Décision no 145

Décision de la commissaire et motifs

Sommaire

1. Dans un procès-verbal émis le 5 avril 2023 (procès-verbal) conformément à l’art. 22(2) de la Loi sur l'Agence de la consommation en matière financière du Canada (Loi), le personnel de la Direction de la surveillance et de la mise en application de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada (personnel de l'ACFC) allègue que la Société de Fiducie Community (SFC) a commis deux violations au Règlement sur le coût d'emprunt (sociétés de fiducie et de prêt) (Règlement).

2. Dans le procès-verbal et comme décrit de façon plus détaillée dans le rapport de conformité émis le 5 avril 2023 et joint au procès-verbal (rapport de conformité), le personnel de l'ACFC allègue que :

  1. Du 1er janvier 2010 au 30 novembre 2020, la SFC a omis de fournir aux emprunteurs qui ont conclu une convention de prêt hypothécaire à taux fixe, un encadré informatif indiquant les types et les montants des autres frais, tel que l'exige l'art. 6(2.1)b) du Règlement (violation no 1).
  2. Du 20 janvier 2007 au 30 novembre 2020, la SFC a omis de fournir aux emprunteurs qui ont conclu une convention de prêt hypothécaire à taux fixe, une première déclaration comportant les frais pour la radiation d'une sûreté, tel que l'exige l'art. 8(1)p) du Règlement (violation no 2) (collectivement, les violations).

3. Dans ses observations écrites en réponse au procès-verbal (observations), la SFC admet que la violation no 1 a eu lieu telle qu’alléguée. Quant à la violation no 2, celle-ci nie les allégations. De plus, la SFC conteste les montants de pénalité proposés de 1,6 million de dollars pour la violation no 1 et de 1,55 million de dollars pour la violation no 2. La SFC soutient qu'il serait plus approprié de n'imposer aucune pénalité ou des montants de pénalité considérablement réduits et, de plutôt remédier à la non-conformité par le biais d'un accord de conformité.Note de bas de page 1

4. Puisque la preuve confirme les faits allégués pour la violation no 1, j'accepte l'aveu de la SFC et je conclus que la violation a eu lieu. Les questions à trancher sont de déterminer i) si la violation no 2 a été commise telle qu’alléguée, et ii) s'il faut imposer les pénalités proposées pour les violations, des pénalités moindres, ou aucune pénalité.

5. J'ai examiné le dossier dont je dispose, soit le procès-verbal, le rapport de conformité et les observations. Je conclus que la violation no 2 a aussi été commise telle qu’alléguée. Je conclus qu'il est approprié dans cette affaire d'imposer une pénalité de 1,6 million de dollars pour la violation no 1 et aucune pénalité pour la violation no 2. De plus, j’ordonne le personnel de l'ACFC de résoudre tous les problèmes de conformité non résolus, y compris le remboursement des montants liés uniquement à la violation no 2, et ce, au moyen d'un accord de conformité conclu avec la SFC. Les motifs de ma décision sont exposés ci-après.

Contexte

6. Le Règlement prévoit que les coûts et les frais liés aux emprunts doivent être communiqués de deux façons distinctes. Premièrement, dans un encadré informatif présenté au début de la convention de crédit ou dans un autre document d'information (encadré informatif) et, deuxièmement, dans le barème des frais figurant dans la convention de crédit ou dans un autre document d'information (document d’information initial).

7. Au cours de la période visée par les violations, la SFC a facturé deux frais distincts au moment de la radiation. Des frais de 495 dollars, appelés de différentes façons, soit « frais d’administration de radiation » ou « frais de radiation », ont été facturés aux clients pour la radiation de la sûreté de la SFC sur le bien immobilier. Au cours de cette période, les frais de 495 dollars ont été correctement communiqués dans l'encadré informatif et dans le document d’information initial.

8. Un deuxième frais de 100 dollars était également facturé pour produire un relevé fournissant des renseignements relatifs à la radiation, incluant le montant requis pour rembourser l'hypothèque (frais de relevé de 100 dollars). Les deux violations visent la communication appropriée de ces frais.

