Programme de rétablissement du béluga (Delphinapterus leucas), population de l'estuaire du Saint-Laurent : chapitre 3
2. Rétablissement
2.1 Objectifs en matière de population et de répartition
Dans le Plan de rétablissement du béluga du Saint-Laurent publié en 1995, l’objectif ciblé était : « de faire en sorte que la population soit suffisamment grande et dans un état tel que les évènements naturels et les activités humaines ne constitueront plus une menace pour sa survie… À l’heure actuelle, il semble qu’en réduisant la pollution et les dérangements, il soit possible de permettre aux humains et aux bélugas de continuer à partager l’estuaire du Saint-Laurent. » (Pêches et Océans Canada [MPO] et Fonds mondial pour la nature (World Wildlife Fund) [WWF], 1995). L’objectif du présent programme de rétablissement est toujours de ramener la population de bélugas à un seuil où sa survie ne sera plus menacée par des perturbations naturelles et anthropiques.
L’effectif d’origine est estimé à 10 100 individus (MPO, 2005b). L’objectif en ce qui concerne la population du béluga de l’estuaire du Saint-Laurent est d’atteindre à long terme un effectif de 7 070 individus soit 70 % de l’effectif originel, ce qui correspond à l’utilisation du principe de précaution mis de l’avant par le MPO pour la gestion de diverses ressources marines (MPO, 2006; Hammill et Stenson, 2007). Toutefois, la population pourrait être considérée comme n’étant plus en péril avant que cet objectif ne soit atteint (MPO, 2005b). Au taux d’accroissement actuel d’environ 1 % par année, l’objectif à long terme pourrait être atteint en 2100. L’identification et la correction des facteurs limitant l’accroissement de la population permettraient au taux de croissance d’atteindre potentiellement un taux théorique maximal d’environ 4 %. Dans de telles circonstances, la population pourrait atteindre l’objectif de population à long terme d’ici 2050 (figure 8). Un taux d’accroissement de la population d’au moins 2 % par année constitue également un objectif de ce programme. De plus, un objectif de population intermédiaire de 1 000 individus matures a été fixé. S’il est atteint, cet objectif pourrait permettre d’attribuer au béluga du Saint-Laurent un statut correspondant à une plus faible catégorie de risque selon les critères d’évaluation du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) et de préserver la diversité génétique. Parallèlement à cette augmentation d’effectif, il est souhaitable que l’aire de répartition du béluga du Saint-Laurent s’étende sur une aire minimale correspondant à 70 % de l’aire de répartition d’origine (MPO, 2005b).
Figure 8. Temps requis pour atteindre l'objectif de population fixé de 7 070 individus, au taux de croissance actuel d'environ 1 % et au taux de croissance théorique maximal de 4 %
Description pour la figure 8
Temps requis pour atteindre l’objectif de population fixé de 7 070 individus, au taux de croissance actuel d’environ 1 % et au taux de croissance théorique maximal de 4 % (M. Hammill, MPO, données non publiées). La figure est un graphique à ligne représentant la taille de la population en fonction du temps selon deux taux de croissance (1 % et 4 %). Avec un taux de croissance de 4 %, la taille de la population atteindra l’objectif de 7 070 individus autour de 2050, tandis qu’avec un taux de 1 %, l’objectif serait atteint vers 2100.
2.2 Objectifs de rétablissement
Afin d’atteindre les objectifs de population et de répartition du programme actuel, six objectifs de rétablissement ont été formulés :
- Réduire, chez le béluga, ses proies et leurs habitats, les contaminants susceptibles de nuire au rétablissement;
- Réduire le dérangement anthropique;
- Assurer des ressources alimentaires accessibles et adéquates au béluga;
- Atténuer les effets des autres menaces sur le rétablissement de cette population;
- Protéger l’habitat du béluga sur toute son aire de répartition;
- Assurer un suivi régulier de la population de bélugas de l’estuaire du Saint-Laurent.
