Racisme, discrimination et travailleurs migrants au Canada : Éléments de preuve tirés des études sur le sujet
Recherche sur les politiques, direction générale de la recherche et de l’évaluation
Nalinie Mooten, Ph.D.
Juillet 2021
Numéro de référence du projet : R8-2020
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Table des matières
- Résumé
- Remerciements
- Acronymes
- Contexte
- Introduction
- Méthodologie
- Section 1 : Racisme et discrimination
- Section 2 : Racisme et discrimination dans l’histoire de l’immigration au Canada
- Partie 1 : Le racisme dans l’histoire de l’immigration au Canada
- Partie 2 : Bâtir un « Canada blanc » : du début du siècle à la Seconde Guerre mondiale
- Partie 3 : Période de l’après-Seconde Guerre mondiale
- Partie 4 : Extirper le racisme explicite de la politique d’immigration
- Partie 5 : Histoire du racisme et des programmes de migration temporaire
- Section 3 : Le racisme et la discrimination dans les programmes de migration temporaire contemporains
- Résumé
- Annexe A
- Bibliographie
Résumé
Le Canada est célébré comme un pays diversifié, multiculturel et inclusif, et il a récolté de nombreuses marques de reconnaissance. Il demeure une destination de choix pour de nombreux immigrants du monde entier. On décrit le Canada comme un « pays de réinstallation », à l’instar de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, c’est-à-dire un endroit où la réinstallation fait partie intégrante de l’édification de la nation et où l’immigration est un élément intrinsèque du patrimoine national (Organisation de coopération et de développement économiques [OCDE], 2015)Note de bas de page 1. En bref, malgré certaines difficultés, le Canada est salué en tant que pays qui se démarque sur le plan de l’immigration et est perçu, en raison de son système d’immigration de main-d’œuvre qualifiée, « comme une référence pour d’autres » pays, comme en témoignent ses bons résultats en matière d’intégration (OCDE, 2019). Bien que la littérature sur le sujet souligne les « failles » dans le modèle d’immigration canadien, y compris sur le plan de l’immigration de main-d’œuvre qualifiée, dans l’ensemble, il est considéré par les autres pays industrialisés occidentaux comme un modèle à reproduire. C’est un phénomène qu’on appelle également « exceptionnalisme » canadien dans le contexte du multiculturalisme et de l’élaboration de politiques d’immigration (Triadafilopoulos, 2021)Note de bas de page 2.
Lorsqu’il s’agit d’examiner les enjeux liés au racisme et à la discrimination dans le système d’immigration canadien dans son ensemble, les auteurs soulignent certains aspects méritant une attention particulière, notamment la migration temporaire, d’où l’intérêt du présent rapportNote de bas de page 3. En effet, la littérature est plutôt hésitante quant au succès du Canada à l’égard des travailleurs migrants. Par conséquent, les auteurs soulèvent des préoccupations quant à l’existence de « deux Canadas », dont l’un accuse des faiblesses au chapitre de la migration temporaire et présente des « zones d’exceptionnalisme » caractérisées par des mesures de protection de la main-d’œuvre et de protection sociale inférieures aux normes ainsi que par des restrictions de la mobilité des travailleursNote de bas de page 4. Pour la majorité des auteurs, la « race », la « classe », le « sexe » ou la « géographie » (c’est-à-dire le pays d’origine), mais aussi le « niveau de compétence » et la « catégorie d’immigration », sont autant de facteurs qui interagissent avec les structures de discrimination historiques générales et actuelles et façonnent les expériences des travailleurs migrants et leur expérience de migration aujourd’hui.
L’objectif premier du présent rapport est de recenser et d’analyser les possibles marqueurs de racisme et de discrimination présents dans les politiques d’immigration qui ont une incidence sur les travailleurs migrants au Canada, plus particulièrement sur les participants du Programme des travailleurs agricoles saisonniers (PTAS) et des volets réservés aux aides familiaux dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET). Le Programme de mobilité internationale (PMI) sera aussi abordé, mais dans une optique plus limitée, car il s’agit d’un sujet d’étude embryonnaire, qui connaît une croissance rapideNote de bas de page 5. Dans l’ensemble, les études et les rapports s’attachent surtout aux conditions des travailleurs inférieures aux normes, à l’accès inexistant ou restreint aux services sociaux et aux voies d’accès à la résidence permanente (RP) qui sont habituellement offerts aux travailleurs mieux rémunérés et plus spécialisés. En effet, la plus grande partie de la littérature sur le sujet, y compris des rapports d’organismes sans but lucratif et de comités parlementaires, mentionne des problèmes d’« abus et d’exploitation » dans les programmes de migration temporaire, y compris dans des composantes précises du PMI.
Ces observations semblent à première vue s’écarter de la terminologie et des pratiques liées au racisme et à la discrimination, mais, bien souvent, elles s’inscrivent dans le contexte de la genèse historique raciste des programmes et se rattachent à des processus de racisation pouvant être tirés du racisme systémique et de pratiques discriminatoires. Il y a effectivement des études éloquentes sur les racines historiques des programmes de migration temporaire au Canada et sur leur relation avec le racisme et la discrimination reposant sur le sexe, la géographie et la classe sociale. La plupart des chercheurs laissent entendre que ces racines historiques sont un élément crucial pour ce qui est de comprendre la situation des travailleurs migrants au Canada aujourd’hui, car elles continuent d’orienter la forme et le contenu des politiques. On renvoie parfois aux « effets continus » ou aux « répercussions durables » de ces racines historiquesNote de bas de page 6. À la lumière des travaux réalisés sur le sujet, le gouvernement fédéral reconnaît que les pratiques historiques continuent de susciter la stigmatisation et la discrimination à l’égard de groupes racisés (Agence de la santé publique du Canada [ASPC], 2020). Dans le cas des migrants, par exemple, certains chercheurs ont établi des relations entre la servitude contractuelle – laquelle a été décrite comme étant une pratique discriminatoire – et les programmes de migration temporaire. D’autres font observer que le caractère saisonnier du Programme des travailleurs agricoles saisonniers découle de l’hypothèse raciste selon laquelle les personnes racisées sont incapables de s’adapter au climat canadien ou de « s’assimiler » à la société canadienne en raison de leur nature intrinsèque.
Outre les considérations exposées plus haut, les chercheurs font valoir qu’il est essentiel de connaître les facteurs liés aux mouvements mondiaux de migrantsNote de bas de page 7 de pays de l’hémisphère Sud (généralement plus pauvres) vers ceux de l’hémisphère Nord (généralement plus riches)Note de bas de page 8, lesquels sont caractérisés par l’envoi d’argent par les migrants dans leur pays d’origine, par l’isolement des migrants dans leur collectivité au Canada en raison des longues heures de travail, par leur hébergement dans le domicile de l’employeur ou à proximité immédiate de celui-ci et par des barrières linguistiques (entre autres) à l’accès à des avantages sociaux, à l’information sur la protection de la main-d’œuvre et à l’indemnisation, à l’aide juridique et aux services d’établissement. Parallèlement, la littérature renvoie aux obstacles reposant sur la « race » et sur le sexe auxquels les travailleurs migrants font face. Les auteurs signalent que ces réalités mondiales inégales peuvent se reproduire à l’intérieur d’un pays, certes, mais aussi à l’intérieur d’un ménage, dans le cas d’aides familiaux qui sont toujours « résidants ».
Comme nous l’avons souligné plus tôt, les données probantes relatives aux pratiques abusives dans le cadre de ces programmes destinés aux migrants, qu’il s’agisse de travailleurs agricoles ou d’aides familiaux, sont abondantes. Les aides familiaux, par exemple, connaissent une mobilité sociale descendante au Canada, en raison de la non-reconnaissance de l’expérience reliée à leurs titres de compétences étrangers, mais aussi d’obstacles qui les empêchent de poursuivre leurs études ou de changer d’emploi. Dans ce contexte, les auteurs décrivent le racisme comme un obstacle structurel et le [traduction] « système d’immigration sexospécifique, racisé et classé » qui contribuent à la mobilité descendante des femmes travaillant comme aides familiales (Lightman et coll., 2021). Il y a également des conséquences sexospécifiques néfastes sur les mères travaillant comme aides familiales, dont l’expérience – comme les mères migrantes participant à des programmes de travailleurs agricoles saisonniers – fait ressortir toute l’importance d’appliquer une optique « intersectionnelle » à l’examen de ces enjeux.
La présente étude repose sur les questions suivantes concernant les politiques d’immigration : Quelles sont les définitions couramment acceptées du racisme et de la discrimination? Quel est le contexte historique qui influence les programmes visant les migrants temporaires au Canada? Que savons-nous au sujet du racisme, de la discrimination et des travailleurs migrants? Quelles sont les difficultés éprouvées par les travailleurs migrants qui reposent sur la « race », la classe sociale, le sexe et d’autres facteurs reliés à l’identité? Le présent rapport vise non pas à tirer une conclusion définitive quant à l’existence du racisme et de la discrimination dans le cadre de ces programmes, mais plutôt à attirer l’attention sur les débats qui ont cours dans la littérature et parmi les experts. Cela dit, l’hypothèse selon laquelle la « race », le « sexe », la « classe sociale » et la « géographie » influent inévitablement sur les politiques relatives aux travailleurs migrants, qu’il s’agisse du Programme des travailleurs étrangers temporaires ou du Programme de mobilité internationale, fait largement consensus.
Il existe également un vaste consensus à l’égard du fait que les racines manifestement racistes et discriminatoires du Programme des travailleurs agricoles saisonniers et des volets réservés aux aides familiaux orientent la nomenclature actuelle des politiques d’immigration. Autrement dit, même si le racisme n’alimente plus ni ne justifie ces programmes, cela ne veut pas pour autant dire qu’ils sont exempts de racisme, du fait de leurs racines racistes. Certains chercheurs signalent que le racisme et la discrimination sont des éléments intrinsèques de la matrice de ces programmes, qualifiant celle-ci de « racisme institutionnel ». D’autres font remarquer qu’on ne saurait faire abstraction des racines racistes de ces programmes et que les idées explicitement racistes qui les alimentaient autrefois – même si elles ont été évacuées – pourraient toujours avoir une incidence discriminatoire qui empêche la pleine « humanisation » des migrants racisés.
La plupart des auteurs, ainsi que des organismes comme la Commission ontarienne des droits de la personne, expliquent que l’incidence discriminatoire se révèle dans les résultats disproportionnés observés chez un groupe social donné, en l’occurrence, les travailleurs migrants. S’agit-il surtout de personnes racisées? Sont-elles surtout originaires de l’hémisphère Sud? Font-elles l’objet d’un traitement différentiel qui a des effets néfastes et disproportionnés sur leur santé, sur leur participation au sein de leur collectivité et en milieu de travail et sur leurs expériences en général? Reconnaît-on à leur juste valeur leurs contributions à l’économie et à la société canadiennes? Les réponses à ces questions indiqueront s’il y a lieu de réfléchir à la façon dont le Canada réagit à la possibilité de discrimination dans ses programmes de migration temporaire.
Remerciements
Michael Farrell a été la force motrice derrière la création et la mise en œuvre du projet. Je ne saurais trop le remercier pour toute la précision, la subtilité, la gentillesse et l’infinie patience qu’il a apportées à la réalisation de la présente étude; son apport a été des plus importants. Mike a parcouru les diverses versions de l’étude, a révisé celle-ci et a formulé de nombreux commentaires éclairants sur la façon de procurer au lecteur – et au texte – une optique antiraciste au moment d’examiner les politiques et les programmes qui influent sur la vie, le travail et les expériences générales des travailleurs migrants au Canada. Mike envisage la recherche dans toute sa multidimensionnalité, et la richesse de cette approche renforce l’optique antiraciste et fait ressortir les subtilités et les nuances de celle-ci. Il a consacré de nombreuses heures à la lecture des versions, sans jamais perdre son souci du détail hors du commun ni le calme, l’humilité et l’humour qu’on lui connaît.
Le projet n’aurait pas pu être mené à bien sans le soutien de Leanne Dixon-Perera. Leanne a formulé des commentaires et apporté des précisions relativement aux subtilités des programmes à l’intention des travailleurs migrants temporaires. Son dynamisme et sa passion pour les enjeux étudiés ainsi que sa vaste expertise à l’égard des politiques et des programmes relatifs aux migrants ont influé sur le travail accompli. Leanne a organisé une série d’exposés mensuels d’experts portant directement sur les travailleurs migrants au Canada, et cette ressource s’est avérée précieuse. Mike et Leanne ont été des collègues exceptionnels au cours des derniers mois.
Je tiens à remercier tout spécialement : Farahldine Boisclair, du Groupe de travail antiracisme; Nadia McLennon et Derek Kunsken, du sous-comité des programmes et politiques du Groupe de travail antiracisme; Ian Gillespie, Dasha Gueletina et l’ensemble de la Division de la politique et des programmes à l’intention des résidents temporaires de la Direction générale de l’immigration. Vos commentaires et votre encouragement ont joué un rôle fondamental dans la réalisation de ce travail. Vous avez abordé ce travail avec sérieux et avec soin, et je vous en suis infiniment reconnaissante.
Enfin, il importe de préciser que le projet a été réalisé à la Direction générale de la recherche et de l’évaluation (DGRE) d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC). Mieke Bos a accueilli ce projet et m’a fait savoir que des ressources de recherche et d’autres formes de soutien étaient à ma disposition au besoin. Elle m’a également fait part de la grande importance que revêt ce projet sur le plan de l’élaboration des politiques. Eleanor Berry et son équipe ont fourni des ressources et des lignes directrices pour l’utilisation des documents de recherche de la DGRE, et ont fait preuve d’une grande souplesse dans le contexte de la pandémie. Mille mercis à Mieke, à Eleanor et à l’équipe.
Acronymes
- ACS+ :
- Analyse comparative entre les sexes plus
- ALENA :
- Accord de libre-échange nord-américain
- ASPC :
- Agence de la santé publique du Canada
- CCR :
- Conseil canadien pour les réfugiés
- CNP :
- Classification nationale des professions
- CODP :
- Commission ontarienne des droits de la personne
- CP :
- Chemin de fer Canadien Pacifique
- CSDOC :
- Conseil scolaire du district d’Ottawa-Carleton
- DGI-PPRT :
- Politiques et programmes à l’intention des résidents temporaires
- EDSC :
- Emploi et Développement social Canada
- EIC :
- Expérience internationale Canada
- EIMT :
- Étude d’impact sur le marché du travail
- HUMA :
- Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées
- IRCC :
- Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada
- OCDE :
- Organisation de coopération et de développement économiques
- PAENI :
- Programme d’autorisation d’emploi des non-immigrants
- PAFR :
- Programme des aides familiaux résidants
- PMI :
- Programme de mobilité internationale
- PMIS :
- Personnes mutées à l’intérieur d’une société
- PTAS :
- Programme des travailleurs agricoles saisonniers
- PTET :
- Programme des travailleurs étrangers temporaires
- SCT :
- Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada
- TAS :
- Travailleur agricole saisonnier
- TET :
- Travailleur étranger temporaire
- TUAC :
- Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce
Contexte
On ne peut minimiser l’impact qu’a eu la vidéo de neuf minutes et demie du meurtre de George Floyd par un agent de police, en mai 2020. Ce fut un moment marquant de l’histoire des relations « interraciales », non seulement aux États-Unis, mais partout dans le monde, y compris au CanadaNote de bas de page 9. En réaction à cet événement, les dirigeants du gouvernement fédéral et de la fonction publique fédérale ainsi que les hauts fonctionnaires d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) ont renouvelé leur engagement à éliminer le racisme et la discrimination en des termes très clairs :
-
Cela dit, nous avons encore du travail – beaucoup de travail – à faire pour éliminer le racisme systémique et les préjugés dans nos propres institutions.
—Ian Shugart, greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet -
Le respect et l’inclusion sont essentiels à ce que nous sommes en tant qu’organisation et à ce que nous attendons de vous en tant que personnes. La promotion d’un environnement dans lequel chacun peut s’engager pleinement et de manière authentique constitue une partie importante du sentiment d’inclusion. Il est primordial d’instaurer un tel environnement dans l’ensemble de la fonction publique et encore plus ici, à IRCC, où l’engagement envers l’égalité raciale revêt une importance toute particulière.
—Catrina Tapley, sous-ministre d’IRCC
—Caroline Xavier, sous-ministre déléguée d’IRCC -
En tant que ministère et secteur, nous avons le privilège de servir une clientèle diversifiée, de tous les horizons et de tous les coins du monde. Ce privilège est assorti de la grande responsabilité de veiller à ce que la justice raciale et sociale guide tout ce que nous faisons : de la façon dont nous traitons nos clients à l’élimination des barrières systémiques dans les programmes que nous gérons, en passant par la dotation de nos équipes. [...] L’analyse ACS+ n’est pas une case que nous devons cocher avant de passer à autre chose; c’est la responsabilité qui nous incombe, en tant que décideurs, d’assurer une conception inclusive pour tous les groupes et personnes sur lesquels nous pourrions avoir une incidence. C’est un processus continu et itératif que nous devons entreprendre le cœur et l’esprit ouverts, conformément à nos valeurs communes de respect mutuel, d’égalité pour tous, de compassion et d’inclusion.
—Marian Campbell Jarvis, sous-ministre adjointe, Secteur des politiques stratégiques et des programmes
—Natasha Kim, anciennement sous-ministre adjointe associée, Secteur des politiques stratégiques et des programmes
La création de ce rapport résulte en grande partie des citations précédentes et de l’initiative de quelques membres de la Direction générale de la recherche et de l’évaluation.
Introduction
Le présent rapport est un tour d’horizon de l’abondante littérature publiée au fil des décennies sur le racisme, la discrimination et les travailleurs migrants au Canada. Son objectif premier est de recenser les marqueurs possibles de racisme et de discrimination présents dans les programmes d’immigration et dans les politiques qui ont une incidence sur les travailleurs migrants au Canada, plus précisément sur les participants au Programme des travailleurs agricoles saisonniers (PTAS), des volets réservés aux aides familiaux et du Programme de mobilité internationale (PMI)Note de bas de page 10. En conséquence, son but global est de présenter et d’analyser les conclusions des études sur les travailleurs migrants, le racisme et la discrimination afin de soutenir les efforts du Groupe de travail antiracisme d’IRCC, en particulier dans le contexte de l’examen des politiques et programmes du Ministère sous l’angle du racisme. Même s’il ne s’agit pas à proprement parler d’une analyse documentaire, le rapport vise à fournir un résumé fidèle ainsi qu’une analyse des conclusions et des données probantes qui ressortent d’une bonne part de la littérature sur les travailleurs migrantsNote de bas de page 11. Vu la nature du sujet étudié, il importait d’accompagner le texte de citations illustrant les formules précises utilisées dans la littérature.
Pour ce qui est de la structure du rapport, la section 1 explore le racisme et la discrimination. Les lecteurs qui connaissent déjà ces notions voudront peut-être passer directement à la section 2 si les explications de la section 1 leur semblent superflues. La section 2 explore le racisme et la discrimination dans l’histoire de l’immigration au Canada, et la dernière section porte sur les travailleurs migrants, toujours sous l’angle du racisme et de la discrimination. Mentionnons ici que le fait de remonter le fil du racisme dans l’histoire des politiques d’immigration fournit les outils nécessaires pour cerner les préjugés actuels et les vestiges du racisme susceptibles de subsister dans les programmes et politiques d’immigration actuels, y compris ceux qui s’appliquent aux travailleurs migrants au Canada. Pour conclure, le rapport résume les principales constatations qui se dégagent de la littérature.
Conformément à l’objectif énoncé plus haut, l’étude appuie les points de vue actuels – et les conclusions subséquentes – sur des travaux de recherche évalués par les pairs (comité de lecture établi depuis longtemps) ainsi que sur des conclusions récentes de chercheurs, y compris les chercheurs en sciences sociales, ou celles obtenues par des gouvernements et organisations non gouvernementales, des commissions provinciales des droits de la personne, des comités parlementaires, des sources journalistiques et d’autres intervenants. L’étude fera la lumière sur les grands débats tout en reflétant les conclusions d’ensemble qui ressortent de la littérature sur le sujet. Une bonne part de la littérature donne à penser que cette approche est raisonnable, mais il y a peut-être d’autres façons d’aborder cet examen. En effet, la présente étude n’a pour but ni de clore le débat ni de proposer une marche à suivre.
Pour examiner la situation des travailleurs migrants sous l’angle du racisme et de la discrimination, il importe de fournir une description de ces concepts afin que le lecteur puisse comprendre clairement les conclusions du rapport. Cette approche vise non pas à faire le tour du débat et du consensus actuel sur les définitions du racisme et de la discrimination aux fins de débat – aussi crucial soit-il –, mais plutôt à établir un cadre pour explorer la façon dont la littérature aborde le racisme et la discrimination pour ce qui est des migrants, d’hier à aujourd’hui. Par conséquent, cette étude n’a pas pour objet de se pencher sur le racisme et la notion de « race » dans toute leur complexité et leur étendue.
Il importe de signaler que si des aspects précis du racisme ont été clairement définis dans une grande part des ouvrages sur la « race »Note de bas de page 12 (voir, par exemple, les descriptions du racisme scientifique, des stéréotypes et d’autres concepts, décrit dans la section 1), les débats sur le racisme sont en constante évolution. Par conséquent, la façon dont la société conçoit le racisme va vraisemblablement continuer d’évoluer.
Cela dit, il a été clairement établi que le racisme englobe certaines descriptions qui sont maintenant largement admisesNote de bas de page 13 au moment où se déroulent les consultations, la collecte de données, la recherche et l’analyse. Par conséquent, le racisme au Canada est un phénomène social qui a des répercussions néfastes sur les populations diversifiées : c’est une réalité pour les Autochtones ainsi que pour les Noirs et autres groupes racisésNote de bas de page 14, comme l’ont reconnu le gouvernement fédéral, les tribunaux canadiens, les historiens canadiens et les chercheurs en sciences sociales.
Le gouvernement du Canada demeure engagé à promouvoir la diversité et l’inclusion ainsi qu’à travailler à l’élimination du racisme et de la discrimination.
Patrimoine canadien
Il importe d’ajouter que si la présente étude mentionne les peuples autochtones (c’est-à-dire les Premières Nations, les Inuits et les Métis au sens de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982), dans certains contextes, sa portée ne permet pas de décrire dans le détail les caractéristiques et les expériences uniques de cette population, surtout en ce qui concerne l’intersection historique des politiques du Canada relatives à l’immigration et aux Autochtones.
Bien que certaines des répercussions de la pandémie y soient mentionnées, le présent rapport n’explore pas en profondeur le thème de l’incidence de la COVID-19 sur les travailleurs migrants, en raison de contraintes liées au temps et à la portée de l’étude, entre autresNote de bas de page 15. Les études sur le sujet vont probablement se multiplier vu l’incidence de la pandémie sur les politiques d’immigration, en particulier à l’égard des travailleurs migrants.
En outre, l’auteure est consciente du fait qu’en abordant le racisme sous l’angle du sexe, de la classe sociale, du statut de migrant et de la géographie, elle omet par la force des choses d’autres facteurs susceptibles d’être des motifs de discrimination, dont l’âge, la religion, les capacités et l’orientation sexuelle. L’idée n’est pas de minimiser l’importance de ces autres facteurs, car les ouvrages publiés recensent certainement des exemples de discrimination pour de tels motifs dans les politiques et les programmes d’IRCC. Cependant, afin de limiter la portée du travail et de respecter les contraintes de temps et de ressources établies pour le projet, l’étude est axée précisément sur le racisme, reconnaissant expressément que les caractéristiques d’intersectionnalité ont pour but d’enrichir l’analyse et de donner une idée des enjeux que soulève la discrimination basée sur divers motifs.
Méthodologie
Analyse comparative entre les sexes plus (ACS+)
Selon IRCC (2021b), « l’ACS+ est un outil analytique qui permet aux fonctionnaires d’obtenir les meilleurs résultats possible pour les clients : les Canadiens, les résidents permanents (y compris les réfugiés), les résidents temporaires, les clients éventuels (personnes intéressées à venir au Canada) et nos collègues d’IRCC ».
Nous utilisons l’Analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) dans le cadre de l’étude. IRCC (2019b) explique que cette analyse :
- est un processus fondé sur des données probantes qui permet d’évaluer les répercussions des politiques, des programmes, de la loi et de la prestation des services sur divers groupes de femmes et d’hommes, de filles et de garçons;
- est un outil analytique qui vise l’égalité entre les sexes et qui tient compte du fait que l’égalité des chances ne signifie pas nécessairement l’égalité des résultats;
- garantit la prise en considération du croisement des réalités sexospécifiques et d’autres facteurs de diversité, notamment l’origine ethnique, la religion, la nationalité, la catégorie d’immigrants, l’âge et l’orientation sexuelle.
IRCC (2021b) reconnaît l’importance du « plus » dans l’ACS+ : en effet, le sexe n’est pas le seul facteur qui entre en ligne de compte. Parmi la « multitude de facteurs d’identité » qui se croisent, mentionnons les suivants (pour plus de détails, voir le passage de la section 1 sur la convergence des facteurs) :
- âge
- race
- sexe
- niveau de scolarité
- religion
- statut socioéconomique
- déficience physique ou mentale
- origine ethnique
- identité de genre
- orientation sexuelle.
L’étude est axée sur la « race » et le « sexe », mais elle renvoie également à d’autres facteurs identitaires. Par exemple, le « sexe » peut avoir une incidence plus grande dans le cas des aides familiaux, catégorie où les femmes sont représentées de façon disproportionnée. Signalons que les chercheurs considèrent également le « statut migratoire » et la « géographie » comme étant deux des facteurs identitaires qui ont une incidence différentielle sur la vie, l’expérience migratoire et les résultats en matière d’intégration des migrants (Spitzer, 2006). De même, les facteurs du « niveau de scolarité » et du « statut socioéconomique » relevés par IRCC, ainsi que celui du « niveau de compétence », sont d’autres facteurs pouvant influer sur les expériences des travailleurs migrants au Canada, en ce qui concerne leur processus de migration et les pratiques potentiellement discriminatoires (voir la section 3). L’ACS+ est un élément central des efforts déployés par le gouvernement fédéral pour corriger les inégalités et intégrer à ses politiques et programmes la prise en compte du sexe et d’autres facteurs liés à la diversité.
Stratégie de recherche
Les sources universitaires pertinentes – à savoir des articles de revue scientifique, des chapitres de livre et des livres évalués par les pairs – ont été recensées à l’aide de bases de données en ligne. Les bases de données suivantes ont été consultées : la bibliothèque numérique de la DGRE, JSTOR, le Social Science Research Network, les résumés d’articles de sciences politiques dans Sage, Google, Google Scholar et la base de données en ligne DroitsTravailleursMigrants, qui réunit une multiplicité d’ouvrages universitaires ou autres, révisés par les pairs, sur le sujet des travailleurs migrants en particulier. Les articles clés recensés tout au long des recherches fournissaient d’autres références pertinentes. En outre, la chercheuse a utilisé durant la préparation du présent rapport des enregistrements d’exposés, de conférences et de colloques en ligne sur le sujet auxquels elle avait assistés. Parmi les exposés enregistrés, mentionnons ceux de la série d’exposés d’experts de la DGI-PPRT.
La Bibliothèque du Parlement a fourni une publication clé au sujet des travailleurs migrants et des principales caractéristiques du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET), et des rapports de comités permanents ont également fourni des données utiles aux fins de l’étude. De plus, des publications gouvernementales et d’autres données ont été obtenues par l’intermédiaire de sites Web du gouvernement (par exemple ceux de Patrimoine canadien, du ministère de la Justice, d’IRCC, de l’Agence de la santé publique du Canada [ASPC] et de Statistique Canada) et d’organisations comme la CODP, le Migration Policy Institute, le Wellesley Institute, le Musée canadien de l’immigration du Quai 21 et le Conseil canadien pour les réfugiés, entre autres.
Environ 160 articles, livres et chapitres de livre révisés par les pairs ont été évalués ou cités, en plus de quelque 20 publications d’ONG et d’organismes sans but lucratif et d’une quinzaine d’ouvrages journalistiques. Voici quelques-uns des mots-clés utilisés dans le cadre des recherches menées en vue de l’étude : « race », « racisme », « discrimination », « travailleurs migrants », « travailleurs étrangers temporaires », « antécédents d’immigration discriminatoire », « racisme dans les politiques d’immigration », « PTAS », « aides familiaux résidants », « PMI » et « Canada ».
La méthode de collecte de données probantes reposait principalement sur les sources suivantes : articles de revue révisés par les pairs, livres, documentaires, rapports provenant de ministères et d’organismes fédéraux, de comités parlementaires et du secteur des organismes sans but lucratif, entrevues et exposés d’experts, déclarations de représentants du gouvernement, et enquêtes journalistiques jetant des bases pour l’analyse du contenu. L’étude repose donc sur des textes universitaires et, de façon générale, sur de la « documentation parallèle ». Des données quantitatives liées au profil démographique des travailleurs migrants ont été extraites de publications gouvernementales et non gouvernementales, y compris celles d’IRCC, d’articles de revues révisés par les pairs ou de conclusions de recherche par des experts, et ont été utilisées lorsqu’elles se rapportaient au contenu du présent rapport.
Section 1 : Racisme et discrimination
Partie 1 : Racisme
Histoire du racisme ou du racisme scientifique (biologique)
Le racisme scientifique – également appelé racisme biologique – est une idéologie qui a joué un rôle crucial en façonnant la conception actuelle de la « race » et les débats sur la question. Plongeant ses racines dans la pensée des Lumières, le racisme scientifique appuie la croyance voulant qu’il y ait une hiérarchie des « races », où une « race » serait supérieure aux autres, et que les « races » soient fondamentalement différentes les unes des autresNote de bas de page 16. Par conséquent, le racisme scientifique donne une crédibilité à la croyance selon laquelle les différences et les classifications raciales sont biologiquement fondées, et il repose sur le principe de l’infériorité et de la supériorité intrinsèques de « races » données (Miles, 1982; Li, 2001)Note de bas de page 17. Les différences raciales – comme la couleur de la peau, la taille, la forme des yeux ou la forme de la tête – étaient choisies de façon arbitraire pour justifier une classification raciale menant à l’établissement d’une hiérarchie de la valeur humaine fondée sur la race (Backhouse, 1999; Bolaria et Li, 1988; Fleras, 2017; Nestel, 2012; Satzewich, 2011). Dans la même veine, Clair et Denis (2015, 857) déclarent ce qui suit : [traduction] « Les classifications de divers groupes raciaux établies au dix-huitième siècle étaient émaillées d’affirmations de supériorité morale, intellectuelle, spirituelle et autresNote de bas de page 18. »
Bien qu’on observe certaines divergences d’opinions quant aux causes du racisme dans une grande part de la littérature sur le sujet, il se dégage néanmoins un consensus à l’égard du postulat selon lequel ces idées ont des répercussions bien réelles et dévastatrices (Fleras, 2017, 39-41; Henry, 2004; Nestel, 2012). Le racisme scientifique aurait débouché sur des [traduction] « pratiques discriminatoires » (Henry, 2004). Selon des chercheurs, les classifications raciales ont procuré la justification idéologique de l’esclavage, de la spoliation de terres des Premières Nations, du traitement des immigrants asiatiques arrivant au Canada au dix-neuvième siècle et de l’Holocauste (Aiken, 2007; Arat-Koc, 1997; Clair et Denis, 2015; Goldberg, 2002; Joppke, 2012; Nestel, 2012; Spoonley, 2019; Thobani, 2007). Abordant un aspect particulièrement pertinent pour le présent rapport, Bolaria et Li (1988, 7) laissent entendre que les classifications raciales ont justifié l’association de « races » précises à une main-d’œuvre non rémunérée ou bon marché et, ce faisant, ont sanctionné des régimes de travail comme l’esclavage et la servitude contractuelleNote de bas de page 19. Selon le gouvernement fédéral, il ne s’agit pas seulement d’événements historiques regrettables n’ayant aucun lien avec le contexte actuel. Par exemple, l’ASPC (2020) reconnaît que ces pratiques historiques continuent de susciter la stigmatisation et la discrimination à l’égard de groupes racisésNote de bas de page 20.
La race en tant que construction sociale
Les idées liées au racisme scientifique prennent un tournant dans les années 1950 et 1960, dans la foulée de l’Holocauste ainsi que de la création des Nations Unies et de ses organisations internationales. Par exemple, dans une série de déclarations sur la « race », signées par des sommités scientifiques, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a déclaré que la « race » est une construction sociale et non un phénomène biologique (Nestel, 2012; Satzewich et Liodakis, 2007, 11; Spoonley, 2019, 485). Ces efforts sont qualifiés de tournant majeur dans la réflexion au sujet de la « race » dans une grande partie des ouvrages consacrés à la questionNote de bas de page 21.
Le concept de « race » n’a aucun fondement biologique. Cependant, les différences raciales sont toujours perçues comme étant réelles.
La racisation est le processus sociopolitique qui consiste à attribuer une signification sociale à la « race » en donnant un sens à des caractéristiques physiques. Par conséquent, les personnes « racisées » sont définies par rapport à une norme dominante (blanche).
Cependant, malgré le besoin urgent de discréditer les théories de la hiérarchie raciale par suite du nazisme et du génocide de la Seconde Guerre mondiale, de nombreux chercheurs soutiennent que ce courant de pensée se porte encore bien aujourd’hui (Satzewich et Liodakis, 2007, 11). Selon Rex (1983), [traduction] « le racisme est peut-être né d’une erreur scientifique, mais il a transcendé ses origines et s’est infiltré dans la pensée et les comportements quotidiens ainsi que dans les rouages de nos institutions sociales ». Autrement dit, même si le concept de « race » n’a « pas de sens » sur le plan biologique, la croyance en sa validité persiste. Dans le même ordre d’idées, Fleras (2017, 36) explique que [traduction] « la race importe, non pas parce qu’elle est biologiquement réelle, mais parce que les gens la perçoivent comme étant réelle ou agissent comme si elle l’était, ce qui entraîne souvent des conséquences mortelles ». (Pour en savoir davantage sur la persistance de la notion de « race », voir Clair et Denis, 2015, 857; Galabuzi, 2006; Kendi, 2016 et 2019; Li, 1998; Satzewich et Liodakis, 2007.)
Les spécialistes des sciences sociales ont inventé le terme « racisation », qui reflète mieux la construction sociale du terme « race » et son utilisation continue en tant qu’indicateur des conditions socioéconomiques (Markus et Moya, 2010; Miles, 1989, 76). Voici comment Li (2001, 78) décrit l’utilisation du terme racisation : [traduction] « Le terme racisation est souvent utilisé pour dénoter le processus par lequel on attribue un sens social aux caractéristiques phénotypiquesNote de bas de page 22 de personnes, et on les qualifie de “raciales” ». En ce sens, la notion de diversité renvoie aux non-Blancs (voir aussi Thobani, 2007, 158).
On entend par « stéréotype » l’attribution de certaines caractéristiques (favorables ou non) à un groupe de personnes. Une grande partie de la littérature sur la question permet de constater qu’il s’agit d’un élément intrinsèque du racisme.
En outre, de nombreuses publications sur le sujet font remarquer que la « race » continue d’être exprimée au moyen de préjugés, comme les stéréotypes, c’est à dire l’attribution de caractéristiques fixes à des groupes sociaux. Selon Satzewich (2001, 2), des stéréotypes comme ceux voulant que les Asiatiques soient bons en mathématiques ou que les Noirs excellent au basketball reposent sur la croyance selon laquelle la [traduction] « race est une caractéristique humaine intrinsèque », ce qui renvoie au racisme scientifique (voir aussi Rex, 1983). Certains auteurs postulent qu’on ne peut sous-estimer l’importance des stéréotypes dans la création et la perpétuation du racisme. Par exemple, Spoonley (2019, 484) explique que [traduction] « les stéréotypes demeurent un élément important du vocabulaire et de la pratique du racisme ». À l’instar de la xénophobie, les stéréotypes sont associés aux « préjugés » dans la littérature sur le racisme, dans la mesure où ces croyances peuvent influer sur les attitudes et entraîner des idées préconçues à l’égard des personnes racisées.
Les formes modernes du racisme recensées dans les études canadiennes et internationales
L’étude se poursuit avec l’examen de quatre aspects du racisme : a) le racisme canadien; b) le discours post-racial; c) la subtilité du racisme; et d) le racisme systémique. Les sous-sections b) et c) sont des aspects cruciaux de la compréhension du racisme systémique, car la subtilité du racisme s’oppose à certaines idées intégrées au discours post-racial. Il est judicieux d’aborder le discours post-racial dans le contexte du débat sur le racisme canadien et ses caractéristiques.
Bien souvent, le racisme et la xénophobie… se chevauchent. Le racisme est une construction idéologique qui place une race donnée […] dans une position de supériorité par rapport aux autres en fonction d’attributs physiques et culturels ainsi que de la richesse économique […]
La décrit les attitudes, les préjugés et les comportements qui rejettent, excluent et souvent diffament des personnes en se basant sur leur perception selon laquelle elles sont des étrangers pour la communauté, la société ou l’identité nationale. Un sociologue a décrit la xénophobie comme une orientation attitudinale d’hostilité envers les étrangers appartenant à une population donnée.
Organisation internationale pour les migrations, Organisation internationale du Travail, Nations Unies
Racisme canadien? Mythes, politesse et déni
Il a été dit que le Canada possède sa forme propre de racisme. Que nous dit la littérature au sujet des débats actuels touchant le racisme au Canada?
Vucetic (2014) laisse entendre que [traduction] « la race est un sujet tabou dans la société contemporaine polie ». Dans le même ordre d’idées, Cole (2020) fait remarquer que [traduction] « le Canada continue d’être surpris par son propre racisme ». Les gens apprennent souvent avec étonnement qu’il y a déjà eu de l’esclavage au Canada, que le Canada avait son Ku Klux KlanNote de bas de page 23 et que le pays appliquait encore une politique d’immigration exclusivement blanche dans les années 1960. Thobani (2007, 151), citant l’étude de McLaren (2004), signale que les théories du racisme scientifique ont orienté non seulement les politiques étatiques de l’Allemagne, mais aussi celles d’autres pays occidentaux, dont le Canada (voir la section 2) :
[Traduction]
En tant que partenaire au sein des forces alliées luttant contre le fascisme, le Canada affirmait sa supériorité morale sur l’Allemagne lorsqu’il a vaincu le nazisme avec ses alliés. Toutefois, il est embarrassant de remarquer que la science des races utilisée par les nazis orientait également les politiques étatiques canadiennes. En raison de son association étroite avec le racisme scientifique et biologique, cette forme de racisme a été à ce point discréditée que tous les États-nations occidentaux, y compris le Canada, n’ont eu d’autre choix que de se distancer de l’utilisation de la science des races dans leurs politiques étatiques. Il devient impossible de défendre publiquement l’utilisation continue de politiques ouvertement racisées, ou de valeurs eugénistes façonnant les politiques publiques, et de théories scientifiques de suprémacisme, sauf dans les sphères les plus extrêmes de ces sociétés et dans les régimes d’apartheid assumés.
Certains chercheurs estiment que le silence entourant le racisme est éloquent. Des chercheurs font remarquer qu’il peut sembler contradictoire – à la lumière du tissu égalitaire et multiculturel du pays – de parler du racisme au Canada. Pourtant, même si le Canada compte parmi les pays du monde dont la population est la plus diversifiée, le racisme persiste (Dauvergne, 2013; Fleras, 2017; Li, 2001; Teelucksingh, 2021). La coexistence du racisme et du multiculturalisme a été décrite comme une [traduction] « dissonance cognitive » (Dauvergne, 2013), un [traduction] « paradoxe canadien » (Fleras, 2017), un [traduction] « mythe canadien » (Block et Galabuzi, 2011) ou [traduction] « une ambivalence » (Triadafilopoulos, 2021)Note de bas de page 24. En effet, on observe que la rhétorique de l’inclusion ne cadre pas toujours avec la réalité économique et sociale des groupes racisés (voir aussi Galabuzi, 2001; Nakhaie et Kazemipur, 2013; Schimmele [IRCC], 2016).
Dans la foulée du meurtre de George Floyd par la police, aux États-Unis, plusieurs personnalités publiques se sont prononcées sur l’absence de racisme systémique au Canada. En revanche, Walcott (2020) note que [traduction] « le déni fait partie du système de racisme systémique. Nous entretenons ces mythes selon lesquels nous sommes radicalement différents des États-Unis » (voir aussi Maynard, 2017; Miller, 2020). De même, Sandy Hudson (voir Bridges, 2020), l’une des cofondatrices du mouvement Black Lives Matter au Canada, souligne que ce qui distingue vraiment le Canada des États-Unis lorsqu’il est question de racisme, c’est son déni : [traduction] « La grande différence au Canada, c’est le déni auquel nous devons faire face lorsque nous affirmons aux gens à l’extérieur des communautés noires qu’il y a un problème et qu’il faut s’y attaquer. » Selon Catrina Tapley (2021), sous-ministre à IRCC, on tend souvent à ne pas reconnaître le racisme systémique, alors qu’il faudrait y réagir. Elle déclare (2020) : [traduction] « Si on ne le dénonce pas, rien ne changera. »
La Commission sur le racisme systémique dans le système de justice pénale en Ontario (1995, ii) affirme pour sa part que le racisme « a une longue histoire au Canada » et qu’il demeure « une composante fondamentale ». Bien que leur étude soit axée sur le système de justice pénale, les commissaires soulignent que le racisme « a façonné l’immigration dans ce pays et la manière dont il a été peuplé ». De même, la Cour suprême du Canada (2005) reconnaît que le préjugé racial est une réalité sociale incontestable et notoire au CanadaNote de bas de page 25.
Cannon (1995) réfléchit à l’idée sous-jacente au caractère poli — et même gentil – du racisme canadien : [traduction] « Le racisme canadien, dans l’ensemble, est plus distingué que ses pendants américains et européens… Parce que le racisme au Canada est plus raffiné, les gens ont tendance à l’écarter, à en faire fi ou à le pardonner. Mais cela ouvre la voie à des formes plus dangereuses et violentes de racisme, lesquelles sont présentes au Canada aussi » (voir également : Aiken, 2007, 66; Colloque de l’Université Ryerson, 2021)Note de bas de page 26.
Henry et Taylor (citation dans Satzewich et Liodakis, 2007, 156) concluent que les Canadiens rejettent facilement les manifestations ostensibles et ouvertes du racisme et ont régulièrement recours à des gestes de pure forme visant à célébrer la diversité et l’inclusion. Toutefois, ces auteurs laissent entendre que ces gestes occultent la racine du problème au lieu de s’y attaquer, surtout si la célébration de la diversité a simplement pour but de pouvoir cocher une case et d’affirmer que des mesures antiracistes concrètes sont prises. Par extension, cette conception de la diversité qui se traduit par une « case à cocher » prend souvent une dimension symbolique et ne met pas en lumière les solutions requises pour régler les problèmes systémiques d’inégalité raciale, présentant la représentativité démographique comme une panacée. Selon Anand (2019), [traduction] « on appelle “diversité de façade” le fait d’appliquer à des problèmes de marginalisation des solutions superficielles qui témoignent d’un manque d’effort sérieux pour réduire l’inégalité ». Autrement dit, la diversité à elle seule n’équivaut pas à l’équité. McGirt (2019) fait la lumière sur les idées d’Anand : [traduction] « si vous cherchez à cocher des cases et vous vous attendez simplement à ce que la personne n’appartenant pas à la culture majoritaire s’assimile, c’est que la beauté de sa présence vous échappe. C’est parce que son expérience du monde n’est pas la même que la vôtre; elle voit les possibilités et les problèmes d’une autre façon que vous. C’est ça, le cadeau. » En somme, même si – comme le dit Cannon – le racisme canadien est plus « raffiné » ou « poli », et même si les célébrations de la diversité et de l’inclusion sont des manifestations importantes du multiculturalisme, il reste que les répercussions du racisme sont toujours profondément enracinées dans de profondes inégalités reposant sur des facteurs « raciaux » (voir les statistiques à la partie 2).
