseignements, mais bien de ce qui le prive de son libre choix.
Voici une autre définition possible de la coercition : [TRADUCTION] « l'utilisation de douleurs physiques et mentales ou de l'intimidation pour forcer un détenu à fournir des renseignements contre son gré
»73. Lorsqu'une telle méthode est employée, il faut donc établir si le degré de « douleur » ou d'« intimidation » revêt une importance sur le plan du droit puisqu'il s'agit du facteur qui permet de distinguer les techniques légales de celles qui sont coercitives et, de ce fait, illégales74.
Les CG interdisent clairement la torture et d'autres formes de traitements inhumains ou dégradants, et elles précisent qu'il est interdit d'avoir recours à toute forme de coercition lors d'interrogatoires. Pour autant qu'il n'y ait pas contravention à ces dispositions des CG, les techniques d'interrogatoire utilisant la ruse ou la tromperie sont légales.
Ce qu'on entend par une activité de coercition n'est pas qu'une personne ait pu faire une déclaration alors qu'elle aurait préféré ne pas la faire, mais bien qu'une personne ait senti qu'elle n'avait d'autre choix que celui de la faire. Exprimée sous la forme négative, la coercition n'est pas [TRADUCTION] « inline un acte de ruse, de tromperie ou de manipulation
», ces actes étant de prime abord légaux puisqu'ils ne comportent aucune tactique inhumaine75. Les mesures dites coercitives sont donc des techniques consistant à exercer une pression sur le détenu « par une force extérieure » pour qu'il se voit obligé de coopérer. La coercition se distingue également des incitations. Dans la plupart des cas, influencer le choix d'un détenu en lui offrant des privilèges ou récompenses n'est pas considéré comme un acte illégal puisque le détenu demeure libre de coopérer ou non76. Il a été souligné que lorsqu'un détenu coopère afin de se libérer d'une situation particulière (par ex. : infliction de souffrances), cette coopération est le résultat de la coercition. Les incitations engendrent plutôt des situations où le détenu se voit retirer ou refuser un privilège qui n'est pas issu de la loi parce qu'il ne coopère pas; dans certaines de ces situations, le détenu peut obtenir des bénéfices, avantages ou privilèges s'il accepte de coopérer. Pour autant que le refus de coopérer n'ait pas pour conséquence d'imposer un traitement ne satisfaisant pas aux normes minimales prescrites par les dispositions des troisième et quatrième CG, l'utilisation d'incitations demeure légitime77.
E) La coercition dans le cadre d'interrogatoires policiers
Ainsi qu'il a été mentionné, le présent document traite d'interrogatoires dans le cadre d'opérations militaires, c'est-à-dire à des fins de cueillette de renseignements, et non à des fins d'enquêtes criminelles. Des règles différentes s'appliquent à chacun de ces contextes. Il existe toutefois des correspondances et des similitudes entre les deux types d'interrogatoire78. Pour cette raison, il est utile d'examiner les règles en matière criminelle au Canada qui s'appliquent aux interrogatoires policiers. Pour les besoins de l'analyse, les aspects du droit pénal canadien ainsi visés jouent un rôle important dans le contexte de la coercition parce que les tribunaux canadiens portent une grande attention aux conduites des policiers et aux conditions dans lesquelles se déroulent les interrogatoires, ayant un effet sur le libre arbitre d'un suspect79. Le droit pénal comporte évidemment davantage de règles et de facteurs qui ont une incidence sur l'admissibilité des déclarations, mais ces règles et facteurs n'ont aucune pertinence quant à la question examinée ici. Il faut s'attendre à ce que les cas d'inadmissibilité en contexte de droit pénal ne présenteront pas tous un intérêt dans le contexte de cueillette de renseignements à l'échelle internationale. Cependant, en matière pénale, la preuve est souvent jugée inadmissible parce qu'elle a été obtenue par suite d'actes ou de pratiques qui seraient également interdits dans le contexte des interrogatoires menés par les services de renseignements militaires sur le plan international. Il peut donc s'avérer utile de revoir les règles des confessions.
Lorsqu'elle a examiné les interrogatoires en contexte de droit pénal, la Cour suprême du Canada a défini le concept de « déclaration volontaire »80. Cet ensemble de droit explique les circonstances dans lesquelles un suspect détenu qui doit décider de faire ou non une déclaration, qu'elle soit inculpatoire ou disculpatoire, est privé de la possibilité de faire un choix utile81. Pour déterminer si le détenu a pu faire un véritable choix, la Cour doit s'en tenir à la question de savoir si la conduite des policiers était appropriée82. D'un côté du spectre se trouvent la pression et la persuasion policières, lesquelles sont abusives et font en sorte que l'interrogé s'effondre au terme de l'interrogatoire83, et de l'autre, des techniques policières qui incitent le suspect à changer d'idée pour qu'il accepte de faire une déclaration84. Comme cela est le cas en contexte d'interrogatoire visant à recueillir des renseignements, le droit pénal canadien permet clairement aux policiers de chercher à influencer le comportement d'un détenu. À cet égard, les méthodes utilisées pour persuader un accusé de faire un aveu ne sont donc pas toutes abusives. La jurisprudence de la Cour suprême du Canada reconnaît que les interrogatoires policiers sont un outil légitime d'enquête85.
La règle d'application générale, connue comme étant la règle du caractère volontaire (ou la règle des confessions), est la suivante : les déclarations seront exclues chaque fois qu'une conduite abusive sera constatée. L'origine de la règle des confessions est liée à la crainte très réelle qu'une confession parfois obtenue sous la torture ou la menace pourrait se révéler peu fiable. La règle des confessions est une règle de preuve dans la mesure où il s'agit d'une exception à la règle du ouï-dire. Au fil des ans, on a reconnu que des formes de contrainte autres que la torture pouvaient être tout aussi correctives, insidieuses et odieusement inéquitables. Les efforts déployés par les policiers pour convaincre les détenus de faire des aveux ne deviennent inacceptables que lorsque la pression « à [elle seule ou combinée] à d'autres facteurs – [est] important[e] au point de soulever un doute raisonnable quant à la question de savoir si on a subjugué la volonté du suspect
»86.
Dans l'arrêt R. c. Hodgson, le juge Cory, s'exprimant au nom des juges majoritaires de la Cour suprême du Canada, a examiné les raisons qui justifient la règle des confessions et a réaffirmé son importance. Une déclaration soutirée par des menaces ou des promesses met en doute sa fiabilité. Les aveux peuvent faire exception à la règle de ouï-dire en vertu de laquelle ils sont alors présumés irrecevables. La question de fiabilité concernant ce type de preuve est donc un facteur très important dont le tribunal doit tenir compte pour décider si une déclaration doit être admise en preuve à titre d'exception à la règle de ouï-dire. La deuxième raison justifiant la règle concerne l'équité du procès. Si les circonstances dans lesquelles la déclaration a été faite mettent en doute sa fiabilité, l'équité du procès est compromise en jeu. Là encore, ce facteur est lié à la question de fiabilité parce que l'admission d'une déclaration relatée non fiable peut avoir une incidence sur l'équité du procès87. Ces deux facteurs « se confondent pour assurer à l'accusé un traitement équitable dans le cadre des procédures pénales en dissuadant l'État de recourir à des tactiques coercitives
»88.
La Cour suprême du Canada a récemment examiné le droit canadien concernant le caractère volontaire de la déclaration d'un suspect dans le cadre de l'arrêt R. c. Oickle. Au nom des juges majoritaires, le juge lacobucci a dit que le juge du procès doit s'efforcer de bien comprendre les circonstances de la confession et se demander si elles soulèvent un doute raisonnable quant au caractère volontaire de la confession. Parmi les facteurs pertinents sont les menaces ou les promesses, l'oppression, l'état d'esprit conscient et les ruses policières. Si les policiers qui mènent l'interrogatoire soumettent le détenu à des conditions intolérables ou s'ils donnent des encouragements assez importants pour mettre en doute la fiabilité de la déclaration, cette dernière doit être exclue. Le juge du procès doit, lorsqu'il rend sa décision, tenir compte de toutes les circonstances dans lesquelles la confession a été faite89.
Dernièrement, dans R. c. Singh, la Cour suprême du Canada a reconfirmé sa position par rapport à la règle du caractère volontaire. Au cours de deux interrogatoires effectués par la police, l'accusé avait affirmé à plusieurs occasions qu'il ne voulait pas parler de l'épisode. L'officier qui interrogeait l'accusé a persisté à tenter de l'amener à faire une déclaration. Le juge du procès a examiné toutes les circonstances de l'interrogatoire et a admis la déclaration en tant que preuve. La juge Charron, écrivant au nom des juges majoritaires, a répété l'opinion de la Cour selon laquelle « l'accent [pour l'examen par le juge du procès] est mis sur le comportement de la police et sur l'incidence qu'il a eu sur la capacité de l'accusé d'user de son libre arbitre
»90. Même si les détenus ne peuvent être tenus de parler une fois qu'ils ont invoqué leur droit au silence, les policiers ne doivent pas s'abstenir de les questionner91. La juge Charron a affirmé que la police peut avoir recours à des moyens légitimes pour briser le silence d'un détenu.
i) Menaces et promesses :
La règle des confessions veut que la Couronne prouve que la déclaration n'a pas été obtenue par crainte de préjudice. La crainte de préjudice est reliée à des menaces explicites ou implicites qui sont faites lorsque le suspect refuse de coopérer et de parler. La Cour, dans Oickle, a dressé une liste non exhaustive d'incitations fondées sur la « crainte de préjudice ». Toute confession obtenue par la violence est inadmissible. Lorsque la preuve établit qu'un accusé a été battu par un policier lors de son interrogatoire, la conduite est jugée à ce point grave que l'on doit tenir pour acquis qu'un tel comportement agressif peut avoir des répercussions sur la volonté du suspect pendant un certain temps (voire même des heures) après l'agression92. Les menaces de violence ont un effet coercitif similaire93.
Les promesses d'indulgence (à l'égard du suspect ou d'un tiers) sont également de puissants motivateurs qui peuvent mener à une fausse confession. C'est ce genre de danger que la Cour cherche à éviter. Une déclaration peut donc être forcée si les policiers font des menaces ou des promesses au suspect en échange de sa confession. Lorsqu'il s'agit d'une contrepartie d'une telle nature, la Cour devra évaluer si la promesse du policier est telle que le suspect a dit « ce qu'il fa[ut], vérité ou mensonge
»94. Quant à la contrepartie même, il faut établir que l'incitation a amené le suspect à faire une déclaration. Toutefois, les encouragements faits par les policiers ne rendront pas toutes les déclarations irrecevables.
L'examen des conduites interdites par la règle des confessions porte sur la question de savoir si l'accusé a pu choisir de parler ou de garder le silence. La question n'est donc pas de savoir si l'accusé a fait un choix intelligent ou s'il a fait un choix avantageux pour lui. L'enquête doit s'en tenir aux effets de la conduite policière sur le choix de l'accusé; c'est-à-dire déterminer si les actes des policiers, par la coercition, la supercherie ou les renseignements inexacts, ont empêché l'accusé de faire un choix. La conduite ne sera prohibée que si elle a pour effet d'empêcher l'accusé de faire un véritable choix. De même, l'offre d'assistance peut compromettre le caractère volontaire d'une déclaration si elle fait en sorte que l'accusé perd toute possibilité significative de choisir lui-même de parler ou de se taire.
L'analyse générale porte donc sur l'aspect volontaire de la déclaration et vise à déterminer si, en bout de ligne, sa fiabilité est mise en péril lorsque l'incitatif offert en contrepartie est suffisamment important pour entraîner le risque que la déclaration soit fausse. Évidemment, la Cour doit, au bout du compte, se soucier de la fiabilité de l'aveu. Dans un tel contexte, lorsque la volonté du suspect est ébranlée, il est prêt à dire ce qu'il faut pour bien s'en tirer. Les actes de la personne en autorité sont donc réputés avoir un effet coercitif. Lorsqu'il existe un lien entre la déclaration et une promesse d'aide, l'encouragement peut vraisemblablement faire écarter la déclaration95. Dans les cas où la police donne l'espoir d'un avantage, en promettant par exemple la remise en liberté de l'accusé ou en lui promettant une réduction des accusations, en échange d'un aveu. En revanche, lorsque l'accusé fait une déclaration dans l'espoir d'être remis en liberté, il n'y a pas matière à incitation et la déclaration sera jugée volontaire. L'élément clé est la contrepartie. La causalité est donc au centre de la question. Les actes des policiers doivent amener l'accusé à faire la déclaration de l'accusé, et non simplement faire en sorte qu'il choisisse de parler. La nature et l'intensité de la pression exercée deviennent donc des éléments pertinents. L'utilisation de la crainte pour inciter un accusé à parler est définitivement un moyen illégitime d'obtenir une déclaration.
Toute forme de coercition est contraire au DIH et, de ce fait, prohibée. On ne sait pas exactement si les renseignements obtenus par suite de promesses ou d'espoirs d'obtenir un avantage (vraisemblablement inadmissibles dans le contexte d'instances pénales) sont également interdits lorsqu'il s'agit du contexte en matière de cueillette de renseignements. Dans les situations d'interrogatoires visant à recueillir des renseignements, la question ne porte pas nécessairement sur le caractère volontaire dans son sens large comme cela est le cas en droit pénal. L'interdiction est reliée à la coercition. En effet, il est possible de faire valoir que la notion de déclaration volontaire est plus large que la notion de déclaration sans coercition. Cela dit, même si les opérations de renseignement ne visent pas l'obtention de « fausses » confessions, la fiabilité des renseignements pourrait tendre vers l'adoption d'une norme exigeant le caractère volontaire.
ii) Oppression :
En plus des encouragements, des menaces de violence ou de la violence même, une confession peut être « viciée » si l'atmosphère est jugée oppressive. L'effet coercitif d'une « atmosphère d'oppression » peut être assez fort pour restreindre la volonté du sujet96. L'oppression peut manifestement inciter un suspect à divulguer des renseignements. Il s'agit donc d'un moyen psychologique, et non physique, de soutirer une confession.
