Caribou (Rangifer tarandus) population de la toundra, évaluation et rapport de situation du COSEPAC 2016 : chapitre 1
Information sur le document
COSEWIC
Committee on the Status
of Endangered Wildlife
in Canada
COSEPAC
Comité sur la situation
des espèces en péril
au Canada
Les rapports de situation du COSEPAC sont des documents de travail servant à déterminer le statut des espèces sauvages que l’on croit en péril. On peut citer le présent rapport de la façon suivante :
COSEPAC. 2016. Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur le caribou (Rangifer tarandus), population de la toundra, au Canada. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa. xiv + 147 p. (Registre public des espèces en péril).
Note de production :
Le COSEPAC remercie Anne Gunn, Kim Poole et Don Russell d’avoir rédigé le rapport de situation sur le caribou (Rangifer tarandus), population de la toundra, au Canada, aux termes d’un marché conclu avec Environnement et Changement climatique Canada. La supervision et la révision du rapport ont été assurées par Justina Ray, coprésidente du Sous-comité de spécialistes des mammifères terrestres, avec l’appui des membres de ce sous-comité.
Pour obtenir des exemplaires supplémentaires, s’adresser au :
Secrétariat du COSEPAC
a/s Service canadien de la faune
Environnement et Changement climatique Canada
Ottawa (Ontario)
K1A 0H3
Tél. : 819-938-4125
Téléc. : 819-938-3984
Courriel : ec.cosepac-cosewic.ec@canada.ca
Website: COSEPAC
Also available in English under the title COSEWIC Assessment and Status Report on the Caribou Rangifer tarandus, Barren-ground population, in Canada.
Illustration/photo de la couverture :
Caribou - Photo : A. Gunn.
COSEPAC Sommaire de l’évaluation
Sommaire de l’évaluation - novembre 2016
- Nom commun
- Caribou - population de la toundra
- Nom scientifique
- Rangifer tarandus
- Statut
- Menacée
- Justification de la désignation
- Les individus de cette population donnent naissance à ses petits dans la toundra arctique ouverte, et la plupart des sous-populations (hardes) hivernent dans de vastes forêts subarctiques. Bien connue pour ses grands regroupements, ses longues migrations, et son importante valeur culturelle et sociale pour les peuples autochtones du Nord et autres Canadiens, ses 14 ou 15 sous-populations se trouvent du nord-est de l’Alaska à l’ouest de la baie d’Hudson et sur l’île de Baffin. Comptant plus de 2 millions d’individus au début des années 1990, la population actuelle est estimée à environ 800 000 individus. La plupart des sous-populations ont connu un déclin dramatique, mais deux d’entre elles sont en croissance, incluant la harde de caribous de la Porcupine. Pour 70 % de la population qui présentent suffisamment de données pour quantifier les tendances, le déclin est estimé à 56 % au cours des trois dernières générations (depuis 1989), dont plusieurs des plus grandes hardes ayant fait l’objet, depuis leurs effectifs les plus élevés, d’un déclin supérieur à 80 %. Les données de relevés disponibles pour un autre 25 % de la population totale indiquent également des déclins. Des indications obtenues des peuples autochtones locaux et des études scientifiques portent à croire que les effectifs de la plupart des hardes ont subi des fluctuations naturelles par le passé; cependant, les données démographiques disponibles n’indiquent aucun signe de rétablissement rapide en ce moment, et les menaces cumulatives sont sans précédent historique. Le statut répond aux critères de la catégorie « en voie de disparition » en raison d’une réduction des effectifs supérieure ou égale à 50%, mais la catégorie « menacée » est recommandée car, dans l’ensemble, cette population ne semble pas faire face actuellement à une disparition imminente. Malgré des déclins inquiétants dans la majeure partie de l’aire de répartition, l’abondance numérique actuelle de la harde de caribous de la Porcupine et la prise de nombreuses mesures de gestion par les gouvernements, les conseils de gestion des ressources fauniques, et les communautés appuient la catégorie « menacée » en tant qu’un statut de conservation plus approprié. La situation de ces sous-populations devra faire l’objet d’un étroit suivi et pourrait justifier une réévaluation d’ici cinq ans.
