Un vétéran de la guerre de Corée se souvient de la « guerre oubliée »

Nouvelles de la Marine / Le 11 mars 2022

Par Peter Mallett

Plus de 70 ans se sont écoulés depuis le déploiement de navires de guerre de la Marine royale canadienne (MRC) en Corée, mais l’adjudant-chef retraité Tom Larkin se souvient très bien de l’époque où il était à bord du Navire canadien de Sa Majesté (NCSM) Sioux.

Ce destroyer de classe V était l’un des trois navires de guerre canadiens déployés pour la première fois en Corée pour commencer le bombardement des positions communistes le long de la côte. L’ennemi a riposté en tirant ses propres missiles, mais le Sioux n’a jamais été touché directement. Cela n’a toutefois pas empêché les marins d’avoir les nerfs à vif lorsque l’un d’eux est tombé et a explosé le long de leur navire.

« À l’époque, nous n’avons jamais pensé que c’était trop dangereux parce que nous étions trop jeunes et trop stupides pour avoir peur, a-t-il déclaré. Mais oui, les explosions rendaient tout le monde nerveux et quand elles explosaient, elles me faisaient presque tomber de ma couchette quand je dormais, ou m’ébranlaient lorsqu’elles explosaient quand j’étais à mon poste au laboratoire des transmissions.

Aujourd’hui, il a 91 ans et vit au Veterans’ Memorial Lodge à Victoria.

Chaque fois qu’il pense à son séjour en Corée, il se souvient aussi du coût humain de toutes les guerres. En effet, le second mari de la mère de M. Larkin, Herbert Michaud, n’est jamais revenu de la guerre. Il a fait le sacrifice ultime en servant dans l’Armée canadienne pendant la Seconde Guerre mondiale et a été tué en combattant avec les Alliés le long de la ligne gothique dans le Sud de l’Italie.

« C’était un homme bon, il était bon envers moi, et il était toujours là pour la famille quand nous avions besoin de lui – mais il n’est jamais rentré d’Europe, a déclaré M. Larkin. Mon père (biologique) est mort de la tuberculose et je n’ai jamais vraiment pu le connaître non plus. »

Sans père et pour aider à joindre les deux bouts au Canada, M. Larkin a accepté un emploi de chargement de locomotives à combustible pour les Chemins de fer nationaux du Canada à Regina, tout en travaillant dans les fermes locales pendant les récoltes. Il admet qu’il s’est retrouvé avec plus de responsabilités que la plupart des jeunes hommes de son âge.

Sa mère, deux fois veuve, a dû l’élever seule, ainsi que ses trois sœurs.

En 1947, à l’âge de 17 ans, il a vu dans le journal local un article indiquant que la MRC était à la recherche de recrues. L’article a attiré son attention, mais la signature de sa mère était nécessaire pour qu’il s’enrôle. Malgré la perte tragique du second mari de sa mère, elle a signé les formulaires. En quelques mois, le jeune Larkin s’est retrouvé à suivre son instruction élémentaire à la BFC Esquimalt, en Colombie-Britannique.

La guerre froide

Après avoir terminé son instruction élémentaire, le matelot de 3e classe Larkin a été affecté au NCSM Athabaskan comme signaleur. Il débordait d’enthousiasme à l’idée de se lancer dans une carrière navale.

« La vie dans la Marine était formidable et j’avais une carrière intéressante avec beaucoup de choses à apprendre et de compétences existantes à améliorer, a-t-il déclaré. Les autres hommes étaient de formidables compagnons et j’admirais les officiers qui nous traitaient bien et étaient justes, pas comme les capitaines Bligh qui sont dans les romans. »

Il a excellé en tant que signaleur. Si les transmissions radio entre les navires pouvaient être interceptées par l’ennemi, lire leurs signaux n’était pas si facile. La plupart des signaleurs pouvaient effectuer entre 12 et 15 signaux par minute en code Morse; M. Larkin dit qu’il pouvait en effectuer 20 par minute.

Après avoir acquis la maîtrise des signaux, sa vie et le monde dans lequel il vivait ont changé. En juin 1950, le Canada a commencé les opérations militaires de l’ONU en Corée après que l’ONU eut demandé à la Corée du Nord de retirer ses forces au nord du 38e parallèle.

Larkin a été affecté de nouveau au NCSM Sioux. Son navire, ainsi que les NCSM Cayuga et Athabaskan, ont effectué des bombardements de positions communistes et ont poursuivi les navires ennemis dans la mer Jaune, les empêchant de débarquer.

La « guerre oubliée »

Après un déploiement de sept mois, le Sioux est retourné brièvement au pays à Esquimalt, et a été déployé de nouveau deux mois plus tard.

Il partage le sentiment de nombreux vétérans et historiens de la guerre de Corée qui appellent la guerre de Corée la « guerre oubliée » du Canada. M. Larkin déclare qu’il y a eu peu de couverture médiatique de la guerre au Canada et qu’il n’y a pas eu d’accueil en héros pour les soldats revenant du champ de bataille, contrairement à la Première et à la Seconde Guerre mondiale.

Après la guerre, il est resté dans la Marine pendant plus de deux décennies, atteignant le grade d’adjudant-chef (pour plus de renseignements sur la structure des grades à cette époque, voir ci-dessous).

Dans les années qui ont suivi son service militaire, il a travaillé comme instructeur à l’École de la flotte, comme répartiteur pour l’Administration de pilotage du Pacifique et le détachement de Saanich (C.-B.) de la GRC, et aussi pendant un certain temps garde de parc pour les parcs provinciaux de la Colombie-Britannique.

Époux dévoué pendant 66 ans, M. Larkin et son épouse, Joan, ont élevé cinq enfants dans la région de Victoria. Au fil des ans, la famille s’est agrandie avec trois petits-enfants et quatre arrière-petits-enfants.

« La famille est très fière de papa, a déclaré son fils John Larkin. Étant un enfant des années 1960, je ne me suis pas rendu compte immédiatement de l’importance de son service militaire en Corée et je n’ai commencé à m’en rendre compte que plus tard dans ma vie. »

Joan est décédée en 2017. Avec une santé déclinante, M. Larkin a déménagé au Veterans’ Memorial Lodge au printemps 2019, et a utilisé un déambulateur et un fauteuil roulant pour se déplacer ces jours-ci. John et ses sœurs, Judi, Kim et Kara, lui rendent régulièrement visite.

« Il n’a pas perdu son enthousiasme et nous étonne encore avec ses souvenirs de la guerre et ses voyages dans la Marine et au-delà », a déclaré John.

*Il est à noter que la Marine royale canadienne, l’Aviation royale canadienne et l’Armée canadienne ont été unifiées en une seule organisation – les Forces armées canadiennes (FAC) – en 1968. Dans le cadre de cette unification, les grades de la Marine ont été éliminés en faveur d’une structure de grades unique pour l’ensemble des FAC. Dans le cadre de ce système, M. Larkin a pris sa retraite avec le grade d’adjudant-chef au lieu du grade de premier maître de 1re classe, propre à la Marine. En 2014, bien des changements apportés dans le cadre de l’unification ont été annulés.

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