9. Il n'est pas contesté que l'encadré informatif – qui fait l'objet de la violation no 1 – ne communiquait pas les frais de relevé de 100 dollars au cours de la période visée. En réalité, l'encadré informatif ne communiquait pas de frais de relevé de quelque nature que ce soit. 

10. Le document d’information initial – qui fait l'objet de la violation no 2 – ne communiquait pas les frais de relevé spécifiquement liés à une radiation d'hypothèque. Cependant celui-ci communiquait des frais de relevé de prêt hypothécaire de 100 dollars.  

11. Le problème concernant l'absence de communication adéquate et du manquement potentiel au Règlement a été signalée pour la première fois à l'ACFC le 5 février 2021 par l'Ombudsman des services bancaires et d'investissement (OSBI), qui traitait la plainte d'un client. En tant qu’organisme externe de traitement des plaintes approuvé, l'OSBI est tenu d’identifier les problèmes systémiques potentiels dans le cadre de son processus d'examen des plaintes et d’en aviser l'ACFC.

12. Entre février et avril 2021, le personnel de l'ACFC a communiqué avec la SFC afin de déterminer les faits et de vérifier si la SFC s'était acquittée de son obligation de transmettre les Cas de conformité à signaler (CCS).Note de bas de page 2  Le 9 avril 2021, la SFC a soumis un CCS relatif à plusieurs exigences de communication, incluant les frais de relevé de 100 dollars qui font l'objet de la présente procédure.

13. L'exigence de fournir un document d’information initial est entrée en vigueur le 1er septembre 2001 et l'exigence relative à l'encadré informatif est entrée en vigueur le 1er janvier 2010. La SFC a, depuis le 1er décembre 2020, modifié la communication qu'elle fournissait aux clients afin de se conformer aux exigences du Règlement, tel que confirmé par le personnel de l’ACFC. Par conséquent, le personnel de l'ACFC allègue que la violation no 1 a eu lieu entre le 1er janvier 2010 et le 30 novembre 2020. Les premiers dossiers indiquant que des frais ont été facturés par la SFC pour produire un relevé au moment de la radiation, datent du 20 janvier 2007. Par conséquent, le personnel de l'ACFC allègue que la violation no 2 a eu lieu entre le 20 janvier 2007 et le 30 novembre 2020.

Analyse et conclusions

Violation no 1

14. En vertu de l'art. 6(2.1)b) du Règlement,

(2.1) Dans le cas où la déclaration figure dans la convention de crédit portant sur un prêt, une marge de crédit ou une carte de crédit ou dans une demande de carte de crédit : [...] ;

b) l'encadré informatif prévu à l'une des annexes 1 à 5, selon le cas, et contenant les renseignements visés à l’annexe applicable est présenté au début de la convention ou de la demande.

Aux termes des annexes 1 à 5 du Règlement, sous la rubrique « autres frais », les types et les montants, à l’exclusion des frais d’intérêts, doivent être énumérés.

15. La preuve relative au manquement à l'art. 6(2.1)b) du Règlement n’est pas contestée. L'encadré informatif n'indiquait aucun frais pour la production d'un relevé, que ce soit au moment de la radiation ou autrement, pendant la période visée.

16. Par conséquent, j'accepte l'aveu de la SFC selon lequel la violation no 1 a été commise telle qu’alléguée.

Violation no 2

17. En vertu de l'art. 8(1)p) du Règlement :

8(1) La société qui conclut une convention de crédit visant un prêt à taux d'intérêt fixe d'un montant fixe remboursable à une date fixe ou par versements doit remettre à l'emprunteur une première déclaration comportant les renseignements suivants : [...] ;

p) l'existence de frais pour la radiation d'une sûreté et leur montant le jour où la déclaration est remise ; [...].

18. Le personnel de l'ACFC allègue que le document d’information initial de la SFC ne communiquait pas les frais de relevé de 100 dollars. À leur avis, la mention des frais de relevé de prêt hypothécaire était inadéquate et ne satisfaisait pas aux exigences spécifiques en matière de communication du Règlement. Le personnel de l'ACFC souligne qu'en plus d'exiger la communication de tous les coûts et de tous les frais, le Règlement exige une communication spécifique des frais de radiation, que ceux-ci soient facilement identifiables et, dans tous les cas, qu'ils le soient dans un langage clair, simple et n’induisant pas en erreur. L'art. 8(1)p) du Règlement précise que la communication doit comprendre à la fois l'existence du frais pour la radiation d'une sûreté et le montant de ce frais.

