Ébauche d’évaluation préalable - Le thallium et ses composés
Titre officiel : Ébauche d’évaluation préalable Le thallium et ses composés
Environnement et Changement climatique Canada
Santé Canada
Septembre 2020
Sommaire
En vertu des articles 68 et 74 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (LCPE), les ministres de l’Environnement et de la Santé ont procédé à une évaluation préalable du thallium et de ses composés. La présente évaluation vise l'entité thallium. Elle considère toute substance contentant du thallium qui peut en libérer, ainsi que el thallium sous forme élémentaire et le thallium rejeté dans l’environnement sous forme dissoute, solide ou particulaire. Cela vise trois substances contenant du thallium inscrites sur la Liste intérieure des substances (LIS) qui ont été jugées d’intérêt prioritaire pour l’évaluation, car elles satisfont aux critères de catégorisation énoncés au paragraphe 73(1) de la LCPE ou suscitent d’autres préoccupations écologiques, et deux substances contenant du thallium qui ont été désignées pour un examen ultérieur à la suite de l’établissement de la priorité des substances de la Liste révisée des substances commercialisées (LRSC).
Le numéro de registre du Chemical Abstracts Service (NR CASNote de bas de page 1 ), le nom sur la LIS ou la LRSC, et le nom commun des cinq substances figurent dans le tableau ci-dessous.
NR CAS |
Nom sur la LIS ou la LRSC |
Nom commun |
---|---|---|
7440-28-0 a |
thallium |
thallium |
563-68-8 |
acétate de thallium |
acétate de thallium |
7791-12-0 |
chlorure de thallium |
chlorure de thallium |
10031-59-1 b |
sulfate de thallium |
sulfate de thallium |
55172-29-7 b |
chlorure de thallium (201TlCl) |
201TlCl |
a Cette substance n’est pas visée au paragraphe 73(1) de la LCPE, mais elle est incluse dans la présente évaluation parce qu’elle est très réactive lorsqu’elle est exposée à l’humidité de l’air et parce qu’elle libère des ions thallium dans des conditions ambiantes.
b Cette substance n’est pas visée au paragraphe 73(1) de la LCPE, mais est incluse dans la présente évaluation parce qu’elle a été désignée pour un examen ultérieur à la suite de l’établissement de la priorité des substances de la Liste révisée des substances commercialisées (LRSC).
Le thallium existe dans la croûte terrestre à une concentration moyenne de 0,7 mg/kg. Il est généralement associé aux minerais sulfurés de divers métaux, dont le zinc, le cuivre, le fer et le plomb, et est également présent dans le charbon. Le thallium est présent dans de nombreux minéraux naturels ainsi que dans les météorites, les roches volcaniques, les plantes, et à l’état de traces dans la plupart des organismes vivants.
Les sources anthropiques de thallium sont principalement associées à la production fortuite et au rejet accidentel de résidus ou de sous-produits de diverses activités industrielles, comme les processus d’extraction, de fusion et d’affinage des métaux, et aux cendres volantes des centrales électriques alimentées au charbon. La production de thallium est faible : moins de 9 tonnes ont été produites dans le monde en 2017.
Trois substances contenant du thallium (NR CAS 563-68-8, 7791-12-0 et 10031-59-1) ont été incluses dans une enquête menée à la suite de la publication d’un avis émis en vertu de l’article 71 de la LCPE. Entre 100 et 1000 kg/an de chlorure de thallium (NR CAS 7791-12-0) ont été fabriqués au Canada en 2011. Il n’y a eu aucune autre déclaration faisant état de fabrication ou d’importation d’une quantité supérieure à la limite de déclaration de 100 kg/an. Moins de 30 kg de thallium ont été importés au Canada en 2017.
Les substances à base de thallium sont principalement utilisées dans les industries des semi-conducteurs et des lasers, la fibre de verre (optique), les cellules photoélectriques, les supraconducteurs à haute température, comme activateurs dans les équipements de détection du rayonnement gamma (scintillomètre) et comme intermédiaires dans la production de produits chimiques. D’autres utilisations comprennent les thermomètres à basse température, les lampes à arc au mercure, les alliages avec d’autres métaux, la joaillerie, les feux d’artifice, les pigments et les colorants, et la séparation minéralogique. Au Canada, le thallium est également utilisé dans des produits offerts aux consommateurs, nommément comme produit radiopharmaceutique dans les médicaments destinés aux humains et comme ingrédient médicinal dans les produits de santé naturels homéopathiques autorisés. Le thallium peut également être utilisé comme composant dans les matériaux d’emballage alimentaire.
Le thallium existe dans le milieu aquatique dans deux états d’oxydation : thalleux monovalent Tl(I) (c’est-à-dire Tl+) et thallique trivalent Tl(III) (c’est-à-dire Tl3+). L’ion Tl(I), hautement soluble et faiblement réactif, est l’espèce de thallium la plus biodisponible dans les milieux aquatiques et terrestres. La précipitation de Tl(OH)3 inerte pourrait être un mécanisme efficace pour éliminer le thallium de l’eau. Cependant, le thallium peut être remobilisé depuis les sédiments et pénétrer dans la colonne d’eau dans des conditions anoxiques où le Tl(III) sera réduit en Tl(I). Par conséquent, cette évaluation préalable porte essentiellement sur le Tl(I).
Le thallium est considéré comme persistant (comme tous les éléments). Le thallium n’est pas un élément essentiel pour les organismes. Les organismes exposés au thallium dans leur habitat l’absorbent facilement, soit par contact direct avec les milieux environnementaux (exposition cutanée ou respiratoire), soit par ingestion d’aliments par l’intermédiaire du tractus gastro-intestinal. On a observé de fortes concentrations élevées de thallium dans les organismes vivant à proximité des sources de rejets (par exemple, les fonderies). Le thallium peut être considéré comme bioaccumulable dans les organismes aquatiques et endogés et dans les plantes. Le potentiel de bioamplification du thallium dans les chaînes alimentaires aquatiques et terrestres est incertain en raison des données très limitées et contradictoires actuellement disponibles.
Le thallium à de très faibles concentrations provoque une mortalité des organismes aquatiques et terrestres, ainsi que des effets sur leur croissance et leur reproduction. Les concentrations chroniques estimées sans effet (CESE) du thallium pour les organismes aquatiques ont été obtenues à partir d’études d’écotoxicité fiables. L’information actuellement disponible sur la toxicité du thallium pour le sol indique qu’une CESE identique à la recommandation du CCME (Conseil canadien des ministres de l’Environnement) de 1999 protège les organismes endogés et les plantes de l’environnement canadien.
Des analyses de quotient de risque (QR) ont été effectuées en comparant les concentrations environnementales prévues avec les CESE afin de déterminer le potentiel de dommages écologiques au Canada. Parmi les installations examinées, une installation du secteur des mines de métaux présentait un risque écologique dû aux rejets d’effluents de Tl, deux installations autonomes du secteur des métaux communs présentaient un risque écologique potentiel, et une installation du secteur de l’énergie (une centrale au charbon) présentait un risque écologique potentiel dû aux rejets de Tl provenant des effluents de sa lagune. Cette analyse indique que le thallium peut causer des dommages écologiques dans l’environnement aquatique en raison de son rejet par de multiples secteurs sur des sites partout au Canada.
Compte tenu de tous les éléments de preuve contenus dans la présente ébauche d’évaluation préalable, le thallium et ses composés constituent un risque de dommages pour l’environnement. Il est proposé de conclure que le thallium et ses composés satisfont aux critères énoncés à l’alinéa 64a) de la LCPE, car ils pénètrent ou peuvent pénétrer dans l’environnement en une quantité ou concentration ou dans des conditions de nature à avoir, immédiatement ou à long terme, un effet nocif sur l’environnement ou sur la diversité biologique. Toutefois, il est proposé de conclure que le thallium et ses composés ne satisfont pas aux critères énoncés à l’alinéa 64b) de la LCPE, car ils ne pénètrent pas dans l’environnement en une quantité ou concentration ou dans des conditions de nature à mettre en danger l’environnement essentiel pour la vie.
Le thallium et ses composés ont été évalués en utilisant la méthode2 de biosurveillance qui compare les données de biosurveillance humaine (exposition) aux valeurs guides de biosurveillance (effets sur la santé), comme les valeurs de biosurveillance humaine (HBM-I), afin de déterminer quelles sont les substances peu préoccupantes pour la santé humaine. Les concentrations de thallium ont été mesurées dans l’urine de Nord-Américains dans le cadre de l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé et, aux États-Unis, l’enquête National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES). On considère qu’une valeur guide de biosurveillance humaine (HBM-I) établie par l’Agence fédérale allemande de l’environnement protège santé humaine des effets nocifs du thallium. Les concentrations urinaires médianes et du 95e percentile de thallium de 0,21 et 0,55 µg/g de créatinine chez les Canadiens étaient inférieures à la valeur HBM-I de 6,4 µg/g de créatinine. Par conséquent, le thallium et ses composés sont considérés comme peu préoccupants pour la santé humaine aux degrés d’exposition actuels.
À la lumière des renseignements contenus dans la présente ébauche d’évaluation préalable, il est proposé de conclure que le thallium et ses composés ne satisfont pas aux critères énoncés à l’alinéa 64c) de la LCPE, car ils ne pénètrent pas dans l’environnement en une quantité ou une concentration, ou dans des conditions de nature à constituer un danger au Canada pour la vie ou la santé humaines.
Il est donc proposé de conclure que le thallium et ses composés satisfont à un ou à plusieurs des critères énoncés à l’article 64 de la LCPE.
Il est proposé de conclure que le thallium et ses composés répondent aux critères de persistance énoncés dans le Règlement sur la persistance et la bioaccumulation de la LCPE. On considère que le thallium et ses composés sont facilement assimilés par divers organismes et qu’ils ont le potentiel de s’accumuler dans les organismes aquatiques et terrestres. Cependant, aucune conclusion ne peut être tirée sur le potentiel de bioamplification du thallium dans les réseaux trophiques aquatiques ou terrestres, compte tenu des données limitées et contradictoires actuellement disponibles.
1. Introduction
En vertu des articles 68 et 74 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (LCPE) (Canada, 1999), le ministre de l’Environnement et la ministre de la Santé ont réalisé l’évaluation préalable du thallium et de ses composés afin de déterminer si ces substances présentent ou peuvent présenter un risque pour l’environnement ou la santé humaine. Cinq substances contenant du thallium (voir le tableau 2-1) ont été jugées d’intérêt prioritaire pour l’évaluation, car elles satisfont aux critères de catégorisation énoncés au paragraphe 73(1) de la LCPE, ont été considérées d’intérêt prioritaire en raison d’autres préoccupations écologiques (ECCC et SC, modifié en 2017), ou ont été désignées pour un examen ultérieur à la suite de l’établissement de la priorité des substances de la Liste révisée des substances commercialisées (LRSC)Note de bas de page 2 (ECCC et SC [modifié en 2017]; Santé Canada [modifié en 2017]).
La présente ébauche d’évaluation préalable est axée sur le thallium dans les substances, et, par conséquent, vise le thallium élémentaire, les substances contenant du thallium et les rejets de thallium sous forme dissoute, solide ou particulaire. Elle ne traite pas des contre-ions présents dans les substances contenant du thallium (p. ex., les oxydes ou les chlorures). Sauf indication contraire, le terme thallium dans la présente évaluation désigne à la fois le thallium élémentaire et ses composés et ne se limite pas aux cinq substances jugées d’intérêt prioritaire pour l’évaluation. Toutes les substances pouvant se dissoudre, se dissocier ou se dégrader en libérant du thallium par diverses voies de transformation sont susceptibles de contribuer à l’exposition des êtres humains et d’autres organismes vivants aux formes biodisponibles du thallium. La présente évaluation préalable tient compte de l’exposition combinée au thallium ou au thallium présent dans des substances, qu’il soit présent dans les milieux de l’environnement (p. ex., eau, sédiments, sol et air), ou dans des aliments ou des produits provenant de sources naturelles ou anthropiques.
Dans l’environnement, les composés de thallium peuvent être libérés naturellement par la désagrégation ou la décomposition des sols ou des roches et par les feux de forêt. La production fortuite et le rejet accidentel de substances contenant du thallium sous forme de résidus ou de sous-produits de processus industriels constituent la principale source anthropique de rejet de thallium dans l’environnement. Les données de surveillance environnementale constituent le principal élément de preuve utilisé pour caractériser l’exposition environnementale de certains secteurs ou certaines activités ayant le potentiel de libérer du thallium dans l’environnement. L’interprétation des données de surveillance du thallium tient compte des mesures de concentrations totales de thallium dans les milieux environnementaux, les aliments, les produits et les humains. Lorsque c’était possible, des concentrations naturelles ou de référence ont été distinguées des concentrations attribuées aux sources anthropiques.
La présente ébauche d’évaluation préalable comprend l’examen de renseignements sur les propriétés physicochimiques, le devenir dans l’environnement, les dangers, les utilisations, les rejets et l’exposition. Nous avons colligé des données pertinentes jusqu’en juillet 2018. Nous avons fait l’examen critique de données empiriques provenant d’études clés et les avons utilisées pour formuler les conclusions proposées. Lorsqu’ils étaient disponibles et pertinents, les renseignements contenus dans les évaluations effectuées par d’autres instances ont également été pris en compte.
La présente ébauche d’évaluation préalable a été préparée par le personnel des programmes d’évaluation des risques de la LCPE travaillant à Santé Canada et Environnement et Changement climatique Canada, et elle inclut la contribution d’autres programmes de ces deux ministères. Le volet environnemental de la présente évaluation a fait l’objet d’un examen ou d’une consultation externe. Des commentaires sur les parties techniques du document portant sur l’environnement ont été formulés par la Dre Carrie Rickwood (Ressources naturelles Canada), le Pr Claude Fortin (Institut national de la recherche scientifique, INRS) et M. Geoff Granville (GCGranville Consulting Corp). Le volet de la présente évaluation portant sur la santé humaine est basé sur le document d’évaluation scientifique Méthode fondée sur la biosurveillance 2, (publié le 9 décembre 2016), qui a fait l’objet d’une évaluation externe par les pairs et d’une période de commentaires publics de 60 jours. La Pre Lynne Haber et le Dr Andrew Maier de Toxicology Excellence for Risk Assessment (TERA), et la Dre Judy LaKind de LaKind Associates ont formulé des commentaires dans le cadre de l’examen externe par des pairs. Bien que des commentaires externes fussent pris en compte, Santé Canada et Environnement et Changement climatique Canada assument l’entière responsabilité du contenu final et des conclusions de la présente évaluation préalable.
La présente ébauche d’évaluation préalable repose sur les données essentielles pour déterminer si les substances satisfont aux critères énoncés à l’article 64 de la LCPE. À cette fin, des données scientifiques ont été examinées, et une approche du poids de la preuve et le principe de prudence ont été adoptés.Note de bas de page 3 La présente ébauche d’évaluation préalable présente les renseignements essentiels et les facteurs sur lesquels repose la conclusion proposée.
2. Identité des substances
Le thallium est un élément naturel appartenant au groupe 13 du tableau périodique. Le thallium existe principalement dans deux états de valence : monovalent (thalleux), Tl(I), et trivalent (thallique), Tl(III). Le potentiel d’oxydation pour la réaction Tl(I) à Tl(III) est très faible (-1,28 V), et les halogénures Tl(I) ont une énergie de réseau beaucoup plus élevée que les halogénures Tl(III) (Lin et Nriagu 2011).
La présente évaluation porte essentiellement sur le thallium, qu’il soit élémentaire ou présent dans molécule. Elle tient compte de toutes les substances contenant du thallium et qui peuvent en libérer, le thallium sous sa forme élémentaire et le thallium rejeté dans l’environnement sous forme dissoute, solide ou particulaire, ce qui comprend cinq substances contenant du thallium figurant sur la liste intérieure des substances (LIS) ou la liste révisée des substances commercialisées (LRSC).
Le numéro de registre du Chemical Abstracts Service (NR CAS), le nom sur la LIS ou la LRSC, et le nom commun des cinq substances dont l’évaluation est jugée prioritaire figurent au tableau 2-1.
NR CAS |
Nom sur la LIS ou la LRSC (nom commun) |
Formule moléculaire |
Poids moléculaire (g/mol) |
---|---|---|---|
7440-28-0a |
Thallium |
Tl |
204,38 |
563-68-8 |
Acétate de thallium (acétate de thallium) |
TlC2H3O2 |
263,43 |
7791-12-0 |
Chlorure de thallium (chlorure de thallium) |
TlCl |
239,84 |
10031-59-1b |
Sulfate de thallium (sulfate de thallium) |
Tl2SO4 |
504,83 |
55172-29-7b, c |
Chlorure de thallium (201TlCl) |
201TlCl |
236,42 |
a Cette substance n’est pas visée au paragraphe 73(1) de la LCPE, mais nous l’incluons dans la présente évaluation parce qu’elle est très réactive lorsqu’elle est exposée à l’humidité de l’air et qu’elle libère des ions thallium biodisponibles dans des conditions environnementales.
b Cette substance n’est pas visée au paragraphe 73(1) de la LCPE, mais nous l’incluons dans la présente évaluation parce qu’elle a été désignée pour un examen ultérieur après la mise en œuvre de l’établissement de la priorité des substances de la Liste révisée des substances commercialisées (LRSC).
c Substance radioactive.
3. Propriétés physiques et chimiques
Le thallium métallique est insoluble dans l’eau, mais il est très réactif. S’il est exposé à l’air et à l’humidité, sa surface s’oxyde et forme une couche d’oxyde de thallium puis, avec de l’eau, forme de l’hydroxyde de thallium qui a une solubilité de 259 g/L (ATSDR 1992; Frattini 2005). Le thallium forme des alliages avec d’autres métaux et s’amalgame facilement avec le mercure. Il réagit aussi avec de nombreux composés pour former des sels stables (ATSDR 1992; CCME 1999; Frattini 2005; PISSC 1996).
Les rayons ioniques et la constante d’électronégativité des composés thalleux sont similaires à ceux des métaux alcalins (comme le potassium), tandis que les composés thalliques sont moins basiques, ressemblant à l’aluminium (Frattini 2005). La solubilité dans l’eau des sels thalleux varie généralement de soluble à très soluble (tableau 3-1), sauf pour le sulfure (Tl2S, pKps = 20) (Lide 2005). La solubilité des composés du Tl(III) (par exemple, Tl(OH)3, pKps = 45,2) dans l’eau est généralement faible et dépend du pH; les ions Tl(III) solubles ne peuvent exister qu’en milieu extrêmement acide (Lin et Nriagu 1998).
Le tableau 3‑1 résume les données sur les propriétés physiques et chimiques (ATSDR 1992; PISSC 1996; Lide 2005) des substances contenant du thallium dont l’évaluation est jugée prioritaire est présenté dans le tableau 3-1.
Propriété |
Thallium |
Acétate de thallium |
Chlorure de thallium |
Sulfate de thallium |
---|---|---|---|---|
Couleur |
Blanc bleuté |
Blanc |
Incolore |
Blanc |
État physique |
Solide |
Solide |
Solide |
Solide |
Point de fusion (°C) |
304 |
131 |
430 |
632 |
Point d’ébullition (°C) |
1473 |
Aucune donnée |
720 |
Se décompose |
Masse volumique à 20 °C (g/cm3) |
11,85 |
3,68 |
7,00 |
6,77 |
Solubilité dans l’eau à 20 °C (g/L) |
Insoluble |
Très soluble |
0,33 |
48,7 |
Solubilité dans d’autres solvants |
Soluble dans l’acide nitrique ou sulfurique |
Très soluble dans l’alcool; insoluble dans l’acétone |
Soluble dans l’alcool et l’éther |
Soluble dans l’acide nitrique dilué et l’alcool |
Pression de vapeur à 1000 °C (Pa) |
1333 |
Aucune donnée |
Aucune donnée |
Aucune donnée |
4. Sources et utilisations
4.1 Sources naturelles
On estime que la teneur moyenne en thallium de la croûte terrestre est d’environ 0,7 mg/kg (USGS 2018). Il est généralement associé à des minerais sulfurés de divers métaux, notamment le zinc, le cuivre, le fer et le plomb, et on le trouve dans le charbon (HSDB 1983-; PISSC 1996; Kazantzis 2000). Selon Kazantzis (2000), les schistes et les charbons riches en matières organiques remontant au Jurassique contiennent des concentrations de thallium s’élevant jusqu’à 1000 mg/kg. Il est également présent à l’état de traces dans de nombreux minéraux (le potassium, le césium et le rubidium par exemple). Certains minéraux naturels, tels que la crookésite ((Cu,Tl,Ag)2Se), la lorandite (TlAsS2), l’hutchinsonite ((Tl,Pb)2As5S9) et l’avicennite (Tl2O3), contiennent jusqu’à 60 % de thallium (Reimann et Caritat 1998), mais ces minéraux sont rares (CCME 1999; HSDB 1983-; PISSC 1996). Le thallium a également été détecté dans des météorites, des roches volcaniques et des plantes, ainsi qu’à l’état de traces dans la plupart des organismes vivants.
