Archivée - Décision: 06-015 Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail

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Bernadette Hogue-Burzynski
Suzanne Brisson
Margaret R. Hegier
Jennifer Roy
demandeurs

et

VIA Rail Canada
défendeur
___________________________
No de la décision : 06-015
Le 1er mai 2006

Cette affaire a été entendue par l'agent d'appel Richard Lafrance, à Winnipeg, au Manitoba, en trois occasions, soit les 2 et 3 novembre 2004, du 4 au 7 juillet 2005, et les 24 et 25 novembre 2005. Les exposés finals écrits ont été reçus le 13 février 2006.

Personnes présentes

Pour le demandeur
Stan Pogorzelec, porte-parole des employées
Dave Kissack, porte-parole des employées
Suzan Brisson, préposée adjointe au service
Margaret Hegier, préposée principale au service
Jennifer Roy, préposée adjointe au service
Sarah Coss, préposée adjointe au service
Craig Bailey, préposé à la maintenance
Margaret Temple, préposée principale au service
Carmen Lanahan, préposée principale au service
Bryan Donaldson, préposée principale au service
Ron Susmelj, coordonnateur adjoint des services
Robert Tremblay, membre du Comité de santé et de sécurité (CSS)
Brad Roy, membre du Comité de santé et de sécurité
Chris Nadeau, membre du Comité de santé et de sécurité
Dan Michaluk, président de la section locale 4002,
Syndicat des Travailleurs canadiens de l'automobile (TCA)
Fabien Bisson, représentant des TCA

Pour le défendeur
Brian Kenny, avocat-conseil
Dawson Wolk, directeur des services à la clientèle, Région de l'Ouest
Keith Dagg, directeur de l'exploitation, Vancouver
Kelly Thomas, directeur des services à la clientèle, Vancouver
Dave Hunt, contremaître à l'entretien de l'équipement, Winnipeg
Gary Dy, directeur principal des services à la clientèle
Kevin Williams, coordonnateur adjoint des services
Maurice Désaulniers, chef des services à bord
Gordon Peck, directeur des services à la clientèle, Winnipeg
Dr John Embil, directeur de l'unité de contrôle et de prévention des infections du Centre des sciences de la santé, Winnipeg

Agents de santé et de sécurité (ASS)
Lance Smith, Transports Canada, Surface, Winnipeg
Jim Connor, Transports Canada, Surface, Winnipeg

[1] Cette affaire concerne un appel déposé par Bernadette Hogue-Burzynski, Suzanne Brisson, Margaret R. Hegier et Jennifer Roy, préposées au service à bord de VIA Rail Canada, par suite d'une décision d'absence de danger rendue en raison du refus de travailler des employées.

[2] Ces employées faisaient partie de l'équipe qui devait remplacer celle qui arrivait de Vancouver. Le refus de travailler a eu lieu le 7 janvier 2003, après l'arrivée à Winnipeg du train Canadian VIA-2 (VIA-2) en provenance de Vancouver et à destination de Toronto.

[3] Les employées ont déclaré que les voitures n'avaient pas été nettoyées correctement à Vancouver après que 28 voyageurs présentant des symptômes d'une grippe gastro-intestinale les aient occupées durant le voyage précédent entre Winnipeg et Vancouver. Elles croyaient que de travailler à bord du train les mettrait en contact avec une substance pathogène ou un virus, peut-être semblable au virus Norwalk.

[4] Le 7 janvier 2003, après avoir mené son enquête sur le refus de travailler, l'agent de santé et de sécurité (ASS) Lance Smith a rendu une décision d'absence de danger. Les employées qui ont refusé de travailler en ont appelé de la décision le 20 janvier 2003, conformément au paragraphe 129(7) de la partie II du Code canadien du travail (le Code).

[5] Je retiens les points suivants des témoignages et des documents présentés à l'audience.

[6] Le 3 janvier 2003, le train Canadian VIA-1 (VIA-1) est arrivé à Winnipeg en provenance de Toronto et a pris à son bord de nouveaux chefs des services et une nouvelle équipe de préposés au service. Le train est parti pour Vancouver avec 211 voyageurs à son bord. En chemin, 28 voyageurs se sont trouvés mal et présentaient des symptômes d'infection gastro-intestinale. Certains des voyageurs ont été isolés pour prévenir la transmission de la maladie. Malheureusement, en raison du grand nombre de voyageurs malades, il n'a pas été possible de les isoler tous.

[7] Durant le voyage, l'équipe de travail a dû s'occuper de dizaines de voyageurs très malades et nettoyer des vomissures dans les allées, sur les sièges et à l'arrière des fauteuils. En outre, les toilettes étaient couvertes d'éclaboussures de vomissures et de matières fécales. Les membres de l'équipe ont appliqué la procédure de désinfection en route de VIA.

[8] À Vancouver, un seul employé, M. Désaulniers, le chef des services à bord, a déclaré qu'il ne se sentait pas bien et qu'il avait vomi dans sa chambrette avant d'arriver à Vancouver. Toutefois, après une nuit de repos, il s'est senti mieux et est retourné prendre son poste pour le voyage de retour à Winnipeg. Il a attribué son malaise à la fatigue du voyage précédent et peut-être à un rhume qui sévissait dans sa famille avant son départ à Winnipeg.

[9] À Vancouver, VIA-1 a été renommé VIA-2 pour son voyage de retour à Toronto. Quatre des voitures contaminées ont été remplacées pour le voyage de retour. Toutefois, en raison du manque de voitures, deux d'entre elles (8118 et 8126) ont été nettoyées à fond et remises en service. Un nettoyage à fond consiste à désinfecter toutes les surfaces dures et à nettoyer à la vapeur les surfaces de tissus comme les tapis et les sièges.