19. Selon la SFC, les frais relatifs au relevé de prêt hypothécaire communiqués dans le document d’information initial étaient une catégorie générale qui comprenait tous les frais de relevé, incluant les frais de relevé de 100 dollars. La SFC souligne que la communication des frais de radiation de 495 dollars satisfait aux exigences spécifiques de l'art. 8(1)p) du Règlement. Pour ces raisons, la SFC affirme que le document d’information initial était conforme au Règlement tout en reconnaissant que le libellé des frais relatifs aux relevés de prêt hypothécaire n'était peut-être pas clair quant à son application au moment de la radiation.

20. En ce qui concerne la violation no 2, la SFC conteste également le fait qu’elle n’avait pas bénéficié d'un niveau d'équité procédurale approprié. Premièrement, la SFC affirme qu'elle n'a pas été avisée à l'avance de la disposition spécifique du Règlement visée par la violation no 2 parce qu'un avis de manquement n'a pas été émis avant le procès-verbal. Deuxièmement, la SFC affirme qu'elle n'a pas eu la possibilité de répondre au rapport de conformité final parce que le personnel de l'ACFC a émis le procès-verbal et le rapport de conformité final le même jour. Selon la SFC, ces écarts par rapport au processus interne de l'ACFC habituel l’ont privé de son droit à l’équité procédurale et compromettent la validité de la présente procédure.

21. Je ne suis pas convaincue que la SFC ait fait l'objet d'un manquement à l'équité procédurale dans le cadre de la présente procédure. Bien qu'un avis de manquement puisse habituellement être émis avant un procès-verbal et qu'il s'écoule habituellement du temps entre l’émission du rapport de conformité final et l'émission du procès-verbal, le fait que cette séquence d’événements n’ai pas été suivi en l'espèce ne constitue pas, en soi, un manquement à l’équité procédurale dans le déroulement de la présente procédure. 

22. Le dossier dont je dispose démontre que la SFC a eu plusieurs opportunités de connaître les faits qui lui sont reprochés et de présenter son point de vue avant l'émission du procès-verbal le 5 avril 2023. À la fin de l’année 2022, le personnel de l'ACFC et la SFC ont activement discuté des problèmes à l'origine de la violation no 2, par le biais d'appels téléphoniques et d'échanges écrits. En janvier 2023, le personnel de l'ACFC a fourni explicitement et par écrit, sa position à l'égard de l'art. 8(1)p) du Règlement. La SFC a également eu l'opportunité de fournir des commentaires détaillés sur des extraits de l’ébauche du rapport de conformité, dont beaucoup ont été reflétés dans la version finale.

23. Quoi qu'il en soit, les préoccupations de la SFC ne sont pas présentes dans cette procédure. Le procès-verbal a été émis conformément à la Loi et fournit à la SFC tous les détails des faits qui lui sont reprochés. La SFC a demandé et obtenu une prolongation de 30 jours afin de fournir des observations écrites détaillées relatives à la présente procédure, y compris sur le procès-verbal et le rapport de conformité final, qui sont toutes incluses dans le dossier dont je dispose. Par conséquent, la SFC avait pleine connaissance des allégations portées contre elle et a eu suffisamment de possibilités de présenter ses arguments, garantissant ainsi un niveau approprié d'équité procédurale.

24. En ce qui concerne la question de fond à trancher, je ne suis pas non plus convaincue par l'affirmation de la SFC selon laquelle la mention des frais de relevé de prêt hypothécaire dans le document d’information initial satisfait à l'art. 8(1)p) du Règlement. 

