Domaines d’intérêt 2023 du Chef d’état-major de la Défense

Le 8 février 2023 - Nouvelles de la Défense

Message du CEMD
 

Maintenant que nous avons donné le coup d'envoi de 2023, je tiens à faire le point sur l’état des Forces armées canadiennes, mes domaines d’intérêt actualisés et la voie à suivre. Je considère toujours que notre rôle principal est de continuer à fournir une force qui fait preuve d’excellence opérationnelle de manière à refléter l’identité et les valeurs dont les Canadiens sont si fiers. Ce rôle est de plus en plus difficile à assumer, car notre environnement géopolitique se transforme très rapidement, et nous devons rester déterminés à faire avancer cette institution afin d’atteindre nos objectifs. Chacun de nous a un rôle à jouer à cet égard.

Nous vivons à une époque où le contexte de la sécurité mondiale se détériore, où les normes, les comportements et les relations qui ont sous-tendu l’ordre international fondé sur des règles sont menacées par des acteurs hostiles compétents. En termes simples, le Canada et ses alliés sont confrontés à un environnement de menace multidimensionnelle qui mine la démocratie et ses institutions, lesquelles sont attaquées par des adversaires qui cherchent à établir un ordre fondé sur l’autoritarisme.

Nos forces armées, à titre d’institution responsable de la défense de notre pays, ont un rôle encore plus important à jouer à mesure que la sécurité mondiale diminue autour de nous. Et dans les années et les décennies à venir, nous serons de plus en plus appelés à agir. Cette dure réalité nous donne un point de concentration, une raison d’être et une signification.

Qu’est-ce que cela signifie pour nous? Premièrement, nous devons nous souvenir que le rôle des militaires dans une démocratie, la marque distinctive du professionnalisme militaire, consiste à servir le peuple représenté par ses représentants dûment élus. Cela veut dire que même si nous sommes un reflet de la culture, des normes et des valeurs de la société canadienne, la confiance et les responsabilités accrues que nous avons nécessitent une conduite irréprochable.

Ensuite, il s’agit de faire ce que nous pouvons, dans notre propre sphère d’influence et de contrôle, afin d’être les meilleurs possible dans notre profession, d’être de solides chefs et équipiers, tout en prenant soin de nos subordonnés, les uns des autres, et de nous-mêmes. Cela signifie que chacun doit être prêt à tout ce qui pourrait arriver, et faire preuve de résilience face au défi. En effet, je ne me fais aucune illusion quant à nos défis en tant qu’institution. En fait, je réalise que les FAC ont toujours affronté des défis tout au long de leur histoire et, alors que nous relevons les défis d’aujourd’hui, nous serions bien avisés de nous souvenir des bonnes choses et des forces extraordinaires qui nous définissent en tant que membres de la profession des armes. Il n’a jamais été aussi important que maintenant de tirer parti de notre objectif honorable, de notre engagement inébranlable, de notre esprit d’équipe et de notre camaraderie, ainsi que de notre dévouement indéfectible.

Pour moi, tout cela veut dire canaliser ma propre énergie et bande passante vers quatre domaines d’intérêt, ou lignes d’effort qui, selon moi, sont nécessaires si nous voulons rebâtir notre disponibilité opérationnelle et les forces armées. Ces domaines d’intérêt sont la reconstitution, la culture, les opérations et la modernisation. Je ne les désigne pas comme des « priorités », car ils sont tous étroitement liés, se soutiennent mutuellement et doivent évoluer en parallèle, tandis que les activités individuelles dans chaque domaine se déplacent vers le haut et le bas de la liste en fonction des circonstances.

Reconstitution

La reconstitution est un terme que bon nombre d’entre nous, les militaires, connaissons très bien. Des mesures de reconstitution sont souvent appliquées aux niveaux tactique, opérationnel et stratégique afin de ramener les unités à un état de préparation acceptable. La reconstitution des FAC vise à rebâtir nos effectifs en visant principalement le recrutement et le maintien des effectifs, et en modernisant notre système de gestion du personnel. Le facteur de limitation, une ressource stratégique, est le leadership de niveau intermédiaire, lequel doit être bien ciblé sur des activités à valeur élevée. Il n’existe pas de solution miracle pour la reconstitution ni une activité particulière que nous devons cesser d’exercer pour rediriger la capacité. Au contraire, chaque activité que nous entreprenons, chaque nouvelle tâche qui nous est offerte et chaque nouvelle politique doit être examinée dans une optique de reconstitution. Quel est le coût si nous la réalisons? Quelle valeur relative ajoute-t-elle? Quels sont les risques et les répercussions si nous la retardons ou cessons de la faire? Comment cela sert-il l’institution dans son ensemble? Je vous demande à tous, particulièrement ceux qui occupent des postes de commandement, de jeter un regard critique sur nos activités.