La mesure dans laquelle le racisme façonne la société canadienne est sujette à débat. En effet, les auteurs ne s’entendent pas tous sur la mesure dans laquelle le racisme persiste (Satzewich et Liodakis, 2007, 156). Néanmoins, malgré le désaccord chez les commentateurs et les chercheurs quant à l’étendue du racisme au Canada, que ce soit dans les politiques, dans les lois et en tant que caractéristique persistante de la société canadienne, et malgré la complexité et les dimensions multiples du racisme, une grande part de la littérature met en relief le fait qu’il continue d’avoir une incidence. En d’autres mots, les auteurs s’entendent largement sur le fait que le racisme existe, a une incidence néfaste sur les groupes racisés et doit être pris au sérieux.
Même si elle diverge quant au degré de racisme présent dans la société canadienne, la littérature fait néanmoins ressortir que le racisme demeure une caractéristique de l’histoire canadienne et joue un rôle central dans l’histoire de l’immigration au Canada.
Les tribunaux canadiens ont reconnu que le racisme existe au Canada.
Le discours post-racial
Le « discours post-racial », mentionné abondamment dans la littérature sur la « race », est une caractéristique du racisme canadien. Ce discours sous-tend l’idée selon laquelle « le débat sur la race est chose du passé » et la société fait preuve de « daltonisme racial ». Ce concept laisse croire que le racisme ne peut exister parce que nous sommes tous de la même espèce, au sens biologique du terme, et que nous tirons parti d’une société où les lois reposent sur des valeurs d’égalité et d’équité. Ku et coll. (2019, 293) résument habilement ce concept : [traduction] « Si le concept de la “race” envisagé strictement sous l’angle de la biologie est désuet, alors il n’y a ni race ni racisme. »
Cette position, appelée « racisme démocratique » par Henry et Tator (2005), présente les caractéristiques suivantes (entre autres) :
- Daltonisme racial : les gens sont tous pareils, malgré leur apparence et les diverses couleurs de la peau. Le racisme ne peut donc exister.
- Discours sur l’égalité des chances : si tout le monde est traité équitablement et « de la même façon », tous ont les mêmes chances de réussir. Par conséquent, personne n’est désavantagé. Il n’y a aucun obstacle en ce qui concerne l’accès aux débouchés. Cela mène donc au discours consistant à blâmer la victime (voir le point suivant).
- Discours consistant à blâmer la victime : les groupes racisés ne déploient pas suffisamment d’efforts pour tirer parti d’une société canadienne équitable et méritocratiqueNote de bas de page 27. Les disparités racialesNote de bas de page 28 (voir les statistiques à la partie 2) existent, mais sont l’œuvre de « pommes pourries » (p. ex. incidents racistes isolés ou éruptions de violence sporadiques). Ce raisonnement postule que les minorités sont responsables de leurs propres problèmes et ne possèdent pas la motivation ou les aptitudes qu’il faut pour réussir.
Les personnes qui tiennent ce discours nient que la société doit changer et devenir moins raciste et affirment que ce sont plutôt les personnes racisées qui doivent changer leur comportement, leur tempérament, leur éthique du travail et leur niveau global d’effort. De plus, on peut célébrer la « réussite » d’une poignée de personnes racisées qui occupent un poste offrant une certaine autorité et faire valoir que leur succès témoigne de l’existence d’une société méritocratique. D’autres sont donc tenus responsables de leur propre sort (Satzewich et Liodakis, 2007).
Selon le discours post-racial, tous les humains sont égaux. Si l’issue n’est pas la même pour tous, c’est que les niveaux d’effort, de motivation ou de capacité des personnes racisées diffèrent.
En somme, bien que les personnes qui souscrivent au discours post-racial croient à l’égalité raciale en principe, ou estiment que certaines disparités peuvent persister, ces dernières – selon eux – tiennent davantage aux actions (ou à l’inaction) des personnes racisées qu’à des facteurs structurels ou institutionnels. Par conséquent, le discours post-racial (ou lié au daltonisme racial) donne à penser que [traduction] « les disparités raciales découlent de la faiblesse morale et de l’infériorité culturelle perçues plutôt que d’obstacles structurels ou de l’inaccessibilité de structures offrant des possibilités » (Byrd, 2001, 1005-1017).
Les formes assumées de racisme seront vraisemblablement condamnées avec force et considérées comme inacceptables et répréhensibles dans la société d’aujourd’hui. Toutefois, le racisme est de plus en plus subtil et difficile à cerner.
Le caractère subtil, ou insidieux, du racisme
Il ressort d’une grande partie de la littérature que le racisme flagrant a cédé le pas à des formes de racisme plus subtiles et complexes. Selon Clair et Denis (2015, 857), [traduction] « bien que le racisme exprimé soit maintenant largement condamné, les spécialistes des sciences sociales doivent parvenir à conceptualiser et à mesurer ses manifestations plus subtiles et diffuses et ses effets durables [...] Les approches contemporaines d’études du racisme consistent à expliquer la persistance bien documentée des inégalités raciales et de la discrimination raciale à une époque où les attitudes ouvertement racistes deviennent plus rares. » De même, Li (2001, 77 et 79) affirme que les [traduction] « messages raciaux sont souvent exprimés de façon subtile au sein d’une société démocratique » et fait état de difficultés pour ce qui est de [traduction] « mesurer » le racisme subtil.
Les préjugés inconscients et les microagressions
On entend par « préjugé inconscient » le fait pour une personne de ne pas être consciente de ses préjugés, stéréotypes ou croyances défavorables. Quant aux « microagressions », il s’agit du dédain, des affronts, des insultes subis au quotidien – qu’ils soient verbaux, non verbaux ou véhiculés par le milieu, intentionnels ou non – qui communiquent des messages hostiles, méprisants ou négatifs à des personnes prises pour cible uniquement en raison de leur appartenance à un groupe marginalisé. Souvent, ces messages voilés peuvent invalider l’identité collective ou la réalité expérientielle des personnes touchées, les rabaisser personnellement ou collectivement, sous-entendre qu’elles sont des êtres humains de moindre valeur, laisser croire qu’elles n’ont pas leur place au sein du groupe majoritaire, les menacer ou les intimider, ou les reléguer à un statut et à un traitement d’infériorité.
Derald Wing Sue, 2010, bibliothèque de droit de l’Université Howard
Durant les années 1980 et 1990, de nouveaux cadres conceptuels – comme les « préjugés inconscients » – donnent à penser que le racisme s’est transformé et a adopté des formes plus subtiles, ou cachées. Le sous-ministre Quan-Watson (2020) résume cette idée du racisme subtil lorsqu’il affirme que le racisme ne correspond pas nécessairement à des [traduction] « événements évidents et spectaculaires » ni [traduction] « à des croix en feu ou à des personnes qui lancent des insultes racistes », mais ressemble plutôt à [traduction] « un iceberg se trouvant devant un navire le soir ». Autrement dit, le racisme est de plus en plus silencieux et subtil, difficile à cerner et susceptible de causer des dommages importants.
Comme nous l’avons mentionné plus haut, même si le déclin du racisme biologique a permis d’éliminer les formes ouvertes du racisme en tant que comportement inacceptable, il reste que le racisme existe toujours, bien que sous une forme plus subtile. Selon Li (2001, 79), c’est précisément parce que le racisme scientifique a été discrédité que le racisme s’exprime plus subtilement. Et même s’il est plus « facile » de reconnaître et de condamner le racisme exprimé ouvertement, le défi de cerner ses formes subtiles demeure. Les formes actuelles du racisme sont probablement plus difficiles à cerner. La littérature sur le sujet fait état de lacunes dans la détection de ces formes contemporaines subtiles du racisme.
Racisme systémique
Les éléments fondamentaux du racisme systémique (voir l’encadré de la page suivante) sont exposés dans la présente section, mais nous explorons plus en détail le sujet dans le contexte de la discrimination systémique, dans la partie 2. Comme l’indiquent la définition figurant dans l’encadré ainsi que de nombreuses publications sur le sujet (par exemple, celle de Nnorom citée dans Devitt, 2021), le racisme systémique est constitué de couches imbriquées les unes dans les autres, à savoir les niveaux individuel ou interpersonnel (interaction personnelle), institutionnel (organisations et institutions qui produisent des règles et des politiques) et structurel. La dernière catégorie, une toile reliant toutes les structures organisationnelles et idéologiques à l’échelon sociétal (macro), a pour conséquence des effets cumulatifs qui mènent à des résultats différentiels défavorables reposant sur la « race » (voir les statistiques à la partie 2). Par conséquent, Tuyisenge et Goldenberg (2021) définissent le racisme systémique comme correspondant aux [traduction] « systèmes, forces sociales, institutions, idéologies et processus à grande échelle qui interagissent les uns avec les autres de façon à générer et à renforcer les iniquités auxquelles les communautés racisées doivent faire face ».
Le concept de racisme systémique vient s’opposer au discours « post-racial », « lié au daltonisme racial », car il attribue les inégalités raciales persistantes à des causes structurelles et systémiques plutôt qu’aux actions ou à l’inaction de personnes racisées. En ce sens, il sous-tend l’idée selon laquelle les désavantages, les inégalités et les exclusions sont la conséquence accidentelle des systèmes (lire : des institutions, des organisations) plutôt qu’un résultat intentionnel. L’analyse de la discrimination systémique figurant dans la partie 2 explore ce concept plus en détail.
En outre, il y a racisme systémique lorsque les institutions, qui semblent établir des règles neutres, excluent constamment et involontairement des groupes racisés parce que ces règles reflètent les normes et les expériences du groupe dominant (Nnorom, 2021; voir aussi Li, 1989, précité). Autrement dit, les personnes racisées n’ont pas été prises en compte lorsqu’on a instauré la norme à partir de laquelle les institutions fonctionnent. Selon Fleras (2017, 36), le racisme systémique peut perpétuer des désavantages par l’intermédiaire de [traduction] « pratiques en apparence bénignes ».
Le racisme systémique n’est pas un processus « ponctuel ». [Traduction] « La littérature sur le racisme systémique a beau être hétérogène, les études s’entendent sur le fait que les macrostructures – ou l’ensemble de la structure – apportent une explication plus éloquente de l’inégalité raciale que les actes individuels » (Clair et Denis, 2015). Or, les effets disproportionnés du racisme systémique sur les groupes racisés se produisent à répétition plutôt qu’une seule fois.
Parallèlement, Rose (2018) explique que le racisme systémique n’est pas un processus « ponctuel » : il normalise et légitime un ensemble de politiques, de pratiques et de comportements institutionnels dont l’application courante (et non exceptionnelle) produit des résultats cumulatifs et chroniques défavorables pour les groupes racisés et les Autochtones. Si le racisme systémique est beaucoup plus difficile à cerner et à condamner, c’est parce qu’il a été normalisé et structuré de façons qui le rendent « invisible ». Selon Aiken (2007, 72) :
[Traduction]
La race continue d’influer sur les débouchés et l’expérience des personnes racisées en Amérique du Nord, même après la prise en compte d’autres facteurs… Selon le contexte, le racisme institutionnel peut prendre la forme de politiques explicitement racistes, où l’État renforce directement les préjugés raciaux ayant cours dans la société, ou sous une forme systémique (« racisme systémique »), où il est dissimulé dans des systèmes, des pratiques, des politiques et des lois qui semblent neutres et universelles à première vue, mais qui désavantagent les personnes racisées.
Le racisme systémique et une relation d’interdépendance et de réciprocité entre les niveaux individuel, institutionnel et structurel qui fonctionnent comme un système de racisme.
Ces différents niveaux de racisme fonctionnent en parallèle et ensemble comme un système global. Il s’agit des niveaux suivants :
- Racisme individuel (dans les interactions entre les personnes). Le racisme individuel s’articule autour d’une idéologie (ensemble d’idées, de valeurs et de croyances) qui façonne les attitudes négatives d’une personne envers les autres. Il se reflète dans les propos ou les actes délibérés, conscients/inconscients, directs/indirects ou volontaires/involontaires. C’est l’un des trois niveaux qui forment le racisme systémique.
- Racisme institutionnel (dans les institutions et les systèmes de pouvoir). Le racisme institutionnel existe dans des organisations ou des institutions où les règles, les politiques et les règlements établis reposent sur les normes, les valeurs et les principes des institutions en question, mais où ces éléments sous-tendent également ces normes, valeurs et principes. Ceux-ci ont pour effet d’engendrer systématiquement des différences de traitement ou des pratiques discriminatoires envers divers groupes, en fonction de leur race. Le racisme systémique se produit lorsque des personnes faisant partie des organisations – en raison de leurs rapports sociaux, de leur formation et de leur allégeance envers l’organisation – respectent et appliquent ces règles, ces politiques et ces règlements. Le racisme institutionnel maintient essentiellement un système de contrôle social qui favorise les groupes dominants de la société (statu quo). C’est l’un des trois niveaux qui forment le racisme systémique.
- Racisme structurel/sociétal (entre les institutions et dans toute la société). Le racisme structurel, ou sociétal, concerne les idéologies qui sous-tendent les structures de la société. Ces idéologies transparaissent dans les règles, les politiques et les lois, et elles représentent les façons dont les iniquités profondément enracinées dans la société produisent une différenciation, une catégorisation et une stratification des membres de la société en fonction de la race. La participation aux institutions économiques, politiques, sociales, culturelles, judiciaires et éducationnelles contribue également à cette stratification. C’est l’un des trois niveaux qui forment le racisme systémique.
Source : CODP
Partie 2 : Racisme systémique et discrimination systémique
Notions élémentaires
La partie 2 commence par une présentation des principaux processus qui sous-tendent la discrimination systémique. Ensuite, nous présenterons en détail des conclusions qui se dégagent de statistiques relativement aux disparités reposant sur la « race » en tant qu’indicateurs potentiels de la discrimination. Enfin, nous explorerons la discrimination systémique et ses principes, exposés par le gouvernement fédéral, la CODP, la Cour suprême et des chercheurs évoluant dans les domaines des sciences sociales et du droit. Comme c’était le cas pour la partie 1 de la présente étude, la partie 2 fait la lumière sur les conclusions qui ressortent de la littérature sur le sujet. Il reste entendu que les concepts qui sous-tendent la discrimination évoluent constamment et que la portée de l’étude ne permettrait pas un examen exhaustif de sa complexité et des subtilités juridiques qui s’y rattachent. Malgré cette difficulté, une bonne part de la réflexion actuelle à l’égard des principes fondamentaux qui sous-tendent la discrimination est décrite ici, conformément au but de l’examen.
Discrimination systémique
La discrimination raciale peut provenir du comportement d’une personne autant que de conséquences fortuites et, bien souvent, involontaires liées à un système discriminatoire. C’est ce qu’on appelle de la discrimination systémique.
La discrimination systémique peut être définie comme des comportements, des politiques ou des pratiques qui font partie des structures d’une organisation et qui créent ou perpétuent un désavantage pour les personnes racisées.
La Commission est très préoccupée par la discrimination systémique. L’évaluation et la prise de mesures visant à s’attaquer à la discrimination systémique sont des exercices qui peuvent s’avérer complexes. Néanmoins, la Commission s’attend à ce que les organisations soient conscientes du fait que leur [traduction] « façon habituelle de faire les choses » a peut-être une incidence défavorable sur les personnes racisées.
Les politiques, les pratiques et les processus décisionnels – officiels ou non – peuvent créer des obstacles et mener à l’exclusion de personnes racisées. Le recours à des approches informelles ou fortement discrétionnaires pose particulièrement problème, car celles-ci laissent davantage de place à des considérations subjectives, à des normes variables et à des préjugés. Il importe également de ne pas concevoir des politiques, des pratiques et des processus décisionnels en ne tenant pas compte des différences individuelles ou en utilisant la culture dominante comme norme.
CODP
Les points 1 et 2 (ci-dessous) décrivent les processus qui se trouvent au centre de la discrimination systémique : le premier point souligne le fait que la discrimination, à l’instar du racisme, se produit non seulement au niveau individuel, mais aussi au niveau sociétal. Le second point porte sur la façon dont les biais cognitifs et préjugés présents dans un large éventail de domaines (santé, éducation, emploi, etc.) peuvent, cumulativement, produire et reproduire une discrimination et des désavantages systémiques à l’égard des personnes racisées.
- Une grande part de la documentation soulève l’idée principale selon laquelle le racisme et la discrimination systémiques incarnent un processus parallèle qui produit un désavantage systémique pour les personnes racisées (voir les deux encadrés qui font ressortir ces similitudes). La discrimination systémique va donc au-delà de la discrimination interpersonnelle, ou de la façon dont les gens se traitent les uns les autres au niveau individuel (p. ex. la discrimination au niveau individuel). Comme l’ont déclaré la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) et d’autres organisations, le racisme et la discrimination systémiques découlent « de politiques, pratiques et comportements » qui « [créent ou perpétuent] une situation désavantageuse » ou qui « produisent [...] ou renforcent les résultats indésirables chroniques » subis par les personnes racisées (Chadha-OHRC, 2021Note de bas de page 29; Ellermann, 2020; Galloway, 2019; Rose, 2018; Sheppard, 2010).
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De même, la discrimination systémique a été associée aux obstacles auxquels les personnes racisées font face lorsqu’elles tentent d’accéder, par exemple, à l’éducation, aux soins de santé, à l’emploi ou au logement, même si l’accès à ceux-ci peut sembler universel. Par exemple, une offre d’emploi peut-être ouverte à « tous », mais les préjugésNote de bas de page 30 peuvent jouer un rôle dans l’embauche d’un nombre disproportionné de candidats blancsNote de bas de page 31. La recherche montre que ce phénomène n’est pas limité au domaine de l’emploi. Dans le domaine des soins de santé, des études révèlent que les préjugés de certains fournisseurs de soins de santé peuvent les amener à traiter différemment les Noirs et autres personnes racisées ainsi que les patients autochtones, par exemple en ne prenant pas leurs préoccupations au sérieux, ce qui influe sur le niveau de soins que reçoivent ces personnes et mène à des résultats négatifs en matière de santé (Amin, 2019; Nestel, 2012; Nnorom, citation dans McDevitt, 2021; ASPC, citation dans Amin, 2019; Physicians for Human Rights, 2003) . Comme le souligne Riley (2012), [traduction] « le rôle subtil des préjugés dans la création ou l’exacerbation des disparités en matière de santé est bien documenté dans la littérature ». Dans le domaine de l’éducation, des études montrent que les préjugés de certains éducateurs contribuent de façon importante au taux supérieur de suspension chez les étudiants noirs (James et Turner, 2017; Conseil scolaire du district d’Ottawa-Carleton [CSDOC], 2020; ASPC, 2020; Statistique Canada, 2020b).
Cumulativement, ces préjugés produisent des obstacles systémiques qui reproduisent les disparités – aussi appelées « iniquités » et « inégalités » dans la littérature – en santé, en éducation et en emploi, entre autres, qui touchent les groupes racisés. Les préjugés ou les stéréotypes sont désignés en tant que facteurs déterminants qui contribuent à la discrimination systémique (Commission ontarienne des droits de la personne [CODP]; Rose, 2018; Kendi, 2019; ASPC, 2020).
Le premier processus décrit la discrimination systémique comme un ensemble de comportements, de pratiques et de politiques pouvant créer ou perpétuer un désavantage à l’égard de groupes racisés, et créer pour ceux-ci des résultats défavorables.
Le second processus décrit la discrimination comme le traitement différentiel de personnes racisées en raison de préjugés (biais, stéréotypes, xénophobie) et les obstacles à l’inclusion à l’égard d’un éventail de biens publics. Qu’ils soient intentionnels ou non, les résultats cumulatifs et défavorables peuvent être considérés comme discriminatoires.
Dans le même ordre d’idées, la CODP (2021) souligne que l’objectif des lois et des politiques anti-discrimination est « de prévenir les atteintes à la dignité humaine et à la liberté, lesquelles peuvent prendre la forme de désavantages, de stéréotypes ou de préjugés politiques ou sociaux ». En ce sens, de nombreuses publications sur le sujet considèrent les iniquités, préjugés, obstacles et désavantages actuels comme d’importants indicateurs et éléments déclencheurs de la discrimination systémique. En effet, on voit couramment des expressions réunissant « les préjugés, la discrimination et les stéréotypes » dans la documentation (Centre canadien pour la diversité et l’inclusion, 2017; Hinton, 2017; Nestel, 2012; déclarations des Nations Unies sur la discrimination).
La discrimination peut s’inscrire dans le comportement, les pratiques et les politiques d’un organisme, ce qui peut entraîner pour certaines personnes un désavantage réel… C’est ce que l’on appelle la discrimination systémique ou institutionnelle. Les organismes et les institutions ont l’obligation d’avoir connaissance de ces formes de discrimination.
Lorsqu’une situation de discrimination systémique est constatée au sein d’un organisme, ce dernier doit modifier ses pratiques.
CODP
Le racisme systémique contribue à ce processus dans la mesure où il entretient les iniquités (p. ex. désavantages, disparités). La section qui suit présente certaines de ces disparités.
Racisme systémique, discrimination et inégalités raciales : faits et chiffres pour le Canada
Nestel (2012, 8) affirme que [traduction] « les preuves d’iniquités raciales au Canada sont abondantes. Un examen de ces iniquités pourrait s’avérer utile au moment d’étudier l’ampleur des manifestations de l’inégalité raciale dans les cadres institutionnels et dans les interactions sociales quotidiennes au sein de la société canadienne » (voir aussi Nnorom, citation dans McDevitt, 2021; Statistique Canada, 2020b). Selon Statistique Canada (2020b) :
De nombreuses études récentes sur les populations noires au Canada ont exploré la question de la discrimination dont ces populations sont victimes. Des pratiques discriminatoires ont en effet été relevées dans plusieurs domaines de la vie sociale et économique, tels le système de justice et les relations avec les services policiers, le programme d’immigration, le système de protection de la jeunesse, le système d’éducation et dans le domaine du travail infirmier. D’après les données du cycle 28 de l’Enquête sociale générale sur la victimisation (2014), 24 % des personnes noires âgées de 15 ans ou plus ont déclaré avoir fait l’objet d’une forme ou d’une autre de discrimination en raison de leur ethnicité, de leur culture, de leur race ou de la couleur de leur peau au cours des cinq années précédant l’enquête. En comparaison, 4,6 % des personnes dans le reste de la population ont déclaré avoir vécu une telle forme de discrimination.
Les recherches canadiennes révèlent que [traduction] « tout le monde n’est pas égal lorsqu’il s’agit de distribuer le pouvoir, les privilèges et les biens, de sorte que le Canada est caractérisé par l’inégalité raciale » (Galabuzi, 2006). Parallèlement, de nombreuses publications sur le sujet indiquent que le racisme et la discrimination systémiques comptent parmi les causes courantes de disparités raciales, aussi appelées « résultats différentiels » (Fleras, 2017; Galabuzi, 2006; Rose, 2018; Teelucksingh, 2021). La CODP déclare ce qui suit :
Les personnes racialisées comptent pour une part démesurée dans les statistiques sur la pauvreté et la population carcérale, et elles sont sous-représentées dans les strates moyennes et supérieures des institutions politiques, administratives, économiques et médiatiques; plus que les autres, elles se heurtent à des obstacles en matière d’emploi, de logement et de soins de santé, pour ne nommer que ceux-là. Les tribunaux ont d’ailleurs amplement reconnu l’existence du racisme au Canada. Pour ceux qui n’en font pas l’expérience, il n’est que trop facile de nier la réalité du racisme. Or, ce déni improductif est néfaste pour le tissu social. Le racisme et la discrimination raciale doivent dès le départ être reconnus comme une réalité omniprésente et permanente.
La notion de racisme systémique décrite plus haut soutient avance que les attitudes et les structures discriminatoires, accompagnées des répercussions continues des désavantages historiques, peuvent entretenir de telles disparités. Nnorom (dans McDevitt, 2021) fait remarquer que les statistiques peuvent révéler les « obstacles constants » auxquels des personnes font face en raison de leur « race ».
À l’égard de ces débats, en 2017, le Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine des Nations Unies a publié un rapport sur sa mission au Canada. Le Groupe de travail (dans O’Neill, 2020) conclut ce qui suit :
[Traduction]
Les antécédents du Canada touchant l’esclavage, la ségrégation raciale et la marginalisation d’Afro-Canadiens ont laissé des vestiges de racisme anti-Noirs et ont eu sur les personnes d’ascendance africaine des répercussions néfastes auxquelles il faut s’attaquer de concert avec les communautés touchées. Partout au Canada, de nombreuses personnes d’ascendance africaine continuent de vivre dans la pauvreté et de souffrir d’une mauvaise santé, affichent un faible niveau de scolarité et sont surreprésentées à tous les échelons du système de justice pénale.
De même, l’ASPC (2020) fait valoir ce qui suit :
La discrimination contre les personnes noires est profondément enracinée et normalisée dans les institutions, les politiques et les pratiques canadiennes et est souvent invisible pour ceux qui n’en ressentent pas les effets. Cette forme de discrimination n’est pas nouvelle et prend racine dans cette spécificité que sont la colonisation européenne en Afrique et l’héritage de la traite négrière transatlantique. L’esclavage était légal au Canada jusqu’en 1834. Près de deux siècles plus tard, les idéologies racistes établies au cours de ces périodes de l’histoire continuent d’alimenter les processus de stigmatisation et de discrimination.
Bien que toutes les personnes racisées soient touchées par le racisme, les personnes d’ascendance africaine continuent de compter parmi les groupes les plus désavantagés par ses effets au Canada et dans le monde. Les peuples autochtones sont également durement touchés par le racisme au Canada et ailleurs dans le monde, comme le reconnaissent la plupart des auteurs d’études menées au Canada et ailleurs, le gouvernement fédéral et les Nations Unies. Au Canada, les Noirs, les autres groupes racisés et les peuples autochtones font face à des disparités notables. Ils subissent toujours des iniquités sur le plan du pouvoir, du revenu et des privilèges (Block, 2011; Galabuzi, 2006; Pendakur et Pendakur, 2011; Teelucksingh et Galabuzi, 2005).
Les données suivantes montrent que les Noirs, les autres groupes racisés et les peuples autochtones affichent des résultats disproportionnés (« iniquités ») en ce qui concerne la santé, l’éducation, le logement, l’emploi, etc. Le lecteur trouvera des renseignements supplémentaires dans les publications de Statistique Canada ainsi que du secteur des organismes sans but lucratif et du secteur universitaire. Il importe de souligner que l’utilité de ces statistiques va au-delà de la valeur purement mathématique. En effet, le fait de ne pas envisager ces statistiques sous l’angle de la lutte contre le racisme pourrait renforcer certaines idées racistes. Par exemple, Statistique Canada (2020b; voir aussi le concept de « racisme démocratique » décrit plus haut) observe que les jeunes Noirs sont moins susceptibles d’avoir fréquenté un établissement d’enseignement supérieur et d’avoir obtenu un diplôme d’études postsecondaires que les autres jeunes.
Les idées racistes peuvent justifier les disparités en s’appuyant sur des stéréotypes (p. ex. paresseux, peu motivés, peu d’intelligence et de dynamisme, aptitudes pour les sports). L’analyse de Statistique Canada (2020b; voir aussi CSDOC, 2020) explique ces disparités en s’appuyant sur une optique antiraciste : « Des études suggèrent que la situation des jeunes Noirs à cet égard pourrait notamment être associée aux attitudes, aux comportements et aux préjugés qu’entretiennent certains enseignants envers eux ». De même, il ressort de l’application d’une optique antiraciste que « la discrimination en matière d’emploi pourrait contribuer à l’écart salarial selon l’origine ethnique » (Conference Board du Canada, 2017). Dans le même ordre d’idées, en ce qui concerne les résultats en matière de santé, Tam (ASPC, 2021) fait remarquer que l’incidence disproportionnée de la COVID 19 sur les personnes de couleur n’a rien à voir avec la biologie et concerne plutôt « les expériences de discrimination, de racisme et de traumatisme historique » et leurs répercussions sur la santé.
Richesse et emploi
- Selon le Recensement de 2016, 20,8 % des personnes racisées au Canada touchent un faible revenu, par comparaison à 12,2 % chez les personnes non racisées (Recensement canadien de 2016).
- Les Canadiens racisés qui ont fait des études universitaires touchent un revenu moyen qui correspond à 87,4 % du revenu de leurs pairs canadiens blancs (Conference Board du Canada, 2017).
- Les personnes racisées sont, de façon disproportionnée, plus susceptibles d’occuper un emploi peu rémunéré (Block – Wellesley Institute, 2011; voir aussi Stapleton – Metcalf Foundation, 2019)
- Les employeurs sont 40 % plus susceptibles de faire passer une entrevue à un chercheur d’emploi dont le nom est à consonance anglaise qu’à d’autres personnes dont le niveau d’éducation, de compétence et d’expérience est identique (Patrimoine canadien, 2020).
- Une famille racisée sur cinq vit dans la pauvreté, alors qu’une famille non racisée sur 20 se trouve dans la même situation (phénomène parfois appelé « pauvreté racisée ») (Canada sans pauvreté, 2020; voir aussi Block, 2011).
Crime et justice pénale
- En 2018, 43 % des crimes haineux étaient motivés par la haine d’une race ou d’une origine ethnique (Statistique Canada, 2020g).
- Le taux d’incarcération de Canadiens noirs correspond à environ trois fois leur proportion au sein de la population canadienne (voir Bureau de l’enquêteur correctionnel, 2021; Thorne, 2020).
- À l’aide de deux sondages (COVIDRacism et elimin8hate.org), le Conseil national des Sino-Canadiens a recensé 1 150 incidents de racisme anti-asiatique à l’échelle du Canada entre le 10 mars 2020 et le 28 février 2021 (Nicholson, 2021).
- Entre 2013 et 2017, une personne noire à Toronto était 20 fois plus susceptible d’être abattue par la police qu’une personne blanche (CODP, 2020).
Éducation
- Les jeunes noirs sont moins susceptibles d’avoir fréquenté un établissement d’enseignement supérieur et d’avoir obtenu un diplôme d’études postsecondaires que les autres jeunes (Statistique Canada, 2020b).
Logement
- Tout juste plus de 50 % des ménages racisés résident dans un domicile qui n’est pas abordable, ce qui crée un risque d’itinérance. Ces domiciles ne sont ni adéquats ni convenables : soit ils ont besoin de réparation ou d’entretien, soit ils sont surpeuplés. Par comparaison, 28 p. 100 des ménages non racisés se trouvent dans cette situation (Couleur de la pauvreté, 2019).
Santé
- Les personnes racisées sont plus susceptibles de souffrir de maladies chroniques (Nestel, 2012 – Wellesley Institute).
- « Entre 2010 et 2013, 14,2 % des Canadiens noirs de 18 ans et plus ont déclaré que leur santé était passable ou mauvaise, comparativement à 11,3 % des Canadiens blancs » (ASPC, 2020).
- La COVID-19 a amplifié les disparités en matière de santé et d’autres résultats concernant les personnes racisées (par exemple, à Ottawa, les personnes racisées comptaient pour 66 % des cas d’infection à la COVID-19 en 2020. Or, comme le souligne Statistique Canada, les personnes racisées à Ottawa comptaient pour environ 25 % de la population totale en 2020, selon le Recensement de 2016 (Santé publique Ottawa, 2020; Jones, 2020).
Statistiques sur les Autochtones
Les Autochtones représentent environ 4 % de la population canadienne. Les statistiques relatives aux peuples autochtones sont renversantes :
- Environ 24 % des Autochtones qui résident en milieu urbain vivent dans la pauvreté, alors que 13 % des non-Autochtones se trouvent dans cette situation (Statistique Canada, 2020e).
- Selon le Recensement canadien de 2016, les enfants autochtones comptent pour 7,7 % de la population d’enfants. Cependant, ils représentent 52,2 % des enfants en famille d’accueil (Services aux Autochtones Canada, 2021).
- Selon une étude réalisée à l’échelle nationale, 53 % des enfants des Premières Nations dans les réserves vivent dans la pauvreté, ce qui représente quatre fois le taux pour les enfants blancs (Upstream – Assemblée des Premières Nations et Centre canadien de politiques alternatives, 2019; la même étude contient des statistiques sur les enfants inuits et métis).
- Les personnes ayant une identité autochtone étaient plus de deux fois plus susceptibles (18 %) d’avoir connu l’itinérance cachée que leurs homologues non autochtones (8 %) (Statistique Canada, 2016a).
- Les femmes autochtones sont 12 fois plus susceptibles de disparaître ou d’être assassinées que tout autre groupe démographique au Canada (Rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, 2019).
- En 2014, les organismes de service ont observé que 51 % des femmes exploitées et victimes de la traite qu’ils servaient étaient autochtones (Fondation canadienne des femmes, 2014).
- Environ 34 % des Autochtones n’ont pas de diplôme d’études secondaires ni d’équivalent, alors que 18 % des non-Autochtones du Canada sont dans cette situation (Recensement canadien de 2016).
- Le taux de suicide est de cinq à sept fois plus élevé chez les jeunes Autochtones que chez les jeunes non-Autochtones. Le taux de suicide chez les jeunes Inuits est parmi les plus élevés dans le monde (Santé Canada, 2015).
- Environ 28 % des détenus des établissements fédéraux étaient autochtones en 2017, alors que les Autochtones représentaient 4,1 % de la population canadienne (Justice Canada, 2018).
- Près de la moitié des jeunes incarcérés sont des Autochtones (Statistique Canada, 2018a).
- Le revenu moyen des Autochtones correspond à 75 % de celui des non-Autochtones (Services aux Autochtones Canada, 2020).
- La surpopulation et des conditions de vie inadéquates et inférieures aux normes ont mené à des résultats en santé disproportionnés chez les Autochtones, surtout en ce qui concerne la propagation de maladies transmissibles comme la tuberculose. En effet, la transmission de la tuberculose dans l’Inuit Nunangat – les quatre régions qui constituent la patrie des Inuits – est plus de 300 fois supérieure aux taux observés chez les Canadiens de naissance non autochtones (Services aux Autochtones Canada, 2018; voir aussi le site Web d’Inuit Tapiriit Kanatami).
Principes qui sous-tendent le racisme systémique : aperçu des conclusions qui ressortent de la littérature
- Les actions ou l’inaction des personnes racisées ne permettent pas d’expliquer les disparités raciales.
- Le racisme est considéré comme étant l’une des causes du traitement différentiel qui mène à la discrimination.
- Les biais cognitifs, les stéréotypes et la xénophobie (préjugés) peuvent perpétuer le traitement différentiel qui alimente le racisme et la discrimination systémiques.
- Le racisme systémique englobe les relations entre personnes ainsi que les pratiques institutionnelles.
- Le racisme systémique se manifeste dans des systèmes (p. ex. comportements, politiques et pratiques) qui peuvent sembler neutres.
- Les pratiques discriminatoires du passé et leurs répercussions continues sur les groupes racisés constituent une facette du racisme systémique.
- Les causes structurelles et les désavantages historiques peuvent compter parmi les principales causes du racisme et de la discrimination systémiques.
- Le racisme systémique considère la culture et les expériences du groupe dominant comme la norme.
- Le racisme systémique n’est pas un processus « ponctuel »; il produit couramment et cumulativement des résultats différents pour les groupes racisés.
- Les statistiques sur les disparités raciales dans les résultats révèlent une toile d’iniquités imbriquées les unes dans les autres.
Sources : spécialistes des sciences sociales, CODP, gouvernement du Canada, Nations Unies
Partie 3 : Discrimination systémique : l’intersectionnalité, l’égalité réelle et la Cour suprême
Aperçu
Au-delà de l’analyse qui précède, une part importante de la documentation établit le lien entre la discrimination et les droits de la personne. Comme l’indique le rapport du Comité permanent du patrimoine canadien (2018), le Canada a établi au fil des ans un cadre pour lutter contre la discrimination et le racisme systémiques. L’une des lois phares en la matière est la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte), en plus d’autres lois touchant les droits de la personne, dont la Loi canadienne sur les droits de la personne, la Loi sur le multiculturalisme canadien et le Code criminel. Les conventions des Nations Unies sur les droits de l’homme décrivent habituellement la non-discrimination comme un concept charnière, ce qui peut se refléter dans les lois nationales. La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), par exemple, prévoit ce qui suit à l’alinéa 3(3)f) : « L’interprétation et la mise en œuvre de la présente loi doivent avoir pour effet [...] de se conformer aux instruments internationaux portant sur les droits de l’homme dont le Canada est signataire. »
Au Canada, la Charte interdit la discrimination reposant sur des motifs reliés à la « race », y compris la couleur de la peau, la nationalité et l’origine ethnique. D’autres motifs de discrimination – comme le sexe, les déficiences ou la classe sociale – peuvent recouper des motifs liés à la race et produire une forme de discrimination systémique qui repose sur de multiples formes de désavantage. De nombreuses publications sur le sujet reconnaissent l’intersectionnalité de ces motifsNote de bas de page 32. Par exemple, Anderson (2010, citation dans Nestel, 2012, 6) renvoie au [traduction] « recoupement de la classe sociale, de la racisation et des rapports entre les sexes », qui découle d’une expérience de la vie [traduction] « non seulement en tant que personnes sexuées, mais aussi à titre de personnes racisées appartenant à une classe sociale donnée ». Le concept de l’intersectionnalité sera abordé plus en détail dans les sections 2 et 3, lorsqu’il sera question de l’histoire des politiques d’immigration et de la situation des travailleurs migrants au Canada. Bien que l'intersectionnalité puisse être une question très complexe, le texte adjacent fournit une définition de base dont le lecteur peut s'inspirer.
Intersectionnalité
Selon ce concept, les personnes sont façonnées par divers facteurs comme le genre, la race, l’origine ethnique, le statut d’Autochtone, la classe sociale, l’orientation sexuelle, le lieu de résidence, l’âge, une incapacité et le statut d’immigrant. Toujours selon ce concept, la façon dont les gens ressentent le racisme et la discrimination repose sur divers aspects de l’identité d’une personne.
Rapport du Comité permanent du patrimoine canadien, 2018
Le concept de l’égalité réelle est au centre du discours sur la discrimination systémique et est reconnu par le droit en matière de droits de la personne, le gouvernement fédéral, la CODP et la Cour suprême. Il constitue l’un des concepts les plus importants dans l’élaboration de mesures relatives à la discrimination et aux inégalités vécues par les groupes marginalisés, c’est-à-dire ceux qui ne rentrent pas dans la norme (voir Dauvergne, 2013; Fleras, 2017; MacKinnon, 2011; Sangiuliano, 2015; Sheppard, 2010). À cet égard, selon le ministère de la Justice (2021), [traduction] « la Cour suprême a toujours accordé une grande importance à la garantie “réelle” de l’égalité. En effet, la Cour a mis en évidence que “l’égalité ne signifie pas nécessairement un traitement identique et que le modèle formel du ‘traitement analogue’ peut en fait engendrer des inégalités”. » En reconnaissance des disparités existantes, l’égalité réelle permet de [traduction] « prendre en compte les complexes inégalités structurelles et systémiques dans la société » (Sangiuliano, 2015, 606).
L’égalité réelle est un principe juridique qui fait référence à l’atteinte d’une véritable égalité dans les faits. Cette égalité est atteinte par un accès égal, des occasions égales et, le plus important, la prestation de services et d’avantages de manière à prendre en compte toutes les circonstances et tous les besoins uniques, tels que les désavantages culturels, sociaux, économiques et historiques, et en conformité avec les normes appropriées.
L’égalité réelle, c’est à la fois un processus et un objectif qui se traduisent par des résultats où l’on cherche à reconnaître et à surmonter activement les obstacles qui ont initialement mené aux inégalités existantes.
Sans égalité réelle dans les résultats, l’inégalité persiste.
Gouvernement du Canada
Sheppard (2010) fait remarquer que la Cour suprême du Canada, au milieu des années 1980, a reconnu qu’une politique d’emploi neutre en apparence qui n’était pas censée causer une discrimination pouvait, toutefois, constituer une forme de « discrimination par suite d’un effet préjudiciable » (aussi appelée discrimination indirecte). Cela signifie qu’une politique peut, accidentellement et de façon disproportionnée, affecter un groupe protégé (personnes racisées, femmes, personnes d’une confession particulière ou membres d’une religion précise, etc.) en l’excluant ou en renforçant son désavantageNote de bas de page 33. Au moment d’appuyer l’égalité réelle, la Cour suprême a remis en question la neutralité des normes dominantes, ou le principe de « l’égalité en tant que synonyme de similarité », en reconnaissance du fait que les normes de la société s’articulent autour d’une norme dominante (masculine, hétérosexuelle, non racisée, non handicapée, etc.) qui ne s’applique pas nécessairement à tous. Réagissant au travail de Sheppard sur l’égalité réelle, Fleras (2017, 86) souligne ce qui suit : [traduction] « il ne s’agissait plus d’intégrer les minorités racisées et les femmes dans un monde fait pour l’homme blanc; il fallait modifier des mondes institutionnels pour les assouplir et les adapter à la réalité des groupes historiquement désavantagés. »
Source : Image provenant du site Web de Coalition Ending Gender-Based Violence
Longue description pour l’image ci-dessus : Égalité vs Équité
Deux scènes, dont la première image est intitulée Égalité. Elle représente trois personnes se tenant chacune sur une boîte de la même taille pour regarder par-dessus une clôture en bois lors d'une partie de baseball. Cependant, la première personne est de la taille d'un adulte, la deuxième est un adolescent qui voit juste au-dessus de la clôture, et la dernière est un petit enfant qui ne voit pas du tout au-dessus de la clôture.
La deuxième image intitulée Équité représente les trois mêmes personnes, mais l'adulte est au sol, l'adolescent est sur une boîte et l'enfant sur deux boîtes. Chaque personne voit maintenant par-dessus la clôture la partie de baseball.
La discrimination, les experts du droit et la Cour suprême : principes sous-jacents de la discriminationNote de bas de page 34
Cette dernière brève section envisage le concept de la discrimination dans le contexte de la Cour suprême et des interprétations juridiques. Dans un souci de concision et de respect de la portée de l’étude, signalons que ce sujet ne peut être abordé dans toute sa complexité; cependant, nous ferons la lumière sur les idées centrales reliées à l’étude, à savoir les aspects touchant les concepts du désavantage et de la discrimination. En effet, la Cour suprême du Canada reconnaît l’importance du principe de l’égalité réelle à la lumière des désavantages subis par des personnes en raison de leur statut d’immigration.
Parallèlement, bien que l’article 6 de la Charte – qui renvoie au droit de tout citoyen « de demeurer au Canada, d’y entrer ou d’en sortir » – permette d’établir une distinction entre les citoyens et les non-citoyens (voir aussi Joppke, 2005), ce droit ne saurait justifier qu’on fasse abstraction en tout temps des vulnérabilités existantes des non-citoyens, comme l’ont signalé des experts canadiens
Dauvergne, 2013; Ellermann, 2019; Galloway, 2019; Triadafilopoulos, 2012.
Dans l’arrêt Andrews, le juge Wilson déclare ce qui suit :
Comparativement aux citoyens, les personnes qui n’ont pas la citoyenneté constituent un groupe dépourvu de pouvoir politique et sont, à ce titre, susceptibles de voir [...] leur droit d’être considéré et respecté [...] violé. [...] Je tiens en outre à souligner qu’il s’agit là d’une conclusion qui ne peut pas être tirée seulement dans le contexte de la loi qui est contestée mais plutôt en fonction de la place occupée par le groupe dans les contextes social, politique et juridique de notre société. Bien que les législatures doivent inévitablement établir des distinctions entre les gouvernés, ces distinctions ne devraient pas causer des désavantages à certains groupes ou individus ni renforcer les désavantages dont ils sont victimes, en les privant des droits consentis librement aux autres.
