Filtres ultraviolets – Notes de l'Institut canadien de conservation (ICC) 2/1
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Dommages causés par le rayonnement ultraviolet (UV)
Le rayonnement UV émet beaucoup d’énergie et nuit à la stabilité des matériaux. L’exposition prolongée aux UV fragilise les matériaux organiques, comme les textiles, le papier, les liants des peintures et les plastiques; la dégradation se manifeste souvent par une friabilité accrue, des craquelures ou du farinage (comme on le constate parfois sur les feuils de peinture). Elle provoque aussi le jaunissement des vernis et de plusieurs types de plastiques, ainsi que la décoloration de nombreuses teintures et de nombreux pigments. Il importe toutefois de noter que tant les UV que le rayonnement visible (la lumière) causent la décoloration. C’est pourquoi il est incorrect de présumer qu’éviter l’exposition aux UV mettra un frein à ce type de dommage. Les colorants très sensibles à la lumière se décolorent surtout sous l’effet de la lumière, même si les UV contribuent accessoirement à ce résultat, alors que le contraire est habituellement vrai dans le cas des colorants moins photosensibles (McLaren, 1956). Réduire au minimum l’exposition aux UV des matériaux qui y sont sensibles préviendra les dommages et, puisque ce rayonnement n’est pas essentiel pour voir les objets dans la plupart des musées, en abaisser le niveau n’aura aucune incidence sur la qualité de l’exposition. Les publications de Michalski (1987 et 2011) contiennent des renseignements sur la sensibilité relative des matériaux aux UV.
Il existe deux grandes méthodes pour réduire les effets des UV sur les objets exposés. La première est de réduire l’importance des UV reçus par les objets éclairés, notamment en choisissant les sources de lumière qui en émettent le moins, en réduisant l’intensité lumineuse ou en filtrant les UV de la source. La seconde méthode consiste à diminuer la durée d’exposition des objets. S’il est impossible d’abaisser le degré d’exposition aux UV à un niveau acceptable, la durée d’exposition peut être limitée afin de réduire les dommages. La présente Note de l’ICC porte principalement sur les moyens de filtrer les UV mais, dans la pratique, il convient d’envisager toutes les méthodes.
Efficacité des filtres UV
Les caractéristiques techniques des filtres UV à utiliser de manière générale dans les musées ont été publiées en 1978 (Thomson). Dans ces caractéristiques, la réduction des UV est ciblée à différentes longueurs d’onde : une réduction minimale de 50 % de la transmission de la lumière (la transmittance) à 400 nm, comparativement à la valeur de la transmittance à 550 nm (au milieu de l’intervalle du spectre visible), et une réduction minimale de 99 % aux longueurs d’onde de 380 et 320 nm. Ces critères sont assez difficiles à remplir (particulièrement en ce qui a trait à la réduction minimale de 50 % à 400 nm), comme le montrent les essais de 17 filtres UV en verre et en plastique effectués par l’Institut canadien de conservation (ICC) en 2012. En effet, seulement 35 % des filtres évalués respectaient cette exigence.
Par ailleurs, les caractéristiques publiées en 1978 ont pour inconvénient que la filtration du rayonnement dans la plage de 380 à 400 nm provoque un léger jaunissement de la lumière en raison de la réduction du rayonnement violet à la limite du spectre visible. Heureusement, cet effet est moins frappant sans comparaison directe. L’Organisation internationale de normalisation a établi une norme moins rigoureuse pour la protection des photographies (ISO, 2007) en recommandant la réduction globale de 97 % de la transmittance des UV dans la plage de 300 à 380 nm. La norme exclut la plage problème de 380 à 400 nm et ne tient pas compte de la réactivité de différentes longueurs d’onde. De tous les filtres UV sur lesquels l’étude de l’ICC a porté, 88 % respectent ces critères.
