Le soin des objets ornés de perles de verre – Notes de l'Institut canadien de conservation (ICC) 6/4

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Introduction

On trouve dans les musées canadiens de nombreux objets ornés de perles de verre d'une multitude de couleurs, de formes et de dimensions. Les perles de verre sont presque toujours intégrées à des matériaux d'autres natures. Elles sont souvent enfilées sur du fil fait de tendon, de coton ou sur un brin de laine. En général, elles sont appliquées sur du cuir de tannage industriel ou du cuir tanné selon des techniques autochtones (du cuir semi-tanné) ou sur un tissu de laine ou de soie qui sert de support. Le soin de ces objets pose des problèmes particuliers tels que la fragilisation des matériaux sous-jacents et du fil utilisé. Le plus souvent, les perles sont simplement sales ou mal assujetties, mais il arrive parfois que le verre même se détériore.

Manipulation

Manipuler tous les objets souples, abondamment ornés de perles, avec un soin extrême. Avant de les déplacer, il faut vérifier si certaines perles, qui sont mal assujetties, risquent de se détacher. Il ne faut pas tenir pour acquis que toutes les perles sont bien fixées à l'objet parce que, ayant jusqu'alors été manipulé avec précaution, il n'y a pas eu de perte. Des perles peuvent être moins bien fixées, et ce, même si l'objet a été manipulé de manière adéquate par le passé. Avant de le transporter, glisser sous l'objet un support rigide (par exemple du carton sans acide ou une feuille de matière plastique cannelée), taillé de telle façon qu'il dépasse légèrement le pourtour de l'objet. Veiller à ce que les franges ornées de perles ne pendent pas dans le vide.

Un sac perlé bourré de papier de soie sans acide.
Figure 1. Objet bourré de papier de soie sans acide, sans réserve alcaline.

Mise en réserve

Les matériaux des objets ornés de perles de verre sont généralement sensibles à la lumière et il faut donc les mettre en réserve dans une pièce sombre. Pour protéger ces objets des effets des petites fluctuations rapides de l'humidité relative, les envelopper d'un matériau hygroscopique, par exemple du papier de soie sans acide et sans réserve alcaline ou une pièce de coton propre, puis les ranger dans des contenants fabriqués de matériaux sans acide.

Les objets souples ou ceux ayant une forme inhabituelle, comme les sacs perlés, exigent un soutien particulier. Afin de maintenir leur forme, on peut les bourrer légèrement de papier de soie sans acide et sans réserve alcaline (figure 1), de sacs de tissu remplis de bourre de polyester ou de feuilles de papier sans acide roulées. Lorsque le poids des perles est trop élevé par rapport aux matériaux sur lesquels elles sont fixées, on doit mettre l'objet en réserve et l'exposer à plat. S'assurer que les franges perlées reposent sur un support adéquat et ne pendent pas dans le vide.

Les vêtements décorés de perles doivent être posés à plat et non suspendus. Ces objets sont en effet assez lourds et si on les suspend, les coutures et les fils deviennent trop tendus, et l'on voit apparaître des plis qui, avec le temps, déforment la décoration perlée. Afin d'en maintenir la forme initiale, on peut remplir légèrement les manches, les plis et les autres parties du vêtement qui sont conçues pour avoir du volume avec du papier de soie sans acide et sans réserve alcaline, ou avec des sacs remplis de bourre. Il faut envelopper les objets dont les perles sont mal assujetties dans du papier de soie sans acide et les ranger dans une boîte. De cette façon, on ne risque pas de perdre les perles, si jamais elles se détachent. Placer toutes les perles détachées dans un contenant étiqueté et les mettre en réserve avec l'objet.

Les particules de poussière sont facilement piégées dans la surface irrégulière des broderies perlées et entre les perles enfilées. La poussière réduit l'aspect esthétique de l'objet et de plus, elle a un effet abrasif, constitue une substance nutritive pour les insectes et les moisissures, et, en réagissant avec l'humidité, peut accélérer la dégradation chimique. Il faut donc prendre des mesures adéquates pour protéger les objets mis en réserve contre la poussière, notamment en les rangeant dans des contenants fermés, en recouvrant les tablettes de rangement de rideaux antipoussière en polyéthylène ou en coton, et en faisant un bon entretien des réserves.