[10] Avant l'embarquement dans le train VIA-2 le lendemain pour le voyage de retour, K. Thomas, directeur des services à la clientèle à Vancouver, a informé les membres de l'équipe des conditions à bord du train VIA-1 le jour précédent. Elle a remis aux employées une copie des normes de lavage des mains à bord et de la procédure de désinfection en route à suivre pendant le voyage de retour à Winnipeg.

[11] K. Thomas a affecté à l'équipe une employée supplémentaire pour nettoyer et désinfecter les voitures de façon continue afin de prévenir l'éventuelle propagation d'un virus à bord du train. Elle a donné à cette employée des instructions spécifiques sur ses tâches de désinfection et lui a remis de l'équipement de protection personnelle ainsi que des flacons pulvérisateurs de solutions de nettoyage.

[12] K. Thomas a fourni à l'équipe des dépliants à remettre aux voyageurs pour les informer de la présence possible d'un virus à bord du train et des précautions à prendre pour s'en protéger.

[13] K. Thomas a aussi informé les membres de l'équipe que deux des voitures (8118 et 8126) avaient fait partie du train précédent. En réponse aux inquiétudes exprimées par certaines des employées relativement à la propreté des deux voitures, elle les a assurées que les procédures de santé et de sécurité de Santé Canada avaient été respectées pour le nettoyage à fond des deux voitures.

[14] Outre les dépliants distribués par l'équipe, VIA avait affiché un avis dans les toilettes et les autres aires publiques de la gare et du train pour informer le public de la contamination possible par un virus gastro-intestinal. Les avis informaient le public des précautions à prendre pour prévenir la propagation de cette maladie contagieuse et s'en protéger.

[15] Pendant que le train était en gare, toutes les toilettes du train étaient verrouillées pour empêcher les voyageurs de les utiliser parce qu'à ce moment les voitures n'avaient pas de cuves de rétention.

[16] Quand le train quittait la gare, un employé déverrouillait les toilettes. Il a remarqué, dans une toilette de la voiture 8118, une éclaboussure de matière non identifiée au bas du mur, près de la cuvette des cabinets. Il en a informé K. Williams, coordonnateur adjoint des services. K. Williams et M. Désaulniers, chef des services à bord, ont trouvé des éclaboussures de ce qui aurait pu être des vomissures ou des matières fécales au bas du mur. Ils ont immédiatement verrouillé ces toilettes pour que personne ne puisse les utiliser avant qu'elles soient nettoyées. À Jasper, une préposée au nettoyage est montée pour la nettoyer et K. Williams l'a désinfectée à nouveau par la suite.

[17] Environ deux heures avant l'arrivée à Winnipeg, une voyageuse a déclaré qu'elle ne se sentait pas bien. Elle a été isolée dans une chambrette et est descendue du train à Winnipeg. Elle n'a été vue ni par le Comité de santé et de sécurité au travail ni par l'agent de santé et de sécurité. La chambrette a été vidée de son contenu à l'arrivée à Winnipeg et verrouillée pendant le reste du voyage à destination de Toronto.

[18] À quelques occasions durant le voyage à destination de Winnipeg, M. Temple, préposée principale au service à bord du train VIA-2, a informé les membres du CSS de la présence possible d'un virus à bord du train.

[19] Le jour précédant l'arrivée du train à Winnipeg, les employés membres du CSS ont rencontré G. Dy, directeur principal des services à la clientèle et co-président de l'employeur du CSS hors des trains, pour discuter de la situation à bord du train VIA-2. Ensemble, ils ont décidé d'inspecter les voitures du train dès son entrée en gare.

[20] Avant l'inspection, les employés membres du CSS ont informé l'équipe de relève de la situation à bord du train et de leur intention d'inspecter le train.

[21] Selon les renseignements fournis par les membres du CSS, quatre des employées de l'équipe de relève ont refusé de monter à bord et de travailler dans le train. Elles ont soutenu que les voitures n'avaient pas été nettoyées correctement à Vancouver et que de travailler à bord du train les mettrait en contact avec un virus ou une substance pathogène, peut-être le virus semblable au virus Norwalk.

[22] À l'arrivée du train, les employés membres du CSS sont montés à bord pour procéder à son inspection. G. Peck, directeur des services à la clientèle et co-président substitut de l'employeur du CSS à bord des trains, devait les accompagner, mais il a été retenu par des problèmes d'ordre opérationnel et les autres membres du Comité ont inspecté le train sans lui.

[23] En même temps, Dave Hunt, contremaître à l'entretien de l'équipement, qui avait été informé par K. Thomas, du bureau de Vancouver, de l'incident des toilettes souillées, avait fait venir un autre préposé au nettoyage pour nettoyer les toilettes en question. À la demande du directeur des services à la clientèle, il avait aussi fait nettoyer et désinfecter les toilettes de deux voitures-coach et de la voiture skyline. Il a remis au préposé au nettoyage une copie de la procédure de nettoyage et l'équipement de protection personnel et les produits nettoyants conformes à la procédure.

[24] Dans leurs déclarations et pendant l'audience, les employés membres du CSS ont observé qu'ils n'avaient pas trouvé de bouteilles de solutions de nettoyage, de masques ou d'autres équipements à bord du train. Un employé membre du CSS a déclaré qu'il avait trouvé une vadrouille sale qu'il croyait être la même qui avait été utilisée pendant le voyage précédent pour nettoyer les matières fécales et les vomissures par terre.

[25] Dans sa déclaration, un autre employé membre du CSS a indiqué qu'il était allé inspecter la chambrette où la voyageuse malade avait été isolée pour « voir s'il s'y trouvait des traces de vomissures ou de matières fécales qui confirmeraient qu'elle était malade. Malheureusement, il n'y en n'avait pas. »

[26] Un agent de santé et de sécurité de Transports Canada a ensuite été appelé pour enquêter sur le refus de travailler.