Il y a de nombreuses initiatives en cours qui appuieront la reconstitution, mais elles sont trop nombreuses pour être énumérées ici. La modernisation du recrutement progresse rapidement, en se concentrant sur la simplification du processus, y compris les examens médicaux et l’expérience en ligne, et en augmentant les activités de publicité et d’attraction. Nous avons ouvert récemment tous les groupes professionnels aux résidents permanents, et dans les semaines qui ont suivi, nous avons reçu des milliers de candidatures de personnes qui souhaitent offrir un service utile à leur nouveau pays. De plus, au-delà du recrutement, des travaux sont en cours pour accroître l’efficacité dans les systèmes d’instruction, réduire le temps d’attente et trouver des façons créatives d’obtenir des qualifications individuelles tout en tenant compte de ce que j’appelle notre « qualité de service » grâce à une gamme d’initiatives de maintien des effectifs. À tous égards, tout est sur la table.

Culture

La culture de notre institution est un autre domaine auquel, comme vous, je continue d’attacher une grande importance. Notre culture est une manifestation tangible de qui nous sommes en tant que forces armées. Nous devons être des forces armées qui reflètent et incarnent les valeurs et les attentes énoncées dans le document L’éthos des Forces armées canadiennes : Digne de servir, publié l’année dernière. Je vous demande à tous de l’intégrer dans vos vies.

Notre culture, à juste titre selon moi, a fait beaucoup parler d’elle au cours des dernières années. Il est essentiel d’offrir un milieu de travail inclusif et respectueux et sûr où chacun a un sentiment d’appartenance et peut contribuer à notre mission plus vaste de défense du pays. De même, nous devons inculquer davantage une culture d’innovation, de tolérance au risque calculé, d’apprentissage continu, de sensibilisation à la sécurité et de recadrage de notre compréhension de la situation. En même temps, notre culture doit continuer à préconiser le service exemplaire, la volonté de s’exposer à un danger pour faire le travail et la protection d’autrui.

Des mesures concrètes sont en cours au niveau stratégique ainsi que des activités au niveau des unités, et nous sommes tenus de rendre compte des progrès. Il s’agit notamment de la mise en œuvre continue des recommandations de l’Examen externe complet et indépendant et les récentes mises à jour de nos efforts au Parlement. Il est certainement trop tôt pour déclarer la réussite, et je sais qu’il y aura des échecs et des erreurs en cours de route – nous sommes, après tout, une organisation humaine – mais nous devons continuer d’apprendre et de progresser, prendre la voie la plus élevée et rester au-dessus de la mêlée.

Nous devons continuer à avancer en nous concentrant sur cet aspect existentiel de notre profession, en n’oubliant jamais que nous devons nous adapter et accepter des risques pour effectuer des changements significatifs, et dans tout ce que nous faisons, nous devons servir le Canada conformément aux attentes des Canadiens, peu importe la façon dont elles évoluent, et en fin de compte toujours faire ce qu’il faut.

Opérations

Pendant que nous reconstituons notre culture et la faisons évoluer, la demande opérationnelle n’a pas diminué et elle ne diminuera pas. Cela dit, j’examine chaque opération en cours et chaque nouvelle demande dans une optique de reconstitution. Ce faisant, nous devons tenir compte de plusieurs questions : De manière réaliste, que pouvons-nous générer, et pouvons-nous obtenir l’effet stratégique voulu? Quel est le coût de cette occasion? Comment pouvons-nous maximiser les occasions de déploiement pour nos membres juniors tout en continuant à développer les FAC? À quelles activités ou autres opérations sommes-nous prêts à mettre fin pour pouvoir en entreprendre de nouvelles?