4.2 Sources anthropiques
Différentes activités industrielles comme la fusion et l’affinage, par les usines utilisant de l’acide sulfurique, rejettent du thallium. Il est aussi libéré par des résidus de minerais sulfurés de plomb, de zinc, de cuivre et de fer, et par les minéraux associés au cadmium, au fer et au potassium, tels que les feldspaths et les micas (CCME 1999; USGS 2018). Les réserves mondiales de thallium contenues dans les ressources de zinc sont estimées à environ 17 millions de kilogrammes et sont principalement situées au Canada, en Europe et aux États-Unis. Les réserves mondiales dans les ressources de charbon sont estimées à 630 millions de kilogrammes (USGS 2018).
En 2017, moins de 9 tonnes de thallium étaient produites à l’échelle de la planète (USGS 2018).
Trois substances contenant du thallium (NR CAS 563-68-8, 7791-12-0 et 10031-59-1) ont été visées par une enquête menée après la publication d’un avis émis en vertu de l’article 71 de la LCPE (Canada 2012, 2017a). En 2011, entre 100 et 1000 kg de chlorure de thallium (NR CAS 7791-12-0) ont été fabriqués au Canada (Environnement Canada 2013b). Aucune autre déclaration faisant de la fabrication ou de l’importation de ces trois substances en quantité supérieure à la limite de déclaration de 100 kg/an n’a été signalée.Note de bas de page 4 De plus, on a signalé l’importation de moins de 30 kg de thallium sous forme de thallium brut, de poudre de thallium et d’articles en contenant au Canada en 2017 (CIMT [modifié en 2018]).
4.3 Utilisations
Les principales utilisations du thallium sont la fibre optique (verre), les cellules photoélectriques, comme activateur dans les dispositifs de détection du rayonnement gamma (scintillomètres), l’industrie des semi-conducteurs et des lasers (incluant les supraconducteurs à haute température) et les intermédiaires dans la synthèse de produits chimiques (ATSDR 1992; Peter et Viraraghavan 2005). Les autres utilisations sont les thermomètres à basse température, les lampes à arc au mercure, les alliages avec d’autres métaux, la joaillerie, les feux d’artifice, les pigments et les colorants, la séparation minéralogique et l’imprégnation du bois et du cuir contre les champignons et les bactéries (ATSDR 1992; CCME 1999; Peter et Viraraghavan 2005; USGS 2018). De plus, on utilise le thallium 201, un isotope radioactif, dans l’imagerie cardiaque pour déterminer l’emplacement et l’étendue des blocages des artères coronaires, et du tissu cicatriciel des infarctus antérieurs (Blumenthal et coll. 2013). Les sels de thallium étaient également utilisés dans le passé comme agent dépilatoire, dans le traitement de diverses maladies telles que les infections fongiques, la syphilis, la tuberculose et la gonorrhée, et comme pesticides (bactéricides, rodenticides et insecticides). Ces utilisations anciennes ont toutefois été interdites dans la plupart des pays en raison de la forte toxicité du thallium, de son accumulation dans le corps humain et de sa persistance dans l’environnement (Peter et Viraraghavan 2005). Au Canada, les insecticides contre les fourmis à base de sulfate de thallium étaient la seule utilisation agricole homologuée, et ils ont été complètement abandonnés en 1974 (Lang 1993, Agriculture Canada, Ottawa, comm. pers. non référencée, citée dans CCME 1999). Les autres utilisations du thallium au Canada sont énumérées au tableau 4-1.
Application |
Thallium |
---|---|
Matériaux d’emballage alimentairea |
O |
Ingrédient médicinal dans les produits radiopharmaceutiquesb |
O |
Ingrédients médicinaux ou non médicinaux dans des produits de santé naturels homologuésc |
O |
Abréviations : O, l’utilisation a été signalée pour cette substance
a Communication personnelle, courriel de la Direction des aliments de Santé Canada au Bureau d’évaluation du risque des substances existantes de Santé Canada, 14 mars 2016, sans référence; Santé Canada 2016.
b Santé Canada 2016; BDPP [modifié en 2018].
c Le thallium figure comme substance homéopathique dans la base de données sur les ingrédients des produits de santé naturels. Les utilisations homéopathiques sont régies par le Règlement sur les produits de santé naturels (Canada 2003). Santé Canada 2016; BDPSNH [modifié en 2018]; BDIPSN [modifié en 2019].
5. Rejets dans l’environnement
Les rejets naturels de thallium dans l’environnement aquatique proviennent principalement de la désagrégation des minéraux et des roches qui contiennent du thallium (CCME 1999). L’érosion des sols, les feux de forêt et l’activité volcanique sont d’autres processus naturels de mobilisation du thallium dans l’environnement aquatique (Couture et coll. 2011).
Depuis 2014, les installations canadiennes sont tenues de déclarer chaque année les rejets, les éliminations et les transferts à des fins de recyclage de thallium (et de ses composés) à l’Inventaire national des rejets de polluants (INRP) si elles répondent à des critères précis (ECCC 2016), à savoir si, pour une année civile donnée, plus de 100 kg de thallium ont été :
- produits, traités ou utilisés d’une autre manière dans une concentration d’au moins 1 %;
- fortuitement produits, traités ou autrement utilisés comme sous-produit à n’importe quelle concentration;
- présents dans les résidus miniers à n’importe quelle concentration;
- contenus dans les stériles non inertes éliminés, à n’importe quelle concentration.
La figure 5-1 montre le nombre d’installations au Canada qui ont déclaré des rejets de thallium dans l’environnement à l’INRP entre 2014 et 2017 (INRP 2018). Au cours de cette période, le nombre d’installations qui ont déclaré du thallium est passé de 19 à 42, et les rejets annuels totaux de thallium et de ses composés dans l’environnement par l’air, l’eau et le sol sont compris entre 1963 et 3569 kg.
Figure 5-1. Données de l’INRP sur les rejets annuels de thallium et de ses composés (kg/an) dans l’eau, l’air et le sol de 2014 à 2017
La figure 5-1 résume les données de l’INRP sur les rejets de thallium et de ses composés (kg/an) dans l’eau, l’air et le sol de 2014 à 2017a
Année de déclaration |
Nombre de rapports |
Rejets dans l’air |
Rejets dans l’eau |
Rejets dans le sol |
Quantité totale rejetée |
2014 |
19 |
287 |
2561 |
26 |
2874 |
2015 |
28 |
534 |
2842 |
13 |
3390 |
2016 |
33 |
441 |
3115 |
13 |
3569 |
2017 |
42 |
476 |
1471 |
16 |
1963 |
a Les quantités sont arrondies au kilogramme supérieur.
Les figures 5-2 et 5-3 montrent les rejets annuels totaux dans l’environnement par l’air et l’eau de 2014 à 2017, causées par différents secteurs industriels : centrales électriques alimentées au charbon (production, transport et distribution d’électricité), extraction de minerais métalliques, fonderies de métaux communs (production et traitement de métaux non ferreux, à l’exception de l’aluminium) et usines de traitement des eaux usées (systèmes d’eau, d’égouts et autres). Les rejets dans le sol de thallium et de ses composés ne sont pas indiqués par secteur en raison des faibles quantités rejetées par chaque secteur. Au cours de cette période, aucune installation du secteur du traitement des eaux usées n’a déclaré de rejets de thallium dans l’air dépassant au seuil de déclaration de 100 kg/an. Les fonderies de métaux communs ont signalé les rejets de thallium les plus élevés dans l’air et dans l’eau par rapport aux autres secteurs industriels. Le secteur de la production, du transport et de la distribution d’électricité a déclaré des rejets de thallium dans l’eau inférieurs à 1 kg/an au cours de la période (non indiqué à la figure 5-3). Le thallium peut se retrouver dans les eaux usées à cause de l’utilisation de produits pharmaceutiques ou leur élimination, de la fabrication de teintures, de feux d’artifice ou du lessivage à l’occasion de réactions chimiques (Couture et coll. 2011). Une seule usine de traitement des eaux usées a signalé des rejets de thallium. Les niveaux élevés de thallium signalés par cette installation en 2014 et 2015 ont été estimés en utilisant la moitié de la limite de détection pour les mesures non détectées. En 2016, cette usine a retiré le thallium de sa liste de substances à déclarer parce qu’il n’y avait eu « aucun résultat supérieur à la limite de détection de la méthode (LDM) en deux ans » (INRP 2017).
Figure 5-2. Données de l’INRP sur les rejets annuels de thallium et de ses composés (kg/an) dans l’air par secteur industriel de 2014 à 2017
La figure 5-2 résume les données de l’INRP sur les rejets de thallium et de ses composés (kg/an) dans l’air par secteur industriel de 2014 à 2017 a
Année de déclaration |
Production, transport et distribution d’électricité |
Extraction de minerais métalliques |
Production et traitement de métaux non ferreux (sauf l’aluminium) |
Systèmes d’eau, d’égouts et autres |
2014 |
30 |
7 |
250 |
⸺ b |
2015 |
62 |
145 |
327 |
⸺ b |
2016 |
31 |
154 |
256 |
⸺ b |
2017 |
31 |
160 |
277 |
⸺ b |
a Les quantités sont arrondies au kilogramme supérieur. Le secteur de la production, du transport et de la distribution d’électricité a déclaré des rejets de thallium dans l’eau inférieurs à 1 kg/an au cours de cette période.
b Aucune quantité supérieure au seuil n’a été déclarée pour l’année civile.
Figure 5-3. Données de l’INRP sur les rejets de thallium et de ses composés (kg/an) dans l’eau par secteur industriel de 2014 à 2017
La figure 5-3 résume les données de l’INRP sur les rejets de thallium et de ses composés (kg/an) dans l’eau par secteur industriel de 2014 à 2017 a
Année de déclaration |
Extraction de minerais métalliques |
Production et traitement de métaux non ferreux (sauf l’aluminium) |
Systèmes d’eau, d’égouts et autres |
2014 |
55 |
2111 |
395 |
2015 |
34 |
2495 |
313 |
2016 |
47 |
3067 |
⸺ b |
2017 |
31 |
1441 |
⸺ b |
a Les quantités sont arrondies au kilogramme supérieur.
b Aucune quantité supérieure au seuil n’a été déclarée pour l’année civile.
Outre les secteurs industriels qui font une déclaration à l’INRP, il existe des procédés industriels pouvant potentiellement contribuer à des rejets de thallium dans l’environnement, notamment la fabrication de ciment, la production d’engrais potassiques, le raffinage du pétrole, la production de fer et d’acier et le grillage de la pyrite pour la production d’acide sulfurique (Cheam 2001; PISSC 1996; McNeely et coll. 1979; Schoer 1984). Cependant, les quantités de thallium en cause sont probablement inférieures au seuil de déclaration à l’INRP. Le thallium peut également s’échapper de déchets solides accumulés pendant plusieurs décennies provenant de fonderies, de raffineries et d’usines aurifères (Kazantzis 1979, 2000). Enfin, le thallium peut également se trouver dans les sites d’enfouissement municipaux et industriels en raison de l’utilisation historique du thallium comme pesticide ou rodenticide (ATSDR 1992).
6. Devenir et comportement dans l’environnement
6.1 Distribution dans l’environnement
Dans l’air, le thallium est éliminé par les précipitations, la dispersion atmosphérique et la déposition humide ou sèche après avoir pénétré dans l’atmosphère (ATSDR 1992). On a retrouvé des émissions de thallium jusqu’à la neige et la glace de l’Arctique canadien en raison de la déposition atmosphérique (Cheam et coll. 2001). Ces dépositions ont une portée mondiale et ont été signalées dans la neige en Antarctique (Baiocchi et coll. 1994; McConnell et Edwards 2008). Le thallium métallique s’oxyde lentement dans l’air pour former de l’oxyde thalleux à la surface du métal (Lee 1971). La réaction photochimique du thallium n’est pas considérée comme un processus important de son devenir dans l’atmosphère (ATSDR 1992), même si le chlorure de thallium est photosensible (Cotton et Wilkinson 1980).
Dans l’environnement aquatique, le thallium peut exister dans deux états d’oxydation : thalleux monovalent, Tl(I), et thallique trivalent, Tl(III) (Lan et Lin 2005). Le Tl(I) et le Tl(III) diffèrent sensiblement en termes de mobilité et de toxicité environnementales. Le Tl(I) est la forme la plus stable sur le plan thermodynamique (Gao et coll. 2007; Kaplan et Mattigod 1998; Lin et Nriagu 1998). Selon Vink (1993), le Tl(I) est la forme prédominante et elle est mobile lorsqu’il est dissous dans l’eau dans la plage de concentrations d’environ 2 à 200 µg/L. Bien que le Tl(I) soit la forme redox stable du thallium dans les eaux de surface, Lin et Nriagu (1999) ont constaté que 70 % du thallium dissous dans l’eau des Grands Lacs est du Tl(III). Twining et coll. (2003) ont suggéré que la conversion du Tl(I) en Tl(III) par des bactéries planctoniques pourrait expliquer cette proportion. Campanella et coll. (2018) ont démontré que la photo-oxydation de Tl(I) en présence de cations aqueux (p. ex., le Fe(III) ou l’As(V)) pourrait également provoquer la conversion de Tl(I) en Tl(III) dans les eaux naturelles. Selon Cotton et Wilkinson (1988), le Tl(III) est largement hydrolysé et est dominé par le complexe inerte Tl(OH)3, qui peut précipiter, tandis que l’ion Tl(I), très soluble et faiblement réactif, est l’espèce de thallium inorganique la plus biodisponible.
Le thallium peut également exister en milieu aquatique sous forme de l’ion organique stable de diméthylthallium (DMT), (CH3)2Tl+, qui peut être produit par la biométhylation bactérienne dans les sédiments anaérobies comme mécanisme de détoxication (Huber et Kirchmann 1978). Schedlbauer et Heumann (2000) ont également signalé la production biotique de DMT dans l’océan. Cependant, aucune mesure du DMT dans l’eau douce n’a été effectuée, et la toxicité aquatique de cette espèce de thallium n’est pas connue (Hassler et coll. 2007; Schedlbauer et Heumann 2000). Étant donné qu’il n’existe pas de source anthropique connue de DMT, nous n’examinerons pas plus loin, son devenir dans l’environnement, son écotoxicité et son potentiel de bioaccumulation dans la présente évaluation préalable.
Le thallium peut se répartir à partir de l’eau aux sédiments et s’adsorber sur les minéraux argileux, les agrégats de sulfure de fer et les oxydes métalliques hydratés, par exemple l’oxyde de manganèse (ATSDR 1992; Bidoglio et coll. 1993; Callahan et coll. 1979; Duan et coll. 2012; Frantz et Carlson 198; Thomson et coll. 1992; Zitko 1975). Il est également suggéré que la précipitation de l’hydroxyde de Tl(III) pourrait être un mécanisme efficace pour éliminer le thallium de l’eau, suivie d’une réduction en Tl(I) par un sédiment anaérobie riche en matières organiques ou d’une liaison au sédiment avec l’ion sulfure pour former du sulfure de thallium(I) insoluble, Tl2S (Gao et coll. 2007; PISSC 1996; Laforte et coll. 2005; Turner et coll. 2010). Le coefficient de partage particules en suspension-eau (log Kpe) de 4,28 et le coefficient de partage sédiments-eau (log Kse) de 1,48, mentionnés par Harvey et coll. (2007), indiquent que le thallium sera modérément mobile dans les sédiments et fortement adsorbant sur les particules dans les eaux de surface.
On considère que le Tl(I) est la forme dominante dans les sols. Le thallium présent dans les sols est généralement adsorbé sur les argiles et les colloïdes de manganèse dans des conditions réductrices (Kabata-Pendias et Pendias 1992). Selon Bidoglio et coll. (1993), le thallium s’associe aux oxydes et hydroxydes de Mn, ce qui entraîne une oxydation de surface du Tl(I) en Tl(III), qui est ensuite adsorbé ou précipité sous forme de Tl2O3. Certaines études indiquent que la sorption du Tl par les oxydes de fer et la matière organique du sol n’est pas significative (Peter et Viraraghavan 2008; Vaněk et coll. 2015a, 2015b). Les teneurs naturelles en thallium du sol sont surtout sous forme de silicates et d’oxydes cristallins ayant, dans les conditions habituelles du sol, un très faible potentiel de libération et de disponibilité pour le thallium (Vaněk et coll. 2009).
Une teneur élevée du sol en thallium (par la désagrégation naturelle de certaines roches ou minéraux riches en cet élément) entraînant une forte accumulation dans des plantes a cependant été signalée en Chine (Xiao 2004b) et en République tchèque (Pavlíčková et coll. 2005). Kabata-Pendias et Pendias (1992) signalent également que le thallium anthropique présent dans les sols s’est avéré très soluble et donc disponible pour les plantes. Cette observation est cohérente avec la faible valeur du coefficient de partage sol-eau (log Kse) de 0,68 signalée par Harvey et coll. (2007), indiquant que le thallium sera très mobile dans le sol. En étudiant la spéciation du thallium dans les plantes, Nolan et coll. (2004) ont observé que le Tl(I) était la seule espèce redox du thallium à s’accumuler dans les feuilles et était l’espèce la plus répandue chez Iberis intermedia.
6.1.1 Potentiel de transport à grande distance
Le potentiel de transport à grande distance (PTGD) n’a pas été estimé dans le cadre de cette évaluation préalable, parce que les substances inorganiques ne relèvent pas du domaine d’application des modèles du PTGD typiques. On pense que le thallium présente un certain potentiel de parcourir de grandes distances dans l’atmosphère en raison de sa mobilité sous forme de particules fines (ATSDR 1992). Des concentrations de thallium dans des organismes et des milieux environnementaux de diverses régions éloignées et peu exposées, telles que l’Arctique canadien et d’autres régions arctiques éloignées ont été signalées (Baiocchi et coll. 1994; Cheam et coll. 1996; Cheam 2001; Gantner et coll. 2009). McConnell et Edwards (2008) ont présenté une étude basée sur moyennes mensuelle et annuelle de la déposition continue de thallium entre 1772 et 2003, obtenues à partir carotte forée dans la glace du Groenland. Ils ont montré que le changement dans la déposition atmosphérique du thallium dans la carotte de glace était corrélé avec l’utilisation du charbon, du pétrole et du gaz comme combustible primaire en Amérique du Nord et en Europe.
6.2 Persistance dans l’environnement
Le thallium métal s’oxyde lentement dans l’humidité et l’air (Lee 1971). Le chlorure de thallium est photosensible (Cotton et Wilkinson 1980), mais rien n’indique que le thallium soit fortement transformé par des réactions photochimiques dans l’atmosphère (Callahan et coll. 1979).
Le thallium sous forme élémentaire est persistant, car ne peut pas être davantage dégradé dans l’environnement, bien qu’il puisse se transformer en différentes espèces chimiques ou se répartir par les différentes phases dans un milieu environnemental.
6.3 Potentiel de bioaccumulation
6.3.1 Biodisponibilité
Le thallium n’est pas un élément essentiel pour les organismes. L’évaluation de la bioaccumulation du thallium dans les organismes aquatiques doit tenir compte la biodisponibilité de l’espèce redox du thallium (Ralph et Twiss 2002). Twiss et coll. (2004) ont présenté les résultats de la biodisponibilité du Tl(I) et du Tl(III) dans l’algue unicellulaire Chlorella sp. et la diatomée Stephanodiscus hantzschii. Dans leur étude, la concentration de l’ion Tl(I) libre est proche de la concentration totale de Tl(I) dissoute. Par rapport à Tl(I), la concentration de Tl(III) sous forme d’ion libre est extrêmement faible et il se présente principalement sous forme de Tl(OH)3 inerte. Rickwood et coll. (2015) ont également observé la conversion rapide du Tl(III) en Tl(I) dans des conditions de laboratoire. Le Tl(I) faiblement réactif est donc considéré comme l’espèce de thallium libre dans l’environnement aquatique à un pH plus ou moins neutre (Ralph et Twiss 2002; Twiss et coll. 2003).
De nombreuses études (Lapointe et Couture 2009, 2010; Lapointe et coll. 2009; Ouellet et coll. 2013) ont démontré qu’en plus des effets de la spéciation du thallium dans les milieux environnementaux sur sa biodisponibilité et son absorption, son absorption alimentaire contribuait également à son accumulation par les organismes aquatiques.