[27] L'ASS Smith a mené son enquête et a établi les faits suivants :

  • Il se trouvait 28 voyageurs malades sur le train VIA-1 à destination de Vancouver;
  • Les membres de l'équipe ont fait de leur mieux pour empêcher la maladie de se propager en isolant les voyageurs malades et en appliquant la procédure de désinfection en route;
  • Quatre voitures pour voyageurs ont été remplacées à Vancouver et deux (8118 et 8126) ont été nettoyées à fond et remises en service en raison d'un manque de voitures de remplacement;
  • Les employées n'étaient pas d'accord avec l'interprétation de la procédure de VIA; elles estimaient que toutes les voitures auraient dû être retirées;
  • Selon elles, les voitures n'avaient peut-être pas été correctement désinfectées;
  • Pendant le voyage de retour à Winnipeg, on a constaté qu'une toilette de la voiture 8118 n'avait pas été nettoyée à fond;
  • La toilette a été désinfectée à Jasper (peut-être pas conformément aux instructions de VIA);
  • On a trouvé dans le train une vadrouille sale qui aurait pu être infectée par le virus pendant le voyage précédent;
  • Santé Canada a participé à l'élaboration de la procédure de désinfection en route;
  • En consultation avec le CSS, VIA Rail a instauré l'utilisation de serviettes désinfectantes Virox par ses employés;
  • Le chef des services à bord a déclaré qu'il ne se sentait pas bien à son arrivée à Vancouver, mais qu'il se sentait mieux le lendemain et que son état s'était amélioré durant le voyage de retour;
  • Au moment de l'enquête, la présence d'un virus semblable au virus Norwalk n'avait pas été confirmée;
  • Après l'arrivée à Winnipeg, on a encore nettoyé les toilettes des deux voitures-coach et de la voiture skyline.

[28] L'ASS a déclaré dans son rapport que les membres du personnel à bord du train étaient en contact quotidien avec le public durant leurs heures de travail. Il y a un risque inhérent d'exposition à un virus quand on entre en contact avec un si grand nombre de gens. Il a rendu une décision d'absence de danger en se basant sur les faits recueillis durant son enquête.

[29] À la demande du défendeur, j'ai entendu le Dr John Embil, dont VIA Rail avait retenu les services en tant qu'expert des maladies infectieuses. On doit noter que VIA a offert aux demandeurs de rencontrer le Dr Embil pour lui présenter leur point de vue et discuter du rapport qu'il avait préparé pour l'audience. Les demandeurs ont refusé l'offre, car ils préféraient procéder à un contre-interrogatoire durant l'audience.

[30] Le Dr Embil a présenté un rapport et a témoigné à l'audience. Il a passé en revue les documents fournis par VIA qui contenaient la présentation de la compagnie, ainsi que celle des demandeurs. Je retiens les points suivants de son rapport et de son témoignage.

[31] Après examen de la procédure de nettoyage et de désinfection en route de VIA, et après comparaison avec ce qui se fait dans d'autres milieux de travail comme les hôpitaux, le Dr Embil était d'avis que la procédure de VIA était satisfaisante, y compris la concentration de javellisant utilisé pour désinfecter.

[32] Dans son rapport, le Dr Embil a précisé la différence entre la désinfection et la stérilisation :

  • La désinfection sert à limiter le nombre de virus dans un lieu donné à un niveau acceptable.
  • La stérilisation sert à éliminer tous les virus et ne peut s'obtenir que dans un environnement strictement contrôlé. On ne peut espérer y parvenir dans un lieu comme un train.

[33] En conséquence, s'il est correctement appliqué, un protocole de désinfection à bord d'un train sert à maintenir la présence de virus à un niveau acceptable pour protéger les employés ou d'autres personnes.

[34] Le Dr Embil a aussi expliqué qu'un virus semblable au virus Norwalk peut vivre jusqu'à 12 jours dans un environnement humide et sur des surfaces de tissus comme les tapis et les sièges qui ne sont pas nettoyées et désinfectées. Sur les surfaces dures comme les robinets, le virus se dessèche et meurt normalement en moins de 12 heures.

[35] Dans son rapport, le Dr Embil a également précisé comme suit l'expression « transmission aéroportée » :

[TRADUCTION]
Elle renvoie à la dispersion dans l'air de particules ou de gouttelettes de matières fécales ou de vomissures qui peuvent contenir un virus. Ces particules sont grosses et tombent rapidement au sol dans un rayon de moins d'un mètre. En fin de compte, c'est le contact et l'ingestion de particules et de gouttelettes de matières fécales ou de vomissures qui provoquent l'infection gastro-intestinale, car les voies respiratoires ne possèdent pas les capteurs nécessaires à ce virus.

[36] Le Dr Embil a affirmé avec insistance que la principale défense contre la transmission d'un virus est le lavage des mains, comme il est décrit dans la procédure de VIA. En outre, il a indiqué qu'il ne faut jamais porter la main à sa bouche ou à son nez sans d'abord se laver les mains.

Exposé final des demandeurs

[37] Dans son exposé final, S. Pogorzelec a soutenu, pour les raisons qui suivent, qu'un danger existait pour les employées qui ont refusé de travailler :

  • VIA avait admis à bord du train VIA-2 un chef qui présentait des symptômes semblables à ceux des voyageurs malades;
  • VIA n'avait pas suivi sa politique qui était de remplacer toutes les voitures où des voyageurs avaient été malades;
  • VIA n'avait pas suivi sa procédure de nettoyage des voitures et les toilettes n'avaient pas été nettoyées et désinfectées correctement.