Il faut tenir compte des dommages que peuvent causer les insectes lorsqu'on met en réserve des objets ornés de perles. Dans des conditions favorables, les larves de certains insectes nuisibles communs dans les musées (par exemple les mites et les anthrènes) peuvent en effet détruire très rapidement les fils ainsi que les supports en cuir ou en laine. Inspecter ces objets au moins tous les trois mois pour s'assurer qu'ils ne sont pas attaqués par les insectes et qu'ils n'ont pas subi d'autres dommages. Pour plus d'information à ce sujet, consulter les Notes de l'ICC 3/1, Stratégies de lutte préventive contre les infestations et méthode de détection, et les Notes de l'ICC 3/2, Détection des infestations : inspection des installations et liste de contrôle. Il faut immédiatement prendre des mesures adéquates lorsqu'une infestation est observée. Pour des conseils connexes, veuillez contacter l'Institut canadien de conservation.

Nettoyage

Le nettoyage des perles est une opération délicate. Aussi devrait-on, si possible, confier cette tâcheà un restaurateur plutôt que de s'en charger soi-même.

Si l'on ne peut avoir recours à un spécialiste, il est essentiel d'examiner d'abord les perles avec soin pour déterminer s'il y a des endroits où le fil ou le matériau sous-jacent sont affaiblis ou brisés, et pour découvrir les perles dont le verre est instable ou fêlé. Le verre instable, qui est habituellement le résultat d'un déséquilibre dans la composition chimique du verre, survenu pendant la fabrication, ne doit pas être nettoyé; il est souvent fragile, et sa détérioration s'accélère en présence d'humidité. Les indices de l'instabilité du verre comprennent, entre autres, un grand nombre de perles brisées ou fêlées, un dépôt croûteux ou poisseux sur le verre ou le fil, un léger fendillement de la surface de la perle ou une décoloration ou un blanchiment du matériau sous-jacent, au point de contact avec la perle.

Si l'objet est en bon état et que tous les bouts de fil sont bien fixés en place, commencer à nettoyer à l'aide d'une petite brosse souple, en dirigeant la poussière vers l'embout du tuyau d'un aspirateur, maintenu à quelques centimètres de l'objet. Utiliser, dans la mesure du possible, un aspirateur dont la puissance et la force de succion peuvent être réglées. Le faire fonctionner à bas régime et employer des accessoires miniatures. Un morceau de gaze ou de grillage fin placé devant l'embout de l'appareil permettra d'éviter l'aspiration accidentelle des perles mal assujetties. Nettoyer une petite surface à la fois.

Règle générale, il vaut mieux ne pas enlever la saleté logée entre les perles, car la pression qui s'exerce alors sur le fil risque de le briser.

On peut parfois nettoyer les perles stables encrassées au moyen d'un coton-tige légèrement humecté, mais non saturé, d'une solution d'environ 40 % d'alcool éthylique ou d'alcool isopropylique dans l'eau distillée. Mettre le coton-tige en contact avec un essuie-tout qui sert de buvard, afin d'absorber l'excès d'eau. L'alcool éthylique et l'alcool isopropylique ne doivent être utilisés que dans une pièce bien aérée. Tenir ces solvants éloignés des sources de chaleur ou de la flamme nue.

Pour déterminer la solidité de la couleur des perles, du matériau sous-jacent et du fil, mettre à l'essai les méthodes de nettoyage humide dans des zones peu visibles de l'objet. Dans de rares cas, les perles ont été enduites d'un colorant qui se dissout dans les solvants susmentionnés. Veiller à ce que l'excès de solvant n'atteigne pas le fil ou le matériau sous-jacent. Ne jamais plonger un objet dans l'eau ni dans une solution de nettoyage.

Inscrire dans un registre les méthodes de nettoyage employées et les éléments de l'objet (fils et perles) qui ont été traités.

Comment fixer les perles

Pour éviter de perdre des perles qui se détachent, il faut fixer les bouts de fil rompus ou dénoués. Comme la nature des problèmes varie selon les objets, il est difficile de recommander une méthode générale pour fixer ces fils.