Galloway (2019, 30-31; voir aussi Dauvergne, 2013), en renvoyant à l’exemple pertinent des travailleurs migrants, a fait valoir qu’une évaluation de la discrimination devrait prendre en compte le [traduction] « contexte et les facteurs » (p. ex. le contexte complet d’un groupe social au sein de la société, y compris la prise en compte du fait qu’un groupe social soit peut-être déjà vulnérable en raison de son statut d’immigration) ainsi qu’un examen des aspects suivants :
-
La xénophobie, par exemple la façon dont les travailleurs migrants sont décrits dans le discours public.
Est-ce que les politiques ou les lois renforcent la xénophobie? -
Une évaluation de l’expérience historique, notamment en soulevant la question de savoir si des développements historiques ont constamment fait ressortir certains préjugés à l’égard de certains groupes.
Est-ce que les politiques ou les lois renforcent les préjugés historiques à l’égard de certains groupes? -
La reconnaissance d’un désavantage, par exemple un examen de la question de savoir si le groupe social a déjà été désavantagé.
Est-ce que les politiques ou les lois perpétuent un désavantage socioéconomique, les préjugés et les stéréotypes? -
Les répercussions plus vastes sur la société et la prise en compte du droit d’être considéré et respecté également.
Les désavantages subis par certains groupes ont-ils une incidence sur la société en général?
Galloway (2019) fait valoir que les arrêts de la Cour suprême reflètent la prise en compte des [traduction] « valeurs qui devraient sous tendre la notion de discrimination ». Dans l’arrêt Law (voir aussi les arrêts Withler et Québec), la Cour a insisté sur le fait qu’« il faut tenir compte du contexte » au moment d’analyser le caractère discriminatoire et a souligné que la discrimination ne doit pas porter atteinte à la dignité humaine par la création ou l’exacerbation « de désavantages, de stéréotypes ou de préjugés politiques ou sociaux » (Nakache et Crépeau, 2006, 11; Sheppard, 2010, 34-35) :
On pourrait affirmer que [la Charte] a pour objet d’empêcher toute atteinte à la dignité et à la liberté humaines essentielles par l’imposition de désavantages, de stéréotypes et de préjugés politiques ou sociaux, et de favoriser l’existence d’une société où tous sont reconnus par la loi comme des êtres humains égaux ou comme des membres égaux de la société canadienne, tous aussi capables, et méritant le même intérêt, le même respect, et la même considération.
Sheppard (2010, 40) établit un lien entre la discrimination et la façon dont elle porte atteinte à la dignité des groupes opprimés : [traduction] « les stéréotypes, l’exclusion, les préjugés et les mauvais traitements subis par des personnes en raison de leur appartenance à un groupe historiquement désavantagé sont autant de facteurs qui portent atteinte à la dignité ». Comme nous l’avons souligné plus haut, la neutralité ou l’uniformité d’une approche peut reproduire ou renforcer un désavantage (voir la notion de « discrimination par suite d’un effet préjudiciable ») et ainsi être considérée comme discriminatoire. Sheppard fournit un exemple de discrimination par suite d’un effet préjudiciable qui s’avère crucial aux fins de l’étude. Elle explique qu’une discrimination par suite d’un effet préjudiciable peut survenir lorsque le traitement différentiel a une incidence disproportionnée sur les membres de groupes socialement désavantagés précis. Pis encore, elle (2010, 21) affirme qu’une politique neutre en apparence peut avoir des effets discriminatoires :
[Traduction]
Si, par exemple, les travailleuses domestiques ne sont pas visées par la réglementation des normes du travail, la loi telle qu’elle est libellée peut ne pas pratiquer de discrimination fondée sur la race, le genre ou l’origine nationale ou ethnique. Cependant, si nous prenons en compte le sexe, la race et l’origine nationale et ethnique des travailleuses domestiques, c’est-à-dire surtout des migrantes provenant de pays en développement, l’effet discriminatoire du traitement différentiel réservé aux travailleurs domestiques est manifeste. Les catégories de prime abord neutres, dans ce cas-ci, peuvent avoir des effets différents sur les groupes traditionnellement protégés par les lois sur les droits de la personne. (Voir aussi les sections 2 et 3.)
En somme, comme l’affirment Benedet et coll. (2004, 830), [traduction] « les idées voulant que l’intention discriminatoire ne soit pas exigée pour conclure à la discrimination, que la discrimination puisse ne pas être ouverte ni directe et tout de même avoir un effet différent sur un groupe particulier et qu’il soit peut-être nécessaire de traiter les gens différemment pour réaliser l’égalité » sous-tendent [traduction] « la jurisprudence en matière de droits de la personne de la Cour suprême du Canada ».
Des affaires sont instruites et des interprétations sont mises de l’avant continuellement, et la jurisprudence est complexe et évolutive, mais nous tenions à porter ces considérations à l’attention du lecteur afin que les aspects clés du débat ressortent de l’étude.
Dans la présente section, nous avons passé en revue une bonne part de la documentation concernant la discrimination en nous appuyant sur la Charte et sur le travail de théoriciens du droit canadien, de spécialistes des sciences sociales, de la CODP et du gouvernement du Canada. La littérature donne à penser que le Canada a le droit d’exercer de la discrimination en matière d’immigration (article 6 de la Charte), mais que ce droit n’est pas absolu et ne devrait pas empiéter sur les valeurs fondamentales de la Charte ni sur les droits de la personne. Parmi ces valeurs, mentionnons le respect mutuel, l’égalité réelle, le respect de la dignité humaine et la prudence nécessaire pour éviter que les lois et les politiques intensifient la xénophobie, les stéréotypes et le désavantage historique fondé sur la « race » ou d’autres motifs.
De plus, une grande part de la littérature actuelle sur le sujet insiste sur le fait que la discrimination n’est pas qu’un concept légaliste et qu’elle s’inscrit dans les valeurs et les principes auxquels le gouvernement souscrit. Toute décision ayant une incidence sur certaines populations vulnérables devrait refléter une reconnaissance de cette vulnérabilité.
Comme le font remarquer les études sur le sujet ainsi que les experts du droit canadien, un discours déracisé/neutre qui a des effets racistes demeure discriminatoire.
Suivant les conclusions tirées, il pourrait être nécessaire de se pencher sur les questions suivantes pour évaluer l’incidence systémique de la discrimination sur la société canadienne :
- Quel est l’effet des décisions sur la société?
- Renforcent-elles les désavantages historiques, les préjugés et les stéréotypes, et font-elles fi de l’égalité réelle?
- Font-elles la promotion de la xénophobie en affaiblissant les valeurs fondamentales de la Charte?
- Ces politiques ont-elles un résultat discriminatoire, c’est-à-dire ont-elles une incidence disproportionnée sur une « race », un « genre » ou une origine ethnique/nationale précise, etc.?
Principes qui sous-tendent la discrimination systémique : aperçu des conclusions qui ressortent de la littérature
- Une politique en apparence neutre peut-être discriminatoire.
- Un acte n’a pas à être intentionnel pour être qualifié de discriminatoire.
- La discrimination reproduit la stigmatisation et renforce les stéréotypes et la xénophobie.
- La discrimination renforce les désavantages historiques.
- La discrimination viole systématiquement les droits de certains groupes.
- La discrimination accroît les iniquités, fait abstraction de la vulnérabilité de certains groupes et mène à une institutionnalisation accrue des disparités entre les groupes.
- La discrimination fait abstraction des obstacles à l’accès aux services et aux débouchés ou les renforce.
- La discrimination fait abstraction de l’égalité réelle ou de la présence de désavantages comme point de départ.
- La discrimination est contraire au principe du respect pour tous et porte atteinte à la valeur et à la dignité humaine intrinsèques d’une personne.
Sources : Cour suprême du Canada, gouvernement du Canada, CODP, spécialistes des sciences sociales, théoriciens du droit
Section 2 : Racisme et discrimination dans l’histoire de l’immigration au Canada
Partie 1 : Le racisme dans l’histoire de l’immigration au Canada
La section 2 porte sur le racisme dans l’histoire de l’immigration à partir de la fin du dix-neuvième siècle. Elle sera divisée en deux parties : la première, qui concerne l’histoire de l’immigration et le racisme, est cruciale pour comprendre la littérature sur le racisme et la naissance des programmes de migration temporaire, abordée dans la seconde partie. Triadafilopoulos (2012) considère deux grandes périodes comme étant cruciales dans l’évolution de la politique d’immigration du Canada : la première est celle qui s’étend du tournant du vingtième siècle jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. La politique d’immigration alors appliquée était principalement justifiée et renforcée par le racisme scientifique (voir la section 1). Dans la littérature, cette période est souvent décrite comme celle de l’édification de l’ère du « Canada blanc » ou de la volonté de « garder le Canada blanc »Note de bas de page 35.
Cette période favorise ouvertement l’immigration des Britanniques et des Européens afin de préserver la typographie culturelle, ou le « caractère » blanc britannique, du Canada. En conséquence, Stasiulis et Bakan (1997, 33) écrivent : [traduction] « Une hiérarchie raciale/ethnique prend forme dans la politique d’immigration, et on juge les migrants potentiels en fonction de leur distance ou de leur proximité par rapport aux idéaux des “Blancs britanniques”. » La croyance en la supériorité de certains peuples est non pas un simple sujet de débat, mais un principe consacré dans le droit canadien.
La seconde période clé s’articule autour des retombées de l’Holocauste, de la décolonisation et de l’émergence d’une culture mondiale des droits de la personne, et elle coïncide avec l’époque où le discrédit frappe le racisme à l’échelle internationale (Triadafilopoulos, 2007, 3). Elle est marquée par l’adoption du système de points d’appréciation, ou approche du capital humain, ainsi que par l’instauration de programmes visant les migrants temporaires. Selon de nombreuses publications sur le sujet, ces deux périodes ont influencé et façonné les politiques d’immigration du Canada jusqu’à aujourd’hui.
Partie 2 : Bâtir un « Canada blanc » : du début du siècle à la Seconde Guerre mondiale
La première période – laquelle, selon Hawkins (1989, 8), est souvent reléguée à un « silence discret » – fait l’objet d’une complexe littérature produite par des juristes, des sociologues et des historiens qui décrivent la construction du Canada comme un prolongement de la Grande-Bretagne (Venkatesh, 2019, 83). Dans ce contexte, Jakubowski (1997, 12) écrit ce qui suit : [traduction] « Dans le but de préserver le caractère britannique du Canada, on déploie des efforts en vue d’empêcher certaines personnes d’entrer au pays tout en encourageant d’autres personnes à s’y établir. » (Voir aussi la notion de « colonialisme de peuplement »Note de bas de page 36.) Les migrants potentiels sont classés en catégories, les immigrants « privilégiés » venant de la Grande-Bretagne, des États-Unis et de la France et, dans une moindre mesure, d’Europe du Nord et de l’Ouest. Lorsque ces efforts de recrutement ne produisent pas le nombre escompté d’immigrants pour peupler les prairies de l’ouest du Canada, le gouvernement fédéral étend sa politique préférentielle à d’autres immigrants « blancs » – par exemple les Ukrainiens, les Italiens, les Polonais et les Huttériens – qui étaient considérés comme des immigrants « non privilégiés ».
Vers la fin du dix-neuvième siècle, le Canada a cherché à faire venir au pays des agriculteurs blancs qui contribueraient à la colonisation de l’Ouest canadien. Une majorité écrasante des études sur le sujet donnent à penser que les immigrants blancs étaient considérés comme étant d’une « lignée supérieure » ou d’une « bonne lignée » et qu’ils étaient donc mieux à même de s’assimiler que les immigrants de couleur et préférables à ceux-ci (Jakubowski, 1997; Satzewich, 1991; Stasiulis et Jhappan, 1995; Triadafilopoulos, 2012). Néanmoins, même avec l’expansion de la « catégorie des Blancs » pour qu’elle englobe davantage de migrants provenant de pays sources moins souhaitables (par exemple des pays d’Europe centrale et orientale), le Canada n’arrivait toujours pas à combler ses besoins en main-d’œuvre (Bolaria et Li, 1988).
L’immigration asiatique
Parmi les projets nécessitant le recrutement de main-d’œuvre non blanche, mentionnons la construction du Chemin de fer Canadien Pacifique (CFCP), de 1881 à 1885. La section ouest du CFCP est construite principalement par des travailleurs chinois et mène à un accroissement notable de l’immigration (Bolaria et Li, 1988, 72; Venkatesh, 2019, 86). À l’époque, l’immigration chinoise est considérée comme une source de main-d’œuvre peu coûteuse et abondante. Toutefois, le fait que les travailleurs ne soient pas blancs ne passe pas inaperçu, surtout vers la fin de la construction du CFCP. Comme l’explique Venkatesh (2019, 86), [traduction] « les politiques d’immigration visant les Chinois procurent un exemple patent de la coexistence de la main-d’œuvre de migrants et de la construction de mythes anti-immigrants xénophobiques ». En réaction aux stéréotypes selon lesquels les travailleurs chinois sont malpropres, immoraux et dangereux pour la santé et la sécurité des Canadiens, la population demande qu’on limite l’entrée d’étrangers « inférieurs », ce qui mène à la mise en œuvre de contrôles visant l’immigration chinoise (Triadafilopoulos, 2013, 27). Le premier ministre John A. Macdonald (citation dans Triadafilopoulos, 2013, 27) déclare ce qui suit : [traduction] « Il sera tout à fait acceptable d’exclure les travailleurs chinois lorsque nous pourrons les remplacer par une main-d’œuvre blanche, mais jusqu’à ce jour, il vaut mieux avoir une main-d’œuvre chinoise qu’aucune main-d’œuvre du tout. »
En effet, l’immigration chinoise est acceptée dans la mesure où l’accès à cette main-d’œuvre est indispensable. En réaction à la demande de Colombie-Britannique d’exclure totalement la main-d’œuvre chinoise, le gouvernement fédéral tente d’apaiser les tensions en adoptant la Loi de l’immigration chinoise (1885), laquelle exige que les immigrants chinois paient une « taxe d’entrée » de 50 $ (une exemption est prévue pour les diplomates et les commerçants), afin de limiter leur entréeNote de bas de page 37. Cette taxe est ensuite augmentée à 100 $ en 1900 et à 500 $ en 1903 (Abu-Laban, 1998, 77; Matas, 1985, 8-9). De façon générale, on empêche les épouses et les enfants des travailleurs chinois – immigrants de la classe ouvrière – d’entrer et de s’établir au Canada (Abu-Laban, 1998, 72)Note de bas de page 38. Thobani (2007, 130) décrit les effets indirects liés à la race (non-Blancs), à la classe sociale (classe ouvrière) et au sexe (épouses et enfants) de la séparation à long terme des familles : [traduction] « Il est bien connu que de nombreux hommes chinois ont passé leur vie au Canada en tant que “célibataires mariés” parce qu’on forçait leur épouse et leurs enfants à rester en Chine. Les politiques d’immigration ont eu pour les familles des conséquences précises reposant sur le sexe et la classe sociale bien après le milieu du vingtième siècle. » (Dans la section 2, certaines de ces tendances historiques seront reliées au sujet des travailleurs migrants dans le contexte contemporain.)
Parmi les autres politiques discriminatoires de l’époque, mentionnons l’Entente à l’amiable conclue avec le Japon en 1907 et le Règlement sur le voyage continu de 1908, qui ont touché principalement les immigrants de l’Inde et du Japon (Bolaria et Li, 1988, 170; Jakubowski, 1997, 14; Musée canadien de l’immigration du Quai 21). En vertu de la première entente, le gouvernement japonais accepte de limiter volontairement le nombre annuel d’immigrants japonais arrivant au Canada. Sa conclusion s’inscrit dans le contexte de la montée du sentiment anti-asiatique dans la province de la Colombie-Britannique, qui demande l’imposition de restrictions sur l’immigration japonaise (Musée canadien de l’immigration du Quai 21).
Selon le Règlement sur le voyage continu, les immigrants [traduction] « qui n’arrivent pas au Canada après un voyage sans interruption de leur pays de naissance ou de citoyenneté […] peuvent se voir refuser l’entrée ». Pour être admis au Canada, les gens devaient avoir effectué un « voyage sans interruption » et détenir un « billet direct » de leur pays d’origine. La seule société en mesure de procurer un voyage sans interruption de l’Inde au Canada est le CFCP. Cependant, le gouvernement du Canada ordonne au CFCP d’interdire la vente de [traduction] « billets directs pour le Canada » (Bolaria et Li, 1988, 170). Cette mesure est considérée comme un moyen subtil de restreindre l’entrée à partir de l’Inde. Cette restriction sera mise à l’épreuve par l’incident du Komagata Maru, lors duquel le Règlement sur le voyage continu sera contesté.
Voici les grandes lignes de l’incident : le navire japonais Komagata Maru transporte à son bord 376 passagers de la province du Pendjab de l’Inde britannique. Il jette l’ancre dans le port de Vancouver en 1914 et y reste pendant approximativement deux mois. Le propriétaire du navire soutient que les passagers, en tant que citoyens britanniques, ont le droit de débarquer au Canada. Cependant, les passagers se voient refuser l’admission au Canada par une ordonnance des tribunaux canadiens. Les tribunaux tranchent l’affaire ainsi (voir Macklin, 2011, 59) :
[Traduction]
Dans la mesure où nos confrères sujets britanniques ont des instincts raciaux différents de ceux de la race européenne – de sorte que leur vie familiale ainsi que les lois et les règles régissant la vie en société sont elles aussi très différentes –, il est dans leur propre intérêt et il convient pour eux de résider dans les confins de leurs pays respectifs du continent asiatique, et non au Canada… [Leurs coutumes vont] causer des perturbations destructrices qui nuiront au bien-être de la société et au maintien de la paix, de l’ordre et de la bonne gouvernance […] Il vaut mieux que les races incapables de s’assimiler se gardent de venir au Canada et demeurent dans leur pays d’origine.
D’un point de vue historique, en plus de l’affirmation selon laquelle les coutumes indiennes sont considérées comme ayant un potentiel « destructeur » au Canada, on intègre au discours l’argument de l’adaptation au climat en parlant d’une race « incapable de s’assimiler ». En effet, les chercheurs qui étudient cette période expliquent que la théorie sur laquelle repose la discrimination raciale à l’époque est fondée sur [traduction] « l’argument de l’assimilation » (Bolaria et Li, 1988, 171). En 1908, par exemple, le rapport de Mackenzie King sur l’immigration indienne indique que [traduction] « les natifs de l’Inde ne sont pas adaptés à ce pays […], puisque nombre d’entre eux sont habitués à un climat tropical, et leurs us et coutumes diffèrent tellement des nôtres », et mentionne [traduction] « leur incapacité de s’adapter rapidement à un environnement complètement différent » (citation dans Bolaria et Li, 1988, 171).
Henry et coll. (1995, 73; voir aussi Jakubowski, 1997, 15) précisent que le Règlement sur le voyage continu de 1908 [traduction] « modifiait la Loi sur l’immigration de façon à permettre au gouvernement de contrôler l’immigration des Indiens d’Asie ». Un an après l’adoption du Règlement, six immigrants d’Asie du Sud entrent au Canada, alors que 2 500 de leurs compatriotes avaient été admis l’année précédente (Henry et coll., 1995, 73; Jakubowski, 1997, 15; Thobani, 2007, 92), et le départ du Komagata Maru [traduction] « marque pour ainsi dire la fin de l’immigration indienne au Canada. »
En somme, la Loi sur l’exclusion des Chinois, l’Entente à l’amiable et le Règlement sur le voyage continu sont les instruments qui font en sorte que presque aucun Asiatique n’émigre au Canada après la Seconde Guerre mondiale, en raison de la croyance raciste selon laquelle ils appartiennent à des « races incapables de s’assimiler » et ayant des « coutumes destructrices » (Henry et coll., 1995; Jakubowski, 1995, 73; Kelly et Trebilcock, 2010).
Incapacité de s’adapter au climat et exclusion du Canada : traitement différentiel reposant sur la « race »
Les Noirs sont exclus de la possibilité de bénéficier de subventions pour s’établir dans l’ouest du Canada (Aiken, 2007, 63-64; Venkatesh, 2019, 83). Le gouvernement Laurier (1896-1911) choisit de restreindre l’immigration afro-américaine, notamment au moyen de mesures « informelles » prévoyant des examens de l’état de santé et des bonnes mœurs. Tout examen effectué à la frontière doit mener au rejet de la plupart des immigrants noirs (Triadafilopoulos, 2012, 31). En effet, Schwinghamer (2021) explique que « des efforts remarquables » ont été déployés pour décourager l’immigration afro-américaine au point d’origine. Au début du vingtième siècle, les responsables de l’immigration empêchent l’immigration afro-américaine au Canada par « l’application sélective de règlements, la tromperie, la corruption et d’autres méthodes douteuses » (Schwinghamer, 2021).
Au début du vingtième siècle, les responsables de l’immigration empêchent l’immigration afro-américaine au Canada par « l’application sélective de règlements, la tromperie, la corruption et d’autres méthodes douteuses ».
Steve Schwinghamer, 2021
Entre 1905 et 1912, bien que des centaines de milliers d’Américains viennent au Canada, seulement un millier d’Afro-Américains cherchant à échapper à la discrimination qu’ils subissent aux États-Unis (Schwinghamer, 2021) le font. Cette exclusion découle de pressions exercées au pays, notamment par de nombreuses organisations civiques canadiennes qui demandent une interdiction de l’immigration noire parce qu’elles craignent l’agitation sociale. Les autorités canadiennes de l’immigration mènent des campagnes de dissuasion en établissant des [traduction] « obstacles passifs mais délibérés » à l’accès des Afro-Américains (Schwinghamer, 2021; voir aussi Dunsworth, 2018, 566). Parmi ces obstacles « passifs », mentionnons les suivants : versement de pots-de-vin aux médecins agréés pour qu’ils refusent les colons afro-américains potentiels; demandes des autorités américaines aux agents américains d’avertir les colons afro-américains potentiels des dangers de la vie au Canada; interdiction aux agents d’immigration de fournir aux Afro-Américains un certificat attestant qu’ils sont agriculteurs; obligations des représentants de la compagnie ferroviaire d’exiger le tarif complet plutôt que le tarif réduit pour les colons. Le secrétaire du ministère de l’Immigration justifie cette exclusion en déclarant que le climat canadien ne convient pas aux personnes noires. Il écrit que « le climat et les autres conditions de ce pays sont tels qu’ils ne conviennent pas aux gens de couleur » (tiré de Schwinghamer, 2021).
De plus, des chercheurs laissent entendre que le gouvernement a commencé à adopter des lois et des politiques discriminatoires pour restreindre l’entrée d’immigrants de sources « non désirables » en fonction de leur « race » à mesure que les besoins en main-d’œuvre baissaient. La Loi sur l’immigration de 1910 donne au gouvernement le pouvoir d’empêcher l’entrée d’immigrants « de toute race jugée impropre au climat ou aux nécessités du Canada ou d’immigrants d’une catégorie, d’une occupation ou d’un caractère particuliersNote de bas de page 39 ».
L’objectif de la Loi sur l’immigration de 1910 est de limiter l’immigration aux [traduction] « agriculteurs blancs et en bonne santé, de préférence britanniques ou américains » ou, comme l’expliquent Thobani (2007, 92) et Jakubowski (1997, 17), de servir de « principal instrument » pour le maintien des politiques visant à « garder le Canada blanc » (voir aussi Triadafilopoulos, 2012, 31). Cette loi favorisant explicitement l’immigration européenne reste en vigueur pendant 50 ans (Thobani, 2007, 92). L’alinéa 38c) prévoit que la « race » est une catégorie juridique prohibitive qui crée une catégorie d’immigrants non désirables. En 1919, on la modifie pour y inclure la « nationalité », motif reposant sur la race. L’alinéa 38c) décrit ainsi les personnes qui devraient se voir refuser l’entrée :
[…] des immigrants appartenant à une nationalité ou race ou d'immigrants d'une catégorie ou occupation déterminée, par suite de condition économique, industrielle ou autre existants temporairement au Canada, ou parce que ces immigrants sont jugés impropres, eu égard aux conditions ou exigences climatériques, industrielles, sociales, éducationnelles, ouvrières et autres du Canada, ou parce que ces immigrants sont estimés indésirables à cause de leurs habitudes particulières, coutumes et modes de possession, et en raison de leur incapacité probable de s'assimiler rapidement ou d'assumer les devoirs et les responsabilités des citoyens canadiens dans un délai raisonnable après leur admission.
L’idée est également communiquée dans un dépliant de promotion de l’immigration qui paraît à l’époque (Law Union of Ontario, 1981, 26) :
[Traduction]
Le Canada se situe dans la zone tempérée nord […] Son climat est particulièrement adapté à la race blanche. C’est une terre d’accueil, la nouvelle patrie du peuple britannique. Les Britanniques se sentiront vite chez eux au Canada. C’est un pays britannique, avec des coutumes et des idéaux britanniques […].
Jakubowski (1997, 16) soutient que l’alinéa 38c) consacre la discrimination en prévoyant un [traduction] « traitement différentiel fondé sur la race », comme en témoigne la création d’une liste de pays privilégiés :
[Traduction]
La politique actuelle du Ministère [1910] consiste à encourager l’immigration de fermiers, de manœuvres de ferme et de travailleuses domestiques provenant des États-Unis, des îles Britanniques et de certains pays du nord de l’Europe, à savoir la France, la Belgique, la Hollande, la Suisse, l’Allemagne, le Danemark, la Norvège, la Suède et l’Islande. En revanche, le Ministère a pour politique de faire tout ce qu’il peut pour empêcher l’entrée au pays […] de personnes de nationalités peu susceptibles de réussir à s’assimiler, ce qui pourrait empêcher l’édification d’un pays uni où les gens partagent les mêmes coutumes et idéaux.
De même, bien des instances prônent l’exclusion totale des migrants chinois, dont le Congrès des métiers et du travail, l’Association des marchands détaillants du Canada et le Ku Klux Klan du Canada.
Ce mouvement mène à l’adoption de la Loi de l’immigration chinoise de 1923, qui limite l’entrée ou l’établissement de personnes d’origine chinoise, sous réserve de certaines exceptions (Triadafilopoulos, 2013, 36). Par conséquent, moins de 50 immigrants chinois sont admis au pays entre 1923 et 1947 (Thobani, 2007, 92). Bolaria et Li (1998) soulignent que la discrimination contre les Chinois ne saurait être qualifiée d’« accident historique » : [traduction] « [L]e retrait des droits de citoyenneté et la restriction de la concurrence professionnelle étant légalement sanctionnés par l’État, ils ont été incorporés dans les institutions du Canada ».
Ensuite, les auteurs mettent en relief le racisme non dissimulé des politiques d’immigration : [traduction] « Une telle discrimination était systématique et légale, et elle était justifiée par une idéologie qui défendait la supériorité des Blancs par rapport aux non-Blancs »
Bolaria et Li, 1988, 109.
Dès la fin de 1920, la plupart des Asiatiques, des Africains et des Européens continentaux, surtout les juifs, sont catégoriquement exclus du Canada. L’immigration est limitée aux personnes jugées « désirables », soit les immigrants qualifiés de « races privilégiées » (Thobani, 2007, 17). En 1939, le paquebot MS St. Louis est forcé de retourner en Europe avec à son bord 900 réfugiés juifs auxquels le Canada a refusé l’asile. Plus tard, 254 de ces passagers périront dans les camps de concentration. Durant le régime nazi (de 1933 à 1945), [traduction] « le Canada a accepté moins de réfugiés juifs que tout autre pays occidental. Un cadre supérieur de l’immigration canadienne, invité durant la guerre à dire combien de juifs le Canada songerait à admettre, a fourni la réponse suivante : « Aucun, c’est déjà trop » (BBC, 2018). Cette phrase est souvent citée aujourd’hui en tant que reflet des politiques de l’époque. Frederick C. Blair, directeur de la direction de l’immigration au sein du gouvernement de Mackenzie King, préconise une politique de la porte fermée à l’égard des réfugiés juifs et conseille au gouvernement de refuser l’entrée aux passagers juifs du St. LouisNote de bas de page 40. D’autres exemples pourraient être cités, mais en somme, des spécialistes ont décrit cette période comme étant [traduction] « raciste dans son orientation, assimilationniste dans ses objectifs » (Elliott et Fleras, citation dans Jakubowski, 1997, 11). Dans le sillage des deux guerres mondiales et de la Grande Dépression, l’immigration au Canada atteint un creux historique de 7 576 immigrants (Elliott et Fleras, 1996, 16). Le renouvellement de l’immigration n’aura lieu qu’en 1947.
Partie 3 : Période de l’après-Seconde Guerre mondiale
La seconde période – caractérisée par le discrédit jeté sur le racisme, les répercussions de l’Holocauste et les premières déclarations touchant les principes relatifs aux droits de la personne – est appuyée par une éthique individualiste [traduction] « selon laquelle toute personne a des droits fondamentaux, peu importe sa race, son origine ethnique ou sa nationalité » (Triadafilopoulos, 2012, 8). Triadafilopoulos (2012, 9; voir aussi Satzewich, 1991) ajoute : [traduction] « Cela ne veut pas dire que la discrimination raciale disparaît après la Seconde Guerre mondiale : le discrédit jeté sur le racisme et le nationalisme intégral en tant que principes légitimant les politiques discriminatoires fait qu’il est plus difficile de défendre et de maintenir de telles politiques face à une critique normativement sanctionnée. Au Canada comme en Allemagne, la sensibilité des gouvernements à ces points de vue crée des conditions favorables à un changement de politique. »
De même, Thobani (2007, 15 et 109) souligne que la législation relative à la citoyenneté et à l’immigration qui établissait une distinction entre les « races » dites « privilégiées » (initialement les Britanniques et les Français, et par la suite d’autres nationalités européennes) et les races « non privilégiées » (les Asiatiques, les Africains et les Antillais) a prévalu jusque dans les années 1960 et 1970. En effet, cette caractéristique est le résultat de la pensée antérieure relative aux « races incapables de s’assimiler ». Par exemple, en 1947, le premier ministre Mackenzie King a présenté une déclaration sur l’immigration qui reflétait le caractère non désirable de certains migrants en raison de leur origine (Débats de la Chambre des communes, 1947) :
Quant au choix des immigrants… Je tiens à préciser que le Canada a parfaitement le droit de choisir les personnes qu’il juge désirables en tant que futurs citoyens. Aucun étranger ne possède le « droit fondamental de l’homme » de devenir Canadien : c’est une faveur. Cette question relève de notre politique intérieure… L’ensemble de la population du Canada ne désire pas qu’une immigration massive modifie de façon fondamentale le caractère ethnique de notre population. Une immigration en masse d’OrientauxNote de bas de page 41 changerait la composition fondamentale de la population canadienne. En outre, une telle immigration susciterait des problèmes sociaux et économiques qui pourraient faire surgir de graves difficultés dans le domaine des relations internationales.
Le premier ministre Mackenzie King
La déclaration du premier ministre Mackenzie King, qui souligne le droit du Canada de sélectionner ses immigrants (aujourd’hui l’article 6 de la Charte), peut néanmoins avoir des résultats discriminatoires si les préjugés/la xénophobie font partie du processus de sélection, aspect abordé dans la section 1. Ces stéréotypes, nés de l’affirmation selon laquelle certains groupes sont incapables de s’assimiler, ont mené à la croyance raciste selon laquelle les groupes racisés ne sont pas compatibles avec une vision idéalisée du Canada comme étant blanche dans sa nature et dans sa culture. On devait toujours réserver un traitement préférentiel aux [traduction] « sujets britanniques du Royaume-Uni, de l’Irlande, de Terre-Neuve, de la Nouvelle-Zélande, de l’Australie ou de l’Union sud-africaine », considérés comme étant plus aisément assimilables au « caractère » blanc du Canada (Manpower in Immigration, 1974, 203; Jakubowski, 1997, 17).
Dans les années 1950 et 1960, le Canada abroge la Loi de l’immigration chinoise et accorde des droits aux Canadiens asiatiques. De même, le Canada établit des quotas annuels pour l’immigration en provenance de l’Inde, du Pakistan et du Ceylan en vue de démanteler la discrimination raciale. Toutefois, cela ne modifie pas l’esprit de la Loi sur l’immigration de 1952, qui conserve l’alinéa 38c), mais remplace la catégorie « race » par « groupe ethnique » (Hawkins, 1989, 17). Le ministre est investi du pouvoir discrétionnaire d’interdire ou de limiter l’admission de personnes pour des motifs touchant [traduction] « l’origine ethnique, la nationalité, l’origine géographique, l’étrangeté des coutumes ou l’incapacité de s’adapter au climat ou de s’assimiler », afin de ne pas perturber le caractère de la population du Canada, c’est-à-dire ses origines européennes blanches (Jakubowski, 1997, 17)Note de bas de page 42.
Comme le démontrent Jakubowski et Glasbeek (1997, 9), même si l’idée initiale était de bâtir un « Canada blanc », les besoins en main-d’œuvre et la montée de l’internationalisme ont mis un terme à ce penchant croissant. L’appartenance du Canada aux Nations Unies se traduit par une [traduction] « obligation stricte d’éliminer toute discrimination raciale de ses lois » (Triadafilopoulos, 2007, 8). Un document de travail préparé par le gouvernement à l’époque résume la question de la façon suivante : [traduction] « Le problème de l’immigration asiatique au Canada est double : il faut, d’une part, éviter de se faire accuser de discrimination raciale sur la scène internationale et, d’autre part, s’attaquer au problème sociologique et politique de l’assimilation au pays » (Jakubowski, 1997, 8). Le document de travail mentionne que la solution suppose de [traduction] « réviser notre Loi sur l’immigration de façon à éviter toute accusation de discrimination raciale tout en limitant l’immigration asiatique assez efficacement pour éviter que le problème de la minorité asiatique ne s’aggraveNote de bas de page 43 ».
Dans le même ordre d’idées, Jakubowski (1997, 17) ajoute : [traduction] « De la Loi sur l’immigration de 1910 jusqu’à la Loi de 1952, l’alinéa 38c) est le principal instrument au moyen duquel le Canada met en œuvre sa politique implicite du Canada blanc en matière d’immigrationNote de bas de page 44. » Des déclarations officielles appuient cette position.
En 1958, le directeur de la Direction de l’immigration déclare ce qui suit (Satzewich, 1989, 77) : [traduction] « Ce n’est pas par accident que les sujets britanniques de couleur – outre quelques rares ressortissants du Royaume-Uni – sont exclus du Canada [...] Ils ne s’assimilent pas facilement et stagnent en grande partie dans un faible niveau de vie. Malgré les déclarations contraires, nombreux sont ceux qui ne peuvent s’adapter à nos conditions climatiques. »
Citation dans Victor Satzewich, 1989
Dunsworth (2018), Triadafilopoulos (2007, 9) et Satzewich (1989, 77-78) précisent que c’est par l’application de l’article 38 que les Noirs des États-Unis et des Antilles, [traduction] « réputés mal adaptés au climat », se font refuser l’entrée au Canada jusqu’au début des années 1960, à de rares exceptions près. Le gouverneur en conseil est habilité à interdire ou à limiter l’admission de personnes pour les motifs suivants :
- la nationalité, la citoyenneté, la profession, la classe sociale ou la région géographique d’origine;
- les divergences de mœurs, d’habitudes, de modes de vie ou de modes de détention des biens;
- l’incompatibilité sur le plan climatique, économique, social ou industriel, du travail ou de la santé, ou relativement à d’autres conditions;
- l’incapacité probable de s’assimiler rapidement ou d’assumer les responsabilités et les devoirs inhérents à la citoyenneté canadienne dans un délai raisonnable après l’admission.
Cette liste a été dressée de façon à restreindre l’entrée d’immigrants non blancs et à préserver le caractère du Canada, c’est-à-dire le « Canada blanc ». Les pays privilégiés demeuraient les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Europe occidentale (Abu-Laban, 1998, 73; Marsden, 2011, 42). Dans l’arrêt Andrews (voir la section 1), où la Cour suprême aborde la vulnérabilité relative des immigrants, le juge La Forest déclare ce qui suit sur le fait d’assimiler la race à la nationalité : « La discrimination fondée sur la nationalité a, depuis les tout débuts, toujours accompagné la discrimination fondée sur la race et sur l’origine nationale ou ethnique » (dans Aiken, 2007, 85).
Partie 4 : Extirper le racisme explicite de la politique d’immigration
Le Canada voit ses politiques de discrimination raciale ouverte démantelées à partir de 1962, avec le Règlement sur l’immigration (Triadafilopoulos, 2012, 89)Note de bas de page 45. C’est effectivement en 1962 qu’une politique d’admission universelle, aussi appelée système de pointage (ou politique fondée sur le mérite), est instaurée. Elle fera l’objet de modifications supplémentaires et sera intégrée à la Loi sur l’immigration de 1976-1977 (Thobani, 2007, 97). Le système de pointage établit la catégorie des immigrants indépendants (immigration économique) ainsi que la catégorie du regroupement familial, celle-ci aux fins de la réunification des familles. Cette période d’innovation marque la fin de l’ère de la volonté de « garder le Canada blanc » (Thobani, 2007, 97).
Triadafilopoulos et d’autres spécialistes avancent que le désir de modifier la politique d’immigration tenait non pas tant à des préoccupations économiques qu’à la volonté de soigner l’« image » du Canada sur la scène internationale, surtout en ce qui concerne son appui aux mouvements pour la défense des droits civiques et au démantèlement du colonialisme et de l’apartheid, illustré par sa politique étrangère (Fitzgerald et Cook-Martin, 2014; Jakubowski, 1997; Satzewich, 1991; Triadafilopoulos, 2012)Note de bas de page 46. De même, Joppke (2005, 49) affirme que le discrédit jeté sur le concept de « race » et l’avènement d’une culture mondiale des droits de la personne ont fait qu’il était difficile pour des démocraties libérales comme le Canada de maintenir des politiques discriminatoires. Dans son étude approfondie de la politique d’immigration de cette époque, Hawkins (1988; Thobani, 2007, 147) fait aussi valoir que le Canada aurait été incapable de se faire prendre au sérieux sur la scène internationale avec [traduction] « une politique de discrimination raciale qui aurait l’effet d’un boulet » et qu’il avait tout intérêt à améliorer ses relations avec des « pays du tiers-monde » (comme on les appelait à l’époque) émergents et nouvellement indépendants. Elle démontre que ni le grand public canadien ni le Parlement n’avaient vraiment désavoué le racisme.
Li (2003, 23) diverge légèrement sur le sujet du prestige international, ou plutôt ajoute au débat, en faisant valoir que l’instauration d’une politique non discriminatoire tenait à des besoins en main-d’œuvre et en compétences que les pays européens traditionnels ne pouvaient plus combler. Thobani (2007, 98 et 147) estime également que les pénuries de main-d’œuvre faisaient de la présence d’immigrants une [traduction] « nécessité inévitable », d’autant plus que le caractère blanc du Canada avait déjà été consolidé à ce stade.
Selon certains spécialistes, l’amorce officielle de la déracisation des politiques d’immigration ne signifie pas pour autant que ces politiques ont été « complètement déracisées » dans la pratique. Les chercheurs utilisent souvent des expressions comme « en principe » ou « dans la pratique » pour mettre en relief cette contradiction. Arat-Koc (1997, 55; voir aussi Bolaria et Li, 1988) souligne que de nombreux auteurs sont d’avis que le racisme est toujours présent dans les politiques et les procédures relatives à l’immigration, malgré la déracisation. Dunsworth (2018, 567) apporte l’explication suivante : [traduction] « [L]a politique officielle de sélection des immigrants fondée sur la race, l’origine ethnique ou le lieu d’origine a pris fin avec deux décrets pris en 1962 et en 1967, mais de nombreux chercheurs ont fait remarquer que ces réformes – même si elles représentaient une transformation de la politique d’immigration canadienne –, n’ont pas en fait mené à une “déracisation” complète. »
Comme l’ajoute Dunsworth (2018, 567-568), [traduction] « les historiens affirment que la discrimination s’est poursuivie – du moins dans les années qui ont suivi les décrets – sous diverses formes, par exemple : la répartition géographique des bureaux d’immigration; le recours par des agents d’immigration aux pouvoirs discrétionnaires […] et la préférence accordée, selon le système de points, à des candidats très éduqués qui maîtrisent le français ou l’anglais, lesquels sont plus susceptibles de provenir de pays “développés”, majoritairement blancs » (voir aussi Abu-Laban, 1998; Elrick, 2020; Kelley et Trebilcock, 2010; Satzewich, 1989; 1991; Thobani, 2007; Wright, 2013).
Victor Satzewich (2016) démontre le rôle crucial que jouent les fonctionnaires dans la mise en application des préférences du système d’immigration du Canada.
Phil Triadafilopoulos, 2021.
Les partenaires antillais du Canada (la Jamaïque, la Barbade, Trinité et d’autres États insulaires des « Antilles britanniques ») comptaient parmi les critiques les plus virulents des politiques d’immigration canadiennes. En 1962, le directeur de l’Immigration déclare que le but de la déracisation est [traduction] « d’abolir la discrimination raciale de la politique [du Canada] », tout en précisant clairement que le Canada [traduction] « doit quand même privilégier la sélection d’immigrants de pays d’où provenaient traditionnellement nos immigrants »Note de bas de page 47. Les agents d’immigration avaient toujours le pouvoir discrétionnaire de limiter l’entrée d’immigrants potentiels non blancs. Le sous-ministre George Davidson a écrit ce qui suit :
[Traduction]
Il y a peut-être une tendance à la discrimination dans l’application administrative du Règlement […], quoique nous reconnaissions, par exemple, qu’un Antillais aurait plus de mal à trouver un emploi au Canada qu’une personne arrivant d’Europe de l’Ouest […] Cela pourrait justifier et même exiger une interprétation quelque peu plus rigoureuse du caractère adéquat en ce qui concerne les compétences et les modalités d’accueil dans le cas des Antillais […] À mon avis, ce genre de discrimination peut-être justifié et défendu.
Signalons ici que le racisme et la discrimination sont considérés comme justifiés, éthiques et « normaux ». Dans le même ordre d’idées que le discours relatif à la « lignée supérieure », Elrick (2020, 14) souligne l’utilisation courante de l’expression « de faible calibre » pour décrire des immigrants antillais potentiels, en plus de stéréotypes comme « pauvres, ignorants, indolents ». Ces stéréotypes se rattachent à une conception des pays des Antilles comme faisant partie d’une région inférieure du monde.
De même, les Antillais étaient capables de transposer l’infériorité (lire : les problèmes socioéconomiques et l’agitation sociale) au Canada. Cette façon de penser reposait sur le racisme (voir la section 1).
Des entrevues menées auprès d’agents à cette époque révèlent qu’ils décrivaient les immigrants des Antilles comme étant « enfantins, indolents, paresseux et stupides » (Satzewich, 1989, 86). Satzewich (1989, 86) laisse entendre que ces descriptions ne différaient pas tant des stéréotypes racistes des dix-huitième et dix-neuvième siècles utilisés pour justifier l’esclavage et la colonisation.
