Édition du dimanche de l’ACSP : L’incidence de la COVID-19 sur les communautés racialisées
Déclaration
Le 21 février 2021 Ottawa (Ontario) Agence de la santé publique du Canada
Dans mon rapport annuel d’octobre 2020 sur l’état de la santé publique au Canada, j’ai examiné les répercussions de la pandémie de COVID-19 sur la santé, la société et l’économie des Canadiens. Les résultats étaient troublants, mais pas inattendus : bien que la COVID-19 ait eu des répercussions sur nous tous, elles ont été pires pour certains groupes, y compris les communautés racialisées.
Lorsque nous examinons les résultats liés à la COVID-19, il est clair que la race compte. Bien qu’il n’existe pas de données sur la race partout au Canada, des sources locales indiquent que les communautés racialisées sont touchées de façon disproportionnée par la COVID-19. Par exemple, les données de surveillance de Toronto et d’Ottawa indiquent que le nombre de cas de COVID-19 est de 1,5 à 5 fois plus élevé parmi les populations racialisées que parmi les populations non racialisées dans ces deux villes. Les données des Premières Nations vivant dans les réserves indiquent également des taux plus élevés d’infection par le SRAS-CoV-02 comparativement à la population générale (actuellement 69 % plus élevé). Ces tendances ne sont pas propres au Canada; les données probantes provenant d’autres pays à revenu élevé, comme les États-Unis et le Royaume-Uni, indiquent également une incidence plus élevée de la COVID-19 parmi les communautés racialisées.
Ces répercussions disproportionnées parmi les communautés racialisées et autochtones ne sont pas attribuables aux différences biologiques entre les groupes ou les populations. Elles témoignent plutôt des inégalités existantes en matière de santé qui sont fortement influencées par un ensemble particulier de facteurs sociaux et économiques – comme le revenu, l’éducation, l’emploi et le logement, qui assoient la place d’une personne dans la société. Ces facteurs sont communément appelés déterminants sociaux de la santé. Pour certains groupes, comme les peuples autochtones, les communautés racialisées et les Canadiens LGBTQ2, les expériences de discrimination, de racisme et de traumatisme historique sont également des déterminants sociaux importants de la santé.
Les membres des communautés racialisées sont plus susceptibles d’avoir des conditions de vie et de travail inéquitables qui les rendent plus vulnérables à la COVID‑19, comme des revenus plus faibles, des emplois précaires, des logements surpeuplés et un accès limité aux services sociaux et de santé. Bon nombre d’entre eux sont exposés à un risque accru d’exposition à la COVID-19 en raison de leur emploi dans des professions essentielles de première ligne, de leurs contacts fréquents avec d’autres personnes et de leur capacité limitée de travailler à domicile. Par exemple, bon nombre des fournisseuses de soins dans les établissements de soins de longue durée des grandes villes canadiennes sont des femmes racialisées. Les employés racialisés constituent également une importante composante des travailleurs de notre système de production agricole et alimentaire. Les conditions de travail dans ces établissements, souvent associées à des conditions de vie à la maison à risque élevé, exposent ces employés à un risque accru de contracter la COVID-19.
Notre histoire compte
Les répercussions directes et indirectes de la COVID-19 au Canada ont été aggravées par des systèmes qui perpétuent le racisme, l’âgisme, le sexisme et l’homophobie, en plus d’autres facteurs structurels ou sociaux qui marginalisent davantage les gens, comme les sans-abri. Il est important de reconnaître qu’il s’agit là d’iniquités historiques qui sont présentes au sein des systèmes et des institutions canadiens (et même d’autres systèmes et institutions nationaux et internationaux) depuis de nombreuses générations.
En tant que premiers habitants du Canada, les peuples autochtones sont un peuple souverain reconnu au Canada. Cependant, à ce jour, en dépit de cette relation unique avec la Couronne, ils font face à des iniquités constantes. Parmi les facteurs historiques à l’origine de ces iniquités figurent la dynamique de pouvoir raciale inégale créée par la colonisation et renforcée par le colonialisme continu, le retrait forcé des terres ancestrales, la création du système de réserve; les pensionnats et les externats, la rafle des années 1960 et les taux disproportionnés d’arrestation et d’incarcération des enfants. Ces perturbations et ces injustices ont entraîné des traumatismes intergénérationnels et des iniquités réelles, qui eux ont mené à des vulnérabilités.