25. Je conclus que la description des frais de relevé de prêt hypothécaire dans le document d’information initial indique clairement que ces frais concernaient un relevé supplémentaire préparé à la demande de l'emprunteur. La description indique que les frais de relevé de prêt hypothécaire étaient « payables pour la préparation de chaque relevé de prêt hypothécaire supplémentaire et la préparation de chaque copie de relevé de prêt hypothécaire de fin d'année ». Cela est contraire aux circonstances de la violation no 2 où des frais de relevé de 100 dollars étaient en cause. Ceux-ci ne sont pas discrétionnaires — un relevé est toujours préparé au moment de la radiation de l'hypothèque — et contient des renseignements spécifiques relatifs à la radiation.

26. Une simple lecture de la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt et de son Règlement démontre qu'une grande importance est accordée à la communication de tous les coûts liés à une convention de crédit. Depuis 2001, il existe une disposition générale exigeant la communication de tous les coûts. De plus, il existe de nombreuses dispositions spécifiques, notamment l'art. 8(1)p) du Règlement, ainsi que d'autres dispositions pertinentes, pour s'assurer qu'aucun coût ne soit omis.

27. L'accent qui est constamment placé sur la communication complète de tous les coûts dans la législation est tout à fait justifié. La communication exacte des frais et des coûts est fondamentale pour l'équité, les pratiques commerciales honnêtes et l'intégrité du système financier. Cela a comme double objectif de permettre aux clients de prendre des décisions financières éclairées et de leur fournir la possibilité de demander des comptes à leurs prêteurs en cas de frais facturés de manière inappropriée. Je constate que ce problème a été révélé à la suite d’une plainte d'un client qui craignait de se voir facturer des montants différents de ceux qui avaient été communiqués.

28. L’importance de la responsabilité en matière réglementaire quant à la communication des coûts est d’autant plus grande dans des circonstances telle que la radiation d'un prêt hypothécaire, où les enjeux sont élevés et où un client peut se sentir obligé de consentir à des frais non communiqués afin de conclure l'achat ou la vente d'une maison. 

29. Aucune analyse du libellé du Règlement, ni aucune affirmation selon laquelle des communications non liées peuvent être interprétées comme incluant cette circonstance particulière, ne change le fait que les frais de relevé de 100 dollars ont été facturés relativement à la radiation d'une sûreté et qu'ils n'ont pas été communiqués comme tels dans le document d’information initial. L'exigence de communication s’applique peu importe si le prêteur choisit de facturer un ou plusieurs frais. Elle s'applique également quelle que soit la façon dont le prêteur choisit de la nommer.

30. Par conséquent, j'estime que les frais de relevé de 100 dollars sont correctement considérés comme faisant partie de « l'existence de frais pour la radiation d’une sûreté et leur montant […] » dont il est question à l'art. 8(1)p) du Règlement et auraient dû être communiqués comme tels. Je conclus donc que le document d’information initial n'était pas conforme aux exigences du Règlement. Par conséquent, je conclus que la violation no 2 a été commise telle qu’alléguée.

Montant des pénalités

31. La SFC a soulevé plusieurs objections légales à l'égard de la méthodologie employée par le personnel de l'ACFC et des montants de pénalité proposés qui en découlent. De plus, la SFC conteste également les conclusions du personnel de l'ACFC concernant chaque critère prévu à l'art. 20 de la Loi. J'aborderai ici les préoccupations générales de la SFC avant d'aborder successivement chaque critère.

32. Selon la SFC, le personnel de l’ACFC a commis une erreur dans son analyse en utilisant le montant maximal de la pénalité de 10 millions de dollars prévu à l’art. 19(2) de la Loi. Selon la SFC, il est inapproprié d'utiliser le maximum de 10 millions de dollars en l'espèce, car les prêts touchés par la communication non conforme ont principalement eu lieu lorsque la pénalité maximale permise par violation était de 500 000 dollars.Note de bas de page 3

33. Il est bien établi qu'un manquement aux exigences en matière de communication existe et persiste jusqu'à ce qu'il soit corrigé. Le nombre de prêts accordés ou la fréquence des opérations ne change pas le fait qu'une violation a eu lieu et qu’elle continue jusqu'à ce qu'elle y soit remédiée. Étant donné que la communication en question n'a été corrigée qu'en décembre 2022, les violations se sont poursuivies après l'entrée en vigueur des nouveaux montants maximaux de pénalités. Par conséquent, le personnel de l'ACFC a correctement appliqué le montant maximal en vigueur au moment de son analyse.