Il existe aussi des normes propres à des matériaux particuliers, comme les feuilles d’acrylique qui contiennent des absorbeurs UV. Ainsi, selon les exigences de la norme ASTM D4802-10 – Standard Specifications for Poly(Methyl Methacrylate) Acrylic Plastic Sheet, les UV sont réduits d’au moins 95 % dans la plage de 200 à 390 nm. Les produits en acrylique qui filtrent les UV et respectent les exigences de cette norme semblent offrir une solution acceptable dans le domaine de la conservation. Certains fabricants indiquent que leurs produits assurent une réduction de la transmission des UV en se basant sur les méthodes d’essai précisées dans ASTM E903-12 – Standard Test Method for Solar Absorptance, Reflectance, and Transmittance of Materials Using Integrating Spheres ou dans ASTM D1003-13 – Standard Test Method for Haze and Luminous Transmittance of Transparent Plastics. Les résultats de ces essais sont toutefois peu significatifs si le fabricant ne spécifie pas la plage d’UV visée par l’essai. Dans l’industrie des fenêtres, les fabricants se reportent souvent à la méthode d’essai NFRC 300-2010E1A0 – Test Method for Determining the Solar Optical Properties of Glazing Materials and Systems, du National Fenestration Rating Council Incorporated (2010), pour publier l’efficacité de leurs produits. Ces essais évaluent l’efficacité du vitrage (pellicules et verre) dans la plage des UV et du spectre visible (de 300 à 700 nm). Le verre teinté ou plus foncé obtient des résultats élevés; il réduit non seulement les UV, mais aussi l’intensité des longueurs d’onde du rayonnement visible, qui jouent sur la qualité de la lumière. Pour éviter les erreurs d’interprétation, il est utile de comparer l’efficacité de matériaux de vitrage qui ont la même transmittance dans le spectre visible (p. ex. comparer le vitrage transparent au sein d’un groupe et le vitrage présentant la même réduction dans le spectre visible au sein d’un autre).
Puisque l’évaluation de l’efficacité des filtres UV exige l’emploi d’un spectrophotomètre pour déterminer la réduction de la transmittance de longueurs d’onde particulières, de nombreuses personnes mesurent les UV à l’aide d’un instrument portatif qui cible une bande spectrale précise. Compte tenu de l’efficacité réelle des filtres UV offerts sur le marché, il est recommandé d’utiliser des filtres qui peuvent réduire de plus de 90 % le niveau relatif ou le niveau absolu des UV. Pour plus de détails sur le niveau relatif et le niveau absolu des UV, consulter la Note de l’ICC 2/2 Mesure du rayonnement ultraviolet.
Types de filtres UV
Les filtres UV sont en verre, en plastique rigide ou en plastique mince et souple. Les filtres en verre sont utilisés pour les fenêtres, les projecteurs à faisceau étroit et les enceintes, comme les vitres des tableaux et des vitrines. Les panneaux de plastique s’emploient pour les enceintes et les pellicules de plastique mince, principalement pour les fenêtres.
Les mesures de la réduction des UV indiquées ci-après ont été effectuées à l’aide d’un instrument Elsec 764 qui mesurait, en mW/m2, l’intensité des UV sous un ciel bleuNote de bas de page 1 dégagé (à Ottawa, en début d’après-midi, en septembre 2012), avec et sans panneaux filtres.
Verre
Selon les résultats obtenus à l’aide d’un instrument de mesure des UV de marque Elsec, les filtres UV en verre ordinaire réduisent les UV d’environ 26 % (± 11 %), tandis que les filtres UV en verre destinés aux musées les réduisent en moyenne de 83 % (± 14 %). Remarque : les composés organiques absorbeurs d’UV dans le verre ou à sa surface se dégradent au fil du temps, particulièrement s’ils sont exposés à de hauts niveaux d’intensité des UV; les composés inorganiques correspondants devraient quant à eux demeurer stables.
Panneau de plastique rigide
Les panneaux de plastique transparents sont généralement fabriqués en acrylique, en polycarbonate ou en polystyrène. La plupart offrent une certaine protection contre les UV, principalement pour la protection du plastique lui-même. Les filtres UV recommandés dans le domaine de la conservation réduisent les UV de 99 % (± 1 %), alors que les produits en acrylique qui répondent à la norme ASTM D4802-10 les réduisent d’au moins 95 %. Les panneaux diffusants en plastique utilisés pour l’éclairage bloquent aussi une partie des UV, car ils dispersent le rayonnement, réduisant ainsi la quantité de lumière et d’UV à laquelle est exposée une surface donnée (selon les résultats de l’étude de Public Health England [2008], la réduction des UV varie de 17 à 99 %). Comme c’est le cas pour les filtres en verre, les composés organiques qui absorbent les UV de ce type de filtres se dégradent au fil du temps.