Lapointe et Couture (2009) et Lapointe et coll. (2010) ont trouvé que l’assimilation du thallium alimentaire était significative chez les têtes-de-boule juvéniles par rapport aux poissons au stade d’embryon ou de larve. L’absorption de thallium par l’eau était plus rapide que par l’alimentation lorsque les poissons étaient exposés simultanément par l’eau et par l’alimentation. Ces auteurs ont signalé l’induction rapide de processus de régulation dans les branchies des poissons limitant l’absorption et l’accumulation de thallium, ainsi que l’activation de mécanismes de régulation dans l’intestin des poissons pour contrôler l’absorption ou l’élimination du thallium présent dans l’alimentation.
La biodisponibilité du thallium pour les organismes endogés et son absorption ultérieure par les plantes terrestres sont influencées par divers facteurs. Pour les plantes, ces facteurs sont la spéciation du Tl, le type de sol (et donc les propriétés du sol), la concentration de Tl dans le sol, les espèces végétales et la mobilité du thallium dans le sol (Kazantzis 2000; Pavlíčková et coll. 2005; Vaněk et coll. 2015a, 2015b; Xiao et coll. 2004a). Tout comme dans les milieux aquatiques, le Tl(I) est la forme prédominante accumulée depuis le sol par les systèmes racinaires des plantes (Nolan et coll. 2004; Tsakovski et coll. 2006; Xiao et coll. 2004a). Lukaszewski et coll. (2018) ont étudié la mobilité du thallium dans des échantillons de sol de fond (0,8 à 1,0 m de profondeur) provenant de plus de six milieux lithologiques différents en Pologne en utilisant un schéma d’extraction séquentielle. Les auteurs ont constaté qu’une grande proportion du thallium présent dans la plupart des types de sol était fortement piégé par les aluminosilicates du régolithe, ce qui constitue une forme immobile du Tl immobile qui n’est donc pas disponible pour l’absorption par les organismes endogés. Font exception les sols contenant des minerais sulfurés dispersés (minerais Zn-Pb, pyrites et minerais As-Sb) qui sont mobiles dans les sols, ce qui suggère que les sols de minerais sulfurés naturels et de sources anthropiques de même origine (mines de minerais métalliques, fonderies de métaux communs, etc.) sont une source importante des espèces de Tl les plus biodisponibles pour l’absorption par les organismes terrestres.
6.3.2 Bioaccumulation dans les organismes aquatiques
La démarche fondée sur le facteur de bioconcentration (FBC) et le facteur de bioaccumulation (FBA) utilisée pour la plupart des métaux fait actuellement l’objet de critiques, car on considère ces rapports comme étant peu utiles pour prévoir les dangers liés aux métaux (McGeer et coll. 2003; Schlekat et coll. 2007). Certains métaux pourraient s’accumuler parce qu’ils sont nécessaires comme nutriments ou sont partiellement détoxifiés de manière interne. De plus, des relations inverses peuvent se produire pour les éléments métalliques parce que l’accumulation de métal par les organismes suit généralement une cinétique de saturation pour laquelle la constante du taux d’absorption du métal diminue avec l’augmentation de la concentration dans le milieu externe (McGeer et coll. 2003; Schlekat et coll. 2007).
Borgmann et coll. (2004) et Norwood et coll. (2007) ont élaboré un modèle mécanistique de saturation pour estimer les FBC ou les FBA des métaux pour l’amphipode dulcicole Hyalella azteca, qui évite la dépendance susmentionnée à la concentration. En principe, les organismes qui ne stockent pas de métaux sous forme détoxifiée peuvent présenter une relation étroite entre les FBA et les FBC et la toxicité chronique (Couillard et coll. 2008). Cette approche a été vérifiée sur le terrain (Couillard et coll. 2008) et n’est applicable qu’aux métaux non essentiels et peu essentiels (p. ex., le thallium), et non aux métaux physiologiquement régulés et nécessaires du point de vue nutritionnel. Les FBA obtenus à partir de données de terrain sont fortement corrélés avec les FBC obtenus en laboratoire, déterminés selon l’approche de Borgmann et coll. (2004) et Norwood et coll. (2007) pour l’eau du lac Ontario. Le tableau 6-1 présente les FBC et les FBA aquatiques empiriques produits pour le thallium en utilisant l’approche consistant à relier les FBC aux effets toxiques chroniques pour l’amphipode dulcicole Hyalella azteca (Borgmann et coll. 1998; Borgmann et coll. 2004; Couillard et coll. 2008; Norwood et coll. 2007).
Type d’essai a |
Durée |
Type d’eau |
FBC ou FBA (L/kg ph) |
---|---|---|---|
Transplantation sur le terrain de Hyalella azteca dans deux rivières touchées par l’exploitation des métaux dans le nord-ouest du Québec (6 sites) |
17 jours |
Eau de rivière (rivière Allard et rivière Colombière) |
1 645 b |
Exposition en laboratoire |
7 jours |
Eau du lac Ontario c |
1 380 b |
Exposition en laboratoire |
7 jours |
Eau reconstituée sans K+ |
7 220 b |
Abréviations : ph, poids humide
a L’amphipode dulcicole Hyalella azteca était l’organisme de test dans les études de terrain et de laboratoire.
b L/kg de poids humide converti à partir du poids sec en utilisant 0,19 g sec pour 1 g humide.
c Caractéristiques de l’eau du lac Ontario utilisée dans le test de laboratoire : K+ = 40 µM, dureté 130 mg/L, alcalinité 90 mg/L, pH 7,9 à 8,6
L’effet protecteur du potassium contre la toxicité du Tl a été démontré pour différents organismes aquatiques. Cette toxicité est due au mécanisme bien connu de l’interférence du Tl avec les processus vitaux dépendant du potassium dans les organismes vivants (Borgmann et coll. 1998; Hassler et coll. 2007; Rickwood et coll. 2015; Tatsi et coll. 2015; Twiss et coll. 2004). La hausse de la concentration de potassium inhibe l’accumulation de TI dans les organismes aquatiques et en réduit la toxicité. Cette question est examinée plus en détail dans les documents justificatifs (ECCC 2018b).
Des concentrations de thallium dans le phytoplancton et les macrophytes ont été signalées pour quelques espèces et la plupart ont été obtenues lors d’expériences en laboratoire. Les mesures sur le terrain de Zitko et coll. (1975a) ont montré des concentrations élevées de thallium chez les producteurs primaires dans les rivières contaminées par les activités minières au Canada. En particulier, ils ont constaté que les algues et les mousses accumulaient du thallium jusqu’à 43,4 mg/kg ps et 162 mg/kg ps, respectivement, pour des concentrations de 0,7 à 88,3 µg/L de Tl dans l’eau. Pour les algues, les valeurs moyennes calculées du FBC se situaient dans la plage de 908 à 1 895 L/kg ps. Ils ont obtenu une valeur moyenne de 21 500 L/kg ps pour les mousses. Queirolo et coll. (2009) ont mesuré sur le terrain des FBC plus élevés (~ 8 000 à 82 500 L/kg ps) chez deux espèces de plantes aquatiques, Myriophyllum aquaticum et Zannichelia palustris, vivant dans des eaux pollués par le traitement de minerais sulfurés de cuivre, de zinc et de plomb et par l’activité volcanique dans le nord du Chili. Ils ont constaté que la concentration de thallium augmentait avec le temps tout au long du processus de croissance des algues.
Kwan et Smith (1988) ont étudié la toxicité et l’accumulation de Tl dans Lemna minor. Des tests de laboratoire de 10 jours ont démontré que l’absorption de Tl augmentait avec les concentrations d’exposition. Les valeurs du FBC des plantes étaient très élevées (6 000 000 à 88 000 000 L/kg), et les concentrations d’exposition présentaient des relations inverses. Les plantes ont montré peu ou pas de récupération lorsqu’elles ont été déplacées vers un milieu sans thallium après une exposition à 0,5 nmol/L (102 µg/L) et plus. Les concentrations seuils dans les tissus végétaux pour L. minor étaient comprises entre 960 et 1 440 nmol/g (196 et 294 mg/kg), ce qui était supérieur à la charge corporelle létale de ~300 nmol/g (62 mg/kg) obtenue par Borgmann et coll. (1998) pour Hyalella azteca lors d’une étude s’étendant sur quatre semaines.
Lapointe et Couture (2009, 2010) ont étudié en laboratoire l’absorption de thallium par l’eau et la nourriture chez le tête-de-boule (Pimephales promelas). Les larves de poisson ont accumulé une concentration considérablement plus élevée de thallium (jusqu’à 6,5 mg/kg ps) que les juvéniles (jusqu’à 0,052 mg/kg), mais n’ont montré aucun effet sur le temps d’attente avant l’éclosion, la survie des embryons ou les activités enzymatiques. Dans les deux études, des vers Tubifex tubifex exposés à des sédiments contenant du thallium pendant 21 jours ont été offerts comme proies à des poissons. Les facteurs d’accumulation biote-sédiments (FABS) calculés étaient de 0,92 à 1,32, similaires à ceux de 0,47 à 1,44 rapportés pour H. azteca (Borgmann et coll. 1998).
Le thallium est l’un des métaux traces surveillés par le Programme national de suivi et de surveillance des contaminants dans les poissons (PSSCP) d’ECCC (2018). Trois sites ont été sélectionnés pour la production de données de surveillance du Tl visant les concentrations dans l’eau et les corps de poissons dans le cadre du PSSCP et des programmes fédéraux et provinciaux de surveillance de l’eau (ECCC 2018). L’un des trois sites sélectionnés comme présentant un potentiel d’enrichissement en Tl dû à l’impact industriel comprenait deux stations de surveillance d’eaux réceptrices, situées à environ 5,6 et 13 km en aval de l’un des points de rejet de l’installation. Les moyennes géométriques calculées des concentrations de Tl mesurées dans l’eau de 2005 à 2013 étaient respectivement de 0,0242 µg/L et 0,00256 µg/L. Des poissons ont également été prélevés dans les deux stations de surveillance de l’eau au cours de plusieurs années de surveillance, de 2008 à 2015. Les moyennes géométriques calculées des concentrations de Tl dans le corps entier de la truite arc-en-ciel et du doré étaient respectivement de 0,110 mg/kg ps et de 0,103 mg/kg ps. Les FBA calculés à partir des données de terrain étaient de 1 100 à 1 500 L/kg ph. Les deux autres sites présentaient de très faibles concentrations mesurables de Tl dans l’eau, allant d’un niveau inférieur à la limite de détection (LD de 0,001 à 0,1 µg/L) à 0,02 µg/L. Les concentrations mesurées de Tl dans le corps entier des poissons étaient comprises entre 0,0105 mg/kg ps et 0,0434 mg/kg ps, ce qui suggère que les poissons peuvent accumuler du thallium à de très faibles concentrations dans l’eau. Les FBA de terrain n’ont pas été calculés pour les deux sites parce que plus de 80 % des concentrations de Tl dans l’eau étaient inférieures à la limite de détection.
La contamination potentielle du milieu marin par le thallium a été considérée comme un problème émergent dans les zones industrialisées. Fard et coll. (2017) ont présenté la concentration moyenne de thallium dans les tissus musculaires de soles Cynoglossus arel à 0,781 mg/kg ps (0,984 mg/kg ps) et ont suggéré une relation positive significative entre la concentration de thallium et la longueur des poissons. Turner et Pilsbury (2013) ont nourri des escargots marins avec une macroalgue verte (Ulva lactuca) traitée à raison de 5 µg de Tl par litre d’eau de mer et ont déterminé que les escargots n’accumulaient depuis l’eau de mer que 2 % de thallium, contre environ 15 % à partir de l’alimentation, ce qui indique que l’absorption alimentaire est potentiellement plus importante que l’exposition par l’eau. DelValls et coll. (1999) ont rapporté que les niveaux de thallium dans trois espèces d’invertébrés estuariens ou marins provenant d’un estuaire contaminé par un déversement minier étaient égaux ou inférieurs à ceux de H. azteca du lac Ontario (Borgmann et coll. 1998). Les FABS calculés étaient compris entre 0,25 et 1,93 pour des concentrations mesurées dans les sédiments de 0,059 à 0,080 mg/kg, ce qui est comparable aux FABS pour H. azteca et Tubifex tubifex (Borgmann et coll. 1998; Lapointe et Couture 2009, 2010). Les niveaux de thallium dans les palourdes et les crabes indigènes ainsi que dans les tissus d’huîtres transférées n’ont pas augmenté de manière significative au cours des deux à quatre mois d’étude sur le terrain. DelValls et coll. (1999) ont mesuré des concentrations légèrement accrues de thallium (0,07 à 0,20 mg/kg ps) dans les tissus de mulets.
6.3.3 Bioaccumulation dans les plantes terrestres
L’absorption du thallium par les plantes dépend de l’espèce, la famille des Brassicaceae et les espèces Viola étant signalées comme des hyperaccumulateurs de thallium (Al‑Najar et coll. 2003; Antisari et coll. 2016; Baceva et coll. 2014; LaCoste et coll. 2001; Leblanc et coll. 1999; Pavlíčková et coll. 2005; Wang et coll. 2013). De nombreuses études (Al-Najar et coll. 2003; LaCoste et coll. 2001; Leblanc et coll. 1999; Sun et coll. 2012, 2015) ont suggéré que la tolérance de certaines espèces de plantes terrestres au thallium et sa forte accumulation dans ces espèces en font des sources potentielles prometteuses pour la bioremédiation ou la phytoremédiation et le phytominage dans les zones polluées par le thallium.
Les concentrations de thallium dans les plantes reflètent aussi directement leur environnement immédiat dans le sol contaminé, et l’accumulation de thallium dans la végétation pourrait augmenter avec le temps tout au long du processus de croissance (Xiao et coll. 2004a).
L’accumulation de thallium dans certaines parties des plantes dépend également de l’espèce. Queirolo et coll. (2009) ont établi que les racines sont les meilleurs accumulateurs de thallium dans les cultures (pommes de terre, fèves des marais et maïs) récoltées près de sites contaminés par des mines de cuivre. Wierzbicka et coll. (2004) ont rapporté des résultats similaires. Cependant, des études de terrain ont également montré la capacité de certaines plantes à accumuler le thallium et à le déplacer dans ses parties aériennes et ses tissus reproducteurs, ce qui indique la capacité de ces plantes à accumuler le thallium dans les tissus non souterrains (Antisari et coll. 2016; Ferronato et coll. 2016; Madejon 2013; Pavoni et coll. 2017).
Les champignons ont montré une tendance similaire à l’accumulation de thallium en fonction de la souche. Urík et coll. (2010) ont signalé une accumulation de thallium par une souche fongique de 36 mg/kg et 430 mg/kg, respectivement, après une exposition à des concentrations de thallium de 1,0 et 4,9 mg/L dans les milieux de culture pendant 30 jours. La croissance fongique a été réduite aux deux concentrations de thallium après 10 jours d’exposition. Sun et coll. (2012, 2015) ont démontré que certaines souches fongiques peuvent survivre dans des sols contaminés au thallium et qu’elles ont une grande capacité de biosorption et de bioaccumulation du thallium.
6.3.4 Bioaccumulation dans les animaux terrestres
Comme pour les organismes aquatiques, les données disponibles sur la bioaccumulation du thallium chez les animaux terrestres étaient limitées. Sager (1994) a signalé que, chez les animaux terrestres, le thallium s’accumule principalement dans leur foie, leur cerveau et leurs reins.
Dmowski et coll. (1998) ont étudié les populations de petits mammifères dans une communauté dans des conditions de concentration extrêmement élevée de thallium près d’un complexe de fonderie et d’exploitation minière de Zn-Pb dans la région de Bukowno-Olkusz en Pologne. Des niveaux élevés de thallium (jusqu’à 11 à 44 mg/kg) ont été détectés dans les reins et le foie de rongeurs vivant dans deux sites proches de la fonderie. Le site le plus proche de la fonderie et du crassier présentait les niveaux de contamination les plus élevés. Un des symptômes de l’empoisonnement au thallium est l’alopécie progressive ou la perte de fourrure chez les animaux : trois spécimens inhabituels présentant une perte de poils importante et une fourrure pâle ont été trouvés parmi les rongeurs capturés sur le site le plus proche de la fonderie. La productivité (densité de population et structure d’âge) de l’ensemble de la communauté des petits mammifères et des souris adultes sur le site a été considérablement réduite, même par rapport à d’autres sites de fonderie de zinc ou fortement pollués par des métaux. Toutefois, il n’a pas été possible de déterminer clairement si les effets observés sur les rongeurs étaient uniquement révélateurs d’une éventuelle toxicité chronique du thallium, parce que d’autres métaux traces provenant de la fonderie et des scories pourraient également avoir contribué à la cause.
Dmowski et coll. ont également étudié la contamination au thallium d’autres animaux terrestres dans la même région (1998, 2000, 2001, 2015). De fortes concentrations de thallium ont été signalées dans les œufs du crapaud commun (Bufo bufo), les juvéniles après métamorphose et les adultes, les plus fortes concentrations de thallium ayant été trouvées dans les œufs (maximum de 28 mg/kg). Il a été suggéré que le thallium dans le frai n’était pas absorbé depuis l’eau (0,070 μg/L) ou les sédiments (7,55 mg/kg ps), mais était transféré directement par les femelles (Krasnodębska-Ostręga et coll. 2005). Les concentrations de thallium dans les crapauds étaient beaucoup plus faibles que celles des vertébrés sauvages ou des oiseaux de proie présentant des symptômes d’intoxication aiguë au thallium (Clausen et Karlog 1974, 1977; Cromartie et coll. 1975; Munch et coll. 1974). Les crapauds présentaient également de nombreuses caractéristiques démontrant leur adaptation à cet environnement défavorable; aucune anomalie de développement externe n’a été observée chez les adultes, les têtards ou les juvéniles provenant de bassins contaminés. Il est à craindre que les masses ou les chapelets d’œufs gélatineux soient une source importante de thallium pour les prédateurs non résidents qui ne s’adaptent pas à de fortes concentrations de thallium.
Sánchez-Chardi (2007) a rapporté que les niveaux de Tl étaient de 3 à 10 fois plus élevés dans le foie et les reins de la grande musaraigne musette (Crocidura russula) dans un site contaminé par un déversement minier en Espagne que chez les animaux des sites de référence. Les adultes présentaient des concentrations de Tl plus élevées que les juvéniles, et les femelles présentaient des concentrations plus élevées que les mâles.
Cwynar et coll. (2014) ont étudié l’accumulation chronique de thallium par les animaux de ferme. Chez les poules pondeuses nourries pendant huit semaines avec des aliments contenant du thallium, cet élément s’est accumulé dans les tissus, les organes internes et les œufs, et cette accumulation était corrélée avec la concentration dans la nourriture et la durée d’exposition. Les plus fortes accumulations de thallium ont été trouvées dans les os, suivis des reins, des muscles et du foie, ce qui indique que cet élément est facilement absorbé par le tractus gastro-intestinal et se distribue rapidement dans l’animal. Aucune mortalité n’a été observée chez les poules, mais des troubles de l’homéostasie ont été observés à la dose la plus élevée de 16 mg/kg. Les effets comprenaient une augmentation du nombre de globules blancs, de la créatinine et de l’hématocrite, ainsi qu’une diminution du taux de glucose sanguin. L’augmentation de la créatinine sérique suggère que la teneur élevée des reins en thallium puisse contribuer à altérer les processus de filtration rénale, réduisant l’élimination du thallium de l’organisme et entraînant une accumulation supplémentaire.
La principale source de métaux pour les oiseaux aquatiques est l’alimentation. Mochizuki et coll. (2005) ont signalé des niveaux de thallium plus élevés chez huit espèces de canards dans des sites contaminés au Japon que chez les oiseaux de sites de référence (non contaminés). Aucun canard provenant des sites d’étude contaminés n’a montré de signes physiques de toxicité. Benito et coll. (1999) ont rapporté des données de surveillance sur les éléments traces dans le sang des oiseaux aquatiques après un déversement minier dans les zones humides d’un parc national en Espagne, mais ont constaté que le thallium n’était pas présent chez les oiseaux à une concentration significative (les concentrations de Tl étaient inférieures à la limite de détection de 2 µg/L).
6.3.5 Potentiel de bioamplification
Les animaux vivant dans des zones contaminées par des métaux ou qui se nourrissent volontiers d’organismes vulnérables à l’accumulation de métaux sont particulièrement exposés au risque d’accumulation. Les organismes au bas de la chaîne trophique, dont l’appareil digestif tend à contenir de grandes quantités de milieu extrêmement contaminé, sont mangés par des organismes de niveau trophique supérieur, ce qui entraîne une bioamplification. Cependant, peu de recherches ont été faites sur le potentiel de bioamplification du thallium et les résultats sont parfois contradictoires.
