Rapport d’évaluation écologique préalable sur le sulfonate de perfluorooctane, ses sels et ses précurseurs :chapitre 2


2. Devenir, exposition et effets dans l'environnement

Devenir des précurseurs du SPFO dans l'environnement

Les précurseurs du SPFO peuvent être sujets au transport atmosphérique de leurs sources à des régions éloignées du Canada. Bien qu'on ignore les mécanismes et les modes exacts de transport en cause, on sait que la pression de vapeur des précurseurs du SPFO, comme le N-EtFOSEA et le N-MeFOSEA, peut dépasser 0,5 Pa (soit 1 000 fois plus que celle du SPFO) (Giesy et Kannan, 2002). Plusieurs précurseurs du SPFO sont considérés comme des substances volatiles, notamment les alcools N-EtFOSE et N-MeFOSE, le N-MeFOSA et le N-EtFOSA (EPA OPPT AR226-0620). Selon la modélisation CATABOL et les experts, tous ces précurseurs devraient se dégrader en SPFO (annexe 1). Ainsi, on a mesuré dans l'air deux précurseurs du SPFO, les alcools N-EtFOSE et N-MeFOSE, à Toronto et à Long Point (Canada) (Martin et al., 2002). Dans le cas des précurseurs rejetés en milieu aquatique, la pression de vapeur d'une substance peut être assez élevée pour lui permettre de passer dans l'atmosphère. Dans le cas de l'alcool N-EtFOSE, la tendance à quitter la phase aqueuse est indiquée par sa constante de la loi de Henry relativement élevée (1,9 × 103 Pa.m3.moL-1) (Hekster et al., 2002). On a déclaré que, si ces précurseurs du SPFO sont présents à l'état de résidus dans des produits, ils pourraient s'évaporer dans l'atmosphère lorsque les produits qui en contiennent sont pulvérisés et asséchés (EPA OPPT AR226-0620). La volatilité de certains précurseurs du SPFO pourrait rendre possible leur transport atmosphérique à grande distance (Martin et al., 2002). Même si les signes de transport à grande distance de précurseurs sont encore limités, on croit qu'ils peuvent être en partie responsables de l'omniprésence du SPFO mesuré à une grande distance des sources significatives.

On a prévu que les précurseurs qui figurent sur la liste de l'annexe 1 devraient se dégrader après leur rejet dans l'environnement, même si les vitesses de transformation peuvent présenter de fortes variations. Les précurseurs qui atteignent une région éloignée en passant par l'atmosphère ou par un autre milieu peuvent être transformés en SPFO par des mécanismes de dégradation abiotiques et biotiques (Giesy et Kannan, 2002; Hekster et al., 2002). Ces mécanismes ne sont pas bien compris. On a décelé plusieurs métabolites de composés à base de N-MeFOSE dans des échantillons de tissus de rats, notamment le SPFO et l'alcool N-MeFOSE (3M Environmental Laboratory, 2001a, 2001b). Il semble donc que le SPFO soit le produit final de la métabolisation des substances à base de FPOS chez le rat, et probablement aussi chez d'autres vertébrés. Les précurseurs pourraient entrer dans les chaînes trophiques par partitionnement dans le biote et par dégradation en SPFO quelque part dans la chaîne trophique. Pour les vitesses de dégradation dans l'environnement des précurseurs du SPFO, les données expérimentales les plus facilement disponibles sont celles sur le N-MeFOSEA, le N-EtFOSEA et les alcools N-MeFOSE et N EtFOSE, résumées dans le tableau 2.

Tableau 2 : Résumé des données disponibles sur la transformation du SPFO et de ses précurseurs
Substance Biodégradation Biotransformation Photolyse Hydrolyse
SPFO (K+) 0 % N.D.Note de bas de page b 0 % t½ > 41 ans
N-MeFOSE (alcool) N.D. N.D. N.D. t½ = 6,3 ans
N-EtFOSE (alcool) En SPFO/PFOANote de bas de page a N.D. 0 %
t½ estimé : 40 jours à 25°C (photolyse indirecte)Note de bas de page c
t½ = 7,3 ans 92 % après 24 heures en SPFO (alcalin)
N-MeFOSEA N.D. N.D. N.D. t½ = 99 jours à un pH = 7, 25°C (extrapolation)
N-EtFOSEA N.D. N.D. N.D. t½ = 35 jours à un pH = 7, 25°C

Source: Hekster et al. (2002).