Pellicule de plastique mince
Dans les musées, ces filtres UV étaient habituellement des tubes souples entourant les longs tubes fluorescents. Ces tubes sont encore utiles s’il n’y a pas de panneau diffusant en plastique dessous.
Le produit occupe aussi une part importante du marché des pellicules de protection contre le soleil (écrans pare-soleil). Les pellicules, teintées pour la plupart, sont habituellement collées sur la surface intérieure des vitres. Dans les musées, il est toutefois préférable d’employer des pellicules transparentes ou celles du type filtre neutre (aussi appelé « filtre de densité neutre » ou « filtre gris neutre »). Le qualificatif « neutre » indique que la pellicule réduit la transmittance sans altérer la couleur (ou la qualité) de la lumière. Les pellicules de ce type ont une capacité de réduction qui atteint jusqu’à 90 %. Elles sont très utiles quand il faut bloquer les UV et atténuer aussi l’intensité de la lumière qui frappe les objets. Selon les résultats obtenus par Boye et ses collaborateurs (2010), ces pellicules offrent une réduction des UV de 96 % (± 2 %) dans la plage de 300 à 400 nm. Elles ont une vie utile prévue de 10 à 15 ans quand elles sont appliquées à l’intérieur. La pellicule plastique, l’adhésif et le composé organique qui absorbe les UV se dégradent avec le temps, à un rythme qui dépend de certaines conditions, comme la chaleur, la lumière et l’humidité (Vavrova et al., 2004). Certaines pellicules UV exposées au rayonnement du soleil de mi-journée tendent à se dégrader beaucoup plus rapidement (Gordon, 2014). Sous les climats froids, les variations thermiques plus accentuées et la condensation sur les fenêtres risquent de provoquer la délamination des bords de la pellicule, ce qui peut être inesthétique.
L’installation des pellicules sur les fenêtres et leur longévité suscitent aussi d’autres préoccupations. Comme les vitres des fenêtres anciennes sont plus fragiles que celles des fenêtres contemporaines, de nombreux restaurateurs soulignent les risques plus élevés de rayures et de bris qu’on fait courir aux premières lorsqu’une pellicule est installée ou retirée. Il faut être très habile pour assurer une adhérence adéquate, éviter les plis et les bulles d’air, et bien découper la feuille. Il existe d’autres solutions, par exemple l’installation d’un filtre UV en plastique rigide contre la fenêtre ou celle d’un store à enroulement qui filtre les UV.
Lorsque l’application des pellicules UV sur les fenêtres est envisagée, l’emploi de pellicules plastiques de sécurité constitue une autre solution intéressante. Ces dernières sont conçues pour retenir les fragments de verre en cas de bris, ce qui décourage ou retarde les entrées par effraction. Nombre d’entre elles réduisent adéquatement les UV.
Évaluation et mise à l’essai
Avant d’acheter de grandes quantités de filtres UV, il convient d’étudier la documentation technique pertinente afin de déterminer le spectre de transmission du filtre visé. Il faut rechercher des filtres dont la capacité de réduction des UV correspond aux normes reconnues, comme ISO 18902:2007 – Matériaux pour image – Matériaux pour image après traitement – Albums, cadrage et matériaux d’archivage et ASTM D4802-10. Sinon, on doit trouver des filtres capables de réduire les UV dans une plage précise, par exemple de 300 à 380 nm.
Selon les données publiées par Boye et ses collaborateurs (2010), l’efficacité réelle des pellicules filtres UV est généralement inférieure aux allégations, et cette différence peut atteindre les 5 %. Les fabricants de filtres UV semblent avoir légèrement plus confiance en l’efficacité de leurs produits qu’ils ne le devraient. Ainsi, l’efficacité d’un des filtres étudiés était inférieure de 15 % à la valeur alléguée; un autre filtre UV en forme de tube n’était composé que de plastique ordinaire et ne réduisait les UV que de 32 %.
Il faut utiliser des échantillons de filtres pour vérifier la quantité d’UV à laquelle sont vraiment exposés les objets sous le système d’éclairage en place. Comme les filtres UV se dégradent souvent avec le temps, il convient d’évaluer périodiquement (tous les deux ou trois ans) la transmission des UV pour voir si les filtres ont gardé leur efficacité, surtout si les pellicules ont été exposées à de fortes intensités de chaleur et de lumière.
