Évaluation du Programme du multiculturalisme
Résumé
Objet de l’évaluation
Le présent rapport expose les constations de l’évaluation du Programme du multiculturalisme de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC). Cette évaluation portait sur trois grands thèmes, à savoir la pertinence, la conception et la prestation et le rendement. Conformément aux exigences établies dans la Directive sur la fonction d’évaluation (Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, 2009), la pertinence du Programme a été évaluée en fonction du besoin continu (1), de sa conformité aux priorités et rôles du gouvernement (2), et de son harmonisation avec les priorités et objectifs du gouvernement et du Ministère (3). L’évaluation du rendement du Programme reposait sur un examen de ses résultats en matière d’efficacité (4) ainsi que d’efficience et d’économie (5).
L’évaluation a été menée par la Direction générale de la recherche et de l’évaluation (DGRE) de CIC entre avril et octobre 2011.
Le Programme du multiculturalisme
Le Canada met en œuvre depuis longtemps des programmes axés sur le multiculturalisme qui sont fondés sur la Politique canadienne sur le multiculturalisme de 1971 et sur la Loi sur le multiculturalisme canadien de 1988. En juillet 2009, le Cabinet a avalisé les trois nouveaux objectifs du Programme du multiculturalisme, qui ont été mis en œuvre officiellement le 1er avril 2010 :
- Bâtir une société intégrée et cohésive sur le plan social;
- Accroître la sensibilité des institutions aux besoins de la population diversifiée du Canada;
- Participer activement à des discussions sur le multiculturalisme et la diversité à l’échelle internationale.
Le Programme du multiculturalisme est constitué de quatre grands volets : le financement des organisations qui mènent des projets et des activités portant sur multiculturalisme (Inter-Action) à l’appui des trois objectifs du programme; les activités d’éducation du public et de promotion; l’aide aux institutions fédérales; et, la participation aux activités internationales. Le Programme du multiculturalisme relève de la responsabilité de plusieurs secteurs et directions générales au sein de CIC.
Méthodologie
Les évaluateurs ont utilisé une foule de sources de données quantitatives et qualitatives pour garantir la fiabilité des résultats :
- entrevues;
- formulaires de commentaires des participants aux projets et activités;
- évaluations des projets;
- sondage téléphonique auprès des bénéficiaires et non-bénéficiaires de financement de projet;
- examen des données administratives;
- questionnaires aux membres du Réseau des champions du multiculturalisme;
- examen de la littérature;
- examen de documents.
L’évaluation a porté notamment sur les activités menées et les extrants produits entre les exercices 2008-2009 et 2010-2011. En conséquence, les projets ayant bénéficié de subventions et contributions qui sont examinés dans le cadre de l’évaluation comprennent certains projets financés tant sur la base des anciens objectifs que des nouveaux objectifs.
Limites
Même si l’évaluation trouve un bon équilibre entre les sources de données quantitatives et qualitatives et qu’elle permet de faire une triangulation des résultats, sa méthodologie est affectée par quatre grandes limites dont il faut tenir compte quand on examine les résultats de l’évaluation.
- La mesure des résultats des programmes sociaux comporte des difficultés inhérentes, particulièrement en ce qui a trait à l’attribution des résultats.
- Il existe très peu de dispositifs de mesure du rendement en place pour recueillir de l’information sur les résultats des projets. En conséquence, on a utilisé les données recueillies dans le cadre de l’évaluation pour évaluer les résultats du programme.
- Les données disponibles sur le rendement ne représentent pas la totalité des intervenants du programme (c.-à-d., champions du multiculturalisme, bénéficiaires et non-bénéficiaires du financement du projet), ni la totalité des projets et activités financés.
- Puisque l’évaluation a été menée un an après la mise en œuvre des nouveaux objectifs du programme, seuls quelques projets financés en vertu des nouveaux objectifs étaient terminés au moment de l’évaluation.
Constatations de l’évaluation
Les principales constatations associées à chaque question d’évaluation sont présentées ci-dessous.
Pertinence
- Compte tenu de la diversité religieuse et ethnoculturelle de plus en plus grande de la population canadienne et de la présence persistante des préjugés, du racisme et de la discrimination dans notre société, le Canada a besoin de programmes axés sur le multiculturalisme. Une foule de chercheurs universitaires ont conclu que l’approche du Programme du multiculturalisme, qui facilite le contact entre les différentes communautés pour accroître la compréhension réciproque, est une façon efficace de promouvoir la cohésion sociale.