34. La SFC allègue également que le recours du personnel de l'ACFC au Cadre des sanctions administratives pécuniaires publié par l'ACFC, a pour effet d'entraver mon pouvoir discrétionnaire. Je ne suis pas d'accord. La publication du Cadre des sanctions administratives pécuniaires a pour but d’informer adéquatement les entités réglementées sur la façon dont les dispositions législatives seront appliquées par le personnel de l'ACFC. Le résultat est une recommandation du personnel de l'ACFC qui est clairement formulée et contre laquelle l'entité réglementée a la possibilité de faire valoir ses arguments. Le pouvoir discrétionnaire du commissaire n'est pas entravé par ce processus.

35. La SFC soutient également qu'il est inapproprié d'imposer plus d'une pénalité par procédure et que le fait de faire face à deux violations fondées sur les mêmes circonstances constitue une « chose jugée » (principe de Kienapple). Ces objections ont bien été prises en compte dans des décisions antérieures.Note de bas de page 4  Il n'est pas inhabituel que les mêmes circonstances donnent lieu à plusieurs manquements aux obligations réglementaires. La Loi prévoit expressément que toute contravention à une disposition relative aux consommateurs peut faire l'objet de procédures et donne à l'ACFC le pouvoir de le faire.

36. En l'espèce, il y a eu deux manquements distincts aux exigences en matière de communication : dans l'encadré informatif et dans le document d’information initial. Par conséquent, les arguments de la SFC selon lesquels le principe de Kienapple s'applique vont à l'encontre de l'intention du législateur de conférer à l'ACFC le pouvoir discrétionnaire de tenir les entités réglementées responsables pour chaque non-conformité à une disposition relative aux consommateurs. 

Négligence ou intention

37. Le personnel de l'ACFC a évalué le degré de négligence au niveau le plus élevé, soit le niveau 3, et ce pour les deux violations. Les facteurs qui ont contribué à cette évaluation sont les contrôles inadéquats et inefficaces qui ont permis à la communication non conforme de perdurer pendant de nombreuses années sans être détectée ni corrigée, l'absence de politiques et de procédures adéquates ainsi que l'absence de preuves de mesures prises par la SFC qui démontreraient une compréhension adéquate de ses obligations réglementaires. 

38. Lorsque la question a été soulevée dans le cadre d'une plainte d'un client en 2020, la SFC n'a pas identifié de problème en matière de pratiques commerciales à signaler à l'ACFC, tel que requis. Ce n'est que grâce à l'intervention de l'OSBI que l'ACFC a pris connaissance du problème, déclenchant ainsi la séquence d'événements qui ont mené à l'éventuel CCS et à la présente procédure. L'examen effectué lors du changement de propriétaire en 2019 n'a pas mis en lumière ces problèmes et n'a pas commencé les corrections. Le personnel de l'ACFC était également préoccupé par la preuve que la SFC avait une certaine connaissance des lacunes présentes dans ses documents d’information, et ce, dès 2014, mais qu'elle n'a pas pris de mesures correctives, que ce soit délibérément ou par manque d'attention. Selon le personnel de l'ACFC, cette série de manquements à la conformité prouve que la SFC a fait preuve d'une négligence importante dans la compréhension et le respect de ses obligations réglementaires.

39. La SFC s'oppose fortement à la conclusion du personnel de l'ACFC concernant la négligence. La SFC attribue son incapacité à fournir de la preuve d'une fonction de surveillance de la conformité active au passage du temps, à la croissance substantielle de la SFC et aux changements de personnel au cours de cette période. La SFC souligne que la majeure partie de la période visée par les violations s'est échelonnée avant qu'une nouvelle équipe de direction ne prenne les rênes à la suite d'un changement de propriétaire en 2019. La SFC reconnaît certaines lacunes dans la fonction de surveillance de la conformité avant le changement de propriétaire, mais estime que le personnel de l'ACFC n'a pas suffisamment pris en compte les améliorations importantes qu'elle a apportées à ses fonctions de surveillance de la conformité, juridiques et de gestion des risques depuis 2020 pour atténuer le niveau de négligence.