L’élimination graduelle du racisme explicite devait être accomplie par la modification du règlement 20, considéré par le ministre comme étant [traduction] « le cœur de la politique d’immigration du Canada ». On peut considérer la modification du règlement 20 comme marquant la naissance du système de pointage et l’élimination de toutes les mentions de la race, de l’origine ethnique, de la nationalité ou des origines géographiques (Triadafilopoulos, 2007, 13) : [traduction] « Le nouvel alinéa 20a) du règlement insiste principalement sur les compétences et la qualification aux fins de la sélection en tant que principales conditions d’admissibilité, sans égard pour tout autre facteur. Si un demandeur peut établir son admissibilité pour ces motifs et a les moyens de s’installer au Canada jusqu’à ce qu’il trouve un emploi, ou s’il a reçu une offre d’emploi ferme ou un plan pour son établissement au Canada, il s’inscrit dans les catégories admissibles. »
Les craintes au Canada concernaient la migration « non contrôlée » et l’importation de problèmes sociaux. Malgré le Règlement de 1962, le Canada conserve [traduction] « le droit [...] de déterminer sa propre composition sociale et raciale et de refuser d’accepter des immigrants dont la présence pourrait causer des perturbations importantes ou des changements radicaux » (Satzewich, 1989, 84; Triadafilopoulos, 2007, 16)Note de bas de page 48. FitzGerald et Cook Martin (2014, 177) écrivent qu’à la lumière de l’exclusion des immigrants potentiels noirs et antillais, l’admission universelle est perçue comme du [traduction] « tape-à-l’œil » sur la scène internationale. Triadafilopoulous (2012, 17) tire la conclusion suivante : [traduction] « Contrairement aux attentes, le problème de la race résiste aux tentatives d’éradication [...] Lors d’une conférence de presse en Jamaïque le 30 novembre 1965, [Lester B.] Pearson reconnaît officiellement qu’il y a deux poids, deux mesures pour ce qui est des admissions et de l’application de la procédure et promet que le Canada tiendra sa promesse d’éliminer la discrimination raciale. Des accusations supplémentaires de racisme ont subsisté. » Lorsque le Globe and Mail lui demande si on applique vraiment le Règlement aux [traduction] « immigrants de couleur et blancs » de façon uniforme, le premier ministre s’engage à éradiquer la discrimination raciale [traduction] « en théorie et dans la pratique » (Triadafilopoulos, 2012, 17).
Peu après, le gouvernement lançait un programme temporaire visant l’embauche de travailleurs de la Jamaïque et d’autres pays des Antilles. Ce programme existe encore aujourd’hui. Elrick (2020, 2) dresse un résumé de la littérature sur ce volet de l’histoire de l’immigration au Canada et du rôle joué par la fonction publique fédérale : [traduction] « […] les hauts fonctionnaires dans le Canada de l’après-guerre sont décrits comme résistant à l’universalisation de la politique d’immigration et manœuvrant en coulisse pour maintenir les pratiques de sélection racisées, ce qui retarde la mise en œuvre de changements apportés aux politiques officielles et permet peut-être de jeter les bases d’une tentative de continuer secrètement d’appliquer des pratiques de sélection racistes. »
Système de pointage : la politique d’admission universelle
Le Livre blanc sur l’immigration, déposé à la Chambre des communes en 1966, est un rapport stratégique commandé par le gouvernement en vue d’obtenir des recommandations à la lumière de l’évolution de l’économie canadienne, compte tenu du fait que l’immigration en provenance de pays non privilégiés (non européens, à l’extérieur de l’hémisphère occidental) est perçue comme une menace à la cohésion sociale (Abu-Laban, 1998, 74)Note de bas de page 49. On perçoit donc les immigrants peu qualifiés – à l’instar des immigrants racisés – comme une menace à la cohésion sociale, et on fait valoir que les immigrants peu qualifiés seront incapables de se recycler durant une période de ralentissement économique, en raison de leur faible niveau de scolarité, de leur pays d’origine et de leur faible potentiel d’assimilationNote de bas de page 50.
Le système de pointage a été adopté pour gérer les craintes autour des problèmes sociaux associés à certains types d'immigrants.
Il importe de souligner que le système de pointage vise à l’origine à gérer les problèmes sociaux que certains types d’immigrants pourraient susciter. Il est recommandé dans le rapport qu’on renforce la relation entre l’immigration et les intérêts économiques à long terme et le recrutement d’immigrants qualifiés. Même s’il est précisé dans le rapport qu’il ne peut y avoir de discrimination fondée sur la race ou l’origine ethnique dans le cadre d’une politique d’admission universelle, ses auteurs formulent également une mise en garde à l’égard des conséquences économiques et sociales de ne pas contrôler la migration parrainée (ce qui correspondrait à ce que nous appelons aujourd’hui la réunification des familles, c’est-à-dire le fait que des résidents permanents ou des citoyens canadiens puissent parrainer certains membres de leur famille). Les auteurs du rapport préconisent également le resserrement du parrainage de membres de la famille. Selon les mesures proposées, les citoyens canadiens seraient en mesure de parrainer un éventail élargi de membres de la famille, qu’il s’agisse de personnes à charge ou non, mais les immigrants reçus auraient seulement la possibilité de parrainer des proches parents qui sont à leur charge. Ces idées essuient des critiques de groupes ethniques, confessionnels et ouvriers, qui dénoncent le resserrement des catégories de personnes pouvant être parrainées dans ce qu’on appelle aujourd’hui la catégorie du regroupement familial (voir aussi Marsden, 2011, 43). Ces événements amènent le ministère de la Main-d’œuvre et de l’Immigration à repenser ses politiques et à mettre en œuvre le nouveau règlement en 1967.
Le système de pointage reflète l’élimination graduelle de toutes les mentions [traduction] « pouvant déboucher sur des accusations de discrimination » et insiste sur [traduction] « les compétences, les capacités et la formation de l’immigrant potentiel lui-même, et sur sa capacité de bien s’établir au Canada », comme l’indiquent le Règlement sur l’immigration de 1962 et la modification du règlement 20Note de bas de page 51. Cet épisode signale la fin des critères raciaux et ethniques, mais le scepticisme demeure. Le système de pointage est instauré en tant qu’outil novateur pour évaluer les compétences et le niveau de scolarité des immigrants (Aiken, 2007, 76; Hawkins, 1989, 39; Jakubowski, 1997, 18; Triadafilopoulos, 2012, 14). L’intégration de la politique d’admission universelle de 1967 à la Loi sur l’immigration de 1976 – première loi à éliminer officiellement la discrimination raciale – annonce le début des politiques d’immigration « déracisées » et jette les bases du multiculturalisme canadien (voir aussi Elrick, 2020, 3).
Les immigrants provenant d’Asie, des Antilles, d’Amérique latine et d’Afrique représentent une part négligeable des nouveaux arrivants au cours de la période qui s’étend de 1946 à 1966, alors qu’ils comptent pour la moitié des flux annuels d’immigrants accueillis au Canada dès 1977 (Triadafilopoulos, 2007, 2). Le Canada ouvre également ses portes aux pays « non traditionnels » et « non privilégiés » et s’engage à mettre un terme à ses politiques discriminatoires. Selon l’alinéa 3f) :
Il est, par les présentes, déclaré que la politique d’immigration du Canada, ainsi que les règles et règlements établis en vertu de la présente loi, sont conçus et mis en œuvre en vue de promouvoir ses intérêts sur le plan interne et international, en reconnaissant la nécessité [...] f) de s’assurer que les personnes désireuses d’être admises au Canada à titre permanent ou temporaire soient soumises à des critères non discriminatoires en raison de la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion ou le sexe.
Sous le régime de la Loi, les immigrants potentiels seraient évalués en fonction de normes universelles et de leur capacité de bien s’établir au pays (Jakubowski, 1997, 19). Toutefois, des chercheurs laissent entendre que les manifestations d’une politique discriminatoire, bien que plus subtiles, indiquaient toujours une préférence pour les immigrants blancs en provenance d’Europe. Selon Elrick (2020, 4) : [traduction] « par exemple, le Ministère continue de limiter la taille des bureaux de traitement des demandes situés dans des pays d’origine peu désirables ainsi que le personnel et les ressources qui y sont affectés. »
Des chercheurs comme Triadafilopoulous (2007 et 2012), Jakubowski (1997), Satzewich (1991) et Dunsworth (2018) mettent aussi en relief l’exercice courant des pouvoirs discrétionnaires conférés en vertu de la Loi. La littérature sur le sujet donne à penser que des formes moins subtiles de discrimination persistent à cette époque (voir aussi Aikish, 2007). Elrick (2020, 1) fait remarquer dans son analyse que le système de pointage devient un moyen de « gérer » la race – à défaut de la faire disparaître – [traduction] « en misant sur la classe sociale et le statut ». Par exemple, les émeutes et la perturbation de l’ordre social sont associées à l’immigration noire (Satzewich, 1989, 78). Par la suite, l’immigration noire devient synonyme de pauvreté et de main-d’œuvre non qualifiée, ce qui rappelle le concept de la « race ne pouvant pas s’assimiler ». [Traduction] « Les migrants noirs étaient considérés comme des problèmes potentiels ou comme des personnes susceptibles de perturber l’ordre social.
Ce point de vue […] reposait sur la croyance raciste selon laquelle cette “race” était incapable de “s’assimiler” en adoptant le “mode de vie canadien” »
Satzewich, 1991, 191.
Bien que la littérature diverge quant aux motifs de l’abolition des politiques discriminatoires, qu’elle tienne à des facteurs internationaux ou à des besoins en main-d’œuvre accrus, il règne un consensus à l’égard du fait que la cause de l’abolition de ces politiques influence encore la politique d’immigration du Canada aujourd’hui (voir la section relative au système de pointage et à l’approche du capital humain, ci-dessous).
Le système de pointage : précurseur du Programme des travailleurs qualifiés (fédéral), de la catégorie des gens d’affaires, d’Entrée express, de la catégorie de l’expérience canadienne et de l’approche du capital humain
Bien que la présente étude soit axée sur les travailleurs migrants et les programmes de migration temporaire au Canada, les débats sur la migration économique permanente (c’est-à-dire le système de pointage et l’approche du capital humain) relevés dans la documentation et décrits ci-dessous sont tout à fait pertinents. Le système de pointage est étroitement lié à la migration temporaire, mais il influe sur tous les immigrants, qu’ils soient considérés comme « hautement qualifiés » ou pas. Même si le système de pointage est souvent présenté comme une réussite dans le contexte des politiques migratoires, la littérature considère qu’il a encore des relents de discrimination.
Cela dit, Joppke ne souscrit pas à ce point de vue. Il décrit la sélection axée sur les compétences comme étant [traduction] « la quintessence de la non-discrimination » : [traduction] « L’État peut évaluer la personne en fonction d’autres facteurs que ce qu’elle fait, mais pas de ce qu’elle est […] La personne est sélectionnée à la lumière de ses “réalisations” plutôt que des “qualificatifs” qu’on lui attribue, en fonction de sa capacité d’agir plutôt que de caractéristiques immuables obtenues à la naissance » (citation dans Ellermann, 2019, 47). Ellermann et d’autres chercheurs estiment qu’il s’agit d’une interprétation « classique » des politiques d’immigration qui reflète un défaut de procéder à une étude approfondie des effets discriminatoires (Ellermann, 2019, 47) et de la positionnalité des personnes sexuées, classées et racisées. Comme le soutient Ellermann (2019, 89-90) :
[Traduction]
Les politiques d’immigration peuvent s’avérer discriminatoires même si elles n’excluent pas intentionnellement et explicitement certains groupes […] notre argument central est que les préjugés produits par ces mécanismes sont […] problématiques pour les mêmes raisons qui ont amené les États libéraux à condamner les politiques d’immigration explicitement discriminatoires à partir des années 1960 […] les politiques témoignant d’un parti pris contre certains groupes sociaux ne sont pas à l’abri d’accusation de discrimination simplement parce que la sélection exige une différenciation […] les États libéraux ne jouissent pas d’un pouvoir discrétionnaire absolu sur le plan de la sélection d’immigrants potentiels, puisqu’ils ne peuvent violer légitimement leurs principes moraux constitutifs au moment de sélectionner des immigrants ou en conséquence de cette sélection […] Si Joppke et d’autres chercheurs voient la discrimination comme une atteinte au principe de l’autonomie personnelle qui ne se manifeste que par l’exclusion intentionnelle et explicite de groupes entiers, nous la percevons pour notre part comme une violation du principe du respect pour tous et une atteinte à la valeur et à la dignité humaine intrinsèques de certains citoyens. La sélection reposant sur des qualificatifs attribués à la naissance est problématique en raison non seulement de la nature immuable de ces caractéristiques, mais parce que ces qualificatifs ont servi dans le passé à nier la valeur morale égale des intéressés et continuent d’être associés à des stéréotypes défavorables qui désavantagent systématiquement les citoyens qui les partagent, par exemple l’origine ethnique, la nationalité, le sexe, l’orientation sexuelle, les capacités, la classe sociale et la religion.
Alignée sur l’analyse mise de l’avant par Ellermann (2019; 2020), le présent rapport aborde la question de l’amplification de l’injustice ou des inégalités sociétales. Les questions qui suivent sont au centre de l’analyse : les politiques aggravent-elles ou reproduisent-elles des divisions entre les classes sociales? Favorisent-elles la stigmatisation? Portent-elles atteinte au principe du respect pour tous? (Voir la section 1.) Il est crucial de comprendre cette problématique au moment d’étudier la question des travailleurs migrants.
Selon certains chercheurs, il n’y aurait pas de programmes temporaires en l’absence d’un système fondé sur le mérite qui privilégie un profil d’immigrant idéal considéré comme susceptible de « réussir ». Cela mène à la création d’un second niveau d’immigration où les migrants – officiellement classés en tant que travailleurs peu qualifiés dans les pays d’accueil, mais « cruciaux » pour certains secteurs de base – sont traités selon une norme différentielle.
On considère que cet aspect est lié à un système où les notions de « race » et de classe sociale s’imbriquent l’une dans l’autre. On décrit les immigrants idéaux comme étant « très qualifiés et brillants », « de qualité », « bons et désirables », « méritants », « talentueux » et « précieux » (Guo, 2015; Tannock, 2011), autant d’expressions qui rappellent l’époque où l’on parlait de « lignées supérieures ».
La sélection fondée sur les origines reflète tout de même la prise en compte de caractéristiques souhaitées qui reposent non pas sur la race, mais sur les aptitudes, les compétences et les capacités langagières, ce qui amène les chercheurs à parler de critères applicables à la classe moyenne (Guo, 2015; Tannock, 2011). Le fait d’imposer un fardeau moins lourd à la société d’accueil et, par conséquent, de moins recourir aux services d’assistance sociale que les immigrants qualifiés de la catégorie économique est un autre facteur crucial dans un système d’immigration fondé sur le mérite. La question qui s’impose, par contre, est celle de savoir si cela donne lieu à des effets discriminatoires (racistes). Bauder avance que ce point de vue soulève des enjeux d’ordre « éthique », étant donné que de nombreux Canadiens ne seraient pas considérés par leur propre gouvernement comme étant d’assez bonne « qualité » pour être admis au Canada, leur propre pays, en tant qu’immigrants indépendants (Bauder, 2002; Castles et Mills, 2003; Tannock, 2011, 1347).
Dunsworth (2018, 568) souligne que la littérature sur la persistance du racisme dans la politique d’immigration du Canada – qu’il s’agisse d’immigration permanente ou temporaire – insiste généralement sur [traduction] « les voies informelles permettant au racisme de continuer à exercer son influence, par exemple les préjugés non exprimés et peut-être inconscients de certains fonctionnaires de l’immigration, de l’administration centrale du Ministère à Ottawa jusqu’aux agents des visas et aux gardes-frontières, ou le transfert de responsabilités liées à la sélection de migrants, comme c’est le cas dans le cadre du PTAS ». Il est donc essentiel de comprendre les répercussions du système de pointage – même si, à strictement parler, elles ne s’inscrivent pas dans la portée de la présente étude – pour comprendre la dynamique de la migration temporaire.
Partie 5 : Histoire du racisme et des programmes de migration temporaire
Les travailleurs migrants agricoles et domestiques ont été les premiers intégrés à des programmes de migration temporaire durant la déracisation des politiques d’immigration et dans la foulée de celle-ci. Leur intégration a commencé avant l’avènement du Programme d’autorisation d’emploi des non-immigrants (PAENI), précurseur du PTET. La présente section porte sur l’histoire qui a mené aux programmes de migration temporaire, fondés sur la « race ». Nous allons d’abord examiner l’histoire des travailleurs migrants agricoles, puis nous passerons à celle des travailleuses domestiques et du PAENI.
L’agriculture et l’histoire du Programme des travailleurs agricoles saisonniers
L’agriculture a toujours eu une importance particulière dans le contexte de l’immigration. En effet, c’est l’agriculture qui a la « plus longue histoire » dans les programmes pour travailleurs migrants temporaires (Preibisch, 2010, 45)Note de bas de page 52. D’ailleurs, le ministère de l’Agriculture a parrainé la première Loi sur l’immigration du Canada (Venkatesh, 2019, 85).
Entre 1896 et 1905, le ministre de l’Intérieur du Canada lance une campagne pour inciter des Européens de l’extérieur du Royaume-Uni à venir travailler en agriculture au Canada. Toutefois, les préjugés envers les Ukrainiens, les Italiens, les Polonais et d’autres Européens de l’Est et du Sud, qui évoluent déjà dans le secteur, mènent à un revirement de la politique en faveur des travailleurs britanniques (Venkatesh, 2019, 86). En 1920, de graves pénuries de main-d’œuvre dans le secteur amènent le gouvernement à rétablir l’accès pour les immigrants de pays non privilégiés. En 1947, le Canada relance un programme temporaire d’importation de main-d’œuvre qui accorde le droit d’établissement aux agriculteurs polonais et leur permet de demander la citoyenneté après deux ans. Ce programme sera étendu à tous les réfugiés européens de l’après-guerre. Au total, 100 000 réfugiés seront admis au Canada dans le cadre de ce programme (Venkatesh, 2019, 87).
Durant la période d’après-guerre, le Canada ouvre ses portes à l’immigration en provenance de pays européens, à condition que les immigrants potentiels aient un proche au Canada. Vers la fin des années 1950, le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration n’arrive plus à recruter suffisamment de travailleurs européens pour combler les besoins en main d’œuvre. Rappelons ici que les immigrants non blancs sont considérés comme étant mal adaptés au climat du Canada et susceptibles de causer de l’agitation sociale. Satzewich (1991, 127) qualifie ce raisonnement de raciste : [traduction] « le “climat” semble être un élément important de la mythologie nationale et de l’identité canadienne. Comme le donne à penser la Loi sur l’immigration de 1952, les arguments relatifs au climat étaient constamment utilisés pour refuser aux personnes provenant des Antilles l’accès à l’établissement permanent […] cette façon de décrire les Noirs témoigne donc de l’existence non pas d’un processus de racisation, mais de racisme. »
En 1952, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration pousse le raisonnement encore plus loin en établissant une corrélation entre l’incapacité de s’adapter au climat et l’incapacité de réussir sur le marché du travail : [traduction] « L’expérience montre qu’il ne serait pas réaliste d’affirmer que les immigrants qui ont passé la majeure partie de leur vie dans des pays tropicaux s’adapteront rapidement au mode de vie canadien, lequel est déterminé en grande partie par les conditions climatiques […] on peut également affirmer que, de façon générale, les personnes provenant de pays tropicaux ou subtropicaux éprouvent davantage de difficultés à réussir dans une économie canadienne où la concurrence est féroce » (citation dans Satzewich, 1991, 129).
La description des gens des tropiques comme étant incapables de s’adapter au climat, qui mène à l’argument raciste selon lequel ils ne peuvent s’adapter à la vie au Canada, devient un moyen de les reléguer au rôle de travailleurs « temporaires » ne méritant pas la résidence permanente. En plus, on avance que cette incapacité de s’adapter au climat empêcherait ces immigrants potentiels de tirer leur épingle du jeu dans l’économie canadienne.
Selon ce raisonnement, les climats chauds mineraient non seulement la capacité biologique de vivre au Canada, mais aussi les capacités intellectuelles et les aptitudes des gens.
En outre, le Canada considère que l’Europe n’est pas une source naturelle de [traduction] « main-d’œuvre migrante non libre », étant donné que les travailleurs européens – contrairement aux travailleurs antillais – sont [traduction] « intrinsèquement libres ». La main-d’œuvre non libre présente les caractéristiques suivantes : signature de contrats de travail; refus de la possibilité de réunification de la famille; accès restreint à la résidence permanente; obstacles à l’accès aux services sociaux, à l’éducation et à l’assistance sociale; et [traduction] « rotation et rapatriement forcés de la main-d’œuvre » (Burawoy et Thomas, citation dans Satzewich, 1990, 330; voir aussi Bolaria et Li, 1988, 226-229). Historiquement, la main-d’œuvre migrante non libre est également associée au travail forcé, au servage et à la servitude contractuelle (Bolaria et Li, 1988; Eggerman, 2012; Satzewich, 1990, 329).
Par contraste avec les propos tenus à l’égard des travailleurs antillais, des représentants du ministère du Travail écrivent ce qui suit au sujet des Européens : [traduction] « […] leur sens des responsabilités bien connu, leur désir ardent de faire preuve d’initiative, leurs relations familiales étroites et leurs caractéristiques spirituelles et morales condamneraient à l’échec toute mesure considérée comme visant simplement à combler des lacunes sur le plan de la main-d’œuvre ». (Satzewich, 1991, 120)
Les Européens étant considérés comme « intrinsèquement libres », on estime que le fait de leur faire signer des contrats de travail constituerait un [traduction] « déni des droits de la personne qui ne pourrait être justifié dans une société démocratique » (Satzewich, 1988, 293). La liberté des travailleurs reposait sur un processus de racisation selon lequel les travailleurs néerlandais, britanniques et allemands ne pouvaient être perçus comme de la « main-d’œuvre non libre », alors que les travailleurs antillais étaient considérés comme naturellement compatibles avec la catégorie du travail non libre (Satzewich, 1991, 121). Par contraste, le système des travailleurs invités lancé en Europe durant l’après-guerre procure aux travailleurs migrants la possibilité de s’établir en permanence, par exemple, aux Pays-Bas et en Suisse.
Lorsqu’on instaure l’immigration permanente fondée sur les compétences durant les années 1960, les propriétaires d’exploitations agricoles expriment leur mécontentement à l’égard de la classification du travail agricole comme étant « non spécialisé ». Ils commencent donc à exercer des pressions pour la création d’un programme temporaire ou d’un programme de parrainage pour la main-d’œuvre contractuelle (Venkatesh, 2019, 87). En 1966, 264 hommes de la Jamaïque obtiennent la permission d’entrer au Canada en vue d’accomplir du travail contractuel saisonnier dans le secteur des fruits et légumes, dans le sud-ouest de l’Ontario, dans le cadre d’un programme qui porte encore le nom de PTAS aujourd’hui.
Tannock (2011, 1342) fait remarquer qu’il est paradoxal que cet épisode se produise à l’époque où les auteurs du Livre blanc sur l’immigration avancent que le Canada n’a plus besoin de travailleurs [traduction] « aux reins solides pour travailler ses terres ». Venkatesh (2019, 87) explique ce processus : [traduction] « On apporte des changements au droit régissant l’immigration durant les années 1960 afin d’accroître l’immigration permanente, et le PTAS est le seul programme de migration temporaire saisonnière créé pour le secteur agricole. Les travailleurs viennent au pays grâce à un permis qui est lié à l’employeur durant la saison des récoltes, et ils doivent repartir à la fin de la saison. Le programme fonctionne grâce à une entente bilatérale conclue avec la Jamaïque. »
Ventatesh (2019, 88) ajoute que le programme avait été conçu en tant que programme à court terme pour veiller à ce que les travailleurs demeurent dans le secteur agricole. Cook Martin et Fitzgerald (2014, 182; voir Dunsworth, 2018, 568) font remarquer, dans leur étude comparative des politiques d’immigration racistes, que les programmes destinés aux travailleurs étrangers temporaires, en particulier le PTET, sont des [traduction] « exceptions dans le contexte de l’élimination des critères de sélection fondés sur les origines nationales au Canada, puisque les employeurs qui participent à ce programme sélectionnent les travailleurs en fonction de leur pays d’origine ». Il ressort clairement de ces études que la discrimination liée à ce programme n’est toujours pas contestée au moment où l’on conçoit des programmes d’immigration reposant sur l’approche du capital humain pour réduire la discrimination.
Bauder (2008), Dunsworth (2018), Goldberg (2009), Marsden (2011), Perry (2012), Preibisch (2010), Satzewich (1989, 1990, 1991, 2007) et Venkatesh (2019) affirment unanimement que le PTAS est fondé sur des politiques d’immigration racistes qui ont finalement mené à sa création.
Perry (2012, 189; voir aussi Bauder, 2008; Venkatesh, 2019) démontre que le PTAS est une [traduction] « relique du passé raciste et colonial du Canada, lequel se perpétue sans interruption jusqu’à l’ère actuelle de multiculturalisme étatiste », et renvoie aux « antécédents de racisme flagrant dans lequel le programme est enraciné ».
À la fin des années 1970 et au début des années 1980, environ 4 700 hommes et (une modeste proportion de) femmes des Antilles séjournent temporairement au Canada chaque année. Le programme finira par comprendre des participants de la Barbade, de Trinité et Tobago, de la Grenade, de Montserrat et de la Dominique. Les travailleurs antillais ne peuvent rester au Canada à l’expiration de leur contrat, lequel prévoit [traduction] « une forme de rotation et de rapatriement obligatoires ». Satzewich (1991, 110 et 115) écrit ce qui suit.
[Traduction]
Les contrats prévoient, entre autres, le salaire minimum que l’employeur doit payer, la fourniture par l’employeur d’un logement adéquat, les conditions applicables au rapatriement des travailleurs en cas de violation du contrat et les modalités de transport. Il est également précisé dans les conditions d’entrée que les travailleurs ne doivent à aucun moment travailler pour un employeur autre que celui visé par le contrat. Un travailleur qui quitte son emploi ou change d’emploi sans avoir obtenu l’accord de l’employeur et du représentant de la Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada s’expose au rapatriement. Les travailleurs ne peuvent donc pas naviguer dans le marché du travail canadien. Puisqu’ils sont réputés être des visiteurs temporaires du Canada n’ayant pas le droit de s’y établir en permanence, et puisqu’il n’est pas prévu qu’ils deviennent citoyens du pays et fassent partie de la communauté imaginée de la nation canadienne, ils sont considérés ici comme une forme de main-d’œuvre migrante non libre […] Dans le cas du Canada, aucun mécanisme en vertu duquel un travailleur antillais ayant participé à plusieurs saisons des récoltes successives finirait par avoir le droit de s’établir au pays en permanence n’est prévu.
On considère que les Noirs sont [traduction] « dotés d’une nature fixe et invariable » qui se prête bien au travail en tant que migrants non libres. Selon Satzewich (1988, 196), [traduction] « il est clair [...] que le [...] ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration voyait l’intégration des travailleurs antillais en tant que main-d’œuvre migrante non libre comme un moyen de régler un problème de main-d’œuvre tout en évitant que les “Noirs” s’installent au pays ».
En somme, on considère que les Noirs ne conviennent pas pour plusieurs raisons. L’accent est manifestement mis sur l’incompatibilité de leurs traits et caractéristiques biologiques fixes avec une capacité de s’adapter au climat canadien, mais l’histoire ne s’arrête pas là. Les travailleurs antillais sont également perçus comme étant bien adaptés à certains types de travail plutôt qu’à d’autres : ils conviendraient à l’agriculture, mais pas au travail en usine. Les contraintes liées à l’entrée temporaire et à la main-d’œuvre non libre sont des moyens de contrôler l’entrée permanente de travailleurs jugés indésirables en raison de leur race, ou [traduction] « la présence effective de personnes présentant certaines caractéristiques phénotypiques ». Elles empêchent également ces travailleurs d’emmener leur famille pour s’établir au Canada. Du fait de leur [traduction] « invisibilité sociale » (en tant qu’êtres économiques unidimensionnels), ces travailleurs sont peu susceptibles de susciter des problèmes à l’égard des « relations interraciales » (Satzewich, 1991, 191; Satzewich, 1988, 299) : [traduction] « Étant donné que la croyance voulant que la présence de groupes présentant certaines caractéristiques phénotypiques puisse causer certains “problèmes” correspond à une évaluation défavorable de ces formes de différence phénotypique, on peut la qualifier de raciste ».
Les racines racistes qui sous-tendent le PTAS sont mentionnées partout dans la littérature. Durant les années 1980, un député siégeant au Comité de l’immigration de la Chambre des communes déclare ce qui suit au sujet de l’argument touchant ce racisme antérieur : [traduction] « S’il doit y avoir des immigrants, il devrait s’agir d’immigrants qualifiés provenant d’Europe. Ce n’est pas du racisme… C’est juste que les Canadiens cherchent des gens qui peuvent s’adapter au climat du pays »
Satzewich, 1991, 128.
Des traits négatifs liés à la « race » sont souvent mis de l’avant (par exemple le discours voulant qu’ils soient incapables de s’adapter, qu’ils vont causer des problèmes sociaux et raciaux et que leur exclusion est avantageuse [traduction] « pour eux et pour nous »). Dans l'ère post-déracisation, des fonctionnaires du gouvernement continuent de formuler des commentaires racistes en privé. Rappelons que, selon la littérature sur le sujet, la déracisation officielle des politiques d’immigration n’a pas marqué la fin du racisme, surtout dans les cercles privésNote de bas de page 53. Ces discours en sont néanmoins venus à s’insinuer dans les politiques d’immigration, subtilement, comme en témoigne l’exemple du PAENI.
Travailleuses domestiques
Il y a longtemps que le Canada va chercher du personnel domestique à l’étranger (Grandea et Kerr, 1998). À l’instar du PTAS, le travail domestique au Canada est associé à une obligation de travailler dans des conditions pénibles et décrit comme étant du « travail non libre » ou, moins souvent, comme de l’esclavage (Arat-Koc, 1997, 57). Historiquement, toutefois, la vaste majorité des femmes esclaves sont emmenées au Canada en tant que travailleuses domestiques vers la fin du dix-huitième et le début du dix-neuvième siècles (Arat-Koc, 1997, 57; Bolaria et Li, 1988, 165). Dans les années précédant les guerres, le Royaume-Uni et l’Europe occidentale sont les principales sources de domestiques.
Conformément aux objectifs d’édification de la nation et au désir de recruter des femmes qui vont « civiliser » le Canada, les domestiques britanniques sont considérées comme les futures épouses et mères de la nation et comme les filles de l’empire (Arat-Koc, 1997, 54-55; Bakan et Stasiulis, 1997, 33). Au début du vingtième siècle, elles comptent pour plus de 75 p. 100 des domestiques travaillant au Canada (Arat-Koc, 1997, 60). Bakan et Stasiulis (1997, 16) placent les politiques relatives au travail domestique dans le contexte de l’eugénisme négatif et du désir de décourager les races « indésirables » de s’établir au Canada et les considèrent comme une caractéristique historique de la politique d’immigration canadienne.
Historiquement, la vaste majorité des femmes esclaves sont emmenées au Canada en tant que travailleuses domestiques vers la fin du dix-huitième et le début du dix-neuvième siècles.
Sedef Arat-Koc, 1997; B. Singh Bolaria et Peter S. Li, 1988
Durant la Seconde Guerre mondiale, des réfugiés d’Europe de l’Est (personnes déplacées) travaillent pour des familles canadiennes pendant un an. Au début des années 1950, des Allemandes, des Italiennes et des Grecques travaillent également au Canada comme domestiques.
Toutes les domestiques européennes entrent au Canada en tant qu’immigrantes reçues. Les Noires et autres domestiques de couleur sont exclues du Canada en raison non seulement de l’argument relatif à leur incapacité intrinsèque présumée de s’adapter au climat, qui se passe maintenant d’explication, mais également de leur « licence sexuelle » présumée. Cette exclusion durera jusqu’en 1955
Calliste, Mackenzie, Timoll, citation dans Bakan et Stasiulis, 1997, 33.
Une exception modeste et de courte durée permet à un petit nombre de domestiques de la Guadeloupe d’entrer au Canada en 1910-1911 (Bakan et Stasiulis, 1997, 33). Selon Arat-Koc (1997, 54), [traduction] « les travailleuses domestiques issues de milieux “moins privilégiés” sont simplement perçues comme de la main-d’œuvre peu coûteuse, temporaire et remplaçable. Les variations touchant les différents groupes de travailleuses domestiques, la réglementation les concernant et leurs expériences donnent à penser qu’il y a un continuum du statut et de l’attrait selon des facteurs raciaux/ethniques parmi les domestiques étrangères qui reflète la hiérarchie raciale/ethnique établie au sein de la politique d’immigration canadienne dans son ensemble. » Comme le déclare le directeur de la Direction de l’immigration en 1955, [traduction] « le Ministère a depuis longtemps pour politique de restreindre l’admission au Canada de personnes de couleur ou métissées » (citation dans Satzewich, 1991, 126). Calliste (1994, 132) signale que la politique canadienne concernant l’immigration des Noirs était [traduction] « structurée par une dialectique de relations économiques, politiques et idéologiques : il y a une tension entre le désir des employeurs d’accéder à une main-d’œuvre bon marché pouvant accomplir du travail non spécialisé ou domestique et le désir de l’État d’exclure les Noirs en tant que colons établis en permanence ».
En 1955, le gouvernement fédéral lance le Programme de recrutement de domestiques antillaises. Plus tard, en 1981, le gouvernement fédéral lancera le Programme concernant les employés de maison étrangers avec la Jamaïque et la Barbade (Mackenzie, 1988, 128-133). Ces programmes sont les précurseurs du Programme des aides familiaux résidants (1992) et des volets réservés aux aides familiaux (2014 et 2019), qu’on appelle également projets pilotes de 2014 et de 2019 sur la résidence permanente ou Programme des aides familiaux. Des détails historiques supplémentaires concernant les programmes destinés aux aides familiaux (avant 1992) sont présentés plus bas.
On applique durant la première année du Programme de recrutement de domestiques antillaises un quota de 100 travailleuses, lequel sera porté à 280 les années suivantes. Après 1962, quelques Antillaises entrent au pays par les voies d’immigration ordinaires. Le système de quotas demeure constant jusqu’à la fin des années 1970. Le programme reconnaît que les femmes célibataires sans personne à charge ont la permission de venir au Canada en tant qu’immigrantes reçues, à condition qu’elles restent avec leur employeur pendant au moins un an, période après laquelle elles peuvent accéder librement au marché du travail (Bakan et Stasilius, 1997, 16; Satzewich, 1991, 125). Après cinq ans, elles peuvent demander la citoyenneté et parrainer certains proches (Satzewich, 1991, 125).
Bolaria et Li (1988, 201) affirment que les femmes doivent être [traduction] « jeunes, avoir bon caractère [et] être célibataires et sans enfants » pour être admissibles. Elles doivent avoir au moins une huitième année et ne peuvent passer à un autre emploi qu’après avoir travaillé pendant au moins un an comme domestiques (Jakubowski, 1997, 47). Le programme est initialement considéré comme une réussite. Comme l’explique Arat-Koc (1997, 75; voir aussi Calliste, 1989, 45), [traduction] « le Canada bénéficie du travail domestique d’une main-d’œuvre surqualifiée sans engager de coûts. Nombre des femmes recrutées dans le cadre du programme sont tellement instruites que leur émigration contribue à un “exode des cerveaux” de la Barbade. » Bien que le statut d’immigrant reçu soit accordé aux femmes à leur arrivée, une entente conclue avec les deux pays antillais prévoit que les femmes jugées inaptes au travail domestique seront retournées à leur pays d’origine aux frais de celui-ci (Arat-Koc, 1997, 75).
En plus de la « race », le « sexe » est un autre facteur qui joue dans le cadre des programmes d’immigration touchant le travail domestique (Fleras, 1992, 141; Macklin, 1999; Satzewich, 1991; Thobani, 2007). Le recoupement du sexe et de la race produit des stéréotypes au sujet des femmes qui travaillent comme domestiques. En effet, [traduction] « [d]es représentants de l’État, de façon raciste, définissent les femmes des Antilles comme un groupe biologique fixe possédant certains traits culturels jugés défavorables qui mèneront à la création de problèmes sociaux et “raciaux” au pays ».
À cela s’ajoutent les croyances voulant que les Antillaises aient une « nature libidineuse » et que leurs parents proches soient « peu recommandables » (Satzewich, 1989, 92).
[Traduction] « Alors que les Blanches sont censées être les “mères” de la nation, on dit des femmes non blanches qu’elles annoncent sa perte […] les femmes de race non privilégiée sont perçues comme étant moralement dégénérées, sexuellement dépravées et pourvues d’une fécondité plus animale qu’humaine. »
Sunera Thobani, 2007
Exemple éloquent, les femmes noires doivent subir à leur arrivée un test de dépistage des maladies vénériennes et d’autres examens gynécologiques, en raison de l’idée raciste selon laquelle elles sont d’un naturel débauché (Arat-Koc, 75; Bakan et Stasiulis, 1997, 34). Mackenzie (dans Satzewich, 1991, 144) décrit la situation comme suit : [traduction] « En plus de faire l’objet d’examens médicaux approfondis dans leur pays d’origine, y compris des radiologies et des tests de dépistage de maladies tropicales, les femmes doivent subir des examens gynécologiques complets (pour le dépistage de la syphilis) à leur arrivée au Canada. Les gouvernements de la Jamaïque et de la Barbade ne sont pas expressément informés des examens réalisés » (Mackenzie, citation dans Stasiulis, 1987, 6).
Satzewich (1991, 144) explique que ces arguments fondés sur l’immigration reflètent les idées racistes – intégrées à la justification de l’esclavage – qui associent les Noirs aux animaux et leur imputent une nature débauchée ainsi qu’une incapacité complète de maîtriser leurs impulsions sexuelles. L’esclavage influence la conception de l’immigration au vingtième siècle. De plus, le gouvernement est également préoccupé par le parrainage de membres de la famille et craint de ne pas pouvoir maîtriser l’arrivée de Noirs « non qualifiés » voulant immigrer au Canada.
Un responsable de l’immigration a déclaré ce qui suit (Satzewich, 1989, 91) : [traduction] « La travailleuse non parrainée pourrait bien répondre aux besoins d’une personne en travaillant comme domestique pendant un an ou deux, mais elle pourrait ensuite parrainer une dizaine ou une vingtaine d’immigrants dont la valeur pour le Canada est douteuse et qui pourraient bien causer des problèmes sociaux insolubles […] Je crains fort que nous soyons confrontés à une explosion du parrainage antillais ». D’autres déclarations officielles en ce sens seront formulées. Le Haut-commissaire du Canada à Trinité parle de [traduction] « débauche […] surtout aux échelons inférieurs de l’échelle sociale », ce qui témoigne de l’adoption d’un discours empreint de discrimination et fondé sur des préjugés et des déclarations xénophobes qui fusionne la « race » et la « classe sociale ».
Le directeur de la Direction de l’immigration déclare ce qui suit (Satzewich, 1989, 92) : [traduction] « Les mœurs antillaises sont très différentes des nôtres. Les enfants illégitimes y sont plutôt bien acceptés; cela fait partie de la vie. » Le programme se poursuit jusqu’en 1967, puis, en 1973, cesse d’accorder d’office aux femmes le statut d’immigrant reçu, leur délivrant plutôt un [traduction] « visa de travail temporaire pour non-immigrant »; pendant ce temps, les domestiques européennes continuent d’entrer au Canada en tant qu’immigrantes reçues ayant le droit de circuler librement (Bakan et Stasiulis, 1997, 34). Selon Arat-Koc (1997, 56) : [traduction] « On facilite l’accès aux droits de citoyenneté aux domestiques dont la race ou l’origine ethnique est “désirable”, tandis que l’on complique ou on bloque cet accès à celles dont la race ou l’origine ethnique est “non désirable” ». Jakubowski (1997, 48) reprend la description des conditions préalables à l’obtention d’un visa temporaire proposées par Silvera : [traduction] « Chaque visa délivré concerne un emploi particulier, un employeur donné et une période définie. Si l’une de ces circonstances change, le titulaire du visa doit immédiatement se présenter à la Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada, faute de quoi il risque l’expulsion. »
Dans le cadre du Programme concernant les employés de maison étrangers, le règlement permet aux femmes de demander la « résidence permanente » au Canada si elles se trouvent au pays depuis deux ans. Toutefois, les chercheurs insistent sur le fait que l’accès à la résidence permanente est compliqué par l’intervention d’agents investis du pouvoir discrétionnaire de prendre en compte les aptitudes pour l’apprentissage, la capacité d’adaptation au mode de vie canadien et les qualités personnelles (Silera, citation dans Jakubowski, 48), ce qui pourrait toujours reposer sur la « race ». Selon Jakubowski (1997, 48) et Balkan et Stasiulis (1997), les conditions liées aux visas de travail temporaire créent des situations où les domestiques remettent rarement en question les conditions de travail offertes par leur employeur ou sont victimes d’exploitation et de violence physique et psychologique. Le Groupe d’étude sur les règles et formalités en matière d’immigration (1981, voir Jakubowski, 1997, 48) déclare ce qui suit : [traduction] « L’autorisation d’emploi est limitée au travail auprès d’un employeur désigné, et une femme peut voir son statut remplacé par celui de visiteur si elle perd ou abandonne un emploi au Canada. Un visiteur ne peut demander un permis relatif à un autre emploi au Canada. Il devient donc primordial pour la domestique de s’accrocher à son emploi, de sorte qu’elle se retrouve dans une situation de vulnérabilité extrême à l’exploitation. »
La littérature révèle que cette situation amène les travailleuses domestiques à devenir [traduction] « dociles, soumises et obéissantes », surtout lorsqu’elles commencent à craindre la perte de leur statut et l’expulsion (Jakubowski, 1997, 48; Silvera, 1989). À partir des années 1970, la vaste majorité des travailleuses domestiques au Canada proviennent des Philippines, devançant les Antillaises qui avaient dominé jusqu’alors. En période d’incertitude économique, ces femmes sont souvent perçues comme volant des emplois à des Canadiennes. Afin de démontrer que la déracisation n’a pas mené à l’égalité raciale complète pour tous les types d’immigrants, Carty (dans Arat-Koc, 1997, 78) déclare ce qui suit : [traduction] « Il est paradoxal que l’émergence récente du statut de migrant – plutôt que d’immigrant – pour les travailleuses domestiques étrangères vienne précisément au moment où le Canada prétend avoir débarrassé ses politiques et procédures d’immigration de toute partialité raciale et ethnique. Juste au moment où le Canada se définit comme étant “multiculturel”, il élabore des politiques définissant certains groupes d’immigrants comme étant “des travailleurs seulement” ». Ce « paradoxe » est également relevé dans la littérature relative à l’établissement du PAENI, surtout dans le livre Home Economics (2006) de Nandita Sharma, auquel nous renvoyons plus bas.
Le Programme d’autorisation d’emploi des non-immigrants (PAENI)
Avec la déracisation des politiques d’immigration vient un cadre réglementaire régissant l’entrée des travailleurs temporaires. Ce cadre – le Programme d’autorisation d’emploi des non-immigrants, instauré en 1973 – est le précurseur du PTET d’aujourd’hui (Marsden, 2011, 44; Tannock, 2011, 1343). Ce programme va au-delà des programmes de recrutement de « travailleurs migrants » existants, qui visaient des secteurs précis du marché du travail, comme l’agriculture et le travail domestique. Le PAENI occasionne également une transformation de la politique d’immigration dans son ensemble, car il facilite le recours à des « travailleurs migrants » en tant que source principale d’étrangers recrutés pour travailler au Canada, plutôt qu’à des immigrants reçus ayant accès à la résidence permanente et à la citoyenneté (Sharma, 2002). Sharma (2006) a beaucoup écrit au sujet de cette transformation dans son livre, cité plus haut, où elle fait valoir que les origines du programme étaient étroitement liées à des considérations « raciales ». De même, Marsden (2011, 19) explique ce qui suit :
[Traduction]
Ce programme permet à des travailleurs d’entrer au Canada pour des périodes précises durant lesquelles ils sont liés à un employeur particulier à la lumière d’une pénurie de main-d’œuvre temporaire démontrée, pour occuper divers types d’emplois, par exemple du travail agricole ou domestique ou dans le secteur des services ou des postes de professionnels. Par conséquent, parallèlement au passage à une politique migratoire axée plus explicitement sur l’aspect économique se trouve une division entre les migrants pouvant entrer au Canada comme immigrants (aussi appelés « résidents permanents ») et ceux qui y entrent temporairement.