- Les programmes axés sur le multiculturalisme, inscrits dans la loi fédérale, s’harmonisent clairement avec les rôles et responsabilités du gouvernement fédéral, même si les provinces, les municipalités et d’autres organisations, comme les groupes sans but lucratif et les entreprises, ont également un rôle complémentaire à jouer. Selon les personnes interrogées, le gouvernement fédéral doit jouer un rôle d’impulsion, de promotion et d’éducation relativement au multiculturalisme, et soutenir la mise en place de pratiques exemplaires et uniformes à l’échelle du pays.
- L’architecture des activités de programme et les objectifs stratégiques de CIC ont été révisés afin d’inclure les programmes axés sur le multiculturalisme. Cela dit, on n’a pas encore entièrement déterminé l’influence de cet ajout sur les autres programmes et services, et vice-versa. La majorité des personnes interrogées ne pensent pas que le multiculturalisme est une priorité du gouvernement fédéral. Certains documents clés du gouvernement fédéral, notamment les discours du Trône, mentionnent la diversité, mais ne désignent pas les programmes axés sur le multiculturalisme comme étant une priorité stratégique.
Conception et prestation
- Les objectifs du programme ont été modifiés légèrement en 2010, mais les activités de programme et les groupes ciblés sont en grande partie inchangés. Certains changements notables visent l’exécution du volet des subventions et contributions, notamment la mise en œuvre d’un mécanisme de demande de propositions doté d’outils connexes, et l’ajout du volet des activités.
- Puisque les responsabilités du programme sont réparties entre plusieurs secteurs, directions générales, directions et unités, et que des réaménagements ont été faits au sein du programme depuis son transfert de Patrimoine canadien à CIC en octobre 2008, il est difficile d’assurer une gouvernance efficace du programme, particulièrement en ce qui concerne les communications, la coordination et la prise de décisions partagée. Les responsabilités des diverses unités qui interviennent dans le Programme du multiculturalisme ne sont pas clairement définies, et certaines décisions ont été prises sans l’apport voulu des unités responsables des programmes et des politiques.
- Le nouveau processus de demande de propositions améliore la cohérence et la transparence de la définition des priorités de projet et de l’évaluation des propositions. Cela a également permis d’harmoniser le Programme du multiculturalisme avec d’autres programmes de subventions et contributions de CIC. Toutefois, en raison de la généralisation intentionnelle de la formulation du processus de demande de propositions, la valeur des demandes reçues dépasse largement les fonds disponibles pour les projets. En outre, le processus d’approbation est long et pas assez transparent.
- Aucune stratégie efficace de mesure du rendement n’a été mise en place pour recueillir des données sur une base régulière, et les données de mesure du rendement disponibles concernent en grande partie les extrants. Certaines de ces données sont par ailleurs incomplètes, contradictoires et non fiables.
Rendement
- Le résultat attendu des volets du Programme du multiculturalisme sur les subventions et contributions et sur l’éducation du public est d’accroître la mémoire et la fierté civiques, le respect des valeurs démocratiques fondamentales et la compréhension interculturelle et interconfessionnelle. Même si l’information sur les résultats réels des projets et activités est limitée, les commentaires formulés par les participants à deux projets financés dans le cadre des nouveaux objectifs permettent de croire que le programme contribue à l’atteinte de ces résultats. Les initiatives d’éducation publique et de promotion ont été largement annoncées au moyen d’une série de méthodes, et le public s’est apparemment intéressé à ces initiatives. Cependant, pour le moment, on ne recueille pas de données relatives à l’atteinte du résultat attendu global pour ces activités.
- Le deuxième résultat attendu du Programme du multiculturalisme est de faire en sorte que les programmes, politiques et services des institutions fédérales répondent aux besoins d’une société diversifiée. Les activités de programme s’y rattachant sont très administratives de nature, et bien qu’elles répondent aux exigences de déclaration énoncées dans la Loi sur le multiculturalisme canadien, elles ne permettent pas d’atteindre le résultat attendu. Ce problème est exacerbé par la modicité des ressources consacrées à ce volet du programme.
- Le Canada a diffusé ses pratiques exemplaires en matière de multiculturalisme sur la scène internationale. Cela dit, selon l’information disponible, il était difficile d’établir si CIC utilise l’information recueillie auprès des autres pays ou la communique aux autres institutions fédérales.