On a constaté que le thallium pouvait se bioamplifier dans la chaîne alimentaire d’un lac arctique isolé, le lac Hazen, dans lequel l’omble chevalier est l’espèce dominante (Gantner et coll. 2009). Il s’agit du plus grand lac du Haut-Arctique canadien, peu contaminé par l’homme, et on l’avait désigné pour une étude sur la bioaccumulation du mercure. Les concentrations de thallium dans les tissus musculaires des ombles ont été examinées en utilisant le mercure comme indicateur. On a trouvé une relation directe de la teneur en thallium avec la position trophique de l’omble laquelle était déterminée par δ15NNote de bas de page 5 , un résultat qui montre le potentiel de bioamplification. Une tendance similaire a été signalée par Lin et coll. (2001), qui avaient mesuré les concentrations de thallium dans les touladis adultes du lac Michigan. Une corrélation a été trouvée entre le facteur de croissance de la truite (poids/âge du poisson) et la concentration de thallium.
Dans les chaînes alimentaires aquatiques, les invertébrés dulcicole et les poissons absorbent le thallium présent dans leur nourriture (Couture et coll. 2011). Le degré de transfert d’éléments comme le thallium d’un niveau trophique à l’autre est fonction de leur efficacité d’assimilation. Pour un oligo-élément donné, l’efficacité de l’assimilation dépend de plusieurs facteurs, dont la disponibilité de l’élément dans les particules alimentaires et la physiologie digestive du prédateur (Couture et coll. 2011). Des techniques de fractionnement mesurant la distribution du thallium parmi les fractions de cellules de proies ont été utilisées pour illustrer la probabilité de disponibilité du thallium pour l’absorption et l’assimilation ultérieure par les prédateurs (Dumas et Hare 2008; Lapointe et Couture 2009; Lapointe et coll. 2009; Smith et Kwan 1989). En général, on désigne sous le nom de métaux trophiques disponibles, les métaux traces présents dans les fractions de cytosol et d’organelles des proies qui sont facilement assimilées par les prédateurs (Wallace et Luoma 2003). Le thallium se trouve normalement dans le cytosol des invertébrés aquatiques, des poissons juvéniles et des plantes (25 à 85 %) et peut donc être facilement assimilé par les prédateurs ou les brouteurs. Les valeurs publiées pour le thallium trophique disponible dans les organismes aquatiques allaient de 50 % chez D. magna et T. tubifex pour l’absorption par la tête-de-boule (Lapointe et coll. 2009) à 75 % chez le diptère Chironomus riparius pour l’absorption par les sialis (Dumas et Hare 2008), ce qui suggère un transfert trophique potentiel dans les chaînes alimentaires aquatiques. La figure 6-1 illustre l’efficacité d’assimilation avec laquelle le thallium est transféré entre les niveaux trophiques dans les réseaux alimentaires planctoniques et benthiques (Couture et coll. 2011; Dumas et Hare 2008; Lapointe et Couture 2009; Lapointe et coll. 2009; Twining et Fisher 2004).
Figure 6-1. Schéma illustrant l’efficacité d’assimilation du transfert de thallium entre les niveaux trophiques dans les réseaux alimentaires planctoniques et benthiques (Couture et coll. 2011).
La figure 6-1 illustre le transfert de l’efficacité d’assimilation (EA) du thallium entre cinq niveaux trophiques (c’est-à-dire le phytoplancton, le zooplancton, les détritivores benthiques, les prédateurs benthiques et les poissons carnivores) dans les réseaux alimentaires planctoniques et benthiques (Couture et coll. 2011). Le thallium disponible par voie trophique est de 40 à 80 % par les diatomées phytoplanctoniques et les flagellés aux crustacés zooplanctoniques (4, Twining et Fisher 2004), et de 70 % depuis les crustacés aux poissons carnivores (2, Lapointe et coll. 2009). Environ 70 % et 17 % à 33 % du thallium des détritivores benthiques, oligochètes et chironomidés, sont disponibles pour les prédateurs benthiques (c’est-à-dire les mégaloptères) et les poissons carnivores, respectivement (1, Lapointe et Couture 2009; 2, Lapointe et coll. 2009; 3, Dumas et Hare 2008).
On a toutefois publié des observations contradictoires sur la bioamplification potentielle du thallium dans les chaînes alimentaires aquatiques ou terrestres. Aucune preuve de bioamplification du thallium n’a été observée dans les études de terrain de divers réseaux alimentaires aquatiques (Ikemoto et coll. 2008; Ofukany et coll. 2014; Twiss et coll. 2003) et de sous-populations d’invertébrés (Dmowski et Badurek 2001).
Par conséquent, les éléments de preuve actuels indiquent que le thallium rejeté dans l’environnement par des sources tant naturelles qu’anthropiques sous ses formes biodisponibles peut s’accumuler dans les organismes aquatiques et terrestres. Les organismes aquatiques et terrestres exposés au thallium dans leur habitat absorbent facilement le thallium par contact direct avec les milieux environnementaux ou par ingestion de nourriture avec absorption par le tractus gastro-intestinal (Couillard et coll. 2008; Ecoscape Environmental Consultants Ltd. et Larratt Aquatic Consulting Ltd. 2014; Kazantzis 2000; Lapointe et Couture 2009, 2010; Lapointe et coll. 2009; Lin et coll. 2005; Ouellet et coll. 2013; Pavlíčková et coll. 2006; Pavlíčková et coll. 2015a, 2015b; Xiao et coll. 2004a). Des concentrations considérablement élevées de thallium dans les environs des zones de sources ponctuelles (p. ex., les fonderies) peuvent avoir un impact sur les organismes vivant dans un tel environnement (Dmowski et coll. 1998, 2000, 2001, 2015). Cependant, les données essentielles nécessaires pour quantifier le niveau des concentrations de résidus de thallium dans les tissus associées aux effets nocifs (p. ex., l’effet par rapport à la charge critique du corps/tissu et les effets chroniques au niveau subcellulaire), ainsi que les mécanismes et les voies de détoxication du thallium par divers récepteurs dans l’environnement, font défaut.
Aucune conclusion ne peut être tirée sur le potentiel de bioamplification du thallium dans les chaînes alimentaires aquatiques ou terrestres compte tenu des données limitées et contradictoires actuellement disponibles. Les études subcellulaires ont suggéré une assimilation potentielle du thallium des niveaux trophiques inférieurs aux niveaux trophiques supérieurs dans les chaînes alimentaires aquatiques (Dumas et Hare 2008; Lapointe et Couture 2009; Lapointe et coll. 2009; Smith et Kwan 1989). Cependant, étant donné les contradictions entre les renseignements tirées des études de bioamplification sur le terrain, il est justifié d’effectuer des recherches supplémentaires pour cerner et examiner plus en détail le transfert de thallium entre les chaînes alimentaires dans l’environnement.
7. Potentiel d’effets nocifs sur l’environnement
7.1 Évaluation des effets sur l’environnement
7.1.1 Mode ou mécanisme d’action
Le mécanisme exact de la toxicité du thallium est toujours à l’étude. Le mécanisme le plus connu de la toxicité du thallium est lié à son interférence avec les processus vitaux dépendant du potassium dans les organismes aquatiques et terrestres. Puisque le thallium et le potassium ont des charges et des rayons ioniques similaires, l’ion thalleux Tl(I) peut imiter l’action biologique des ions potassium en raison de l’incapacité de la membrane cellulaire à distinguer le thallium du potassium. Dans certains systèmes vivants, le Tl(I) a une plus grande affinité (~ 10 fois) pour l’absorption que le K+ dans les transporteurs membranaires (Na,K)-ATPase (Brismar 1998). En imitant le potassium dans son mouvement et son accumulation intracellulaire chez les mammifères, le Tl(I) interfère de façon compétitive avec certaines réactions biologiques dépendantes du potassium. Il a été démontré que le thallium remplace le potassium dans l’activation de plusieurs enzymes monovalentes activées par des cations, par exemple la pyruvate kinase, l’ATPase et l’aldéhyde déshydrogénase. On a également constaté que le thallium remplace le potassium dans la stabilisation des ribosomes et dans des fonctions physiologiques telles que la contraction musculaire (ATSDR 1992; Galvan-Arzate et Santamaria 1998; PISSC 1996).
Comme d’autres métaux, le thallium a une grande affinité pour les groupes sulfhydryles des protéines et les membranes mitochondriales, ce qui inhibe toute une série de réactions enzymatiques et conduit à un empoisonnement généralisé (Ramsden 2002). Le thallium forme des ligands avec les groupes sulfhydryles des protéines, inhibe la respiration cellulaire, interagit avec la riboflavine et les cofacteurs à base de riboflavine, et perturbe l’homéostasie du calcium (Mulkey et Oehme 1993). Le thallium peut également influencer la production d’enzymes et la synthèse d’acides aminés, avoir un effet sur les mécanismes de transport et provoquer une réduction de la mitose (Schoer 1984).
Siegel et Siegel (1975) ont découvert qu’une concentration élevée de thallium (10 mM de Tl) peut induire une carence en potassium chez les semis de concombre. Ils ont également constaté que le thallium perturbe davantage les mécanismes associés à la multiplication des cellules que la croissance ou la différenciation des cellules (Siegel et Siegel 1975). Scheckel et coll. (2004) ont découvert que la majorité du thallium distribué dans les veines d’Iberis intermedia (famille des Brassicaceae) était sous forme d’ion Tl(I) libre dans le système vasculaire, mais ne s’accumulait pas dans le mésophylle ou les cellules stomatiques pour perturber la photosynthèse ou la régulation de l’eau. Dans les plants de maïs et de tournesol, cependant, on a constaté que le thallium s’accumulait dans les cellules de garde, ce qui pouvait entraîner une réduction de la photosynthèse (Carlson et coll. 1975). On a rapporté dans des études récentes sur la lentille d’eau Lemna minor exposée au Tl(I) que le thallium interférait avec les mécanismes de protection antioxydants moléculaires et enzymatiques (Babić et coll. 2009; Radić et coll. 2009). Le stress oxydatif induit par le thallium a été caractérisé par une production accrue d’espèces réactives de l’oxygène et pourrait également être un mécanisme important de la toxicité du thallium (Radić et coll. 2009). Pu et coll. (2017) ont suggéré que l’accumulation de Tl dans une vivace tropicale Coix lacryma-jobi (famille des Poaceae), inhibait la photosynthèse (à savoir la photoactivation du photosystème IINote de bas de page 6 ). Les effets toxiques du Tl ont déclenché l’activation des systèmes antioxydants (c’est-à-dire la catalase et la peroxydase) dans la plante, ce qui a modéré les effets nocifs du Tl.
Les poissons régulent l’absorption du thallium de l’eau par leurs branchies et l’absorption alimentaire par l’intestin. La régulation du thallium pourrait être liée à l’homéostasie du potassium dans les cellules épithéliales (Lapointe et Couture 2009). Hou et coll. (2017) ont exposé des poissons-zèbres femelles adultes à des concentrations de thallium environnementalement pertinentes (0,02 à 1 µg/L) pendant 96 jours et ont démontré que le Tl induisait un certain nombre de modifications biochimiques et de lésions histologiques dans les tissus des branchies, du foie et des gonades des poissons. Un examen subcellulaire laisse à penser que le thallium peut provoquer un stress oxydatif chez le poisson-zèbre.
Belowitz (2014) a examiné le mécanisme de la toxicité du Tl(I) pour la forme larvaire du Chironomus riparius , un moucheron non piqueur plutôt tolérant au thallium, et a suggéré que les mécanismes possibles de détoxification du thallium font intervenir l’excrétion du Tl(I) par les tubules rénaux du moucheron ou la liaison de protéines riches en soufre, comme la métallothionéine, qui rendent le Tl(I) inerte.
7.1.2 Facteurs de modification la toxicité (FMT)
Les données disponibles, bien que limitées, suggèrent que le potassium est capable de réduire efficacement la toxicité du Tl(I) chez les organismes aquatiques, et qu’il est donc un FMT potentiel pour le thallium (ECCC 2018b). Toutefois, ce facteur ne peut pas être confirmé de manière fiable par des analyses statistiques. Par conséquent, dans la présente évaluation nous ne prendra pas en compte l’utilisation du potassium comme FMT pour calculer la CESE en eau douce.
7.1.3 Effets sur les organismes aquatiques
La toxicité du thallium n’est pas aussi étudiée que d’autres éléments intrinsèquement toxiques ayant une toxicité similaire, comme le plomb, le mercure ou le cadmium.
Compte tenu de la spéciation et de la biodisponibilité des deux formes redox du thallium (voir la section 6.1 du présent rapport), le Tl(I) est au centre de la présente évaluation des effets écologiques afin d’évaluer la toxicité du thallium élémentaire ou contenu dans une molécule. Il a été démontré que la proportion de Tl(I) libre est très proche de la concentration totale de Tl(I) dissous dans le milieu aquatique, en raison de sa faible affinité pour les ligands qui forment des complexes (Lan et Lin 2005; Lin et Nriagu 1998; Ralph et Twiss 2002). Rickwood et coll. (2015) ont également constaté que le Tl(I) était stable, tandis que le Tl(III) était converti en Tl(I) dans des conditions expérimentales lors de tests de toxicité d’une durée maximale de 21 jours.
Les données disponibles sur la toxicité aiguë du thallium pour les organismes dulcicoles ont été compilées et soumises à un examen critique (Nautilus Environmental 2016). Les critères d’effet toxicologique et les valeurs de toxicité (provenant d’études fiables) qui ont satisfait aux exigences pour l’élaboration d’une recommandation canadienne de type A pour la qualité des eaux à court terme (CCME 2007) sont résumés dans l’annexe A (tableau A-1). Ces données ont été utilisées pour élaborer une distribution de la sensibilité des espèces (DSE) à court terme (figure 7-1) à l’aide de la version 3.0 du logiciel SSD Master (2013). Lorsque plus d’un critère d’effet acceptable était utilisable pour une certaine espèce, nous a moyenne géométrique a été calculée conformément aux directives du protocole du CCME (2007) concernant les paramètres préférés.
Le crapet arlequin (Lepomis macrochirus) et la mouche arlequin (Chironomus riparius) sont des espèces plus tolérantes, avec des valeurs de CL50 après 96 h supérieures à 100 000 µg/L (tableau A-1). À l’exception des deux espèces tolérantes, d’autres organismes dulcicoles ont montré une gamme relativement similaire (valeurs de CL50 de 12 à 7 680 µg/L) de sensibilité aux effets toxiques du Tl (tableau A-1). Selon le protocole d’élaboration des recommandations pour la qualité des eaux en vue de protéger la vie aquatique du CCME (2007), les tests de toxicité des algues avec des périodes d’exposition de moins de 24 heures ayant des effets graves sont généralement pris en compte dans les ensembles de données à court terme étant donné le taux de division cellulaire rapide des algues. Cependant, la CL50 sur 48 heures pour la croissance des algues a été choisie en raison du retard de croissance observé dans les cultures témoins à 24 heures (Tatsi 2017, communication personnelle; sans référence).
Figure 7-1. Distribution de la sensibilité des espèces (DSE) pour la toxicité à court terme du thallium en eau douce.
La figure 7-1 montre la distribution de sensibilité des espèces (DSE) basée sur les données de toxicité aiguë pour les concentrations de thallium causant la mortalité de 50 % de la population des organismes dulcicoles testés. La DSE aiguë est utilisée afin de calculer la valeur critique de toxicité (VCT) du thallium pour le critère d’effet à court terme pour les organismes dulcicoles. Le modèle de loi logistique adapté aux données est indiqué sur le graphique, ainsi que les intervalles de confiance à 95 %. Des 14 points de données, 11 s’inscrivent dans les intervalles de confiance à 95 % de l’ajustement de la courbe. Le 5e percentile de la distribution (CD5) a été calculé à 8 µg/L et il a été choisi comme VCT à court terme pour le thallium. Cette figure montre que la sensibilité des organismes dulcicoles au thallium suit une sigmoïde.
Les hypothèses et l’ajustement du modèle ont été vérifiés à l’aide de tests statistiques lors de l’élaboration de la DSE. Parmi les modèles utilisés, c’est la loi logistique qui s’est avérée la mieux adaptée aux données. Le 5e percentile (CD5), c’est-à-dire la concentration dangereuse pour 5 % des espèces dulcicoles, de la courbe DSE était de 8 µg/L (figure 7-1). La CD5 de 8 µg/L calculée à partir de la DSE est choisie comme valeur critique de toxicité (VCT) pour la toxicité à court terme du thallium en eau douce.
Le tableau 7-1 résume les données fiables sur la toxicité chronique du Tl pour les organismes dulcicoles. Comme dans le cas de la tolérance à la toxicité aiguë du Tl (à l’exception du crapet arlequin et de la mouche arlequin), des gammes relativement similaires de sensibilité à long terme aux effets toxiques du Tl (c’est-à-dire des valeurs de CMEO et d’effet C(I)E10-25 de 1,8 à 806 µg/L) s’appliquent aux organismes dulcicoles. L’ensemble de données sur la toxicité du thallium n’est pas adéquat pour une approche de DSE à long terme en raison du manque d’études de toxicité chronique fiables et de données de toxicité chronique applicables sur les espèces de poissons et d’invertébrés (tableau 7-1) comme le spécifie le protocole du CCME (2007).
Nom commun |
Organisme d’essai |
Critère d’effet |
Valeur (µg/L) a |
Référence |
---|---|---|---|---|
Poissons |
Tête-de-boule (Pimephales promelas) |
CE10 sur 28 j durée |
688 |
Kimball 1978 |
Poissons |
Tête-de-boule (Pimephales promelas) |
CE10 sur 28 j poids |
806 |
Kimball 1978 |
Poissons |
Tête-de-boule (Pimephales promelas) |
CE10 sur 30 j longueur |
79,2 |
LeBlanc et Dean 1984 |
Poissons |
Tête-de-boule (Pimephales promelas) |
CE10 sur 30 j poids |
69,2 |
LeBlanc et Dean 1984 |
Poissons |
Tête-de-boule (Pimephales promelas) |
CI25 sur 7 j poids |
201 (235,8) |
Rickwood et coll. 2015 |
Poissons |
Tête-de-boule (Pimephales promelas) |
CMEO sur 21 j reproduction |
8 |
Rickwood et coll. 2015 |
Poissons |
Tête-de-boule (Pimephales promelas) |
CSEO sur 21 j reproduction |
0,8 |
Rickwood et coll. 2015 |
Invertébrés |
Amphipode (Hyalella azteca) |
CL25 sur 4 sem. |
2,5 |
Borgmann et coll. 1998 |
Invertébrés |
Amphipode (Hyalella azteca) |
CE25 sur 6 sem. croissance |
1,8 |
Borgmann et coll. 1998 |
Invertébrés |
Puce d’eau (Ceriodaphnia dubia) |
CI25 sur 7 j reproduction |
100 |
Pickard et coll. 2001 |
Invertébrés |
Puce d’eau (Ceriodaphnia dubia) |
CI25 sur 7 j reproduction (appauvri en K+) |
35,01 |
Rickwood et coll. 2015 |
Invertébrés |
Puce d’eau (Ceriodaphnia dubia) |
CI25 sur 7 j reproduction |
160 à 189 |
Rickwood et coll. 2015 |
Plantes |
Lentille d’eau (Lemna minor) |
EC10 sur 7 j nombre de frondes |
142 |
Naumann et coll. 2007 |
Plantes |
Lentille d’eau (Lemna minor) |
EC10 sur 7 j poids frais |
114 |
Naumann et coll. 2007 |
Plantes |
Lentille d’eau (Lemna minor) |
EC10 sur 7 j poids sec |
153 |
Naumann et coll. 2007 |
Plantes |
Lentille d’eau (Lemna minor) |
CE20 sur 7 j nombre de frondes |
202 |
Naumann et coll. 2007 |
Plantes |
Lentille d’eau (Lemna minor) |
CE20 sur 7 j poids frais |
150 |
Naumann et coll. 2007 |
Plantes |
Lentille d’eau (Lemna minor) |
CE20 sur 7 j poids sec |
210 |
Naumann et coll. 2007 |
Plantes |
Lentille d’eau (Lemna minor) |
CE20 sur 7 j taux de croissance |
202 |
Henke et coll. 2011 |
Algues |
Algue (Selenastrum capricornutum) |
CI25 sur 72 h croissance |
90 |
Pickard et coll. 2001 |
Algues |
Algue (Pseudokirchneriella subcapitata) |
CE25 sur 72 h croissance |
40 |
Tatsi et coll. 2015 |
Algues |
Algue (Pseudokirchneriella subcapitata) |
CE25 sur 72 h rendement |
17 |
Tatsi et coll. 2015 |
Algues |
Algue (Pseudokirchneriella subcapitata) |
CE25 sur 72 h croissance (appauvri en K+) |
4,6 |
Rickwood et coll. 2015 |
Algues |
Algue (Pseudokirchneriella subcapitata) |
CE25 sur 72 h croissance |
160 à 182 |
Rickwood et coll. 2015 |
a Les critères d’effet toxicologique donnés sont pour le Tl(I). Si la spéciation du thallium n’était pas spécifiée dans l’étude, nous avons présumé qu’il s’agissait de Tl(I). Les critères d’effet ont été convertis en µg/L lorsque les données originales étaient rapportées en mg/L.