Selon certaines études de photolyse, ce mécanisme de transformation n'est pas important pour la dégradation de certaines substances chimiques perfluorées. Certains essais indiquent l'absence totale de photodégradation du SPFO, de l'acide perfluorooctanoïque (PFOA), du FPOS et de l'alcool N-EtFOSE (Hekster et al., 2002; EPA OPPT AR226-0184, AR226-1030a041). Selon des études préliminaires de photolyse en milieu aqueux portant sur le N-EtFOSA, le N-MeFOSA et les alcools N-EtFOSE et N-MeFOSE, ainsi que sur un surfactant et un agent moussant, il n'y avait pas de photolyse directe, même si certaines substances étaient transformées par photolyse indirecte. Les principaux produits étaient le PFOA, l'acide perfluorooctanesulfonique (SPFOA) et le N-EtFOSA (EPA OPPT AR226-1030a073, AR226-1030a074, AR226-1030a080 et AR226-1030a106). Une étude de photolyse sur l'alcool N-EtFOSE a montré que les principaux produits de la photolyse indirecte de cette substance étaient notamment le PFOA, le N éthylperfluorooctanesulfonamide et le perfluorooctanesulfonamide, avec des traces d'autres substances, notamment le SPFO (EPA OPPT AR226-1030a080). Selon cette étude, la demi-vie de photolyse indirecte estimée pour l'alcool N-EtFOSE était de 40 jours à 25 °C, mais on a noté que des facteurs environnementaux pourraient causer des variations.

Persistance

Le SPFO résiste à hydrolyse, à la photolyse, à la biodégradation aérobie et anaérobie et à la métabolisation par les vertébrés. Le groupement fonctionnel perfluoré qui en résulte est très résistant à la dégradation, cette propriété étant due à la force de la liaison C-F, qui est l'une des liaisons chimiques les plus résistantes dans la nature (~110 kcal/moL-1) (EPA OPPT AR226-0547). La chaîne perfluorée confère donc une résistance exceptionnelle contre les agressions thermiques et chimiques (EPA OPPT AR 226-0547). De plus, l'OCDE a examiné plusieurs études de biodégradation, pour lesquelles elle n'a signalé aucun cas de biodégradation (OCDE, 2002a).

La demi-vie estimée du SPFO est supérieure à 41 années (Hekster et al., 2002), mais elle pourrait être notablement plus longue. De nombreuses études indiquent que le SPFO est persistant (Key et al., 1997; Giesy et Kannan, 2002; Hekster et al., 2002; OCDE, 2002a). On rapporte qu'en milieu aquatique, le SPFO persiste plus de 285 jours dans des microcosmes maintenus dans des conditions naturelles (Boudreau et al., 2003b). Le FPOS, un précurseur et un analogue du SPFO, résiste aux attaques des radicaux hydroxyles de l'atmosphère, et on estime qu'il est persistant dans l'air, car sa demi-vie dans l'atmosphère est de 3,7 ans (EPA OPPT AR226-1030a104). Le SPFO et certains de ses précurseurs sont jugés persistants dans l'environnement canadien, car la demi-vie dans l'environnement du SPFO dépasse la limite des critères définissant la persistance du Règlement sur la persistance et la bioaccumulation de la LCPE (1999) (Gouvernement du Canada, 2000).

Le SPFO libéré dans l'environnement peut ensuite pénétrer dans la chaîne alimentaire ou franchir une certaine distance à partir de la source d'émission. On a décelé la présence du SPFO chez des espèces fauniques de sites très éloignés des sources connues ou des usines (Martin et al., 2004a), ce qui semble indiquer que le SPFO ou ses précurseurs sont sujets au transport à grande distance.