- L’efficience globale du Programme du multiculturalisme a souffert de la longueur du processus décisionnel concernant les propositions de projet. En conséquence, le programme a laissé des fonds inutilisés pendant chaque exercice visé par l’évaluation, même si le montant des fonds non utilisés a diminué considérablement chaque année, passant de 75 % de l’enveloppe en 2008-2009 à 37 % en 2010-2011. On s’attend à constater une autre réduction, d’environ 23 %, en 2011-2012.
Conclusions
- Le Canada a besoin de programmes axés sur le multiculturalisme, et le gouvernement fédéral a un rôle à jouer à cet égard. Au vu de nombreuses études scientifiques, il apparaît clairement que l’approche utilisée par le Programme du multiculturalisme contribue à la promotion d’une société intégrée.
- CIC est, à bien des égards, le ministère indiqué pour diriger les responsabilités fédérales relatives au multiculturalisme. Cela dit, l’inclusion du Programme du multiculturalisme au sein de CIC a élargi le mandat du Ministère (aux questions de l’intégration à plus long terme) et sa clientèle (à l’ensemble des Canadiens). On ne connaît pas encore l’impact de ce changement sur les politiques et les programmes de CIC.
- Les objectifs du Programme du multiculturalisme sont très vastes. S’ils sont assez souples pour permettre au programme de répondre aux besoins des différentes communautés, leur ampleur engendre par ailleurs un manque de précision quant aux types d’activité permettant de soutenir au mieux les objectifs du Programme. En outre, ces objectifs sont plus vastes que les résultats qu’on peut raisonnablement atteindre compte tenu des ressources et des activités actuelles du programme.
- Trois facteurs clés liés à la conception et à la prestation du programme ont nui à sa bonne mise en œuvre. Ils concernent la gouvernance, la mesure du rendement et le processus d’approbation :
- manque de communication, de coordination et de partage des décisions entre les différentes unités organisationnelles chargées du programme;
- absence de données de base sur la mesure du rendement permettant d’évaluer le rendement du programme dans son ensemble ou de ses projets et activités;
- délais et manque de transparence du processus d’approbation.
- En raison de lacunes dans la mesure du rendement, on a actuellement peu d’éléments d’information qui démontrent dans quelle mesure le Programme du multiculturalisme atteint ses résultats attendus. Certaines données récentes sur la mesure du rendement indiquent que les projets contribuent à accroître la commémoration et la fierté civiques, le respect des valeurs démocratiques fondamentales et la compréhension interculturelle et interconfessionnelle.
- L’efficience générale du programme a souffert de la durée du processus décisionnel concernant les propositions de projet. En conséquence, le programme a laissé un montant substantiel de fonds inutilisés dans l’enveloppe de subventions et contributions en 2008-2009 et en 2009-2010, même si le montant des fonds non utilisés a diminué en 2010-2011 et devrait normalement diminuer encore en 2011-2012. Le fait que les ressources n’ont pas été entièrement utilisées réduit l’impact potentiel du programme.
Recommandations
- Puisque l’ajout du Programme du multiculturalisme au sein de CIC a élargi son mandat à l’intégration à plus long terme et sa clientèle à l’ensemble des Canadiens, CIC devrait veiller à intégrer entièrement le multiculturalisme dans ses politiques et programmes.
- Compte tenu de la modicité relative des fonds dont dispose le Programme du multiculturalisme, les objectifs et les résultats attendus doivent être harmonisés avec les ressources disponibles et axés stratégiquement sur les priorités et besoins fondamentaux. Le Ministère doit déterminer la meilleure façon d’y parvenir.
- Des efforts supplémentaires doivent être fournis pour accroître la transparence et améliorer les délais du processus d’approbation des projets et activités.
- Il faut améliorer la gouvernance du Programme du multiculturalisme pour favoriser une meilleure communication et la coordination des décisions entre les directions et unités responsables du programme.
- Compte tenu des lacunes constatées au niveau de la mesure du rendement, le programme doit se doter d’une stratégie de mesure du rendement fiable. Cela nécessite :
- un examen et la révision éventuelle du cadre de la stratégie de mesure du rendement mis au point durant la phase de planification de la présente évaluation;
- l’amélioration du système actuel de collecte de données;
- un examen de la condition actuelle qui oblige les bénéficiaires à présenter une évaluation du projet afin de déterminer comment utiliser cette évaluation pour réunir des données cohérentes et comparables sur les résultats du programme de CIC;
- la mise en œuvre d’un processus garantissant que les formulaires de commentaires sur les projets et activités sont tenus à jour et régulièrement recueillis et analysés pour faciliter l’évaluation des résultats des projets et activités.
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