La CESE chronique du thallium a donc été obtenue en utilisant la VCT à court terme obtenue de la DSE pour la toxicité du thallium en eau douce et en appliquant un facteur d’évaluation (FE) de 10 afin d’extrapoler pour la durée d’exposition de court et à long terme, de la mortalité aux effets sublétaux et de la médiane à l’effet faible ou nul (Environnement Canada 2013). La CESEeau douce pour le thallium qui en résulte est de 0,8 µg/L.
CESEeau douce chronique = VCT à court terme / FE = 8 µg/L / 10 = 0,8 µg de Tl/L
La CESEeau douce de 0,8 µg/L a été comparée aux critères d’effet fiables de toxicité chronique du thallium (tableau 7-1) par mesure de précaution, afin que les organismes soient protégés de manière adéquate contre la toxicité du thallium lors d’une exposition à long terme. Hyalella azteca est la plus sensible des espèces dulcicoles testées (tableau 7-1) avec une CL25 sur 4 semaines de 2,5 µg/L et une CE25 sur 6 semaines de 1,8 µg/L pour l’effet de croissance. Rickwood et coll. (2015) ont effectué un essai de reproduction de tête-de-boule adulte de 21 jours à des concentrations de thallium de 8 µg/L et 0,8 µg/L (tableau 7-1). Des effets réduits sur la reproduction (c’est-à-dire le frai cumulé) ont été observés dans les traitements au thallium à 8 μg/L, mais pas dans les traitements à 0,8 μg/L, ce qui suggère que la CESE à long terme de 0,8 µg/L en eau douce est protectrice.
La CESE du thallium pour les organismes dulcicoles est la même que le seuil de qualité de l’eau à long terme suggéré par le CCME (1999), à savoir 0,8 µg/L.
Il existe peu d’information à propos des effets écotoxicologiques du thallium dans les eaux marines (tableau 7-2). Il est suggéré que la faible teneur en thallium (ng/L) et la forte teneur en potassium de l’eau de mer devraient réduire l’absorption de thallium et la toxicité pour les organismes marins, mais une phytotoxicité élevée a été observée chez certaines espèces marines. Turner et Furniss (2012) ont étudié la toxicité et la bioaccumulation du thallium dans la macroalgue marine Ulva lactuca. Il a montré une phytotoxicité élevée avec une CMEO sur 48 heures de 10 µg/L dans l’eau de mer côtière et l’eau estuarienne. Les auteurs n’ont pas effectué d’analyse statistique. Des valeurs de 20 et de 23 µg/L pour la CE50 sur 48 heures ont été estimées à l’aide du programme TRAP (Toxicity Relationship Analysis Program) de l’EPA des États-Unis, les valeurs étant fournies pour l’exposition de 48 heures des macroalgues dans l’eau de mer (salinité de 33) et l’eau d’estuaire (salinité de 20), respectivement (Turner et Furniss 2012). La toxicité du Tl pour les algues marines se situe dans une plage similaire à celle de la valeur de toxicité indiquée pour les algues dulcicoles (une CE50 sur 48 heures de 37 µg/L), mais les algues marines sont plus sensibles aux effets toxiques du Tl. La toxicité serait associée à l’absorption de thallium à travers la membrane cellulaire par l’intermédiaire du transport couplé NaCl/KCl, le taux d’absorption augmentant avec les concentrations croissantes de Na+ et de Cl- (Turner et Furniss 2012). Le rotifère (Brachionus plicatilis) est le crustacé le moins sensible aux effets du thallium, avec une CL50 sur 24 heures de 100 000 µg/L, et les valeurs de toxicité pour les autres espèces d’invertébrés marins sont 3 à 25 fois plus faibles (valeurs de CL50 de 2 400 à 32 300 µg/L). Les données disponibles sur la toxicité aiguë du thallium pour les espèces de poissons marins se situent dans une plage très étroite de 21 000 à 24 000 µg/L (tableau 7-2). Les invertébrés marins et les poissons ont montré une tolérance aux effets toxiques du Tl similaire ou légèrement supérieure à celle des organismes dulcicoles (tableau A‑1).
L’ensemble de données sur la toxicité en eaux marines n’est pas suffisant pour calculer la VCT en utilisant une approche DSE (car les exigences minimales en matière de données ne sont pas respectées selon le CCME 2007). Une approche fondée sur des facteurs d’évaluation a donc été utilisée. La valeur la plus sensible, la CE50 sur 48 heures de 20 µg/L pour la macroalgue Ulva lactuca dans l’eau de mer côtière, est choisie comme VCT pour la toxicité du thallium dans l’eau de mer). La VCT est ensuite divisée par un facteur d’évaluation de 5 pour extrapoler des effets médians aux effets de faible niveau, et un autre facteur d’évaluation de 5 est appliqué pour tenir compte du mode d’action spécifique (la phytotoxicité chez les macroalgues marines). Il en résulte u e CESEeau marine chronique de 0,8 µg/L.
CESEeau marine chronique = VCT / FE = 20 µg/L /5 /5 = 0,8 µg de Tl/L
Les valeurs de CESE chroniques identiques calculées pour les organismes dulcicoles et marins suggèrent que le thallium présente un niveau de toxicité similaire pour les organismes aquatiques les plus sensibles (tableau A-1 et 7-2). Une seule CESEeau chronique de 0,8 µg/L est donc utilisée pour le Tl.
Nom commun |
Organisme d’essai |
Critère d’effet |
Valeur (µg/L) a |
Référence |
---|---|---|---|---|
Poissons |
Mené tête-de-mouton ou Petote (Cyprinodon variegatus) |
CL50 sur 96 h |
21 000 |
Heitmuller et coll. 1981 |
Poissons |
Capucette (Menidia menidia) |
CL50 sur 96 h |
24 000 |
Dawson et coll. 1976 |
Invertébrés |
Artémis des eaux salines (Artemia salina) |
CL50 sur 48 h |
10 700 |
Onikura et coll. 2008 |
Invertébrés |
Artémis des eaux salines (Artemia salina) |
CL50 sur 24 h |
32 300 |
Calleja et coll. 1994 |
Invertébrés |
Mysis (Americamysis bahia) |
CL50 sur 96 h |
3 480 |
Onikura et coll. 2008 |
Invertébrés |
Rotifère (Brachionus plicatilis) |
CL50 sur 24 h |
100 000 |
Onikura et coll. 2008 |
Invertébrés |
Copépode (Acartia tonsa) |
CL50 sur 96 h |
2 400 |
Horne et coll. 1983 |
Invertébrés |
Amphipode (Gammarus annulatus) |
CL50 sur 96 h |
4 200 |
Horne et coll. 1983 |
Invertébrés |
Crevette grise de sable (Crangon septemspinosus) |
CL50 sur 96 h |
2 500 |
Horne et coll. 1983 |
Invertébrés |
Crevette poignard (Palaemonetes pugio) |
CL50 sur 96 h |
5 600 |
Horne et coll. 1983 |
Invertébrés |
Polychète (Neanthes arenaceodentata) |
CL50 sur 96 h |
17 000 |
Horne et coll. 1983 |
Algues |
Laitue de mer (Ulva lactuca) |
CMEO sur 48 h |
10 |
Turner et Furniss 2012 |
Algues |
Laitue de mer (Ulva lactuca) |
CL50 sur 48 h |
20 b |
Turner et Furniss 2012 |
Algues |
Laitue de mer (Ulva lactuca) |
CL50 sur 48 h |
23 b |
Turner et Furniss 2012 |
a Les critères d’effet toxicologique donnés sont pour le Tl(I). Si la spéciation du thallium n’était pas spécifiée dans l’étude, nous avons présumé qu’il s’agissait de Tl(I). Les critères d’effet ont été convertis en µg/L si les données originales étaient rapportées en mg/L.
b Les valeurs sont estimées avec le programme TRAP de l’EPA.
7.1.4 Effets sur les organismes vivant dans les sédiments
Bien que les données sur l’écotoxicité du thallium dans les sédiments soient très rares et insuffisantes pour obtenir une CESE pour ce milieu, les publications scientifiques nous offrent certaines données pertinentes. Par exemple, Borgmann et coll. (1998) ont étudié la toxicité chronique du thallium pour l’amphipode Hyalella azteca dans l’eau du robinet (du lac Ontario) et dans un sédiment artificiel sans ajout de potassium et en ont déduit une concentration corporelle létale entraînant une mortalité de 25 % (CCL25) sur la base de l’absorption calculée de thallium par l’organisme en fonction de la concentration de thallium dans l’eau (FBC). En en combinant tous les essais sur H. azteca, ils ont calculé une CCL25 sur quatre semaines de 290 nmol/g (59 mg/kg). Les concentrations de thallium dans les H. azteca prélevés dans les sédiments de six sites du havre Hamilton et du lac Ontario ont été analysées. Le niveau maximum de Tl accumulé par l’organisme à partir des sédiments environnants était de 4,9 nmol/g (1,0 mg/kg), ce qui équivaut à environ 2 % de la CCL25 sur 4 semaines, ce qui suggère que des niveaux de Tl de 0,53 à 4,2 nmol/g (0,11 à 0,86 mg/kg) dans les sédiments n’étaient pas susceptibles de causer des effets nocifs environnementaux à l’organisme (Borgmann et coll. 1998).
7.1.5 Effets sur les organismes endogés
Il existe peu d’information sur les effets écotoxicologiques du thallium dans les sols. On a démontré que le thallium anthropique présent dans les sols était très soluble et disponible pour les plantes (Schoer 1984; Kabata-Pendias et Pendias 1992). Des effets nocifs pour les plantes ont été signalés à des concentrations de seulement 1 mg/kg de tissu végétal sec (PISSC 1996). La recommandation canadienne pour la qualité du sol en ce qui concerne l’exposition à long terme des organismes endogés est de 1 mg/kg ps (CCME 1999), sur la base des valeurs de CMEO de thallium signalées pour les plantes et les invertébrés terrestres (McCool 1933; Lachover et coll. 1958; Environnement Canada 1996, 1998). La valeur de la recommandation correspond à la valeur supérieure du 98e percentile de la gamme des concentrations typiques de thallium dans les sols de l’Ontario (CCME 1999).
Heim et coll. (2002) ont publié des études comportant des essais biologiques du sol avec des plantes et des invertébrés terrestres. Chez les invertébrés terrestres, la présence de thallium dans le sol affecte davantage la reproduction que la croissance ou la mortalité. Des effets nocifs sur l’éclosion de l’hélice des bois (Arianta arbustorum), un escargot, et la reproduction du ver du fumier (Eisenia fetida) ont été observés dans des sols comportant respectivement des concentrations de thallium de 1 mg/kg et 5 mg/kg. La croissance et la survie de l’hélice des bois et du ver du fumier sont des critères d’effet plus tolérants, avec des CMEO sur 4 semaines rapportées dans la plage de 100 à 500 mg/kg. Les valeurs de CMEO sur 7 jours pour les semis de cresson de jardin (Lepidium sativum) rapportées dans la même étude étaient de 10 mg/kg pour la croissance des pousses et de 100 mg/kg pour la croissance des racines.
Fischer et Molnar (1997) ont rapporté que 1 mM/kg de TlCl (204 mg Tl/kg) a entraîné un gain initial de masse corporelle chez le ver de fumier (Eisenia fetida), suivi d’une diminution marquée de la masse corporelle et de la mortalité après 2 semaines d’exposition et d’une survie de seulement 15 % après 7 semaines d’exposition.
Les données actuellement disponibles sur la toxicité du thallium dans le sol indiquent qu’une CESEsol fixée à 1 mg/kg ps (poids sec) dans le sol, conformément à la recommandation du CCME de 1999, protégerait les organismes endogés et les plantes dans l’environnement canadien.
7.2 Évaluation de l’exposition de l’environnement
7.2.1 Concentrations naturelles
Le thallium est omniprésent dans l’environnement, et dans certaines régions du Canada inaltérées par les activités anthropiques (des régions représentatives des conditions naturelles), les concentrations de thallium peuvent être naturellement élevées. Dans d’autres régions, les activités anthropiques font que les concentrations de thallium excèdent aux concentrations naturelles.
Les plages de concentrations naturelles — ou plages normales — du thallium total dans les eaux de surface pour les écozones canadiennes ont été récemment estimées par Kilgour & Associates Ltd. (2016). Les concentrations naturelles médianes de thallium dans les écozones canadiennes ont été calculées à l’aide de la méthode de Kilgour & Associates Ltd. (2016) à partir d’échantillons de référence, considérés comme tels par la démarche décrite par Proulx et coll. (2018), provenant de divers programmes fédéraux et provinciaux de surveillance de la qualité des eaux de surface et d’autres dépôts.Note de bas de page 7 Les concentrations médianes de thallium sont également disponibles pour le lac Érié, le lac Ontario et le lac Supérieur en utilisant des mesures faites entre 2005 et 2015.Note de bas de page 8 Dans tous les cas, les concentrations analytiquement non détectables ont été remplacées par des valeurs correspondant à la moitié de la limite de détection (LD). La concentration médiane de thallium (total ou dissous) pour toutes les régions du Canada se situe entre 0,002 et 0,05 µg/L (tableau 7-3), ce qui est similaire aux concentrations Tl en eau douce de 0,005 à 0,01 µg/L estimées par Reimann et Caritat (1998). Des concentrations plus élevées de thallium (maximum de 4,4 µg/L) ont été détectées dans les écozones des Plaines boréales et des Prairies et peuvent être dues, au moins en partie, à la désagrégation naturelle du substrat rocheux sédimentaire. Les concentrations médianes de thallium ont également été calculées pour les Grands Lacs (à l’exception du lac Michigan) à partir des données recueillies de 2005 à 2015 par le groupe de contrôle et de surveillance de la qualité de l’eau du CCCE. Les plages de concentrations de 0,001 à 0,009 µg/L de thallium total dissous moyen (tableau 7-3) sont raisonnablement en accord avec ce qui a été rapporté pour les Grands Lacs par Cheam (1995, 2001).
Région |
Taille de l’échantillon (% de détection) |
Plage de conc. du Tl (µg/L) |
Médiane du Tl (µg/L) |
---|---|---|---|
Bouclier boréal |
159 (0 %) |
< 0,01 à < 0,06 |
0,05 |
Maritime de l’Atlantiquea |
2 (0 %) |
< 0,1 |
0,05 |
Plaines boréales |
629 (51 %) |
< 0,0003 à 4,4 |
0,05 |
Prairies |
411 (88 %) |
< 0,01 à 1,03 |
0,05 |
Taïga de la Cordillère |
4 (s. o.) |
0,002 à 0,066 |
0,006 |
Cordillère boréale |
286 (s. o.) |
0,0005 à 0,164 |
0,003 |
Maritime du Pacifique |
1 322 (13 %) |
< 0,001 à 0,239 |
0,002 |
Cordillère montagnarde |
1 336 (8,8 %) |
< 0,001 à 0,058 |
0,003 |
Lac Supérieur |
83 (93 %) |
0,0005 à 0,007 (LD = 0,001) |
0,001 |
Lac Supérieur |
-c |
-c |
0,001 |
Lac Huron |
80 (100 %) |
0,002 à 0,013 LD = 0,001) |
0,004 |
Lac Huronb |
-c |
-c |
0,010 |
Lac Érié |
106 (100 %) |
0,004 à 0,052 (LD = 0,001) |
0,009 |
Lac Ériéb |
-c |
-c |
0,009 |
Lac Ontario |
165 (100 %) |
0,003 à 0,059 (LD = 0,001) |
0,007 |
Lac Ontariob |
-c |
-c |
0,006 |
Lac Michiganb |
-c |
-c |
0,014 |
Abréviations : s. o., sans objet
a Les concentrations totales de thallium ne sont pas disponibles pour l’écozone Maritime de l’Atlantique et, par conséquent, les concentrations médianes de thallium dissous sont indiquées.
b Cheam 2001, unité convertie à partir de pmol/L.
c Données non disponibles.
Il existe peu d’information sur les concentrations de thallium dans les sols canadiens. Le MEEO (1993) a rapporté des concentrations du 98e percentile de 0,81 mg/kg et 0,77 mg/kg pour les parcs ruraux et les vieux parcs urbains en Ontario, respectivement. Reimann et Caritat (1998) ont estimé à 0,5 mg/kg, la concentration médiane de thallium dans le sol au Canada. Une étude récente a suggéré des concentrations naturelles moyennes de thallium de 0,20 à 0,82 ppm dans les sols du monde entier (Belzile et Chen 2017).
Des valeurs de teneur naturelle en thallium des plantes d’environ 0,05 mg/kg et de moins de 0,1 mg/kg de poids sec ont été publiées par Krasnodębska-Ostręga et Golimowski (2008) et par Geilmann et coll. (1960). Dans les cendres de plantes, des concentrations de Tl de 1 mg/kg ont été rapportées (Dvornikov et coll. 1973, 1976).
7.2.2 Approche pour la caractérisation de l’exposition
Des scénarios d’exposition détaillés ont été élaborés pour les trois activités sectorielles au Canada qui entraînent les rejets les plus élevés de thallium dans l’eau par les effluents d’eaux usées, tels que déterminés à partir des données de l’INRP (section 5), à savoir l’extraction des métaux, la fusion et l’affinage des métaux communs et la production d’électricité à partir du charbon. Les rejets des installations de traitement des eaux usées ont été pris en compte, mais un scénario d’exposition n’a pas été élaboré de manière quantitative. Bien qu’ils ne soient pas inclus dans la présente évaluation préalable, les scénarios d’exposition aux rejets de thallium provenant d’autres secteurs (p. ex., les pâtes et papiers, les sables bitumineux et les sites d’enfouissement) ont été examinés par ECCC, et les données disponibles n’ont pas indiqué de risque pour l’environnement occasionné par les rejets par ces secteurs, de thallium dans les eaux de surface.
Les concentrations environnementales estimées (CEE) ont été principalement évaluées à partir des concentrations mesurées de thallium dans les eaux de surface, car elles fournissent des preuves de l’exposition d’organismes au thallium produit par des secteurs d’activité précis au Canada. Lorsque les concentrations de Tl total et de Tl dissous étaient disponibles, nous avons retenu la concentration de Tl total, étant donné sa grande solubilité dans l’eau et sa très faible tendance à former des complexes avec les ligands dans l’environnement aquatique. La pertinence et la fiabilité des concentrations environnementales mesurées ont été évaluées en tenant compte de facteurs comme l’année pendant laquelle les échantillons ont été prélevés, la méthode d’analyse utilisée et ses limites de détection, ainsi que le nombre de mesures disponibles. Bien qu’elles reposent sur des concentrations mesurées, les CEE sont désignées comme étant « estimées », parce que les mesures prises à des sites précis pour un secteur d’activité sont utilisées pour représenter le secteur dans son ensemble.
Lorsque les concentrations mesurées n’étaient pas disponibles, les CEE ont été estimées en utilisant une valeur par défaut pour le débit de thallium dans l’effluent. Étant donné que les organismes des écosystèmes aquatiques sont exposés à des sources naturelles et anthropiques de thallium, les concentrations naturelles ont également été prises en compte dans l’estimation de l’exposition totale. Par conséquent, pour un site particulier, les CEE ont été calculées en ajoutant la concentration naturelle médiane appropriée de thallium total dans les eaux de surface (tableau 7-3) aux concentrations aquatiques estimées (CAE) de thallium dans le milieu récepteur provenant de l’activité précise (c’est-à-dire CEE = CAE + concentration naturelle médiane). Lorsque les charges moyennes annuelles de thallium dans les effluents ont été utilisées, les CEE ont été déterminées en appliquant un facteur de dilution de dix aux concentrations mesurées dans les effluents.
7.2.3 Extraction de métaux
Le thallium est un constituant mineur de nombreux minerais. Il coexiste également avec les minerais sulfurés de plomb, de zinc, de cuivre et de fer, ou avec les minéraux associés au cadmium, au fer et au potassium, mais on le retrouve principalement dans le cuivre, le zinc et le plomb extraits au Canada (section 4.2.1). Pour les années 2014 à 2017, le total des rejets annuels de thallium et de ses composés dans l’eau déclarés à l’INRP par le secteur des mines de métaux variait de 31 à 55 kg (section 5) (INRP 2018).