Les conditions et circonstances oppressives peuvent pousser un détenu à parler dans le but de fuir ces conditions inhumaines. Dans Oickle, la Cour qualifie ce genre de déclaration de « fausse confession induite par stress
»97. Les facteurs dont la Cour tient compte pour évaluer l'oppression sont : le fait de priver le suspect de nourriture, de vêtement, d'eau, de sommeil ou de soins médicaux; de lui refuser l'accès à un avocat; et de l'interroger de façon excessivement agressive pendant une période prolongée.
L'arrêt R. c. Hoilett donne un exemple convaincant d'oppression98. M. Hoilett, un détenu qui était sous l'effet du crack et de l'alcool, a été laissé nu dans une cellule froide pendant deux heures avant de recevoir de vêtements légers. Il n'y avait dans sa cellule qu'un lit superposé métallique pour s'asseoir. Le lit était si froid qu'il devait rester debout. On l'a réveillé au milieu de la nuit pour lui faire subir un interrogatoire, au cours duquel il somnolait. Ses demandes pour obtenir des vêtements plus chauds et des mouchoirs ont été refusées. Même s'il a admis savoir qu'il n'était pas obligé de parler, et que les officiers n'ont fait aucune menace ou promesse explicite, il espérait qu'en parlant aux policiers, il aurait droit à des vêtements chauds et que les policiers mettraient fin à l'interrogatoire99. En contexte d'interrogatoire, il est possible d'adopter un raisonnement similaire en considérant qu'une atmosphère d'oppression, créée par les facteurs mentionnés précédemment, serait assimilée à la coercition et ainsi prohibée par le DIH.
iii) Ruses policières :
Lors d'interrogatoires, la police peut avoir recours à des artifices ou à d'autres formes de supercherie. Le fait, pour les policiers, de mentir n'est pas en soi irrégulier100. Les tribunaux ont fait attention de ne pas restreindre indûment les techniques policières. Dans certaines circonstances, toutefois, les ruses policières peuvent rendre irrecevable une déclaration qui aurait par ailleurs pu être jugée recevable. Cette théorie est liée au caractère volontaire, mais l'analyse ne consiste pas à déterminer si on a subjugué la volonté du détenu. L'objectif est plutôt de préserver l'intégrité du système de justice pénale101. Le critère applicable est de savoir si la conduite de la police est si odieuse qu'elle choque la conscience de la communauté102.
L'utilisation de preuves inexistantes ou fabriquées, lorsqu'elles s'ajoutent à d'autres facteurs, peut avoir une incidence sur le caractère volontaire ou involontaire de la confession. Cependant, le seul fait de mettre le suspect en présence d'éléments de preuve fabriqués ne sera probablement pas jugé comme constituant une conduite inacceptable103. Lorsque le suspect est mis en présence de fausses preuves qui suffisent à lui procurer un sentiment de désespoir, cela peut suffire à être suffisant pour faire fléchir sa volonté et l'inciter à faire une déclaration.
F) Pratique coercitive
La notion de coercition a un sens absolu : ce n'est pas dans une déclaration faite par une personne qui aurait préféré ne pas avoir à la faire qu'elle trouve son expression, mais plutôt dans celle que fait la personne qui croit, à cause du comportement des interrogateurs, qu'elle n'avait d'autre choix que de la faire. Tel que vu précédemment, notre droit interne qui détermine les conduites permises dans l'exercice de pratiques coercitives lors d'interrogatoires s'attache principalement à la fiabilité des confessions. Puisque le présent document vise à explorer les cadres juridiques définissant les limites des techniques et pratiques légales employées dans le cadre d'interrogatoires, il est important d'examiner les situations factuelles sur lesquelles les tribunaux canadiens ont eu à se prononcer, même si l'objet de l'analyse de nos tribunaux nationaux et la nature des réparations sollicitées étaient différents. Il ressort de la jurisprudence que des fausses déclarations peuvent être faites quand l'interrogateur parvient à convaincre l'accusé que l'aveu de culpabilité constitue la seule alternative, quelles que soient les circonstances. Les techniques d'interrogatoire ayant recours à la déception et la pression psychologique pour convaincre le suspect d'avouer sa culpabilité sont examinées attentivement afin de déterminer leurs effets sur l'accusé104.
En contexte de cueillette de renseignements, la question de fausses confessions n'est pas prioritaire, alors que la fiabilité des renseignements recueillis est d'une grande importance. À ce propos, les experts affirment qu'il est impératif d'analyser les renseignements obtenus auprès du détenu pour déterminer s'ils ont été altérés par des sources extérieures, y compris les policiers qui interrogent105. Les CG n'imposent pas de limites quant aux sujets des questions adressées aux PG, ou à toute autre personne; l'important est que ces personnes puissent répondre sans y être obligées par des moyens illégaux. Les CG interdisent clairement de nombreuses formes de traitements inhumains, et l'utilisation de la coercition sous toutes ses formes est expressément interdite. Dans la mesure où ces dispositions des CG sont respectées, les techniques d'interrogatoire qui influencent le choix du détenu sont légales. Toutefois, il est difficile de tracer la ligne entre une conduite persuasive et une autre coercitive. Selon le principe directeur, la conduite coercitive est celle qui subjugue la volonté du détenu de sorte qu'il ne peut choisir de son plein gré de parler ou de garder le silence. Il est tout à fait légal d'influencer le choix d'un détenu par la logique ou un autre type de manipulation.
L'utilisation de la force physique et tout acte de violence posé en vue de forcer un détenu à coopérer et à divulguer des renseignements sont clairement prohibés par la loi. Certaines méthodes relèvent sans aucun doute de cette catégorie et sont facilement considérées interdites (les voies de fait et les menaces, explicites ou implicites). Les tactiques d'interrogatoire servant à persuader ou à manipuler un détenu doivent être examinées de près. La question de savoir si les techniques fondées sur le stress, la désorientation et la contrainte (privation de sommeil, maintien de la tête dans un sac pendant une période prolongée (hooding) postures stressantes) constituent une forme de coercition physique ou morale sera examinée un peu plus loin.
II. Droit international en matière des droits de la personne
Il est vrai que l'étendue des obligations et droits du DIDP est définie en conformité avec les normes du DIH, mais ces droits et obligations s'appliquent même en temps de conflit. En fait, les normes et principes qui s'y rattachent sont interprétés à la lumière du droit applicable lors de conflits armés, la lex specialis que constitue le DIH106. La continuité de l'applicabilité du DIDP en situation de conflits porte à croire que les normes de traitements humains, applicables en contexte d'interrogatoires par les FC en vertu des traités et du droit coutumier relevant du DIH, peuvent être inspirées par les interdictions de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants tels que définis dans le DIDP.
L'interdiction de l'utilisation de la torture et d'autres formes de mauvais traitements est reconnue universellement et est appuyée par tous les importants documents de droits de la personne régionaux ou internationaux. Le document fondamental en cette matière est la Déclaration universelle des droits de l'homme107. L'article 5 de la Déclaration dispose : « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
». Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIRDCP) comprend la même interdiction, rédigée avec les mêmes termes, dans son article 7108. La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants interdit aussi la torture et autres formes de mauvais traitements109.
Même si les tribunaux internationaux, les organismes chargés de la mise en oeuvre des traités et les auteurs en général reconnaissent qu'il existe en théorie une différence entre la torture et d'autres formes de mauvais traitements, il a été difficile d'établir une méthode doctrinale permettant de préciser en quoi consiste cette distinction110. La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, par exemple, ne donne aucune définition des mauvais traitements, ni caractéristique pour établir une différence avec la torture. Quoi qu'il en soit, une telle distinction n'est pas d'un grand intérêt pratique, la torture et les mauvais traitements étant tous deux interdits en vertu du DIH et du DIDP111.
A) Torture
i) La torture en vertu du droit international :
Le droit en matière des droits de la personne interdit expressément le recours à la torture. En vertu du PIRDCP et de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, il est impossible de déroger à l'interdiction de torture, sous toutes ses formes, peu importe les circonstances112. Toutes les formes de torture sont inclues par cette prohibition. Plus précisément, il n'est pas nécessaire que la mesure reprochée constitue une attaque directe à l'intégrité physique pour être considérée comme de la torture; les méthodes d'interrogatoire prohibées comprennent celles qui causent des douleurs et souffrances intenses sans nécessairement causer de préjudices corporels.
Tel qu'il a été mentionné plus haut, en vertu du DIH, la torture est une forme de traitement coercitif. En matière de DIDP, la torture est considérée comme une peine ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant.
Dans sa Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre la torture ou autres peines et traitements cruel, inhumains ou dégradants113 de 1975, l'Assemblée générale des Nations Unies définit la torture ainsi :
[L]e terme « torture » désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont délibérément infligées à une personne par des agents de la fonction publique ou à leur instigation, aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'un tiers des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle a commis ou qu'elle est soupçonnée d'avoir commis, ou de l'intimider ou d'intimider d'autres personnes. Ce terme ne s'étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légitimes, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles, dans une mesure compatible avec l'Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus114.
La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants reprend essentiellement la même définition :
[L]e terme « torture » désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir commis, de l'intimider ou de faire pression sur elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit, lorsqu'une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. Ce terme ne s'étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légitimes, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles115.
Aucune circonstance ne peut être invoquée pour justifier le recours à la torture116. La nature absolue de l'interdiction de la torture en vertu du droit conventionnel est renforcée par son statut de jus cogens en droit international coutumier117. Ce statut souligne le caractère fondamental et impératif de la norme qui est, selon la Cour internationale de Justice, « intransgressible »118.
Le Statut de Rome comprend la définition suivante de la torture, laquelle est sur tous les points importants identique à la précédente :
Par « torture », on entend le fait d'infliger intentionnellement une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, à une personne se trouvant sous sa garde ou sous son contrôle ; l'acception de ce terme ne s'étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légales, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles119.
Dans sa jurisprudence, le TPIY a incorporé les éléments suivants dans la définition de la torture : (i) le fait d'infliger, par des actions ou par omission, une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales; (ii) cette action ou omission doit être intentionnelle et; (iii) doit servir à obtenir des renseignements ou des aveux, ou à punir, intimider, humilier ou opprimer la victime ou une tierce personne, ou à discriminer, pour quelque raison que ce soit, une victime ou une tierce personne120.
La torture englobe donc la douleur ou les souffrances aiguës, physiques ou mentales121. Pour qu'il y ait torture, la douleur ou les souffrances aiguës peuvent être de nature soit physique, soit mentale. Or, pour savoir si une mesure est considérée comme de la torture, il faut étudier son effet sur la personne interrogée. Comme l'indique la définition, il faut déterminer l'intensité de la douleur ou de la souffrance pour considérer qu'il y a torture. Il est extrêmement difficile de déterminer un tel critère122, mais il existe des directives générales pour ce faire. Le caractère permanent du préjudice n'est pas obligatoire123. La gravité du préjudice sera examinée de façon objective et subjective124. Ce dernier point emporte comme corollaire, vu que l'analyse doit tenir compte de la douleur et de la souffrance ressenties par la personne qui la subit, [TRADUCTION] « que la réponse à la question de savoir si une pratique donnée peut être considérée comme de la torture variera considérablement d'une affaire à l'autre
»125. C'est le traitement en entier qui est examiné, et non une mesure isolée. Par conséquent, pourrait être considérée comme de la torture la combinaison de mesures isolées qui, prises individuellement, ne sauraient constituer de la torture. De même, l'emploi pendant un certain temps d'une technique ne constituant pas à prime abord de la torture, pourrait constituer de la torture si la douleur ou la souffrance qui en résulte répond à un tel « critère »126.
La torture « ne s'étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légitimes, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles
»127. Il est toutefois évident qu'en aucun cas, les mesures qui causeront de la douleur et des souffrances aiguës ne seront légitimes, puisqu'elles deviennent alors de la torture.
Les techniques d'interrogatoire coercitives couramment utilisées pour soutirer des aveux ont été examinées dans le rapport de 2004 du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture128. Il a conclu que les menaces et l'intimidation pouvaient devenir de la torture : « Je pense que les menaces graves et crédibles, y compris les menaces de mort, portant atteinte à l'intégrité physique de la victime ou d'un tiers peuvent être assimilées à des traitements cruels, inhumains ou dégradants, voire à des actes de torture, notamment lorsque la victime reste entre les mains des représentants de la force publique
»129.
De plus, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants impose des obligations spécifiques aux États parties. Parmi elles se trouve l'obligation de prendre des mesures législatives, administratives, judiciaires ou autres, nécessaires à la prévention de la torture. Aucune exception, pas même un état d'urgence ou la guerre, ne peut justifier la torture130. L'article 3(1) de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dispose : « Aucun État partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture
»131. L'article 4 requiert que tout État partie prévoit que les actes de torture, y compris les tentatives de pratiquer la torture et la complicité à l'acte de torture, constituent des infractions criminelles. Les États parties doivent également établir leur compétence aux fins de connaître des infractions de torture commises sur leur territoire, lorsque l'auteur présumé de l'infraction est l'un de leur ressortissant, et lorsque l'auteur présumé de l'infraction se trouve sur leur territoire et n'a pas été extradé132.