En plus de répartir les migrants selon qu’ils soient permanents et temporaires, on classe les migrants temporaires selon deux catégories : hautement qualifiés et peu qualifiés. Une corrélation s’établit entre le type de travail accompli par les travailleurs étrangers et la probabilité qu’ils obtiennent la résidence permanente […] Les femmes et les travailleurs provenant de pays peu développés sur le plan économique sont fortement surreprésentés dans la catégorie des postes exigeant un faible niveau de compétences.
Sarah Marsden, 2011
Il convient de signaler que la catégorie des travailleurs migrants « peu qualifiés » – qui mène rarement à la résidence permanente et, par conséquent, à la citoyenneté – tire ses origines de l’approche d’immigration post-racisée du Canada, elle-même enracinée et étroitement imbriquée dans le racisme exprimé (parfois, dans le privé) qui a mené à la création de programmes de migration temporaire visant à prévenir l’établissement permanent de personnes noires. Autrement dit, les personnes considérées comme étant « hautement qualifiées » ou « qualifiées » sont beaucoup plus susceptibles d’obtenir la résidence permanente.
La justification de l’embauche de travailleurs temporaires s’articule autour du concept de la « pénurie de main-d’œuvre ». Sharma (dans Marsden, 2011, 45) met en relief le fait que les Canadiens ne sont pas disposés à prendre ces emplois parce qu’ils sont dangereux, certes, mais aussi – à plus forte raison – parce qu’ils sont moins payants. Selon elle, si les travailleurs racisés ne sont plus explicitement exclus de l’immigration, ils se retrouvent dans des programmes de migration temporaire qui compliquent leur accès à la résidence permanente et à la réunification des familles.
Dans le même ordre d’idées, Sharma attire l’attention sur les origines racisées du PTET, lequel permettait au Canada, selon elle, de poursuivre sa discrimination (2006, 20) :
[Traduction]
[…] le problème que le PAENI semble avoir réglé est le problème de la non-permanence des non-Blancs au sein de la société canadienne. Dans la foulée de la libéralisation de la politique d’immigration du Canada en 1967, les non-Blancs admis en tant qu’immigrants – c’est-à-dire comme résidents permanents – en viennent à jouir (pratiquement) des mêmes droits que les Canadiens blancs. De plus, après 1967, une proportion croissante des immigrants provient de l’hémisphère Sud […]
Sharma (2006, 22 et 89) souligne que le PAENI est adopté comme solution aux problèmes relevés par le Parlement : une trop grande présence de personnes racisées, c’est-à-dire [traduction] « trop de non-Blancs », qui causent des dommages irréparables. Selon Sharma (2006) :
[Traduction]
Les non Blancs avaient toujours migré au Canada. Ce qui avait changé par rapport aux périodes antérieures de l’histoire du Canada, c’est qu’après 1967, les non Blancs étaient en mesure d’entrer au pays en tant que résidents permanents. À la fin de 1973, les parlementaires s’entendent pour dire que le système d’immigration canadien est « hors de contrôle » à cause des changements apportés en 1967 et que cela cause des problèmes aux Canadiens. Ce n’est pas un hasard si cela se produit durant la période, en 1974, où les non Blancs constituent pour la première fois la majorité des immigrants au Canada. À ce moment charnière, alors, le discours selon lequel l’immigration est la cause de divers problèmes suppose l’organisation d’une panique morale à l’égard du statut permanent des non Blancs au Canada et des conséquences de cette situation sur le « caractère » de la société canadienne.
Selon Sharma (2006, 20), même s’il est pratiquement impossible d’établir ouvertement une discrimination contre les immigrants fondée sur la « race » et d’autres caractéristiques, on décèle encore des relents de racisme dans les discours de parlementaires où le caractère indésirable des immigrants racisés est suggéré. Le PAENI, qui accorde un droit d’entrée temporaire aux immigrants racisés classés comme étant de la « main-d’œuvre bon marché », fait son apparition peu après. En 2004, les trois quarts de l’immigration fondée sur le travail sont issus du PTET.
Section 3 : Le racisme et la discrimination dans les programmes de migration temporaire contemporains
Partie 1 : Aperçu
Avant de passer à la dernière section de l’étude, il est judicieux de mentionner que les programmes de migration temporaire s’inscrivent sous deux grands volets – le PTET et le PMI – depuis les réformes de 2014 de la politique migratoire visant les travailleurs temporaires. Il convient de signaler qu’en ce qui concerne le PTET, la présente étude s’attache aux travailleurs migrants « à faible salaire » et « peu qualifiés » visés par le programme, en particulier les travailleurs agricoles saisonniers et les aides familiaux. Le PMI, qui comprend surtout, « mais pas exclusivement, des programmes qui facilitent la migration de travailleurs hautement qualifiésNote de bas de page 54» (Faraday, 2016, 11), sera passé en revue après la section relative au travail agricole et domestique.
Comme nous l’avons déjà souligné, la présente étude envisage le racisme, la discrimination et les travailleurs migrants, à la lumière de la littérature, dans le cadre des programmes de migration temporaire susmentionnés. Le but n’est pas d’examiner et d’analyser en profondeur la structure complexe et les modalités des programmes visant les travailleurs migrants temporaires. Par conséquent, conformément à la portée de l’étude, au lieu de présenter une description détaillée de chaque programme dans le corps du texte, le rapport fournit en annexe l’information sur ces programmes et leur terminologie particulière dont le lecteur aura besoin dans le cadre de l’étude du racisme et de la discrimination visant les travailleurs migrants dans cette dernière section du rapport (ces renseignements sur le PTET et le PMI ainsi que de l’information sur les codes de la Classification nationale des professions (CNP), les réformes de 2014, l’EIMT et les termes « peu qualifié/peu spécialisé » / « hautement qualifié/hautement spécialisé » et « à faible salaire » / « à salaire élevé » figurent à l’annexe A).
Le PTAS et les volets réservés aux aides familiaux – qui remontent aux années 1960 et 1950, respectivement – sont les plus anciens programmes de migration de travailleurs temporaires (voir la section 2)Note de bas de page 55. Bien que ces programmes n’aient pas nécessairement beaucoup de poids pour ce qui est du nombre de participantsNote de bas de page 56, ils n’en sont pas moins importants. Par exemple, certains secteurs de base – notamment le secteur de l’agriculture – éprouveraient bien des difficultés s’ils ne pouvaient compter sur l’apport de travailleurs migrants; en effet, les travailleurs agricoles migrants comptent pour la majorité des participants au PTET et jouent un rôle crucial pour ce qui est d’assurer le bon fonctionnement de la chaîne d’approvisionnement alimentaire au Canada (Falconer, 2020; Statistique Canada, 2020c). Stasiulis (2020, 39) met en relief le poids proportionnel des aides familiaux et des travailleurs agricoles saisonniers, signalant qu’ils comptent pour environ les deux tiers de tous les migrants à faible salaire participant au PTETNote de bas de page 57. Les aides familiaux (-ales) et les travailleurs agricoles saisonniers proviennent de pays de l’hémisphère Sud, dont le Mexique, les Philippines et la Jamaïque. En 2006, plus de 94 p. 100 des résidents non permanents travaillant comme aides familiaux étaient des femmes, alors que presque 92 p. 100 des travailleurs agricoles étaient des hommes, ce qui fait ressortir le caractère hautement sexospécifique et racisé de ces emplois (Statistique Canada, 2018b).
De plus, les enjeux qui seront abordés dans le reste de la présente étude ne peuvent être explorés efficacement sans que soit mentionné le rôle de la « mondialisation » dans les politiques d’immigration et dans l’économie mondiale, selon la littératureNote de bas de page 58. Selon Stasiulis et Bakan (2005, 1) : [traduction] « À l’ère de la mondialisation, où les frontières nationales sont couramment considérées comme un facteur mineur dans le système mondial – étant perméables aux multinationales, à la technologie et aux organisations internationales –, il est souvent difficile de procéder à une analyse approfondie des expériences des femmes de couleur pauvres cherchant à migrer pour soutenir leur familleNote de bas de page 59. » En effet, les chercheurs avancent que les inégalités existantes reposant sur la distinction entre pays « développés » et « en développement » sont peut-être exacerbées et considérées comme étant acceptables, surtout dans le cas des migrants provenant de l’hémisphère Sud. Ainsi, les relations mondiales inégales reposant sur la « race », le sexe et la classe sociale pourraient se reproduire aux échelons national et local, selon ce que certains auteurs appellent une « hiérarchie mondiale ». Ces hiérarchies, ou ces déséquilibres dans les rapports de force mondiaux, se reflètent à leur tour dans les relations entre les travailleurs migrants de l’hémisphère Sud – pauvres, racisés et vulnérables – et leurs employeurs de l’hémisphère Nord, qui décident de leur sort et de la façon dont ils les traiteront dans leur exploitation agricole, leurs installations ou leur domicile au Canada (Díaz Mendiburo, 2021; Landry et coll., 2021; McLaughlin, 2021; Venkatesh, 2019).
Il importe de souligner que les experts insistent sur le fait que les pratiques abusives découlent non pas tant des employeurs que de la structure du programme, qui permet un tel déséquilibre dans le rapport de force (Lee, 2016). Certains auteurs utilisent le terme [traduction] « rapports de force néocoloniauxNote de bas de page 60» pour décrire les séquelles des pratiques discriminatoires (voir la section 1) qui se manifestent toujours dans le développement mondial inégal et qui sont intégrées dans la mondialisation. Ces caractéristiques seront mentionnées dans les analyses touchant les travailleurs agricoles migrants, les aides familiaux et le PMI.
Partie 2 : Migration temporaire : examen approfondi de la littérature sur la race
Revue des concepts
Pour traiter de façon succincte les conclusions relatives au racisme formulées dans la section 1, il est judicieux de répéter que, selon une grande part de la littérature sur le sujet, le racisme – ou le racisme systémique – peut causer de la discrimination dans la mesure où des préjugés raciaux (conscients ou inconscients) peuvent influencer la valeur qu’on accorde aux personnes racisées et, par conséquent, comment celles-ci sont traitées. Parallèlement, la discrimination peut se manifester lorsque les résultats d’une politique ou d’une pratique particulière (ou d’un ensemble de politiques ou de pratiques) ont une incidence disproportionnée sur les personnes ou les groupes racisés, ou aggravent les effets nuisibles subis par ceux-ci, même en l’absence d’une intention de discriminer. La « race » peut recouper d’autres axes d’inégalité – comme le genre, le sexe, la classe sociale ou les déficiences (phénomène appelé « intersectionnalité » – et causer diverses formes de discrimination (voir la partie 2 de la section 1).
En outre, afin de bien situer la dernière section de la présente étude dans son contexte, il est utile de passer en revue certains points saillants à l’égard du racisme qui ont été relevés dans la documentation (voir les sections 1 et 2 pour de plus amples renseignements) :
- On appelle « racisme biologique » ou « racisme scientifique » la croyance en la supériorité de sa « race » par rapport aux autres.
- Malgré le discrédit jeté sur le racisme biologique, ses vestiges se manifestent de façon subtile et sont difficiles à mesurer.
- Ces manifestations subtiles tiennent à la croyance persistante selon laquelle la « race » continue d’être « vraie », ce qui mène à un « processus de racisation » où seulement les personnes de couleur sont considérées comme « différentes » ou « issues de la diversité » (c’est ce qu’on appelle aussi la « race en tant que construction sociale »).
- Des formes précises de ce racisme plus nuancé, comme les préjugés inconscients et les microagressions, favorisent la conception des personnes racisées ou des Autochtones en tant que personnes « différentes », c’est-à-dire en marge de la norme « blanche » européenne.
- Les manifestations du racisme sont marquées par la présence de stéréotypes où l’on attribue des traits fixes et intrinsèques à des « races » précises.
- Ces stéréotypes (favorables ou défavorables) sont également présents dans le contexte du travail : « Les Noirs sont physiquement adaptés au travail agricole », « les Mexicains sont obéissants », « les Autochtones sont paresseux », « les Philippines sont attentionnées » ou « les nouveaux arrivants n’apprennent pas aussi vite ».
- La conception de ces personnes et groupes comme étant différents de la norme peut mener à un traitement différentiel reposant sur des préjugés, au refus d’offrir des chances égales et à des obstacles à l’égard de l’accès aux biens et services publics (voir la partie 2 de la section 1, où il est question de discrimination).
Rappelons aussi les éléments contextuels historiques suivants :
- Dans l’histoire de l’immigration au Canada, des stéréotypes – reposant sur l’idée selon laquelle les personnes racisées étaient incapables de s’adapter au climat en raison de leur « race » – mènent à la croyance voulant que les personnes racisées soient incapables de « s’assimiler » (lire : s’intégrer et s’établir en permanence). Cette croyance raciste est à la racine des programmes de migration temporaire, en particulier le PTAS et les volets réservés aux aides familiaux.
- L’exclusion est également fondée sur la croyance selon laquelle les migrants transformeraient de façon fondamentale le tissu social et culturel du pays, c’est-à-dire qu’ils modifieraient son caractère blanc européen. Autrement dit, on utilise la « non-assimilation » pour présenter les migrants racisés comme étant une menace à la « blancheur » du pays (Newman, 2021).
- Le déni de l’accès à l’établissement permanent repose sur une prémisse « raciale » et a une incidence sur le plan des politiques : on craint que les migrants se réunissent avec leur famille, arguant qu’il y aurait des membres de la famille dont « la valeur pour le Canada est douteuse ». Des sources historiques font état de craintes à l’égard d’une « explosion du parrainage » fondées sur cette croyance.
- La migration racisée devient synonyme de « pauvreté » et de « main-d’œuvre non qualifiée ». En conséquence, les concepts de « migrant peu qualifié » et de « migrant racisé » s’entremêlent et débouchent sur une exclusion permanente.
- Des formes historiques de subjugation de la main-d’œuvre comme l’esclavage et l’obligation de travailler dans des conditions pénibles (décrite comme de la « main-d’œuvre non libre » dans la littérature) reposent sur l’idée voulant que les groupes racisés soient « inférieurs ». Des experts ont décrit ces structures du travail comme étant des « pratiques discriminatoires ».
Un survol des volets agricoles du Programme des travailleurs étrangers temporaires et des tendances actuelles
Volets agricoles du ptet
- PTAS : Mexique et Antilles et Travail saisonnier
- Volet agricole, volet des postes à haut salaire, et volet des postes à bas salaire : Tous les pays et travail saisonnier et non saisonnier
Selon le Conference Board du Canada (2016, 19) : « En grande partie grâce au PTAS, le secteur [agricole] a été en mesure de combler avec les TET près des trois quarts de l’écart en matière de main-d’œuvre, de sorte qu’ils représentent maintenant plus de 1 travailleur sur 10 dans le secteur ». Dès 2002, le Canada offre aux producteurs canadiens la possibilité de recruter des travailleurs d’autres pays dans le cadre du PTET, c’est-à-dire de pays ne participant pas au PTAS (Basok et George, 2020, 3; McLaughlin et Hennebry, 2013; Preibisch, 2010). Aujourd’hui, le PTAS et le volet agricole du PTET comptent parmi leurs participants des travailleurs migrants de diverses nationalités, y compris du Mexique, de la Jamaïque, du Honduras et du Guatemala. Ces travailleurs sont essentiels au maintien des serres et d’autres sous-secteurs agricoles au Canada (Basok et George, 2020, 4). En effet, le PTAS est considéré comme un modèle en raison de sa coopération multilatérale, du caractère prévisible du nombre de travailleurs et de sa capacité de combler les pénuries de main-d’œuvre au Canada et de contrer le chômage dans les pays d’origine (voir Basok, 2007). Cependant, Basok (2007) souligne également ces « failles », tout comme le fait Ramsaroop (2000) : les deux auteurs font état de problèmes touchant la mobilité des travailleurs et mentionnent l’incidence négative de ces programmes sur les participants. Ces aspects seront abordés plus en détail dans les prochaines sections.
Dans la foulée des réformes de 2014, le PTET se concentre de plus en plus sur les travailleurs agricoles et moins sur les aides familiaux et autres travailleurs désignés (Vosko, 2020, 3). À part dans le secteur de l’agriculture, le PTET affiche des réductions notables dans l’admission de travailleurs migrants, qu’ils soient « hautement » ou « peu qualifiés » (Vosko, 2020, 6). En 2018, environ les deux tiers des permis de travail (52 800 permis de travail sur un total de 84 230) délivrés dans le cadre du PTET sont reliés au secteur de l’agriculture (Vosko, 2020, 6), le PTAS demeurant le volet dominant. Dès la fin de 2019, le Canada affiche des niveaux records de travailleurs migrants œuvrant dans le secteur agricole, alors que le nombre de Canadiens et de résidents permanents s’est stabilisé et a même baissé (Falconer, 2020, 1). Le besoin de travailleurs migrants semble connaître une croissance continue et rapideNote de bas de page 61.
Racisme et discrimination : Travailleurs migrants
Une bonne part de la littérature associe le racisme et la discrimination aux restrictions entourant l’accès à la résidence permanente (voir la section portant sur les travailleurs « peu qualifiés », l’accès à la résidence permanente et la discrimination, plus bas), mais aussi au traitement différentiel des migrants en ce qui concerne les protections et les avantages sociaux. Selon la littérature sur le sujet, il ne s’agit ni d’un résultat récent des politiques ni d’un accident. La structure même du programme actuel a pour racine le racisme sur lequel la politique d’immigration du Canada a reposé.
Historiquement, les travailleurs antillais noirs avaient la permission d’entrer comme travailleurs temporaires, mais ne pouvaient s’établir au pays en permanence. Rappelons cette citation de Satzewich (1991, 191) figurant dans la section 2 : [traduction] « Les migrants noirs étaient considérés comme des problèmes potentiels ou comme des personnes susceptibles de perturber l’ordre social. Ce point de vue […] reposait sur la croyance raciste selon laquelle cette “race” était incapable de “s’assimiler” en adoptant le “mode de vie canadien” ». L’argument selon lequel les travailleurs agricoles saisonniers étaient incapables de « s’assimiler » – ou, dans la langue d’aujourd’hui, de s’intégrer ou de réussir à s’établir – était un élément crucial dans la conception du programme, qui n’a pas changé de façon importante depuis sa création dans les années 1960, outre l’ajout de pays admissibles. Au moment de renvoyer au travail novateur de Satzewich sur la « race » et le racisme au Canada, Preibisch et Binford (2007) soulignent que plusieurs auteurs reconnaissent [traduction] « le caractère central du racisme et des processus de racisation dans le recrutement et l’affectation de travailleurs étrangers non citoyens », qui existe encore aujourd’hui (Stasiulis et Bakan, 2005; Sharma, 2002, 2006).
De même, Ventakesh (2019, 88; voir aussi Baines et Sharma, 92-93; Caxaj, 2020 et 2021) signale ce qui suit : [traduction] « Le programme [PTAS] est vite devenu une composante permanente du système d’immigration qui soutient le secteur agricole à l’aide d’une main-d’œuvre précaire et non libre depuis 51 ans. D’année en année, des travailleurs viennent dans des exploitations agricoles canadiennes, vivant la majeure partie de leur vie au Canada loin de leur famille, sans aucune possibilité de s’y établir en permanence. »
Vasanthi Ventakesh, 2019
Les recherches de Caxaj (2021) révèlent que les travailleurs migrants passent une part importante de leur vie active – plus précisément, des décennies – au Canada. Selon Perry (2012, 4), peu de travailleurs migrants pourraient satisfaire aux critères d’admissibilité prévus pour les immigrants de la catégorie économique, en raison partiellement des aspects touchant la maîtrise de la langue, la classification de la profession et le niveau de scolarité (ce qui est d’autant plus pertinent qu’IRCC considère le « niveau de scolarité » comme un facteur de diversité pouvant mener à la discrimination; voir la section relative à la méthode au début de l’étude).
Bien que la demande en travailleurs migrants dans l’économie canadienne soit permanente (voir aussi Lynch et Aceytuno, 2021, selon lesquels des travailleurs temporaires sont nécessaires de façon [traduction] « continue et permanenteNote de bas de page 62»), leur exclusion de la résidence permanente serait amplifiée par des [traduction] « obstacles linguistiques et culturels », un [traduction] « niveau de scolarité inférieur » et leur [traduction] « provenance d’un pays pauvre » (Bibliothèque du Parlement, 2020, 13; Marsden, 2011, 56; Perry, 2012).
Dans le même ordre d’idées, Marsden (2011, 47) fait remarquer que ce manque d’accès devrait préoccuper les démocraties libérales qui se caractérisent par la non-discrimination et les droits à l’égalité. Les dichotomies entre qualifié/non qualifié, permanent/temporaire et privilégié/exclu sont envisagées sous l’angle de la discrimination dans la littérature, et la prémisse sur laquelle repose la restriction sur l’accès à la résidence permanente est considérée comme une cause de discrimination supplémentaire (voir la section portant sur les travailleurs « peu qualifiés », l’accès à la résidence permanente et la discrimination, plus bas). Depatie-Pelletier (2008, 27) abonde dans le même sens : [traduction] « le déni actuel de droits touchant la famille et l’immigration en raison du niveau de compétence a un effet discriminatoire particulier sur les femmes et les travailleurs provenant de pays en développement précis ». Selon la documentation, cela rappelle la crainte historique de hauts fonctionnaires de l’immigration que les travailleurs temporaires amènent leur famille au pays dans l’espoir de s’y établir en permanence (voir la section 2). Esses met de l’avant l’explication suivante : [traduction] « De nombreux pays ont abrogé des restrictions en matière d’immigration qui reposaient explicitement sur la race ou la religion en raison de leur caractère discriminatoire. Pourtant […] il est possible que les politiques d’immigration prennent toujours pour cible des groupes nationaux particuliers lorsqu’elles ont manifestement un effet disproportionné sur certains groupes » (Esses, 2021, 516). En effet, la littérature donne à penser (voir la section 1) qu’on pourrait également mesurer la discrimination à la lumière des résultats produits par les politiques ainsi que des inégalités et des stéréotypes qu’elles peuvent renforcer, même si leur conception se voulait neutre et universalisante.
De la même façon, Lim et Jakubowski laissent entendre (voir la section 1) que les politiques ayant un effet disproportionné sur certains groupes témoigneraient de la négligence des responsables de la politique d’immigration, qui ont un [traduction] « devoir de vigilance » et doivent s’assurer de ne pas exacerber les résultats [traduction] « sexospécifiques et ethnicisés » et les [traduction] « croyances négatives » au sujet de groupes subordonnés (Elrick, 2020, 2545; voir aussi le propos de la CODP sur les disparités raciales). On dit que la discrimination prend racine lorsque les politiques amplifient des stéréotypes (processus raciaux qui sous-tendent le racisme) existants, que ce résultat soit intentionnel ou non. Autrement dit, les résultats de ces politiques sont importants.
La littérature donne à penser qu’on pourrait également mesurer la discrimination à la lumière des résultats produits par les politiques ainsi que des inégalités et des stéréotypes qu’elles peuvent renforcer, même si leur conception se voulait neutre et universalisante.
Marsden (2011, 51) aborde cette idée des résultats par rapport au PTET : « [...] le résultat du Programme des travailleurs étrangers temporaires, depuis sa création, a été la création au Canada d’une main-d’œuvre distincte et racisée au sein de laquelle les travailleurs sont extrêmement vulnérables à l’exploitation et sont confrontés à des obstacles bien précis sur le plan de l’accès à des avantages sociaux ». Outre les obstacles à l’accès aux soins de santé, les chercheurs mentionnent les caractéristiques discriminatoires suivantes : crainte du congédiement; crainte du retrait du salaire et d’autres violations liées à l’employeur; absence de transport indépendant; caractère inadéquat des services de traduction et des services adaptés à la culture; heures d’ouverture limitées des cliniques; couverture du système de réclamation des travailleurs; absence d’accès à des téléphones et à Internet; absence de soins de santé sexospécifiques; absence de connaissances et d’information sur les soins de santé et le régime d’assurance-santé (Caxaj, 2021; Hennebry et coll., 2016; Orkin et coll., 2014; Stasiulis, 2020).
L’amplification des stéréotypes est appuyée par le traitement différentiel des travailleurs migrants, lequel découle des politiques qui cautionnent diverses normes de travail et conditions de vie que les travailleurs canadiens jugeraient inacceptables.
Ce processus exacerbe les attitudes défavorables envers les travailleurs migrants et – paradoxalement – donne de la crédibilité à ces mêmes politiques. Marsden (2011, 56; voir aussi Dunsworth, 2018) a utilisé l’analyse de Kedar (2002, 401) pour faire ressortir le fait que le PTET a créé une nouvelle [traduction] « ethnocatégorie d’étrangers », distincte des fondateurs et des immigrants, qui [traduction] « persiste dans la politique actuelle ».
De même, Preibisch et Binford (2007, 7) font remarquer que les processus de racisation visant les migrants sont propices à la création d’une discrimination à l’égard de l’accès aux débouchés économiques et sociaux. De plus, Marsden (2011), Perry (2012), Stasiulis (2020), Venkatesh (2019), et Chartrand et Vosko (2020) notent que les programmes visant les travailleurs temporaires [traduction] « demeurent fortement enracinés dans leur vocation historique en tant que moyens de recruter une main-d’œuvre présumée hautement exploitable ».
Chartrand et Vosko (2020, 5) ajoutent que [traduction] « les programmes canadiens tendent également à alimenter les hiérarchies et les divisions racisées et sexospécifiques existantes, dans le pays de départ comme dans le pays d’arrivée ». Dans le même ordre d’idées, Goldberg (citation dans Perry, 2012, 6) a conclu que les travailleurs agricoles migrants sont [traduction] « considérés comme des étrangers et comme une main-d’œuvre exploitable » depuis le début et que – comme l’avance Perry (2012) – des [traduction] « hiérarchies raciales manifestes » entre l’hôte blanc et l’invité noir/racisé sont intégrées à des rapports de force déséquilibrés qui rappellent la servitude coloniale. Les analyses sont liées dans la mesure où elles révèlent l’existence d’inégalités bien ancrées qui reposent sur la « race », le sexe, la classe sociale et l’origine géographique. Il ressort également des analyses que les politiques peuvent exacerber accidentellement des processus de racisation à l’égard d’une main-d’œuvre provenant de pays sources limités, ce qui débouche sur un accès discriminatoire aux avantages économiques et sociaux qui repose sur le niveau de compétence. À ce sujet, Bolaria et Li (1988, 30) relient l’exclusion sociale et cette inégalité au concept du racisme institutionnel qui, à leur avis, « exclut systématiquement les membres subordonnés d’une participation et d’un traitement équitables au sein de la société ». Les caractéristiques et les formes que prendrait ce traitement différentiel fondé sur la « race » et sur des motifs liés à la « race » sont examinées en détail plus bas.
Racisme systémique : mention de l’esclavage, de la servitude contractuelle et de l’exploitation en tant que pratiques discriminatoires
En plus de ce qui précède, la littérature contient d’importantes analyses sur les travailleurs migrants et le traitement différentiel, la précarité et l’exploitation reliée à la « race », ou, pour reprendre la formule adoptée par Bolaria et Li (1988, 8), précités, aux [traduction] « relations interraciales dans le contexte de l’exploitation de la main-d’œuvre ». Ces aspects de la situation des travailleurs migrants – qui reposent sur des relations sociales inégales fondées sur la « race »/l’origine ethnique, la classe sociale et le sexe – se caractérisent par un manque d’accès à plusieurs avantages et même à un logement adéquat. Ils sont importants – dans la mesure où ils reflètent le traitement discriminatoire des travailleurs migrants en milieu de travail et ailleurs, selon une bonne part de la littérature – et sont donc dignes de mention parce qu’ils reflètent le but et la portée de la présente étude.
En effet, la littérature existante souligne que les travailleurs migrants ont des droits différents qui sont justifiés par leur incapacité présumée de s’établir en permanence au Canada (Perry, 2012, 1; Venkatesh, 2019, 94). La section qui suit aborde les sujets des pratiques de travail discriminatoires (esclavage et servitude contractuelle), des pratiques inférieures aux normes en matière de santé et de travail et de l’isolement social, qu’on décrit comme une [traduction] « exclusion discriminatoire ».
Comme nous l’avons vu dans la section 1, la littérature associe certaines formes de servitude – comme l’esclavage, la féodalité et la servitude contractuelle – aux pratiques ancrées dans le racisme. Vosko (2020, 13) avance que l’accès restreint à la résidence permanente accroît la propension à l’exploitation parce que les travailleurs peuvent être indéfiniment piégés dans un emploi. Walia (2010, 71), de même, souligne qu’on maintient les travailleurs migrants dans un état de vulnérabilité et qu’ils constituent une main-d’œuvre bon marché qui ne se fait jamais vraiment une place au pays (voir aussi Baines et Sharma, 2006, 99). Bauder (2008) observe que les travailleurs agricoles migrants se retrouvent dans une relation d’emploi contraignante qui rappelle la féodalité. D’autres auteurs mentionnent que les programmes de migration temporaire conservent des [traduction] « vestiges d’esclavage et/ou de servitude contractuelle » (Basok, 2002; Bolaria, 1992, Preibisch, 413; Satzewich, 1991; Shantz, 2014, 233; Sharma, 2006; Wong, 1984; voir aussi Perry, 2012, 19; Venkatesh, 2019, 85)Note de bas de page 63. Certains auteurs affirment qu’il s’agit non pas de simples vestiges, mais d’une manifestation moderne flagrante de main-d’œuvre engagée à long terme où le travailleur occupe un emploi précis pendant une période précise pour un employeur donné (Baines et Sharma, 2006, 76 et 87)Note de bas de page 64. Il importe de décrire ce système, dans la mesure où des chercheurs ont établi un parallèle entre cette pratique discriminatoire (voir la section 1) et les programmes de migration temporaire. Selon Bolaria et Li (1988, 162 et 164) :
[Traduction]
C’est dans le cadre de ce régime de travail précis que de nombreux travailleurs indiens sont allés à l’étranger sous le colonialisme britannique […] Le système « rattache » le travailleur à un employeur et/ou à une plantation en particulier en vertu d’un contrat, habituellement sous forme écrite et conclu « volontairement », où l’employé renonce à sa liberté pour une période donnée. À la fin de la période visée par le contrat, le travailleur pouvait obtenir le statut de « travailleur libre », se soumettre à un autre contrat ou retourner en Inde. Bien entendu, l’employeur voulait renouveler le contrat si le travailleur était toujours productif, ou se « débarrasser » de celui-ci s’il ne l’était pas. À cet égard, le système de servitude contractuelle était préférable à l’esclavage pour les employeurs, car ils pouvaient ainsi assurer la rotation d’une main-d’œuvre saine et productive, soit en embauchant de nouveaux travailleurs à long terme, soit en renouvelant d’anciens contrats, et rejeter les travailleurs peu productifs. Les travailleurs recrutés dans le cadre de ce régime de travail se faisaient appeler coolies, car les conditions de travail qu’on leur offrait n’étaient pas différentes de celles qu’on réservait à des esclaves […] Ce système privilégiait le recrutement d’hommes plutôt que de familles.
La littérature a associé ces méthodes du passé à l’exploitation actuelle qui sous-tend les conditions de travail et de vie abusives et malsaines qui sont offertes (Basok et George, 2020; Bridi, 2013; Cohen et coll., 2017; Hennebry, 2012; McLaughlin et Hennebry, 2015; Preibisch et coll., 2010; Vosko et coll., 2019; Well et coll., 2014; Wieler et coll., 2017). La relation d’emploi contraignante se reflète également dans les restrictions touchant la mobilité de la main-d’œuvre ainsi que les contraintes liées à la mobilité dans les collectivités (principalement rurales). Perry (2012, 3) fait remarquer que les relations sociales axées sur l’exploitation sont rendues possibles par le fait que les vies publique et privée du travailleur sont [traduction] « régies de façon serrée par l’employeur, qui fournit non seulement le travail, mais aussi le transport et le logement ».
L’exploitation a été accentuée par l’entrelacement de la relation d’emploi contraignante et de pratiques d’emploi inférieures aux normes. La première, qui repose sur la crainte des travailleurs migrants de perdre leur emploi et d’être expulsés du pays, permet d’assurer leur obéissance et leur docilité. Même si les travailleurs migrants sont censés recevoir la même protection en vertu des normes d’emploi provinciales et sont protégés, en principe, par les mêmes lois que les travailleurs du pays, ce n’est pas le cas dans la pratique, puisqu’ils ne peuvent exercer les droits qui leur sont conférés en tant que travailleurs [traduction] « de la même façon que les citoyens » (Preibisch, 2010, 415). Han (2020) signale que l’accès inégal aux services découle de la précarité du statut d’immigration tenant à [traduction] « l’exclusivité du permis de travail reliant le travailleur à un seul employeur » (voir Landry et coll., 2021), lequel restreint les mouvements des travailleurs et les amène à craindre de se plaindre ou de faire valoir leurs droits.
De plus, même si les dispositions contractuelles prévoient que les travailleurs agricoles étrangers recevront un salaire horaire égal ou supérieur à celui de travailleurs canadiens, ils gagnent néanmoins un salaire inférieur à celui de leurs homologues canadiens (Preibisch et Binford, 2007, 11). Le comble, c’est que les travailleurs migrants versent des millions de dollars de cotisations à l’assurance emploi, mais ne peuvent toucher des prestations parce que leur statut de travailleur temporaire prévoit qu’ils doivent quitter le Canada lorsqu’ils perdent leur emploi (Marsden, 2011, 56 et 57)Note de bas de page 65. Par conséquent, comme le souligne Perry (2012, 12), les travailleurs migrants occupent une [traduction] « zone grise et pourtant imposée par la loi » où des normes inférieures peuvent être acceptées.
La pandémie de COVID-19 a exacerbé nombre de ces disparités [en matière de santé] et a fait augmenter encore davantage le risque de violation des droits des travailleurs et la vulnérabilité de ceux-ci à l’exploitation.
Vivianne Landry et coll., 2021
L’exploitation est également entremêlée avec des conditions de santé et de sécurité en milieu de travail inférieures aux normes et avec un potentiel de maladies et de blessures élevé. Comme le signale Walia (2010, 74; voir aussi Lee, 2016) : [traduction] « De nombreux travailleurs migrants sont obligés de travailler avec des pesticides sans bénéficier d’une formation adéquate ni recevoir de matériel de protection. » Les travailleurs migrants blessés peuvent être rapatriés et remplacés par [traduction] « des travailleurs plus jeunes, en meilleure condition physique et en meilleure santé au début de chaque saison », ce qui témoigne de leur caractère [traduction] « expulsable [et] jetable »Note de bas de page 66. Ramirez (dans Baines et Sharma, 2006, 87) décrit les pratiques relatives au remplacement comme une [traduction] « porte tournante de l’exploitation ». Stasiulis (2020, 40-41; voir aussi Hennebry, 2010, 75; Lee, 2016; McLauglin et coll., 2014) note ce qui suit :
[Traduction]
Étant donné l’augmentation importante du nombre de travailleurs agricoles saisonniers au cours des 25 dernières années, une proportion croissante des emplois liés au système alimentaire canadien qui affichent des taux élevés de blessures en milieu de travail ainsi que de maladies et de décès liés au travail sont occupés par des travailleurs migrants racisés provenant de l’hémisphère Sud. Parmi les principaux risques majeurs pour la santé des travailleurs migrants, mentionnons les suivants : maladies virales, respiratoires, neurologiques et physiques découlant de la manipulation sans protection de pesticides et de produits chimiques et de l’exposition à ceux-ci; lésions musculosquelettiques; contact avec des maladies d’origine alimentaire ou hydrique associées aux engrais; microtraumatismes répétés; affections gastroentérologiques; problèmes de santé touchant la sexualité; et problèmes de santé mentale. Bien que tous les travailleurs agricoles soient exposés à un grand nombre de ces risques pour la santé, peu importe leur statut de citoyenneté, il reste que le niveau de risque est amplifié grandement dans le cas des travailleurs migrants. Les chercheurs recensent une foule de causes pour l’accroissement du risque de blessures, de maladies et de décès […] le PTAS fédéral promet un accès à l’assurance-maladie et à la SST [santé et sécurité au travail], mais ces régimes relèvent de la compétence provinciale. Or, le cas de ces travailleurs est souvent mal géré, ou alors on les ignore complètement.
Dans ce contexte, le surpeuplement, la ventilation médiocre, l’eau non traitée, les installations sanitaires inadéquates et la proximité de produits chimiques et de pesticides sont autant de facteurs qui créent des situations où les conditions de vie sont loin d’être idéales et constituent une menace constante pour la santé (Hennebry, 2010, 74; Stasiulis, 2020, 42). Cela témoigne également de la faible [traduction] « valeur sociale » – concept mentionné plus haut – accordée à certaines catégories de personnes considérées comme ne méritant pas une protection égale. Lorsque ces conditions malsaines ont mené à la mort de travailleurs migrants, ceux-ci ont été décrits comme étant [traduction] « invisibles, indeuillables et indignes d’une commémoration » (Butler, 2004). Mettant en relief le traitement différentiel, Orkin et coll. (2014, 193; Stasiulis, 2020, 43) font remarquer que le rapatriement pour des raisons de santé est [traduction] « à la fois un événement relié à la santé au travail, une expulsion du pays et une cessation d’emploi », ce qui ne peut arriver qu’à un travailleur migrant. Les conditions de logement inadéquates offertes aux migrants durant la pandémie de COVID-19 ont contribué aux disparités en matière de santé (Han, 2020; Landry et coll., 2021).
En effet, dans toute la littérature, l’exploitation a été reliée à des conditions de logement inférieures aux normes offertes dans la résidence de l’employeur, ou à proximité de sa propriété, ainsi qu’à l’infantilisation et à la surveillance des migrants par l’employeur. Les chercheurs considèrent ce [traduction] « paternalisme » (Caxaj, 2021; au sujet du paternalisme, voir Jarmon, 2007) comme une composante intrinsèque du racisme. Exemple éloquent, il y a eu des cas où les employeurs ont fait appel à des gardiens pour veiller à ce que les migrantes – pourtant des adultes – ne quittent pas les lieux (voir Díaz Mendiburo, 2021). En effet, la notion de paternalisme connote une protection bienveillante des travailleurs migrants qui mine la liberté de mouvement. Comme le souligne Preibisch (2015, 415) :
[Traduction]
Les modalités de logement façonnent les rapports de force. La plupart des employeurs préfèrent loger les travailleurs embauchés au titre du PTAS sur leur propriété ou à proximité de celle-ci; dans le cadre du programme, toutes les provinces sauf une exigent que l’employeur fournisse gratuitement un logement (non réglementé) aux travailleurs. Cette formule permet à l’employeur d’étendre son contrôle sur le comportement des travailleurs agricoles au-delà de la sphère du travail, par exemple en imposant des restrictions sur la mobilité des travailleurs à l’extérieur de l’exploitation agricole. Ces restrictions peuvent prendre la forme d’heures de rentrée, d’interdictions de visiteurs du sexe opposé ou de l’obligation d’informer l’employeur de leurs allées et venues à l’extérieur de l’exploitation agricole. « Finalement, les TUAC (2020) craignent, au-delà de ces facteurs, que la capacité des travailleurs migrants de rester au Canada tienne aux humeurs de leur employeur. » (Voir aussi Basok, 2007; Laliberté et Satzewich, 1999; Preibisch, 2004; Preibisch et Encalada, 2010; au sujet du logement et de la santé, voir aussi Caxaj, 2010; 2021)
Parallèlement, la recherche donne à penser que les travailleurs migrants doivent composer avec l’isolement social, en plus de violations des normes du travail, et que ces effets peuvent perdurer même chez ceux qui accèdent à la résidence permanente (Caxaj, 2020 et 2021; Bibliothèque du Parlement, 2020, 15; Preibisch et Binford, 2007, 10). Une étude réalisée par Basok et George (2020, 3) donne à penser qu’un sentiment d’inclusion et d’appartenance est un élément crucial de la santé et du bien-être d’ensemble d’une personne. Malgré les efforts déployés sur le plan de l’accueil, ils font remarquer que c’est la structure du PTET – notamment la [traduction] « séparation forcée des familles » et [traduction] « l’absence de mobilité sur le marché du travail » – qui contribue à l’isolement.
Dans le même ordre d’idées, McLaughlin et Hennebry soulignent que c’est la structure du PTET qui mène à des risques pour la santé [traduction] « persistants et généralisés » (McLaughlin et Hennebry, 2013, 183). La Bibliothèque du Parlement (2020, 13) note que la perception à l’égard des travailleurs migrants – qu’ils servent à pourvoir des postes temporairement vacants – ainsi que la justification selon laquelle l’établissement n’est pas l’objectif de la politique ont influé sur les décisions stratégiques prises au Canada, notamment en ce qui concerne l’accès de ces travailleurs aux services d’établissement financés par le gouvernement fédéral. Le gouvernement s’attend à ce que les travailleurs migrants possèdent les compétences, le niveau de scolarité et la maîtrise de la langue nécessaires pour qu’ils puissent exercer leurs fonctions au Canada, et à ce que les employeurs les aident à s’établir (Bibliothèque du Parlement, 2020, 13).
En somme, le fait que les travailleurs sont séparés de leur famille, ne jouissent d’aucune mobilité au sein de la population active, travaillent de longues heures et doivent composer avec des obstacles linguistiques et autres, sans oublier l’absence d’accès aux services d’établissement, sont autant de facteurs qui peuvent aggraver l’isolement social (Basok et George, 2020, 3). L’isolement est un aspect particulièrement préoccupant dans le cas de personnes qui travaillent dans une exploitation agricole ou qui résident avec leur employeur, comme les aides familiaux (Bibliothèque du Parlement, 2020, 13). Preibisch (2007) montre également comment on peut à l’occasion dissimuler le logement des migrants derrière des hangars d’emballage afin que les voisins ne puissent voir les migrants. Par conséquent, les migrants ne font pas pleinement partie du tissu social des collectivités qui les reçoivent (Basok et George, 2020; Perry, 2012, 3). En réalité, comme nous l’avons mentionné précédemment, certains travailleurs migrants travaillent et vivent au Canada pendant des années, voire des décennies, et ponctuent ces périodes de travail de séjours annuels dans leur pays d’origine, dans un état permanent de rotation : c’est ce qu’on appelle la [traduction] « migration circulaire » (Caxaj, 2021)Note de bas de page 67.
Les facteurs aggravants – les longues heures de travail, l’absence de prime d’heures supplémentaires et le vol d’avantages/de salaire, les conditions de travail malsaines, les logements surpeuplés, les conditions inférieures aux normes du travail et les mauvais traitements au travail – ont amené des auteurs comme Sharma à décrire les structures d’une [traduction] « exclusion discriminatoire »Note de bas de page 68. En conséquence, Sharma conclut ce qui suit : [traduction] « Cette exclusion discriminatoire est une exclusion simultanée des minorités raciales et ethniques de l’accès à des avantages universalisés, ce qui correspond, de fait, à du racisme institutionnalisé » (Sharma, citation dans Bolaria et Li, 1988, 182). Dans le même ordre d’idées, Bolaria et Li (1988, 29) laissent entendre que les exclusions sont facilitées par la discrimination raciale permettant de subjuguer les travailleurs migrants racisés et de les maintenir dans des emplois peu valorisants assortis de conditions de travail inadéquates. En outre, ils associent ce concept à des formes plus étendues de discrimination reposant sur la « race » : [Traduction] « Lorsque la race devient une caractéristique définissant non seulement les personnes, mais aussi les emplois, le logement, la vie sociale, la religion, la politique et les droits des citoyens, cela mène inévitablement à l’apparition d’une théorie de la race. » Une telle théorie, selon Bolaria et Li, peut de façon générale être décrite comme du racisme. De même, Faraday (2012, 5-6) explique en quoi les travailleurs migrants occupant un emploi peu rémunéré ont des expériences comparables en matière d’exploitation.