Pour atteindre ces objectifs de rétablissement, plusieurs stratégies sont suggérées dans le tableau suivant.
2.3 Stratégies et mesures afin d'atteindre les objectifs du rétablissement
2.3.1 Planification du rétablissement
Niveau de Priorité | Menaces | Stratégies de rétablissement | Mesures |
---|---|---|---|
Essentiel | Contaminants | Étudier les effets des contaminants sur le béluga, ses proies clés et les espèces sentinelles. |
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Essentiel | Contaminants | Réglementer ou poursuivre l’application de la réglementation existante afin de contrôler l’introduction dans l’environnement de polluants toxiques, en particulier les nouveaux contaminants. |
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Essentiel | Contaminants | Réduire les émissions et les rejets de tous les types de polluants à la source. |
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Nécessaire | Contaminants | Suivre les sources de contamination et l’évolution des contaminants dans les tissus des bélugas et de leurs proies. |
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Nécessaire | Contaminants | Poursuivre le nettoyage des sites terrestres et aquatiques contaminés dans le bassin du Saint-Laurent et des Grands Lacs. |
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Nécessaire | Contaminants | Poursuivre la coordination des activités de réduction de la pollution, en collaboration avec la Commission mixte internationale. |
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Niveau de Priorité | Menaces | Stratégies de rétablissement | Mesures |
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Essentiel | Dérangement | Déterminer les impacts du dérangement ponctuel ou chronique sur le béluga à court et à long terme. |
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Essentiel | Dérangement | Étudier les impacts de la pollution sonore sur les bélugas. |
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Essentiel | Dérangement | Réduire le dérangement anthropique dans les zones de fréquentation intensive. |
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Nécessaire | Dérangement | Protéger les bélugas contre le dérangement anthropique sur l’ensemble du territoire fréquenté. |
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Nécessaire | Dérangement | Mettre en œuvre la stratégie éducative sur les espèces en péril développée au parc marin et étendre sa portée à l’ensemble de l’aire de répartition du béluga. |
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Nécessaire | Dérangement | Améliorer le processus décisionnel pour l’émission de permis de recherche ou autres activités nécessitant des approches à moins de 400 m. |
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Niveau de Priorité | Menaces | Stratégies de rétablissement | Mesures |
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Essentiel | Ressource alimentaire | Protéger les sites de fraie, d’alevinage et les voies migratoires des proies clés du béluga. |
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Nécessaire | Ressource alimentaire | Poursuivre les recherches sur le régime alimentaire du béluga. |
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Utile | Ressource alimentaire | Prévenir les nouvelles activités de pêche susceptibles d’avoir un impact important sur les bélugas et leurs proies. |
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Niveau de Priorité | Menaces | Stratégies de rétablissement | Mesures |
---|---|---|---|
Essentiel | Autres dégradations de l’habitat | Développer et mettre en place des mesures de protection adéquates pour les projets côtiers et extracôtiers susceptibles d’avoir un impact dans l’aire de répartition du béluga. |
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Essentiel | Toutes | Maintenir et améliorer le programme de suivi des carcasses en portant un effort particulier sur la détermination des causes de mortalité. |
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Nécessaire | Empêtrements et collisions | Réduire l’impact des empêtrements dans les engins de pêche et des collisions. |
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Nécessaire | Efflorescence, déversement etépizootie | Préparer des plans d’urgence pour le béluga en cas de déversements de produits toxiques, d’efflorescence d’algues toxiques et d’épizootie. |
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Utile | Déversement | Informer et sensibiliser les navigateurs (tous types de bateaux) sur la réglementation et les impacts du déversement de matières polluantes. |
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Utile | Efflorescence, déversement et épizootie | Détecter et prévenir les déversements, les efflorescences d’algues toxiques et les épizooties. |
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Utile | Collisions | Réduire le nombre de collisions avec les embarcations, en particulier les embarcations touristiques et de plaisance. |
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Utile | Nouvelles menaces | Examiner les autres obstacles possibles au rétablissement. |
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Niveau de Priorité | Menaces | Stratégies de rétablissement | Mesures |
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Essentiel | Toutes | Accroître les connaissances sur la répartition saisonnière et les habitats potentiels du béluga. |
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Essentiel | Toutes | Protéger l’habitat du béluga par la mise en oeuvre de divers outils légaux. |
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Niveau de Priorité | Menaces | Stratégies de rétablissement | Mesures |
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Essentiel | Toutes | Suivre la population de bélugas du Saint-Laurent. |
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Niveaux de priorité : Utile : qui serait profitable au rétablissement; Nécessaire : qui présente un grand intérêt pour le rétablissement; Essentiel : qui est indispensable au rétablissement.
