Partie VI de la LCPE : la réglementation de l'immersion de déchets en mer

Le Canada réglemente l'immersion de substances en mer et s'acquitte de ses obligations internationales prévues dans la Convention de Londres de 1972 au moyen d'un système de permis délivrés en vertu de la Partie VI de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (LCPE) et du Règlement sur l'immersion de déchets en mer. Il s'est engagé à contrôler rigoureusement et efficacement l'immersion en mer, notamment :

Afin de déterminer si un permis sera délivré, le Ministère évalue séparément chaque demande. L'immersion en mer n'est autorisée que dans le cas de substances non dangereuses et seulement si cette solution est réalisable et préférable pour l'environnement. Aucun permis n'est délivré s'il existe des possibilités pratiques de recycler, de réutiliser ou de traiter les déchets visés.

Le permis fixe habituellement les exigences concernant le choix du moment, la manipulation, le stockage, le chargement, l'immersion au lieu prévu et la surveillance. Environnement Canada n'accorde pas de permis d'immersion si une autre loi fédérale interdit le rejet projeté ou si le demandeur ne possède pas la licence ou le permis exigé par une autre loi. Le Règlement sur l'immersion de déchets en mer assure l'adoption d'une approche globale par le gouvernement fédéral face à la gestion des déchets et à la prévention de la pollution.

Quiconque présente une demande de permis à Environnement Canada doit publier un préavis dans un journal à grand tirage de la région où se trouve le lieu d'immersion proposé. Le préavis doit préciser la nature des substances ainsi que les lieux de chargement et d'immersion prévus. Le demandeur présente ensuite cet avis publié avec la demande de permis. Grâce à la publication de cet avis, les personnes intéressées peuvent faire connaître leurs préoccupations à Environnement Canada, qui a alors l'occasion d'en tenir compte dans l'examen de la demande. En outre, avant d'entrer en vigueur, tous les permis d'immersion de déchets en mer et les modifications s'y rattachant doivent être publiés dans la Gazette du Canada.

Environnement Canada tient compte d'un certain nombre de facteurs avant d'accorder un permis, notamment:

Le Ministère estime que les matières inertes ou non contaminées d'origine naturelle conviennent à l'immersion en mer. La plupart des déchets immergés sont des déblais résultant des dragages effectués pour dégager les chenaux de navigation et les ports aux fins de la navigation et du commerce. Les déchets de poisson non recyclables sous forme d'engrais, de nourriture pour animaux ou d'autres produits peuvent être éliminés en mer, de même, notamment, que la ferraille et les navires déclassés.

Le Ministère procède à des inspections ou à des enquêtes ainsi qu'à la surveillance des lieux d'immersion pour s'assurer que les conditions des permis sont respectées et que les hypothèses formulées pendant l'examen de la demande de permis et le choix du lieu d'immersion étaient fondées et suffisantes pour protéger l'environnement.

Au cours de l'année écoulée, Environnement Canada a délivré 123 permis pour l'immersion d'environ 7,8 millions de tonnes de matières. Ce chiffre reflète la quantité totale autorisée plutôt que celle qui a été effectivement rejetée en mer. Les activités d'immersion se poursuivent dans le cas de nombreux permis déjà délivrés. Par rapport à l'année précédente, il s'agit d'une baisse importante du nombre de permis accordés (43 %), mais d'une légère augmentation de la quantité totale autorisée (3 %).

Sur le nombre de permis délivrés, 57 (environ 46 %) visaient l'immersion de matières draguées contenant de la roche, du gravier, du sable, du limon, de l'argile et des déchets de bois. Cela représente 22 permis de moins que l'année précédente. Le volume autorisé a légèrement diminué (6 %), passant de 6,7 millions de tonnes en 1993-1994 à 6,3 millions cette année. La quantité de matières draguées dont l'immersion est approuvée varie d'une année à l'autre, selon le nombre de projets de dragage excédant 100 000 m³ ou 130 000 tonnes.

Les déchets de l'industrie de la pêche, qui sont visés par 49 % des permis délivrés, comprennent des viscères de poisson, des coquillages, des déchets de hareng et des eaux usées provenant des usines de transformation du poisson. Même si ces déchets ont fait l'objet de 60 permis, la quantité approuvée aux fins d'immersion ne s'élevait qu'à 61 329 tonnes (moins de 1 % de la quantité totale de déchets autorisés). Par rapport à l'année dernière, ceci représente une réduction de 52 % du nombre de permis délivrés et une baisse de 38 % des quantités permises. Cette année, on s'attendait à une diminution importante du nombre de permis délivrés pour les déchets de l'industrie de la pêche à la suite des difficultés continues qui se sont abattues sur les pêcheries de la côte est du pays.