Il peut être difficile de prévoir le devenir du SPFO dans l'environnement en raison de ses propriétés physiques et chimiques. À cause de ses propriétés tensioactives, il est impossible de déterminer une valeur significative de log Koe pour ce composé (OCDE, 2002a). Contrairement à ce qu'on observe pour la plupart des autres hydrocarbures, il est probable que les principaux mécanismes de partitionnement ne sont pas dus aux interactions hydrophobes et hydrophiles, mais plutôt aux interactions électrostatiques. On a suggéré que le SPFO s'adsorbe à des surfaces par chimiosorption (Hekster et al., 2002). Selon une étude d'adsorption et de désorption effectuée avec diverses matrices de sol, de sédiments et de boue, le SPFO était adsorbé sur toutes les matrices soumises à l'essai (EPA OPPT AR226-1107). On a noté les plus fortes désorptions avec les sédiments des cours d'eau, soit 39 % après 48 heures, alors qu'avec les échantillons de boue, on n'a pas noté la désorption de quantités détectables de SPFO. Si le SPFO ne se lie pas aux particules dans la colonne d'eau, il peut se déposer et demeurer dans les sédiments. Toutefois, comme on l'a noté, il peut également se désorber.

Alors que la pression de vapeur du SPFO est semblable à celle d'autres polluants répartis sur toute la planète [p. ex. les biphényles polychlorés (BPC), le dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT)], sa plus grande solubilité dans l'eau indique qu'il est moins probable que le partitionnement du SPFO favorise son transport dans l'air (Giesy et Kannan, 2002). La solubilité dans l'eau du sel de potassium de SPFO est de 519 à 680 mg.L-1. On a constaté que cette valeur diminuait notablement en raison inverse de la teneur en sel de l'eau (12,4 mg.L-1 dans l'eau de mer naturelle à 22-23 °C, et 20,0 mg.L-1 dans une solution de NaCl à 3,5 % à 22-24 °C) (EPA OPPT AR226-0620; Hekster et al., 2002; OCDE, 2002a). L'examen des données sur le SPFO de l'OCDE semble indiquer que tout SPFO rejeté dans une étendue d'eau tend à y rester, à moins qu'il ne soit adsorbé sur des particules ou assimilé par des organismes (OCDE, 2002a).

Bioaccumulation

De façon générale, l'utilisation du log Koe et des propriétés physicochimiques pour prévoir le potentiel de bioaccumulation est fondée sur l'hypothèse selon laquelle les interactions hydrophobes et lipophiles entre les composés et les substrats sont le principal mécanisme qui régit le partitionnement. On a montré que cette hypothèse était vérifiée pour les composés chimiques organiques de polarité nulle à faible, mais non pour les substances perfluorées. À cause de la perfluoration décrite par Key et al. (1997), les chaînes d'hydrocarbures sont oléophiles et hydrophobes et les chaînes perfluorées, oléophobes et hydrophobes. De plus, les groupes fonctionnels fixés à la chaîne perfluorée (p. ex. un groupement à charge négative comme le sulfonate) peut rendre hydrophile une partie de la molécule. Il est peu probable que l'hydrophobicité soit la seule force qui cause le partitionnement des substances perfluorées dans les tissus parce que la force de répulsion oléophobe s'oppose à ce processus de partitionnement (Kannan et al., 2001). De plus, les substances perfluorées sont aussi des substances intrinsèquement polaires parce que le fluor, un élément extrêmement électronégatif, augmente leur polarité. Ainsi, les substances perfluorées ont des caractéristiques combinées d'oléophobicité, d'hydrophobicité et d'hydrophilicité qui s'appliquent à diverses portions d'une molécule en particulier. À la lumière des connaissances scientifiques actuelles, la méthode de normalisation des concentrations dans l'organisme en fonction de la teneur en lipides pourrait bien ne pas convenir aux substances perfluorées, étant donné que ces substances semblent se lier de préférence aux protéines du foie et du sang plutôt que de s'accumuler dans les lipides.

On peut utiliser des mesures de bioaccumulation (facteurs de bioconcentrationn (FBC), facteurs de bioaccumulation (FBAc) et facteurs de bioamplification (FBAm) comme indicateurs de la toxicité directe pour les organismes qui ont accumulé du SPFO ou comme indicateurs de la toxicité indirecte pour les organismes qui se nourrissent de proies contenant du SPFO (par transfert dans la chaîne trophique). Aux fins de l'évaluation du potentiel de toxicité directe d'une substance, la charge critique corporelle est la concentration minimale d'une substance dans un organisme qui cause un effet nocif. D'un point de vue physiologique, c'est la concentration d'une substance au site de l'action toxique dans l'organisme qui détermine si une réponse est observée, peu importe la concentration extérieure. Dans le cas du SPFO, on a souvent lieu de croire que le site de l'action toxique est le foie.