Elle déclare ce qui suit : [traduction] « L’exploitation n’est pas isolée ni exceptionnelle. Elle est endémique. Elle est systémique. Et la gravité des violations est honteuse. »
En plus de demander des réformes aux échelons fédéral et provincial pour mettre un terme au traitement inégal, les TUAC (2020) estiment qu’il faut revoir sérieusement la place du PTET élargi en tant que panacée pour les problèmes de main-d’œuvre du secteur agroalimentaire. Selon les TUAC (2020), « [l]e Canada a assisté à une incessante expansion de la main-d’œuvre migrante et étrangère temporaire intégrant l’agriculture dans le cadre des programmes fédéraux qui mettent des travailleurs et travailleuses migrants à la disposition des employeurs et, ensuite, les laissent essentiellement se débrouiller seuls ». Le transfert des responsabilités pour ce qui est de s’attaquer aux difficultés qui se présentent à l’intérieur du programme a rendu la catégorie des travailleurs agricoles migrants « plus vulnérable que le reste de la population active canadienne car elle a moins de droits que celle-ci en vertu de la loi » (Bauder, 2008; TUAC, 2020). En effet, la documentation fait état d’un vide au chapitre de la gouvernance qui – de l’avis de chercheurs et d’organisations – ne semble pas complètement accidentel. La gouvernance du programme présente effectivement divers échelons nécessaires (fédéral ainsi que provincial et territorial)Note de bas de page 69: Stasiulis (2020, 41) décrit la gouvernance conjointe assurée par l’intermédiaire de programmes d’immigration fédéraux et de lois provinciales comme un « bourbier des compétences » (voir la note de bas de page pour de plus amples renseignements; voir aussi Alboim et Cohl, 2020).
Nous proposons que le gouvernement fédéral mène un processus de consultation auprès des provinces, des organismes municipaux, des employeurs et des travailleurs. Le but de cette consultation serait l’élaboration de normes nationales en matière de santé et sécurité, de logement et d’emploi, l’établissement de rôles et responsabilités clairs et l’amélioration de la coordination entre les organes gouvernementaux en ce qui concerne les travailleurs agricoles temporaires.
Naomi Alboim et Karen Cohl, 2020
Déshumanisés et jetables
Dans la littérature, l’exploitation a également été mise en corrélation avec les mots « précarité », « précaire », « jetable » ou « déshumanisation » utilisés pour décrire la situation des travailleurs migrants et l’incertitude de leur statut, ou le potentiel plus élevé de perte de statut, lui-même relié à la précarité de l’emploi (Goldring et Landolt, 2013). Basok et George (2020, 3) ont décrit la notion de déshumanisation de la façon suivante : [traduction] « Reposant sur des modes de différenciation intersectionnels comme la race, l’âge, la classe sociale et le sexe, le refus d’accès à la résidence permanente mène à des exclusions multidimensionnelles se manifestant sur les plans politique, social et culturel et amenant les intéressés à se sentir non reconnus, déshonorés, déshumanisés et non respectés. » Rappelant l’examen du concept de discrimination (section 2), Caxaj et Diaz (2018, 13) insistent également sur le fait que cela contribue à une [traduction] « non-reconnaissance de leur identité individuelle complète », laquelle fait partie intégrante de la dignité humaineNote de bas de page 70: ils sont considérés non pas comme des [traduction] « êtres à part entière », mais comme de simples « travailleurs » (Basok et George, 2020, 9; Caxaj et Diaz, 2018).
Dans le même ordre d’idées, Carey Newman (2021) parle de la nécessité de revoir la conception des migrants en tant que [traduction] « ressources » (c’est-à-dire non pas comme des êtres à part entière ayant besoin de voir leur famille et d’appartenir à une collectivité, mais comme de simples instruments économiques) dans le cadre de la politique en matière d’immigration. Newman (2021) affirme que les programmes de migration temporaire représentent [traduction] « l’exemple le plus extrême d’extraction de main-d’œuvre » : lorsqu’on les envisage sous l’angle de la culture autochtone, selon lui, on constate qu’ils ont des répercussions à long terme sur la santé de la société canadienne dans son ensemble, sur nos relations avec autrui, avec la culture et avec la terre.
Pour illustrer plus en détail ces aspects, Bauder (2008, 100-101) explique que les travailleurs agricoles migrants [traduction] « sont plus vulnérables et plus faciles à exploiter que les travailleurs canadiens; on peut les traiter de façons qui ne sont pas permises par les normes canadiennes; ils ne sont pas autorisés à changer d’employeur; et on peut les menacer d’expulsion ». Cela revient à dire que des normes discriminatoires sont appliquées à un groupe particulier de travailleurs racisés provenant d’un nombre limité de pays (pauvres) de l’hémisphère Sud.
Sharma (2006, 103) – qui souligne que la demande en travailleurs temporaires demeure constante, malgré les fluctuations du taux de chômage dans les pays riches – avance que le PTET a maintenu la discrimination raciale là où les [traduction] « groupes raciaux indésirables n’étaient plus explicitement exclus ». Ainsi, Sharma (2006, 108) met en lumière la complexité des programmes de migration temporaire et estime que la fonction des formes temporaires de migration va au-delà de la satisfaction des besoins du marché du travail.
Dans un argument similaire, Venkatesh (2019, 88) précise que le [traduction] « système du PTAS assure l’accès à un effectif provisoire qui permet de renouveler sa main-d’œuvre sans que l’État canadien ait à engager des coûts liés au bien-être de la main-d’œuvre, comme les pensions, l’assurance-emploi et le recyclage professionnel ».
Vasanthi Venkatesh, 2019
En conséquence, il est économiquement avantageux de pouvoir compter sur une main-d’œuvre flexible dont le statut est fortement relié à l’employeur (Baines et Sharma, 2006, 76 et 92-93). On affirme que les travailleurs migrants accomplissent des tâches que les Canadiens trouvent peu attrayantes ou dangereuses. Cela amène certains auteurs à déclarer qu’il y a trois types de tâches que les travailleurs canadiens ne trouvent [traduction] « P.A.S. (Périlleuses, Ardues et Salissantes) » attrayantes (même si elles sont essentielles à la santé et au bien-être de tous) et qui sont confiées à la main-d’œuvre temporaire racisée (Marsden, 2011, 63; McLaughlin et Hennebry, 2013; 175; Perry, 2012, 17; Walia, 2010, 74).
La stigmatisation des travailleurs migrants et son amplification exacerbe les croyances défavorables existantes au sujet des causes sous-jacentes de leur subordination et de leur marginalisation, lesquelles sont enchâssées dans les concepts de discrimination et de racisme institutionnel. Il importe de se demander, à l’égard de la discrimination, si les politiques permettent de réduire la stigmatisation – voire de l’éradiquer – ou si elles l’amplifient. Comme le signalent Bolaria et Li (1988, 29) : [traduction] « Plus on associe les caractéristiques physiques d’un groupe à un travail salissant, plus on définit la position sociale de ce groupe – du moins en partie – par le travail qu’il accomplit. Au fil du temps, les caractéristiques culturelles et physiques d’un groupe deviennent indissociables de son travail et de sa position de soumission. La race [...] prend alors un sens et une importance sur le plan social. » Bolaria et Li (1988, 27) ajoutent ce qui suit au sujet de la « race » et de la main-d’œuvre : [traduction] « Comme le signale Miles (1982, 34), lorsqu’un employeur décide de ne pas employer des adolescents noirs, c’est la décision de l’employeur – et non la “race” comme telle – qui influe sur les débouchés d’emploi. En effet, la race n’a pas en soi d’importance sur le plan social, à moins qu’elle soit systématiquement associée à des récompenses et à des pénalités sociales. »
Stéréotypes et paternalisme sous un prétexte de bienveillance
Selon Esses (2021, 515), [traduction] « les préjugés envers les immigrants ont peut-être une incidence sur les attitudes restrictives en matière d’immigration. En effet, il est possible que les pratiques et les politiques en matière d’immigration reflètent et influencent les attitudes publiques. » Il importe donc d’examiner en détail les stéréotypes d’hier et d’aujourd’hui sur les travailleurs migrants ainsi que leur influence potentielle sur les politiques d’immigration. Comme l’indique la documentation sur le sujet, les programmes de migration temporaire ont [traduction] « des antécédents de subordination raciale » qui se manifestent encore à ce jour lorsque la réglementation étatique, comme l’affirment Baines et Sharma, cautionne [traduction] « l’utilisation » de travailleurs migrants comme main-d’œuvre bon marché en s’appuyant sur des stéréotypes et des catégorisations raciales (Bauder, 2008, 102). Selon Perry (2012, 10; voir aussi Adilman, 1984; Bolaria et Li, 1988, 188) : [traduction] « Le PTAS actuel – qui fait exception aux politiques d’immigration menant à la citoyenneté – plonge ses racines dans des pratiques historiques et notoirement courantes de subjugation raciale comme l’esclavage du dix-huitième siècle et la restriction des droits et libertés des immigrants chinois vers la fin du dix-neuvième et le début du vingtième siècles. » (Voir aussi la synthèse historique présentée à la partie 2.)
L’arrivée de Chinois venant travailler comme cuisiniers, manœuvres, blanchisseurs, domestiques et travailleurs prêtant assistance à l’industrie minière, vers la fin du dix-neuvième siècle, est considérée comme faisant partie des ascendants des programmes de migration temporaire contemporains. Venkatesh (2019, 86; voir aussi Thobani, 2007, 84-87) rappelle ce qui suit : [traduction] « La propagande raciste au sujet de leurs habitudes “nocives”, de leur malpropreté, de leur dépravation morale et de leur mépris des lois a alimenté la conception sociale des Chinois comme étant une menace à la santé et à la sécurité des Canadiens. » Ils n’avaient donc pas le droit de s’établir en permanence, malgré leur apport essentiel à l’économie. Les stéréotypes, fondés sur les croyances à l’égard de l’incapacité intrinsèque de s’établir et de contribuer à la société canadienne, ont eu une incidence sur les politiques d’immigration. La loi discriminatoire imposant une taxe d’entrée qui a été suivie d’une interdiction totale de l’immigration chinoise, l’interdiction de venir au pays avec son épouse et ses enfants, l’embauche à long terme par des employeurs précis, la servitude pour dettes envers des recruteurs et les obstacles à l’acquisition de la citoyenneté sont autant d’exemples ayant une ressemblance frappante avec la nomenclature qui sous-tend les programmes de migration temporaire actuels, surtout le PTAS (Stasiulis, 2020, 35;Note de bas de page 71 Marsden, 2011, 47).
Sung (2021) établit des parallèles entre la taxe d’entrée et ses ramifications et la situation actuelle des travailleurs migrants, qu’elle décrit comme un moyen [traduction] « d’extraire de la main-d’œuvre » sans qu’elle s’accompagne de familles. Stasiulis (2020, 35; pour consulter la même analyse sur le propos qui suit, voir Vosko, 2020, 13; Marsden, 2011, 47; Venkatesh, 2019, 86) formule l’observation suivante :
[Traduction]
L’afflux massif de travailleurs chinois n’est qu’un des multiples précédents historiques importants des programmes visant les travailleurs migrants temporaires au Canada qui ont établi des créneaux sur le marché du travail et les ont comblés grâce au recrutement de travailleurs étrangers qu’on rendait vulnérables et qu’on considérait comme jetables en raison de leur position en tant que personnes pauvres et racisées provenant de l’hémisphère Sud […] Les domestiques antillaises noires sont un autre groupe qui était traité comme une main-d’œuvre migrante hyper-exploitable et jetable. Comme le résume Agnes Calliste, la politique canadienne concernant l’immigration des Noirs était structurée par une dialectique de relations économiques, politiques et idéologiques : il y a une tension entre le désir des employeurs d’accéder à une main-d’œuvre bon marché pouvant accomplir du travail non spécialisé ou domestique et le désir de l’État d’exclure les Noirs en tant que colons établis en permanence.
Bien que les syndicats ont appuyé les travailleurs chinois dans une certaine mesure, ceux-ci ont été considérés comme étant [traduction] « inorganisables », c’est-à-dire une menace à la rémunération et aux conditions des travailleurs blancs (Bauder, 2008, 103). Satzewich (1988, 1989, 1991, 2007) et d’autres auteurs (voir Dunsworth, 2018, par exemple) font remarquer que l’exclusion historique des travailleurs noirs et racisés de l’accès à des formes permanentes de résidence repose sur la justification suivante, mise de l’avant par des représentants et des responsables de l’immigration :
- L’incapacité de s’adapter au climat (on estimait que les personnes provenant de pays tropicaux étaient biologiquement incapables de s’adapter à un climat qui convenait davantage à la « race blanche »).
- Cette incapacité climatique a soudainement mené à la perception selon laquelle ils étaient incapables de répondre à un large éventail de besoins sur le marché du travail (on jugeait que ces travailleurs n’étaient adaptés qu’à un seul type de travail).
- Leur « nature » (ils sont « enfantins », « indolents », « paresseux », « débauchés » et « stupides ») pourrait causer des problèmes sociaux, comme des émeutes, et ils seraient donc incapables de s’assimiler et perturberaient l’ordre social tranquille et civilisé qui règneNote de bas de page 72.
- Lorsque ces travailleurs viennent au Canada dans le cadre d’un processus où le gouvernement canadien travaille en étroite collaboration avec le gouvernement de leur pays, le Canada fournit à ces pays les moyens nécessaires pour accroître leurs richesses.
- Pour ces raisons, ils étaient pour la plupart incapables de rester au Canada en permanence.
Il convient de signaler qu’on a justifié le PTET en faisant valoir qu’il s’agit d’une forme de développement coopératif (Preibisch, 2010, 408) qui fournit de l’assistance à d’autres pays ayant besoin de se développer. L’incapacité prétendue de s’adapter au climat servait également à justifier le caractère intrinsèquement saisonnier de la participation de ces travailleurs dans le cadre du PTAS. L’incapacité de s’adapter au climat – une justification raciste – établit le caractère saisonnier du programme, puisque le travail agricole ne peut être accompli durant l’hiver, mais on présente également la chose comme un acte bienveillant et paternaliste envers les travailleurs migrants (p. ex., en les tenant loin des rigueurs de l’hiver sous prétexte de les protéger). Le caractère intrinsèquement saisonnier du programme empêche également les travailleurs migrants de tirer parti de certaines mesures de soutien organisationnel et de devenir des membres à long terme de syndicats et de collectifs (rappelons que cette situation actuelle est le fruit du racisme et de tendances antérieures en matière d’immigration, mais qu’elle persiste dans les politiques d’immigration d’aujourd’hui).
Bauder (2008) analyse les stéréotypes actuellement appliqués aux travailleurs agricoles migrants. Il affirme que certains messages qui sont communiqués dans les médias et qui ont des répercussions sur les politiques sont favorables au maintien – et à la perpétuation – des pratiques abusives qui sous-tendent les programmes de migration temporaire. Selon l’étude de Bauder, les travailleurs migrants sont décrits comme étant :
- essentiels à l’économie;
- un « risque » pour les collectivités rurales;
- une forme d’aide étrangère à l’hémisphère Sud;
- des nomades dont le mode de vie est appuyé par le caractère saisonnier et est présenté comme un libre choix.
Fait intéressant, son étude fait état de stéréotypes comparables alimentés par le passé. [Traduction] « Les travailleurs agricoles étrangers […] sont décrits par la presse comme étant des ressources économiques précieuses et une main-d’œuvre agricole qualifiée, mais aussi comme un problème social et des criminels potentiels; on présente les emplois qui leur sont offerts comme un moyen de prêter assistance à des familles pauvres dans l’hémisphère Sud. »
Harald Bauder, 2008, 101
Les travailleurs migrants ont aussi été décrits comme volant des emplois à des Canadiens, au moyen de formules comme « faisons passer les Canadiens en premier », ce qui crée une division entre les travailleurs par la création d’étiquettes et de stéréotypes visant les travailleurs migrants.
[Traduction] « D’autres articles décrivent les travailleurs migrants comme des “nomades” qui prennent plaisir à travailler de façon saisonnière et apprécient le mode de vie qu’impose le programme d’emploi des travailleurs étrangers. La place qu’ils occupent dans la division du travail à l’échelle internationale est décrite comme étant “naturelle” et “choisie par eux” ».
Harald Bauder, 2008, 109
Il convient de rappeler les facteurs suivants : habituellement, les travailleurs saisonniers vivent à proximité de leur employeur et sont exclus de la collectivité environnante; on les perçoit, du point de vue de l’aide étrangère, comme des pères qui font des sacrifices pour leur famille, mais aussi, paradoxalement, comme des travailleurs susceptibles de causer des problèmes sociaux dans les collectivités rurales où ils se trouvent. On estime – justement pour cette raison – qu’il vaut mieux les tenir isolés, mais la conséquence paradoxale de cela, c’est qu’on les dit incapables de s’intégrer socialement et culturellement. Bauder (2008, 115-116) écrit ce qui suit :
[Traduction]
Même si ces images peuvent sembler contradictoires, elles situent les travailleurs dans des contextes géographiques différents : comme une main-d’œuvre nécessaire à la ferme, comme des problèmes sociaux dans les collectivités rurales et comme des pères et maris bienveillants dans leur pays d’origine. Bien que les travailleurs soient déshumanisés dans le contexte de l’Ontario rurale, ils retrouvent leur humanité lorsqu’ils sont présentés par rapport à leur lieu d’origine […] Les différents discours […] peuvent être réassemblés de façon à former […] un message cohérent […] La main-d’œuvre étrangère est nécessaire à la prospérité de l’économie agricole; cependant, les travailleurs étrangers ne sont pas aptes à l’inclusion permanente dans la collectivité rurale où ils travaillent, en raison de leur potentiel intrinsèque de comportement criminel et violent; en conséquence, ils doivent régulièrement retourner dans leur pays d’origine et y apporter l’argent nécessaire à l’éducation et à l’amélioration du niveau de vie de leur famille qui les attend dans l’hémisphère Sud […]
Le portrait qu’on brosse des travailleurs migrants provenant du Sud en tant que « nécessité économique » et « problème social » – et pourtant dignes de la compassion du Nord qui les aide à améliorer leur sort – est une importante stratégie discursive qui apporte une légitimité idéologique à cette pratique de travail.
Harald Bauder, 2008
Les conceptions sociales et les opinions populaires à l’égard des travailleurs migrants, lesquelles s’articulent autour de stéréotypes bien ancrés, ont permis de légitimer et de naturaliser le programme en tant que partie intégrante du système d’immigration. L’incapacité présumée des travailleurs étrangers de s’intégrer repose sur de vieux stéréotypes liés à des questions comme la criminalité ou le fait que les travailleurs migrants envoient de l’argent à leur famille. Toutefois, cette situation engendre un coût humain élevé qui découle de la [traduction] « configuration raciale du PTAS » (Perry, 2012). Le prix élevé de la perte de capital social et de ressources humaines ainsi que le coût humain élevé relié aux problèmes de santé chroniques et à long terme des travailleurs, ainsi que de la séparation de leur famille, sont bien documentés dans la littérature (Caxaj, 2020 et 2021; Preibisch et Binford, 2007; Sassen-Koob, 1978, 519). [Traduction] « Cette économie morale du soin trouve un écho dans la présentation du Canada en tant que pays bienveillant et tolérant tout en détournant l’attention des antécédents de racisme flagrant dans lequel le programme de travailleurs invités est enraciné » (Perry, 2012, 17).
Racisme systémique : Sélection/recrutement discriminatoire de travailleurs agricoles
Vosko (2020, 6) fait remarquer que l’un des développements qui exacerbent les tendances historiques en matière de recrutement se reflète dans le recrutement par les pays sources qui se produit encore aujourd’hui dans le cadre du PTAS. Il importe de souligner que l’utilisation du terme « recrutement » dans cette étude comprend non seulement le recrutement par l’employeur, mais aussi la sélection par l’État. Preibisch (2010, 418) explique que les employeurs peuvent embaucher de façon discriminatoire parce que le PTAS permet le recrutement par les pays sources.
Les employeurs sont en mesure de préciser le sexe et la nationalité de leurs employés, une pratique qui va à l’encontre de la législation sur les droits de la personne, tant provinciale que fédérale.
Kerry Preibisch, 2010
[Traduction]
Bien que la loi interdise aux employeurs canadiens de recruter de façon discriminatoire lorsqu’ils embauchent des travailleurs au pays, ceux qui sont autorisés à embaucher des travailleurs migrants temporaires peuvent le faire sans risque de sanction. La façon dont les employeurs exploitent cette disposition comme un moyen d’organiser leurs contrats de travail se manifeste non seulement dans la segmentation flagrante de l’effectif en fonction de l’origine ethnique, de la race, de la citoyenneté et du sexe, mais aussi dans les propos des employeurs eux-mêmes.
Il est bien documenté dans la littérature que les propos des employeurs concernant les travailleurs migrants peuvent être axés sur des stéréotypes raciaux touchant l’organisation des tâches (Preibisch et Binford, 2007). Ces stéréotypes reposent sur « l’éthique du travail » et sur une main-d’œuvre « disposée » et « fiable ». Ces caractéristiques sont ensuite associées à une « race » ou à une « nationalité ». Cette pratique discriminatoire des employeurs, présentée comme découlant du « choix » du pays source, perpétue le racisme et la discrimination. Cette pratique permet aux employeurs de choisir la nationalité et le sexe des travailleurs migrants, contribuant ainsi à une segmentation sexospécifique et racisée qui amène Preibisch (2010, 422) à décrire la discrimination fondée sur le sexe et la race intégrée dans [traduction] « la structure et le fonctionnement » des programmes de migration temporaire en agriculture : [traduction] « Bien que les producteurs qui emploient des migrants dans le cadre du PTAS jouissent déjà d’une souplesse accrue à l’égard des pratiques de recrutement qui leur permet de choisir leurs travailleurs en fonction du sexe et de la nationalité – un mécanisme de ce programme de travailleurs invités que les employeurs ont utilisé pour affaiblir le pouvoir de négociation des travailleurs et de leurs représentants –, le Projet pilote concernant les travailleurs peu qualifiés va plus loin en établissant un bassin de main-d’œuvre mondial. »
En effet, alors que les hommes jamaïcains représentent la majorité des travailleurs dans les 20 premières années du PTAS (des années 1960 aux années 1980), la plupart des travailleurs aujourd’hui sont mexicains. Dans leur article sur la race et les travailleurs agricoles, Preibisch et Binford (2007) démontrent que le « remplacement » des travailleurs antillais par des Mexicains découle d’un processus de racisation dans le cadre duquel les producteurs/employeurs peuvent « choisir leur propre main-d’œuvre » et stratifier l’effectif agricole en attribuant certaines tâches en fonction de la « race ou de l’origine ethnique » et de leur compatibilité présumée en vue de l’optimisation du travail et des tâches. Ainsi, les compétences, la dextérité et certains attributs stéréotypés influent sur la segmentation de la main-d’œuvre (p. ex. les travailleurs mexicains sont plus petits et donc mieux adaptés au travail dans les champs, alors que les travailleurs jamaïcains sont « naturellement » plus efficaces pour cueillir des fruits parce qu’ils sont plus grands), mais aussi sur la tendance à « magasiner les pays » et à sélectionner les travailleurs migrants les plus « dociles » et « fiables » (Preibisch et Binford, 2007, 18 et 32).
Comme nous l’avons déjà souligné, ce phénomène n’est pas exceptionnel : il s’agit d’une composante systémique de la répartition de la main-d’œuvre dans les exploitations agricoles de l’Ontario, et on dit qu’il influence l’évolution de différents secteurs de production (p. ex. une croissance de la demande en serriculture s’accompagnera d’une croissance de la demande en travailleurs mexicains). Dunsworth (2018) explique que ce processus est l’une des [traduction] « façons non officielles » dont la race continue d’exercer son influence après 1967, dans la mesure où les responsabilités à l’égard de la sélection des migrants sont déléguées aux employeurs, comme c’est le cas dans le cadre du PTAS, dont la structure reflète un modèle de longue date utilisé par le gouvernement fédéral. Satzewich démontre qu’autrefois, lorsque la « nature fixe » de certaines « races » était intégrée au discours touchant les processus d’immigration ou influant (de façon directe ou indirecte) sur les politiques, cela découlait non pas de la racisation, mais plutôt du racisme.
Dans les collectivités rurales de l’Ontario, les stéréotypes selon lesquels les travailleurs antillais auraient une tendance naturelle à rechercher le conflit et à être débauchés (caractéristiques évoquées lors des négociations précédant la création du PTAS, au milieu des années 1960) font partie d’un discours croissant qui distingue les travailleurs mexicains de leurs homologues antillais. La recherche démontre que ce phénomène s’entremêle avec le déni de la [traduction] « pleine humanité » (ou la « déshumanisation » mentionnée précédemment), c’est-à-dire que l’on perçoit les travailleurs antillais comme n’ayant pas transcendé leurs [traduction] « origines animales » (Esses, 2021, 511). Les stéréotypes concernant les travailleurs antillais, aujourd’hui et dans le passé, évoquent cette déshumanisation de la personne.
Les Mexicains, toujours soumis à des stéréotypes, sont perçus comme étant « moins problématiques » (« dociles et obéissants », par exemple) et moins susceptibles de fréquenter des femmes canadiennes parce qu’ils seraient davantage « axés sur la famille ». Comme les travailleurs mexicains ne peuvent communiquer aussi bien que les travailleurs antillais anglophones et ont moins tendance à visiter des membres de la famille à Toronto en fin de semaine, le raisonnement serait qu’ils sont donc moins susceptibles d’être socialement actifs dans les collectivités où ils vivent, ce qui en fait des travailleurs plus désirables (et disponibles) (Preibisch et Binford, 2007, 25).
Preibisch et Binford (2007, 5) utilisent le terme [traduction] « croyances racistes flagrantes » pour décrire les idées qui sous-tendent la sélection des travailleurs et la segmentation de la main-d’œuvre dans le cadre d’un programme agricole créé par le gouvernement fédéral : [Traduction] « Le discours des producteurs se caractérise souvent par un racisme primaire, comme le fait de décrire les Antillais comme des Noirs hypersexualisés qui présentent un risque pour les Canadiennes, alors qu’à d’autres moments, il s’accompagne d’hypothèses racisées au sujet des aptitudes physiques ou psychiques pour la production de certaines cultures. » Ces idées font partie du racisme scientifique des derniers siècles qui justifie la « race » en s’appuyant sur la « biologie » (voir la section 1). D’autres données probantes mettent en lumière la sélection croissante de travailleurs mexicains reposant sur la couleur de la peau, le teint et les valeurs – considérés comme étant plus proches de la norme canadienne – ainsi qu’une tendance à magasiner les pays (Preibisch et Binford, 2007, 32).
Faisant le point sur la littérature relative à la race et aux programmes de migration temporaire, Preibisch et Binford (2007, 9) avancent ce qui suit :
[Traduction]
Les études canadiennes, à l’instar des autres études sur la migration internationale de domestiques, font ressortir des conclusions importantes au sujet du rôle des conceptions et hypothèses racisées dans la mise en œuvre de programmes visant les travailleurs étrangers ainsi que des conséquences sur les travailleurs eux-mêmes. Ces études ont démontré de façon convaincante que les gouvernements, les employeurs et les agences de recrutement de migrants ont des préférences racisées (et sexospécifiques) à l’égard des migrants (Stasiulis et Bakan, 2005; Oishi, 2005; Pratt, 1997; Winter, 2005). Un certain nombre de chercheurs documentent également la malléabilité de ces constructions sociales lorsqu’elles ne conviennent plus aux employeurs […] De plus, ces études mettent en relief les conséquences importantes des stéréotypes raciaux et sexuels opprimants, non seulement sur les débouchés d’emploi offerts à un groupe plutôt qu’à un autre, mais aussi sur les hiérarchies sociales et la conception des travailleurs migrants comme méritant moins les droits consentis aux citoyens. En effet, leurs conclusions démontrent en outre que les processus de racisation sont un élément crucial pour construire la vulnérabilité des travailleurs dans la société et les rendre plus exploitables en tant que main-d’œuvre bon marché (Persaud, 2001).
Migrantes et agriculture : les lacunes de la littérature
En 2017, les femmes comptaient pour moins de 4 % des quelque 40 000 travailleurs venus au Canada dans le cadre du PTAS (Weiler et Cohen, 2018). Dans le cas des migrantes travaillant en agriculture, elles ont subi diverses formes de violations ([traduction] « agressions physiques et sexuelles », « pressions pour qu’elles acceptent du travail dangereux » et « obstacles à l’accès aux soins de santé ») montrant que les points de vue sexospécifiques, malgré la présence relativement modeste de femmes, ressortent clairement des analyses du programme par les chercheurs (Caxaj, 2021; voir aussi Aceytuno (2021), qui parle de l’absence [traduction] « d’équité entre les sexes »).
Lors d’un événement virtuel où des experts ont discuté du documentaire « Migranta con M de Mama/Migrant Mother » (2020), McLaughlin (2021) a fait état de lacunes dans la littérature en ce qui concerne les migrantes travaillant dans des exploitations agricoles au Canada.
En plus de subir la même précarité que leurs homologues de genre masculin, phénomène que nous avons décrit plus haut, les migrantes font face à des formes sexospécifiques de racisme, de stigmatisation et de discrimination et courent un risque accru de violence fondée sur le sexe.
Le fait de quitter leur famille pour prendre soin d’elle crée un dilemme affectif : si elles partent pour aider financièrement leur famille, elles sacrifient les [traduction] « besoins personnels, affectifs et sociaux de leur famille ainsi que les besoins touchant la santé » et sont affligées par le fait qu’elles ne peuvent voir leurs enfants grandir (Hennebry, 2021; McLaughlin, 2021).
Certaines femmes participent au PTAS depuis plus de 10 ans et sont séparées de leurs enfants, expérience qui diffère de celle que vivent les hommes, en raison des attentes culturelles universelles voulant que les femmes soient les principales pourvoyeuses de soins. Le sentiment d’abandon et la séparation de la famille ont une incidence sur la santé physique et mentale à court et à long terme. Cette situation est exacerbée par [traduction] « l’absence de pouvoir » (McLaughlin, 2021); par exemple, elles ne peuvent prendre des dispositions pour que leurs enfants leur rendent visite au Canada ni décider du moment où elles entrent au Canada ou le quittent (cette décision étant prise par leur employeur et appuyée par les politiques relatives à la réunification des familles des travailleurs agricoles).
De plus, le rapport de force inégal entre les travailleurs agricoles et leur employeur exacerbe le risque de violence fondée sur le sexe, y compris la violence sexuelle. Selon Weiler et Cohen : [traduction] « La structure du Programme des travailleurs agricoles saisonniers accroît le déséquilibre dans le rapport de force entre les travailleurs et les employeurs, amplifiant la vulnérabilité des femmes à l’agression sexuelle. Le permis de travail est relié à un employeur donné, de sorte que le congédiement mène habituellement à l’expulsion. Les travailleurs soumis à des pratiques abusives en milieu de travail ont souvent du mal à passer à un nouveau patron. Pour être embauché à nouveau la saison suivante, un travailleur agricole doit recevoir une évaluation favorable de son employeur. » Bien que ce déséquilibre dans les rapports de force existe autant chez les hommes que chez les femmes, ses manifestations sexospécifiques comprennent une plus grande vulnérabilité à l’agression sexuelle, des obstacles à l’accès aux services de santé génésiques et un effet plus marqué de la séparation de ses enfants sur la santé mentale et physique à long terme.
Partie 3 : Aides familiaux migrants au Canada
Introduction
La migration d’aides familiaux au Canada est une caractéristique de longue date de l’immigration canadienne en général et de la politique d’immigration du pays. Avant d’examiner plus en détail la situation actuelle, rappelons brièvement les grandes lignes de l’histoire des programmes d’aides familiaux et des volets connexes, à commencer par le lancement, dans la foulée de la Seconde Guerre mondiale, d’une série de « programmes de travailleuses domestiques » qui s’adressent initialement aux femmes de la Barbade et de la Jamaïque. Ces femmes, fortement instruites, sont admissibles à la résidence permanente après un an. À compter de 1973, on intègre les aides familiaux migrants aux programmes de migration temporaire à l’aide du Programme concernant les employés de maison étrangers, en 1981, puis du Programme des aides familiaux résidants en 1992 (Bhuyan et coll., 2018, 5; voir la section 2). On crée ces programmes en vue de combler d’importantes pénuries de Canadiens pouvant travailler comme aides familiaux résidants (Stasiulis et Bakan, 2005, 93).
En 2014, des programmes pilotes réservés aux aides familiaux remplacent Le Programme des aides familiaux résidants (PAFR). Les programmes pilotes qui ont suivi le Programme des aides familiaux résidants après 2014 sont réunis sous le terme « volets réservés aux aides familiaux » dans le présent rapport, mais il reste entendu que la terminologie peut varier d’une source à une autre. Il importe de noter que ces volets peuvent être désignés de diverses façons dans la littérature « Programme des aides familiaux résidants », « Programme des aides familiaux » ou « programmes des aides familiaux » et que ces appellations ne sont pas le fruit d’erreurs (les auteurs connaissent bien les nouveaux volets et leurs caractéristiques) ni ne visent à minimiser les réformes effectuées au fil des ans : elles ont plutôt pour but de décrire l’évolution dans le temps des expériences communes des aides familiaux migrants en faisant abstraction du programme – ou du volet – qui a favorisé leur entrée au CanadaNote de bas de page 73. En effet, ces termes renvoient collectivement au mouvement des aides familiaux migrants au Canada et aux difficultés de longue date – où se recoupent les considérations touchant le sexe, la « race », la classe sociale, le pays d’origine et le « travail de soin » – auxquelles ce groupe a dû faire face.
Il convient également de souligner qu’en raison de modifications apportées récemment aux volets (en 2019), la littérature n’a pas encore analysé les nouvelles données relatives aux plus récentes réformes. Néanmoins, le présent rapport vise à brosser le portrait le plus complet possible à l’aide des renseignements accessibles. La présente section commence par une description du PAFR et, plus précisément, des réformes importantes réalisées après 2014 et après 2019. Ensuite, nous examinerons les expériences des aides familiaux migrants sous l’angle de la « race », du sexe, de la classe sociale et du pays d’origine, de façon à mettre en lumière toute l’importance de l’application d’une optique « intersectionnelle » aux aides familiaux migrants au Canada ainsi qu’à la racisation et à la différenciation des sexes à l’égard du « travail de soin » transnational.
Description du Programme des aides familiaux résidants et des volets réservés aux aides familiaux
Au cours des 20 dernières années, un nombre croissant de travailleurs migrants des Philippines sont venus au Canada pour prendre soin d’enfants, de personnes en situation de handicap et de personnes âgées dans la demeure de familles canadiennes et pour combler des pénuries de main-d’œuvre sur le marché du travail (Lightman et coll., 2021; Spitzer et Torres, 2007; Tungohan et coll., 2015, 88). Entre 1992 et 2014, le PAFR est la porte d’entrée offerte aux aides familiaux migrants par le Canada en vue de combler ses besoins à ce chapitre. Le PAFR « garantit » l’obtention « d’office » de la résidence permanente après la réalisation d’un engagement de deux ans comme aide familial résidant auprès d’un employeur (Keung, 2021b; Schwiter et coll., 2018; Statistique Canada, 2018b; Tungohan, 2017)Note de bas de page 74. Tungohan (2014) explique ce qui suit :
[Traduction]
Le Programme des aides familiaux résidants (PAFR) permet aux familles canadiennes d’embaucher des aides familiaux (-ales) de l’étranger afin qu’ils et elles prennent soin d’enfants, d’aînés ou de personnes en situation de handicap. Les modalités du programme prévoient que les aides familiaux (-ales) résidants vivront et travailleront chez leur employeur pendant 24 mois, période après laquelle ils et elles pourront demander la résidence permanente et parrainer la venue de leur époux et de leurs enfants. Les aides familiaux (-ales) résidants obtiennent un permis de travail ouvert après la réalisation de leur engagement de 24 mois, ce qui signifie qu’ils et elles ne sont plus liés à leur employeur et peuvent commencer à chercher un emploi à l’extérieur du ménage de l’employeur.
En 2007, le PAFR atteint un sommet et mène à l’admission au Canada de 13 000 aides familiaux (Doraw et coll., 2015); environ 75 % des travailleurs migrants participant au PAFR sont des femmes provenant des Philippines (Schwiter et coll., 2018, 468; TIEDI, 2011). En 2011, plus de 11 000 aides familiaux obtiennent la résidence permanente. Il s’agit pour la plupart de Philippines, infirmières de formation (Fleras, 2012, 141). En 2016, après le remplacement du PAFR par les volets réservés aux aides familiaux en 2014, les tendances sociodémographiques sont comparables : les femmes représentent la majorité (94 %) des aides familiaux migrants, et la plupart des nouveaux titulaires de permis d’aide familial proviennent des Philippines (88 %). Les autres principaux pays sont l’Inde, la Chine et l’Indonésie, suivis de plus de 30 autres pays d’origine où le nombre de participants est relativement modeste (c.-à-d. moins de 40 titulaires de permis d’aide familial par année), dont le Népal, la Thaïlande et la Jamaïque (Siyuan, 2018, 4). En 2019, de nouveaux volets réservés aux aides familiaux remplacent les volets de 2014 (de plus amples renseignements figurent dans des sous-sections, plus bas).
En 2014, le PAFR est abrogé et remplacé par deux nouveaux programmes pilotes, un pour la garde d’enfants, et l’autre pour les soins destinés aux personnes ayant des besoins médicaux élevés. Une nouveauté très importante des volets de 2014 réservés aux aides familiaux – saluée par de nombreux intervenants et par les aides familiaux eux-mêmes – est l’élimination de l’obligation de résider chez l’employeur pour être admissible à la résidence permanente. Même si le PAFR connaît des difficultés (on critique, par exemple, l’aspect « résidant » de même que le permis de travail lié à un employeur donné), des milliers d’aides familiaux ont été admis au moyen de cette voie unique (Banerjee et Hiebert, 2021). HUMA (2016, 3) affirme que le PAFR n’est plus un « volet distinct » à partir de décembre 2014. Statistique Canada (2018) explique la chose : « Depuis 2014, les nouveaux aides qui entrent sur le marché canadien ne sont pas admissibles au volet de résidence permanente du PAFR. Ils sont admis dans le cadre du processus habituel. L’obtention de la résidence permanente n’est pas garantie. Ils doivent dorénavant présenter une demande dans le cadre de deux catégories, soit la catégorie de garde d’enfants ou celle de soins aux personnes ayant des besoins médicaux élevés. Un plafond annuel est établi pour ces deux catégories » (Statistique Canada, 2018b; voir aussi Black, 2014).
On appelle ces deux volets les programmes pilotes de résidence permanente dans les catégories « garde d’enfants » et « soins aux personnes ayant des besoins médicaux élevés ». Dans le cadre des volets de 2014, les aides familiaux migrants sont admis grâce au PTET comme tout autre travailleur migrant et, après avoir obtenu l’expérience de travail exigée, présentent une demande de participation aux nouveaux programmes pilotes, lesquels imposent des critères d’admissibilité, notamment des exigences linguistiques. Cette façon de faire marque une nette rupture avec l’ancien PAFR, dans le cadre duquel on procède à l’évaluation préalable – c’est-à-dire avant l’entrée au Canada – de tous les critères d’admissibilité, lesquels ne comportent pas d’exigences linguistiques ni d’exigences relatives aux études postsecondaires et sont considérés comme moins difficiles, et moins coûteux, à satisfaire (Siyuan, 2018; Keung, 2021b)Note de bas de page 75. Les exigences supplémentaires relatives à la langue et à la scolarité, ainsi que le plafond, font l’objet de critiques par les chercheurs, les aides familiaux et les défenseurs des droits des aides familiaux. Les critiques portent sur le fait que les aides familiaux sont peu susceptibles de tirer parti des changements positifs apportés aux volets (comme l’abandon de l’obligation de résider chez l’employeur) s’ils ne peuvent accéder à ceux-ci.
Les programmes pilotes de 2014 seront remplacés à l’occasion de réformes supplémentaires en 2019. IRCC reconnaît que les deux programmes pilotes étaient inefficaces (2019a). L’instauration du permis de travail lié à une profession donnée et de la possibilité pour les membres de la famille immédiate d’accompagner les aides familiaux au Canada sont considérés comme des pas dans la bonne direction. Toutefois, les chercheurs, les médias et les défenseurs des droits des aides familiaux estiment que ces changements ont été apportés dans le contexte de restrictions supplémentaires de l’accès à la résidence permanente et ne reflètent pas une prise en compte des obstacles structurels auxquels les aides familiaux migrants pourraient faire face. En effet, malgré le fait que les aides familiaux sont plus susceptibles d’obtenir la résidence permanente que d’autres groupes de travailleurs temporaires, les critiques font état de nouveaux défis, y compris des arriérés de demandes à traiter, des délais de traitement plus longs, des coûts accrus pour les aides familiaux, la [traduction] « médiocrité » des programmes pilotes visant les aides familiaux et les difficultés causées aux employeurs, même avant la pandémie (Dangzalan, 2020; Hou et Morissette, 2018; Keung, 2021b). De plus, la recherche montre que les obstacles structurels, comme les coûts liés au loyer ou au transport, empêchent les aides familiaux de vivre à l’extérieur du domicile de leur employeur, malgré l’élimination de l’aspect « résidant » (voir la section relative aux « Effets de l’élimination de l’aspect “résidant” », plus bas). À la lumière de ces obstacles, cette réforme n’a pas eu l’effet escompté.
IRCC (2019a) fait la lumière sur les exigences des nouveaux programmes pilotes de 2019 : « Les aides familiaux ne recevront désormais un permis de travail que s’ils ont reçu une offre d’emploi au Canada et qu’ils répondent aux critères normalisés des programmes d’immigration économique. Une fois au Canada, les aides familiaux pourront commencer à travailler pour acquérir les 2 années d’expérience de travail au Canada requises pour présenter une demande de résidence permanente ». Un permis de travail ne peut être délivré qu’après une évaluation attentive de l’admissibilité à la résidence permanente (Keung, 2021b; Dangzalan, 2020). Selon Dangzalan (2020), cette situation crée des arriérés de demandes à traiter et occasionne des délais de traitement plus longs qui causent des inconvénients à des employeurs ayant besoin d’une aide immédiate. Dangzalan (2020) ajoute : [traduction] « Ainsi, les programmes créent une situation intenable pour les employeurs. Certaines personnes ayant besoin d’un aide familial ne peuvent attendre aussi longtemps » (voir aussi Brownell, 2015).
De plus, les coûts que doivent assumer les aides familiaux lorsqu’ils sont toujours à l’étranger (liés aux critères touchant la langue et la scolarité ainsi que les évaluations de leur admissibilité et de celle des membres de leur famille immédiate) sont des obstacles structuraux auxquels les participants de l’ancien PAFR ne faisaient pas face. Voici ce que les chercheurs veulent dire lorsqu’ils déclarent que l’obtention « d’office » de la résidence permanente dans le cadre du PAFR est « garantie » (par exemple, voir Bhuyan et coll., 2018; Keung, 2021b; Statistique Canada, 2018b; Tungohan 2017) : les aides familiaux qui venaient au Canada étaient soumis à des critères d’admissibilité moins « stricts » et moins coûteux, travaillaient pendant deux ans en respectant certaines conditions (comme résider chez leur employeur) et devenaient admissibles à la résidence permanente.
Les nouveaux programmes pilotes ont rendu le processus moins clair et plus coûteux, causant davantage de difficultés aux aides familiaux sur le plan de la participation à ces nouveaux volets ou de l’admissibilité à la résidence permanente, ce qui amène certains observateurs à dire que les participants ne peuvent tirer parti des changements positifs s’ils sont incapables de se faire admettre.