2.3.2 Commentaires à l'appui du tableau de planification du rétablissement
Trois menaces au rétablissement du béluga du Saint-Laurent font l’objet d’un objectif de rétablissement spécifique : les contaminants, le dérangement anthropique et la disponibilité des proies. De nombreux produits toxiques issus des produits de consommation moderne et de l’industrialisation, qu’ils soient d’usage passé, actuel ou futur, sont susceptibles de nuire au rétablissement du béluga du Saint-Laurent soit en interférant avec ses fonctions vitales, soit en provoquant des pathologies éventuellement mortelles pour les bélugas. La réduction des contaminants est donc un objectif prioritaire pour assurer le rétablissement de la population de bélugas du Saint-Laurent. Quant au dérangement anthropique, l’estuaire du Saint-Laurent est une voie de navigation importante pour la marine marchande et de plaisance, y compris pour les activités d’observation en mer. Les risques de dérangement par les différentes embarcations ou par le bruit généré par les activités humaines sont importants d’où la nécessité de proposer des approches pour tenter de réduire le dérangement anthropique. Plusieurs stocks de poissons présents dans l’estuaire du Saint-Laurent ont grandement diminué dans les dernières décennies. Malgré un régime alimentaire varié, il est possible que les proies du béluga ne se trouvent plus en quantité et en qualité suffisantes pour permettre une augmentation de la population de bélugas dans l’estuaire. Assurer au béluga des ressources alimentaires accessibles et adéquates est donc un objectif du programme de rétablissement.
Les autres menaces au rétablissement du béluga du Saint-Laurent ont été condensées dans le quatrième objectif intitulé « Atténuer les conséquences des autres menaces sur le rétablissement de cette population ». Il est très important de proposer des approches pour contrer toutes les menaces et de rester vigilant afin de soulever toute nouvelle menace. Il est également primordial de mieux comprendre l’utilisation de l’habitat par cette espèce afin de protéger les zones du Saint-Laurent qui sont importantes. Le béluga du Saint-Laurent occupe des habitats différents en fonction des saisons et les caractéristiques qui entraînent l’utilisation de ces habitats ainsi que les fonctions vitales qu’elles supportent sont peu connues.
Finalement, malgré l’interdiction de la chasse, la croissance de la population de bélugas de l’estuaire du Saint-Laurent reste faible. Le suivi de l’état de la population, et en particulier le taux de mortalité des juvéniles, permettra de s’assurer que les approches proposées pour le rétablissement sont efficaces. Ce suivi est aussi nécessaire pour identifier ou mieux comprendre les menaces les plus importantes envers cette population afin de proposer des actions pour les atténuer ou les éliminer.
2.4 Habitat essentiel
La Loi sur les espèces en péril (LEP) prévoit lors de la rédaction d’un programme de rétablissement « la désignation de l’habitat essentiel de l’espèce dans la mesure du possible, en se fondant sur la meilleure information accessible, […], et des exemples d’activités susceptibles d’entraîner sa destruction » (alinéa 41(1)c)). Le but de cette désignation est de faciliter la protection de l’habitat essentiel du béluga du Saint-Laurent des activités humaines qui pourraient le détruire et ainsi compromettre la survie et le rétablissement de cette espèce.