Aux fins de l'évaluation du potentiel de toxicité d'une substance pour les organismes consommateurs, c'est la concentration dans le corps entier d'une proie qui est pertinente, étant donné que le prédateur consomme souvent la proie entière, et notamment des tissus et des organes comme le foie et le sang. Toutefois, étant donné le partitionnement dans le foie et le sang, on a utilisé ces organes et tissus pour la plupart des dosages sur place des substances perfluorées, notamment dans le cas des organismes du niveau trophique supérieur (p. ex. l'ours blanc), pour lesquels il n'est pas possible de faire des analyses du corps entier à cause de contraintes relatives au mode d'échantillonnage ou aux méthodes d'analyse des laboratoires. Bien qu'il soit possible de mesurer le FBAc du corps entierNote de bas de page 3 des espèces de petite taille de niveau trophique inférieur, le fait que les niveaux trophiques de ces organismes soit au bas de l'échelle laisse croire que, dans le cas des substances perfluorées, leur FBAc d'ensemble pourrait être sous estimé à cause de leur état trophique.

Ainsi, d'un point de vue toxicologique, les FBC, les FBAc et les FBAm basés sur les concentrations dans certains organes, comme le foie, pourraient être plus pertinents pour prévoir le potentiel de toxicité directe pour cet organe (p. ex. la toxicité hépatique). Toutefois, les FBC (et notamment les FBAm) basés sur les concentrations dans le corps entier pourraient constituer une mesure utile du potentiel général de transfert dans la chaîne trophique. Les plages de valeurs pour les FBC, les FBAc et les FBAm du corps entier, ainsi que pour des tissus et des organes spécifiques, sont résumées ci-dessous.

Tableau 3 : Plage des valeurs de FBC, de FBAc et de FBAm pour le SPFO dans le corps entier, ainsi que des tissus et organes spécifiques d'espèces fauniques
  Corps entier Tissus spécifiques (sang ou foie)
FBC 690 - 2 796 2 900 - 5 400
FBAc Non disponible 274 - 125 000
FBAm 0,4 - 5,88 4,0 - 20

On a rapporté des FBC estimés pour le SPFO (en supposant des conditions à l'équilibre) de 1 100 (carcasse), de 5 400 (foie) et de 4 300 (sang) pour la truite arc-en-ciel juvénile, ainsi que des rapports d'accumulation de 12 jours de 690 (carcasse), de 3 100 (sang) et de 2 900 (foie) (Martin et al., 2003a). Selon une étude en laboratoire sur le crapet arlequin, le FBC du corps entier était de 2 796 (EPA OPPT AR226-1030a042). En plus des données sur le SPFO, l'Interagency Testing Committee des États-Unis a estimé le FBC du N-EtFOSEA et du N-MeFOSEA à l'aide de modèles structure-activité; les valeurs obtenues étaient respectivement de 5 543 et de 26 000 (Giesy et Kannan, 2002). Dans le cadre de leur étude, Kannan et al. (2005a) ont calculé un FBC de 1 000 (corps entier) chez des invertébrés benthiques. On a déterminé que, pour la demi-vie d'élimination du SPFO, les différences en fonction des espèces dans le biote variaient notablement : 15 jours (poissons), 100 jours (rats), 200 jours (singes) et plusieurs années (humains) (OCDE, 2002a; Martin et al., 2003b).

Dans le foie de poisson de 23 espèces différentes capturées au Japon, on a calculé, pour le SPFO, des FBAcNote de bas de page 4 compris entre 274 et 41 600 (moyenne, 5 500) (Taniyasu et al., 2003). Après un déversement accidentel de mousse extinctrice dans le ruisseau Etobicoke, Moody et al. (2002) ont calculé une gamme de FBAc compris entre 6 300 et 25 000 pour le SPFO, selon des concentrations mesurées dans le foie de ménés des ruisseaux et dans les eaux de surface (Moody et al., 2002).