- Répartition
- Yukon, Territoires-du-Nord-Ouest, Nunavut, Alberta, Saskatchewan, Manitoba
- Historique du statut
- Espèce désignée « menacée » en novembre 2016.
COSEPAC
Résumé
Caribou
Rangifer tarandus
Population de la toundra
Description et importance de l’espèce sauvage
Tous les caribous et rennes du monde ne constituent qu’une seule espèce de cervidés (Rangifer tarandus) et sont présents dans les régions arctiques et subarctiques ainsi que dans les forêts du Nord. Le caribou de la toundra se distingue par de longues migrations et un comportement très grégaire, se déplaçant souvent en groupes de plusieurs centaines ou de plusieurs milliers d’individus. En tant qu’herbivore de taille relativement grande avec une vaste aire de répartition et un effectif élevé, le caribou de la toundra constitue une population clé qui joue un rôle écologique et culturel important dans les écosystèmes nordiques.
Les découvertes archéologiques liées au suivi de la répartition de l’humain et du caribou de la toundra par rapport au retrait des glaciers il y a environ 8 000 ans, dans les régions centrales de la toundra, et il y a aussi longtemps que 12 000 à 15 000 ans, dans le centre de l’aire de répartition de la sous-population de la Porcupine, montrent clairement l’importance du caribou de la toundra pour le peuplement du nord du Canada. Le caribou de la toundra a été et demeure une ressource importante pour les habitants du nord du Canada; dans certains cas, l’importance de cette population est telle que des familles la suivent au fil de sa migration. Les activités de chasse dont la population fait l’objet, principalement celles aux fins de subsistance, ont une valeur économique directe importante. Le caribou de la toundra contribue à l’économie du Nord par l’intermédiaire du tourisme faunique et de la chasse récréative. De plus, il a une valeur culturelle incalculable pour les habitants dans l’ensemble des aires de répartition de ses sous-populations.
Répartition
L’aire de répartition mondiale du caribou de la toundra s’étend de l’Alaska à l’ouest du Groenland et elle est continue dans l’ensemble du nord du territoire continental du Canada, du nord-ouest du Yukon à l’île de Baffin. La limite nord de cette aire correspond à la côte continentale dans l’Arctique, et la limite sud correspond à la région nord de la Saskatchewan, de l’Alberta et du Manitoba. Les activités et les méthodes d’échantillonnage varient selon les sous-populations, ce qui donne lieu à des différences dans l’interprétation de la structure de celles-ci; 14 ou 15 sous-populations sont reconnues dans le présent rapport. Certaines sont combinées afin d’obtenir des estimations des tendances et de l’abondance de la population, pour un total de 13 unités. Dix sous-populations ont systématiquement été reconnues au cours des dernières décennies, principalement en fonction de leur fidélité aux aires de mise bas.
La fluctuation de l’abondance de chaque sous-population a une incidence sur la répartition. Quand l’abondance du caribou de la toundra baisse, la répartition de la population (en particulier en hiver) change et la distance de migration à l’automne et avant la mise bas diminue. Les sous-populations continentales de caribous de la toundra migrent généralement vers la côte arctique pour mettre bas, et elles sont présentes dans la toundra de l’écozone du Bas-Arctique à l’été et à l’automne. Les sous-populations de l’ouest et du centre du continent passent habituellement l’hiver dans la forêt boréale des écozones de la taïga de la Cordillère, de la taïga des plaines et de la taïga du Bouclier.
Habitat et tendances en matière d’habitat
Les besoins en matière d’habitat dépendent en partie des besoins alimentaires, qui varient en fonction du moment du cycle de reproduction annuel du caribou et des coûts nutritionnels de ce cycle par rapport à la courte saison de croissance végétale et aux longs hivers dans les régions arctiques et subarctiques. Le caribou est une espèce généraliste sur le plan de l’alimentation, en particulier en été, et il se nourrit de graminées, de carex, d’arbustes et de plantes herbacées non graminoïdes, selon le stade de la croissance végétale plutôt que selon l’espèce végétale. Le caribou de la toundra a besoin de vastes territoires annuels (d’une superficie de plusieurs centaines de milliers de kilomètres carrés) afin d’avoir accès à une gamme de milieux de rechange pour s’adapter aux variations annuelles dans l’environnement, notamment sur le plan de la couverture de neige, de la croissance végétale, du risque de prédation ou du risque d’infestation par des parasites. Les caractéristiques de l’habitat qui sont importantes pour la mise bas comprennent celles qui réduisent le risque de prédation et qui maximisent l’apport nutritionnel, et ces caractéristiques varient d’une aire de mise bas à l’autre. Les besoins alimentaires dépendent du moment du cycle de reproduction annuel par rapport à la courte saison de croissance végétale et aux longs hivers qui caractérisent les régions arctiques et subarctiques. Dans les aires d’estivage, le caribou recherche des milieux où le harcèlement par les insectes est moindre et où la nourriture est de grande qualité. La plupart des sous-populations passent l’hiver dans la forêt boréale, mais plusieurs demeurent dans la toundra tout l’hiver.