Dans certains cas, si le bout de fil est assez long, on peut y faire un noeud avec un deuxième fil. Ce noeud doit être plus gros que le centre des perles pour empêcher celles-ci de glisser (figure 2). Dans d'autres cas, on peut rattacher le bout de fil au matériau sous-jacent, au moyen d'un petit point réalisé avec un fil de coton fin, grand teint (figure 3). Si le bout du fil est trop court ou trop fragile pour y faire un noeud ou l'attacher, on peut introduire un second fil parallèle au fil d'origine dans les perles qui risquent de se perdre. Ce nouveau fil peut être attaché au matériau sous-jacent (figure 4), ou passé par des perles contiguës bien fixées. En effectuant ces travaux, on doit veiller à n'endommager ni le fil d'origine, ni le matériau sous-jacent.

Si le bout de fil est trop court et que le centre des perles est trop étroit pour permettre le passage d'une aiguille, d'un nouveau fil et du fil d'origine, on peut enlever les dernières perles puis, le fil étant dorénavant suffisamment long, on peut l'attacher. Les perles enlevées sont renfilées sur un fil neuf et fixées en place comme l'illustre la figure 4.

Inscrire dans un registre les méthodes de fixation utilisées et les éléments de l'objet (fils et perles) qui ont été traités.

Un noeud d'arrêt.
Figure 2. Un fil noué sur le fil d'origine.
Nouant un fil au matériau sous-jacent.
Figure 3. Le fil d'origine est maintenu en place en nouant un fil au matériau sous-jacent.
Les perles enlevées sont renfilées sur un fil neuf et fixées en place.
Figure 4. Perles renfilées (au moyen d'un second fil).

Éclairement

Une vive intensité lumineuse n'altère pas la couleur des perles de verre coloré. Toutefois, il arrive que le verre incolore devienne pourpre lorsqu'il est exposé à des taux élevés de rayonnement ultraviolet. Par ailleurs, les tissus de laine teinte ou de soie sont très sensibles à la lumière. Ils se décolorent et se fragilisent si l'éclairement est excessif et cette détérioration est irréversible. Leur niveau d'éclairement ne doit pas dépasser 50 lux et le rayonnement ultraviolet doit être inférieur à 75 W/µm. Les objets de peau ou de cuir, à moins qu'ils ne soient peints ou teints, ne sont pas aussi sensibles à la lumière que la soie ou la laine. Leur niveau d'éclairement peut donc atteindre 150 lux, mais le rayonnement ultraviolet doit demeurer à moins de 75 W/µm.

Les objets exposés doivent être protégés du soleil et de la lumière du jour, et ne doivent pas être placés à proximité de sources de lumière artificielle intense. Pour de l'information supplémentaire sur les méthodes et les instruments permettant de mesurer l'éclairement, consulter les Notes de l'ICC 2/4, Trousse d'instruments de mesure des conditions ambiantes (retirée). Des renseignements détaillés sur la lumière peuvent être consultés dans l'article intitulé La lumière, l'ultraviolet et l'infrarouge.

Humidité relative (HR) et température

Chacun des matériaux entrant dans la composition d'un objet se dilate et se contracte différemment en fonction des variations de l'humidité atmosphérique. Il peut se créer des tensions aux points de contact de différents matériaux. Il est donc important de maintenir un taux d'humidité relative (HR) stable et adéquat, ou à tout le moins de réduire la vitesse des fluctuations d'HR.

Dans des conditions où l'HR est extrêmement basse, le tendon sur lequel sont enfilées les perles peut rétrécir et devenir cassant. En général, le rétrécissement du tendon entraîne un tassement des perles. Elles peuvent alors fendre par endroits, surtout si la surface des perles contiguës est rugueuse ou présente des aspérités.

Le tassement serré des perles rend plus rigide le matériau sur lequel elles sont appliquées; dans les cas extrêmes, il peut y avoir gauchissement du support, occasionnant un désalignement des perles. Si le fil est cassant, toute manipulation de l'objet, même prudente, pourrait rompre le fil et entraîner la perte ou le bris des perles.