Les données disponibles indiquent que certaines espèces de poissons qui sont exposés aux APF par voie alimentaire au cours de stades particuliers de leur vie (p. ex. la truite arc en ciel juvénile) pourraient avoir des FBAm inférieurs à l'unité, et qu'il ne devrait pas y avoir de bioamplification. Martin et al. (2003b) ont montré que le SPFO n'était pas bioaccumulé à partir des aliments chez la truite juvénileNote de bas de page 5. Toutefois, les auteurs croient qu'il faut être prudent pour extrapoler ces résultats aux gros poissons, comme les truites adultes, étant donné qu'on a montré que les demi-vies d'autres substances augmentent d'un facteur de 10 chez les poissons adultes, par rapport aux juvéniles. L'un des facteurs possibles qui explique ce phénomène est que le rapport surface-volume des branchies et la vitesse relative de ventilation des branchies pourraient diminuer à mesure que le poisson vieillit, c'est-à-dire que l'élimination par les branchies pourrait devenir moins efficace et moins significative. Un autre facteur en cause pourrait être la dilution par la croissance, qui est beaucoup plus importante chez les juvéniles qui croissent relativement vite. Néanmoins, l'élimination par les branchies est une voie importante pour les poissons, mais elle n'est pas possible pour les oiseaux, les mammifères terrestres (p. ex. le vison, l'ours blanc, le renard arctique) et pour les mammifères marins (p. ex. les phoques et les baleines). En outre, l'élimination par les poumons devrait être beaucoup plus faible, compte tenu de la faible pression de vapeur et de la charge négative. On a mesuré des concentrations élevées de SPFO dans le foie et le sang de prédateurs du niveau trophique supérieur qui consomment des poissons (p. ex. les ours blancs, les visons et les oiseaux).

Moody et al. (2002) croient que les FBAc peuvent être surestimés dans leur étude à cause de la métabolisation des précurseurs du SPFO accumulés. On a peu étudié les processus de biotransformation des précurseurs du SPFO (p. ex. les précurseurs du SPFO dans la mousse extinctrice). Cependant, il se peut que la transformation des précurseurs du SPFO dans l'organisme explique le fait que la charge corporelle totale de SPFO dépasse celle qui pourrait être due à l'accumulation à partir de l'eau et du régime alimentaire seulement. Étant donné que la concentration dans l'eau utilisée pour le calcul du FBAc ne tient pas compte de la proportion des précurseurs qui pourraient être transformés en SPFO dans l'organisme, le FBAc calculé pourrait être artificiellement élevé. En l'absence de méthodes établies pour tenir compte de la bioaccumulation et de la transformation des précurseurs, on peut soutenir que l'étude de Moody et al. (2002) donne une mesure pertinente du potentiel de bioaccumulation et, notamment, des valeurs estimées prudentes du FBAc, compte tenu du fait que la transformation métabolique des précurseurs du SPFO est une cause supplémentaire de préoccupations.

Trois études semblent indiquer que le SPFO se bioamplifie dans les chaînes alimentaires des Grands Lacs et de l'Arctique. Dans l'étude de Kannan et al. (2005a) portant sur la chaîne trophique eau - algues - moule zébrée (corps entier), - gobie arrondi (corps entier), - achigan à petite bouche (tissus musculaires), - pygargue à tête blanche (tissus du foie, des muscles ou des reins), on a calculé des FBAm de 10 à 20 pour le vison (foie) ou le pygargue à tête blanche. Il faut noter que la comparaison des concentrations de SPFO entre certaines espèces n'était pas toujours directe (c.-à-d. de corps entier à corps entier). Les œufs des poissons contenaient des concentrations notables de SPFO, ce qui semble indiquer un transfert ovipare du SPFO. Dans l'étude de Martin et al. (2004b) sur les chaînes trophiques d'invertébrés benthiques ou pélagiques - trois poissons fourrage (analyse du corps entier de gaspareaux, de chabots visqueux et d'éperlans), - un poisson prédateur du niveau supérieur (touladi), on a obtenu un FBAm pour plusieurs niveaux trophiques de 5,88. Martin et al. (2004b) ont indiqué que pour les invertébrés benthiques et leur poisson prédateur (chabot), on a obtenu des concentrations de SPFO plus élevées que chez le touladi. De plus, Martin et al. (2004b) étaient d'avis que le SPFO et tous les composés alkyle perfluoréss sont bioaccumulés au niveau supérieur de la chaîne trophique (sauf l'acide PFOA). Tomy et al. (2004) étaient d'avis que le SPFO se bioamplifie dans toute la chaîne trophique marine de l'Arctique. Dans ce cas aussi, on a noté que les comparaisons des concentrations de SPFO entre certaines espèces n'étaient pas toujours directes, c'est-à-dire de corps entier à corps entier. On a calculé le FBAm du SPFO pour divers niveaux trophiques, notamment dans les chaînons morse (foie) - palourde (corps entier) (4,6); narval (foie) - morue (corps entier) (7,2); bélouga (foie) - morue (corps entier) (8,4); bélouga (foie) - sébaste (foie) (4,0); mouette tridactyle (foie) - morue (corps entier) (5,1), goéland bourgmestre (foie) - morue (corps entier) (9,0) et morue (corps entier) - zooplancton (corps entier) (0,4). Smithwick et al. (2005a) ont déclaré qu'on avait observé de fortes concentrations de SPFO dans les tissus hépatiques des ours blancs, des prédateurs du niveau trophique supérieur, ce qui permet de croire qu'il y a accumulation dans la chaîne trophique. On a observé que les concentrations de SPFO mesurées dans des échantillons de l'est du Groenland (moyenne, 2 470 ng.g-1 p. h.) étaient semblables à celles d'autres échantillons de la baie d'Hudson (moyenne, 2 730 ng•g-1, selon Smithwick et al. (2005a); 3 100 ng.g-1, selon Martin et al. (2004a), et ces deux populations présentaient des concentrations notablement plus élevées que celles déclarées pour l'Alaska (350 ng.g-1, selon Giesy et al., 2002).

