Des attentes irréalistes : la mission vouée à l’échec de la Luftwaffe durant la bataille d’Angleterre - Partie V

Le 21 septembre 2020 - Nouvelles de la Défense

Auteur : Major James Pinhorn

Les membres du personnel du 1er Escadron de l’ARC se font prendre en photo.
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    Les membres du personnel du 1er Escadron de l’ARC se font prendre en photo à la station de la Royal Air Force Croydon, en Angleterre, en juillet 1940. À l’avant, on voit les lieutenants d’aviation G. G. Hyde (à gauche), W. P. Sprenger et J. W. Kerwin. Dans la rangée du milieu se trouvent le lieutenant d’aviation B. E. Christmas (à gauche), le capitaine W. D. Rankin (médecin militaire), le lieutenant d’aviation O. J. Peterson, le capitaine d'aviation G. R. McGregor, le lieutenant d’aviation A. Deane Nesbitt, le lieutenant d’aviation S.T. Blaiklock (officier du renseignement), le capitaine d'aviation H. de M. Molson, le capitaine d'aviation E. M. Reyno, le capitaine d'aviation J. P. J. Desloges, le commandant d’aviation E. A. McNab et le lieutenant d’aviation P. B. Pitcher. À l’arrière, on voit les lieutenants d’aviation R. Smither (à gauche), Tom B. Little, A. M. Yuile, E. W. Beardmore, B. D. Russell et E. C. Briese.

    PHOTO : DND-pmr80-620

À l’été 1940, les perspectives d’avenir de la démocratie en Europe sont très sombres. La machine militaire d’Adolf Hitler, qu’il semble impossible d’arrêter, s’est rendue maître de la plus grande partie de l’Europe de l’Ouest en moins de deux mois, et seule la Manche sépare l’Allemagne nazie des derniers remparts de la démocratie en Europe.

Pour commémorer le 80e anniversaire de la bataille d’Angleterre, nous publions cette série historique en six volets fondée sur l’article rédigé par le Major Jim Pinhorn et publié dans le cadre des Articles de nouvelles de l’ARC.

Partie V

En fait, le Fighter Command de la RAF devient de plus en plus puissant à mesure que la bataille se déroule, alors que l’attrition a des conséquences très graves pour les forces allemandes.

Les erreurs du renseignement allemand jouent également un rôle dans l’échec de la campagne de bombardement de la Luftwaffe. Même si les objectifs de la force aérienne vont de la destruction de la marine marchande aux bombardements visant à terrifier les citoyens britanniques, l’industrie aéronautique britannique est la cible qu’il faut vraiment détruire, si les Allemands veulent vaincre le Fighter Command. Ce n’est qu’en freinant l’approvisionnement constant en nouveaux avions que les Allemands peuvent espérer remporter la bataille de l’attrition qui se joue à l’été 1940, mais le renseignement allemand est incapable de dresser des listes d’objectifs bien informées et de déterminer les cibles à attaquer. De plus, le renseignement allemand n’est jamais en mesure de faire un suivi précis des répercussions des attaques aériennes. Sans information exacte, les commandants allemands ont peu de chance de mener une campagne de bombardement efficace.

En dernière analyse, le facteur déterminant de la défaite est la piètre qualité du leadership allemand. Hitler semble avoir acquis la conviction que la menace d’une invasion suffirait à elle seule à faire céder les Britanniques. Dans un discours au Reichstag en juillet 1940, Hitler déclare qu’« un grand empire sera détruit, un empire qu’[il] n’a jamais eu l’intention de détruire ni même d’ébranler ». Il présume que les Britanniques comprendront qu’ils se trouvent dans une situation périlleuse et qu’une paix négociée peut être conclue.

Hitler n’est pas le seul à penser ainsi. Compte tenu de la précarité de la situation militaire des Britanniques, les dirigeants du monde entier supposent qu’ils solliciteront la paix. Devant ces sombres perspectives, il semble que l’Angleterre n’a d’autre choix que de négocier. L’ambivalence d’Hitler crée de la confusion chez les stratèges de la Luftwaffe quant aux objectifs politiques et militaires qu’ils doivent atteindre; n’ayant pas de but précis, la Luftwaffe se lance dans une campagne contre la Grande-Bretagne au cours de laquelle elle change fréquemment d’objectif, et elle ne parvient jamais à déterminer les moyens de vaincre les Britanniques.

La détermination farouche du premier ministre britannique Winston Churchill joue un rôle vital dans les efforts de sa nation pendant la bataille. Malgré les nombreuses prédictions concernant la chute imminente de la Grande-Bretagne, Churchill jure de continuer le combat et de ne « jamais capituler ». Churchill soutient que les Britanniques « en noieront le plus grand nombre possible en chemin et qu’ils vont ensuite frapper sur la tête de tous ceux qui parviendront à nager jusqu’au ravage. » Dès le départ, Churchill établit clairement l’objectif de la Grande-Bretagne, et il s’ensuit que l’effort national est bien ciblé. La détermination de Churchill est une source d’inspiration inestimable pour les citoyens britanniques et pour les hommes du Fighter Command qui auront pour mission d’organiser la défense.

Göring, chef de la Luftwaffe sous Hitler, a tendance à prendre des décisions impulsives et imprévisibles. Il n’y a pas d’ordre de priorité pour orienter les efforts de la Luftwaffe. À mesure que la bataille se déroule, il change de plus en plus souvent les objectifs. L’absence d’orientation qui caractérise les efforts allemands contraste fortement avec la détermination inébranlable des Britanniques. Ayant compris dès le début que le but des missions offensives répétées des Allemands était de faire sortir les chasseurs britanniques et de les amener à s’engager dans une bataille décisive, le Maréchal en chef de l’Air Dowding refuse de jouer le jeu de Göring. Dowding insiste pour que le Fighter Command ne participe à une bataille qu’à condition que la possibilité d’attaquer les bombardiers ennemis se présente, ce qui prive les Allemands de l’occasion d’établir la supériorité aérienne dont ils ont besoin et de permettre à la RAF de ne pas gaspiller ses ressources limitées dans des batailles peu susceptibles d’aider la Grande-Bretagne à réaliser son objectif, c’est-à-dire empêcher une invasion. Dowding a compris dès le départ que, pour parvenir à franchir la Manche, l’ennemi doit posséder la supériorité aérienne, et que cette supériorité ne peut être établie qu’en détruisant le Fighter Command. En refusant de s’engager dans des combats de chasseurs décisifs, Dowding se donne les moyens de poursuivre la lutte et de forcer les Allemands à accepter ce qui deviendra finalement des pertes inacceptables de bombardiers. Dowding refuse de changer sa ligne de conduite et, au bout du compte, sa stratégie l’emporte.

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