Le traitement de Joyce Echaquan, une femme de la Nation Atikamekw, par notre système de soins de santé est un triste rappel que ces problèmes sont loin d’être résolus. C’est un rappel que, bien que l’histoire de Joyce profite d’une visibilité, il y a de nombreux autres récits personnels de mauvais traitements infligés aux Autochtones qui ont recours au système de soins aujourd’hui.
Il y a aussi une longue histoire de racisme et de discrimination contre les communautés noires au Canada, qui est perpétuée par la dynamique de pouvoir raciale découlant de l’esclavage et de la colonisation, le retrait forcé des terres ancestrales, la ségrégation sociale, éducative, résidentielle et professionnelle et les stéréotypes fondés sur la race. Par exemple, les Nations Unies reconnaissent l’expérience distincte et unique des Néo-Écossais d’origine africaine, l’une des plus anciennes et des plus grandes communautés noires du Canada, et pourtant, bon nombre de ces communautés continuent de connaître des inégalités et des disparités en matière de santé qui sont exacerbées par la COVID-19.
Il y a des exemples troublants de racisme anti-Noirs qui subsistent dans le système de soins de santé canadien, particulièrement en ce qui concerne les préjugés raciaux de la part des professionnels de la santé et le racisme systémique dans les pratiques institutionnelles. À cela s’ajoute la faible proportion de professionnels de la santé noirs au Canada.
Le racisme et les mauvais traitements systématiques qui persistent au sein du système de santé ont entraîné une grande méfiance au sein des communautés racialisées et un manque important de confiance à l’égard de ces systèmes et institutions. Ce manque de confiance a à son tour contribué à une grande hésitation à l’égard du vaccin contre la COVID-19 chez les Noirs et les Autochtones, ainsi que dans d’autres communautés racialisées.
Protection des populations racialisées : Action gouvernementale et communautaire
Il est essentiel de s’employer à éliminer le racisme dans nos milieux de travail et le système de l’éducation, de la santé et dans les systèmes sociaux. En même temps, nous devons soutenir les populations prioritaires et les protéger contre la COVID-19.
L’immunisation des populations à risque pourrait réduire ou prévenir l’exacerbation des iniquités sanitaires immédiates liées à la COVID-19. Le Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI) a déjà cerné la nécessité d’accorder la priorité aux vaccins destinés aux personnes dont les conditions de vie ou de travail les exposent à un risque élevé de COVID-19, où l’infection pourrait avoir des conséquences disproportionnées, y compris les communautés autochtones. Pas plus tard que cette semaine, ces orientations ont été mises à jour afin d’accorder la priorité aux adultes d’autres communautés racialisées et marginalisées touchées de façon disproportionnée par la COVID-19 dans la deuxième phase du déploiement national du vaccin.
J’ai suivi les progrès remarquables réalisés au sein des communautés pour accroître la confiance envers les vaccins contre la COVID-19 et l’accès à ces vaccins à mesure que nous accélérons le déploiement de la vaccination. Les organismes, les dirigeants et les membres des communautés les appuient de diverses façons, s’emploient à établir la confiance, fournissent des conseils et des messages adaptés à la culture et luttent contre la propagation d’informations erronées. Ces initiatives tiennent compte des expériences vécues par ces communautés. Il y a de nombreux exemples marquants :
- Les Premières Nations du Manitoba travaillent avec les responsables provinciaux de la santé publique pour accorder la priorité aux guérisseurs traditionnels et aux gardiens du savoir dans l’attribution des vaccins.
- La Première Nation de Cowessess, dans le sud de la Saskatchewan, travaille avec un laboratoire de recherche en santé dirigé par des Autochtones, le Morning Star Lodge, pour fournir des renseignements sur les vaccins à la communauté et répondre aux questions des membres de la communauté.