Les matières d'excavation provenant de chantiers de construction terrestres, essentiellement de la terre et de la roche, ont fait l'objet de quatre permis (environ 3 % de tous les permis délivrés) et s'élevaient à 1,4 million de tonnes (18 % du total des déchets autorisés). La faible augmentation de la quantité totale autorisée découle de cet important volume de matières.

Deux autres permis ont été délivrés en 1994-1995 : un pour le coulage d'un navire - le NCSM Saguenay - afin de créer une attraction pour les plongeurs, et l'autre pour de petits instruments météorologiques (parasondes), qui ont été déployés à distance dans la mer de Beaufort dans le cadre d'une étude et qui couleront automatiquement après usage. Ces permis représentaient 4 % de tous les permis délivrés et moins de 0,05 % (3 051 tonnes) de la quantité totale de déchets autorisés.

Quantités autorisées et permis délivrés, 1994-1995
Matières Quantité (tonnes) Nombre de permis % de permis % de la quantité
Déblais de dragage 6,333.560 57 46.35 81.45
Matières d'excavation 1,378,000 4 3.25 17.72
Déchets de poisson 61,329 60 48.78 0.79
Navires 3,051 1 0.81 0.04
Parasondes 0.05 1 0.81 >0.01
Total 7,775,940 123 100.00 100.00
Quantités autorisées selon la région, 1994-95
Matières Région de l'Atlantique Région du Pacifique Région du Québec Région du Nord
Nombre de
permis
Quantité
(tonnes)
Nombre de
permis
Quantité
(tonnes)
Nombre de
permis
Quantité
(tonnes)
Nombre de
permis
Quantité
(tonnes)
Délais de dragage 22 2,877,510 16 3,254,550 19 201,500 0 0
Matières d'excavation 0 0 4 1,378,000 0 0 0 0
Déchets de poisson 60 61,329 0 0 0 0 0 0
Navires 1 3,051 0 0 0 0 0 0
Parasondes 0 0 0 0 0 0 1 0.05
Total 83 2,941,890 20 4,632,550 19 201,500 1 0.05

Environnement Canada n'a rejeté aucune demande de permis au cours de l'année écoulée car toutes les demandes reçues étaient conformes aux exigences réglementaires.

Le 18 février 1995, le porte-conteneurs russe M/C Mor UK, navigant au large de la côte de Terre-Neuve en direction de Montréal depuis Bremerhaven, a signalé avoir subi des dommages par suite d'une tempête. Un conteneur perforé avait déversé 1,5 tonne de borohydrure de sodium liquide, produit chimique extrêmement corrosif qui émet de l'hydrogène gazeux, créant ainsi un risque d'explosion. Le capitaine a demandé par radio à la Garde côtière canadienne l'autorisation de jeter la substance à la mer. Environnement Canada et le CANUTEC (Centre fédéral d'information d'urgence sur les marchandises dangereuses) ont été avisés et ont autorisé l'immersion en vertu du paragraphe 68(1) de la LCPE. Le navire a procédé lentement au déversement du produit sur une distance de 150 milles. À son arrivée à Montréal le 20 février 1995, sans autre incident, il a été inspecté par la Garde côtière canadienne, et le reste de sa cargaison a été inventorié. Un rapport a été fait conformément au paragraphe 64(4) de la LCPE la même journée.

Dans la région de l'Atlantique, le nombre de permis pour l'immersion de déblais de dragage devrait augmenter, car le cycle de dragage normal de 10 ans se poursuit. Dans le cas des déchets de l'industrie de la pêche, le nombre de permis délivrés devrait demeurer le même que celui de cette année en raison de l'appauvrissement des stocks de poisson. Dans les régions du Québec ainsi que du Pacifique et du Yukon, le dragage d'entretien devrait demeurer stable. Dans la région des Prairies et du Nord, aucune demande de dragage n'est prévue.

Environnement Canada continue à améliorer les outils dont il se sert pour évaluer les matières destinées à l'immersion en mer. Les bioessais sont en train de devenir des moyens d'évaluation courants des effets des contaminants marins. Les chercheurs ont déjà élaboré plusieurs protocoles normatifs sur l'évaluation de la qualité des effluents municipaux et industriels, et ils progressent dans la mise au point de bioessais sur les sédiments.