Au cours des trois générations précédentes, une certaine réduction a été observée sur le plan de l’habitat à la suite de la fragmentation naturelle des aires d’hivernage causée par les feux de forêt et de l’augmentation de la présence humaine (c.-à-d. infrastructure) dans les aires de répartition du caribou. Toutefois, l’habitat à l’extérieur de l’aire d’hivernage boisée est encore largement intact à l’échelle du paysage. Les tendances générales à la hausse de la population humaine donneront lieu à une augmentation du développement économique (développement industriel, routes et circulation) dans les territoires utilisés par le caribou de la toundra.
Biologie
Le caribou met habituellement bas pour la première fois à l’âge de trois ans, mais il peut également mettre bas à l’âge de deux ans quand les conditions sont favorables. Les femelles donnent naissance à un seul petit et peuvent se reproduire chaque année en l’absence de stress nutritionnel. La mise bas est grandement synchronisée et a habituellement lieu au cours d’une période de deux semaines en juin. Le caribou est une espèce polygyne. Les migrations annuelles et le comportement grégaire constituent les caractéristiques les plus évidentes de la plupart des sous-populations de caribous de la toundra. Ces caractéristiques constituent des adaptations à une longue saison hivernale durant laquelle les températures froides, le refroidissement éolien et la neige imposent des coûts énergétiques élevés. Ces coûts sont assumés par l’intermédiaire d’une réduction des besoins en énergie de maintien et de la mobilisation des réserves de gras et de protéines.
La prédation est un facteur qui a une incidence importante sur de nombreuses facettes de l’écologie du caribou puisque les déplacements et les choix d’habitat de l’espèce visent souvent sur la réduction au minimum de l’exposition aux prédateurs. Une gamme de prédateurs et de détritivores dépendent du caribou de la toundra : l’ours grizzli (Ursus arctos) est un prédateur efficace des nouveau-nés, tandis que le loup gris (Canis lupus,appelé ci-après« loup ») est un prédateur de toutes les classes d’âge et de sexe à longueur d’année. Les agents pathogènes (y compris des virus, des bactéries, des helminthes et des protozoaires), en combinaison avec les insectes, jouent un rôle important dans l’écologie du caribou, et les effets varient d’effets subtils sur la reproduction à des maladies cliniques ou à la mort.
Taille et tendances des populations
L’effectif actuel de la population de caribous de la toundra est estimé à environ 800 000 individus. Entre 1986 et le milieu des années 1990, l’effectif de la population a dépassé le cap des deux millions, avant de connaître un déclin qui persiste encore aujourd’hui. Parmi les treize unités de sous-populations utilisées pour estimer l’abondance, huit sont en déclin, deux connaissent une augmentation, et trois ont un effectif inconnu. Le pourcentage médian de déclin sur trois générations du nombre total de caribous de la toundra se chiffre à 56,8 % (intervalle de -50,8 à -59,0 %), selon la somme des changements survenus dans sept sous-populations pour lesquelles les données de relevés sont suffisantes, ces sous-populations comptant pour près de 70 % de la population actuelle totale. Quatre de ces sept sous-populations ont connu un déclin supérieur à 80 % au cours de cette période, une autre a connu un déclin médian de 39 % caractérisé par une variabilité marquée, et les deux autres ont connu une augmentation. Les données de relevés disponibles suggèrent également un déclin pour trois autres sous-populations, qui représentent environ 25 % de la population totale. L’évolution actuelle de trois autres sous-populations est inconnue en raison de l’absence de relevés récents.