Conclusion
En matière de filtration des UV, il convient généralement de filtrer d’abord la lumière du jour (l’ensoleillement direct et même la lumière provenant d’un ciel bleu Note de bas de page 1) à laquelle sont exposées la collection ou les composantes architecturales de l’immeuble qui pourraient être vulnérables aux UV. La lumière du jour renferme une importante quantité d’UV susceptible de causer une réaction de 10 à 13 fois supérieure à l’éclairage provenant d’une lampe au tungstène de même intensité. Il faut ensuite envisager d’utiliser des filtres sur les sources d’éclairage intérieur et limiter l’exposition à la lumière des objets photosensibles.
Pour des renseignements sur les seuils maximaux des niveaux des UV recommandés, la mesure des niveaux des UV, l’efficacité quantifiée des filtres UV et les effets des UV sur les objets, consulter la Note de l’ICC 2/2 Mesure du rayonnement ultraviolet.
Il est possible d’emprunter des luxmètres et des instruments de mesure des UV auprès de l’ICC par l’intermédiaire du Prêt de matériel de surveillance des conditions ambiantes.
Bibliographie
ASTM INTERNATIONAL. ASTM D4802-10 – Standard Specifications for Poly(Methyl Methacrylate) Acrylic Plastic Sheet, ASTM International, West Conshohocken (Pennsylvanie), 2010.
ASTM INTERNATIONAL. ASTM E903-12 – Standard Test Method for Solar Absorptance, Reflectance, and Transmittance of Materials Using Integrating Spheres, ASTM International, West Conshohocken (Pennsylvanie), 2012.
ASTM INTERNATIONAL. ASTM D1003-13 – Standard Test Method for Haze and Luminous Transmittance of Transparent Plastics, ASTM International, West Conshohocken (Pennsylvanie), 2013.
BOYE, C., F. PREUSSER et T. SCHAEFFER. « UV-Blocking Window Films for Use in Museums–Revisited ». WAAC Newsletter, vol. 32, nº 1 (2010), p. 13-18.
GORDON, L. « UV Filtering Materials. » dans Conservation DistList, Instance 28:8, Message ID cdl-28-8-003, distribué le 25 juillet 2014.
MCLAREN, K. « The Spectral Regions of Daylight Which Cause Fading », Journal of the Society of Dyers and Colourists, vol. 72 (1956), p. 86-99.
MICHALSKI, S. « Damage to Museum Objects by Visible Radiation (Light) and Ultraviolet Radiation (UV) » dans Lighting in Museums, Galleries and Historic Houses, Museums Association, UKIC et Group of Designers and Interpreters for Museums, Londres (Royaume-Uni), 1987, p. 3-16.
MICHALSKI, S. Agent de détérioration : Lumière, ultraviolet et infrarouge, Ottawa (Ontario), Institut canadien de conservation, 2011.
NATIONAL FENESTRATION RATING COUNCIL, INCORPORATED (NFRC). NFRC 300-2010E1a0 – Test Method for Determining the Solar Optical Properties of Glazing Materials and Systems. NFRC, Greenbelt (Maryland), 2010.
ORGANISATION INTERNATIONALE DE NORMALISATION (ISO). ISO 18902:2007 – Matériaux pour image – Matériaux pour image après traitement – Albums, cadrage et matériaux d’archivage, 2e éd., Organisation internationale de mondialisation (ISO), Genève (Suisse), 2007.
PUBLIC HEALTH ENGLAND. Ultraviolet Radiation (UVR) from Fluorescent Lamps, 2008.
TÉTREAULT, J. Mesure du rayonnement ultraviolet, Notes de l’ICC 2/2, Ottawa (Ontario), Institut canadien de conservation, 2014.
THOMPSON, G. The Museum Environment, 1re éd., Butterworths, Londres (Royaume-Uni), 1978.
VAVROVA, P., H. PAULUSOVA et I. KUCEROVA. « The Properties and Lifetime of Polymer UV Films », Restaurator, vol. 25, nº 4 (janvier 2004), p. 233-248.
Jean Tétreault et Cécilia Anuzet
Également publié en version anglaise.
Also available in English.
© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation, 2015
ISSN 1928-5272
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