Okun-Nachoff, citation dans Keung, 2021a.
En outre, les chercheurs craignent une augmentation des aides familiaux sans papier dans le sillage des difficultés supplémentaires causées par ces changements aux aides familiaux, qui sont incapables de satisfaire aux critères d’admissibilité à la résidence permanente, surtout dans le contexte du plafond annuel qui a été ajouté (Siyuan, 2018, 25). Un [traduction] « marché noir des bonnes d’enfants » aurait pris forme dans la foulée de la disparition de l’accès d’office à la résidence permanente, des nouveaux plafonds appliqués aux nouvelles demandes de résidence permanente chaque année et des critères supplémentaires relatifs à la scolarité et à la langue à partir de 2014 (Brownell, 2015). À la lumière des critères d’admissibilité des volets de 2019, les observations ci-dessus peuvent également s’appliquer à ceux-ci.
Néocolonialisme et aides familiaux étrangers : Hiérarchies sexospécifiques et racisées du travail
Les chercheurs mettent en relief l’intersectionnalité qui sous-tend les situations économiques et personnelles des aides familiaux migrants. Selon Lightman et coll. (2021, 3) : [traduction] « les processus de racisation, le sexe, la catégorie d’immigration et le pays d’origine se recoupent et façonnent les expériences au travail ». Ces expériences découlent des [traduction] « diverses identités des groupes sociaux » (p. ex. le fait d’être une femme des Philippines), des [traduction] « catégories de différence » (p. ex. sexe, genre, classe sociale, race) et des [traduction] « processus de différenciation » (la construction sociale du genre et de la race, par exemple la racisation et la différenciation des sexes) soutenus par ce qu’ils appellent des [traduction] « systèmes de domination », comme le racisme.
Siyuan affirme que la création et la mise en œuvre de ces programmes peuvent renforcer les rôles traditionnels des sexes (Siyuan, 2018, 31). Par exemple, dans le cadre du PTAS, la figure masculine traditionnelle s’occupe de sa famille en accomplissant un travail physique ardu, tandis que les femmes participant aux volets réservés aux aides familiaux s’occupent de la leur en jouant un rôle reposant sur les soins et l’attention dans le pays d’accueil. Comme le soulignent les chercheurs, la division sexospécifique du travail – où la femme est responsable du ménage et de la garde des enfants – peut être renforcée par les volets réservés aux aides familiaux. Il y a des similitudes entre le PTAS et les volets réservés aux aides familiaux : les deux sont fortement sexospécifiques, racisés, représentés par des stéréotypes concernant leurs travailleurs et critiqués par les chercheurs et les intervenants en raison de la vulnérabilité aux abus et à l’exploitation qui est créée (Spitzer et Torres, 2008); les deux supposent une longue séparation des familles; les deux sont caractérisés par la détérioration de l’état de santé, la peur de parler au sujet des conditions de travail et des situations d’abus et de violation des normes du travail; on dit des deux qu’ils représentent la mobilité découlant de la mondialisation et des disparités mondiales. Bien qu’il soit important de recenser les aspects sexospécifiques et racisés communs des diverses moutures des programmes de migration temporaire, il ressort de notre étude que certaines caractéristiques sont propres aux volets réservés aux aides familiaux.
En ce qui concerne la mondialisation, une bonne part de la littérature mentionne une [traduction] « chaîne mondiale des soins » ou un [traduction] « transfert international des soins » (voir Hochschild, 2000; Parreñas, 2015; Schwiter et coll., 2018, 465), où les aides familiaux migrants quittent leur famille et créent des familles transnationales ainsi qu’une chaîne d’aides familiaux allant des pays pauvres aux pays riches, occasionnant un [traduction] « exode des soins » (Ehrenreich et Hochschild, 2004), concept relié à l’expression bien connue « exode des cerveaux ».
L’étirement spatial des relations de soins mondiales découle d’une crise des soins dans les pays riches : les femmes canadiennes participent beaucoup plus au marché du travail payé, et le caractère inadéquat des soins publics a été mis en lumière et a mené à une plus grande dépendance envers les sources de soins internationales.
Dans le cadre de ce processus mondial (aussi qualifié de « néocolonialisme » : voir les passages précédents au sujet des travailleurs agricoles migrants), les aides familiaux envoient de l’argent dans leur pays d’origine afin de fournir un soutien économique et financier à leur famille, devenant paradoxalement des sauveurs et le seul soutien de famille (Banerjee et coll., 2017; Tungohan et coll., 2015, 87), et éprouvant d’intenses sentiments de culpabilité du fait d’être séparés de leurs enfants. Stasiulis et Bakan (2005, 102) expliquent le processus de la façon suivante : [traduction] « Dans un tel système, les femmes du tiers monde [sic] prennent soin des enfants des femmes riches des pays industrialisés, et en retour, leur travail permet d’envoyer de l’argent à la maison pour leurs propres enfants » (Bhuyan et coll., 2018, 1; Glenn, 1992; Pratt, 2012; Schwiter et coll., 2018).
Le bien-être social et financier de leur famille est le principal facteur qui les amène à quitter leur pays d’origine (Stasiulis et Bakan, 2005, 102). Parallèlement, on a établi une corrélation entre le travail des aides familiaux et l’amélioration du développement dans le monde, comme on l’a fait à l’égard du PTAS. Pourtant, les travailleurs qui se déplacent dans le monde sont hautement vulnérables. À l’instar des travailleurs participant au PTAS, cette main-d’œuvre mondiale mobile demeure [traduction] « exploitable », « flexible », « chosifiée » et « remplaçable » (Walia, 2010). Par exemple, en accord avec les études sur les soins mondiaux, la [traduction] « migration mondiale du travail de soins sexospécifiques » est représentée par une main-d’œuvre extrêmement vulnérable au sein de laquelle la « classe » et le « privilège racisé » demeurent enchâssés dans des notions de servitude domestique (Bhuyan et coll., 2018; Schwiter et coll., 2018; Pratt, 2012, Glenn, 1992), caractérisées par des relations de pouvoir disproportionnées entre les femmes professionnelles du Nord et leurs familles, les travailleuses domestiques et les nourrices de l’étranger (racisées).
Hochschild (2002, 26) compare ces processus à la colonisation, où l’extraction des « soins » se substitue à l’extraction des « ressources naturelles », tandis que Sarvasy et Longo (2004) renvoient au néocolonialisme, où le travail des humains se substitue à « l’extraction des ressources ».
Au sujet de la migration mondiale des travailleuses du soin, Grandea et Kerr (1998, 7) expliquent comment [traduction] « la migration des femmes a eu de profondes conséquences sociales dans leur pays d’origine. La séparation des familles et les enfants négligés comptent parmi les répercussions négatives du phénomène » (voir le livre de Parreñas [2005] sur les « enfants de la migration » et sur les familles transnationales). Stasiulis et Bakan (2005, 5) considèrent le domicile privé comme le [traduction] « microcosme d’un système mondial » où [traduction] « les familles et les besoins en matière de garde des enfants des femmes antillaises et philippines ne sont aucunement pris en considération », renforçant la servitude des migrantes racisées. Ainsi, il ressort de la littérature sur les aides familiaux que les programmes de migration temporaire reposent sur des processus liés au racisme et à l’exploitation ainsi que sur des pratiques abusives (Stasiulis et Bakan, 2005, 5).
La recherche montre que la structure des programmes et des volets réservés aux aides familiaux a clairement été propice aux abus et à la vulnérabilité. Stasiulis et Bakan (2005, 47) démontrent que les groupes en position de soumission sont désavantagés encore plus par les politiques et font remarquer que les programmes d’aides familiaux ont été [traduction] « structurés au fil des décennies par divers gouvernements fédéraux tout à fait conscients de leur accès à un bassin de travailleurs étrangers hautement vulnérables auxquels on impose des conditions exceptionnellement restrictives » (pour une analyse comparable, voir Lightman et coll., 2021; Maeda, 2018). Il est judicieux ici de revenir sur la relation entre la lutte contre la discrimination et l’égalité réelle : comme nous l’avons mentionné dans la partie 2 de la section 1, Sheppard (2010, 21) a fourni un exemple de discrimination par suite d’un effet préjudiciable, c’est-à-dire les situations où des politiques neutres ont des effets préjudiciables sur des groupes particuliers. Elle a fait remarquer qu’une discrimination par suite d’un effet préjudiciable peut survenir lorsque le traitement différentiel repose sur une [traduction] « catégorisation » ayant une incidence disproportionnée sur les membres de groupes socialement désavantagés précis. Pis encore, elle met en relief le fait qu’une politique neutre en apparence peut avoir des effets discriminatoires :
[Traduction]
Si, par exemple, les travailleuses domestiques ne sont pas visées par la réglementation des normes du travail, la loi telle qu’elle est libellée peut ne pas pratiquer de discrimination fondée sur la race, le sexe ou l’origine nationale ou ethnique. Cependant, si nous prenons en compte le sexe, la race et l’origine nationale et ethnique des travailleurs domestiques, c’est-à-dire surtout des migrantes provenant de pays en développement, l’effet discriminatoire du traitement différentiel réservé aux travailleurs domestiques est manifeste. Les catégories de prime abord neutres, dans ce cas-ci, peuvent avoir des effets différents sur les groupes traditionnellement protégés par les lois sur les droits de la personne.
Au-delà de l’analyse fondée sur la « race », Lightman et coll. (2021, 3) montrent comment les antécédents du Canada en matière d’immigration (voir la section 2) et l’intersectionnalité continuent d’influer sur les [traduction] « hiérarchies racisées de la main-d’œuvre » subies par les aides familiales philippines :
[Traduction]
Dans le cas des immigrantes philippines participant au PAFR, l’analyse intersectionnelle permet de contextualiser les difficultés auxquelles ces femmes font face et de démontrer en quoi les systèmes de domination – comme le racisme, le sexisme et le colonialisme de peuplement – sous-tendent les politiques d’immigration et l’édification de la nation canadienne, ce qui a pour effet de placer différents groupes d’immigrants dans des hiérarchies racisées de la main d’œuvre. Plus précisément, ces hiérarchies racisées de la main-d’œuvre expliquent pourquoi les domestiques migrantes britanniques, irlandaises et européennes obtiennent la citoyenneté canadienne d’office du milieu du dix-neuvième au milieu du vingtième siècles, alors que les domestiques migrantes antillaises et philippines – à partir des années 1950 – doivent satisfaire à des critères supplémentaires pour l’obtenir. Le « nouveau » Programme des aides familiaux du Canada – établi en 2013 et soumis à des politiques légèrement modifiées, les plus récents changements remontant à 2019 – continue de compter principalement parmi ses participants des candidates de l’hémisphère Sud et impose des critères supplémentaires, comme des exigences d’ordre linguistique et touchant l’obtention de permis, qui reflètent le maintien des hiérarchies racisées de la main-d’œuvre appliquées aux aides familiaux migrants.
Ces effets seront analysés plus en détail dans les sections qui suivent.
Effets de l’élimination de l’aspect « résidant »
Les intervenants et les chercheurs s’entendaient pour saluer la décision d’éliminer de l’ancien PAFR l’obligation de résider chez l’employeur. Toutefois, la recherche sur cette question révèle qu’il est difficile de mettre en œuvre ce changement dans la pratique. En effet, malgré cette modification de la politique, le faible salaire que touchent les aides familiaux peut faire obstacle à leur capacité de se loger. Il faut en conclure que la plupart des aides familiaux résident toujours chez leur employeur, ce qu’ont démontré les études réalisées par Bhuyan et coll. (2018) et Schwiter et coll. (2018). De plus, les employeurs continuent d’afficher une préférence pour les aides familiaux qui résident chez eux, étant donné la souplesse qu’ils peuvent en tirer, ce qui expose les aides familiaux au risque de travailler sans rémunération, la frontière entre le travail et le temps libre étant floue (Caregivers Action Centre, 2015; Siyuan, 2018, 24; Stasiulis et Bakan, 2005, 68; Thompson, 2016). Selon Siyuan (2018, 24), [traduction] « le retrait de cette exigence ne semble pas donner les résultats escomptés ». Schwiter et coll. (2018) ajoutent : [traduction] « Étant donné l’inégalité du rapport de force entre les travailleurs et les employeurs au moment de la négociation des conditions d’emploi, il semble probable que les aides familiaux continuent de résider chez l’employeur si celui-ci l’exige. » Grandea et Kerr (1998, 9) déclarent ce qui suit au sujet de l’hébergement par l’employeur :
[Traduction]
On peut faire appel à elles [aux aides familiales] à tout moment pour accomplir pratiquement n’importe quelle tâche, qu’il s’agisse de rendormir les enfants au milieu de la nuit, de promener les animaux de compagnie, de pelleter de la neige, de peindre des murs ou de servir des invités à minuit. Par conséquent, il est difficile de savoir où s’arrête le travail et où commencent les temps libres. La vie des travailleurs domestiques étrangers se caractérise donc par de longues heures de travail. Bien souvent, ces longues heures ne sont pas rémunérées à l’avenant.
De même, Oxman-Martinez et coll. (2005, 255) affirment ce qui suit :
[Traduction]
Les travailleurs temporaires – en particulier ceux qui participent au PAFR – ont bien du mal à défendre leurs droits liés au travail, craignant de mettre en péril leur future demande de résidence permanente ou même d’être expulsés s’ils se plaignent trop ou surutilisent les services mis à leur disposition. Cette situation contribue aux longues heures de travail et aux conditions de travail médiocres dont les effets néfastes sur la santé physique et mentale sont connus. Les aides familiales courent un plus grand risque de problèmes de santé mentale, car la séparation de la famille et l’isolement lié au travail peuvent mener au stress, à la dépression ou à un certain nombre d’autres difficultés affectives.
Ce déclin de l’état de santé occasionne à son tour des effets néfastes. En effet, comme le soulignent McLaughlin et Hennebry (2013, 178), [traduction] « la santé représente des formes de précarité et de vulnérabilité qui se recoupent et se renforcent l’une l’autre : une situation précaire nuit à la santé, et les problèmes de santé accentuent la précarité » (voir aussi Arat-Koc, 1989; Schwiter et coll., 2018, 43). Comme c’est le cas dans le cadre du PTAS, un éventail d’obstacles liés aux compétences minent l’accès aux soins de santé. Dans une étude relative aux aides familiales résidantes réalisée en 2018, Carlos et Wilson ont constaté que l’exigence fédérale selon laquelle l’employeur doit souscrire une assurance privée de soins de santé – en attendant que les travailleurs migrants aient la possibilité de s’inscrire au régime d’assurance-maladie provincial de l’Ontario – n’avait pas été respectée pour les trois quarts des personnes ayant participé à l’étude. En conséquence, la santé des travailleurs est menacée, car ils ne peuvent consulter un médecin en cas de blessure ou de maladie durant la période où ils attendent de pouvoir accéder au régime provincial (dans Stasiulis, 2020, 39-40).
Comme l’expliquent Schwiter et coll. (2018, 43; voir aussi Arat-Koc, 1989), le domicile est devenu le lieu de travail caractérisé par une faible rémunération et des heures longues et incertaines ainsi que par une absence de surveillance réglementaire, qui est une caractéristique intrinsèque du travail de prestation de soins rémunéré dans les ménages. Qui plus est, les lois du travail canadiennes ne prévoient pas de mesures de protection aussi strictes contre les infractions en milieu de travail (p. ex. le harcèlement sexuel et autres formes de mauvais traitements) commises dans une résidence (Faraday, 2014). Selon Stasiulis et Bakan (1997; voir aussi Schwiter et coll., 2018, 463), les employeurs peuvent instaurer de façon informelle des heures de travail plus longues et surveiller les aides familiales sous prétexte qu’ils font [traduction] « partie de la famille ». De telles pratiques ne sont pas propices à une relation d’égalité ni au respect du travail, de la vie privée et du besoin de repos et de loisirs des aides familiaux, ce qui indique un [traduction] « cycle d’intimidation » (Stasiulis et Bakan, 2005, 52). À ce sujet, Schwiter et coll. (2018, 463), citant des études internationales, écrivent ce qui suit : [traduction] « Pour un grand nombre de domestiques et d’aides familiaux, la résidence devient un lieu de violence psychologique et physique marqué par la servitude forcée, les coups et même le viol ». Dans ce contexte, Bhuyan et coll. (2018; voir aussi Arat-Koc, 2001; Parreñas, 2015; Walia, 2010), mettent en lumière la [traduction] « violence structurelle » intégrée au travail des aides familiales migrants qui préserve des [traduction] « formes d’inégalité qui se recoupent par l’intermédiaire de manifestations historiques et continues de la discrimination fondée sur la race, le sexe, la classe sociale et la capacité physique ».
La violence structurelle qui marque le travail des aides familiales migrants est une forme de violence fondée sur le sexe découlant de la migration sexospécifique de travailleuses domestiques de l’hémisphère Sud vers des pays riches offrant peu de protection aux travailleurs migrants qui dépendent financièrement et juridiquement de leur employeur. Dans le contexte du travail des aides familiales migrantes, les formes précises d’exploitation et de pratiques abusives en milieu de travail comprennent la violence physique (p. ex., des actes physiques et sexuels), la violence psychologique (p. ex., menaces verbales, maltraitance émotionnelle), la privation quant aux besoins fondamentaux (p. ex., respect de la vie privée, alimentation) et l’exploitation (p. ex., travail non rémunéré).
Discrimination fondée sur le sexe et la race
Étant donné que nous avons déjà abordé les aspects discutables du permis de travail lié à un employeur donné dans le contexte du PTAS et de la plupart des volets réservés aux aides familiaux, nous nous contenterons de mentionner que ce type de permis a eu des répercussions comparables sur les aides familiaux avant 2019, notamment un déséquilibre dans le rapport de force avec les employeurs qui, selon la littérature sur le sujet, pourrait reposer sur la discrimination et le racisme. Selon les auteurs, le maintien de cette exigence renforçait la cause de la précarité et de la vulnérabilité (Dorow et coll., 2015, dans Schwiter et coll., 2018, 468; Nakache, 2013, 77). Par conséquent, de nombreux chercheurs et défenseurs des droits ont salué l’instauration en 2019 du permis de travail lié à une profession donnée pour les participants des derniers projets pilotes et l’ont même cité en tant que pratique exemplaire pouvant servir à régler les problèmes liés à l’exploitation des travailleurs agricoles migrants (Lynch et Aceytuno, 2021).
L’aspect « résidant » (même s’il n’est plus officiellement en place, il constitue toujours la norme dans la pratique) exacerbe la nature abusive des volets réservés aux aides familiaux, surtout dans le cas des femmes (p. ex., une « exploitation » où se recoupent la race, le sexe et la classe sociale perçue). Comme l’indique la documentation, le fait de résider à proximité de l’employeur ou chez lui accroît l’isolement et nuit à la santé et aux rapports sociaux. Il a également été démontré que le réseau social des aides familiaux s’articule autour des réseaux de leur communauté et d’autres aides familiaux, ce qui limite leur capital social et leurs chances de trouver un emploi à l’extérieur du secteur des aides familiaux une fois qu’ils obtiennent la résidence permanente (Bhuyan et coll., 2018). Stasiulis et Bakan (2005, 5 et 71) font valoir que les travailleurs domestiques étrangers comptent parmi les plus vulnérables à l’exploitation et aux mauvais traitements, en raison de l’intersectionnalité. Ils signalent également que le [traduction] « travail des femmes » est considéré comme exigeant peu de compétences, du fait qu’il est traditionnellement non rémunéré et accompli par des femmes, ce qui favorise la dévalorisation du travail des aides familiaux.
Certaines des pratiques abusives que les aides familiaux sont plus susceptibles de subir dénotent un recoupement de la race et du sexe, y compris la discrimination sexuelle. D’autres reposent sur la dévalorisation du « travail des femmes » et sur leur rôle à titre d’aides familiaux à prédominance féminine, ce qui reflète le déséquilibre dans le rapport de force – et de classe sociale – avec les employeurs (voir Banerjee et coll., 2017). Bien que bon nombre d’aides familiaux entretiennent une relation positive avec leur employeur, de nombreuses études qualitatives font état des problèmes suivants (Arat-Koc, 2001; Banerjee et coll., 2017; Grandea et Kerr, 1998; Stasiulis et Bakan, 1997; Oxman-Martinez et coll., 2004; Pratt, 1999) :
- La discrimination fondée sur le sexe, y compris le harcèlement et la violence, est une forme de discrimination connue par les aides familiales :
- La discrimination fondée sur le sexe comprend la violence sexuelle et psychologique et l’exploitation financière.
- Violation du contrat et vol de salaire.
- Quarts de travail de 12 heures sans jour de congé, et interdiction aux aides familiaux de quitter la maison par crainte qu’ils ramènent la COVID-19. (Dangzalan, 2020, fait remarquer qu’ils deviennent [traduction] « pratiquement des prisonniers » dans ce contexte.)
- Les femmes des Philippines – en raison du stéréotype voulant qu’elles soient « vaillantes », « attentionnées », « bienveillantes et aimantes » – sont caractérisées par leur « race » et leur sexe (p. ex., « racisme positif ») (Kelly et Lusis, 2006, 843).
- La dévalorisation du travail domestique à prédominance féminine est amplifiée (Salvador, 2015), ce qui exacerbe les stéréotypes reposant sur le sexe.
- Les traits féminins/stéréotypes liés au sexe, surtout en ce qui concerne la prestation de soins, peuvent favoriser l’exploitation fondée sur le sexe au travail.
- La discrimination raciale de la part d’agences de recrutement et d’employeurs.
- Intersectionnalité : travailleuses racisées peu rémunérées, ce qui contribue à la marginalisation systémique dans les ménages et la société.
- Une combinaison de racisme, de sexisme et de classisme appuyée par des stéréotypes peut nuire à l’ascension sociale après l’obtention de la résidence permanente (Siyuan, 2018).
- Le sentiment de culpabilité des aides familiales du fait d’être séparées de leurs enfants est amplifié, surtout à la lumière des rôles traditionnels des sexes (voir la notion de familisme dans Salvador, 2015).
La stratification raciale et les agences de placement
Comme nous l’avons déjà mentionné, le Canada a toujours privilégié un certain profil de résidents permanents et de citoyens qui présentent certaines caractéristiques – y compris certains traits raciaux – en tant que « citoyens désirables » (voir la section 2). Bien que ces préférences ne soient plus exprimées explicitement, Callon (2006) avance que des hiérarchies raciales sont perceptibles dans les volets réservés aux aides familiaux et les mouvements des aides familiaux au Canada, selon les structures actuelles. Plus précisément, Stasiulis et Bakan révèlent que les femmes à la peau claire sont sélectionnées plus souvent et bénéficient d’un traitement préférentiel par rapport aux femmes à la peau foncée; elles observent une préférence marquée pour les Philippines, considérées comme étant plus proches des Blancs canadiens du point de vue du teint ainsi que du comportement et des valeurs, de la même façon qu’on préfère les travailleurs mexicains aux travailleurs antillais dans le cadre du PTAS (Torres, 2012, 227, citation dans Siyuan, 2018, 34). En effet, les aides familiales ayant la peau foncée tendent à se voir confier les tâches « salissantes », ce qui reflète la tendance à jumeler la « race » avec le type de tâches, en particulier à l’égard de celles que les travailleurs canadiens ne trouvent [traduction] « P.A.S. (Périlleuses, Ardues et Salissantes) » attrayantes. En ce qui concerne le racisme, Cohen a mis en lumière un lien important entre la catégorie d’emploi et la « race », faisant état d’une tendance établie à confier les tâches de garde d’enfants aux Philippines (peau claire) et les tâches de cuisine et de nettoyage aux Antillaises (peau foncée) (Cohen, citation dans Stasiulis et Bakan, 2005, 105).
Cette stratification raciale s’observe également dans les agences de placement, comme en témoignent leurs choix au moment de recruter des domestiques (c’est-à-dire des aides familiaux). Le rôle de l’agence de placement est de jumeler les domestiques avec des familles. Les aides familiaux doivent trouver un emploi avant d’arriver au Canada, et les agences de placement jouent un rôle crucial en [traduction] « étant les yeux et les oreilles » des travailleurs migrants voulant accéder au marché du travail canadien. L’analyse réalisée par Stasiulis et Bakan (2005, 70) démontre que la sélection raciale [traduction] « est le reflet de processus généraux et systémiques ». Dans leur étude approfondie, Stasiulis et Bakan (2005, 74-77) arrivent à la conclusion que la qualité des services de garde d’enfants est évaluée en fonction de la nationalité et de la « race » ainsi que de stéréotypes liés au sexe, les aides familiales étant considérées comme étant les plus désirables. Elles constatent aussi que les agences estiment habituellement que les migrantes de couleur sont beaucoup plus naturellement et intrinsèquement adaptées à ce travail que les CanadiennesNote de bas de page 76. On notera par ailleurs que les hommes – même s’ils sont nombreux à présenter leur candidature – ne sont pas des candidats privilégiés, car on ne les considère pas comme étant aptes à prendre soin des enfants. Selon Stasiulis et Bakan (2005, 74), les stéréotypes reposant sur la race et le sexe sont des facteurs non seulement importants, mais courants dans la sélection des aides familiaux. Et cet aspect a une pertinence historique, comme l’expliquent Stasiulis et Bakan (2005, 75) :
[Traduction]
Les stéréotypes raciaux sont endémiques dans le cadre du processus de jumelage qui définit les paramètres de l’agence de placement de domestiques. Les agences de placement qui connaissent du succès tirent fierté de leur capacité d’arriver à un jumelage parfait de clients avec des candidates. Dans le cadre de cette activité, cela revient souvent à être capable de stéréotyper de manière « appropriée ». Il ne s’agit pas, cependant, d’une caractéristique récemment apparue dans le secteur, et on ne saurait affirmer non plus que les stéréotypes raciaux sont le propre de cette forme particulière du rôle de gardien. Du début des années 1900 jusqu’aux années 1960, les domestiques européennes blanches sont privilégiées par la politique canadienne, et celles qui souhaitent s’établir en permanence au pays se voient imposer des conditions moins restrictives […] On s’attend à ce que ces femmes d’une « bonne lignée » épousent des hommes canadiens blancs et deviennent la mère d’enfants canadiens blancs.
Stasiulis et Bakan (2005, 79) laissent entendre que la prédominance des Philippines et le déclin simultané de la présence des Antillaises dans le cadre du programme sont non pas [traduction] « accidentels », mais plutôt l’œuvre de [traduction] « gardiens » au Canada, et que cette situation coïncide avec le déclin de l’intervention de conseillers gouvernementaux des Centres de main-d’œuvre du Canada dans le jumelage ainsi que de la naissance d’agences de placement privées, responsables de la sélection et du recrutement, au début des années 1970.
Stasiulis et Bakan, 2005, 77-78.
Incidemment, ces stéréotypes ont également accru la probabilité que les domestiques antillaises soient sans papierNote de bas de page 77. En effet, puisque les agences de placement jouent un rôle dans le jumelage avant l’arrivée des aides familiales, lorsque l’accès est bloqué en raison de stéréotypes raciaux, les Antillaises peuvent entrer au pays en tant que visiteuses ou demandeures d’asile afin de trouver un emploi, ce qui renforce le « cercle vicieux » des stéréotypes. Stasiulis et Bakan (2005, 77-78) tirent la conclusion suivante :
[Traduction]
Des entrevues menées avec des propriétaires d’agences de placement de Toronto, principale ville d’accueil du Canada pour les domestiques étrangères, ont permis de dégager une tendance certaine à appliquer des stéréotypes raciaux et ethniques aux domestiques. Ces stéréotypes établissent des distinctions tranchées entre les domestiques d’origine antillaise et philippine. Autrefois perçues comme des travailleuses domestiques passives et aimantes, les domestiques d’origine antillaise en sont apparemment venues à être largement vues comme étant agressives ou incompétentes […] La faveur dont jouissaient les gardiennes d’enfants antillaises semble s’être estompée en réaction à une montée du militantisme et de la résistance organisée des domestiques résidentes face à leurs conditions d’emploi abusives et aux pratiques de l’immigration au Canada […] ce comportement ne cadre pas avec le stéréotype de la travailleuse domestique passive et aimante […] Comme on s’attend à ce que la capacité d’accomplir les tâches liées à la garde des enfants et à l’entretien ménager soit naturelle et n’exige aucune formation, on perçoit le recours à un autre fonds génétique comme la meilleure solution de rechange à l’établissement d’instructions différentes ou à la recherche d’une combinaison différente de titres de compétenceNote de bas de page 78.
Exemples de racisme négatif et positif
Les stéréotypes véhiculés par les agences de placement et les employeurs présentent les Antillaises comme étant « idiotes », « décontractées », « peu instruites », « susceptibles d’effrayer les enfants » ou « criminelles » ou comme ayant une « chevelure étrange », alors que les Philippines sont décrites comme étant « passives », « douces », « respectueuses », « professionnelles » ou « plus intelligentes que les filles des îles »
Stasiulis et Bakan, 2005, 70-85.
Le racisme positif n’est pas sans conséquence. En effet, tous les aides familiaux racisés souffrent d’oppression raciste, bien qu’à des degrés variables, [traduction] « les aides familiaux à la peau foncée faisant face à la pire situation » (Siyuan, 2018, 35-37; voir aussi Salvador, 2015).
Les Philippins sont considérés comme une « race » qualifiée pour s’intégrer au Canada et à la société canadienne ou, plus précisément, comme une « race » adaptée aux programmes d’aides familiaux du Canada. Kelly et Lusis (2006) signalent que cette idée est associée à une conception racisée des caractéristiques et des aptitudes des Philippins, qu’ils soient migrants ou Canadiens. Autrement dit, les Philippins sont perçus comme possédant des caractéristiques privilégiées par le Canada et les employeurs canadiens et sont donc plus susceptibles d’être embauchés.
Bien que le « racisme positif » avantage les travailleurs philippins dans une certaine mesure, il ouvre également la porte à l’exploitation. [Traduction] En raison des qualités présumées des aides familiaux de cette « race », les employeurs sont susceptibles de s’attendre à ce que ces personnes acceptent de faire des heures supplémentaires et d’être traitées de façon inéquitable. « Les aides familiaux des Philippines laissent aux employeurs canadiens une impression favorable des Philippins, ce qui peut leur procurer davantage de débouchés d’un côté tout en les plaçant dans une situation d’exploitation potentielle de l’autre » (Siyuan, 2018, 37).
En résumé, Stasiulis et Bakan (2005, 6 et 85) laissent entendre que [traduction] « les stéréotypes raciaux et sexospécifiques flagrants » – expression qui renvoie à l’évaluation antérieure réalisée par Vosko à l’égard du recrutement dans le cadre du PTAS – facilitent et restreignent le recrutement et le placement de travailleurs domestiques étrangers dans le foyer de familles canadiennes : [traduction] « Même si les agences de placement de domestiques se présentent comme des intervenants neutres cherchant à combler les besoins des employeurs et des employés, les partis pris structurels et idéologiques envers les citoyens/employeurs – qui renvoient à des conceptions particulières du “citoyen légitime” et de la “bonne d’enfants apte” – ressortent clairement des conclusions de la recherche […] Les stéréotypes idéologiques raciaux et sexospécifiques sont des critères nécessaires à l’efficacité du processus de contrôle de l’accès dans le cadre de la mise en œuvre de la politique canadienne relative aux travailleurs domestiques étrangers. »
Professions « peu spécialisées » et déqualification
Les aides familiaux sont considérés comme un groupe « peu qualifié » et « à faible salaire » parce que le « travail domestique » est considéré comme une profession « peu spécialisée », ce qui mène à l’association à ce groupe d’idées touchant la « classe sociale » et à la perception selon laquelle ces personnes sont « pauvres » ou « peu instruites ». Tout cela contribue à l’enracinement et à l’amplification de leur position de subordination (Salvador, 2015; Siyuan, 2018, 43), ce qui va de pair avec notre analyse de la discrimination à la section 1. Cependant, la réalité en ce qui concerne leur niveau de compétence est différente. Selon l’étude de Tungohan (2015), 86 % des aides familiaux recrutés aux Philippines sont titulaires d’un baccalauréat, tandis que seulement 0,2 % n’ont pas de diplôme d’études secondaires (statistiques reposant sur les données de groupes de discussion); leur profil ressemble à celui de leurs prédécesseurs antillais, qui affichaient également un degré de scolarité très élevé, certaines étant même médecins ou infirmières (Salvador, 2015). Selon Bhuyan et coll. (2018), même si la plupart des aides familiaux sont titulaires de diplômes universitaires en sciences infirmières ou dans d’autres professions liées aux soins de santé, [traduction] « les travailleurs migrants sont déqualifiés dans le cadre du programme des aides familiaux ». D’ailleurs, leur sentiment d’isolement – mentionné précédemment – est aggravé par ces expériences de déqualification et de mobilité professionnelle descendante qui nuisent à la santé physique et mentale (Pratt, 1999). De plus, cette situation met en lumière l’invalidation des titres de compétence acquis à l’étranger, avec tous les effets discriminatoires bien documentés qui en découlent.
Il est difficile pour les aides familiaux de suivre des formations ou des cours lorsqu’ils se trouvent au Canada en tant que titulaires d’un permis de travail temporaire, même s’ils le veulent, étant donné que leur autorisation de travail ne permet pas une période d’études de plus de six mois. S’ils souhaitent étudier plus longtemps, le permis d’études et les frais de scolarité exigés des étudiants étrangers sont d’autres obstacles systémiques à la formation continue (Siyuan, 2018, 17). Cette situation est aggravée par le fait que les aides familiaux envoient une partie de leur salaire à leur famille, dans leur pays d’origine. L’absence d’accès aux services d’établissement financés par le gouvernement, y compris des cours de langue et des services de counselling en emploi, pourrait constituer un obstacle supplémentaire (Banerjee, 2017). Banerjee et coll. (2017) démontrent en quoi ces obstacles peuvent également être attribués à des stéréotypes entourant le travail d’aide familial, ainsi qu’à la racisation et à la discrimination.
Par ailleurs, lorsque les aides familiaux obtiennent la résidence permanente, ils peuvent se heurter à des difficultés sur le marché du travail parce que leur période d’emploi en tant qu’aide familial ne sera pas prise en compte en tant qu’expérience de travail au Canada. En raison de ce facteur (entre autres) et des difficultés financières liées à la poursuite des études au Canada, les aides familiaux qui obtiennent la résidence permanente sont plus susceptibles de rester dans ce domaine que d’aller travailler dans celui où ils possèdent de l’expérience et de l’expertise (Siyuan, 2018, 45). Comme l’avance Rupra (2010, 31), la cause de cette « oppression » est non pas la couleur de la peau, mais plutôt le racisme qui repose également sur des stéréotypes raciaux. De même, c’est non pas le sexe qui cause l’« oppression », mais la discrimination et les préjugés envers les travailleuses. Enfin, c’est non pas une position sociale de subordination qui cause l’« oppression », mais l’absence d’accès aux services et d’égalité dans cet accès. Conformément à ce que révèle la littérature sur le sujet, le racisme, le sexisme et le classisme sont des systèmes d’oppression qui présentent les travailleurs migrants comme étant « inférieurs », ce qui se traduit par une absence d’accès aux avantages sociaux, par une protection inadéquate de cette main-d’œuvre en milieu de travail, par la restriction des mouvements et par la violence et l’exploitation physiques.
Programme des aides familiaux résidants et volets de 2014 et de 2019 réservés aux aides familiaux : Conclusions issues de la littérature
Des aides familiaux migrants viennent au Canada pour prendre soin des enfants, des aînés et des personnes handicapées et pour combler des besoins en main-d’œuvre dans le domaine des soins. Environ 90 % des aides familiaux migrants au Canada sont des femmes originaires des Philippines.
PAFR (1992-2014)
- Est un « volet distinct » assorti d’une formule favorisant le passage de la résidence temporaire (RT) à la résidence permanente (RP).
- Les critères d’admissibilité sont évalués avant l’arrivée au Canada et ne comprennent aucune exigence de compétences linguistiques ou d’études postsecondaires.
- Au bout d’une période d’emploi de 24 mois où ils doivent résider chez l’employeur, les aides familiaux peuvent demander la RP.
- Il ressort de la littérature que les aides familiaux jouissent « automatiquement » d’un accès « garanti » à la RP, ce qui signifie qu’il n’y a aucun obstacle structurel important à la participation au programme et que la RP est accordée « d’office » dès que les exigences d’emploi et de résidence chez l’employeur sont respectées.
Critiques à l’égard du PAFR
- Permis de travail lié à un employeur donné
- Obligation de résider chez l’employeur
Les critiques signalent que ces caractéristiques augmentent les risques d’exploitation et de mauvais traitements.
Volets réservés aux aides familiaux (2014)
- N’est plus un « volet distinct » assorti d’une formule RT-RP : les candidats passent d’abord par le PTET.
- Deux volets permettant d’accéder à la RP : « garde d’enfants » et « soins aux personnes ayant des besoins médicaux élevés ».
- L’exigence de résider chez l’employeur est éliminée.
- Exigences supplémentaires touchant les compétences linguistiques et le niveau de scolarité.
- Un plafond est appliqué (5 500 par année, ou 2 750 pour chaque volet).
- Lorsque l’expérience de travail exigée au titre du PTET est acquise, les aides familiaux sont admissibles à la RP s’ils répondent aux exigences supplémentaires.
Volets réservés aux aides familiaux (2019)
- Repose sur la formule RT-RP, et les demandeurs passent par le PMI.
- Deux volets permettant d’accéder à la RP : « gardiens d’enfants en milieu familial » et « aides familiaux à domicile ».
- Retrait du permis lié à un employeur donné et création d’un permis de travail lié à une profession donnée.
- Les époux/conjoints de fait et les enfants à charge peuvent accompagner les aides familiaux et obtenir des permis de travail et d’études.
- Les aides familiaux doivent être admissibles à la RP avant de pouvoir obtenir un PT. Ils peuvent demander la RP après avoir obtenu l’expérience de travail au Canada requise.
- Les exigences touchant les compétences linguistiques et le niveau de scolarité demeurent inchangées.
Critiques à l’égard des volets de 2014 et de 2019 réservés aux aides familiaux
- N’est plus un « volet distinct ».
- Les changements sont déroutants pour les employeurs et les aides familiaux.
- Nouvelles exigences touchant les compétences linguistiques et le niveau de scolarité.
- Nouveau plafond annuel.
- La transition vers la RP est plus difficile et coûteuse, ce qui inhibe la participation.
- Accumulation des demandes à traiter et délais de traitement plus longs, même avant la pandémie.
- Volet de 2014 : critiques du permis lié à un employeur donné.
- Volet de 2014 : moins d’aides familiaux ont obtenu la RP.
- Volet de 2019 : très peu de permis de travail ont été approuvés jusqu’à maintenant.
- Les changements positifs – comme le retrait de l’obligation de résider chez l’employeur et la création du permis de travail lié à une profession donnée – n’ont pas encore eu d’incidence notable dans le contexte des obstacles structurels à la participation aux volets et de la transition difficile vers la RP.
Partie 4 : travailleurs « peu qualifiés », accès à la résidence permanente et discrimination
Selon les chercheurs, l’identité des travailleurs migrants en tant que « personnes racisées », ainsi que leur appartenance à des groupes socioéconomiques particuliers et le fait qu’ils proviennent de pays « pauvres » sont autant de facteurs qui entrent en ligne de compte dans la discrimination qu’ils subissent, laquelle se traduit non seulement par l’exclusion de l’accès aux avantages sociaux et à la résidence permanente pour certains, mais aussi par l’inégalité susmentionnée du rapport de force entre les employeurs et une population migrante déjà précaire. Cette situation, comme l’indique la documentation, est le fruit des tendances historiques au chapitre de l’immigration. Marsden mentionne que les politiques neutres sur le plan racial qui ont remplacé les structures axées sur la race dans le système d’immigration après 1967 n’ont pas réussi à supprimer la stratification racialeNote de bas de page 79 dans les politiques et les programmes de migration temporaire.
[Traduction] « le développement continu des lois et des politiques établit une ségrégation des groupes de migrants au moyen de droits différentiels justifiés par une aptitude économique présumée, sans égard pour la contribution économique réelle. Les regroupements tendent à être en corrélation avec le lieu d’origine, la race et la classe socioéconomique, ce qui favorise l’enracinement de la ségrégation et de la stratification » et peut jeter les bases [traduction] « d’affirmations relatives au caractère discriminatoire de l’exclusion de l’accès aux avantages sociaux »
(voir la section « Racisme systémique : Sélection/recrutement discriminatoire de travailleurs agricoles » pour de plus amples renseignements sur la stratification).
Sarah Marsden, 2011
Dans le même ordre d’idées, la Bibliothèque du Parlement (2020, 15) observe ce qui suit : « Malgré ces protections, des rapports indiquent que les travailleurs étrangers temporaires pourraient être exposés à différentes sortes d’injustices, autant sur les lieux de travail qu’à l’extérieur; les titulaires d’un permis de travail lié à un employeur donné (notamment dans le volet des postes à bas salaire, le PTAS et le Programme des aides familiaux) risquant le plus d’être victimes d’abus. » Cohen (2017; voir aussi Basok et George, 2020, 9) soutient également que [traduction] « le refus d’admission à l’échelon de l’État-nation rend les migrants temporaires vulnérables aux atteintes à leurs droits en milieu de travail ». À la lumière de l’abondante littérature faisant état de la nature fortement racisée, sexospécifique et classiste des programmes de migration temporaire, ainsi que de leurs racines racistes (voir la section 2), le point clé à retenir est que ces racines permettent à la discrimination d’être ancrée dans cette prémisse historique raciste et restrictive et d’en découler. Une de ces caractéristiques discriminatoires, mise en lumière par la littérature, concerne l’accès à la résidence permanente.
Nous exposons ici les fondements – exposés dans la littérature – des affirmations relatives aux pratiques discriminatoires touchant l’accès des travailleurs migrants peu qualifiés à la résidence permanente. Comme l’ont signalé Basok et George (2020, 1) : [traduction] « Le système canadien a été largement critiqué pour son défaut de prévoir des mesures de protection et de répondre aux besoins des migrants […] comme le signalent de nombreux critiques de cette approche de gestion des migrations, le caractère temporaire de la migration de la main-d’œuvre fait qu’il est possible […] de priver les travailleurs de certains droits, surtout s’ils sont peu qualifiés ». De même, des témoins ont déclaré devant le comité HUMA que les voies actuelles vers la résidence permanente favorisent les travailleurs hautement qualifiés. Comme l’explique Faraday (2016, 54), [traduction] « depuis 2012 […], l’éventail de voies d’accès vers la résidence permanente mis à la disposition des professionnels, des gestionnaires et des travailleurs qualifiés s’est élargi. En revanche, les récentes modifications du PTET ne procurent aux travailleurs migrants à bas salaire aucune nouvelle façon d’obtenir un statut permanent au Canada, malgré leurs années de travail au pays. » Selon Nakache (2013, 88 et 91), [traduction] « le Canada veut que les travailleurs peu qualifiés quittent le pays au bout d’un certain temps et offre aux travailleurs qualifiés la possibilité de s’y établir en permanence [...] le message envoyé par le Canada, c’est qu’il perçoit les travailleurs peu qualifiés comme de simples travailleurs et les travailleurs qualifiés comme de futurs citoyens ». Macklin (citation dans Depatie-Pelletier et Khan, 2011, 48) abonde dans le même sens : [traduction] « Les travailleurs temporaires ont une place dans l’économie, mais pas dans le pays. »
Le Conseil canadien pour les réfugiés (CCR) a déclaré au comité HUMA qu’il trouve discriminatoire cet accès inégal (2016). Selon le CCR, la prise de mesures pour offrir des voies d’accès à la résidence permanente aux travailleurs peu qualifiés contribuerait énormément à la correction des failles des programmes de migration temporaire; d’ailleurs, cela permettrait d’éliminer les causes profondes de l’exploitation qui serait incarnée par certains programmes, y compris le PTAS (Baines et Sharma, 2002, 76). Depatie-Pelletier (2011, 8) fait remarquer que les expressions [traduction] « peu spécialisé » et « peu qualifié », même si elles sont couramment utilisées, peuvent prêter à controverse : [traduction] « Elles peuvent sous-entendre que les travailleurs occupant un tel emploi sont moins qualifiés ou ont une valeur sociale moindre que les personnes que l’on désigne habituellement comme des travailleurs “hautement qualifiés”. » Le CCR estime que la contribution de certaines personnes à l’économie peut en être dévalorisée, alors que toutes les contributions ont de la valeur (Depatie-Pelletier, 2011, 8).