Les connaissances traditionnelles autochtones (CTA) et l’étude scientifique suggèrent que les sous-populations de caribous de la toundra connaissent des périodes d’effectif élevé et faible (fluctuations) qui peuvent ressembler à des cycles de population. Les données sont toutefois insuffisantes pour inférer de façon systématique l’existence d’un cycle naturel d’augmentation pour l’ensemble des sous-populations. Les données démographiques disponibles ainsi que les changements cumulatifs touchant l’environnement, les milieux et les régimes de récolte pour nombre de ces sous-populations sont sans précédent, et il serait donc risqué de supposer qu’un rétablissement naturel aura lieu, du moins jusqu’aux valeurs enregistrées dans les années 1990, pour de nombreuses sous-populations.
Menaces et facteurs limitatifs
Le climat et les conditions météorologiques ont des effets non linéaires complexes et en cascade sur d’autres facteurs limitatifs importants pour le caribou de la toundra, y compris la disponibilité de la nourriture, la prédation, les parasites et les maladies. Tant d’aspects de l’écologie du caribou sont touchés par les conditions météorologiques qu’un climat plus chaud pourrait avoir un ensemble important, mais complexe d’effets positifs et négatifs.
Au cours des dernières décennies, les activités d’exploration et de développement industriel ont augmenté dans les territoires utilisés par le caribou de la toundra, et plusieurs territoires utilisés par des sous-populations comptent maintenant plusieurs nouvelles mines et des centaines de permis de prospection, de concessions minières et de baux d’exploitation minière. En outre, la chasse de subsistance et la chasse récréative peuvent constituer des causes de mortalité importantes et ainsi accroître le taux de déclin et donner lieu à une population de taille réduite. Les concentrations de contaminants chimiques dans les tissus sont généralement faibles à l’heure actuelle. L’évolution des conditions dans les territoires utilisés par le caribou comprend également la complexité administrative et politique d’un ensemble de revendications territoriales réglées et non réglées, avec des changements dans les limites de compétence et les mandats. La complexité des rapports entre les différentes compétences - organismes politiques, organismes de gestion des terres et organismes de gestion des ressources fauniques -, combinée à la nature migratoire du caribou et à son utilisation de vastes territoires saisonniers, compliquent la mise en œuvre des mesures de gestion.
Protection, statuts et classements
La protection des sous-populations de caribous de la toundra par les compétences provinciales et territoriales est assurée par l’intermédiaire de la réglementation de la récolte et de la protection de l’habitat. Le régime de cogestion constitue une responsabilité de gestion partagée entre les gouvernements et les organismes établis par les dispositions législatives relatives aux revendications territoriales et par des accords multilatéraux renouvelables entre des administrations publiques (pour les sous-populations de la Porcupine, de Beverly et de Qamanirjuaq). La sous-population de la Porcupine est la seule sous-population de caribous de la toundra couverte par un accord international signé par le Canada et les États-Unis en 1987. Le COSEPAC a évalué pour la première fois l’unité désignable (UD) du caribou de la toundra en novembre 2016 et l’a jugée comme étant menacée. À l’heure actuelle, cette UD ne figure pas aux annexes de la Loi sur les espèces en péril (LEP) du Canada. La situation générale du caribou au Canada en 2015 ne sera connue qu’en août 2017, quand le rapport sur la situation générale des espèces de 2015 sera publié. Cette classification pancanadienne s’appliquera à l’ensemble des UD du caribou et ne visera pas spécifiquement le caribou de la toundra. La cote territoriale attribuée au caribou de la toundra en 2015 est « vulnérable à apparemment non en péril » au Yukon et « sensible » dans les Territoires du Nord-Ouest. À l’heure actuelle, il n’y a pas de classement particulier pour le caribou de la toundra au Nunavut, mais pour l’ensemble des UD, la cote générale attribuée à l’échelle territoriale au Nunavut est « apparemment non en péril ». Les aires fédérales protégées dans lesquelles les utilisations industrielles des terres sont exclues, mais où la chasse de subsistance est permise, comptent pour environ 6 % des territoires utilisés par le caribou de la toundra et comprennent huit parcs nationaux.
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