En vertu de la Loi sur les espèces en péril, l’habitat essentiel d’une espèce est défini comme « l’habitat nécessaire à la survie ou au rétablissement d’une espèce sauvage inscrite, qui est désigné comme tel dans un programme de rétablissement ou un plan d’action élaboré à l’égard de l’espèce » (paragraphe 2(1)). De plus, la LEP définit l’habitat pour les espèces aquatiques en péril comme « les frayères, aires d’alevinage, de croissance et d’alimentation et routes migratoires dont sa survie dépend, directement ou indirectement, ou aires où elle s’est déjà trouvée et où il est possible de la réintroduire » (paragraphe 2(1)).
Pour le béluga, population de l’estuaire du Saint-Laurent, l’habitat essentiel est désigné dans la mesure du possible et en se basant sur la meilleure information disponible. L’habitat essentiel désigné dans ce programme de rétablissement est nécessaire pour la survie et le rétablissement de cette espèce. Cependant, le manque d’information ne permet d’établir si cet habitat est suffisant pour atteindre les objectifs en matière de population et de répartition. En particulier, les connaissances reliées aux composantes de l’habitat essentiel et leurs caractéristiques qui supportent les fonctions vitales, sont insuffisantes. Le calendrier des études donne un aperçu des recherches qui sont requises pour raffiner les connaissances sur l’habitat essentiel, et pour compléter la désignation de l’habitat essentiel de façon générale afin de supporter les objectifs en matière de population et de répartition.
2.4.1 Information et méthode utilisées pour désigner l'habitat essentiel
Dans le but de désigner l’habitat essentiel du béluga du Saint-Laurent, toute l’information disponible sur les exigences du béluga en matière d’habitat, ses proies, sa répartition saisonnière ainsi que l’utilisation et les caractéristiques de son habitat, a été revue (Mosnier et coll., 2009). Les sources d’information revues proviennent des domaines universitaire, gouvernemental et non-gouvernemental. Cette compilation de la littérature a été intégrée dans un avis scientifique sur la désignation de l’habitat essentiel qui a été revu par des experts en mammifères marins et publié (MPO, 2009a). La désignation de l’habitat essentiel a par la suite fait l'objet de discussions en mai 2010 au sein de l'équipe de rétablissement du béluga du Saint-Laurent qui comprend notamment des experts sur les mammifères marins. À la lumière des informations disponibles ainsi que l'avis scientifique (MPO, 2009a), l'équipe de rétablissement a recommandé de désigner l'habitat essentiel tel que présenté dans ce programme.
Les connaissances sur l’utilisation de son habitat par le béluga portent surtout sur l’utilisation actuelle de l’habitat en période estivale. L’utilisation originelle et celle actuelle, en hiver, sont moins bien connues. Les connaissances actuelles suggèrent une ségrégation spatiale des bélugas basée sur le sexe et la classe d'âge des individus qui semble typique chez cette espèce durant l'été. L'estuaire moyen, où les femelles accompagnées de veaux et de juvéniles se concentrent, est probablement un habitat important pour le soin des jeunes et la mise bas. Toutefois, les raisons de cette ségrégation sexuelle et les caractéristiques de l'habitat qui sont essentielles à la survie des femelles, des veaux et des juvéniles dans ce secteur ne sont pas clairement définies. L’habitat essentiel pour le béluga du Saint-Laurent est désigné en se basant sur l’aire de répartition estivale des femelles et leur veau, puisque cet habitat supporte la fonction de mise bas et d’élevage des veaux et donc la survie des juvéniles. Une hypothèse sur la difficulté de survie des juvéniles ayant été soulevée pour expliquer l’absence de rétablissement depuis l’arrêt de la chasse, le Ministre de Pêches et Océans Canada considère que cet habitat est nécessaire à la survie et au rétablissement du béluga. La portion nord de l’estuaire maritime est connue comme étant utilisée pour l’alimentation par des groupes d’adultes seulement, qui ne possèdent pas un attachement aussi fort envers cet habitat que les groupes de femelles accompagnés de veaux et juvéniles envers leur habitat d’estivage. Les groupes d’adultes seulement démontrent une plus grande mobilité pour s’alimenter et occupent vraisemblablement un plus grand territoire même en été. L’utilisation de ce territoire par le béluga devra faire l’objet d’études plus approfondies tel que précisé dans le calendrier des études visant à compléter la désignation de l’habitat essentiel (tableau 5).