[38] S. Pogorzelec a soutenu que, contrairement à l'affirmation de VIA selon laquelle l'exposition à un agent biologique est une condition de travail normale, les employées estimaient que, quand l'employeur ne respecte pas sa propre politique de sécurité, les conditions de travail deviennent anormales, car le risque se trouve augmenté au point de devenir un danger pour les employés. Pour renforcer sa position, il a cité la juge Gauthier de la Cour fédérale de justice, qui a déclaré au paragraphe 55 de l'affaire Verville c. Canada (Service correctionnel)1 :

1 Verville c. Canada (Service correctionnel), 2004, CF 767, 26 mai 2004.
[55] Le sens ordinaire des mots de l'alinéa 128(2)b) milite en faveur des points de vue exprimés dans ces décisions de la Commission, parce que le mot « normal » s'entend de quelque chose de régulier, d'un état ou niveau des affaires qui est habituel, de quelque chose qui ne sort pas de l'ordinaire. Il serait donc logique d'exclure un niveau de risque qui n'est pas une caractéristique essentielle, mais qui dépend de la méthode employée pour exécuter une tâche ou exercer une activité. En ce sens, et à titre d'exemple, dirait-on qu'il entre dans les conditions normales d'emploi d'un gardien de sécurité de transporter de l'argent à partir d'un établissement bancaire si des modifications étaient apportées à son emploi de telle sorte que cette tâche doive être exécutée sans arme à feu, sans compagnon et dans un véhicule non blindé?

[39] S. Pogorzelec a soutenu que je devais annuler la décision de l'ASS pour les raisons suivantes :

  • Il a refusé de monter dans le train, d'inspecter les lieux de travail et de vérifier que la procédure de nettoyage des voitures avait été respectée;
  • Il n'a pas interrogé la personne qui avait fait ce travail;
  • Il n'a pas interrogé la voyageuse malade pour savoir à quel point elle était malade, où elle avait été malade et dans quelle mesure les autres voyageurs et l'équipe de travail avaient été exposés;
  • Il n'a pas interrogé la personne préposée au nettoyage des toilettes à Winnipeg. En conséquence, il ne pouvait pas évaluer correctement les mesures de nettoyage prises en route et à la gare ni établir s'il y avait lieu d'appliquer d'autres mesures de désinfection.

  • L'enquête était donc viciée dès le départ. La décision n'était pas fondée et il fallait l'annuler.

[40] En outre, S. Pogorzelec a rappelé l'opinion de la juge Gauthier au paragraphe 51 de la décision précitée2 pour soutenir que l'ASS n'avait pas accordé une importance suffisante aux conclusions des membres du CSS et que cela suffisait à invalider sa décision. La juge Gauthier a écrit ce qui suit à ce propos :

2 Verville c. Canada (Service correctionnel), précitée.
[51] Finalement, la Cour relève qu'il existe plus d'un moyen d'établir que l'on peut raisonnablement compter qu'une situation causera des blessures. Il n'est pas nécessaire que l'on apporte la preuve qu'un agent a été blessé dans les mêmes circonstances exactement. Une supposition raisonnable en la matière pourrait reposer sur des avis d'expert, voire sur les avis de témoins ordinaires ayant l'expérience requise, lorsque tels témoins sont en meilleure position que le juge des faits pour se former l'opinion. Cette supposition pourrait même être établie au moyen d'une déduction découlant logiquement ou raisonnablement de faits connus.

[41] Selon le témoignage de Brad Roy, S. Pogorzelec a soutenu que la vadrouille trouvée dans le train était la même que celle utilisée par l'équipe en poste au voyage précédent pour nettoyer des vomissures et des matières fécales. Cette vadrouille était donc contaminée par des virus et exposait les employées à un virus semblable au virus Norwalk.

[42] S. Pogorzelec a aussi maintenu que les membres du CSS n'avaient pas trouvé de masques à bord du train pour protéger les employées de la transmission aéroportée des matières virales. Là encore, les employées se trouvaient exposées au virus.

[43] S. Pogorzelec a soutenu que les employées étaient exposées au virus parce la solution javellisante utilisée par VIA au moment du refus de travailler pour désinfecter les voitures n'étaient pas suffisamment concentrée pour contrer la propagation du virus et l'éliminer ou désinfecter efficacement les surfaces des voitures. La preuve présentée se trouvait dans une note de service envoyée quelques jours après le refus de travailler par le directeur des services à la clientèle, D. Wolk, aux gestionnaires de VIA. Cette note de service indiquait que Santé Canada avait revu et modifié la concentration de javellisant, qui était passée de 0,05 % à 0,1 %.

[44] Citant la juge Gauthier au paragraphe 35 de l'affaire Verville c. Canada (Service correctionnel)3, S. Pogorzelec a indiqué que la définition de danger n'exigeait pas que toutes les fois que la situation ou la tâche est susceptible de causer des blessures, elle cause des blessures. Elle indique qu'elle doit être susceptible de causer des blessures, mais pas nécessairement chaque fois. À ce propos, la juge Gauthier a écrit :

3 Verville c. Canada (Service correctionnel), précitée.

[45] S. Pogorzelec a aussi maintenu que je devais prendre en considération le fait que trois autres voyageurs avait présenté des symptômes de malaise gastro-intestinal sur ce même train en route pour Toronto. Cela indique que la procédure de désinfection n'avait pas été respectée, que le virus n'avait pas été éliminé et que les employées couraient encore un risque à bord du train.

Exposé final du défendeur

[46] Maître Kenny, avocat de VIA Rail, a soutenu qu'un appel déposé en vertu de l'article 129(7) du Code n'est pas une procédure de novo et, en conséquence, que je devais examiner les faits tels qu'ils étaient au moment de l'enquête de l'ASS. Pour soutenir son point de vue, il a cité la décision rendue par l'agent d'appel Serge Cadieux dans l'affaire Welbourne c. Canadien Pacifique Limitée4, qui a déclaré au paragraphe 13 :

4 Welbourne c. Canadien Pacifique Ltée, agent d'appel Serge Cadieux, décision no 01-008, 22 mars 2001.
[13] Le rôle d'un agent d'appel saisi de l'appel d'une décision d'absence de danger prise par un agent de santé et sécurité à la suite d'un refus de travailler n'est pas d'effectuer une nouvelle enquête sur la cause en appel. L'enquête de l'agent d'appel débute et se base sur l'enquête initiale et le rapport de l'agent de santé et sécurité. L'agent d'appel examine les circonstances qui ont fait l'objet de l'enquête de l'agent de santé et sécurité, analyse les faits qui ont été pris en considération ou présentés, détermine et interprète la législation pertinente aux faits et rend une décision. Finalement, l'agent d'appel décide, comme l'agent de santé et sécurité avant lui, si l'employé ayant refusé de travailler faisait face à un danger au sens du Code et, si c'était le cas, émet les instructions appropriées en vertu du paragraphe 145(2) ou (2.1).