La situation en Ukraine en est un exemple manifeste. Il s’agit littéralement de la première ligne de défense de l’ordre international fondé sur des règles (ou en réalité la première ligne de la liberté), et nous devons demeurer résolus à faire notre part, sans étendre la guerre, et à vaincre l’agression russe. Pour ce faire, nous devons continuer d’adapter notre instruction, notre matériel et d’autres soutiens à mesure que la guerre progresse. Ce ne sera pas un engagement à court terme.

Rééquilibrer notre empreinte dans le monde en fonction des priorités nationales représente un défi constant. La Stratégie pour l’Indo-Pacifique publiée récemment est un autre exemple où nous devrons agir de façon très ciblée quant à ce que nous déployons, au moment de le faire, et aux personnes qui participent, particulièrement pour équilibrer les capacités de la Marine royale canadienne entre cette région et le reste du monde. En ajoutant ce besoin au reste, nous continuerons à participer très activement en Europe dans le cadre des opérations UNIFIER et REASSURANCE, et encore davantage avec notre présence et notre expertise dans l’Arctique et d’autres secteurs de défense continentale. Ce ne sera pas facile, et nous ne pourrons pas satisfaire tout le monde, car chacun veut plus de FAC.

Modernisation

Nous ne pouvons pas être si préoccupés par les défis d’aujourd’hui que nous hypothéquons notre avenir, et par conséquent la modernisation des FAC continue d’être un domaine d’intérêt. Nous devons continuer à mettre en œuvre les plans établis dans la Politique de défense du Canada : Protection, Sécurité, Engagement, ainsi que ceux qui s’inscrivent dans la modernisation du NORAD. Nous devons poursuivre nos efforts pour créer une force axée sur le numérique, bâtie sur des normes et des technologies qui permettent de mener des opérations interarmées des FAC et des opérations avec nos partenaires et nos alliés. Nous devons continuer à élaborer nos concepts opérationnels et notre structure des forces de l’avenir, et à renforcer le maintien en puissance opérationnel comme une fonction sur laquelle reposent toutes les opérations au pays et à l’étranger.

La guerre de la Russie en Ukraine nous enseigne de nombreuses leçons concernant la nature changeante et durable de la guerre. Nous devons intégrer ces leçons, du niveau tactique au niveau stratégique, et ce, rapidement.

Cela témoigne de la criticité absolue de la prochaine mise à jour de la politique de défense, qui sera terminé prochainement et qui a été demandée le printemps dernier. Je crois fermement qu’elle doit s’attaquer à une foule de préoccupations critiques sur lesquelles repose notre état de préparation pour défendre le Canada, les intérêts canadiens, et la prospérité nationale durant les années dangereuses à venir.

Conclusion

Nous sommes à l’aube d’énormes changements, dans chacun des quatre domaines d’intérêt et au-delà de ceux-ci, et ces changements ne seront possibles qu’avec vous et avec ceux qui sont dévoués comme vous à servir notre pays. Le service militaire n’est pas facile, mais il donne un but transcendant – faire partie de quelque chose de plus grand que soi et vraiment axé sur le bien commun.

Nous vivons des temps difficiles qui demandent de la résilience et de l’engagement. Je suis déterminé à faire tout en mon pouvoir, durant le temps de service qu’il me reste, pour améliorer constamment nos forces armées, vos conditions de service, et finalement notre capacité à réussir nos opérations et à vaincre lors d’une guerre.

Votre pays aura de plus en plus besoin de votre service à l’avenir, même si tout le monde ne saisit pas pleinement l’ampleur de la menace croissante. Je vous demande de prendre soin de vos subordonnés et collègues, de vos familles et amis, et de vous-mêmes – vous faites tous partie d’une force pour le bien dans un monde dangereux. En fin de compte, nous continuerons d’être appelés à faire de nombreuses choses, mais il ne faut pas oublier que l’incarnation finale du rôle d’un militaire est de combattre et de vaincre. Si nous restons vraiment axés sur cet objectif, nous réussirons tout en perpétuant la tradition sacrée de service de ceux qui nous ont précédés.

 

W.D. Eyre

Le général
Le Chef d’état-major de la Défense

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