Figure 9. Habitat essentiel du béluga du Saint-Laurent.
Description pour la figure 9
Habitat essentiel du béluga du Saint-Laurent. La carte représente la délimitation de l’habitat essentiel ainsi que la bathymétrie dans l’estuaire du Saint-Laurent. Il s’étend des battures aux Loups Marins jusqu’à la portion sud de l’estuaire au large de Saint-Simon. Il exclut la zone plus profonde de la tête du chenal laurentien. Il inclut la portion aval de la rivière Saguenay, de l’embouchure à l’île Saint-Louis. En médaillon, la localisation du secteur au Québec. La carte inclut les coordonnées géographiques du polygone de l’habitat essentiel.
2.4.2 Description de l'habitat essentiel
L’habitat essentiel a été désigné selon l’approche de la zone d’occupation et correspond à l’aire de répartition estivale des groupes composés d’adultes accompagnés de nouveau-nés et de juvéniles, soit l’estuaire moyen, des battures aux Loups-Marins jusque dans le Saguenay, et la portion sud de l’estuaire maritime (figure 9). L’habitat essentiel inclut toute l’aire illustrée à la figure 9. Toutefois, les installations permanentes d’origine anthropique qui peuvent être présentes à l’intérieur de l’aire délimitée (p. ex., port ou marina) sont spécifiquement exclus de la description de l’habitat essentiel.
L’environnement qui règne dans l’habitat essentiel du béluga est favorable à sa présence continue grâce aux processus océanographiques qui mènent aux remontées d’eaux froides riches en minéraux et à la productivité élevée. Le schéma de répartition du béluga au sein de son aire d’estivage reflète probablement les besoins écologiques et comportementaux des différents groupes sociaux. L’été, soit de juin à octobre, on observe un phénomène de regroupement par sexe et par classe d’âge. Dans le Saint-Laurent, on peut observer ce phénomène dans les secteurs suivants : l’estuaire moyen pour les groupes composés des femelles adultes accompagnées de nouveau-nés et de juvéniles et la partie nord de l’estuaire maritime pour les groupes d’adultes seulement (figure 6). Les femelles montrent un attachement très fort à leur habitat d’estivage, caractérisé par l’abondance de proies et une bathymétrie peu profonde (tableau 4), vers lequel elles reviennent chaque été. La fonction de mise bas et d’élevage des jeunes, enjeu fondamental dans la survie et le rétablissement de cette population menacée, a lieu au sein de l’habitat essentiel désigné et délimité à la figure 9 (Mosnier et coll., 2009; MPO, 2009a). L’élevage des jeunes requiert un accès à des ressources alimentaires de qualité et un environnement permettant la communication. L’utilisation d’eaux moins profondes par les femelles, les nouveau-nés et les juvéniles pourrait réduire les risques de prédation et assurer l’accès à des ressources alimentaires adéquates pour les plus petits individus dont les capacités de plongée sont réduites.
Bien que les caractéristiques physiques, chimiques et biologiques qui rendent ces habitats nécessaires à la survie et au rétablissement du béluga soient peu connues, l’utilisation en été par les femelles et leur veau et la fidélité de ceux-ci à l’estuaire moyen, la rivière Saguenay et la portion sud de l’estuaire maritime renforcent le caractère essentiel de ces zones (MPO, 2009a).