Trois nouveaux bioessais canadiens sur les sédiments visant à évaluer la mortalité chez les crustacés, la reproduction des oursins et la fluorescence de bactéries photoluminescentes ont été publiés. Par ailleurs, les chercheurs poursuivent leurs travaux sur un bioessai examinant les changements dans la croissance des vers marins. Un essai sur sédiments permettant de mesurer la bioaccumulation des contaminants traces est en voie d'élaboration; il est fondé sur une expérience réalisée aux États-Unis. En outre, un guide sur l'interprétation des bioessais, qui vise à assurer l'uniformité de leur application, est en cours de rédaction. Une étude sur les gradients de pollution, portant sur les effets sur la diminution des concentrations de polluants provenant d'une source unique, sera mise en oeuvre au cours des deux prochaines années.

En 1992, des méthodes d'élaboration de directives sur la qualité du milieu marin ont été recommandées et utilisées pour mettre sur pied un protocole connexe sur la qualité des sédiments, qui a été adopté par le Conseil canadien des ministres de l'environnement (CCME) en mars 1995. À partir de ce protocole, des directives provisoires ont été élaborées pour plusieurs hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), le cadmium, le mercure, et d'autres le seront cette année, notamment pour les biphényles polychlorés (BPC), le plomb, le cuivre, le zinc, l'arsenic, le nickel, le chrome et les dioxines. Ces directives permettront à Environnement Canada de fixer les niveaux de détection des contaminants à des concentrations « sans effet » . Ces niveaux font partie d'une méthode d'essais gradués sur les matières à éliminer en mer. Lorsque les matières présentent des teneurs en contaminants supérieures aux niveaux de détection, il faut procéder à des bioessais pour déterminer si l'immersion en mer convient. Le Ministère établira ultérieurement des niveaux de refus, c'est-à-dire des niveaux au-dessus desquels l'existence d'effets néfastes a été démontrée. En cas de dépassement de ces niveaux, le Ministère n'autorisera pas l'immersion en mer.

Des activités exceptionnelles d'immersion en mer donnent parfois naissance à des projets de recherche spéciaux. En décembre 1992, un permis a été délivré pour le sabordage du NCSM Chaudière, un destroyer de classe Tribal de 2 370 tonnes, qui constitue maintenant une attraction pour les plongeurs au nord de Vancouver. Un programme a été instauré pour observer les effets de ce sabordage, et les données recueillies à l'été 1993 ont indiqué que le vieux destroyer est devenu l'habitat d'une grande diversité d'espèces sous-marines. En 1994, d'autres images vidéo ont montré qu'une abondance d'espèces marines recouvrait complètement le navire. En outre, aucune preuve de contamination chimique de l'eau ou des sédiments voisins n'a pu être établie.

Par suite de la décision d'avril 1993 de révoquer le permis délivré à la Panarctic Oils Ltd. pour l'immersion de ferraille dans l'océan Arctique, un projet de recherche a été mis sur pied pour évaluer les incidences environnementales de la mise en dépôt de ferraille à un lieu terrestre de l'Arctique. Cette recherche permettra de recueillir des données utiles sur cette possibilité d'élimination des déchets dans le Nord.

En mai 1994, les résultats d'un important programme de surveillance réalisé dans une vieille station radar RAPA (Réseau avancé de pré-alerte), à Cambridge Bay, ont été rendus publics. Des images vidéo détaillées du fond marin ont été prises, et des échantillons de sédiments et d'espèces marines ont été évalués pour déterminer la présence de contaminants chimiques. Une grande quantité de débris a été trouvée sur le fond marin, dont deux carcasses d'avion, de nombreux barils, de vieux véhicules, des déchets domestiques et un panneau électrique. Même si les concentrations de BPC détectées dans les sédiments et les poissons étaient élevées par rapport à la normale, elles étaient semblables à celles relevées dans d'autres ports du Nord. Les BPC semblaient provenir de la décharge locale et de la station radar. Les résultats concernant d'autres contaminants ressemblaient à ceux du site vierge avoisinant qui avait été échantillonné et d'autres secteurs vierges déjà étudiés.