[47] Maître Kenny a aussi soutenu que les inquiétudes des demandeurs étaient, dans le meilleur des cas, basées sur des spéculations et des hypothèses.

[48] En ce qui concerne le témoignage de K. Dagg, directeur de l'exploitation à Vancouver, maître Kenny a soutenu que les deux voitures réutilisées pour le voyage de retour à Winnipeg avaient été nettoyées et désinfectées par les employés de la maintenance de VIA et qu'elles étaient sécuritaires. Son témoignage et les rapports de travail présentés établissent clairement que les deux voitures en question avaient été nettoyées et désinfectées conformément à la procédure de désinfection de VIA. Il a aussi souligné que cette procédure avait été élaborée en consultation avec Santé Canada et avec le Comité des politiques de santé et de sécurité de VIA.

[49] Maître Kenny a soutenu que K. Thomas avait informé les employées des conditions à bord du train et qu'elle leur avait remis des copies de la procédure de désinfection en route avant que le train quitte Vancouver. En outre, K. Thomas a confirmé qu'elle avait discuté de la réutilisation des deux voitures et assuré aux employées que ces voitures avaient été nettoyées et désinfectées conformément à la procédure approuvée par VIA. Elle avait aussi dit aux employées qu'on avait suivi les protocoles de sécurité de Santé Canada pour désinfecter les deux voitures. En conséquence, les voitures étaient sécuritaires et ne présentaient plus de risque d'exposition au virus semblable à Norwalk.

[50] Maître Kenny a aussi affirmé que VIA avait fait tout son possible pour éviter la propagation du virus en affectant un membre supplémentaire à l'équipe, E. Noël, avec pour seule fonction de désinfecter les voitures de façon continue durant le voyage. K. Thomas a déclaré qu'elle avait informé E. Noël de sa tâche de désinfection à bord du train. Elle a aussi dit qu'elle lui avait remis une copie de la procédure de désinfection à bord, de l'équipement de protection personnelle et des bouteilles de solution nettoyante. Par conséquent, en assurant sa présence dans le train, VIA veillait encore une fois à prévenir la propagation potentielle du virus à bord.

[51] Maître Kenny a admis que M. Désaulniers se sentait mal à son arrivée à Vancouver. Comme l'avait déclaré K. Thomas, M. Désaulniers l'avait informée de son état pendant le voyage à destination de Vancouver, mais après une nuit de repos, il se sentait assez bien pour reprendre son poste dans le train qui revenait à Winnipeg. Comme il ne présentait que des symptômes légers et qu'il se sentait bien le lendemain, K. Thomas n'a pas jugé bon de lui interdire de revenir au travail.

[52] Maître Kenny a également admis qu'on avait trouvé des toilettes encore souillées dans la voiture 8118. Toutefois, comme l'avait indiqué le chef du train, ces toilettes ont été immédiatement verrouillées et interdites aux voyageurs et aux membres de l'équipe de travail tant qu'elles ne seraient pas nettoyées et désinfectées à Jasper. En outre, par mesure préventive, ces toilettes et celles des deux voitures-coach avaient été nettoyées et désinfectées à nouveau à l'arrivée à Winnipeg. En conséquence, l'équipe de relève n'aurait pas été exposée à des agents pathogènes.

[53] Maître Kenny a aussi reconnu qu'une voyageuse s'était sentie mal quelques heures avant l'arrivée à Winnipeg. Toutefois, cette voyageuse avait été isolée dès qu'elle avait signalé son état. Elle était descendue à Winnipeg et la chambrette où elle avait été isolée avait été vidée de son contenu et gardée verrouillée jusqu'à l'arrivée à Toronto.

[54] Maître Kenny a soutenu que, comme l'avait dit le Dr Embil, la procédure de désinfection en route élaborée en collaboration avec Santé Canada et le Comité des politiques de santé et de sécurité au travail de VIA était adéquate pour désinfecter des voitures pendant les déplacements.

[55] En ce qui concerne la concentration du javellisant, maître Kenny a soutenu que personne n'avait prouvé qu'une solution à 0,05 % était inefficace pour désinfecter les voitures. Il a ajouté que la concentration avait été doublée à 0,1 % par suite d'une recommandation de Santé Canada après révision de la procédure.

[56] Maître Kenny a affirmé que la vadrouille placée à bord du train n'aurait pu exposer les employées à un virus semblable au virus Norwalk parce que, conformément au témoignage de K. Williams, ce n'était pas la même vadrouille que celle utilisée pendant le voyage précédent. Elle était peut être huileuse et sale, mais K. Williams était certain que ce n'était pas la vadrouille utilisée dans le voyage précédent pour nettoyer des vomissures et des matières fécales.

[57] Maître Kenny a admis qu'on pouvait soutenir que les conditions de travail pendant le voyage de VIA-1 à destination de Vancouver n'avaient pas été normales en raison du nombre élevé de voyageurs malades. Toutefois, en ce qui concerne le refus de travailler, il a déclaré que les conditions à bord de VIA-2 étaient celles qu'il fallait prendre en considération et qu'elles étaient normales.

[58] En conclusion, maître Kenny a soutenu que les employées n'étaient pas en danger et il m'a demandé de rejeter la demande d'appel.

**********

Analyse et décision

[59] Avant de procéder à l'analyse de l'affaire, je dois étudier les arguments de maître Kenny selon qui l'enquête menée par ce tribunal n'est pas une procédure de novo, de sorte que l'agent d'appel doit tenir compte uniquement des circonstances au moment du refus de travailler.