Localisation | Fonctions | Composantes | Caractéristiques |
---|---|---|---|
Estuaire moyen (battures aux Loups Marins jusqu’à la rivière Saguenay) Rivière Saguenay (de l’embouchure jusqu’à la baie Sainte-Marguerite) Estuaire maritime (portion sud) |
Mise bas, allaitement, alimentation, élevage des jeunes, socialisation, migration saisonnière | Disponibilité des proies | Abondance et qualité de proies (p. ex. capelan, hareng Atlantique, lançon d’Amérique, éperlan arc-en-ciel) |
Estuaire moyen (battures aux Loups Marins jusqu’à la rivière Saguenay) Rivière Saguenay (de l’embouchure jusqu’à la baie Sainte-Marguerite) Estuaire maritime (portion sud) |
Mise bas, allaitement, alimentation, élevage des jeunes, socialisation, migration saisonnière | Processus océanographiques qui mènent aux conditions telles que les remontées d’eaux froides riches en minéraux et à la productivité élevée | |
Estuaire moyen (battures aux Loups Marins jusqu’à la rivière Saguenay) Rivière Saguenay (de l’embouchure jusqu’à la baie Sainte-Marguerite) Estuaire maritime (portion sud) |
Mise bas, allaitement, alimentation, élevage des jeunes, socialisation, migration saisonnière | Bathymétrie peu profonde | Profondeur de <100 m |
Estuaire moyen (battures aux Loups Marins jusqu’à la rivière Saguenay) Rivière Saguenay (de l’embouchure jusqu’à la baie Sainte-Marguerite) Estuaire maritime (portion sud) |
Mise bas, allaitement, alimentation, élevage des jeunes, socialisation, migration saisonnière | Environnement acoustique adéquat | À titre indicatif seulement : <120 dB sources continues <160 dB sources à impulsions |
2.4.3 Calendrier des études visant à désigner l'habitat essentiel
L’alinéa 41(1) c.1 de la LEP prévoit « un calendrier des études visant à désigner l’habitat essentiel lorsque l’information accessible est insuffisante ». Le présent programme inclut la désignation de l’habitat essentiel du béluga du Saint-Laurent dans la mesure du possible et en se basant sur la meilleure information disponible. D’autres travaux seront nécessaires afin de désigner l’habitat essentiel qui permettra d’atteindre les objectifs de population et de répartition. L’habitat fréquenté par le béluga en dehors de la zone comprise entre Kamouraska et Rimouski a été peu étudié et il est impossible actuellement de déterminer s’il est essentiel à la survie et au rétablissement de la population. De plus, l’habitat préférentiel du béluga en dehors de la période estivale est peu connu. Plus d’informations sont également nécessaires sur les caractéristiques de l’habitat essentiel afin de s’assurer qu’ils sont en qualité et quantité suffisantes pour supporter les processus vitaux de l’espèce. En particulier, une compréhension plus précise des caractéristiques est requise pour mieux comprendre les besoins du béluga envers l’environnement acoustique et les différentes caractéristiques biophysiques (topographie sous-marine, courants, température de l’eau, salinité, oxygène, pH, sels nutritifs, régime ou débit d’eau douce et turbidité) susceptibles d’influencer la présence des bélugas et de leurs proies.
Le calendrier d’étude présenté dans le tableau 5 prévoit les activités de recherche qui seront nécessaires afin de définir tout l’habitat essentiel du béluga du Saint-Laurent qui permettra d’assurer les objectifs de population et de répartition.