Figurent notamment parmi les obligations imposées aux États parties : l'utilisation restreinte de la détention sans contact avec l'extérieur, le devoir de s'assurer que les détenus sont gardés dans des endroits officiellement reconnus comme des lieux de détention; que les noms des responsables de leur détention sont gardés dans des registres, prêts à être consultés par les personnes concernées, incluant la famille et les amis; le devoir de noter l'heure et le lieu de tout interrogatoire, ainsi que le nom de chaque personne y étant présente; et le devoir de garantir aux détenus le droit de visite de la part de médecins, d'avocats et des membres de la famille133.
L'article 12 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants oblige les États à s'assurer que des enquêtes impartiales sont immédiatement menées chaque fois qu'il y a un motif raisonnable de croire qu'un acte de torture a été commis « inline sur tout territoire sous sa juridiction
». En outre, l'article 13 contraint les États à mener immédiatement et impartialement une enquête lorsqu'une personne qui prétend avoir été victime de torture porte plainte. Dans Aksoy c. Turquie, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a examiné l'étendue de cette obligation et conclu que « lorsqu'un individu est placé en garde à vue alors qu'il se trouve en bonne santé et que l'on constate qu'il est blessé au moment de sa libération, il incombe à l'État de fournir une explication plausible pour l'origine des blessures, à défaut de quoi l'article 3 de la Convention trouve manifestement à s'appliquer
»134.
La CEDH est allée plus loin dans Assenov et autres c. Bulgarie, en concluant, qu'il y a eu violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme parce que l'obligation de mener efficacement une enquête officielle à la suite d'allégations de mauvais traitements n'a pas été respectée, et non parce qu'il y avait eu des mauvais traitements en soi : « Lorsqu'un individu formule une allégation défendable de sévices contraires à l'article 3, la notion de recours effectif implique, outre une enquête approfondie et effective du type de celle qu'exige l'article 3, un accès effectif du plaignant à la procédure d'enquête et le versement d'une indemnité là où il échet
»135.
Les dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants traitent également de l'irrecevabilité en cour des déclarations obtenues par la torture136. Les États parties doivent aussi s'assurer que l'enseignement et l'information concernant l'interdiction de la torture font partie intégrante de la formation du personnel chargé de l'application de la loi (civil ou militaire), du personnel médical, des agents de la fonction publique et d'autres personnes compétentes137.
ii) La torture dans le cadre du droit canadien :
Le terme torture figure dans quatre lois fédérales canadiennes : le Code criminel; la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre (2001); la Loi sur les Conventions de Genève (1985); et la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (2001)138. Les paragraphes suivants traitent des aspects juridiques de l'infraction relative à la torture tels qu'ils sont définis dans le Code criminel canadien.
Afin de se conformer aux obligations imposées par le DIDP en général, et en particulier par la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, l'article 269.1 du Code criminel incorpore dans le droit pénal canadien l'infraction relative à la torture139. La disposition crée et définit ladite infraction140 et élimine tout moyen de défense faisant allusion aux ordres reçus d'un supérieur et à des circonstances exceptionnelles (par ex., une situation d'urgence)141. De plus, il crée une règle de preuve causant l'inadmissibilité en cour d'une déclaration obtenue par la perpétration d'une infraction à l'article en question142.
La définition de la torture prévue dans la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants est presque textuellement reprise au paragraphe 269.1(2) du Code criminel du Canada : « Acte, commis par action ou omission, par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne.
» Cette définition précise que la conduite reprochée est faite dans un but ultime proscrit ou « pour tout autre motif fondé sur quelque forme de discrimination que ce soit
», notamment afin « inline (i) d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou une déclaration, (ii) de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir commis, et (iii) de l'intimider ou de faire pression sur elle ou d'intimider une tierce personne ou de faire pression sur celle-ci
»143. En outre, le paragraphe 269.1(1) précise que l'infraction relative à la torture ne peut être perpétrée que par une catégorie précise de personnes, c'est-à-dire un fonctionnaire ou une personne qui agit, avec le consentement exprès ou tacite d'un fonctionnaire ou à sa demande. Les actes qui résultent de sanctions légitimes, qui sont inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles sont expressément exclus.
L'élément mental que requiert l'article 269.1 a été examiné dans R. c. Rainville : « [L]e crime de torture implique non seulement une mens rea subjective mais une intention spécifique, c'est-à-dire la recherche d'un but ou d'une conséquence précise, en l'occurrence l'intention d'infliger "une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales"
»144. Déclarant M. Rainville coupable de torture, entre autres infractions, la Cour a statué :
[La victime] a subi tout ce scénario de menaces et d'intimidation pendant une bonne heure. Un scénario conçu par Michel Rainville et réalisé par lui ou sous sa direction. Ce dernier avait-il l'intention d'infliger à [la victime] "une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales"? Physiques, vraisemblablement pas mais mentales, sans aucun doute. Son but était de provoquer chez [la victime] une frayeur insoutenable, au point de l'amener à céder et à dire où se trouvait la clef.145
Dans l'arrêt Suresh, la Cour suprême du Canada a souligné que le but ultime de la torture est de priver une personne de son humanité. Elle est fondamentalement injuste car elle provoque la crainte, et ses conséquences sont dévastatrices146.
D'autres dispositions du Code criminel relatives à des infractions contre la personne peuvent être invoquées à l'égard de certaines formes de peines ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants qui n'entrent pas dans la catégorie de la torture147.
B) Peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant
L'expression « peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant
» est un terme technique tiré du droit en matière des droits de la personne. Cette expression évoque toute une gamme de mauvais traitements proscrits par les traités régionaux et internationaux. Tel qu'il a été mentionné, le PIRDCP prévoit que « nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
»148. La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants impose également des règles aux États pour réprimer ce genre de traitement149. En vertu du PIRDCP, il est interdit de déroger à la règle contre les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants150, mais la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ne prévoit aucune disposition comparable à cette interdiction de déroger à cette règle151.
Tout comme lorsqu'il s'agit de la torture, les mauvais traitements de nature mentale ou psychologique ainsi que la violence physique sont compris dans les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ceux-ci visent les conditions de détention, de même que les incidents isolés et l'ensemble des circonstances.
Les organismes juridictionnels ont défini le traitement inhumain en des termes relatifs à la torture. Le TPIY, par exemple, a souligné que « le traitement inhumain est un traitement qui provoque délibérément des souffrances mentales et physiques, graves, mais néanmoins insuffisantes pour justifier la qualification de torture. De surcroît, l'infraction de traitement inhumain peut être constituée en l'absence du but défendu et de l'aval étatique caractéristiques de la torture
».
Le droit en matière des droits de la personne ne prévoit aucune définition de l'expression « peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant
». Le Comité des droits de l'homme a déclaré ce qui suit à l'égard de l'interdiction du PIRDCP :
Le Pacte ne donne pas de définition des termes employés à l'article 7, et le Comité n'estime pas non plus nécessaire d'établir une liste des actes interdits ni de fixer des distinctions très nettes entre les différentes formes de peines ou traitements interdits; ces distinctions dépendent de la nature, du but et de la gravité du traitement infligé.152
Néanmoins, le Comité a fait d'importantes déclarations qui expliquent l'étendue des protections visées par l'article 7 du PIRDCP. À cet égard, il affirme que « [l]'article 7 […] a pour but de protéger la dignité et l'intégrité physique et mentale de l'individu153. Pour ce faire, l'article 7 interdit les conduites qui causent de la douleur ou de la souffrance physique ou mentale. Il n'est pas permis de déroger à ces obligations et le Comité a déclaré que même une situation d'urgence ne peut constituer une exception aux interdictions prévues à cette disposition, et qu'aucune exception ou justification ne peut excuser leur violation
»154.
La conduite proscrite à l'article 7 du PIRDCP doit être interprétée conjointement avec l'article 10 qui consacre l'obligation positive suivante : « inline Toute personne privée de sa liberté est traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine
»155. À ce propos, le Comité des droits de l'homme explique que l'article 10 impose une obligation positive aux États parties à l'égard des personnes qui sont particulièrement vulnérables parce qu'elles sont privées de leur liberté. Les techniques d'interrogatoire coercitives, incluant les menaces de mort156, l'isolation cellulaire157, la privation de sommeil, le maintien de la tête dans un sac pendant une période prolongée (hooding), et le secouage, utilisées seules ou non, constituent une violation de l'article 7158.
Le TPIY donne la définition suivante : « [L]e traitement inhumain est un traitement qui provoque délibérément des souffrances mentales et physiques, graves, mais néanmoins insuffisantes pour justifier la qualification de torture.
»159
C) Documents juridiques régionaux
i) Convention américaine relative aux droits de l'homme :
La Convention américaine relative aux droits de l'homme contient aussi une interdiction expresse de soumettre quiconque à la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants160. De plus, la Convention précise que les détenus doivent être traités « avec le respect dû à la dignité inhérente à la personne humaine
». L'étendue des protections garanties par ces dispositions a été examinée par la Cour interaméricaine des droits de l'homme dans l'arrêt Loayza Tamayo. La Cour a écrit : [TRADUCTION] « La violation du droit à l'intégrité physique et psychologique de la personne est un type de violation s'échelonnant sur différents niveaux qui englobent les traitements allant de la torture aux autres formes d'humiliation ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants comportant différents degrés d'effets physiques et psychologiques
»161. La Cour a poursuivi en appliquant expressément ce principe aux interrogatoires effectués en contexte de guerre contre le terrorisme :
[TRADUCTION] Les traitements dégradants sont de nature à créer un sentiment de crainte, d'anxiété et d'infériorité dans le but d'humilier et d'avilir la victime ainsi que de briser sa résistance physique et morale […] Cette situation est aggravée par la vulnérabilité de la personne détenue illégalement […]. Le recours à la force, qui n'est pas rendu strictement nécessaire par le comportement du détenu, constitue une atteinte à la dignité de la personne […] qui contrevient à l'article 5 de la Convention américaine. La teneur de l'enquête et les difficultés indéniables relatives à la lutte anti-terroriste ne devraient pas permettre la restriction de la protection du droit à l'intégrité physique d'une personne162.
Concernant les faits de l'espèce, la Cour a statué que [TRADUCTION] « l'isolement dans une petite cellule sans lumière naturelle; les coups; et les mauvais traitements, notamment l'immersion totale sous l'eau, l'intimidation par des menaces de violence et un horaire de visite restreint
», constituaient tous des formes de traitements cruels, inhumains et dégradants163.
Les traitements qui portent atteinte à l'intégrité morale et psychologique du détenu (l'isolement prolongé ou la privation de communication) s'élèvent au niveau des traitements cruels et inhumains164.
ii) Convention européenne des droits de l'homme :
La Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales porte que « [n]ul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants
»165. Même si les décisions qui en découlent n'ont pas force obligatoire, elles constituent une norme utile pour définir les pratiques d'interrogatoire des FC166. La CEDH a déclaré que « [l]'article 3 […] consacre l'une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques167. Même dans les circonstances les plus difficiles, telle la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, la Convention prohibe en termes absolus la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants. L'article 3 ne prévoit pas de restrictions […] et […] il ne souffre nulle dérogation, même en cas de danger public menaçant la vie de la nation
»168.
Pour être visé par l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, les mauvais traitements reprochés doivent atteindre [TRADUCTION] « un seuil minimal de gravité
». La CEDH a formulé une analyse contextuelle pour mesurer ce seuil plutôt que d'établir un critère précis. Le seuil minimal est relatif : il dépend des circonstances de chaque espèce, comme la nature et le contexte des traitements infligés, leur durée, leurs effets psychologiques et physiques, et, dans certains cas, le sexe, l'âge et l'état de santé de la victime169.
La décision de la CEDH dans l'affaire Northern Ireland170 fournit une brève analyse du sens que doit recevoir l'expression « peine ou traitements inhumains ou dégradants
» dans le contexte de la Convention européenne des droits de l'homme171 et, plus particulièrement, la manière dont cette expression est liée au concept de « torture ». Même si le libellé du droit garanti par le PIRDCP et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, tous deux exécutoires au Canada, diffèrent de celui de la Convention européenne des droits de l'homme, l'analyse donne un aperçu de l'interprétation que pourrait recevoir l'expression visée par ces deux conventions172.
Dans cette affaire étaient examinées ce qu'on appelle les « cinq techniques » utilisées par les membres de la Royal Ulster Constabulary contre des personnes encerclées lors d'une opération en Irlande du Nord. Ces techniques maintenant tristement célèbres étaient les suivantes : la station debout contre un mur (wall standing), le maintien de la tête dans un sac pendant une période prolongée (hooding), le bruit, la privation de sommeil et la privation de nourriture solide et liquide. La Cour a jugé que l'utilisation de ces techniques équivalait à un traitement à la fois inhumain et dégradant, mais qu'il ne s'agissait pas de torture. La distinction entre la torture et un traitement inhumain ou dégradant, selon la Cour, [TRADUCTION] « inline procède principalement d'une différence dans l'intensité des souffrances infligées
»173. La Cour a indiqué que ces cinq techniques, utilisées conjointement pendant une longue période, [TRADUCTION] « consistaient sans aucun doute en un traitement inhumain et dégradant
» , mais qu'elles « inline n'occasionnaient pas de souffrances dont l'intensité et la cruauté permettaient d'évoquer la torture
».