[60] En ce qui concerne le caractère de novo de mon enquête, le juge Rothstein de la Cour fédérale de justice a déclaré, au paragraphe 28 de l'affaire Martin c. Canada (Procureur général)5, qu'un :

5 Martin c. Canada (Procureur général), 2005, ACF 156, le 2 mai 2005.
appel interjeté devant l'agent d'appel est un appel de novo.

[61] Également la juge Gauthier a expliqué le point qui suit, au paragraphe 32 de sa décision dans l'affaire Verville c. Canada (Service correctionnel)6 :

6 Verville c. Canada (Service correctionnel), précitée.
Avec l'ajout de mots tels que « potential » (dans la version anglaise) ou « éventuel » et « tâche », le Code ne se limite plus à la situation factuelle qui a cours au moment où l'employé refuse de travailler.

[62] En conséquence, selon les décisions susmentionnées, un appel devant un agent d'appel en vertu du paragraphe 129(7) est une procédure de novo. Cela me permet donc de réexaminer toutes les données et de recevoir, en plus de celles recueillies par l'ASS, toute preuve que les parties peuvent juger bon de présenter, qu'elles aient été accessibles ou non à l'ASS au moment de son enquête.

[63] En outre, comme l'a déclaré la juge Gauthier, je ne suis pas limité à la situation factuelle spécifique. Je peux recevoir des preuves qui prennent en considération les situations ou les risques potentiels ainsi que les activités présentes et futures relatives aux circonstances du refus de travailler.

[64] Enfin, S. Pogorzelec a aussi soutenu que je devrais annuler la décision de l'ASS parce qu'il estimait que son enquête était incomplète. Je suis d'avis que bien que je doive tenir compte des conclusions de l'agent de santé et de sécurité, la nature de novo de mon enquête, comme je l'ai expliqué plus haut, me permet de rendre une décision basée sur les circonstances et les preuves présentées à l'audience.

[65] Le fait à établir dans le cas présent et de savoir si oui ou non les employées qui ont refusé de travailler étaient en danger tel que le définit la partie II du Code canadien du travail.

[66] Afin de rendre une décision dans cette affaire, je dois prendre en considération la définition de danger précisée dans le Code, la jurisprudence pertinente et les circonstances de l'affaire.

[67] Dans la partie II du Code canadien du travail, le paragraphe 122(1) définit comme suit la notion de danger :

« danger » Situation, tâche ou risque – existant ou éventuel – susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade – même si ses effets sur l'intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats –, avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d'avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur;

[68] En outre, le Code stipule, à l'article 122.2, les moyens à prendre pour prévenir le danger :

122.2 La prévention devrait consister avant tout dans l'élimination des risques, puis dans leur réduction, et enfin dans la fourniture de matériel, d'équipement, de dispositifs ou de vêtements de protection, en vue d'assurer la santé et la sécurité des employées.

[69] Dans la jurisprudence pertinente, on trouve deux décisions déterminantes de la Cour fédérale concernant l'interprétation de la notion de danger :

  • Douglas Martin et l'Alliance de la fonction publique du Canada c. le Procureur général du Canada7, rendue par la juge Tremblay-Lamer en octobre 2003;

  • Verville c. Canada (Service correctionnel)8, rendue par la juge Gauthier en mai 2004.
7 Douglas Martin et l'Alliance de la fonction publique du Canada c. le Procureur général du Canada, 2003, CF 1158, le 6 octobre 2003.
8 Verville c. Canada (Service correctionnel), précitée.

[70] Dans la première décision9, la juge Tremblay-Lamer a affirmé que le Code ne précisait pas que les blessures ou la maladie devaient se produire immédiatement après une exposition pour qu'on estime qu'il y a un danger, mais qu'il exigeait toujours qu'il y ait un élément d'imminence, car la blessure ou la maladie devait se produire avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Elle a écrit :

9 Douglas Martin et l'Alliance de la fonction publique du Canada c. le Procureur général du Canada, précitée.
[58] On énonce aussi clairement dans la nouvelle définition, toutefois, qu'une situation, tâche ou risque pourrait constituer un danger « même si ses effets sur l'intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats ». Je suis donc d'avis, contrairement à ce qu'a déclaré l'agent d'appel, qu'il n'est pas nécessaire qu'une tâche soit susceptible immédiatement de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade, pour constituer un danger au sens du Code.

[59] J'estime malgré tout que la nouvelle définition rend nécessaire un élément d'imminence, la blessure ou la maladie devant survenir « avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée ».

[71] Dans la deuxième10, l'agent d'appel Douglas Malanka a correctement résumé dans Cole c. Air Canada11 la définition de danger de la juge Gauthier. Je suis entièrement d'accord avec lui quand il écrit :

10 Verville c. Canada (Service correctionnel), précitée.
11 Cole c. Air Canada, agent d'appel Douglas Malanka, décision no 06-004, le 28 février 2006.
[69] Dans sa décision, la juge Gauthier a tenu compte de la décision de la juge Tremblay-Lamer. Voici le texte du paragraphe 36 de sa décision :

[36] Si l'on considère son jugement tout entier, elle semble plutôt reconnaître que la définition exige seulement que l'on constate dans quelles circonstances la situation, la tâche ou le risque est susceptible de causer des blessures, et qu'il soit établi que telles circonstances se produiront dans l'avenir, non comme simple possibilité, mais comme possibilité raisonnable.

[70] Compte tenu des dispositions déjà mentionnées du Code et des conclusions des juges Tremblay-Lamer et Gauthier, j'estime qu'il y a danger quand l'employeur n'a pu, dans une mesure raisonnable :

  • éliminer un danger, une situation ou une activité;
  • contrôler un danger, une situation ou une activité dans une mesure raisonnable de sécurité;
  • s'assurer que ses employées sont personnellement protégés contre un danger, une situation ou une activité;

et qu'on établit :

  • que les circonstances dans lesquelles le danger, la situation ou l'activité qui subsistent pourraient raisonnablement être susceptibles de causer des blessures ou des maladies pour une personne qui y serait exposée avant que le danger, la situation ou l'activité puissent être éliminés ou modifiés;
  • qu'il existe une possibilité raisonnable que les circonstances se produisent à l'avenir par opposition à une simple possibilité ou à une forte probabilité.