40. Je suis d’accord avec le personnel de l'ACFC que le dossier révèle un niveau très important de négligence dans la façon dont la SFC s'est acquittée de ses responsabilités réglementaires en matière de conformité. Lorsqu'on l'examine à la lumière de la preuve selon laquelle la SFC avait une certaine connaissance de ces problèmes, cela rend la négligence de celle-ci pratiquement impossible à distinguer de l'intention. La longue durée des violations révèle une absence de contrôles efficaces pour identifier et remédier aux manquements en matière de conformité. L'absence d’auto-déclaration permet également de conclure qu’il existe des faiblesses au niveau de la compréhension des obligations réglementaires de la part de la SCF. Bien que les changements apportés en 2020 soient reconnus comme ayant apporté une amélioration substantielle, il n'en demeure pas moins que pendant la période visée par les violations, les contrôles en place n'étaient pas conformes aux normes requises pour identifier les problèmes de conformité ou assurer la conformité au Règlement.

Tort causé

41. Le personnel de l'ACFC a évalué, pour les deux violations, la gravité du tort causé au niveau le plus faible, soit le niveau 1. La SFC affirme qu'en dépit de cette évaluation, les pénalités proposées qui en résultent sont disproportionnées et punitives par rapport au faible impact financier sur les clients individuellement ainsi que collectivement.

42. Le nombre de clients touchés par la communication non conforme pour la violation no 1 était relativement faible. Environ 6 392 personnes ont reçu la communication non conforme et environ la moitié, soit 3 428, se sont vu facturer des frais de relevé de 100 dollars, ce qui a eu une incidence financière totale de 341 326 dollars pour ce manquement. La SFC a atténué ce niveau de tort grâce à un programme de remédiation dans le cadre duquel la SFC a remboursé les clients qu'elle a été en mesure d’identifier et avec les fonds restants, elle a fait un don de bienfaisance pour soutenir la littératie financière. La SFC a été en mesure de communiquer avec 997 de ces clients et de les rembourser. Le montant moyen remboursé par client était de 138 dollars.   

43. Le nombre de clients touchés et les incidences financières totales pour la violation no 2 étaient les mêmes que pour la violation no 1. De plus, le personnel de l'ACFC a estimé qu'il y avait 90 clients supplémentaires et qu'entre 4 500 dollars et 9 000 dollars en frais avaient été facturés entre le 20 janvier 2007 et le 31 décembre 2009. La SFC n'a pas été en mesure de confirmer le montant total facturé en raison de changements de prix et de dossiers incomplets.

44. La SFC a été en mesure d'identifier 32 clients touchés par la violation no 2 qui n'avaient pas été touchés par la violation no 1. La SFC n'a pas tenté de les contacter ni de les rembourser, et elle n'a fait aucun don de bienfaisance pour le montant estimatif de l'impact financier pour ceux qu'elle ne pouvait pas identifier, et ce, conformément à la prétention de la SFC selon laquelle le document d’information initial était conforme au Règlement.

45. Je suis d'accord avec le personnel de l'ACFC et la SFC que le niveau de préjudice financier causé par les deux violations était très faible. La faible incidence financière par client pour les deux violations ainsi que la remédiation financière effectuée par la SFC concernant la violation no 1, atténuent davantage le niveau global de la gravité du tort causé. Cependant, cette conclusion serait renforcée par une remédiation plus complète de la part de la SFC, incluant les clients touchés uniquement par la violation no 2.

Durée de la non-conformité

46. La longue durée des violations augmente l'impact des manquements et appuie les conclusions concernant les lacunes du cadre de contrôle et de surveillance de la conformité de la SFC. La durée est prise en compte dans la conclusion du degré de négligence, soit le niveau 3, et a également été prise en compte dans l'analyse de la gravité du tort.

47. Étant donné que les critères de la négligence ou d'intention ainsi que la gravité du tort ont suffisamment saisi l'élément de la durée dans cette affaire, il n'est pas nécessaire d'examiner davantage la question pour tirer mes conclusions quant au montant des pénalités à imposer.

Antécédents en matière de violations

48. Les antécédents de violations de la SFC au cours des 5 années précédant le procès-verbal ont été dûment considérés comme un facteur atténuant.