La CEDH a continué d'examiner la gravité des peines et souffrances pour déterminer si le traitement infligé constituait de la torture. Dans Aksoy c. Turquie, la Cour a reconnu que le traitement infligé à M. Aksoy était de la torture. Lors de son interrogatoire par la police turque, M. Aksoy était suspendu par les bras complètement nu, les mains liées derrière le dos. Cette technique est connue sous le nom de « pendaison palestinienne ». M. Aksoy a aussi subi des chocs électriques sur les parties génitales et a été frappé à plusieurs reprises. La Cour a jugé que la « pendaison palestinienne » causait d'intenses douleurs et que M. Aksoy souffrait de paralysie dans les deux bras. Ces constatations ont suffi pour que la Cour reconnaisse qu'il avait été victime de torture. La Cour ne s'est pas prononcée sur la question de savoir si les coups et les chocs dont a été victime le détenu consistaient en une forme de torture dans les circonstances.
Dans sa plus récente jurisprudence, la CEDH a modifié son interprétation. La Cour maintient toujours la distinction entre la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants, mais le principal facteur à examiner pour faire cette distinction n'est plus l'intensité de la douleur ressentie. L'arrêt faisant l'autorité en cette matière est Selmouni c. France. M. Selmouni a été battu et sodomisé alors qu'il était sous la garde de la police. La Cour a reconnu que la gravité de la violence physique et mentale infligée à M. Selmouni était suffisante pour qu'il s'agisse de torture. La Cour a fait un nouvel examen du critère établi à l'égard de la torture dans l'affaire Northern Ireland :
[L]a Cour estime que certains actes autrefois qualifiés de « traitements inhumains et dégradants », et non de « torture », pourraient recevoir une qualification différente à l'avenir. La Cour estime en effet que le niveau d'exigence croissant en matière de protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales implique, parallèlement et inéluctablement, une plus grande fermeté dans l'appréciation des atteintes aux valeurs fondamentales des sociétés démocratiques.
L'interdiction de la torture est généralement reconnue en droit international, mais la définition des types de conduites pouvant constituer dans une certaine mesure de la torture peut être modifiée au fil du temps. Les questions examinées dans le présent document qui concernent la distinction entre la torture et les autres formes de mauvais traitements ne sont qu'accessoires. Même si la norme utilisée pour distinguer la torture et les mauvais traitements peut changer au fil du temps, il est certain que les règles régissant les droits de la personne prohibent toutes les formes de mauvais traitements. Cette distinction a donc peu d'importance sur le plan juridique pour les besoins du présent document.
Dans Aydin c. Turquie, la requérante a eu les yeux bandés, a été montrée nue et a été victime de viol. La CEDH a conclu que « inline l'ensemble des actes de violence physique et mentale commis sur la personne de la requérante et celui de viol, qui revêt un caractère particulièrement cruel, sont constitutifs de tortures interdites par l'article 3 de la Convention
»174. La Cour en serait arrivée à la même conclusion même si les actes avaient été examinés séparément.
La jurisprudence de la CEDH qualifie toute conduite préméditée, prolongée et causant soit des lésions corporelles ou des souffrances physiques ou mentales intenses, de traitement inhumain. Un traitement est réputé « dégradant » lorsqu'il provoque, chez la victime, un sentiment de crainte, d'angoisse ou d'infériorité capable de l'humilier ou de la dévaloriser.
(a) Traitement inhumain
Le traitement a été reconnu inhumain par la Cour, notamment parce qu'il était prémédité, employé pendant des heures sans interruption et parce qu'il a causé soit des blessures corporelles soit des souffrances physiques ou mentales intenses. Il peut aussi être « dégradant », lorsqu'il provoque, chez la victime, un sentiment de crainte, d'angoisse ou d'infériorité capable de l'humilier ou de la dévaloriser. Pour être qualifiée de peine ou de traitement « inhumain » ou « dégradant », la souffrance ou l'humiliation engendrée doit, dans chaque cas, être supérieure à la souffrance ou à l'humiliation inévitablement causée par une peine ou un traitement légitime. La question de savoir si le but du traitement était d'humilier ou de dévaloriser la victime est un autre facteur qui doit être pris en compte. Cependant, l'absence d'un tel but ne peut définitivement exclure une conclusion portant qu'il y a eu violation de l'article 3175.
Dans l'affaire Northern Ireland, la Cour a reconnu que les cinq techniques employées ensemble ne causaient « sinon de véritables lésions, du moins de vives souffrances physiques et morales
»176. Cela a amené la Cour à conclure que les cinq techniques constituaient un traitement inhumain. La Cour n'a pas motivé sa conclusion. Il importe de souligner que la Cour a examiné dans cette affaire l'effet conjugué des cinq techniques, laissant ainsi en suspens la question de savoir si chaque technique prise isolément pouvait constituer un « traitement inhumain ou dégradant »177.
La CEDH n'explique pas toujours quels aspects de la conduite reprochée sont inhumains et quels sont dégradants, comme le montre les arrêts Tomasi, Ribitsch, et Tekin suivants.
Lors de sa détention, M. Tomasi a été frappé par des inspecteurs, privé de sommeil et de nourriture, laissé nu devant une fenêtre ouverte et tabassé à plusieurs reprises178. Il portait des marques physiques, des contusions et des égratignures qui témoignaient de son traitement. La Cour a jugé ces traitements inhumains et dégradants179. Selon la Commission, les blessures n'étaient pas graves, mais elles indiquaient l'usage de la force physique sur une personne privée de liberté; c'est pourquoi elle a conclu que le traitement en question violait l'article 3 de la Convention180 .
M. Ribitsch était détenu par la police et a été interrogé par des policiers. Il a été grossièrement insulté et victime de comportements violents, incluant des coups de poing et des coups de pied, à plusieurs reprises. On l'a traîné à terre par les cheveux et on a cogné sa tête sur le sol. Ce traitement lui a causé des contusions, des vomissements et de la diarrhée181. La Cour a reconnu que M. Ribitsch avait souffert d'un traitement inhumain et dégradant en appliquant la norme suivante : « [À] l'égard d'une personne privée de sa liberté, tout usage de la force physique qui n'est pas rendu strictement nécessaire par le propre comportement de ladite personne porte atteinte à la dignité humaine et constitue, en principe, une violation du droit garanti par l'article 3 [de la Convention]
»182.
Lors son interrogatoire, M. Tekin était détenu dans une cellule froide et sombre. Il a passé quatre jours dans l'obscurité totale, à des températures inférieures à zéro, sans lit ni couvertures et les yeux bandés. Ce traitement lui a occasionné des contusions et d'autres blessures. Il a été interrogé de façon agressive, menacé de mort, et privé de nourriture solide et liquide. Il a aussi été complètement déshabillé, arrosé à l'eau froide, frappé au corps et sur la plante des pieds avec une matraque, et a reçu des chocs électriques sur les doigts et les orteils. Après avoir examiné la plainte, la Cour a reconnu qu'il y avait eu violation de l'article 3, puis a conclu que le traitement devait être considéré comme un ensemble, sans faire de distinction entre les éléments inhumains et dégradants du traitement183.
(b) Traitement dégradant
Dans l'affaire Grecque, la Commission a écrit qu'un traitement dégradant humilie le détenu de façon outrageuse et le porte à agir contre son gré ou sa conscience184. La CEDH a appliqué ce principe général et l'a ensuite précisé davantage au fil de sa jurisprudence.
Dans l'affaire Northern Ireland, la Cour a examiné les cinq techniques et conclu qu'elles étaient dégradantes car « elles étaient de nature à créer en eux des sentiments de peur, d'angoisse et d'infériorité propres à les humilier, à les avilir et à briser éventuellement leur résistance physique ou morale
»185.
Dans Raninen c. Finlande, la Commission a examiné une plainte où le requérant était menotté en public lors de son transfert depuis le tribunal. La Commission a écrit qu' [TRADUCTION] « un traitement peut aussi être dégradant s'il humilie outrageusement une personne devant autrui ou s'il incite cette personne à agir contre son gré ou sa conscience
». Elle a également conclu qu' [TRADUCTION] « une mesure qui n'implique pas de mauvais traitement physique […] peut constituer un traitement dégradant si elle atteint un niveau minimal de gravité allant à l'encontre de la dignité humaine
». L'humiliation aux yeux de la victime peut être suffisante pour que le traitement atteigne le degré de gravité prohibé. De plus, [TRADUCTION] « inline il s'agit d'un critère essentiel peu importe si le traitement en question trahit le mépris ou le manque de respect à l'égard de la victime, et si on cherchait, uniquement ou entre autres choses, à l'humilier ou la dévaloriser
»186.
Dans l'affaire concernant M. Selmouni, la Cour a porté une attention particulière au traitement dégradant que des policiers lui ont fait subir :
[TRADUCTION] La Cour relève également que le requérant a été tiré par les cheveux; qu'il a dû courir dans un couloir le long duquel des policiers se plaçaient pour le faire trébucher; qu'il a été mis à genoux devant une jeune femme à qui il fut déclaré « Tu vas entendre quelqu'un chanter »; qu'un policier lui a ensuite présenté son sexe en lui disant « Tiens, suce-le » avant d'uriner sur lui; qu'il a été menacé avec un chalumeau puis avec une seringue.
La Cour a fait observé qu'un tel traitement serait [TRADUCTION] « haineux et humiliant pour quiconque, sans égard à son statut », surtout parce que les actes reprochés « provoquaient chez la victime des sentiments de peur, d'angoisse et d'infériorité capables de l'humilier, de la dévaloriser et possiblement de briser sa résistance physique ou morale
».
L'affaire East African Asians traitait également de la question de traitement dégradant. Selon le principe général qui a été appliqué, une mesure qui abaisse une personne dans son rang, sa situation, sa réputation ou sa qualité, constitue un traitement dégradant si elle atteint un certain degré de gravité. Dans cette affaire, la mesure consistait à imposer publiquement à un groupe de personnes une différence de traitement fondée sur leur race. Le degré de gravité doit être assez élevé pour que le traitement brise la résistance physique ou morale des victimes187.
Un traitement dégradant est donc un traitement réfléchi visant à humilier ou à dévaloriser une personne, lequel trahit le manque de respect et le mépris ressenti à son égard. Il s'agit aussi d'un traitement dont l'effet est d'humilier une personne de façon outrageuse devant autrui ou aux yeux de la victime. Ce genre de traitement provoque des sentiments de peur, d'angoisse ou d'infériorité. Pour atteindre le degré de gravité prohibé, le traitement doit humilier et dévaloriser la victime jusqu'à en briser sa résistance physique ou morale. La jurisprudence de la CEDH est toutefois claire sur le fait que la conduite doit causer une souffrance ou une humiliation supérieure à la souffrance ou l'humiliation inévitable qui découle d'une peine ou d'un traitement légitime.
D) L'État d'Israël et le Service général de sécurité
Le Service général de sécurité (SGS) est chargé d'enquêter sur les individus soupçonnés de crimes contre la sécurité de l'État d'Israël. Dans l'exercice de ses fonctions, le SGS enquête aussi sur les individus soupçonnés d'être impliqués dans des activités terroristes. Ainsi, le SGS a employé des méthodes d'interrogatoire qui étaient permises conformément aux directives et aux règlements internes en matière d'interrogatoire. L'utilisation de pression physique faisait partie des méthodes permises. Dans l'affaire GSS Practices, les requérants contestaient la légalité des méthodes employées.
Dans l'affaire GSS Practices, la Cour suprême d'Israël a noté que [TRADUCTION] « L'interrogatoire porte inévitablement atteinte à la liberté du suspect, même s'il n'y a pas eu recours à des pressions physiques. Le fait même d'être interrogé constitue une atteinte à la dignité du suspect et à sa vie privée
»188. Voici l'interprétation donnée par la Cour suprême d'Israël :
[TRADUCTION] Dans l'affaire GSS Practices, la Cour a indiqué que les enquêteurs avaient essentiellement les mêmes pouvoirs que les policiers, et conclu qu'aucun d'eux ne « possède le pouvoir de recourir à des pressions physiques qui portent atteinte à la liberté du suspect durant l'interrogatoire, à moins que ces pressions ne soient fondamentalement accessoires à l'essence même de l'interrogatoire et qu'elles soient équitables et raisonnables. [Non souligné dans l'original.]
La Cour a statué que la légalité des techniques d'interrogatoire [TRADUCTION] « se dégage du caractère opportun de l'objet de l'interrogatoire et des mesures prises
»189.
Plus particulièrement, la Cour a jugé que le fait de forcer un suspect à adopter une posture stressante, en l'occurrence forcer un détenu à s'accroupir sur la pointe des orteils par intervalles de cinq minutes, était interdit, car [TRADUCTION] « une telle mesure n'apporte absolument rien à l'enquête
». Quant à la technique du maintien de la tête dans un sac pendant une période prolongée (hooding), la Cour était d'avis qu'il peut être légitime de vouloir limiter le contact visuel entre le détenu et la personne qui interroge, mais qu'il n'est pas permis de couvrir entièrement la tête du détenu (et risquer ainsi qu'il suffoque). En outre, la Cour a indiqué que dans les circonstances de l'espèce, il est interdit de recourir à la musique forte conjuguée à d'autres méthodes d'interrogatoires non autorisées190. Enfin, concernant la privation de sommeil, la Cour a jugé que cette pratique ne devait être acceptée que lorsqu'elle est reconnue comme [TRADUCTION] « le résultat inévitable d'un interrogatoire ou comme un de ses effets secondaires
». Il n'est donc pas permis de priver un détenu de sommeil « pendant une longue période […] lorsque le but est de le fatiguer ou de l'affaiblir
»191. De même, menotter un détenu par mesure de sécurité fait partie des pouvoirs de l'enquêteur, pourvu qu'une telle mesure justifie de le menotter192. Les méthodes d'interrogatoire commandent, pour être légitimes, l'existence d'un lien essentiel entre la conduite et les besoins de l'enquête qui doivent se trouver au coeur même de l'interrogatoire. Les méthodes qui ne satisfont pas à ce critère sont interdites193.