Description de l’activité | Résultat/justification | Échéance |
---|---|---|
Mieux définir les zones de fréquentation estivale du béluga et leurs caractéristiques en amont de Kamouraska et La Malbaie, et en aval de Rimouski et Forestville. | Désigner l’habitat essentiel du béluga en dehors de la zone principalement étudiée. S’assurer que l’habitat essentiel désigné supporte tous les processus vitaux et rencontre les objectifs de population et de répartition. | 2016 |
Définir les zones de fréquentation du béluga en dehors de la saison estivale. | Désigner l’habitat essentiel du béluga en dehors de la saison estivale. S’assurer que l’habitat essentiel désigné supporte tous les processus vitaux et rencontre les objectifs de population et de répartition. | 2016 |
Définir les caractéristiques de l’habitat essentiel désigné. | Lier les caractéristiques biophysiques de l’habitat essentiel aux fonctions vitales qu’il supporte. | 2016 |
2.4.4 Exemples d'activités susceptibles de détruire l'habitat essentiel
La destruction est ainsi définie :
« La destruction de l’habitat essentiel aura lieu si une partie de cet habitat est dégradé de façon permanente ou temporaire, à un point tel que l’habitat essentiel n’est plus en mesure d’assurer ses fonctions lorsque celles-ci sont requises par l’espèce. La destruction peut découler d’une ou plusieurs activités à un moment donné ou de leurs effets cumulés au fil du temps. »
Aux termes de la LEP, l’habitat essentiel doit légalement être protégé contre la destruction une fois qu’il a été désigné comme tel. Cette protection sera assurée par un arrêté pris au titre de l’article 58, qui interdira la destruction de l’habitat essentiel désigné, sauf si elle est autorisée par le ministre de Pêches et Océans Canada, en application des conditions de la LEP.
Étant donné que l’utilisation de l’habitat varie dans le temps, chaque activité doit être évaluée individuellement et des mesures d’atténuation spécifiques doivent être appliquées lorsque efficaces et disponibles. La liste des activités présentées dans le tableau ci-dessous (tableau 6) n’est pas exhaustive. Elle découle directement de la section 1.5 « Menaces » de ce programme de rétablissement. L’absence de cette liste d’une quelconque activité humaine ne peut empêcher ou entraver l’habilité du ministère à la réglementer en vertu de la LEP. De plus, l’inclusion d’une activité dans cette liste ne résulte pas automatiquement en son interdiction, puisque c’est la destruction de l’habitat essentiel qui est interdite et non l’activité. Les activités susceptibles de détruire l’habitat essentiel sont celles qui produisent de forts bruits et celles qui pourraient détruire les caractéristiques de l’habitat susceptibles d’influencer significativement l’abondance des proies.
Une pollution sonore excessive pourrait empêcher les bélugas d’accomplir des fonctions vitales et constituerait donc une destruction de l’habitat essentiel. Bien que la limite de la dégradation acoustique constituant une destruction de l’habitat essentiel du béluga dans l’estuaire du Saint-Laurent n’ait pas été déterminée, la littérature scientifique (Richardson et coll., 1990; Richardson et coll., 1995) et le National Marine Fisheries Services des États-Unis (NMFS, 2003) établissent le seuil de dérangement des mammifères marins à 120 dB pour les sources continues et 160 dB pour les sources à impulsions, tandis qu’ils établissent un seuil de dommages physiques à 180 dB. Ces seuils, cités ici à titre indicatif seulement, peuvent varier selon divers facteurs comme la fréquence des sons ou les conditions océanographiques.
Une baisse notable de la disponibilité des proies du béluga en quantité et en qualité suffisantes dans son habitat essentiel porterait atteinte à la capacité de cet habitat à assurer l’alimentation de la population. La topographie sous-marine, les courants, la température de l’eau, la salinité, l’oxygène, le pH, les sels nutritifs, le régime ou le débit d’eau douce et la turbidité sont susceptibles d’influencer la présence des proies du béluga. Les entraves à la migration des proies peuvent affecter leur quantité et disponibilité.