Capacité de payer

49. Étant donné le niveau de revenus de la SFC, le personnel de l'ACFC a conclu que celle-ci a la capacité de payer les montants de pénalités proposés. La SFC admet être en mesure de payer, mais s'oppose au montant important des pénalités proposées par rapport à la taille de celle-ci.

50. Je conclus que le dossier appuie l'analyse du personnel de l'ACFC. La question de la proportionnalité n'est pas de savoir si les montants de pénalités proposés sont proportionnels à la taille de la SFC, mais plutôt s'ils sont proportionnels et appropriés pour favoriser la conformité. La norme attendue en matière de protection des consommateurs ne varie pas en fonction de la taille de l'entité réglementée.

Conclusion

51. La SFC me demande d’exercer mon pouvoir discrétionnaire pour réduire considérablement le montant de la pénalité ou de n’imposer aucune pénalité, et me demande plutôt de me fier sur un accord de conformité qu’elle conclurait avec le personnel de l'ACFC. Selon la SFC, cela lui permettrait d'effectuer plus efficacement les améliorations requises à ses documents d’information et à sa fonction de surveillance de la conformité. 

52. Je conviens qu'un accord de conformité offrirait des avantages importants dans cette affaire. Compte tenu des préoccupations concernant le cadre de contrôle de la SFC soulevées lors de la présente procédure, des conseils et des directives supplémentaires seront probablement nécessaires pour assurer la conformité. Par conséquent, j’ordonne le personnel de l'ACFC de remédier à tous les problèmes de conformité non résolus, incluant le remboursement des montants liés uniquement à la violation no 2, au moyen d'un accord de conformité avec la SFC.

53. Cependant, un accord de conformité ne remplace pas la détermination d'un montant de pénalité approprié relativement aux violations. Il est préjudiciable à la confiance dans le système financier et à la réputation de la SFC si des manquements aux dispositions en matière de communication perdurent sans être détectés ni corrigés pendant de longues périodes. Le montant de la pénalité imposée, le cas échéant, doit être approprié pour favoriser la conformité de la part de la SFC et servir à des fins de dissuasion spécifique et générale.

54. Compte tenu de mon analyse des critères de pénalité pertinents, je constate que le niveau très important de négligence qui a permis à la non-conformité de perdurer pendant une période prolongée, sans être détectée ni corrigée, était présent pour les deux violations. Je souligne également que mes conclusions concernant le faible niveau de préjudice financier s'appliquent également aux deux violations. Comme il a été indiqué dans des décisions du commissaire antérieures, le critère de la gravité du tort est plus large que le préjudice financier. Cependant, dans le cas présent, étant donné que le nombre de clients touchés est faible ainsi que les circonstances qui ont menées à la communication non conforme, le niveau global du tort causé est également faible pour les deux violations.

55. Par conséquent, j'estime qu'il est approprié, dans les circonstances, d'imposer la pénalité proposée de 1,6 million de dollars pour la violation no 1.

56. Toutefois, nonobstant les conclusions relatives à tous les critères de pénalité pertinents, je conclus qu'il n'est pas nécessaire d'imposer un montant de pénalité pour la violation no 2. Je suis convaincue que les améliorations déjà apportées aux contrôles de conformité, ainsi que l’exécution fidèle d'un accord de conformité, serviront de manière appropriée à favoriser la conformité par la SFC quant aux exigences relatives à la violation no 2. À mon avis, la présente procédure et les conclusions qui en découlent sont suffisantes pour atteindre cet objectif.

57. De plus, en ce qui concerne l’imposition du montant de la pénalité pour la violation no 1, je suis également convaincue que celui-ci est suffisent, dans cette affaire, pour atteindre l’objectif important d’adresser la dissuasion spécifique et général et est proportionnée aux conclusions de non-conformité.

58. Par conséquent, j'ai décidé d'exercer mon pouvoir discrétionnaire et de ne pas imposer de pénalité pour la violation no 2.

Judith N. Robertson
Commissaire
Agence de la consommation en matière financière du Canada

Le 30 octobre 2023, à Ottawa

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