E) Nécessité et « principe de la bombe à retardement »
Il a été proposé que certaines situations peuvent justifier des actes qui seraient normalement illégitimes194. Plus particulièrement, certains auteurs prétendent que l'application de la force, physique et mentale, pouvant être considérée sinon comme de la torture, à tout le moins comme des mauvais traitements, devrait être permise lorsque des mesures coercitives sont nécessaires pour sauver la vie d'autrui. Par exemple, lorsqu'il existe un danger imminent. Dans ce contexte, les auteurs parlent habituellement du « principe de la bombe à retardement
» pour donner un exemple. Ce scénario suppose que le détenu a (ou est soupçonné d'avoir) en sa possession des renseignements que l'interrogateur doit obtenir pour sauver la vie d'autrui, donc pour « désamorcer la bombe à retardement
». Sans l'obtention de ces renseignements, il y a un risque important (et imminent) de danger et de perte de vies. Certains auteurs prétendent que dans de telles circonstances, une dérogation aux obligations légales devrait être possible195.
Dans l'affaire GSS Practices, la Cour israélienne a examiné cette question. Selon elle, bien qu'il ne soit pas possible d'invoquer la nécessité pour autoriser le recours à la torture, ce moyen de défense pourrait être soulevé dans les rares occasions où l'utilisation de la force lors d'un interrogatoire serait jugée nécessaire. La Cour a d'ailleurs précisé que l'enquêteur pourrait invoquer la défense de nécessité dans certaines circonstances. Toutefois, la Cour a apporté deux importantes mises en garde : toute force physique utilisée [TRADUCTION] « doit demeurer fondamentalement accessoire à l'essence même de l'interrogatoire et doit être juste et raisonnable
»; et la notion de nécessité ne peut pas être utilisée pour justifier une conduite a priori prohibée. La défense de nécessité ne donne pas le pouvoir d'utiliser des méthodes d'interrogatoire qui, normalement, seraient interdites. La Cour suprême d'Israël a déterminé que les situations de « bombes à retardement » ne pourraient pas être utilisées pour établir, a priori, les directives applicables aux interrogatoires. En d'autres termes, bien que la défense de nécessité puisse être invoquée, après le fait, elle ne justifie pas le recours à la torture ou à d'autres formes de mauvais traitements. Dans la définition des normes applicables, la notion de « nécessité » ne modifie pas la définition de ce qui constitue une conduite admissible parce qu'elle interdit toute violation aux droits de la personne.
Dans R. c. Perka, la Cour suprême du Canada a reconnu la nécessité comme un moyen de défense de common law au Canada. Le juge en chef Dickson a restreint la nécessité à « une situation de danger imminent où on a agi afin d'éviter un péril imminent et immédiat
». De plus, l'acte reproché ne bénéficierait de cette défense que s'il était « involontaire, du point de vue moral
», en se « mesur[ant] en fonction de ce que la société considère comme une résistance normale et appropriée à la pression
», et dans la seule éventualité qu'il n'y a pas d'autre solution légale et raisonnable d'éviter le péril196. La Cour a ajouté que la notion de nécessité peut excuser un acte moralement involontaire, mais ne peut pas le justifier. Selon le critère requis pour que la nécessité soit acceptée, les décisions préméditées et délibérées de violer la loi ne seraient pas admises. Si une situation est clairement prévisible, le moyen de défense ne s'applique pas, puisqu'il n'y a pas d'état de nécessité.
Pour invoquer la nécessité comme moyen de défense, il doit y avoir apparence de vraisemblance. Il doit être satisfait aux trois volets du critère. La formulation restrictive adoptée par la Cour pour décrire la menace immédiate, c'est-à-dire une menace qui est « sur le point de survenir et être quasi certaine de se produire
»197, limite sans aucun doute l'application de ce moyen de défense dans un contexte d'interrogatoire. La croyance subjective qu'il existe une menace imminente de péril n'est pas suffisante. Cette croyance doit avoir un fondement raisonnable selon les circonstances.
De plus, la Cour a jugé, dans Perka, que, « [s]'il y avait une solution raisonnable et légale autre que celle de contrevenir à la loi, alors la décision de contrevenir à la loi est un acte volontaire, mu par quelque considération autre que les impératifs de la « nécessité » et de l'instinct humain
». En d'autres termes, s'il existe une solution légale et raisonnable, il n'y a pas de nécessité. Les solutions légales doivent être privilégiées même si elles sont « inline exigeante[s] » et « peu attrayante[s]
»198. L'analyse des questions de savoir si le péril est imminent ou s'il existe une solution légale s'attache principalement aux faits et au contexte. En dernière analyse, il faut se demander si le mal infligé est proportionnel au mal évité. Le mal évité n'a pas à « l'emporte[r] […] nettement » sur le mal infligé, pourvu que les deux maux soient d'une gravité comparable
»199.
Les tenants de la doctrine de nécessité sont catégoriques sur le fait que cette doctrine ne devrait s'appliquer que lorsque la personne qui interroge [TRADUCTION] « réagit en situation d'urgence plutôt qu'en situation stable alors régie par les politiques générales
»200. En contexte de droit canadien, il semble que la décision délibérée et planifiée d'adopter une conduite prohibée lors d'un interrogatoire ne correspond pas à la réaction involontaire, sur le plan moral, à un danger immédiat, que commande la défense de nécessité.
F) Article 12 de la Charte canadienne
Tel qu'il a été précisé précédemment, le présent document vise à examiner les aspects du cadre juridique qui définit le droit régissant les interrogatoires. Dans cette optique, la portée de l'application extraterritoriale de la Charte ne sera pas examinée201. Toutefois, dans l'examen des règles du DIH relatives aux interrogatoires, les droits de la Charte sont pertinents même si leur effet n'est pas déterminant quant aux normes à appliquer.
La protection contre les traitements cruels et inusités est garantie par l'article 12 de la Charte202. Ces protections sont absolues, puisque le libellé de l'article 12 ne contient aucun terme restrictif. Toutefois, si l'on donne aux dispositions de la Charte une interprétation restrictive, les droits garantis à l'article 12 pourraient être limités par l'article premier. Or, compte tenu des obligations internationales du Canada, il semblerait improbable qu'un tribunal accepte un argument fondé sur l'article premier pour justifier une conduite qui normalement serait prohibée. La Cour suprême du Canada, dans R. c. Smith203, a examiné une justification au regard de l'article premier. Les juges majoritaires ont rejeté l'argument, concluant que « nulle loi du Canada ne doit s'interpréter ni s'appliquer comme […] infligeant des peines ou traitements cruels et inusités, ou comme en autorisant l'imposition
»204.
La prohibition prévue à l'article 12 est à première vue moins générale que les prohibitions examinées précédemment. Plus particulièrement, bien que les instruments régionaux et internationaux interdisent expressément la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le libellé de l'article 12 semble exprimer une restriction moins générale. Dans R. c. Suresh, la Cour suprême du Canada a conclu que l'on devait interpréter le terme torture comme faisant partie de l'article 12 parce que la torture appartient à la catégorie des conduites prohibées205. La Cour a cependant affirmé que les tribunaux canadiens peuvent considérer que l'article 12 vise à mettre pleinement en application les obligations internationales que le Canada s'est engagé à respecter en matière des droits de la personne206.
Dans Kindler c. Canada (Ministre de la Justice), le juge Cory a souligné que l'article 12 permet au Canada de confirmer son engagement à l'égard du principe de la dignité humaine. Même s'ils s'inscrivent dans la dissidence qu'il a exprimée concernant les faits, les commentaires du juge Cory à l'égard de l'importance fondamentale de la dignité humaine dans la Charte méritent d'être soulignés. Le juge Cory a passé en revue plusieurs arrêts de principes de la Cour suprême du Canada et a souligné les jugements confirmant que la notion de dignité humaine constitue l'un des principes de base et l'une des valeurs fondamentales qui sous-tendent presque tous les droits et libertés garantis par la Charte207.
Dans l'arrêt Smith, la Cour suprême du Canada a établi le test servant à déterminer si la peine ou le traitement est « cruel et inusité » au sens de l'article 12 de la Charte. Le juge Lamer (plus tard Juge en chef) a affirmé qu'une peine (ou un traitement) est « cruelle et inusitée » lorsqu'elle est excessive au point de ne pas être compatible avec la dignité humaine. Il y a incompatibilité avec la dignité humaine lorsque les « Canadiens et Canadiennes considéreraient cette peine odieuse ou intolérable
»208. Les peines doivent être appropriées, peu importe le crime et peu importe le contrevenant. Lorsque la peine « devient si dégradante que toute dignité humaine est perdue, elle doit être considérée comme cruelle et inusitée
»209. Cette norme s'applique même aux crimes les plus odieux et aux pires contrevenants. Le châtiment corporel, même s'il ne s'agit que d'un seul coup de fouet, est inacceptable210. Ces principes directeurs ont été approuvés par la Cour dans R. c. Wiles211 et dans Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Chiarelli212.
Plus récemment, dans Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), la Cour suprême du Canada a jugé que, parce que la détention d'une durée indéterminée dans des circonstances où le détenu n'a aucun espoir d'être libéré ni aucune voie de droit pour obtenir une remise en liberté peut lui causer un stress psychologique, les dispositions de la Loi sur l'immigration et sur la protection des réfugiés (LIPR) régissant le certificat de sécurité peuvent donner lieu à un traitement cruel et inusité213. Placer un détenu en isolement préventif ne constitue pas en soi un traitement cruel et inusité. Cela peut toutefois le devenir si le traitement est excessif au point de ne pas être compatible avec la dignité humaine.
III. Les nouvelles obligations légales
Les règles applicables aux interrogatoires menés par les FC en contexte d'opérations internationales sont régies par le DIH, en tant que lex specialis, et par le DIDP. L'analyse qui précède examinait certaines caractéristiques communes et différences entre les deux régimes de droit. Des liens et des chevauchements existent entre ces deux domaines de droit, et leur application respective en contexte d'opérations des FC n'est pas matière à débat.
Malgré les restrictions qu'elles imposent quant aux méthodes pouvant être employées pour interroger un détenu, les dispositions des CG n'interdisent pas les interrogatoires. Les Conventions règlementent ces méthodes. En contexte d'interrogatoire, le concept de traitement humain et l'interdiction de la coercition se définissent l'un et l'autre; aucune de ces valeurs ne subsument l'autre.
Les règles sont simples : lors d'interrogatoires visant à recueillir des renseignements, il est clair que les détenus doivent être traités humainement en tout temps. Il y a d'ailleurs des conduites et des pratiques qui sont strictement prohibées. Soumettre un détenu à un traitement inhumain, à des actes de violence ou d'intimidation, ou à toute autre forme de coercition utilisée lors d'un interrogatoire, est interdit et constitue une violation flagrante aux Conventions de Genève de 1949. Les principes de base se dégagent facilement des textes des CG. Les normes et les obligations du DIDP interdisent catégoriquement la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est impossible de déroger à ces obligations. Les interrogatoires coercitifs, c'est-à-dire les interrogatoires au cours desquels les traitements employés ne constituent pas de la torture mais sont néanmoins considérés comme des mauvais traitements, sont clairement prohibés en vertu du DIH et DIDP.
Donner des directives claires sur la conduite à adopter lors d'interrogatoires de détenus n'est pas toujours évident et dans certains cas, il peut être difficile de faire un tableau des conduites en indiquant si elles appartiennent à la catégorie « légitime » ou à la catégorie « illégitime ». Par exemple, il est possible qu'une conduite donnée soit permise en soi, mais qu'elle devienne illégitime et prohibée lorsque d'autres facteurs s'ajoutent. Par ailleurs, il est admis que certains inconforts physiques mineurs sont associés aux interrogatoires puisque l'interrogatoire même entraîne une perte de liberté. Il n'est pas toujours possible de dire à quel moment l'inconfort devient un traitement inhumain puisqu'un grand nombre de facteurs doivent être appréciés. En contexte d'interrogatoire, la définition des paramètres juridiques est fonction non seulement de la méthode employée pour interroger (à savoir, les techniques), mais aussi de facteurs extrinsèques (à savoir, les conditions dans les établissements de détention). De même, il est admis que certains moyens peuvent être employés pour persuader le détenu qui refuse de coopérer afin d'obtenir des renseignements. Il est difficile de préciser à quel moment la technique de persuasion légitime dépasse les limites de l'acceptable et devient coercitive, donc prohibée. Cela ne veut pas dire qu'aucune méthode ne saurait en aucun cas être inexcusable.
Les obligations légales examinées précédemment visent à fournir les principes et les cadres à partir desquels la doctrine et les procédures pourront évoluer de manière à définir les méthodes et techniques d'interrogatoire expressément prohibées.