  • [C'est moi qui souligne.]

[71] Comme l'a signalé la juge Tremblay-Lamer, la nouvelle définition de danger comporte toujours un élément d'imminence, car la blessure ou la maladie doit survenir avant qu'on puisse apporter un correctif à la situation dangereuse ou modifier les activités futures.

[72] Dans le cas présent, il n'aurait pas été raisonnable d'exiger qu'Air Canada élimine le risque de contracter le SRAS, car ce risque échappait à son contrôle.

[72] Quand on prend en considération l'interprétation de l'agent d'appel Malanka et qu'on l'applique à l'élimination du danger présenté par un virus dans le cas présent, j'estime qu'il serait déraisonnable d'exiger de VIA Rail qu'elle élimine toute possibilité que ses employés entrent en contact avec le virus semblable à Norwalk, car cela échappe à son contrôle. Tout voyageur qui monte dans un train peut en être porteur sans même le savoir.

[73] En ce qui concerne le contrôle du risque, de la situation ou de l'activité dans des limites sécuritaires, l'employeur, en collaboration avec Santé Canada et le Comité des politiques de santé et de sécurité au travail de VIA, a élaboré et mis en œuvre une procédure générale de nettoyage et une procédure de nettoyage en route.

[74] En fait, S. Pogorzelec n'a pas contesté la validité de la procédure. Ce qu'il a contesté, c'était le fait que, de l'avis des employées, la procédure n'avait pas été respectée.

[75] Je sais que certains des employés qui ont témoigné à l'audience ont affirmé que les préposés au nettoyage des voitures ne faisaient pas toujours un bon travail, mais je n'en ai vu aucune preuve dans le cas présent. Je suis convaincu de la valeur du témoignage de K. Dagg, responsable des préposés au nettoyage à Vancouver, selon qui les préposés ont respecté à procédure de nettoyage de VIA GT 200/40012.

12 Via Rail, GT 200/400, Procédés de désinfection et de nettoyage, 6 pages, décembre 2002.

[76] Quoi qu'il en soit, les faits montrent qu'après le nettoyage, on avait trouvé des toilettes encore souillées par ce qui semblait être des matières fécales ou des vomissures séchées. Toutefois, on avait fait cette découverte au départ de Vancouver et, avant que qui que ce soit ait eu le temps de l'utiliser, on les avait rendues inaccessibles à l'équipe de travail et aux voyageurs. Elles étaient restées verrouillées jusqu'à ce que le train arrive à Jasper, où un préposé les avait nettoyées et désinfectées.

[77] En outre, comme en ont témoigné les membres du Comité de santé et de sécurité, les tapis et les sièges étaient encore humides par suite du nettoyage qui avait été fait.

[78] Malgré tout, S. Pogorzelec a soutenu que, pour protéger les employés de l'exposition au virus, il aurait fallu retirer toutes les voitures où des voyageurs avaient été malades, conformément à la note de service suivante envoyée par Via Rail à ses employés :

[TRADUCTION]
Nous travaillons en étroite collaboration avec Santé Canada pour mettre en place des mesures [pour éliminer le virus gastro-intestinal]. Ces mesures sont :

  • le signalement immédiat de tout incident et l'isolement des personnes atteintes (voyageur ou membre de l'équipe de travail);
  • retrait du service et nettoyage à fond de l'équipement où les gens ont été malades;
  • application d'un programme énergique de désinfection de l'équipement pour éliminer le virus à bord.

[79] À mon avis, le but de cette note de service a été atteint. Les voyageurs malades ont été isolés dans la mesure du possible, compte tenu des circonstances. Il est vrai que deux voitures n'ont pas été retirées du service, mais elles ont été nettoyées, comme l'a indiqué K. Dagg. Enfin, on a ajouté un membre à l'équipe de travail pour désinfecter le train de façon continue, et l'équipe de travail a reçu pour consigne d'appliquer la procédure de désinfection en route.

[80] Compte tenu de tout cela, je suis convaincu que l'employeur a satisfait aux exigences du Code et a fait le nécessaire pour réduire le risque à un niveau acceptable.

[81] En ce qui concerne le fait de s'assurer que les employés étaient personnellement protégés contre d'éventuels risques ou situations et activités dangereuses, j'estime que l'employeur a satisfait aux exigences de la loi en s'assurant que ses employés avaient été informés du danger réel ou potentiel à bord du train, en les informant de la procédure à suivre pour s'en protéger et en leur fournissant l'équipement de protection et de désinfection prévu par la procédure de VIA.

[82] On doit noter ici que, contrairement à ce qu'a affirmé S. Pogorzelec, le CSS n'a trouvé aucun masque sur le train pour protéger l'employée responsable du nettoyage de la transmission aéroportée du virus. Compte tenu des faits exposés, un masque n'était pas nécessaire, comme l'a confirmé le témoignage du Dr Embil et comme l'indiquait la procédure de VIA.

[83] Quant au à la situation, tâche ou risque, existant ou éventuel, susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée, je suis d'avis, pour les raisons suivantes, que l'employeur a fait ce qu'il devait faire :

  • les voitures ont été nettoyées et désinfectées à fond à Vancouver;
  • les toilettes souillées ont été rendues inaccessibles aux employées et aux voyageurs dès qu'on a constaté leur état;
  • les toilettes ont été nettoyées et désinfectées à Jasper;
  • les toilettes des voitures-coach ont été nettoyées et désinfectées à Winnipeg;
  • la vadrouille supposément contaminée a été retirée du train;
  • la voyageuse malade est descendue à Winnipeg;
  • la chambrette où la voyageuse malade avait été isolée est restée vide et verrouillée pour le reste du voyage à destination de Toronto;
  • le chef des services à bord du train qui avait été malade pendant le voyage à destination de Vancouver est également descendu à Winnipeg;
  • une employée supplémentaire se trouvait également à bord pour désinfecter le train pendant le reste du voyage à destination de Toronto;
  • l'équipe de travail devait appliquer la procédure de désinfection en route.