La possibilité de bioaccumulation du SPFO chez les oiseaux migrateurs est aussi préoccupante parce que des espèces migratrices comme les huards, les balbuzards pêcheurs et les cormorans pourraient être exposés à des concentrations supérieures de SPFO quand elles hivernent aux États-Unis avant de migrer au Canada, où elles pourraient subir des effets sur la reproduction et d'autres effets pendant la saison de la reproduction. On suppose que la principale voie d'exposition au SPFO pour les oiseaux se fait par le régime alimentaire. La voie de l'exposition alimentaire est notamment pertinente parce que la bioamplification du SPFO dans les tissus des oiseaux peut se faire de cette façon. On a rapporté des FBAm supérieurs à l'unité pour plusieurs espèces aviaires (l'eider, le plongeon catmarin, le petit pingouin, l'harelde kakawi), d'après des mesures sur des individus capturés dans le golfe de Gdansk (Gulkowska et al., 2005). Dans le cas de la chaîne trophique eau - algues - moule zébrée - gobie arrondi - achigan à petite bouche - pygargue à tête blanche, Kannan et al. (2005a) croient que le FBAm du SPFO est de 10 à 20 chez le pygargue à tête blanche (par rapport aux espèces proies). Tomy et al. (2004) croient que le SPFO se bioamplifie à travers la chaîne trophique marine de l'Arctique : le FBAm du SPFO pour le niveau trophique vaut notamment pour les chaînons mouette tridactyle - morue (5,1) et goéland bourgmestre - morue (9,0). Certaines informations indiquent que le SPFO a des demi-vies relativement plus courtes dans le sang et dans les tissus hépatiques des oiseaux, par rapport aux mammifères (Newsted et al., 2005). Par exemple, la demi-vie estimée pour l'élimination du SPFO du sérum est de 13,6 jours chez les canards colverts mâles, alors que chez les rats mâles, il est supérieur à 90 jours. De plus, une étude récente semble indiquer que le SPFO est excrété relativement rapidement par les oiseaux (Kannan et al., 2005). Toutefois, si des oiseaux sont exposés de façon chronique au SPFO dans leur régime alimentaire, la bioamplification est encore possible parce que, comme l'a souligné l'étude de Kannan, la liaison des composés perfluorés aux protéines et leur rétention par la circulation entérohépatique sont les principaux facteurs qui déterminent l'accumulation et la rétention dans le biote.

En milieu aquatique, les FBC et les FBAc du corps entier sont inférieurs à 5 000. Toutefois, selon des FBC et des FBAc calculés à partir d'études en laboratoire et sur place pour le corps entier et des tissus particuliers, compte tenu des FBAm obtenus à partir de mesures sur place (oiseaux et faune aquatique), le poids de la preuve indique que le SPFO est une substance bioaccumulable.

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