L'un des principes directeurs qui se dégage clairement porte que les pressions externes, soit les pressions exercées par les personnes qui interrogent dans le but de faire fléchir la volonté du détenu, sont interdites si le détenu fournit des renseignements et coopère dans le seul but de mettre fin ou d'éviter la souffrance dont le menace la personne qui l'interroge. Lorsque la conduite en question est employée précisément pour subjuguer la volonté du détenu de cette façon, elle est prohibée. Les cas de torture ou de menaces de torture et les cas de violence physique sont évidents; les éléments bien plus subtils qui doivent être évalués prêtent à équivoque. La force de l'esprit et de la volonté du détenu, les effets de la détention et le milieu, ainsi que l'effet des questions ou des conversations commandent la plus grande prudence lorsqu'il s'agit d'apprécier le rôle qu'ils ont joué dans la coopération du détenu. Le but de la conduite est donc primordial. La douleur et la souffrance ressenties ne constituent pas les éléments déterminants.
Il est aussi très clair que les interrogatoires coercitifs ne deviennent pas légalement acceptables simplement parce que le traitement reproché ne constitue pas de la torture. Le Rapporteur spécial des Nations Unies a récemment étudié ce point :
[À] la suite du 11 septembre et d'autres attentats terroristes de plus en plus de gouvernement (sic) ont adopté une position juridique qui reconnaît le caractère absolu de l'interdiction de la torture mais non celui de l'interdiction des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Certains font valoir en particulier que des méthodes d'interrogatoire dures qui ne vont pas jusqu'à constituer des actes de torture pourraient être justifiées pour obtenir des renseignements permettant d'éviter de futurs actes terroristes susceptibles de tuer un grand nombre d'innocents214.
Il a conclu que « si un individu est détenu ou d'une autre façon sous le contrôle de facto d'une autre, et se trouve ainsi impuissant, […] l'interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants est absolue
»215.
Notes en bas de page
13 Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, Avis consultatif, [1996] C.I.J. rec. 226, au para. 24.
14 Voir par exemple : Evans, « Getting to Grips With Torture » (2005) 51 ICLQ 365; Evans et Morgan, Preventing Torture : A Study of the European Convention for the Prevention of Torture and Inhuman or Degrading Treatment or Punishment, New York, Oxford University Press, 1998; Guiora et Page, « The Unholy Trinity : Intelligence, Interrogation and Torture » (2006) 37 Case W. Res. J. Int'l L. 427; Shany, Yuval « The Prohibition Against Torture and Cruel, Inhuman, and Degrading Treatment and Punishment : Can the Absolute be Relativized Under Existing International Law? » (2007) 56 Cath. U. L. Rev. 837; et Rona, Gabor « War, International Law, and Sovereignty : Reevaluating the Rules of the Game in a New Century : Legal Frameworks to Combat Terrorism » (2005) 5 Chi. J. Int'l L. 499.
15 Les Conventions de Genève protègent deux types de détenus : les prisonniers de guerre (PG) et les personnes civiles (aussi appelées « personnes protégées »). De plus, l'article 75 du Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes de conflits armés internationaux (Protocole I), Genève, 8 juin 1977 [PAI], assure les mêmes garanties minimales à toute personne détenue, sans égard à son statut. Ces protections ont maintenant le statut de droit coutumier. Voir par ex. Le Procureur c. Alfred Musema, affaire n° ICTR-96-13-T, jugement et sentence de la chambre de première instance 1 (27 janvier 2000) : de concert avec l'article 3 commun aux CG, ces dispositions représentent les garanties humanitaires fondamentales reconnues comme faisant partie du droit international coutumier.
16 Par exemple, même si le DIH s'applique à tous les conflits armés, les dispositions des traités qui règlementent la conduite lors de conflits armés internationaux sont plus élaborées que celles applicables aux conflits armés non internationaux.
17 « Improving the Fighting Position », à la p. 22.
18 Arrêt Nicaragua, [1984] C.I.J. rec. 392, par. 218, 255; voir aussi Abella c. Argentina (1997) Cour interaméricaine des droits de l'homme. Cause n° 11.137, rapport n° 5/97, aux paras. 155-156.
19 CICR, Convention (IV) de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, 12 août 1949 : Commentaire, article 3, Jean Pictet éd., 1958, disponible au http://www.icrc.org/fre/index.jsp [Commentaire du CICR sur la CGIV].
20 La définition de « traitement humain » des CG n'est donc « pas très aisée », c'est pourquoi il est plus facile de donner une formulation négative à la définition, en déterminant ce qui est inhumain. Commentaire du CICR sur la CGIV, article 3, à la p. 39.
21 On peut nommer les méthodes d'interrogatoire prohibées par d'autres sources de droit, national ou international, permettent également de définir la norme, mais il faut toutefois se garder de les confondre.
22 Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes de conflits armés internationaux (Protocole I), Genève, 8 juin 1977 [PAI].
23 Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes de conflits armés non-internationaux (Protocole II), Genève, 8 juin 1977 [PAII].
24 Troisième Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre, Genève, 12 août 1949 [CGIII].
25 Quatrième Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, Genève, 12 août 1949 [CGIV].
26 Dans ce contexte, le détenu peut être toute personne capturée ou autrement détenue par une force armée.
27 CGIII, art. 13. Une règle similaire existe pour les blessés et les malades en campagne : Convention pour l'amélioration des blessés et des malades dans les forces armées en campagne, Genève, 12 août 1949 [CGI], art. 12; et pour les blessés, les malades et les naufragés : Convention pour l'amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer, Genève, 12 août 1949 [CGII], art. 12. L'article 10 du PAI souligne également l'obligation de traiter les blessés, les malades et les naufragés humainement.
28 CICR, Convention de Genève (III) relative au traitement des prisonniers de guerre : Commentaire, Jean Pictet éd., 1958, disponible au http://www.icrc.org/fre/index.jsp [Commentaire du CICR sur la CGIII], à la p. 140.
29 Commentaire du CICR sur la CGIII. Voir aussi Elsea, « Lawfulness of Interrogation Techniques under the Geneva Conventions », CRS Report for Congress, RL32567 (8 septembre 2004), p. 18 [« CRS: Lawfulness of Interrogation Techniques »], où l'auteur propose que les articles 14 à 16 de la CGIII contiennent peut-être aussi des éléments de traitement humain.
30 Ces actes ou omissions sont expressément qualifiés de « graves » infractions dans le texte de la disposition.
31 Le Commentaire du CICR sur la CGIII prévoit que cette protection contre l'intimidation signifie que « cette protection s'étend à des valeurs d'ordre moral, telles que l'indépendance morale du prisonnier
».
32 La question de savoir si cette interdiction empêche de montrer les détenus dans les médias d'information suscite un certain débat : voir par ex. CRS : Lawfulness of Interrogation Techniques, à la p. 19.
33 CGIV, art. 27.
34 Les articles 4, 5 et 7 du PAII prévoient la même règle relativement aux conflits armés non-internationaux assujettis au PAII, à l'égard des blessés, malades ou naufragés ainsi que des personnes détenues et toute autre personne « qui ne participent pas directement ou ne participent plus aux hostilités
».
35 Articles 3(1) a) à c) commun aux CG.
36 CGIII, art. 130.
37 En plus des règles prohibant la torture, citées ci-dessus, d'autres règles s'appliquent dans des circonstances particulières. Selon l'article 12 de la CGI, il est interdit de soumettre les blessés et les malades à la torture. L'article 12 de la CGII énonce la même règle à l'égard des blessés et des malades en mer et des naufragés.
38 CGI, art. 50; CGII, art. 51; CGIII, art. 130; CGIV, art. 147. Pour les PG, voir CGIII, art. 130; et pour les personnes protégées, voir CGIV, art. 147. Ce point a été clairement exprimé dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, Doc. UN A/CONF.183/9 (17 juillet 1998) adopté par la Conférence diplomatique de plénipotentiaires des Nations Unies sur la création d'une Cour pénale internationale le 17 juillet 1998 [« Statut de Rome »] art. 8(2)a).
39 Statut de Rome, art. 7(1)f).
40 Statut de Rome, art. 8(2)a)(ii). En vertu du Statut de Rome, sous-artl. 8(2)c)(i), la torture est aussi un crime de guerre lorsqu'elle est commise dans le cadre d'un conflit armé ne présentant pas un caractère international selon l'article 3 commun aux CG.
41 L'article 3 commun aux CG interdit expressément la torture et son libellé est similaire à l'interdiction du PAI. L'article 3 commun aux CG interdit « les atteintes portées à la vie et à l'intégrité corporelle, notamment […] [les] tortures
». Comme l'article 75 du PAI, l'interdiction de l'article 3 commun aux CG vise « les atteintes portées à la vie et à l'intégrité corporelle
», et prohibe donc les conduites qui ne satisfont pas à la définition de torture, dont, expressément, les « traitements cruels ». Il est évident que l'article 3 commun aux CG s'applique lors des interrogatoires : voir CRS : « Lawfulness of Interrogation Techniques », à la p. 8 et la jurisprudence citée.
42 Commentaire du CICR sur la CGIII, art. 130.
43 CGIII, art. 17. La règle est reprise dans le contexte de sanctions pénales et disciplinaires imposées aux PG à l'art. 87 de la CGIII.
44 CGIV, art. 32. Le Commentaire du CICR sur la CGIV, article 147 : « Le mot torture a différentes acceptions. On l'emploie parfois même au sens d'une souffrance purement morale. Mais, [p. 640] en raison des autres expressions qui suivent, à savoir : traitement inhumain, expériences biologiques, grandes souffrances, etc., il semble qu'on doive lui donner son sens quasi judiciaire, c'est-à-dire le fait d'infliger à une personne des souffrances afin d'obtenir d'elle ou de tiers des aveux ou des renseignements
».
45 PAI, art. 75(2)a). Le PAII comporte une disposition presque identique pour « toutes les personnes qui ne participent pas directement ou ne participent plus aux hostilités » dans un contexte d'un conflit armé non international assujetti au PAII.
46 Tel que nous l'avons vu précédemment, la torture est aussi prohibée en tant qu' « atteintes portées à la vie et à l'intégrité corporelle
». L'art. 8(2)c)(i) du Statut de Rome criminalise la violation de cette interdiction prévue à l'article 3 commun aux CG dans le cadre de conflit armé non international.
47 CGIII, art. 87.
48 GCIV, art. 118.
49 PAII, art. 4. Les exemples de traitements cruels présentés dans le texte sont « la torture, les mutilations ou toutes formes de peines corporelles
». Il est intéressant de noter que les garanties de l'article 75 du PAI n'interdisent pas explicitement les traitements cruels. Cependant, tout traitement qui pourrait être considéré comme cruel est sans aucun doute prohibé en vertu du PAI, pour d'autres raisons.
50 CGIII, art. 89.
51 CGIV, art. 119. Le terme « interné » fait référence aux personnes protégées détenues dans certains cas.
52 CGIV, art. 5.
53 CGIII, art. 130.
54 CGIV, art. 147.
55 CGI, art. 50.
56 CGII, art. 51.
57 Statut de Rome, art. 8(2)a)(ii).
58 Ce sont les « les atteintes à la dignité des personnes, notamment les traitements humiliants et dégradants
» qui sont prohibés. Mais certains auteurs semblent indiquer que seulement certaines formes d'humiliation ou de dégradation correspondent aux critères nécessaires pour être considérés comme une atteinte à la dignité des personnes : [TRADUCTION] « Les actes causant l'humiliation ou l'avilissement profond peuvent constituer des atteintes à la dignité humaine.
» (CRS : Lawfulness of Interrogation Techniques, à la p. 20).
59 Le Procureur c. Kunarac, IT-96-23, jugement de la chambre de première instance (22 février 2001) au para. 507. Cette approche a été soutenue en appel. Voir Le Procureur c. Kunarac, IT-96-23, jugement de la chambre d'appel (12 juin 2002).
60 L'art. 75 du PAI ajoute également à la liste d'exemples d'« atteinte à la dignité humaine
» « la prostitution forcée et toute forme d'attentat à la pudeur
» . L'art. 4 du PAII ajoute aussi le « viol » à cette liste.
61 Statut de Rome : art. 8(2)b)(xxi), et, dans le contexte précis d'un conflit armé non international, art. 8(2)c)(ii).
62 CGIII, art. 99.
63 Voir par ex., Glod et Smith, « Interrogation Under the 1949 Prisoners of War Convention », (1968) Military Law Review 145, à la p. 145 : la CGIII a à la fois élargi la portée des types de renseignements protégés par la Convention de 1929 (« information de quelque sorte que ce soit
») et limité les moyens permettant d'obtenir ces renseignements (« inline aucune torture physique ou morale ni aucune contrainte
»).
64 CGIV, art. 31.
65 Commentaire du CICR sur la CGIV, à la p. 219-210.
66 « Improving the Fighting Position », à la p. 22.
67 De même, il n'est probablement pas utile de définir la coercition en exposant les méthodes qui justifieraient la commission d'actes de trahison. De nombreux pays imposent aux membres de leurs forces armées des règles à suivre en cas de capture par l'ennemi. Généralement, la commission d'actes de trahison ne sera excusable que dans des cas très précis. Il importe de souligner qu'aucun lien direct n'est établi entre les méthodes d'interrogatoire qui pourraient justifier la commission d'un acte de trahison et celles pouvant être jugées illicites en raison de leur caractère coercitif. CRS : Lawfulness of Interrogation Techniques, à la p. 15.
68 Manuel de campagne de l'armée américaine (US Army Field Manual Human Intelligence Collector Operations N°. 2-22.3) (6 septembre 2006) [US Army FM 2-22.3], à la p. 5.22.