[84] En conséquence, le risque, existant ou éventuel, susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade, avait été écarté avant que les employées qui ont refusé de travailler montent à bord du train à Winnipeg.

[85] Enfin, je dois me demander si de telles circonstances se produiront dans l'avenir, non comme simple possibilité, mais comme possibilité raisonnable, et qu'elles seront susceptibles de causer des blessures aux personnes exposées ou de les rendre malades.

[86] La juge Gauthier a affirmé au paragraphe 36 de l'affaire Verville c. Canada (Service correctionnel) 13 :

13 Verville c. Canada (Service correctionnel), précitée.
[qu'elle ne croit pas] qu'il soit nécessaire d'établir précisément le moment auquel la situation ou la tâche éventuelle se produira ou aura lieu… la définition exige seulement que l'on constate dans quelles circonstances la situation, la tâche ou le risque est susceptible de causer des blessures, et qu'il soit établi que telles circonstances se produiront dans l'avenir, non comme simple possibilité, mais comme possibilité raisonnable.
[C'est moi qui souligne.]

[87] Il doit donc exister une possibilité raisonnable et non une simple possibilité que les circonstances se produiront à l'avenir. Dans son dictionnaire du droit, Black14 définit comme suit le terme « raisonnable » : [TRADUCTION] « juste, fondé ou modéré dans les circonstances ». J'estime que cela indique un degré modéré de probabilité qu'un accident se produise par opposition à une simple possibilité ou à une forte probabilité.

14 Black's Law Dictionary, septième édition, 1999.

[88] En conséquence, la décision susmentionnée établit que le danger peut être potentiel dans la mesure où le risque, la situation ou l'activité peuvent se produire dans l'avenir, non comme simple possibilité, mais comme possibilité raisonnable, et qu'ils seront susceptibles de causer des blessures aux personnes exposées ou de les rendre malades.

[89] Compte tenu de tout cela et des mesures prises par VIA Rail, j'estime qu'aussi longtemps qu'elles seront appliquées, la possibilité pour les employés d'être exposés à un agent biologique comme un virus semblable au virus Norwalk ou norovirus, comme on dit maintenant, et d'en tomber malade est réduite au minimum.

[90] En conséquence, comme l'employeur a fait tout le nécessaire pour réduire au minimum l'exposition de ses employés à un agent pathogène, j'estime que la simple possibilité d'être exposés à un virus semblable au virus Norwalk fait partie de leurs conditions de travail normales.

[91] Enfin, en ce qui concerne les devoirs de l'employeur envers les personnes qui ont accès au lieu de travail, conformément au Code et au Règlement sur la sécurité et la santé au travail (trains)15, je suis convaincu que l'employeur a fait tout ce qui était raisonnablement possible pour éliminer le risque ou le réduire au minimum. VIA Rail a réduit la présence du virus à un niveau acceptable grâce à l'application d'une procédure de nettoyage et de désinfection.

15 Règlement sur la sécurité et la santé au travail (trains), en vertu de la partie II du Code canadien du travail, DORS/95-105

[92] VIA Rail a aussi informé les voyageurs du risque spécifique potentiel à bord du train et des mesures prises pour les protéger. En outre, les voyageurs ont été instruits des mesures qu'ils devaient prendre pour s'en protéger. Enfin, VIA leur a fourni des serviettes humides antimicrobiennes Verox pour se laver les mains.

[93] En conséquence, compte tenu de tous ces faits, je confirme la décision d'absence de danger rendue par l'agent de santé et de sécurité Smith.



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Richard Lafrance
Agent d'appel


Sommaire de la décision de l'agent d'appel

No de la décision : 06-015

Demandeurs : Bernadette Hogue-Burzynski, Suzanne Brisson, Margaret R. Hegier, Jennifer Roy

Défendeur : VIA Rail Canada

Mots clés : Décision, refus de travailler, Norwalk, virus, malade, symptômes, train, gastro-intestinal, infection, désinfection, stérilisation, risque, maladie

Dispositions : Code canadien du travail : 129(7), 122(1), 122.2

Résumé :

Quatre employées de Via Rail ont refusé de travailler parce qu'elles estimaient que les voitures n'avaient pas été nettoyées correctement après que 28 voyageurs aient présenté des symptômes correspondant à un virus gastro-intestinal durant le voyage précédent. Elles ne voulaient pas monter dans le train parce qu'elles craignaient d'y entrer en contact avec une substance pathogène ou un virus, peut-être un virus semblable au virus Norwalk.

Un agent de santé et de sécurité a enquêté sur leur refus de travailler et a rendu une décision d'absence de danger. Il a ajouté que le personnel à bord des trains entre normalement en contact fréquent avec le public et que le risque d'exposition à un virus est inhérent à tout travail qui met les travailleurs en contact avec un grand nombre de gens.

Par suite de son examen, l'agent d'appel a confirmé la décision de l'agent de santé et de sécurité selon laquelle il y avait absence de danger. L'agent d'appel a déclaré que l'employeur avait fait tout le nécessaire pour réduire au minimum le risque que ses employés soient exposés à un virus. Il a donc conclu que la simple possibilité que les employés soient exposés à un virus semblable au virus Norwalk était pour eux une condition normale de travail. En ce qui concerne les devoirs de l'employeur envers les personnes qui avaient accès au lieu de travail, il était convaincu que l'employeur avait fait tout ce qui était raisonnablement possible pour éliminer le risque ou le réduire au minimum.

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