- Plusieurs chefs des Premières nations du Yukon ont donné l’exemple aux membres de leur communauté en étant les premiers à recevoir le vaccin contre la COVID-19.
- Le Black Scientists Task Force on Vaccine Equity de Toronto, composé de nombreux experts en santé noirs de premier plan au Canada, organise une série d’assemblées publiques virtuelles pour aider à contrer la méfiance et les informations erronées à l’égard des vaccins au moyen d’une approche empathique.
- La Health Association of African Canadians et l’Association of Black Social Workers de Nouvelle-Écosse ont monté des équipes d’intervention dans le cadre de la COVID-19 et tenu régulièrement des assemblées locales auxquelles ont participé la médecin-hygiéniste en chef adjointe de la Nouvelle-Écosse et d’autres professionnels de la santé d’origine africaine pour éduquer, informer et soutenir les communautés et instaurer un niveau de confiance relativement à l’importance de la vaccination.
L’équité en santé sauve des vies : l’apport que tous les Canadiens peuvent avoir
Une première étape importante pour nous tous dans l’amélioration de l’équité en santé consiste à reconnaître et à corriger les inégalités sous-jacentes auxquelles font face les populations racialisées. Nous pouvons tous travailler à la réconciliation et à un avenir meilleur et plus équitable en examinant et en continuant de surveiller nos propres préjugés potentiels. Les préjugés peuvent maintenir en place des politiques et des pratiques qui perpétuent la dynamique du pouvoir et privent de ressources ceux qui en ont le plus besoin.
À l’avenir, il sera crucial que nous accordions la priorité à la collecte et à l’analyse de données fondées sur la race partout au pays et que nous respections les normes et les pratiques de collecte, de gestion et de production de rapports adaptées à la culture. Nous avons besoin de cette information pour comprendre où et comment les gens sont le plus touchés afin que nous puissions prendre des mesures de santé publique pour mieux les servir. Il est encourageant de voir que la race a été ajoutée aux variables dans l’ensemble de données nationales sur les cas de COVID-19 l’automne dernier. Les provinces et les territoires en sont maintenant à diverses étapes de la collecte et de la déclaration de données fondées sur la race, et tous les ordres de gouvernement continuent de travailler ensemble pour faire avancer ces efforts. Il est important de faire pression collectivement pour des services de santé et des mesures plus équitables afin d’améliorer les conditions sociales et économiques des Canadiens racialisés; des données de qualité et détaillées sont donc nécessaires.
Pour favoriser l’acceptation des vaccins dans les communautés racialisées, nous devons commencer par reconnaître les motifs de leur méfiance à l’égard de la médecine et du système de santé. Nous devons écouter leurs préoccupations et fournir aux communautés racialisées des renseignements exacts et accessibles. Il est important que les gens sentent qu’ils sont bien outillés pour avoir le contrôle sur leur propre santé et leurs propres décisions. Les communautés racialisées doivent être mobilisées intentionnellement en tant que partenaires dans le processus de distribution et d’administration d’un vaccin contre la COVID-19, car elles peuvent informer les gens et en encourager l’adoption. Comme nous l’avons déjà vu, les dirigeants communautaires peuvent jouer un rôle déterminant dans la création de points d’accès communautaires de confiance et aider à apaiser les craintes et la propagation d’informations erronées.
Nous devons remédier aux iniquités liées au risque de contracter la COVID-19. Nous devons pour ce faire reconnaître que nous ne traitons pas tout le monde de la même façon. Quelqu’un qui est plus à risque peut avoir besoin de plus de soutien. Pendant cette pandémie, les personnes les plus à risque doivent d’abord être vaccinées. En protégeant les personnes les plus à risque, y compris les membres des communautés racialisées, vous êtes protégés.
Vous m’avez déjà entendue le dire, mais je pense qu’on ne peut pas assez insister là-dessus : nous sommes tous vraiment dans la même situation. Personne n’est protégé tant que nous ne sommes pas tous protégés.
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