69 CRS : Lawfulness of Interrogation Techniques, à la p. 13. Il est important de noter que cette définition, applicable à ce contexte, n'emporte pas l'applicabilité de la common law canadienne concernant l'admissibilité des déclarations involontaires devant les tribunaux.
70 La règle interdisant l'obtention de renseignements par la contrainte repose sur un solide fondement juridique historique. La règle est indépendante, et n'est pas directement reliée à la torture ou à la coercition figurant à l'article 75 du PAI, concernant le témoignage contre soi-même ou de s'avouer coupable. Ce « droit de garder le silence
» est garanti dans le système juridique canadien. Ce droit signifie qu'une personne n'est jamais tenue, au nom de la justice, de transmettre des renseignements. Tel qu'il a été souligné dans le Commentaire du CICR sur la CGIII, à l'art. 99, l'histoire a prouvé que la position contraire « avait inspiré l'institution de la torture
».
71 CRS : Lawfulness of Interrogation Techniques, à la p. 13.
72 Ibid., à la p. 14.
73 « Improving the Fighting Position », à la p. 22. Voir aussi le US Army FM 2-22.3.
74 À cet égard, les normes issues du droit international en matière de droits de la personne sont informatives.
75 « Improving the Fighting Position », à la p. 23.
76 Ibid., aux p. 26-27.
77 Ibid., à la p. 23. Par exemple, l'auteur laisse entendre qu'alors que la privation de nourriture est une forme de manipulation interdite du fait qu'il en résulte un traitement inhumain, les rations alimentaires additionnelles données en récompense pour avoir coopéré constituerait une mesure incitative légitime.
78 En effet, dans les FC, le terme « interrogatoire » s'applique soit à la cueillette de renseignements, soit à une enquête criminelle. (Voir Traitement des PG et des détenus, à la p. 4-1).
79 Dans Hobbins c. R., [1982] 1 R.C.S. 553, le juge Laskin a noté qu'en déterminant le caractère volontaire de l'aveu, les tribunaux devraient être attentifs à l'effet coercitif d'une « atmosphère d'intimidation », même « s'il n'y a pas d'encouragement sous forme de l'espoir d'un avantage ou de la crainte d'un préjudice et en l'absence même de toute menace de violence ou de tout acte de violence
».
80 L'objet de la règle du caractère volontaire est double : empêcher les déclarations peu fiables, mais aussi défendre les droits des accusés en protégeant leur décision ou liberté de parler ou de garder le silence. R. c. Hébert, [1990] 2 R.C.S. 151 : « [L]'un des thèmes dominants dans la jurisprudence sur les confessions est l'idée qu'une personne assujettie au pouvoir de l'État en matière criminelle a le droit de décider librement de faire ou non une déclaration aux policiers. Cette idée s'accompagne d'un souci correspondant de préserver l'intégrité du processus judiciaire et la considération dont il jouit
».
81 Dans R. c. Fitton, [1956] R.C.S. 958, le juge Rand a écrit : [TRADUCTION] « La règle sur la recevabilité des confessions qui, conformément à la jurisprudence anglaise, a été reformulée dans l'arrêt Boudreau c. Le Roi, est parfois difficile à appliquer parce qu'elle est formulée d'une manière qui tend à dissimuler les éléments importants sur lesquels doit être fondée la décision. Les cas de torture ou de menaces de torture ou de promesses éhontées sont évidents; la situation se complique lorsque des éléments beaucoup plus subtils doivent être évalués. La force d'esprit et la volonté de l'accusé, l'effet de la détention, de l'environnement, la portée des questions ou de la conversation, tout cela exige une analyse minutieuse de leur rôle dans l'aveu et sert à la Cour pour déterminer si la déclaration a été libre et volontaire, c'est-à-dire exempte de l'influence d'un espoir ou d'une crainte qu'ils auraient pu susciter
».
82 Dans R. c. Whittle, [1994] 2 R.C.S. 914, la règle des confessions fournit « non seulement une norme de fiabilité en matière de preuve obtenue de personnes détenues qui sont soupçonnées d'avoir commis un crime, mais encore d'assurer l'équité de la procédure d'enquête
». À ce propos, le juge Sopinka écrit que la règle des confessions protège le principe portant que le suspect a le droit de faire un choix. Afin de déterminer si l'aveu a été obtenu légalement et s'il est admissible, le tribunal doit évaluer si les « actes des autorités policières [ont] empêché le suspect de faire un véritable choix en raison d'une contrainte, d'une ruse ou d'une information inexacte ou inexistante
».
83 Dans R. c. Horvath, [1979] 2 R.C.S. 376, le juge Spence a conclut à la p. 400 que « inline quote content here
» et que pour cette raison, la déclaration était irrecevable.
84 Dans R. c. Precourt, (1976), 18 O.R. (2e) 714 (C.A.), le juge Martin a écrit à la p. 721 : [TRADUCTION] « Même si des interrogatoires policiers irréguliers peuvent, dans certaines circonstances, porter atteinte à la règle [des confessions] applicable, il est essentiel de se rappeler que les autorités policières sont incapables de mener des enquêtes sur des crimes sans interroger des personnes, que ces personnes soient ou non soupçonnées d'avoir commis le crime faisant l'objet de l'enquête. Un interrogatoire policier régulièrement mené est un outil légitime et efficace d'enquêtes criminelles [...] Par contre, les déclarations faites à la suite de questions intimidantes ou d'un interrogatoire oppressant et destiné à subjuguer la volonté du suspect afin de lui soutirer une confession sont inadmissibles […]
».
85 Les juges majoritaires de la CSC ont récemment souscrit à cet énoncé dans R. c. Singh, [2007] 3 R.C.S. 405.
86 R. c. Oickle, [2000] 2 R.C.S. 3.
87 L'équité du procès est clairement un élément à considérer suivant l'approche moderne et fondée sur des principes adoptée à l'égard des exceptions à la règle du ouï-dire. Voir par ex. R. c. Starr, [2000] 2 R.C.S. 144.
88 R. c. Hodgson, [1998] 2 R.C.S. 449, au para. 21.
89 R. c. Oickle, au para. 69.
90 R. c. Singh, au para. 36.
91 Ibid., aux paras. 5 et 18.
92 R. c. Sabri, (2002), 4 C.R. (6e) 349 (C.A. Ont.).
93 Les menaces imminentes de torture rendent inévitablement une déclaration irrecevable. L'utilisation de menaces dissimulées requiert un examen plus rigoureux : R. c. Oickle, aux paras. 48-57.
94 Voir par ex. R. c. Spencer, [2007] 2 R.C.S. 500. Dans cette affaire, l'accusé a fait une confession en échange de l'obtention de la clémence pour sa petite amie.
95 Dans R. c. Dhandwar (1996) 31 W.C.B. (2d) 96 (ont. Ct. J. (Gen. Div.)), l'accusé a communiqué avec les autorités pour obtenir sa protection ainsi que la protection de sa famille. Le juge Strong a conclu que la preuve étayait la prétention de l'accusé selon laquelle la seule raison l'ayant poussé à fournir des renseignements à la police était que la police lui avait donné l'assurance que lui-même et les membres de sa famille seraient protégés. Le juge a reconnu que la police avait trompé l'accusé et avait profité de son désespoir.
96 R. c. Hobbins, aux p. 556 et 557.
97 R. c. Oickle, aux paras. 58 à 62.
98 R. c. Hoilett (1999), 136 C.C.C. (3d) 449 (C.A. Ont.).
99 R. c. Owen (1983), 4 C.C.C. (3d) 538 (C.S.N.-É., Section d'app.); R. c. Serack, [1974] 2 W.W.R. 377 (C.S.C.-B.).
100 R. c. Cook, [1998] 2 R.C.S. 597, au para. 60.
101 R. c. Oickle, au para. 65.
102 A titre d'exemples susceptibles de « choquer la collectivité
», le juge Lamer a mentionné un policier qui soit se ferait passer pour un aumônier ou un avocat de l'aide juridique, soit donnerait une injection de penthotal à un suspect diabétique en prétendant lui administrer de l'insuline. L'analyse du juge Lamer sur ce point a été adoptée par la Cour dans R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S. 265, aux p. 286 et 287; voir aussi R. c. Clot (1982), 69 C.C.C. (2d) 349 (C.S. Qué.).
103 R. c. Oickle, au para. 61.
104 Le juge Cory écrit au para. 21 de l'arrêt R. c. Hodgson : « Elle met plutôt l'accent sur la fiabilité présumée, en analysant les circonstances de la déclaration et leur effet sur l'accusé, indépendamment de l'exactitude de la déclaration.
»
105 À cet égard, voir l'analyse de la recherche du Dr Ofshe dans R. c. Oickle et R. c. Osmar [2007] O.J. n° 244.
106 Se reporter généralement à Heintze, « De la relation entre le droit international humanitaire et la protection qu'assure le droit des droits de l'homme » (2004) 86 Revue internationale de la Croix-Rouge 789; Schabas, « Lex Specialis? Belt and Suspenders? The Parallel Operation of Human Rights Law and the Law of Armed Conflict, and the Conundrum of Jus Ad Bellum » (2007) 40 Isr. L. Rev. 592; Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, Avis consultatif, [1996] C.I.J. rec. 226.; Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le Territoire palestinien occupé, Avis consultatif, [2004], C.I.J. rec. 136.
107 Résolution de l'A.G. 217A (III), DOAG ONU, 3e sess., p. 71, Doc. UN A/810 (1948).
108 Pacte international relatif aux droits civils et politiques, résolution de l'A.G. 2200A, (XXI), DOAG ONU, 21e sess., suppl. n° 16, p. 52, Doc. UN A/6316 (1966). Les traités régionaux sur les droits de la personne contiennent la même interdiction. Voir par ex. la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et la Convention américaine relative aux droits de l'homme.
109 Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 10 décembre 1984, 1465 U.N.T.S. 85.
110 Voir par ex. Christian M. De Vos, « Mind the Gap : Purpose, Pain, and the Difference Between Torture and Inhuman Treatment » (2006) 14 n° 2 Human Rights Brief 4.
111 Il est reconnu que certaines raisons expliquent cette distinction. Par exemple, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants interdit explicitement la torture, même en situation d'urgence. La Convention demeure toutefois silencieuse en ce qui concerne les autres formes de mauvais traitement. Il est aussi généralement reconnu qu'un « stigmate particulier » est associé à la torture même s'il n'enlève rien aux prohibitions contenues dans les lois internationales à l'égard d'autres formes de mauvais traitements.
112 Voir le PIRDCP, art. 4(2); la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, art. 2(2).
113 Résolution de l'A.G. 3452 (XXX), 30 DOAG ONU, suppl. n° 34, Doc. UN A/10034, p. 91 (1976). Comme pour toute résolution de l'A.G., cet instrument ne constitue pas une source en droit international ayant force exécutoire.
114 Ibid., art. 1(1).
115 Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, art. 1(1).
116 Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, art. 2.
117 Dans de nombreuses décisions en droit international, on reconnaît la nature jus cogens de la prohibition de la torture. Le Procureur c. Kunarac, IT-96-23, jugement de la chambre de première instance (22 février 2001), à la p. 466; voir aussi Le Procureur c. Delalic et al, IT-96-21-T, jugement de la chambre de première instance I (16 novembre 1998), Le Procureur c. Furundzija, IT 95-17/1, jugement de la chambre de première instance (10 décembre 1998). Concernant la prohibition de la torture en tant que norme jus cogens et les obligations que le Canada s'est engagé à respecter par traité, voir Bouzari c. Iran (2004) 71 O.R. (3d) 675.
118 Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le Territoire palestinien occupé, Avis consultatif, [2004] C.I.J. rec. 136, au para. 157. Voir aussi Ulbrick, « Tortured Logic : The (il)legality of United States Interrogation Practices in the War on Terror » (2005) 4 Nw. U. J. Int'l Hum. Rts. 210, au para. 30 [« Tortured Logic »]
119 Statut de Rome, art. 7(2)e).
120 Le Procureur c. Kvocka et al., IT-98-30/1, jugement de la chambre de première instance (2 novembre 2001). Dans Le Procureur c. Furundzija, IT 95-17/1, jugement de la chambre de première instance (10 décembre 1998), la chambre de première instance du TPIY a souligné que même si le DIH ne fournit pas de définition de la torture, la définition prévue à l'article premier de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui s'appliquerait étant donné que cette définition faisait partie du droit international coutumier. Par conséquent, le crime de la torture est caractérisé par les éléments suivants : (i) le fait d'infliger, par un acte ou une omission, une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales; (ii) l'acte ou l'omission doit être intentionnel et; (iii) doit avoir pour but d'obtenir des renseignements ou des aveux, ou à punir, intimider, humilier ou contraindre la victime ou une tierce personne, ou encore de les discriminer, pour quelque raison que ce soit.
121 Le fait que la souffrance ou la douleur doit être « aiguë » pour être considérée comme de la torture trouve fondement dans la jurisprudence du TPIY. Le Procureur c. Delalic et al., IT-96-21-T, jugement de la chambre de première instance I (16 novembre 1998) : « une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales
»; Le Procureur c. Furundzija, IT 95-17/1, jugement de la chambre de première instance (10 décembre 1998) : « inline la torture consiste à infliger, par un acte ou une omission, une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales
».
122 Voir par ex. Rodley, S., The Treatment of Prisoners Under International Law, 2e éd., Oxford University Press, 1999.
123 Le Procureur c. Kvocka et al., IT-98-30/1, jugement de la chambre de première instance (2 novembre 2001), au para. 148.