Les mines de métaux canadiennes qui rejettent des effluents à tout moment dans toute eau ayant un débit supérieur à 50 m3/jour sont assujetties au Règlement sur les effluents des mines de métaux et des mines de diamants (REMMMD 2018) pris en vertu de la Loi sur les pêches. Il n’était pas obligatoire de déclarer le thallium dans le cadre de la caractérisation des effluents en vertu de la réglementation avant 2018, mais 39 mines de métaux ont volontairement déclaré les rejets d’effluents de thallium dans l’environnement au cours de la période de 2013 à 2017 dans le cadre du programme d’études de suivi des effets sur l’environnement (ESEE 2018). Le thallium a été ajouté à la liste des substances figurant à l’annexe 5 à surveiller dans le cadre du programme d’ESEE en vertu du REMMMD modifié (Canada 2017b). Pour le dosage du thallium dans l’eau et les effluents en application de la version modifiée du REMMMD, une limite de détection de la méthode d’analyse (LDM) de 0,4 µg/L sera en vigueur (Canada 2017b).
Les concentrations de Tl mesurées de 2013 à 2017 dans les échantillons d’eau de surface prélevés dans les zones exposées et les zones de référence et soumis à ECCC par l’intermédiaire du système de déclaration du REMMMD dans le cadre du programme d’ESEE (ESEE 2018) ont été utilisées pour l’analyse des données. Selon le REMMMD, la zone exposée fait référence aux eaux où vivent des poissons et à l’habitat du poisson qui sont exposés aux effluents des mines de métaux, tandis que la zone de référence fait référence aux eaux où vivent des poissons qui ne sont pas exposées aux effluents des mines de métaux et qui présentent un habitat du poisson similaire à celui de la zone d’exposition (voir l’annexe 5 du REMMMD).
Nous avons effectué des calculs des concentrations de thallium propres à 10 installations minières (dont une installation ayant des effluents combinés d’une mine de métaux et d’une fonderie de métaux communs). Les données pour le Tl soumises (pour la période de déclaration de 5 ans) indiquent que la fréquence de détection de Tl était 10 % plus élevée dans les sites exposés que sur les sites de référence (figure 7-2). La gamme des LDM s’étendait de 0,002 à 10 µg Tl/L. Les échantillons provenant des installations dont la LDM était supérieure à la valeur de la CESEeau et qui contenaient plus d’un tiers d’échantillons non détectables dans l’ensemble de données ont été exclus de l’analyse en raison d’une incertitude considérable (faux positif). Le pourcentage de concentrations détectables par analyse dans les zones exposées et de référence pour chaque installation au cours de la période de déclaration de cinq ans variait de 17 % à 100 %, et de 0 % à 72 %, respectivement. Dans le cas où les concentrations étaient analytiquement non détectables, nous avons remplacé cette valeur par la moitié de la LDM, tandis que les échantillons de référence et les échantillons ayant des valeurs de 0 µg Tl/L (sans LDM déclarée) ont été retirés de l’analyse des données.
Les diagrammes de quartiles des concentrations de Tl pour les zones d’exposition et de référence des 10 installations sont présentés pour les concentrations de thallium dans les eaux de surface (figure 7-2). La ligne rouge représente la CESEeau de 0,8 µg/L par rapport aux concentrations de thallium mesurées. Ces 10 installations ont été sélectionnées parmi les 39 installations en fonction de l’ordre de grandeur de l’élévation de la quantité de thallium dans la ou les zones d’exposition et de la taille de l’échantillon (c.-à-d. plus de 2 ans de données par installation étant donné que l’échantillonnage est effectué tous les trois mois).
Figure 7-2. Diagrammes de quartiles pour les concentrations de thallium dans les eaux de surface déclarées dans le cadre du REMMMD pour dix mines de métaux (2013 à 2017)
La figure 7-2 résume en un diagramme de quartiles les concentrations de thallium dans les eaux de surface pour les zones exposées et de référence de 10 installations sélectionnées déclarées dans le cadre du REMMMD de 2013 à 2017 (ESEE 2018). La ligne rouge représente la CESEeau de 0,8 µg/L par rapport aux concentrations de thallium mesurées. Les concentrations moyennes de thallium dans les zones exposées des installations 1, 2 et 9 (c.-à-d. la zone exposée 2 par rapport à la zone de référence 2) étaient plus élevées que dans les zones de référence respectives, mais étaient toutes inférieures à la CESEeau. L’installation 3 a signalé des concentrations élevées de Tl dans la zone exposée, allant de 0,7 à 6,5 µg/L, avec une concentration au 50e percentile de 1,8 µg/L et au 95e percentile de 5,2 µg/L, qui dépasse la CESEeau
Les installations 9 et 10 ont plusieurs zones exposées et de référence situées sur les mêmes plans d’eau, respectivement en aval et en amont du point de rejet (p. ex., l’installation 9) ou situées sur des plans d’eau différents (p. ex., l’installation 10). La taille des échantillons, les fréquences de détection, le minimum, les premiers quantiles, les 50e percentiles, les troisièmes quantiles, les 95e percentiles et le maximum sont indiqués dans le tableau suivant.
Numéro de l’établissement |
Taille de l’échantillon (n) |
Fréquence de détection (%) |
Conc. minimale (µg/L) |
1er quantile (µg/L) |
50e percentile (µg/L) |
3e quantile (µg/L) |
95e percentile (µg/L) |
Conc. maximale (µg/L) |
1 Exp. |
18 |
22 |
0,001 |
0,005 |
0,005 |
0,0092 |
0,029 |
0,039 |
1 Réf. |
18 |
0 |
0,001 |
0,005 |
0,005 |
0,0048 |
0,005 |
0,005 |
2 Exp. |
15 |
53 |
0,005 |
0,01 |
0,014 |
0,015 |
0,025 |
0,025 |
2 Réf. |
14 |
0 |
0,005 |
0,005 |
0,005 |
0,005 |
0,005 |
0,005 |
3 Exp. |
12 |
100 |
0,7 |
1,2 |
1,8 |
2,4 |
5,2 |
6,5 |
3 Réf. |
12 |
0 |
0,05 |
0,05 |
0,05 |
0,058 |
0,1 |
0,1 |
4 Exp. |
19 |
74 |
0,0025 |
0,023 |
0,051 |
0,072 |
0,21 |
0,3 |
4 Réf. |
18 |
72 |
0,0025 |
0,0065 |
0,012 |
0,059 |
0,22 |
0,3 |
5 Exp. |
21 |
43 |
0,05 |
0,05 |
0,05 |
0,18 |
0,64 |
0,7 |
5 Réf. |
20 |
0 |
0,05 |
0,05 |
0,05 |
0,073 |
0,073 |
0,5 |
6 Exp. |
48 |
23 |
0,005 |
0,015 |
0,05 |
0,24 |
0,05 |
5 |
6 Réf. |
48 |
15 |
0,001 |
0,005 |
0,05 |
0,033 |
0,05 |
0,05 |
7 Exp. |
11 |
45 |
0,05 |
0,05 |
0,05 |
0,29 |
1,1 |
1,6 |
7 Réf. |
12 |
0 |
0,05 |
0,05 |
0,05 |
0,05 |
0,05 |
0,05 |
8 Exp. |
20 |
20 |
0,024 |
0,05 |
0,05 |
0,33 |
2,5 |
2,5 |
8 Réf. |
20 |
0 |
0,005 |
0,05 |
0,05 |
0,29 |
2,5 |
2,5 |
9 Exp. |
6 |
17 |
0,01 |
0,01 |
0,015 |
0,023 |
0,058 |
0,07 |
9 Réf. |
6 |
50 |
0,001 |
0,003 |
0,012 |
0,018 |
0,05 |
0,06 |
9 Exp. 2 |
8 |
75 |
0,02 |
0,037 |
0,057 |
0,049 |
0,070 |
0,074 |
9 Réf. 2 |
6 |
0 |
0,001 |
0,001 |
0,001 |
0,0073 |
0,02 |
0,02 |
9 Exp. 3 |
6 |
0 |
0,001 |
0,001 |
0,001 |
0,0073 |
0,02 |
0,02 |
9 Exp. 4 |
6 |
0 |
0,001 |
0,001 |
0,001 |
0,0073 |
0,02 |
0,02 |
9 Réf. 3 |
7 |
0 |
0,001 |
0,001 |
0,001 |
0,0091 |
0,02 |
0,02 |
10 Exp. |
2 |
50 |
0,0025 |
0,0056 |
0,0088 |
0,0088 |
0,014 |
0,015 |
10 Exp. 2 |
2 |
50 |
0,0025 |
0,0044 |
0,0062 |
0,0063 |
0,0096 |
0,01 |
10 Exp. 3 |
13 |
46 |
0,0025 |
0,0025 |
0,005 |
0,0042 |
0,0064 |
0,007 |
10 Réf. |
14 |
29 |
0,0025 |
0,0025 |
0,0025 |
0,010 |
0,040 |
0,083 |
10 Réf. 2 |
12 |
25 |
0,0025 |
0,0025 |
0,0025 |
0,010 |
0,045 |
0,083 |
10 Réf. 3 |
2 |
50 |
0,0025 |
0,0061 |
0,0098 |
0,0098 |
0,016 |
0,017 |
10 Réf. 4 |
8 |
50 |
0,0025 |
0,0025 |
0,0038 |
0,0045 |
0,0086 |
0,01 |
concentrations élevées de thallium dans les échantillons d’eau de surface provenant des zones exposées de trois installations minières indiquent ce secteur industriel rejette du Tl dans le milieu aquatique. Les concentrations médianes de thallium dans les zones exposées des trois installations d’extraction de métaux (installations 1, 2 et 9) étaient de 2 à 5 fois supérieures aux concentrations médianes des zones de référence. Cependant, la moyenne géométrique, la médiane et le 95e percentile des concentrations de Tl étaient tous inférieurs à la CESEeau de 0,8 µg/L, ce qui indique une augmentation faible à modérée de Tl provenant des effluents des mines de métaux dans un nombre relativement restreint d’installations. L’installation 3 présentait des concentrations de Tl mesurées nettement (36 fois) plus élevées dans la zone exposée, avec une concentration médiane de Tl de 1,8 µg/L, et dépassait la CESEeau (0,8 µg/L) dans 75 % des mesures effectuées de 2014 à 2016.
Il convient de noter que moins de 30 % des installations d’extraction de métaux ont déclaré des mesures de Tl de 2013 à 2017.
7.2.4 Fusion et affinage des métaux communs
Il existe actuellement 11 grandes installations de fusion et d’affinage de métaux communs au Canada qui sont situées en Alberta, en Colombie-Britannique, au Québec, au Manitoba, au Nouveau-Brunswick, à Terre-Neuve-et-Labrador et en Ontario. Le secteur des fonderies et des affineries de métaux communs traite des concentrés provenant de mines et d’usines de métaux ainsi que des matériaux recyclés (p. ex., électroplacage et batteries) pour récupérer, purifier et produire des métaux. Le thallium est l’un des résidus ou sous-produits issus des procédés de fusion. De 2014 à 2017, les rejets de thallium et de ses composés dans l’eau déclarés à l’INRP par les installations de fusion et d’affinage de métaux communs ont varié de 1 441 à 3 067 kg, augmentant chaque année de 2014 à 2016, puis diminuant en 2017 (section 5 du présent rapport; INRP 2018). Les rejets annuels dans le sol déclarés à l’INRP par ce secteur pendant la même période ont été négligeables (INRP 2018).
Les rejets des fonderies de cuivre de première et de deuxième fusions et des affineries de cuivre, ainsi que les rejets des fonderies de zinc de première et de deuxième fusions et des affineries de zinc ont été évalués en suivant la démarche de la Liste des substances d’intérêt prioritaire (LSIP) (Canada 2001). Les émissions atmosphériques de ces installations ont été jugées toxiques au sens de la LCPE (Canada 2001), et les particules contenant des métaux rejetées dans les émissions des fonderies de cuivre et de zinc des raffineries ont été inscrites à l’annexe 1 de la LCPE en 2003. Les installations de fusion et d’affinage des métaux communs au Canada ont ensuite été assujetties aux exigences relatives aux émissions atmosphériques établies dans l’avis de planification de la prévention de la pollution publié dans la Gazette du Canada en 2006 (Canada 2006). L’avis indiquait les cibles de rejet de matière particulaire en suspension, qui contient la plupart des métaux émis dans l’air, dont le thallium. Par conséquent, la présente évaluation se concentre sur les rejets de thallium dans le milieu aquatique par l’intermédiaire des rejets d’effluents et ne tient pas explicitement compte des émissions atmosphériques des installations de fusion et d’affinage de métaux communs.
Les effluents de cinq installations de fusion et d’affinage de métaux communs sont combinés à ceux de mines de métaux, et l’une de ces installations a volontairement soumis des concentrations mesurées de Tl de 2014 à 2017 dans le cadre du programme d’ESEE en vertu du REMMMD (ESEE 2018). Les concentrations de thallium mesurées dans les eaux de surface dans les deux zones exposées en aval du rejet d’effluents et dans les deux zones de référence de l’installation 1 sont résumées au tableau 7-4. Les concentrations de thallium mesurées dans les deux zones exposées et les sites de référence correspondants étaient comparables et étaient inférieures à la CESEeau, ce qui laisse à pense qu’il n’y a aucune augmentation significative du Tl dans le milieu récepteur, causée par les rejets d’effluents de cette installation.
Installation (code) |
Type de zone |
Taille de l’échantillon (détectable) |
Conc. Tl > CESE (%) |
Moyenne géométriquec (µg/L) |
Médianec (µg/L) |
95e percentilec (µg/L) |
---|---|---|---|---|---|---|
1 |
Exposéea |
16 (0) |
0 % |
0,032 |
0,05 |
0,05 |
1 |
Référenceb |
16 (2) |
0 % |
0,039 |
0,05 |
0,05 |
1 |
Exposéea |
16 (0) |
0 % |
0,032 |
0,05 |
0,05 |
1 |
Référenceb |
16 (0) |
0 % |
0,032 |
0,05 |
0,05 |
a La zone exposée fait référence aux eaux où vivent des poissons et à l’habitat du poisson qui sont exposés à un effluent (annexe 5 du REMMMD).
b La zone de référence fait référence aux eaux où vivent des poissons et où se trouve un habitat du poisson, qui ne sont pas exposées à un effluent et qui présentent, dans la mesure du possible, les caractéristiques les plus proches de celles de la zone exposée (annexe 5 du REMMMD).
C La limite de détection est de 0,1 à 0,01 µg/L.
Les rapports antérieurs des ESEE ont également été étudiés et de l’information sur les concentrations de Tl a été analysée pour certaines installations supplémentaires qui n’avaient pas soumis de données par l’intermédiaire de l’outil de déclaration du REMMMD (ESEE 2018). Les concentrations de Tl mesurées dans les eaux de surface étaient disponibles pour trois autres installations de fusion et d’affinage de métaux communs dont les effluents étaient combinés à ceux d’une mine de métaux (pour des années de déclaration différentes). Les concentrations de Tl mesurées sur les sites exposés et de référence sont résumées sous forme de plages plutôt que de moyennes géométriques, de concentrations médianes ou de 95e percentiles en raison de la trop grande variabilité des tailles d’échantillon rapportées et de la sélection des sites exposés (tableau 7-5). Toutes les mesures de Tl sur les sites exposés et de référence se situaient dans la même plage, ce qui suggère une faible augmentation des concentrations de Tl dans les rejets d’effluents de ces installations. Il est important de noter que toutes les concentrations en Tl mesurées étaient inférieures à la CESEeau de 0,8 µg/L.
Installation (code) |
Années de déclaration |
Type de zone |
Taille de l’échantillon (détect.) |
Détect. > CESE (%) |
Plage de concentration du Tl (µg/L) |
---|---|---|---|---|---|
4 |
2008 à 2010 |
Exposéea |
6 (0) |
0 % |
< LD (0,1 à 0,3) |
4 |
2008 à 2010 |
Référenceb |
11 (0) |
0 % |
< LD (0,1 à 0,3) |
5 |
2004 à 2014 |
Exposéea |
77 (54) |
0 % |
< LD (0,002 à 0,1) à 0,2 |
5 |
2004 à 2014 |
Référenceb |
33 (12) |
0 % |
< DL (0,002 à 0,1) à 0,1 |
6 |
2006 à 2011 |
Exposéea |
6 (5) |
0 % |
0,0025 à 0,026 |
6 |
2006 à 2011 |
Référenceb |
1 (0) |
0 % |
< DL (0,01) |
Abréviation : LD, limite de détection de 0,002 à 0,3 µg/L.
a La zone exposée signifie les eaux où vivent des poissons et l’habitat du poisson qui sont exposés à un effluent (annexe 5 du REMMMD).
b La zone de référence signifie les eaux où vivent des poissons et où se trouve un habitat du poisson, qui ne sont pas exposées à un effluent et qui présentent, dans la mesure du possible, les caractéristiques les plus proches de celles de la zone exposée (annexe 5 du REMMMD).
Nous avons aussi pris en compte les rejets de Tl dans l’environnement de deux installations autonomes (installations 2 et 3) qui ne sont pas soumises au REMMMD. Les concentrations de thallium pour l’installation 2 étaient disponibles dans les eaux réceptrices (zones exposées) et les zones de référence pour la période de 2011 à 2013 (tableau 7-6) (Ecoscape Environmental Consultants Ltd. et Larratt Aquatic Consulting Ltd. 2014). Un total de 120 (58 % de détections à une LDM de 0,002 µg/L) et de 197 (91 % de détection à une LDM de 0,002 µg/L) échantillons d’eau de surface ont été prélevés respectivement sur deux sites de référence et six sites d’exposition, de juillet 2011 à avril 2013. Des échantillons d’eau de surface ont été prélevés le long d’un transect s’étendant de 3 à 35 m en aval des trois sites de rejet des effluents (sites de rejet II, III et IV) pendant les saisons de faible débit en 2011. Deux des trois échantillons de thallium prélevés en juillet 2011 sur le site de rejet III se trouvaient au-dessus de la CESEeau (soit 0,98 et 1,16 µg/L). En novembre 2011, es concentrations de thallium ont été réduites à moins de 0,02 µg/L au même lieu, ce qui laisse à penser que les rejets de Tl sur le site sont probablement préoccupants pendant les saisons de faible débit. Les concentrations en Tl des sites de rejet II et IV étaient toutes inférieures à la CESEeau au cours des mêmes périodes d’échantillonnage. Des échantillons ordinaires d’eau de surface ont été prélevés sur deux sites de référence et trois sites exposés (tableau 7-6). La zone exposée 2 est la zone de dilution initiale située à 0,23 km en aval du site de rejet II. Les échantillons prélevés à cet endroit ont montré des concentrations de Tl relativement élevées à la moyenne géométrique et au 95e percentile et deux mesures (3 %) étaient supérieures à la CESEeau. Toutefois, les concentrations médianes de Tl se situent dans la même plage que celles des zones de référence (tableau 7-6). Les concentrations médianes et/ou moyennes géométriques de Tl dans les eaux de surface dans trois zones exposées (exposée 2, 3 et 4) et aux sites de rejet II et III sont supérieures aux concentrations correspondantes des zones de référence, ce qui confirme le rejet de Tl dans le milieu aquatique par l’installation.
Type de zone |
Taille de l’échantillon (détect.) |
Détect. > CESE (%) |
Plage de concentration (µg/L)g |
Moyenne géométrique (µg/L) |
Médiane (µg/L) |
95e percentile (µg/L) |
---|---|---|---|---|---|---|
Site de rejet IIa |
6 (6) |
0 % |
0,0277 à 0,4 |
0,09 |
0,13 |
0,36 |
Site de rejet IIIa |
6 (6) |
33 % |
0,0073 à 1,16 |
0,10 |
0,32 |
1,12 |
Site de rejet IVa |
6 (4) |
0 % |
< LD à 0,0023 |
0,0019 |
0,0024 |
0,0032 |
Exposée 2b |
59 (50) |
3 % |
< LD à 1,06 |
0,0105 |
0,0029 |
0,78 |
Exposée 3c |
59 (53) |
0 % |
< LD à 0,134 |
0,0116 |
0,0166 |
0,123 |
Exposée 4d |
61 (61) |
0 % |
0,0034 à 0,107 |
0,0129 |
0,0114 |
0,0294 |
Référence 1 |
59 (32) |
0 % |
< LD à 0,0044 |
0,0017 |
0,0021 |
0,0036 |
Référence 2f |
61 (38) |
0 % |
< DL à 0,0039 |
0,0018 |
0,0021 |
0,0035 |
a Les sites de rejet II, III et IV sont situés entre 5 à 35 m en aval des émissaires CII, CIII et CIV.
b Exposée 2 est la zone de dilution initiale située à 0,23 km en aval de l’émissaire CII, à environ 0,72 km en aval de l’émissaire CIII.
C Exposée 3 est la zone située à 1,09 km en aval de l’émissaire CII.
d Exposée 4 est la zone située à 15,8 km en aval de l’émissaire CII.
e Référence 1 est la zone située à 1,975 km en amont de l’émissaire de la CII.
f Référence 2 est la zone située à 9,72 km en amont de l’émissaire de la CII.
g LD, limite de détection de 0,002 µg/L.