Le Canada et les 71 autres pays signataires de la Convention de Londres de 1972 ont amorcé une réforme triennale visant à résoudre les problèmes immédiats et à long terme liés à l'immersion en mer. En 1993, ils ont convenu d'interdire l'immersion ou l'incinération de déchets industriels et radioactifs en mer. Pour sa part, le Canada n'a jamais délivré de permis pour ce type d'activité. En outre, l'immersion de déchets industriels a été interrompue en 1993, et un niveau minimal (exemption) pour les substances radioactives sera prescrit ultérieurement par la Convention. Le Canada a mis en oeuvre ces modifications en apportant des changements à la LCPE et au Règlement sur l'immersion de déchets en mer.

Parmi les propositions à long terme, citons :

La Partie VI de la LCPE régit déjà les eaux marines intérieures du Canada, et le Cadre d'évaluation des déchets a été utilisé pour élaborer la nouvelle formule de demande de permis d'immersion de déchets en mer au titre de la LCPE. Le Cadre établit la procédure scientifique et préventive à suivre pour évaluer une substance dont l'immersion en mer est proposée. Ces modifications ont également été examinées et appuyées dans le cadre de consultations nationales tenues en 1993 et en février 1995. Le Canada est en faveur de l'intégration de ces modifications à la Convention; le processus de modifications devrait être terminé d'ici 1996.

Environnement Canada a établi le Plan d'action sur l'immersion de déchets en mer en novembre 1991. Ce projet, échelonné sur six ans, consacre des ressources additionnelles à la protection du milieu marin. Plus précisément, des fonds seront affectés aux activités suivantes :

Depuis la mise en oeuvre de ce plan, le Ministère a progressivement élaboré et mis à l'essai sur le terrain des directives de surveillance et a peu à peu intégré celles-ci aux activités courantes de surveillance des lieux d'immersion. Des directives provisoires de surveillance des aspects physiques et chimiques des matières ont été publiées en juillet 1993, et des directives sur la surveillance biologique ont récemment été élaborées. Celles-ci ne portent que sur l'immersion de matières draguées, mais l'inclusion d'autres matières sera examinée dans l'avenir. Les directives sont actuellement appliquées à trois lieux d'immersion (un sur la côte du Pacifique et deux sur la côte de l'Atlantique).

Par ailleurs, de nouvelles directives sur la qualité du milieu marin et des instruments d'évaluation biologique sont en voie d'élaboration, conformément à ce qu'il a été convenu lors des travaux de recherche étayant le Règlement sur l'immersion de déchets en mer.

Dans le cadre du programme des débris de plastique en milieu marin, les volontaires chargés d'effectuer des relevés à long terme ont terminé leur formation en novembre 1994 et se sont mis à l'oeuvre. Un rapport exposant les résultats de la première année sera préparé à la fin de 1995. De plus, des documents d'information sont maintenant disponibles, dont un bulletin et un feuillet d'information.

Comme il a été mentionné précédemment, le Canada a convenu d'interdire l'immersion en mer des déchets industriels et radioactifs et a modifié en conséquence les sections pertinentes du Règlement sur l'immersion de déchets en mer et l'Annexe III de la LCPE. Ces modifications sont entrées en vigueur le 21 septembre 1994.

Les premières modifications au Règlement sur l'immersion de déchets en mer ont pris effet le 30 septembre 1993, dans le cadre d'une approche en deux étapes visant à renforcer les mesures de protection du milieu marin. Les droits reliés à la demande de permis sont désormais les mêmes pour tous (2 500 $), y compris pour les ministères fédéraux. En outre, les demandeurs doivent maintenant fournir des renseignements supplémentaires sur la justification du projet, l'évaluation d'autres possibilités et une vérification des déchets.

La deuxième étape, qui doit commencer en 1996-1997, consiste à appliquer de nouvelles procédures et normes proposées d'évaluation environnementale afin de mieux rendre compte des effets sur le milieu marin. Des consultations ont eu lieu dans tout le Canada en octobre 1993 et en février 1995 en vue de l'élaboration de l'étape II des modifications réglementaires. Les changements prévus sont notamment :

L'examen parlementaire de la LCPE a commencé en juin 1994 et pourrait entraîner d'autres modifications à la Partie VI de la LCPE et au règlement, telles que :

Même si, selon les normes mondiales, le milieu marin du Canada est relativement non contaminé, les eaux territoriales canadiennes présentent des problèmes de contamination, particulièrement dans les ports, les estuaires et les zones littorales. La Partie VI de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (LCPE) réglemente l'immersion en mer et constitue l'une des mesures mises en place pour protéger le milieu marin canadien grâce à la prévention de la pollution et à la gestion des zones côtières.

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