124 Ibid., aux paras. 142 et 143.
125 « Tortured Logic » au para. 48. Ce commentaire démontre que les affaires de la CEDH concernant la torture ont été examinées.
126 Voir Cohen, « Democracy and the Mis-Rule of Law : The Israeli Legal System's Failure to Prevent Torture in the Occupied Territories » (2001) 12 Ind. Int'l & Comp. L. Rev. 75; voir aussi CRS : Lawfulness of Interrogation Techniques, à la p. 12; et Le Procureur c. Kvocka et al., IT-98-30/1, jugement de la chambre de première instance (2 novembre 2001) aux paras. 142 et 143.
127 L'applicabilité légitime de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui fait partie du DIDP, est limitée. Il est donc probable que pour toute situation où les FC ont pu interroger une personne, le Canada serait jugé exercer sur cette personne le contrôle nécessaire pour invoquer les obligations qui lui incombent en vertu du DIDP, y compris celles de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. De plus, il est improbable que la définition du terme « torture » sous le régime du DIDP diffère de celle du DIH.
128 L'expert indépendant mandaté par la Commission des droits de l'homme des Nations Unies pour faire rapport de la situation mondiale concernant la torture.
129 Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants 2. DOAG ONU. 59e Sess. Agenda. 1er septembre 2004 : para. 17. Doc. UN A/59/324.
130 Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, art. 2.
131 Dans Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3, la Cour suprême du Canada a statué que « dans des circonstances exceptionnelles, une expulsion impliquant un risque de torture puisse être justifiée, soit au terme du processus de pondération requis par l'art. 7 de la Charte soit au regard de l'article premier de celle-ci
». Malgré les obligations internationales du Canada, la Cour a conclu que la déportation impliquant un risque de torture n'est pas nécessairement une violation de la Charte.
132 Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, art. 5. L'article 269.1 du Code Criminel élargit la juridiction des tribunaux canadiens pour y inclure des incidents qui ont lieu à l'extérieur du Canada. Cet amendement permet les poursuites judiciaires en cas de torture commise contre un citoyen canadien n'importe où dans le monde, si l'accusé est un citoyen canadien ou est présentement sur le territoire canadien.
133 Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, art. 11.
134 Aksoy c. Turquie (1996) 23 E.H.R.R. 553, au para. 62.
135 Assenov et autres c. Bulgarie, requête n° o. 90/1997/874/1086, 28 octobre 1998, au para. 117.
136 Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, art. 15.
137 Ibid., art. 10.
138 Voir Macdougall, « Torture in Canadian Criminal Law » (2005) Criminal Reports (6th) 24, pour une analyse poussée qui met en opposition et compare le concept de torture tel que le définissent le Code criminel, la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre.
139 Le Canada est devenu partie à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en 1987 et, pour s'acquitter de ses obligations prévues à de l'article 4, il a adopté l'article 269.1 en donnant effet dans le droit domestique canadien à la disposition de nature pénale prévue à la Convention. Bien que la torture ne soit devenue une infraction qu'en 1987, on a fait valoir que les sortes d'incidents visés par la nouvelle infraction étaient déjà couverts par les dispositions du Code criminel interdisant d'autres conduites, telles les voies de fait causant des lésions corporelles, le meurtre, l'extorsion et l'intimidation.
140 Articles 269.1(1) et (2).
141 Art. 269.1(3).
142 Art. 269.1(4).
143 Le libellé de cette disposition laisse croire que la liste est représentative et non exhaustive.
144 R. c. Rainville, [2001] J.Q. n° 947, aux paras. 66 à 75.
145 Ibid., au para. 80.
146 Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3, au para. 51.
147 Canada, Quatrième rapport du Canada sur la Convention contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants (2002), au para. 14.
148 PIRDCP, art. 7. Là encore, ce libellé reprend exactement celui de l'art. 5 de la Déclaration universelle des droits de l'homme.
149 Les règles de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants applicables à la torture sont toutefois beaucoup plus strictes que celles qui s'appliquent aux peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants : voir « Tortured Logic » p. 34.
150 PIRDCP, art. 4(2).
151 La disposition de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui interdit qu'il soit dérogé à l'une de ses dispositions (art. 2(2)) se limite à la torture. Voir dans son ensemble « Tortured Logic », à la p. 41. La Convention européenne des droits de l'homme (à laquelle le Canada n'est pas partie) impose une interdiction de déroger aux règles applicables à la torture ainsi qu'aux peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
152 Le Comité des droits de l'homme, Observation générale 20, article 7 (1992) (Doc. UN HRI\GEN\1\Rev.1 p. 34 (1994). [Observation générale n° 20].
153 Ibid.
154 PIRDCP, art. 4.
155 Voir l'Observation générale 21 du Comité des droits de l'homme, article 10, (1992) Doc. UN HRI\GEN\1\Rev.1, p. 33 (1994) [Observation générale n° 21], au para. 3 : « [L]'article 10 […] complète l'interdiction de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants prévue à l'article 7 du Pacte .
» Voir la décision Campos parmi la jurisprudence du Comité des droits de l'homme où le Comité a reconnu que le fait de placer un individu en cage en présence de la presse constituait un traitement dégradant qui violait l'article 10.
156 Communication n° 255/1987 : Jamaïque, 22/10/92. Comité des droits de l'homme. 46e sess. 1992 : par. 8.5. Doc. UN CCPR/C/46/D/255/1987.
157 Observation générale n° 20, para. 6.
158 Observations finales du Comité des droits de l'homme : Israël. Comité des droits de l'homme (1998) 63e sess. Doc. UN CCPR/C/79/Add.93, para. 19.
159 Le Procureur c. Delalic et al., IT-96-21-T, jugement de la chambre de première instance I (16 novembre 1998), au para. 542.
160 « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
». Convention américaine relative aux droits de l'homme, à l'art. 5, 22 novembre 1969. 1144 U.N.T.S. 123.
161 Affaire Loayza Tamayo (1997), Cour interaméricaine des droits de l'homme (Série C). N° 33. au para. 57.
162 Ibid,. au para. 57.
163 Ibid., au para. 58.
164 Affaire Velasquez Rodriguez (1998), Cour interaméricaine des droits de l'homme (Série C). N° 4. au para. 187. La Cour a aussi jugé que les traitements constituaient une atteinte à la dignité du détenu.
165 Convention européenne des droits de l'homme, art. 3.
166 À l'égard de l'applicabilité des normes de la Convention européenne des droits de l'homme en contexte de conflits, l'applicabilité du DIH en tant que lex specialis et plus particulièrement la façon dont la CEDH applique le DIH, voir Reidy, « La pratique de la Commission et de la Cour européennes des droits de l'homme en matière de droit international humanitaire » (1998) 831 Revue internationale de la Croix-Rouge 543.
167 Pour une analyse générale de la compétence de la CEDH à l'égard des traités, voir Shelton, « The Boundaries of Human Rights Jurisdiction in Europe » 13 Duke J. of Comp. & Int'l L. 95.
168 Assenov et autres c. Bulgarie, requête n° 90/1997/874/1086, 28 octobre 1998, au para. 93; voir aussi Selmouni c. France (25803/94), (2000) 29 E.H.R.R. 403, au para. 95.
169 A. c. Royaume-Uni, (1999) 27 Eur. H.R. Rep. 611, au para. 20.
170 Irlande c. Royaume-Uni (5310/71), (1978) 25 C.E.D.H. (Sér. A), [1978] CEDH 1 [« Affaire Northern Ireland »].
171 Convention européenne des droits de l'homme, art. 3. Le Canada n'est pas partie à cette convention.
172 La décision démontre que [TRADUCTION] « le droit international évolue
» : « Tortured Logic », au para. 43.
173 Affaire Northern Ireland, au para. 167.
174 Elle est restée en garde à vue pendant trois jours, apeurée et désorientée par le bandeau qui lui couvrait les yeux, dans un état permanent de douleur physique et d'angoisse provoquées par les coups accompagnant les séances d'interrogatoire et l'incertitude sur son sort. On la montra aussi nue, dans des circonstances humiliantes, ce qui ne pouvait qu'accentuer son sentiment de vulnérabilité. Aydin c. Turquie, requête n° 23178/94 (1998) 25 E.H.R.R. 251, au para. 84.
175 Raninen c. Finlande (1997), VI Cour européenne des droits de l'homme 2260, au para. 55.
176 Affaire Northern Ireland, au para. 167.
177 Voir « Tortured Logic », à la p. 45 pour une analyse sur ce point.
178 Tomasi c. France, n° 12850/87 [1992] CEDH 53 (27 août, 1992), au para. 45.
179 Ibid., au para. 112.
180 Ibid., au para. 113.
181 Ribitsch c. Autriche (1995), 336 C.E.D.H. (Sér. A) 6, au para. 12.
182 Ibid., au para. 38.
183 Tekin c. Turquie, Requête n° 52/1997/836/1042 9 juin 1998, aux paras. 49 et 54.
184 L'affaire Grecque, (1972) 12 Annuaire de la Convention européenne des droits de l'homme, à la p. 74.
185 L'affaire Northern Ireland, au para. 167.
186 Raninen c. Finlande (1997), VI, C.E.D.H., R. 2260, Rapport de la Commission n° 20972/92 24 octobre 1996.
187 East African Asians c. Royaume-Uni (1981), 3 E.H.R.R. 76, au para. 189.
188 The Judgment Concerning the Interrogation Methods Implied by the GSS, Cour suprême d'Israël, reçu à la Haute Cour, 6 septembre 1999, site Internet officiel de la Cour suprême d'Israël http://www.court.gov.il (dernière visite le 6 janvier 2008), au para. 18. [« L'affaire GSS Practices »]
189 L'affaire GSS Practices, au par. 23. Voir dans son ensemble Cohen, « Democracy and the Mis-Rule of Law: The Israeli Legal System's Failure to Prevent Torture in the Occupied Territories » (2001) 12 Ind. Int'l & Comp. L. Rev. 75; et Guiora et Page, « The Unholy Trinity: Intelligence, Interrogation and Torture » (2006) 37 Case W. Res. J. Int'l L. 427.
190 Ibid., au para. 29.
191 Ibid., au para. 31.
192 Ibid., au para. 26.
193 Dans cet esprit, il faut examiner le Commentaire du CICR sur la CGIII : « tout amoindrissement de leur personnalité non nécessaire en vue de cette sécurité est à proscrire comme ayant un caractère inhumain.
»
194 Voir Posner et Vermeule, « Should Coercive Interrogation Be Legal? » (2006) 104 Mich. L. Rev. 671.
195 Ibid.
196 R. c. Perka, [1984] 2 R.C.S. 232. Subséquemment, dans R. c. Latimer, [2001] 1 R.S.C. 3, la Cour suprême a établi les éléments de nécessité comme ceci : (1) il doit y avoir un danger ou un péril imminent; (2) il ne doit exister aucune solution raisonnable et légale; et (3) le mal infligé doit être proportionnel au mal évité.
197 R. c. Latimer, au para. 29.
198 Ibid., au para. 38.
199 Ibid., au para. 31.
200 Rubel, « A Missed Opportunity : The Ramifications of the Committee Against Torture's Failure to Adequately Address Israel's Ill-Treatment of Palestinian Detainees » (2006) 20 Emory Int'l L. Rev. 699, aux p. 715-716.
201 Pour une analyse de l'énoncé le plus récent de la Cour suprême du Canada sur l'application extraterritoriale, voir R. c. Hape, [2007] 2 R.C.S. 292.
202 L'article 12 dispose : « Chacun a droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités.
»
203 R. c. Smith, [1987] 1 R.C.S. 1045.
204 Voir l'opinion des juges McIntyre et Le Dain dans R. c. Smith, [1987] 1 R.C.S. 1045 aux pages 1085 et 1111 respectivement.
205 Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3, au para. 51. La Cour a aussi affirmé : « Lorsque le Canada a adopté la Charte en 1982, il a confirmé l'opposition du peuple canadien à la torture sanctionnée par l'État en interdisant, à l'art. 12, les traitements ou peines cruels et inusités
».
206 La Cour suprême du Canada n'a pas expressément reconnu que l'article 12 devrait être interprété en conformité aux obligations conventionnelles que le Canada s'est engagé à respecter. Dans R. c. Smith, toutefois, le juge Lamer cite l'article 7 du PIRDCP, l'article 5 de la DUDH et l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme dans son analyse de l'article 12.
207 Kindler c. Canada (Ministre de la Justice) (1991), 67 C.C.C. (3e) 1, aux paras. 145 à 149.
208 R. c. Morrisey (2000), 148 C.C.C. (3d) 1, à la p. 16-17. La Cour a examiné ces principes en les approuvant dans R. c. Wiles, [2005] 3 R.C.S. 895.
209 Kindler c. Canada (Ministre de la Justice) (1991), 67 C.C.C. (3e) 1, au para. 152.
210 Ibid., lequel reprend la décision du juge Lamer dans R. c. Smith.
211 R. c. Wiles, [2005] 3 R.C.S. 895.
212 Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Chiarelli, [1992] 1 R.C.S. 711.
213 Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration) (2007), 1 R.C.S. 350. Voir aussi El Megreisi c. Libyan Arab Jamahiriya 440/1990 HRC, DOAG, 50e session, 23 mars 1994 (être retenu par l'État indéfiniment, sans contact avec le monde extérieur, est inhumain).
214 Rapport du Rapporteur spécial sur la torture, E/CN.4/2006/6, au para. 34.
215 Ibid., au para. 41.
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