Comme l’indiquent les échantillons d’eau de surface prélevés le long d’un transect pour l’installation 2, deux des six échantillons prélevés sur le site de rejet III ont dépassé la CESEeau en 2011, ce qui laisse supposer un risque potentiel d’élévation de la quantité de Tl à proximité du site. Aucune autre mesure n’a été signalée sur le site dans le rapport environnemental de l’installation (Ecoscape Environmental Consultants Ltd. et Larratt Aquatic Consulting Ltd. 2014). Par conséquent, comme autre élément de preuve, la concentration environnementale prévue de Tl a également été estimée à partir des rejets aquatiques annuels déclarés à l’INRP par l’installation de 2014 à 2017. Les rejets annuels moyens de Tl dans l’eau et un facteur de dilution de 10 ont été utilisés pour calculer les concentrations aquatiques estimées (CAE) de thallium, comme décrit dans la section 7.2.2. La CEE pour les eaux réceptrices a été calculée comme la somme de la CAE et des concentrations naturelles médianes pour l’écozone où l’installation était située. La CEE calculée était de 1,13 µg/L, soit 1,4 fois plus que la CESEeau, ce qui indique un rejet de Tl préoccupant par l’installation.
Pour l’installation 3, la CEE du thallium a été estimée à partir des rejets aquatiques annuels déclarés à l’INRP par l’installation de 2014 à 2017. La CEE calculée était de 2,72 µg/L, soit 3,4 fois plus que la CESEeau de 0,8 µg/L, ce qui indique une très forte probabilité que le rejet de Tl de l’installation aura un impact environnemental.
7.2.5 Production d’électricité à partir du charbon
La volatilisation du thallium causée par la combustion du charbon à haute température et la recondensation ultérieure sur des particules de cendres plus fines entraînent des concentrations de thallium sur les particules de cendres jusqu’à 10 fois plus élevées que dans le charbon lui-même (Cheam 2001). Le dépôt de cendres volantes et le rejet d’effluents provenant des bassins de cendres du secteur de la production d’électricité peuvent entraîner le rejet de Tl dans l’environnement. Des données limitées sont disponibles pour les concentrations de Tl à proximité de ces installations. Des rejets annuels de 30 à 62 kg de thallium dans l’air provenant de ce secteur au Canada ont été déclarés pour la période de 2014 à 2017. Aucun rejet de Tl dans l’eau provenant de centrales électriques alimentées au charbon n’a été déclaré au cours de la même période (INRP 2018).
En 2006, le CCME a approuvé la mise en œuvre de standards pancanadiens relatifs aux émissions de mercure par les centrales électriques alimentées au charbon (CCME 2006). Bien que l’objectif des normes soit de réduire les émissions de mercure des poussières de carneau, la technologie développée a également permis de réduire les émissions globales de particules dans l’air, incluant les métaux lourds élémentaires coexistants comme le thallium.
En 2005, après le déversement d’hydrocarbures dans le lac Wabamun, le ministère de l’Environnement de l’Alberta a mené des enquêtes sur la qualité de l’eau du lac sur les rives duquel ont été construites deux centrales électriques alimentées au charbon (Alberta Environment 2006). Les concentrations de thallium mesurées dans 54 échantillons d’eau prélevés dans la zone pélagique du lac étaient toutes inférieures à la LDM de 0,003 μg/L (Alberta Environment 2006). En comparaison, 33 échantillons prélevés en 2002 dans ce lac présentaient une concentration maximale de thallium de 0,011 µg/L (avec une LDM de 0,005 μg/L). Par conséquent, la CEE pour le lac Wabamun est basée sur les données de 2002 (tableau 7-7).
Le tableau 7-7 résume les concentrations de thallium mesurées dans les effluents et les eaux de surface réceptrices à proximité de sept installations de production d’électricité au Canada rapportées par Cheam (2000, 2001). Les installations qui sont maintenant fermées ont été exclues de la collecte de données. Les rejets des bassins de cendres, des bassins de lixiviation et des eaux usées ont été considérés comme des effluents, et un facteur de dilution de 10 est appliqué aux concentrations de Tl dans ces effluents pour calculer la CAE de thallium correspondante. La CEE a été calculée comme décrit précédemment. Les CEE calculées dans les rejets en aval d’un bassin de cendres se sont avérées supérieures à la CESEeau dans une installation.
Installation (code) |
Endroit |
Concentration de Tlc (µg/L) |
CAEc (µg/L) |
CEEc,d (µg/L) |
---|---|---|---|---|
1 |
Ruisseau sous le réservoir de l’installationa |
0,10 |
0,10 |
0,10 |
2 |
Site de rejetb |
0,06 |
0,01 |
0,06 |
3 |
2 km à l’est de l’installationa |
0,29 |
0,29 |
0,29 |
3 |
Rejet traitéb |
4,0 |
0,40 |
0,45 |
3 |
Rejet d’un bassin de lixiviation des cendresb |
5,1 |
0,51 |
0,56 |
4 |
Rejet d’eaux usées dans un bassinb |
0,89 |
0,09 |
0,14 |
5 |
Rejet d’un bassin de lixiviation des cendresb |
0,40 |
0,04 |
0,09 |
5 |
Rejet d’eaux uséesb |
0,56 |
0,06 |
0,11 |
6 |
Rejet final d’eaux usées, traitéesb |
0,37 |
0,04 |
0,09 |
6 |
Rejet d’un bassin de lixiviation des cendresb |
1,0 |
0,10 |
0,15 |
7 |
Rejet d’un bassin de cendresb |
24 |
2,4 |
2,9 |
7 |
Rejet de la fosse Bb |
0,98 |
0,10 |
0,15 |
8 et 9 |
Lac Wabamuna |
0,01 |
0,01 |
0,01 |
Abréviations : CAE, concentration aquatique estimée; CEE, concentration environnementale estimée
a Concentration de Tl dans le milieu aquatique récepteur; aucun facteur de dilution ni concentration naturelle n’est appliqué.
b Concentration de l’effluent; un facteur de dilution de 10 a été appliqué.
c Toutes les valeurs ont été arrondies vers le haut à deux chiffres significatifs.
d CEE = CAE + concentration naturelle médiane basée sur les écozones où sont situées les installations (tableau 7-3).
7.2.6 Usines de traitement des eaux usées
Le thallium peut être rejeté dans les eaux usées par l’utilisation de produits pharmaceutiques, la fabrication de colorants et de feux d’artifice, et des réactions chimiques où le thallium entre en jeu (Couture et coll. 2011), pour aboutir dans des installations de traitement des eaux usées. Une usine de traitement des eaux usées a déclaré avoir rejeté environ 300 kg de thallium dans l’eau au cours de la période 2014 et 2015 (INRP 2017). Comme la plupart des échantillons (94 % en 2014 et 100 % en 2015) présentaient des concentrations de Tl inférieures aux LDM, les quantités rejetées ont été estimées en utilisant la moitié des LDM; ces valeurs peuvent être considérées comme des surestimations. En 2016 et 2017, cette usine a retiré le thallium de sa liste de substances à déclarer parce qu’il n’y avait eu « aucun résultat supérieur à la limite de détection de la méthode (LDM) pendant deux ans » (INRP 2017).
De 2009 à 2012, les rejets de thallium ont été surveillés dans 25 usines de traitement des eaux usées au Canada dans le cadre du projet de recherche et de surveillance des eaux usées du PGPC (Environnement Canada 2013a). Les échantillons d’effluents finaux ont été analysés pour déterminer les concentrations totales de thallium dans l’eau. Le thallium a été quantitativement détecté dans seulement 1 des 191 (c.-à-d. 0,5 %) échantillons d’effluents finaux, à une concentration de 0,059 μg/L. On suppose donc que le thallium est rarement présent dans les effluents d’eaux usées finaux à des concentrations supérieures à une LDM de 0,01 µg/L.
Bien qu’aucun rejet direct dans le sol ne soit prévu, des rejets indirects peuvent résulter de l’épandage de biosolides contenant du Tl (provenant des systèmes de traitement des eaux usées) sur les terres agricoles. Au Canada, la présence de thallium dans les biosolides n’est pas réglementée, mais sa concentration dans les biosolides a considérablement diminué au cours des dernières décennies pour atteindre une concentration médiane de Tl déclarée de 0,26 mg/kg (WEAO 2010). Des concentrations similairement faibles (dans environ 10 % des échantillons) ou des concentrations quantitativement non détectables ont été signalées dans 25 usines de traitement des eaux usées au Canada de 2009 à 2012 (CCCE 2016). Au total, 112 échantillons de boues primaires, 78 échantillons de boues biologiques et 135 échantillons de biosolides traités ont été analysés pour le thallium total. Le thallium a été détecté au-dessus de la LDM de 0,001 mg/kg dans 37 des 325 échantillons de solides (c.-à-d. dans 11 % des échantillons), avec des concentrations maximales de 0,0168, 0,134 et 0,814 mg/kg dans les échantillons de boues primaires, de boues biologiques et de biosolides traités, respectivement.
Hebert et coll. (2011) ont étudié l’impact de l’épandage de biosolides sur les sols sur les concentrations de Tl dans le lait de vache dans les fermes du Saguenay au Québec (Canada), où des biosolides ont été épandus sur les sols pendant plusieurs années. Le thallium n’a pas été détecté au-dessus de la limite de détection, ni dans les biosolides (0,1 mg/kg) ni dans le lait de vache (0,01 mg/L).
Les données du projet de surveillance du PGPC et de l’INRP suggèrent que les rejets annuels de thallium dans l’eau ou l’apport de thallium par l’épandage sur les terres agricoles de biosolides provenant des usines de traitement des eaux usées sont négligeables. Par conséquent, la voie d’exposition au thallium par le secteur des eaux usées n’est pas examinée davantage.
7.3 Caractérisation du risque écologique
L’approche suivie dans la présente évaluation préalable environnementale était d’examiner les données des évaluations et d’obtenir des propositions de conclusion en suivant la méthode du poids de la preuve et le principe de prudence, comme l’exige la LCPE. Nous avons réuni des données pour déterminer le potentiel du thallium d’avoir des effets nocifs pour l’environnement au Canada. Parmi les éléments de preuve examinés, nous comptons ceux qui appuient directement la caractérisation du risque écologique (p. ex., propriétés ou critères d’effet mesurés), de même que les éléments de preuve indirects (p. ex., la classification du danger ou des caractéristiques du devenir par d’autres organismes de réglementation).
7.3.1 Analyse du quotient de risque
Des analyses des quotients de risque (QR) ont été réalisées en comparant les estimations d’exposition (CEE, voir la section 7.2 - Évaluation de l’exposition de l’environnement) avec les données d’écotoxicité (CESE, voir la section 7.1 - Évaluation des effets sur l’environnement) en vue de déterminer s’il existe un potentiel d’effets nocifs sur l’environnement au Canada. Plus précisément, des QR ont été calculés pour le milieu aquatique (c.-à-d. les eaux douces de surface et les eaux marines) dans les scénarios d’exposition décrits à la section 7.2 pour trois secteurs : l’extraction de métaux, la fusion de métaux communs et la production d’électricité à partir du charbon.
La caractérisation du risque écologique du secteur des mines de métaux a utilisé des données brutes sur les eaux douces de surface soumises au programme d’ESEE dans le cadre du REMMMD pour la période de 2013 à 2017 (ESEE 2018). Par conséquent, les CEE ont consisté en des concentrations de Tl mesurées dans les milieux récepteurs (c.-à-d. les zones exposées) et les zones de référence correspondantes des installations d’extraction de métaux. Pour la caractérisation du risque écologique, nous avons calculé les QR pour 10 installations d’extraction de métaux choisies pour l’évaluation de l’exposition écologique dans la section 7.2.3 de ce rapport. Les diagrammes de quartiles (figure 7-2) générés pour les 10 installations ont montré la distribution des QR, avec une ligne rouge pour indiquer où le QR est égal à un (seuil de risque). Les résultats des calculs du QR démontrent l’existence d’un risque potentiel pour l’environnement posé par une installation écologique (QR allant jusqu’à 2,25) en raison des rejets d’effluents de Tl.
La caractérisation du risque écologique pour le secteur de la fusion des métaux communs a été faite en utilisant des données brutes sur les eaux de surface douces et marines, y compris les données du programme d’ESEE pour les quatre installations qui combinent leurs effluents avec des mines de métaux pour des périodes allant jusqu’en 2017 (ESEE 2018), les données déclarées à l’INRP pour deux installations autonomes (INRP 2018) et les données d’un rapport d’évaluation environnementale pour l’une de ces installations (Ecoscape Environmental Consultants Ltd. et Larratt Aquatic Consulting Ltd. 2014). Le tableau 7-8 présente les QR calculés pour les six installations de fusion et d’affinage des métaux communs. Les données apportent une preuve claire que l’installation 3 représente un risque pour l’environnement (QR allant jusqu’à 3,4) en raison du rejet d’effluents contenant du Tl. Les données sur l’installation 2 ont démontré un potentiel de risque pour l’environnement (QR allant jusqu’à 1,4) en raison de rejets de Tl à l’un de ses points de rejet pendant la saison de faible débit.
Installation (code) |
CEE |
CESEeau |
QR |
---|---|---|---|
1 |
0,05 µg/La |
0,8 µg/L |
0,06 |
2 |
< LD à 1,13 µg/Lb |
0,8 µg/L |
jusqu’à 1,4 |
3 |
2,72 µg/Lc |
0,8 µg/L |
3,4 |
4 |
< LD (0,1 à 0,3) µg/Ld |
0,8 µg/L |
< 0,38 |
5 |
< LD à 0,2 µg/Ld |
0,8 µg/L |
jusqu’à 0,25 |
6 |
0,0025 à 0,026 µg/Ld |
0,8 µg/L |
0,003 à 0,032 |
Abréviations : LD, limite de détection; CEE, concentration environnementale estimée; CESE, concentration estimée sans effet; QR, quotient de risque.
a Les CEE sont présentées sous forme de concentrations médianes de thallium calculées dans la section 7.2.4.
b Les CEE sont présentées sous forme de plage de concentrations de thallium mesurées et modélisées dans la section 7.2.4.
c Les CEE sont présentées sous forme de concentrations de thallium modélisées dans la section 7.2.4.
d Les CEE sont présentées sous forme de plage de concentrations de thallium mesurées dans la section 7.2.4.
La caractérisation du risque écologique pour le secteur de la production d’électricité à partir du charbon a été faite en utilisant les données brutes sur l’eau douce publiées par Cheam (2001) et les résultats des enquêtes sur la qualité de l’eau du lac Wabamun (Alberta Environment 2006). Les CEE comprennent des données mesurées pour le Tl provenant de l’eau douce de surface en aval des sites de rejet des centrales électriques ou ont été calculées en appliquant un facteur de dilution de dix aux concentrations de Tl dans les effluents des bassins de rejet des eaux usées. Les données d’une installation ont démontré son potentiel de risque écologique dû aux rejets de Tl au point de rejet de son bassin de cendres, avec un QR estimé à 3,6 (CEE de 2,9 µg/L). Les données d’exposition disponibles suggèrent que les autres centrales électriques alimentées au charbon ne présentaient pas de risque écologique lié aux effluents rejetés dans l’eau douce de surface.
Le tableau 7-9 résume les QR calculés pour les scénarios d’exposition industrielle au thallium examinés dans l’évaluation préalable.
Scénario d’exposition |
Milieu |
Plage de la CEE |
CESE |
Plage du QR |
Nombre d’installations dont le QR > 1 |
---|---|---|---|---|---|
Mines de métaux |
Eau |
0,001 à 1,8 µg/La |
0,8 µg/L |
0,001 à 2,25 |
1b (sur 39) |
Fusion et affinage de métaux communs (4 installations avec des effluents d’extraction de métaux combinés, et 2 installations autonomes) |
Eau |
0,0025 à 2,72 µg/Lb,c |
0,8 µg/L |
0,003 à 3,4 |
2 (sur 5) |
Production d’électricité à partir du charbon |
Eau |
0,056 à 2,9 µg/Ld |
0,8 µg/L |
0,07 à 3,6 |
1 (sur 9) |
Abréviations : CEE, concentration environnementale estimée; CESE, concentration estimée sans effet; QR, quotient de risque.
a Les CEE sont présentées sous forme de concentrations médianes de thallium calculées dans la section 7.2.4.
b Les CEE sont présentées sous forme de plage de concentrations de thallium mesurées et modélisées dans la section 7.2.4.
c Les CEE sont présentées sous forme de concentrations de thallium modélisées dans la section 7.2.4.
d Les CEE sont présentées sous forme de plage de concentrations de thallium mesurées dans la section 7.2.4.
7.3.2 Examen des éléments de preuve
Afin de caractériser le risque écologique du thallium et de ses composés, les données techniques de divers éléments de preuve ont été examinées (comme discuté dans les sections pertinentes du présent rapport) et pondérées qualitativement. Les éléments de preuve clés ayant servi à tirer la conclusion de la présente évaluation sont présentés dans le tableau 7-10, accompagnés d’une analyse globale du poids de la preuve fournie à la section7.3.3. Le niveau de confiance fait référence à l’influence combinée de la qualité et de la variabilité des données, des lacunes dans les données, de la causalité, de la plausibilité et de toute extrapolation requise pour la source de données. La pertinence fait référence à l’impact de l’élément de preuve lorsqu’il s’agit de déterminer le potentiel qu’a la substance de causer des dommages à l’environnement au Canada. Pour l’analyse, nous avons qualifié les potentiels comme étant de faibles à élevés, et attribué cinq résultats possibles pour la pondération.
Élément de preuve |
Niveau de confiancea |
Pertinence pour l’évaluationb |
Poids attribuéc |
---|---|---|---|
Persistance dans l’environnement |
Élevé |
Modérée |
Modéré à élevé |
Bioaccumulation dans les organismes aquatiques ou terrestres |
Faible |
Modérée |
Faible à modéré |
Potentiel de transport à grande distance |
Modéré |
Faible |
Faible à modéré |
CESE pour les organismes aquatiques dans l’eau |
Élevé |
Élevée |
Modéré à élevé |
CESE pour les organismes dans le sol |
Modéré |
Modérée |
Modéré |
Données de surveillance des concentrations de thallium dans l’eau douce de surface (CEE pour l’extraction des métaux) |
Élevé |
Élevée |
Élevé |
Données de surveillance des concentrations de thallium dans l’eau douce de surface (CEE pour la fusion des métaux communs) |
Modéré |
Élevée |
Modéré à élevé |
Données modélisées pour les concentrations de thallium dans les eaux marines et les eaux douces de surface (CEE pour la fusion des métaux communs) |
Modéré |
Élevée |
Modéré à élevé |
Données de surveillance des concentrations de thallium dans l’eau douce de surface (CEE pour les centrales électriques alimentées au charbon) |
Faible |
Modérée |
Faible à modéré |
QR |
Élevé |
Élevée |
Élevé |
Abréviations : CEE, concentration environnementale estimée; CESE, concentration estimée sans effet; QR, quotient de risque.
a Le niveau de confiance est déterminé en tenant compte de la qualité des données, de la variabilité des données, des lacunes des données et de l’adéquation des données à leur objectif.
b La pertinence fait référence à l’incidence de l’élément de preuve dans le cadre de l’évaluation.
c Un poids est attribué à chaque élément de preuve en fonction du niveau de confiance et de la pertinence pour l’évaluation combinés.
7.3.3 Poids de la preuve pour la détermination du potentiel d’effets nocifs sur l’environnement au Canada
Une fois libérés dans l’environnement, le thallium et ses composés se dissolvent et se dissocient pour libérer des ions thallium libres, ce qui entraîne une exposition potentielle des organismes aquatiques et terrestres. Le thallium est persistant et peut être transporté sur de grandes distances vers des régions éloignées, restant ainsi dans l’environnement et entraînant une exposition à long terme des organismes. Selon nos connaissances actuelles, le thallium n’est pas un élément essentiel aux organismes vivants. Le thallium (Tl(I) en particulier) est absorbé par les organismes aquatiques et terrestres et se bioaccumule dans ces derniers. On a signalé des concentrations de thallium considérablement élevées dans des organismes vivant à proximité de sources de rejet (p. ex., des fonderies). Toutefois, en raison de données contradictoires, nous ne pouvons tirer aucune conclusion sur le potentiel de bioamplification du thallium dans les écosystèmes.