Cela donne à penser que les travailleurs peu qualifiés possèdent des compétences différentes – plutôt que « moindres » – par rapport aux autres travailleurs évoluant dans une économie canadienne diversifiée et multidimensionnelle. De plus, en ce qui concerne l’étiquette « peu qualifiée » et la classification plus poussée des travailleurs dans les volets des postes à haut salaire ou des postes à bas salaire en 2014, Faraday (2016, 23) fait remarquer qu’il est difficile, après [traduction] « la redéfinition du “bas salaire” […], de savoir si les niveaux établis dans la CNP demeurent le facteur déterminant de l’admissibilité et des droits dans le cadre du système de migration de la main d’œuvre/d’immigration économique du Canada, et de déterminer clairement quels travailleurs se voient refuser l’accès à la résidence permanente ». En effet, un travailleur « peu qualifié » peut-être incapable d’établir son admissibilité à la résidence permanente même s’il affiche plusieurs années d’expérience de travail dans un domaine censément peu spécialisé.
Du point de vue du CCR (dans HUMA, 2016, 22), les travailleurs migrants « peu qualifiés » devraient se voir offrir les mêmes possibilités d’accès à la résidence permanente que les travailleurs « hautement qualifiés ». Selon ce raisonnement, comme un accès limité à la résidence permanente ne les place pas sur un pied d’égalité avec les autres travailleurs, malgré les pénuries de main-d’œuvre actuelles et la demande relativement à leurs compétences, il s’agit de discriminationNote de bas de page 80. Ces observations ont été amplifiées durant la pandémie, étant donné la nature « essentielle » du travail qu’ils accomplissent (Triandafyllidou et Nalbandian, 2020).
Dans ce contexte, le raisonnement qui sous-tend la critique énoncée dans la littérature relativement à la discrimination est le suivant : lorsque des travailleurs temporaires occupent des postes permanents et sont incapables d’accéder à la résidence permanente, c’est qu’on refuse de leur offrir des chances égales sur la foi de leur « niveau de compétence » sans tenir compte de leur contribution réelle à l’économie.
Les auteurs spécialistes de l’étude des migrants, du droit et de la protection des droits des migrants jugent qu’il est injuste et discriminatoire de restreindre l’accès à la résidence permanente en s’appuyant sur le niveau de compétence. Faraday (2012, 15-16) résume le tout ainsi : [traduction] « La question fondamentale revient à déterminer pourquoi deux grandes catégories de travailleurs qui ont historiquement joué un rôle important dans l’édification du Canada sont maintenant, sur le plan juridique, généralement incapables de tirer parti des voies d’accès à la résidence permanente et à la citoyenneté. »
Liew (citation dans HUMA, 2016, 22) se fait l’écho du CCR et d’autres intervenants au sujet de la discrimination et se penche sur les contributions des travailleurs migrants :
Dans notre société, ce sont souvent des travailleurs étrangers temporaires qui font les travaux parmi les plus difficiles, mais essentiels au bon fonctionnement des collectivités, comme la cueillette des fruits que nous mangeons, le nettoyage de nos toilettes et les soins à nos enfants, à nos personnes âgées et à nos personnes en fin de vie. Il faudra toujours quelqu’un pour exécuter ces tâches.
Avoir recours à de la main-d’œuvre jetable à court terme pour résoudre des besoins de main-d’œuvre à long terme ne fait que créer une société à deux étages, dont l’un est constitué d’une population croissante de travailleurs qui a accès à moins de droits que les autres et à qui on refuse de s’intégrer et de contribuer à la société canadienne.
Jamie Chai Yun Liew, citation dans HUMA, 2016
Parallèlement, les auteurs soulignent que le niveau de compétence s’entremêle avec des considérations touchant la « race » et la classe sociale où, selon Guo, [traduction] « la compétence a une couleur » et les étiquettes « peu rémunéré/peu qualifié » sont racisées et sexospécifiques, ce qui reflète la racisation de l’ensemble du marché du travail canadien, marqué par les résultats économiques médiocres des personnes racisées par rapport aux Canadiens blancs (Esses, 2021, 520; Guo, 2015; Ku et coll., 2019, 292)Note de bas de page 81. Selon les chercheurs, lorsque des migrants travaillent au Canada pendant des années, même des décennies (Caxaj, 2021), et sont incapables de s’établir au Canada en raison de leurs compétences linguistiques, de leur niveau de scolarité ou d’autres caractéristiques, il peut s’agir d’une approche discriminatoire où se recoupent les facteurs de la « classe sociale », de la « race », de la « catégorie d’immigrant » et de l’« origine géographique », qui exacerbent la précarité et l’exclusion permanente, malgré le travail et les compétences qu’ils apportent au Canada et aux Canadiens.
Dans ce contexte, Stasiulis (2020, 46) décrit « deux Canadas » où des règles différentes s’appliquent selon la « race », l’origine géographique et – parallèlement – la classe sociale, et la perception du Canada en tant que pays non discriminatoire, multiculturel et prometteur peut varier énormément selon la version du Canada où l’on se trouve, en fonction des expériences vécues. Baines et Sharma (2006, 96; Preibisch, 2007, 7) expliquent le rôle de la politique d’immigration discriminatoire pour ce qui est de prévoir explicitement [traduction] « la possibilité que des personnes puissent vivre et travailler au Canada sans jouir de droits sociaux complets », et Faraday (2016, 30) décrit les travailleurs migrants comme existant dans des [traduction] « zones d’exceptionnalisme » inhospitalières.
De même, selon Weiler et Cohen (2018) : [traduction] « Les travailleurs et les critiques du programme font valoir qu’on offre moins de droits et de protection aux migrants qu’aux travailleurs canadiens en les classant en permanence comme des “non-citoyens”. » Dans le même ordre d’idées, Landry et coll. (2021, citant Han, 2020) et Caxaj (2021) expliquent que la question de l’accès à la résidence permanente concerne non pas nécessairement la migration (l’établissement permanent), mais la capacité d’exercer ses droits et la dignité humaine. Caxaj (2021) parle de travailleurs migrants qui se sentent « indignes » lorsqu’on leur dit qu’ils ne pourraient obtenir la résidence permanente, même s’ils ne comptaient pas s’établir en permanence au Canada. Par ailleurs, Aceytuno (voir Lynch et Aceytuno, 2021) précise que l’élément clé, aux yeux des travailleurs migrants, est la possibilité d’obtenir la résidence permanente, quelles que soient leurs intentions à ce chapitre.
Partie 5 : Programme de mobilité internationale (PMI)
Description
Au cours de la dernière décennie, en particulier depuis 2014, le nombre global de travailleurs entrant au Canada par l’intermédiaire du PTET a baissé, tandis que le nombre de travailleurs entrant dans le cadre du PMI s’est accru de façon importante. En 2020, trois fois plus de permis de travail ont été délivrés dans le cadre du PMI que du PTET, et la catégorie des diplômés étrangers était la plus nombreuse et a connu la plus forte croissance dans le PMI (Bibliothèque du Parlement, 2020, ii et 9; Faraday, 2016)Note de bas de page 82. Néanmoins, on observe une lacune dans la littérature en ce qui concerne la race et la discrimination dans le PMI, bien que la recherche sur le sujet soit en croissanceNote de bas de page 83. Dans le même ordre d’idées, Faraday (2016, 15) signale ce qui suit : [traduction] « Les volets de migration du Programme de mobilité internationale sont considérablement moins examinés par le public et étudiés que les programmes visant les travailleurs à faible salaire du Programme des travailleurs étrangers temporaires. » Il convient de mentionner qu’avant les mesures de réforme du PTET de 2014, tous les volets touchant la migration de travailleurs temporaires au Canada s’inscrivaient dans le PTET. À la suite de ces mesures de réforme, les volets du PTET exemptés de l’étude d’impact sur le marché du travail (EIMT) ont été reclassifiés dans le cadre du nouveau PMI.
Comme il a été mentionné précédemment, le PMI – qui constitue l’autre « aile » des programmes de migration visant les travailleurs temporaires – comprend des demandes de permis de travail n’exigeant pas d’EIMT (Bibliothèque du Parlement, 2020, ii). Le PMI est censé promouvoir les intérêts sociaux, économiques et culturels nationaux du Canada. Boyd, Taylor et Delaney démontrent qu’en raison de leur réciprocité, de nombreux sous-programmes du PMI étaient autrefois des sous-programmes du PTET qui n’exigeaient pas d’EIMT (citation dans Vosko, 2020, 4). En conséquence, Vosko décrit le PMI comme un [traduction] « repositionnement » des sous-programmes de l’ancien PTET visant à renforcer la mobilité (PMI) plutôt que la migration (PTET) (Vosko, 2020, 4). Depuis le repositionnement, le PMI a connu une croissance importante et a mis peu de temps pour devenir considérablement plus vaste que le PTET.
Les pays d’Amérique latine et des Antilles sont les principaux pays sources du PTET, tandis que les pays sources du PMI sont principalement en Asie et en Europe, en plus des États-Unis et de l’Australie, à l’exception de certains de ses sous programmes. Les deux premiers pays sources de travailleurs en importance pour le PMI sont l’Inde et les États-Unis (Chartrand et Vosko, 2020, 8). On observe une croissance du nombre de participants à certains sous-programmes, comme ceux visant les diplômés et les conjoints, avec une participation croissante de la Chine et de l’Inde. Les travailleurs provenant des États-Unis dominent les sous-programmes axés sur le commerce au titre de l’ALENA, tandis que le sous-programme EIC (emplois d’été pour les jeunes) accueille surtout des participants de la France, de l’Australie, du Japon et d’Irlande (Vosko, 2020, 6).
Entre 2013 et 2018, huit des dix principaux pays sources avaient conclu des accords commerciaux avec le Canada : les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, l’Australie, l’Irlande, la Corée du Sud, le Japon et l’Allemagne (Chartrand et Vosko, 2020, 14). Plus de 90 % des travailleurs de ces pays étaient des participants du PMI. En revanche, 90 % des participants du PTET provenaient des Antilles ou de l’Amérique latine (Mexique, Jamaïque, Guatemala et Trinité-et-Tobago) (Chartrand et Vosko, 2020, 9). « Selon le gouvernement fédéral, la majorité des travailleurs admis dans le cadre du PMI sont hautement qualifiés, touchent un salaire élevé et viennent essentiellement de pays développés » (Bibliothèque du Parlement, 2020, 9). Parmi les travailleurs admis en 2019, les participants du PMI étaient plus susceptibles d’être titulaires de permis associés à des professions hautement spécialisées. Cette tendance était également observable avant 2019 (Bibliothèque du Parlement, 2020, 11). À l’inverse, les travailleurs du PTET étaient plus susceptibles de détenir des permis liés à des professions à faible salaire/peu spécialisées.
Il convient de souligner que la grande majorité des permis de travail délivrés à des migrants au titre du PMI et du PTET (en plus forte proportion dans le cadre du PTET) sont détenus par des hommes : 80 % des permis de travail délivrés à des migrants au titre du PTET étaient destinés à des hommes.
Bien que le PMI puisse donner l’impression d’accorder [traduction] « davantage de liberté » à ses travailleurs, des chercheurs ont commencé à faire la lumière sur les failles potentielles de ce programme, avançant que certains sous-programmes tendent à reproduire certaines des injustices relevées dans le cadre du PTET et qu’il faudrait examiner et suivre ces tendances de près.
Chartrand et Vosko, 2020; Vosko, 2020; et l’ensemble des travaux de Vosko.
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE, 2019) observe que la plupart des bénéficiaires de la mobilité internationale obtiennent des permis de travail ouverts, ce qui limite l’accessibilité de l’information sur la profession et la destination envisagées. Selon l’OCDE (2019), [traduction] « cela mine à la fois le suivi et l’évaluation de l’impact sur le marché du travail ».
En effet, Faraday (2016, 15) affirme que les deux volets ne reflètent pas une démarcation claire entre les travailleurs qui sont vulnérables et ceux qui ne le sont pas. Il y a des travailleurs relativement privilégiés occupant des emplois bien rémunérés qui entrent au Canada dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires. De même, il y a dans le PMI des travailleurs qui occupent des emplois peu rémunérés, dont la sécurité sur le marché du travail est limitée et dont la capacité de faire respecter leurs droits est faible. Suivant ce raisonnement, Faraday (2016, 11) déclare ensuite que le PTET [traduction] « n’inclut pas tous les travailleurs migrants à faible salaire dont le statut est précaire. En revanche, l’entrée au titre du Programme de mobilité internationale ne garantit pas la rémunération élevée ni la sécurité d’un travailleur migrant, ni la surveillance de l’impact du recours à la main-d’œuvre migrante par l’employeur sur le marché du travail canadien. »
Lacunes en matière de connaissances : Programme de mobilité internationale, race et exploitation
Selon Chartrand et Vosko (2020, 5) : [traduction] « Les programmes pour travailleurs migrants temporaires, malgré leur évolution, conservent à l’égard de leur passé colonial des liens profonds que les chercheurs devraient étudier de façon approfondie. » Il est d’autant plus judicieux d’étudier ces liens qu’ils ont une incidence directe sur l’élaboration des politiques. La connaissance du contexte historique entourant la naissance des programmes de migration temporaire – certains ayant à peine changé – pourrait révéler que les préjugés du passé influent peut-être encore directement sur les politiques actuelles et sur leur structure. Vosko et d’autres chercheurs ont étudié de façon approfondie la relation entre le PMI et la colonisation, la subordination et la racisationNote de bas de page 84. Cependant, l’étude du PMI sous l’angle de la « race » (alors que cet aspect est bien documenté en ce qui concerne le PTET) demeure lacunaire, ce qui tient probablement à une combinaison de facteurs : la tendance à établir une corrélation entre le permis de travail ouvert et la protection qu’il est censé offrir aux travailleurs, l’origine géographique des travailleurs participant au PMI (pays de l’hémisphère Nord) et les difficultés liées à la collecte de renseignements au sujet de titulaires de permis de travail ouverts. Ces caractéristiques peuvent laisser supposer que le PMI présente moins de failles que le PTET, mais faute de données probantes en ce sens, on ne saurait l’affirmer avec certitude.
Cependant, des chercheurs ont signalé que certains aspects du PMI sont un reflet étonnamment fidèle des caractéristiques du PTETNote de bas de page 85. Selon Vosko (2020, 3) : [traduction] « Certains sous-programmes du PMI projettent l’image du travailleur jouissant d’une mobilité, mais renforcent le statut de migrants temporaires des participants, de sorte que les conditions de travail et de résidence de ces personnes ressemblent beaucoup à celles des participants du PTET. » Parmi les programmes à l’égard desquels une étude approfondie s’impose, les chercheurs mentionnent ceux visant les PMIS ainsi que les sous-programmes visant les diplômés et les conjoints (Vosko, 2020, 3). Même si Vosko (2020, 2 et 12) a produit des études novatrices sur le PMI en ce qui concerne les enjeux touchant la « race », elle affirme également qu’il s’agit d’un [traduction] « aspect sous-étudié de la migration temporaire » et qu’on « sait beaucoup moins de choses au sujet de l’emploi autorisé au titre du PMI ». Ces lacunes en matière de connaissances découlent en partie de l’absence de processus d’EIMT permettant la collecte de données administratives sur les professions, les niveaux de rémunération et les dispositions contractuelles. En outre, l’absence de régime d’inspection pour le PMI mène à un manque de données (Vosko, 2020, 12). Malgré ces lacunes, il est possible de valider les points suivants : 1) la mobilité dans le cadre du PMI est stratifiée, puisqu’on applique de façon inégale diverses conditions aux permis dans les sous programmes; 2) des pays sources importants des Antilles et de l’Amérique latine sont sous-représentés; 3) des pays moins habituels, comme la Chine et l’Inde, sont de plus en plus représentés (Vosko, 2020, 12).
Les sous-programmes visant les diplômés et les conjoints
Alors que certains sous-programmes du PMI n’affichent aucune caractéristique commune avec le PTET, les sous-programmes visant les diplômés et les conjoints présentent un potentiel d’exploitation reposant sur des facteurs raciaux qui ont marqué l’histoire des programmes destinés aux travailleurs migrants temporaires (voir la section 2), dans la mesure où ces programmes accueillent de façon disproportionnée des participants de l’Inde, de la Chine et d’autres pays d’Asie, ainsi que des autres pays ABRIC (Brésil, Russie et Afrique du Sud)Note de bas de page 86. Entre 2004 et 2018, les ressortissants de l’Inde et de la Chine comptaient pour 60 % des nouveaux titulaires de permis de travail postdiplôme (Vosko, 2020, 6).
Chartrand et Vosko (2020, 2) poursuivent en formulant l’observation suivante : [traduction] « Certaines nouvelles ententes s’inscrivant dans le PMI présentent également le potentiel de créer des conditions associées à l’exploitation qui ont caractérisé pendant longtemps les ententes conclues au titre du PTET, en particulier pour le nombre croissant de migrants de la Chine et de l’Inde. » Au cours de la période de 2004 à 2018, on a observé une croissance importante à l’égard des PMIS, d’EIC et des sous-programmes visant les diplômés et les conjoints. Certains de ces programmes en croissance comprennent des participants titulaires d’un permis de travail lié à un employeur donné. De fait, les permis de travail liés à un employeur donné comptent pour le tiers des permis de travail délivrés au titre du PMI et s’inscrivent dans des sous-programmes comme ceux qui ont trait à EIC, à l’ALENANote de bas de page 87, aux ententes provinciales et aux PMIS (Bibliothèque du Parlement, 2020, 3, Vosko, 2020, 12; Gazette du Canada, 2018).
Des experts laissent entendre que les pratiques abusives sont liées à des pays sources ayant un lien historique de subordination avec le CanadaNote de bas de page 88, permettant certains types et certaines conditions de travail pour ses migrants lorsque [traduction] « la migration de travailleurs temporaires s’inscrit dans les spécificités du colonialisme et de la racisation propres à chaque contexte » (Chartrand et Vosko, 2020, 7; Vosko, 2020, 4).
L’argument mis de l’avant par les chercheurs dans la littérature naissante sur la « race » et le PMI ne concerne pas le fait que les immigrants indiens et chinois sont également bien représentés dans le cadre des programmes d’immigration permanente (non temporaire) et peuvent donc être considérés comme « connaissant du succès » dans certains cas. Le point important qu’on avance ici, c’est que ces personnes – lorsqu’elles arrivent au pays en tant que « migrants » – sont soumises à un processus de racisation et de migrantisation imitant les tendances antérieures à la subordination et le racisme qui se reflètent dans les politiques d’aujourd’hui et produisent des schèmes comparables d’exploitation d’une main-d’œuvre racisée bon marché qui sont maintenant considérés comme étant normaux et qui, bien souvent, ne sont pas remis en question.
Selon certains experts, lorsqu’une main-d’œuvre racisée bon marché provenant de pays sources précis est intégrée dans un système d’immigration, il faut étudier les préjugés de longue date du système lorsque l’élaboration de politiques est en jeu.
De plus, il est possible que l’apparence d’égalité créée par une politique censément neutre et sans parti pris cache un traitement différentiel reposant sur des pays sources et des antécédents de discrimination raciale et de subordination. Ces antécédents, décrits plus en détail à la section 2, font ressortir les schèmes d’exclusion concernant l’Inde et la Chine :
[Traduction]
L’Inde et la Chine, qui comptent déjà parmi les principales sources de migration permanente et temporaire, occupent une place de plus en plus importante dans la politique canadienne visant à maintenir la compétitivité du Canada en tant que destination pour les travailleurs migrants. Bien que les analyses de la trajectoire à long terme des immigrants indiens et chinois au Canada montrent que les membres de ces deux groupes sont nombreux et « se tirent mieux d’affaire que les immigrants d’autres pays », ils font toujours face au sous-emploi et au « gaspillage des compétences ». Les processus de migrantisation […] ont de profondes racines historiques […] Comme l’avance Cho, « la difficulté […] est non pas de trouver une main-d’œuvre bon marché, mais de le faire sans que cela paraisse ». En ce sens, la façon dont on traitait les premières vagues d’immigrants chinois venant au Canada pour participer – paradoxalement – à des projets réalisés dans l’intérêt national dénotait une tentative de concilier l’angoisse publique (en particulier l’expression de sentiments xénophobes) et le souhait des employeurs d’accéder à une main-d’œuvre bon marché. Cette tension continue de façonner les paramètres des sous-programmes contemporains du PMI, auxquels la Chine sert de source principale. La façon dont on traitait les premières vagues d’immigrants indiens au Canada – différente, mais tendant à des fins comparables – illustre comment les processus racisés de migrantisation vont souvent de pair avec la souveraineté étatique « postcoloniale » […] Les exigences relatives aux passeports à cette époque autorisent effectivement l’établissement de différences racisées reposant sur le pays d’origine. À cette époque, du point de vue de l’immigration, les ressortissants de l’Inde passent de « sujets britanniques » à « immigrants indiens ». Ce tour de passe-passe permet au Canada de limiter le nombre d’immigrants de l’Inde sans avoir à « rédiger une loi d’immigration restrictive ciblant précisément les Indiens, puisqu’un tel instrument aurait révélé au grand jour, de façon non équivoque, que – nonobstant le statut de citoyen de l’empire – différents “sujets britanniques” se voient offrir un accès différentiel à la mobilité » (Vosko, 2020, 11).
Qui plus est, les permis de travail ouverts peuvent également être assortis de conditions précises (p. ex., restrictions quant au type de travail, période d’emploi). Vosko (2020, 12) précise ce qui suit : [traduction] « On pourrait affirmer qu’il y a une proportion importante de participants du PMI dont le permis de travail est assorti de restrictions. Néanmoins, il convient de mentionner que, même lorsqu’il n’y a pas de restriction officielle quant à la capacité de circuler librement sur le marché du travail canadien, on sait peu de choses sur la mesure dans laquelle les titulaires de permis de travail ouvert peuvent compter sur le respect de leurs droits et mesures de protection en milieu de travail et jouissent d’une mobilité réelle. »
Les titulaires de permis de travail ouvert sont aussi fortement représentés dans le secteur des services d’alimentation et d’hébergement, souvent caractérisé par des couches d’insécurité, y compris de bas salaires, l’absence de contrôle sur la participation au marché du travail et l’absence d’application des normes du travail
Vosko, 2020, 12 et 16.
Cette réalité est peut-être reliée au caractère « temporaire » (on parle également de précarité dans la littérature) du statut, lequel amène les travailleurs à craindre de mettre en péril leurs chances d’emploi, leur permis de travail et, dans certains cas, l’obtention de la résidence permanente en dénonçant des violations des normes du travail. De même, bien que certains participants d’EIC aient la possibilité de changer d’employeur, leur situation ressemble à celle de « personnes en vacances-travail », un groupe associé à des violations des normes du travail comme le sous-paiement et le non-versement du salaire (Campbell et coll., 2016).
Comme le souligne Faraday (2016), même si le PMI compte parmi ses participants de jeunes professionnels venant de pays de l’OCDE, on y trouve également des travailleurs racisés évoluant dans les domaines des services de nettoyage et d’entretien et de la construction. En outre, Faraday (2016, 15) note que les travailleurs étrangers, qui forment un volet croissant de la main-d’œuvre migrante, ont soulevé des préoccupations au sujet de [traduction] « pratiques d’emploi et de recrutement abusives comparables à celles dénoncées par les travailleurs à bas salaire dans le cadre du PTETNote de bas de page 89. » Vosko et Chartrand (2020) soulignent que les enjeux susmentionnés risquent de reproduire les conditions abusives du PTET, qui sont bien documentées, et qu’il faut les étudier de façon approfondie.
Dans l’ensemble, les chercheurs ont mis en lumière les points suivants :
- Les migrants provenant d’Amérique latine et des Antilles ne participent pas à l’éventail complet des programmes pour travailleurs migrants temporaires.
- La contraction du PTET qui a suivi l’expansion du PMI n’a pas mené à une diminution de l’exploitation. Certaines des anciennes ententes conclues au titre du PTET qui s’inscrivaient dans des catégories exemptées de l’EIMT ont été transposées dans le PMI. On notera, cependant, que le tiers des participants du PMI sont titulaires d’un permis de travail lié à un employeur donné.
- Lorsque les participants du PMI sont titulaires d’un permis de travail ouvert, celui-ci peut-être assorti des restrictions décrites plus haut (un permis de travail ouvert peut établir une restriction quant à la profession ou au lieu d’emploi, par exemple, ou prévoir que le travailleur doit occuper un emploi dans un domaine où l’inobservation des normes du travail est connue) qui pourraient ouvrir la porte à des violations des normes du travail et à l’adoption de pratiques abusives.
- Les sous-programmes du PMI visant les PMIS, les diplômés et les conjoints – qui sont peu étudiés – sont marqués par une tendance à l’exploitation ou à l’analyse fondée sur la « race ». Leurs participants proviennent de pays sources qui présentent toujours les séquelles historiques des politiques d’immigration explicitement racistes du passé (Vosko, 2020, 2).
- Il a été observé que les diplômés et les conjoints de travailleurs qualifiés ainsi que les étudiants titulaires d’un permis de travail ouvert ont du mal à accéder à la résidence permanente lorsque leur emploi ne s’inscrit pas dans certaines catégories (emplois professionnels ou techniques, métiers spécialisés et postes de direction).
- Certains sous-programmes du PMI semblent perpétuer l’insécurité d’emploi (Vosko, 2020, 20; Vosko et Chartrand, 2020, 15).
Résumé
Pour conclure, le rapport résume les principales constatations qui se dégagent de la littérature :
- Le concept de « race » n’a aucun fondement biologique; cependant, il s’agit d’une construction sociale, d’où l’utilisation du terme « racisation ». Les personnes « racisées » ne sont définies comme telles que par rapport à une norme dominante.
- Les Noirs, les autres groupes racisés et les peuples autochtones subissent du racisme et de la discrimination au Canada, et l’existence de cette réalité et de ses répercussions est appuyée par des statistiques et des études; les spécialistes des sciences sociales désignent ce processus par le terme « disparités raciales ».
- On utilise couramment les termes « racisme systémique » et « discrimination systémique » pour décrire les politiques, les pratiques et les comportements institutionnels qui vont habituellement produire des résultats indésirables chez les Noirs, les autres groupes racisés et les peuples autochtones.
- La plupart des chercheurs soutiennent que la discrimination peut se mesurer à l’aide des résultats tirés des politiques, peu importe leur neutralité prétendue; autrement dit, si elles donnent plus de poids aux préjugés historiques à l’égard de certains groupes, perpétuent les désavantages socioéconomiques, les préjugés et les stéréotypes ou ont un effet disproportionné sur les personnes racisées, elles risquent d’être discriminatoires.
- Selon une grande part des études sur la question, le Canada a le droit d’établir une discrimination en matière d’immigration (article 6 de la Charte), mais ce droit n’est pas absolu et ne devrait pas empiéter sur les valeurs fondamentales de la Charte ni sur les droits de la personne. Ces valeurs comprennent le respect mutuel, l’égalité réelle, le respect de la dignité humaine et la prudence nécessaire pour éviter que les lois et les politiques amplifient la xénophobie, les stéréotypes et le désavantage historique fondé sur la « race » ou d’autres motifs.
- L’histoire de l’immigration canadienne regorge d’exemples de discrimination et de racisme manifestes. La période comprise entre le début du XXe siècle et la Seconde Guerre mondiale est souvent décrite comme celle de l’édification de l’ère du « Canada blanc » ou de la volonté de « garder le Canada blanc ». Elle repose principalement sur des croyances ancrées dans le racisme scientifique qui ont façonné la politique d’immigration.
- Le Programme de recrutement de domestiques antillaises est lancé durant la période de l’après-guerre (1955); il sera suivi par le PTAS (1966), puis par le PAENI (1973), précurseur du PTET.
- Les retombées de l’Holocauste et l’émergence d’une culture mondiale des droits de la personne, dans les années 1950 et 1960, amènent le racisme à tomber en discrédit, ce qui occasionne d’importantes réformes de la politique d’immigration canadienne, y compris sa « déracisation » officielle, qui donne lieu à la création du système de pointage vers la fin des années 1960. Toutefois, certains spécialistes laissent entendre que ces modifications aux politiques n’ont pas mené à une « déracisation complète » dans la pratique.
- Après la réforme de 1967 de sa politique d’immigration qui instaure le système de pointage, le Canada admet un nombre croissant de personnes racisées provenant de l’hémisphère Sud en tant que résidents permanents. Les chercheurs notent que cela suscite des préoccupations au Parlement au sujet de la présence croissante de personnes racisées au Canada. Selon les chercheurs, le PAENI était conçu pour régler la question d’une présence racisée croissante au Canada. Le PAENI avait pour but de combler d’importantes pénuries de main-d’œuvre tout en admettant des travailleurs racisés peu qualifiés sur une base temporaire plutôt que permanente : c’est un phénomène qu’on appelle « migrantisation » dans la littérature.
- La plupart des chercheurs observent que le PTAS est demeuré pratiquement inchangé depuis sa création en 1966, mise à part l’inclusion d’un plus grand nombre de pays participants. Ils prétendent aussi que ses origines racistes influencent et orientent toujours l’élaboration des politiques actuelles de ce programme ainsi que le nombre disproportionné de participants racisés et catégorisés.
- Selon certains chercheurs, [traduction] « bien que [...] ces idées racistes n’appuient plus ni ne justifient encore explicitement le programme, [le PTAS] constitue sans doute un exemple persistant de racisme institutionnel au Canada, étant donné qu’il puise ses origines dans le racisme [...] Autrement dit, certaines politiques et certains programmes ont des origines racistes, et même si ils ne sont plus alimentés par le racisme, les politiques et les pratiques continuent d’exister » (Satzewich et Liodakis, 2007, 166).
- Par exemple, le caractère saisonnier du PTAS a pour prémisse la croyance raciste selon laquelle les personnes racisées seraient intrinsèquement incapables de s’ajuster au climat canadien et, donc, de « s’assimiler » et de s’établir en permanence au Canada.
- En ce qui concerne les programmes d’aides familiaux et les volets connexes, la plupart des chercheurs soulignent l’intersectionnalité (de facteurs comme le sexe, la classe sociale, la catégorie d’immigrant, le pays d’origine, la « race ») qui influence et façonne les expériences et les résultats en matière d’intégration des aides familiaux, la majorité étant des femmes des Philippines.
- Les chercheurs constatent que les identités des groupes sociaux, comme la « race, le sexe et la classe sociale », et le « statut migratoire » se fondent à la racisation et à la sexospécificité du travail d’aide familial pour produire des formes systémiques de discrimination soutenues par la dynamique intégrée aux stéréotypes ou au racisme.
- Pour ce qui est des aides familiaux migrants, de nombreux chercheurs soutiennent que les disparités et les processus inéquitables entre l’hémisphère Nord et l’hémisphère Sud qui sont associés à la mondialisation sont reproduits dans le microcosme du ménage par l’intermédiaire des processus de migration.
- Une documentation émergente et croissante portant sur la « race » et le PMI donne à penser que certaines des caractéristiques abusives du PTAS pourraient être reproduites dans des sous-programmes du PMI, mais avec un examen et une surveillance moins rigoureux que le PTET.
- Les programmes visant les travailleurs temporaires – comme le PTAS et les volets réservés aux aides familiaux – présentent des pratiques discriminatoires à l’égard de la main-d’œuvre et de l’accès aux services qui a une incidence à court et à long terme sur l’état de santé, et leurs effets sont exacerbés par la pandémie de COVID-19. Ils révèlent aussi une tendance à la subordination des travailleurs migrants aux employeurs canadiens.
- La documentation souscrit en grande partie à l’idée que les questions de racisme et de discrimination ne sont assurément pas disparues lorsqu’il s’agit des programmes et des politiques liés aux travailleurs migrants au Canada. De plus, le fait que ces programmes actuels continuent de refléter des origines racistes et discriminatoires qui ressortent explicitement de l’histoire de l’immigration au Canada laisse croire que le gouvernement fédéral aurait peut-être intérêt à approfondir sa réflexion et à instaurer des mesures correctives.
Annexe A
Description du Programme des travailleurs étrangers temporaires et du Programme de mobilité internationale
Les travailleurs migrants (rappelons que ce terme est utilisé pour désigner les travailleurs étrangers temporaires dans le cadre de la présente étude) travaillent et vivent au Canada pour une période limitée dans le cadre du PTET ou du PMI. Les travailleurs migrants sont devenus une source importante de main-d’œuvre au Canada (Statistique Canada, 2019)Note de bas de page 90. Après 2014, le gouvernement fédéral réorganise le cadre de migration temporaire sous deux programmes distincts : le PTET, dont le principal objectif est de combler les pénuries de main d’œuvre, et le PMI, qui vise essentiellement à promouvoir les intérêts économiques, sociaux et culturels du Canada, ainsi que ses intérêts liés au marché du travail (IRCC, 2015)Note de bas de page 91. L’administration de ces deux programmes est assurée conjointement par IRCC, Emploi et Développement social Canada (EDSC) et l’Agence des services frontaliers du Canada à l’échelon fédéral, sauf qu’EDSC ne participe pas à l’administration du PMI (Chartrand et Vosko, 2020, 12; Nakache, 2006; Sharma, 2006).
Programme des travailleurs étrangers temporaires
- Le volet des postes à haut salaire englobe les professions offrant un salaire égal ou supérieur au salaire horaire médian provincial ou territorial.
- Le volet des postes à bas salaire englobe les professions offrant un salaire inférieur au salaire horaire médian provincial ou territorial.
- Le volet de l’agriculture primaire :
- Ce volet porte sur le travail temporaire dans le secteur agricole primaire (dans les exploitations agricoles).
- Il se divise en quatre sous volets : le PTAS, le sous-volet agricole, le sous-volet des postes à haut salaire et le sous-volet des postes à bas salaire (ne pas confondre avec les volets « à haut salaire » et « à bas salaire » qui s’appliquent à l’ensemble du PTET).
- Le PTAS est le plus grand programme et compte pour les trois quarts environ des permis délivrés au cours de la dernière décennie.
- Le volet des talents mondiaux prévoit un délai de traitement plus court pour les professionnels étrangers hautement spécialisés.
- Le programme des aides familiaux englobe les postes liés à la garde d’enfants et à la prestation de soins aux personnes ayant des besoins médicaux élevés.
Sources : Bibliothèque du Parlement (2020); OCDE (2019)
Aperçu du programme des travailleurs étrangers temporaires. Le but est de combler des pénuries de main-d’œuvre dans l’économie canadienne
- En 2014, les catégories des travailleurs hautement qualifiés et peu qualifiés sont remplacées par les volets « à haut salaire » et « à bas salaire ». Toutefois, les termes « peu qualifiés » et « hautement qualifiés » demeurent pertinentsNote de bas de page 92.
- En effet, le gouvernement utilise les codes/niveaux de compétence de la Classification nationale des professions (CNP) pour déterminer l’accès à la résidence permanente : « dans le cadre de nos programmes d’immigration, nous employons la CNP pour déterminer si un emploi ou un type d’expérience de travail satisfait aux critères d’admissibilité au programme visé » (IRCC, 2021a).
- Les emplois « spécialisés » sont associés aux niveaux de compétence A et B et au genre de compétence 0 (zéro) de la CNP. Les emplois « peu spécialisés » sont associés aux niveaux de compétence C et D de la CNP.
- Le PTET comprend des travailleurs occupant des postes dans les catégories à bas salaire et à haut salaire et à tous les niveaux de la CNP :
- Le PTET comprend deux des programmes les plus anciens du Canada, à savoir le PTAS et les anciens volets réservés aux aides familiaux (rappelons que depuis 2019, les aides familiaux qui participent aux nouveaux programmes pilotes font partie du PMI). Il comprend également le volet des postes à bas salaire, plus récent. Ces trois volets accueillent habituellement des travailleurs « peu qualifiés », alors que la plupart des autres participants au PTET présentent un niveau de qualification plus élevé.
- Bien qu’on tende souvent à assimiler la faible rémunération aux professions « peu spécialisées » – c’est-à-dire les professions des niveaux C et D de la CNP (définies en 2002) –, on trouve également des professions du niveau B de la CNP parmi les postes « à bas salaire ».
- Les aides familiaux (niveau C de la CNP) et les travailleurs agricoles (niveau D de la CNP) sont deux professions « peu spécialisées » et « à bas salaire » : ils comptent pour environ les deux tiers des travailleurs à bas salaire dans le cadre du PTET (rappelons que depuis 2019, les nouveaux aides familiaux venant au Canada doivent participer aux programmes pilotes de résidence permanente et reçoivent un permis de travail au titre du PMI).
Sources : Faraday, 2016; Foster, 2012; Stasiulis, 2020; Statistique Canada, 2018b
Dans le cadre du PTET, les employeurs peuvent embaucher des travailleurs étrangers lorsqu’il n’y a pas de Canadiens ni de résidents permanents disponibles. EDSC utilise l’étude d’impact sur le marché du travail (EIMT) pour vérifier l’authenticité du besoin d’embaucher un travailleur étranger temporaire et déterminer si tous les efforts ont été déployés par l’employeur pour embaucher d’abord des Canadiens et des résidents permanents (OCDE, 2019)Note de bas de page 93. Dans le cas des postes à bas salaire et du volet agricole, les employeurs doivent démontrer qu’ils ont tenté de recruter des Canadiens et des résidents permanents appartenant à des groupes sous représentés, y compris les femmes, les Autochtones, les nouveaux arrivants et les personnes handicapées (Bibliothèque du Parlement, 2020, 4).
Bien que les travailleurs migrants soient protégés par les normes du travail fédérales, provinciales et territoriales ainsi que par les lois régissant la santé et la sécurité au travail, il s’avère difficile d’assurer la conformité des employeurs, d’autant plus que les recruteurs – entreprises offrant des services tiers de recrutement de travailleurs – et les employeurs peuvent leur infliger de mauvais traitements, y compris du harcèlement, des heures supplémentaires non rémunérées, des salaires inadéquats et des conditions de travail dangereuses (Bibliothèque du Parlement, ii). Par conséquent, le gouvernement fédéral a annoncé de nouvelles mesures en 2018 et en 2019, y compris des inspections sur place sans préavis, un projet pilote de Réseau de soutien des migrants et le permis de travail ouvert pour les travailleurs vulnérables, mentionné précédemment (Bibliothèque du Parlement, 2020, ii). La Bibliothèque du Parlement (2020) fait remarquer, cependant, que les problèmes de longue date liés à l’exploitation et aux pratiques abusives dans le cadre du programme sont toujours présents.
Un rapport du comité HUMA (2016) souligne que les postes à bas salaire peuvent comprendre des emplois dans les secteurs des services d’hébergement, des services d’alimentation et du commerce de détail, tandis que les postes à haut salaire comprennent des emplois dans le secteur de la haute technologie. Il convient de souligner que certains secteurs industriels – comme l’exploitation agricole, le commerce de détail, les services d’hébergement et d’alimentation, les transports et l’entreposage – en sont venus à dépendre de la présence et de l’afflux permanent de travailleurs migrants peu qualifiés. Étant donné que les voies d’accès à la résidence permanente offertes à ces travailleurs sont limitées, ils sont plus susceptibles de rester plus longtemps en tant que résidents temporaires que les autres travailleurs migrants (Statistique Canada, 2018b). La demande en travailleurs « peu qualifiés » connaît une croissance plus rapide que la demande en travailleurs « hautement qualifiés » (Preibisch, 2010, 410). Selon Statistique Canada (2018b), les catégories peu spécialisées l’emportent sur les catégories hautement spécialisées dès la fin des années 2000. Le PTAS et les autres programmes visant les travailleurs « peu qualifiés » présentent un certain nombre de caractéristiques communes, dont l’utilisation d’un permis de travail lié à un employeur donné, la séparation des travailleurs de leur famille pendant la période de travail au Canada et l’accès limité à la résidence permanente (Preibisch, 2010, 412).
Description d’ensemble du Programme de mobilité internationale
La seconde composante des programmes de migration des travailleurs temporaires du Canada – le PMI – est un programme publiquement associé aux travailleurs hautement qualifiés qui jouissent d’une grande mobilité dans l’économie mondiale. Les sous-programmes ou les volets du PMI facilitent la migration de travailleurs hautement qualifiés, mais pas exclusivement (Faraday, 2016, 11)Note de bas de page 94. On signale souvent que le PMI se distingue du PTET par le fait qu’il peut offrir des permis de travail dispensés de l’EIMT (OCDE, 2019). Selon Chartrand et Vosko (2020, 7) :
[Traduction]
Le PMI […] facilite l’emploi temporaire de travailleurs migrants selon les modalités fixées par des accords internationaux ou des ententes qui favorisent la réciprocité ou la compétitivité dans l’économie mondiale. Certains segments du PMI – comme les programmes de réciprocité relatifs à la mobilité des jeunes – remontent au début de l’après-guerre, alors que d’autres – comme ceux visant les professionnels de pays qui sont des partenaires commerciaux ou les personnes mutées à l’intérieur d’une société (PMIS) – découlent de la mise en œuvre d’accords commerciaux (comme l’ALENA).
Les accords internationaux, les PMIS et les programmes d’échange de travail pour les jeunes comptent parmi les formules de travail du PMI (Bibliothèque du Parlement, 2020, 1). Expérience internationale Canada accorde aux jeunes âgés de jusqu’à 35 ans visés par des ententes de réciprocité avec les jeunes Canadiens des permis de travail pour de brèves périodes, et le Programme de permis de travail postdiplôme accorde des permis de travail de trois ans aux étudiants étrangers qui avaient précédemment obtenu l’autorisation d’étudier au Canada. La plupart des permis de travail délivrés aux travailleurs participant au PMI sont des permis de travail ouverts, puisque ces travailleurs viennent au Canada n’ont pas pour prendre des postes temporaires vacants, mais pour promouvoir les intérêts économiques, sociaux et culturels du CanadaNote de bas de page 95.
Caractéristiques générales du PMI. Sélection de travailleurs qui procureront des avantages économiques, sociaux et culturels au Canada
Le PMI comprend des travailleurs migrants temporaires dans les situations suivantes.
- Accords de libre-échange internationaux (p. ex., Accord de libre-échange nord-américain)
- Postes qui procurent ou maintiennent des avantages économiques, sociaux et culturels aux citoyens ou aux résidents permanents du Canada :
- Personnes mutées à l’intérieur d’une société
- Entrepreneurs
- Chercheurs en visite, boursiers de recherches postdoctorales, bénéficiaires de bourse, médecins résidents et titulaires de bourses d’études médicales
- Programmes de réciprocité relatifs à la mobilité des jeunes (p. ex., Expérience internationale Canada)
- Emplois d’été
- Stages internationaux
- Échanges internationaux de jeunes professionnels
- Travail au sein d’organisations religieuses et caritatives
- Postes appuyant les intérêts économiques et les objectifs stratégiques
- Sous-programmes visant les diplômés et les époux
- Certaines personnes ayant besoin d’assurer leur subsistance en attendant d’obtenir la résidence permanente, comme les demandeurs d’asile en attente d’une décision
- Étudiants étrangers et résidents temporaires démunis n’ayant aucun moyen d’assurer leur subsistance
Source : Faraday, 2016; IRCC, 2015; Bibliothèque du Parlement, 2020; OCDE; 2019
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