Activités | Séquence des effets | Fonction perturbée | Caractéristiques perturbées |
---|---|---|---|
|
Activités qui peuvent produire une pollution sonore excessive (fréquence et intensité) | Soin aux jeunes Socialisation Alimentation |
Environnement acoustique adéquat (par exemple, <120 dB sources continues, <160 dB sources à impulsions) |
|
Perturbation ou destruction des caractéristiques susceptibles d’influencer la présence des proies | Alimentation | Abondance, disponibilité et qualité de proies (p. ex. capelan, hareng Atlantique, lançon d’Amérique, éperlan arc-en-ciel) |
2.5 Lacunes dans les connaissances
Bien que plusieurs menaces aient été décrites, seules quelques unes ont fait l’objet de recherches intensives, comme les contaminants, tandis que plusieurs autres demeurent hypothétiques. Par conséquent, il est prioritaire d’entreprendre ou de continuer les recherches sur l’état de la population et les facteurs limitant sa croissance. Voici une liste non exhaustive des principaux besoins en recherche afin de pleinement mettre en œuvre ce programme de rétablissement :
Biologie et écologie
- Dynamique de population (en particulier le taux de survie des juvéniles)
- Répartition et comportement saisonniers (en particulier hors de la saison estivale)
- Structure sociale et stratégies de reproduction
- Régime alimentaire et besoins énergétiques
Habitat
- Répartition, abondance, qualité, habitat, biologie et menaces des proies clés du béluga
Menaces
- Gamme complète des contaminants environnementaux anthropiques auxquels les bélugas et leurs proies sont exposés, dans le temps et dans l’espace; attention particulière portée à la détermination des sources, notamment les nouveaux composés, et de leurs effets sur les bélugas, leurs proies et leur habitat
- Effets à court et à long terme du dérangement tant en matière de bruit que de proximité physique des activités humaines
- Source d'origine anthropique des agents pathogènes
- Fréquence et intensité des collisions avec les bateaux et des empêtrements
- Mesures d'atténuation des menaces
- Autres obstacles au rétablissement
- Effets des changements climatiques sur l'impact des menaces au rétablissement
Comme mentionné dans une section précédente, plusieurs programmes de recherche et de suivi sont actuellement en cours pour approfondir les connaissances sur les menaces au rétablissement du béluga du Saint-Laurent, pour mieux connaître l’état de la population et pour évaluer les mesures de gestion en place ou à développer. Il est important de poursuivre ces activités de recherche en donnant priorité aux menaces actuelles, potentielles ou anticipées qui affectent ou risquent d’affecter l’ensemble de la population de bélugas du Saint-Laurent. De plus, une bonne évaluation de l’impact des menaces au rétablissement nécessite une meilleure compréhension de la dynamique de population, notamment le recrutement de juvéniles et l’utilisation saisonnière de l’habitat. Les activités de recherche visant à compléter la désignation de l’habitat essentiel sont identifiées à la section 2.4.3 Calendrier des études visant à désigner l’habitat essentiel.
2.6 Progrès vers le rétablissement
Les indicateurs de rendement présentés ci-dessous proposent un moyen de définir et de mesurer les progrès vers l’atteinte des objectifs en matière de population et de répartition. Les progrès précis réalisés en vue de la mise en œuvre du programme de rétablissement seront mesurés par rapport aux indicateurs définis dans les plans d’action ultérieurs.
- Augmentation de la taille de la population
- Augmentation du nombre d’individus matures à 1 000 bélugas adultes
- Augmentation de l’étendue de l’aire de répartition
- Augmentation du taux d’accroissement de la population
- Maintien du pourcentage de nouveaux-nés
- Diminution du taux de mortalité des juvéniles
2.7 Énoncé sur les plans d'action
Un plan d’action pour la population de bélugas de l’estuaire du Saint-Laurent sera élaboré d’ici cinq ans, soit au plus tard en 2016.
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