Le thallium possède deux états d’oxydation, Tl(I) et Tl(III), et sa spéciation dans les eaux de surface dépend des propriétés physicochimiques du plan d’eau donné. Le thallium(I) est la forme la plus stable thermodynamiquement dans des conditions environnementales neutres. Le thallium(III) est la principale forme signalée dans les Grands Lacs, existant probablement sous forme d’hydroxyde inerte, et pouvant finalement se précipiter dans les sédiments de la colonne d’eau. La biodisponibilité, l’absorption et la bioaccumulation du thallium dans les organismes dépendent toutefois de l’activité du Tl, ainsi cette espèce est la plus pertinente d’un point de vue écotoxicologique. L’interférence compétitive avec les processus biologiques vitaux dépendant du potassium dans les organismes vivants est un mécanisme de la toxicité du thallium bien connu. Le potassium est reconnu comme un facteur potentiel de modification de la toxicité, parce qu’il peut réduire la toxicité du thallium dans les organismes aquatiques. Les données actuelles sont cependant insuffisantes pour qu’il soit considéré comme un facteur de modification de la toxicité dans le calcul de la CESEeau.
Le thallium est rejeté dans le milieu aquatique par de nombreuses industries, notamment l’extraction des métaux, la fusion des métaux communs et la production d’électricité à partir du charbon. Pour la plupart des installations, les rejets sont limités et peu susceptibles de présenter un risque écologique, mais un petit nombre d’installations peuvent rejeter du thallium dans une mesure qui entraîne un risque écologique. Comme il est indiqué à la section 7.3.1, il existe un risque écologique potentiel causé par le Tl dans le milieu aquatique en raison de rejets d’effluents et de rejets de bassins de cendres des fonderies de métaux communs et des centrales électriques alimentées au charbon. Deux des six installations de fusion et d’affinage de métaux communs rejettent des effluents contenant du thallium qui entraînent des concentrations dans l’environnement supérieures à la CESEeau, avec des quotients de risque maximums de ~ 1,4 à 3,4. Une des neuf installations de production d’électricité à partir du charbon rejetait du thallium dans l’eau, ce qui entraînait des concentrations supérieures à la CESEeau, avec un quotient de risque maximal supérieur à 3.
Dans le secteur des mines de métaux, compte tenu des données d’exposition actuellement disponibles, une installation peut rejeter du thallium dans une mesure qui entraîne un risque pour l’environnement (installation 3 discutée dans la section 7.2.3), mais l’exposition au thallium n’est généralement pas préoccupante. Cependant, environ un tiers seulement des installations d’extraction de métaux au Canada ont déclaré des concentrations de thallium dans l’environnement dans le cadre du REMMMD ou du programme d’ESEE au cours des cinq dernières années, et il est raisonnable de supposer que d’autres installations engagées dans des activités similaires pourraient rejeter des concentrations élevées de thallium dans le milieu aquatique. Le thallium a été ajouté à l’exigence de déclaration du REMMMD/ESEE modifié avec une nouvelle LDM de 0,4 µg/L, à partir de 2018, ce qui pourrait éclairer les analyses ultérieures.
Les utilisations du thallium (section 4.3) et les données de l’INRP (section 5) suggèrent que les usines de traitement des eaux usées peuvent rejeter du thallium dans l’environnement. Cependant, d’autres données soumises à l’INRP et de l’information provenant des projets de recherche et de surveillance du PGPC d’ECCC indiquent que les rejets de thallium de ces installations sont peu préoccupants.
Compte tenu de tous les éléments de preuve ci-dessus, l’exposition au thallium présente un risque écologique pour les organismes. Ces données indiquent que le thallium et ses composés ont le potentiel de causer des dommages à l’environnement au Canada.
7.3.4 Sensibilité de la conclusion à l’égard des principales incertitudes
Des scénarios de caractérisation de l’exposition et des risques liés au thallium dans les eaux de surface ont été élaborés pour trois secteurs : l’extraction de métaux, la fusion et l’affinage des métaux communs et la production d’électricité à partir du charbon.
Dans le secteur des mines de métaux au Canada, il existe peu de données sur les concentrations de thallium dans les eaux de surface réceptrices ou dans les effluents, car les données ne sont disponibles que pour environ un tiers des installations. Dans un avenir proche, lorsque des données de surveillance environnementale de grande qualité sur le thallium seront disponibles pour le secteur, une analyse plus approfondie des données pourra être effectuée pour mieux comprendre les impacts potentiels de ce secteur industriel. De même, la caractérisation du risque axée sur le thallium dans le secteur de la fusion des métaux communs a été limitée à 6 des 11 installations, pour lesquelles des données d’exposition étaient disponibles pour les eaux de surface. Puisque les données d’exposition dans les bassins de cendres des centrales électriques alimentées au charbon datent d’avant 2006 elles pourraient ne pas refléter les niveaux d’exposition actuels. Avec la mise en œuvre des standards pancanadiens relatifs aux émissions de mercure des centrales électriques alimentées au charbon (CCME 2006), un pourcentage plus élevé de particules (incluant le thallium) récupérées des poussières de carneau se retrouvant dans les bassins de cendres, ce qui pourrait en fin de compte abaisser les concentrations du thallium rejeté dans les eaux de surface.
Les CEE pour les deux fonderies de métaux communs autonomes et le scénario d’exposition des centrales électriques alimentées au charbon ont été estimés à partir des concentrations des effluents. L’utilisation de données propres à chaque site pourrait éviter le recours à un facteur de dilution ou une concentration naturelle représentative.
Certains ensembles de données sur les concentrations mesurées dans l’environnement contenaient des non-détections et celles-ci ont été remplacées par la moitié de la limite de détection (LD) rapportée. Une analyse de sensibilité a été réalisée pour déterminer si ce remplacement (la demi de la LD) produisait de faux positifs dans le résultat du risque pour l’environnement. Le remplacement par 0 et par ½ LD donne toutefois des résultats similaires.
Les zones exposées et de référence peuvent être situées en aval et en amont sur le même plan d’eau, ou peuvent être situées sur des plans d’eau différents (c.-à-d. qu’elles ne sont pas nécessairement jumelées en amont et en aval). Dans certains cas, il semble que la concentration de thallium dans la zone de référence puisse être influencée par des facteurs naturels ou anthropiques qui conduisent à des valeurs plus élevées que dans la zone exposée désignée. Bien que potentiellement observé pour certaines installations, ce facteur de confusion n’était pas assez important pour influencer le poids de la preuve dans la caractérisation du risque.
Les concentrations de Tl total ont été préférées aux concentrations de Tl dissous lorsque les deux séries de données étaient disponibles dans l’analyse de l’exposition environnementale. Bien que ce soit potentiellement prudent, il a été reconnu que le Tl(I) est l’espèce la plus préoccupante des rejets anthropiques dans les milieux aquatiques récepteurs. En raison de la grande solubilité et de la très faible tendance du Tl(I) à former des complexes avec des ligands dans les eaux de surface, les concentrations de Tl total mesurées étaient souvent similaires (~ 80 %) aux concentrations de Tl dissous lorsque les deux séries de données étaient disponibles.
L’incorporation de facteur(s) de modification de la toxicité dans le calcul des CESE peut donner une analyse réaliste sur le plan environnemental et adaptée aux sites pour les expositions au thallium. Dans l’évaluation actuelle, la CESEeau ne tient pas compte de FMT en raison de données insuffisantes, bien qu’il y ait des preuves que le potassium peut potentiellement réduire la toxicité du thallium pour certains organismes aquatiques. Il est reconnu qu’une valeur de CESE calculée sans utiliser de FMT peut, dans certains cas, être conservatrice et donc plus protectrice des organismes aquatiques à long terme.
En raison de données contradictoires, nous ne pouvons tirer aucune conclusion sur le potentiel de bioamplification du thallium dans les chaînes alimentaires aquatiques ou terrestres. Cependant, le thallium est facilement assimilé par divers organismes et a donc le potentiel de s’accumuler, comme le montrent les concentrations élevées de thallium dans les organismes à proximité des sources de rejets. Il est reconnu que la compréhension actuelle de la bioaccumulation du thallium et des effets qui en résultent sur les récepteurs environnementaux est limitée, et qu’il est donc nécessaire de recueillir davantage de données pour quantifier les concentrations critiques de thallium au niveau des tissus et les effets subcellulaires en cas d’exposition chronique, ainsi que les mécanismes et les voies de détoxication du thallium par divers organismes.
8. Potentiel d’avoir des effets nocifs pour la santé humaine
Le thallium est un élément naturellement présent dans les milieux de l’environnement au Canada. La concentration totale de thallium a été mesurée dans les réseaux de distribution d’eau potable, la poussière domestique et l’air intérieur et extérieur (RNSPA 2011; Santé Canada 2016; communication personnelle, courriel de la Division de l’exposition et de la biosurveillance, Santé Canada, au Bureau de l’évaluation du risque des substances existantes, Santé Canada, daté du 15 février 2016; non référencé, communication personnelle, courriel de la Division de l’exposition et de la biosurveillance, Santé Canada, au Bureau de l’évaluation du risque des substances existantes, Santé Canada, daté du 14 avril 2016; non référencé). La nourriture est la principale source d’exposition des Canadiens au thallium. Il a été mesuré dans le cadre de l’étude sur l’alimentation totale de 1993 à 1999. L’apport alimentaire moyen pour tous les groupes d’âge était de 0,029 μg/kg pc/jour (Santé Canada [modifié en 2011]). Les tout-petits avaient l’apport alimentaire le plus élevé, soit 0,088 μg/kg pc/jour, et les apports alimentaires de thallium diminuaient avec l’âge. Le thallium est présent dans le lait maternel comme contaminant et est une source d’exposition pour les nourrissons. Des apports moyens et du 95e percentile de 0,0089 μg/kg pc/jour et de 0,011 μg/kg pc/jour, respectivement, ont été obtenus à partir des concentrations mesurées dans le lait maternel de mères canadiennes (n = 2001) entre 2008 et 2011 dans le cadre de l’étude de base MIREC (communication personnelle, courriel de 2016 du Bureau d’innocuité des produits chimiques, Direction des aliments, au Bureau de l’évaluation du risque des substances existantes, Santé Canada, sans référence, Arbuckle et coll. 2013).
Des symptômes neurologiques, notamment des troubles du sommeil, de la fatigue, de la faiblesse, de la nervosité, des maux de tête, d’autres altérations psychiatriques et des problèmes neurologiques et musculaires, ont été signalés lors d’une exposition chronique au thallium chez l’homme (IRIS 2009). D’autres symptômes provoqués par le thallium, comme la perte de cheveux et des troubles cutanés ou gastro-intestinaux, ont également été signalés en cas d’exposition chronique à des niveaux élevés de thallium en milieu professionnel (Agence fédérale allemande pour l’environnement 2011).
Les risques pour la santé humaine du thallium et de ses composés ont été caractérisés à l’aide d’une démarche scientifique reposant sur des données de biosurveillance, la Méthode fondée sur la biosurveillance 2 (Santé Canada 2016). Cette approche utilise des données de biosurveillance au niveau de la population provenant d’enquêtes à grande échelle, telles que l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé (ECMS) et la National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES) des États-Unis. Ces données fournissent de l’information précieuse sur la prévalence et la concentration des substances chimiques dans la population générale. L’ECMS et la NHANES mesurent les concentrations de la substance ou de groupement en contenant dans le sang (sang total, sérum, plasma) ou l’urine. Les concentrations totales d’une substance dans le sang ou l’urine peuvent offrir une mesure intégrée biologiquement pertinente des expositions se produisant par plusieurs voies (orale, cutanée et par inhalation) et ayant plusieurs sources (dont les milieux naturels, l’alimentation et l’usage fréquent ou quotidien de certains produits).
Dans la Méthode fondée sur la biosurveillance 2, les données de biosurveillance sont comparées aux valeurs de référence de la biosurveillance humaine, comme un équivalent de biosurveillance (EB) ou une valeur allemande de biosurveillance humaine (p. ex., HBM-I). Les EB sont généralement obtenus à partir de valeurs guides d’exposition basées sur la santé, comme une dose de référence (DR) ou une dose journalière tolérable (DJT). En général, les valeurs guides d’exposition sont converties en EB à l’aide de données pharmacocinétiques ou de corrélations de régression entre l’exposition externe et les concentrations de biomarqueurs (c.-à-d. la concentration chimique dans le sang ou l’urine). Les valeurs allemandes de HBM-I sont généralement obtenues en se basant sur des études humaines ou des données épidémiologiques. Selon l’Agence fédérale allemande pour l’environnement, il ne faut pas s’attendre à des effets nocifs sur la santé lorsque la concentration chimique d’une matrice corporelle (c.-à-d. le sang ou l’urine) est inférieure à la valeur HBM-I (Angerer et coll. 2011). Un examen approfondi des données toxicocinétiques disponibles fait partie intégrante de la Méthode fondée sur la biosurveillance 2. Cette approche n’est recommandée que si le biomarqueur (c.-à-d. la concentration chimique dans le sang total, le plasma, le sérum ou l’urine) est jugé adéquat pour quantifier l’exposition dans la population générale (Santé Canada 2016). Si les expositions (sur la base des données de biosurveillance) sont inférieures à la valeur guide de biosurveillance humaine (c.-à-d. la valeur EB ou HBM-I), la substance ou la portion métallique est considérée comme peu préoccupante pour la santé humaine aux degrés d’exposition actuels (Santé Canada 2016).
Les concentrations de thallium dans l’urine de la population générale du Canada et des États-Unis ont été mesurées lors de l’ECMS et par les études NHANES (tableau 8) (Santé Canada 2016).
La Commission allemande de biosurveillance humaine a calculé une valeur HBM-I de 5 µg/L ou 6,4 µg/g de créatinine — la conversion de la créatinine a été basée sur les critères présentés dans Hays et coll. (2010) — sous laquelle on ne s’attend pas à observer d’effets nocifs associés à l’exposition au thallium (Agence fédérale allemande pour l’environnement 2011; Santé Canada 2016). La valeur HBM-I est basée sur les données de deux études épidémiologiques réalisées sur des travailleurs exposés au thallium et des personnes vivant à proximité d’une source industrielle, qui ont également servi de base à la conclusion de l’OMS-PISSC selon laquelle « les taux d’excrétion rénale de thallium inférieurs à 5 µg/L d’urine n’ont pas d’effets nuisibles sur la santé » (Agence fédérale allemande pour l’environnement 2011). La médiane et le 95e percentile des concentrations urinaires provenant des données de biosurveillance et la valeur de HMB-I sont présentés dans le tableau 8-1 ci-dessous.
Population visée par l’enquête |
Âge (années) |
Médiane (IC à 95 %) |
95e percentile (IC à 95 %) |
HBM-I |
Dépassement |
---|---|---|---|---|---|
Cycle 2 de l’ECMSa Population canadienne (2009 à 2011) |
3 à 79 |
0,21 (0,20 à 0,23) |
0,55 (0,49 à 0,61) |
6,4 |
N |
NHANESb Population américaine (2013 à 2014) |
6 ans et plus |
0,154 (0,139 à 0,163) |
0,421 (0,414 à 0,438) |
6,4 |
N |
Abréviations : IC, intervalle de confiance; HBM-1, valeur de biosurveillance humaine de niveau 1 (Allemagne); N, non
a Santé Canada 2013
b CDC 2018
Les données du tableau 8-1 montrent que les concentrations urinaires totales de thallium ajustées en fonction de la créatinine sont inférieures d’un ordre de grandeur à la valeur HBM-I de 6,4 µg/g de créatinine. Par conséquent, les données de biosurveillance du Canada et des États-Unis montrent que les substances contenant du thallium sont peu préoccupantes aux degrés d’exposition actuels du grand public. De plus amples détails sont présentés dans le document d’évaluation scientifique Méthode fondée sur la biosurveillance 2 (Santé Canada 2016).
8.1 Incertitudes de l’évaluation des risques pour la santé humaine
Les incertitudes associées à l’approche de biosurveillance ont été décrites dans le document d’évaluation scientifique (Santé Canada 2016). Bien qu’il n’y ait pas de données de biosurveillance pour les enfants de moins de 3 ans ou les enfants de 1 à 4 ans, qui ont les apports alimentaires les plus élevés (par rapport au poids corporel), il ne semble pas y avoir de tendances liées à l’âge avec des concentrations de thallium urinaire ajustées en fonction de la créatinine. L’ensemble de données sur les dangers du thallium est relativement robuste, et il a été examiné par les autorités internationales. Il existe une incertitude dans l’évaluation des effets du thallium sur la santé, car le nombre limité d’études sur la génotoxicité des composés du thallium donne des résultats incohérents en ce qui concerne le potentiel génotoxique, et les preuves de la cancérogénicité du thallium sont inadéquates pour un classement.
9. Conclusion
Compte tenu de tous les éléments de preuve contenus dans la présente ébauche d’évaluation préalable, le thallium et ses composés posent un risque d’être nocif pour l’environnement. Il est proposé de conclure que le thallium et ses composés satisfont aux critères énoncés à l’alinéa 64a) de la LCPE, car ils pénètrent ou peuvent pénétrer dans l’environnement en une quantité ou concentration ou dans des conditions de nature à avoir, immédiatement ou à long terme, un effet nocif sur l’environnement ou sur la diversité biologique. Toutefois, il est proposé de conclure que le thallium et ses composés ne satisfont pas aux critères énoncés à l’alinéa 64b) de la LCPE, car ils ne pénètrent pas dans l’environnement en une quantité ou concentration ou dans des conditions de nature à mettre en danger l’environnement essentiel pour la vie.
À la lumière des renseignements contenus dans la présente ébauche d’évaluation préalable, il est proposé de conclure que le thallium et ses composés ne satisfont pas aux critères énoncés à l’alinéa 64c) de la LCPE, car ils ne pénètrent pas dans l’environnement en une quantité ou une concentration ou dans des conditions de nature à constituer un danger au Canada pour la vie ou la santé humaines.
Il est proposé de conclure que le thallium et ses composés satisfont à un ou à plusieurs des critères énoncés à l’article 64 de la LCPE.
Il est proposé de conclure que le thallium et ses composés répondent aux critères de persistance énoncés dans le Règlement sur la persistance et la bioaccumulation de la LCPE. On considère que le thallium et ses composés sont facilement assimilés par divers organismes et qu’ils ont le potentiel de s’accumuler dans les organismes aquatiques et terrestres. Cependant, aucune conclusion ne peut être tirée sur le potentiel de bioamplification du thallium dans les chaînes alimentaires aquatiques et terrestres compte tenu des données limitées et contradictoires actuellement disponibles.
Références
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Annexe A. Études de toxicité aiguë pour le thallium en eau douce
Groupe |
Organisme d’essai |
Critère d’effet |
Valeur (µg/L)b |
Référence |
---|---|---|---|---|
Poissons |
Crapet arlequin (Lepomis macrochirus) |
CL50 sur 96 h |
125 857a |
Buccafusco et coll. 1981; Dawson 1976 |
Poissons |
Tête-de-boule (Pimephales promelas) |
CL50 sur 96 h |
1 800 |
Kimball 1978 |
Poissons |
Poisson zèbre (Danio rerio) |
CL50 sur 96 h |
870 |
Tatsi et coll. 2015 |
Poissons |
Truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss; Salmo gairdneri) |
CL50 sur 96 h |
3 134a |
Horne et coll. 1983; Pickard et coll. 2001 |
Invertébrés |
Amphipode (Hyalella azteca) |
CL50 sur 7 j |
12 |
Borgmann et coll. 1998 |
Invertébrés |
Amphipode (Gammarus minus) |
CL50 sur 96 h |
100 |
Horne et coll. 1983 |
Invertébrés |
Physe commune de l’est (Physa heterostropha) |
CL50 sur 96 h |
2 500 |
Horne et coll. 1983 |
Invertébrés |
Mouche arlequin (Chironomus riparius) |
CL50 sur 96 h |
148 000 |
Belowitz et coll. 2014 |
Invertébrés |
Oligochète (Tubifex tubifex) |
CL50 sur 96 h |
18 |
Kilic et coll. 2011 |
Invertébrés |
Rotifère (Brachionus calyciflorus) |
CL50 sur 24 h |
7 680 |
Calleja et coll. 1994 |
Invertébrés |
Puce d’eau (Daphnia magna) |
CL50 sur 48 h |
1 608a |
Kimball 1978; LeBlanc 1980; Lin et coll. 2005; Pickard et coll. 2001 |
Invertébrés |
Puce d’eau (Daphnia pulex) |
EC50 sur 48 h |
725 |
Tatsi et coll. 2015 |
Invertébrés |
Puce d’eau (Ceriodaphnia dubia) |
CL50 sur 48 h |
660 |
Lin et coll. 2005 |
Algues |
Algue verte (Pseudokirchneriella subcapitata) |
EC50 sur 48 h taux de croissance |
37 |
Tatsi (communication personnelle, 2017) |
a Moyennes géométriques appliquées aux points de données de la DSE.
b Les critères d’effet de la toxicité énumérés sont pour le Tl(I). Si la spéciation du thallium n’était pas spécifiée dans l’étude, on a supposé qu’il s’agissait de Tl(I). Les critères d’effet ont été convertis en µg/L si les données originales étaient rapportées en mg/L.
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