Une valeur d'HR élevée (supérieure à 65 %) favorise la prolifération de moisissures sur les fils, le cuir ou les tissus (laine ou soie). La moisissure peut fragiliser, décolorer et tacher ces matériaux (consultez les Notes de l'ICC 8/1, Nettoyage du cuir moisi, et le Bulletin technique 26, Prévention des moisissures et récupération des collections : Lignes directrices pour les collections du patrimoine). Des conditions d'HR élevée ou basse peuvent également accélérer la détérioration du verre instable. L'instabilité du verre se manifeste, entre autres, par un léger fendillement de la surface des perles, par l'apparition sur celles-ci d'un dépôt croûteux ou poisseux ou par le bris ou la fêlure de nombreuses perles.

La plage optimale d'HR, pour la plupart des objets décorés de perles de verre, se situe entre 45 et 55 %, à une valeur stable. Le verre instable, selon son état, peut être mis en réserve dans une pièce où l'HR est légèrement supérieure ou inférieure à cet intervalle. Si l'on observe des signes d'instabilité sur le verre, il vaut mieux communiquer avec l'Institut canadien de conservation ou avec un restaurateur expérimenté.

Une température élevée accélère la fragilisation des matières organiques qui se trouvent en présence de perles de verre. Il faut donc prendre toutes les mesures nécessaires pour maintenir la température d'exposition et de mise en réserve à moins de 25 °C.

Il faut éviter que la chaleur rayonnante émise par des projecteurs réchauffe l'intérieur des vitrines étanches ou élève la température de la surface des objets. Pour ce faire, il convient de maintenir un niveau d'éclairement moyen et d'utiliser des lampes qui dégagent moins de chaleur rayonnante.

L'article intitulé Directives en matière d'environnement pour les musées — Température et humidité relative offre un aperçu de l'approche actuelle de l'ICC en matière de régulation de l'HR et de la température ambiantes dans les musées. Pour plus d'information sur les conditions ambiantes relatives à l'HR et à la température, consulter les articles intitulés L'humidité relative inadéquate et Les températures inadéquates.

Fournisseurs

Remarque : Les renseignements qui suivent sont uniquement fournis au lecteur pour l'aider dans ses recherches. Le fait qu'une société ou une entreprise apparaisse dans la présente liste ne constitue pas une approbation de l'Institut canadien de conservation.

Alcool éthylique :

  • Fournisseurs de produits chimiques

Alcool isopropylique (alcool à friction) :

  • Vendu en pharmacie, en concentration de 70 % (diluer dans une quantité égale d'eau, pour le nettoyage des perles de verre)

Feuilles de matière plastique cannelée (Cor-X, Coroplast) :

  • Magasins de rénovation, magasins de matériel d'artiste, fournisseurs de matières plastiques

Carton et papier sans acide :

  • Magasins de matériel d'artiste, fournisseurs de produits de restauration et de conservation, par exemple :

Bourre de polyester

Ne pas utiliser de bourre encollée, car les fibres sont enduites d'un adhésif :

  • Grands magasins, magasins de tissus, magasins de matériel d'artiste

Accessoires miniatures pour aspirateur :

  • Magasins de vente au détail d'aspirateurs, magasins de machines à coudre et de machines à surjeter

Bibliographie

FRISNA, G. « Glass Beads », dans Caring for American Indian Objects: A Practical and Cultural Guide (S. Ogden, éditeur), St. Paul (Minnesota, É.-U.), Minnesota Historical Society Press, , p. 135-145.

GUILD, S. et M. MACDONALD. Prévention des moisissures et récupération des collections : Lignes directrices pour les collections du patrimoine, Bulletin technique 26, Ottawa, Institut canadien de conservation, .

LOUGHEED, S. « Deteriorating Glass Beads on Ethnographic Objects: Symptoms and Conservation », dans Symposium 86 : L'entretien et la sauvegarde des matériaux ethnologiques – Actes (édité par R. Barclay et coll.), Ottawa, Institut canadien de conservation, , p. 109-113.


Par Tom Stone

Première date de publication :
Révision : ,

Texte également publié en version anglaise.
Copies are also available in English.

© Ministre, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada,
Nº de cat. : NM95-57/6-4-2010F
ISSN : 1191-7237


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