Date : 2018-07-23

Dossier : 2017-02

Entre :

Brink’s Canada Ltée, appelante

et

Michael Childs et Unifor, intimés

Dossier : 2017-12

Entre :

Kevin Barber, appelant

et

Brink’s Canada Ltée, intimée

Indexé sous : Brink’s Canada Ltée c. Childs et Unifor

Version caviardée

Affaire : Appel interjeté en vertu du paragraphe 146(1) à l’encontre d’une instruction émise par un représentant délégué par le ministre du Travail (2017-02);

Appel interjeté en vertu du paragraphe 129(7) à l’encontre d’une décision prise par un représentant délégué par le ministre du Travail (2017-12).

Décision : L’appel concernant le dossier 2017-02 est maintenu et l’instruction est annulée.

L’appel concernant le dossier 2017-12 est rejeté et la décision d’absence de danger est maintenue.

Décision rendue par :    M. Pierre Hamel, agent d’appel

Langue de la décision :  Anglais

Pour l’appelante (2017-02)/ l’intimée (2017-12) : Me James D. Henderson, avocat, Grosman Gale Fletcher Hopkins LLP

Me Gregory J. Heywood, Roper Greyell LLP

Pour les intimés (2017-02) l’appelant (2017-12) : Me Niki Lundquist, avocate-associée, service juridique, Unifor

Référence : 2018 TSSTC 7

Motifs de la décision

Les appels

[1] Les présents motifs portent sur deux appels concernant la nature prétendument non sécuritaire du modèle du déploiement complet (All Off) de l’équipe à l’extérieur du véhicule auquel Brink’s Canada Ltée (« Brink’s » ou l’« employeur ») avait recours. Le premier appel (l’appel Childs) est interjeté par Brink’s à l’encontre d’une instruction émise par M. Lewis Jenkins, en sa qualité de représentant délégué par le ministre du Travail (délégué ministériel) le 29 décembre 2016, à Ottawa, à la suite d’un refus de travailler exercé par M. Childs, employé de Brink’s. L’instruction a été émise contre Brink’s conformément au paragraphe 145(2) du Code canadien du travail (Code) après que M. Jenkins eut conclu à l’existence d’un danger.

[2] Le second appel (l’appel Barber) a été interjeté par M. Kevin Barber à l’encontre d’une décision d’absence de danger rendue par M. Jenkins le 28 avril 2017.

[3] Les deux appels découlent des refus de travailler exercés par les deux employés concernés. Les refus visaient la mise en œuvre du modèle de livraison par une équipe de deux personnes appelé le modèle du « déploiement complet ». Puisque les appels soulevaient des questions similaires, ils ont été réunis pour une audience commune. La preuve présentée à l’audience portait sur la situation particulière de chaque appel et comprenait également des renseignements généraux communs aux deux appels. La totalité de cette preuve a été versée au dossier des deux appels. Les deux employés qui ont exercé le refus de travailler étaient représentés par Unifor (ou le « syndicat ») tout au long des procédures.

[4] Il convient de mentionner que, pendant que ces appels étaient en instance devant le Tribunal, j’ai été saisi d’un appel interjeté précédemment devant le Tribunal relativement à une instruction émise à la suite d’un refus de travailler exercé par [texte caviardé], un employé de Brink’s travaillant à la succursale d’Edmonton, essentiellement pour les mêmes motifs, soit la nature non sécuritaire du modèle du déploiement complet de Brink’s. J’ai rendu ma décision dans Brink’s Canada Limitée c. Dendura, 2017 TSSTC 9 (Dendura) le 16 juin 2017. J’ai annulé l’instruction, car les dangers et risques que pose le modèle du déploiement complet de Brink’s constituaient une condition normale de l’emploi. La décision Dendura a évidemment une place essentielle dans le règlement des questions soulevées dans les affaires qui nous occupent.

[5] L’employeur a en fait tenté d’obtenir une décision sommaire à l’égard des présents appels, sans audience, à partir de mes constatations et conclusions dans Dendura et du fait que M. Childs avait entre-temps retiré son refus de travailler et considérait maintenant que le modèle du déploiement complet était sécuritaire. J’ai rejeté la demande, et les motifs de ma décision sont énoncés dans la décision Brink’s Canada Ltée c. Childs et Unifor, 2017 TSSTC 18.

[6] À la demande des parties, l’audience a été tenue à huis clos, au vu de la nature des questions en litige et de la sensibilité des informations communiquées à l’audience. Les parties ont chacune signé une entente de confidentialité portant sur la conduite de la présente affaire et la protection des dossiers du Tribunal contre une divulgation au public. Dans une ordonnance datée du 9 janvier 2018, j’ai approuvé l’entente des parties. Les motifs pour lesquels l’ordonnance de confidentialité a été demandée et obtenue sont identiques à ceux énoncés dans les motifs que j’ai rendus dans Dendura, aux paragraphes 10 à 13, et ils constituent le fondement de ma décision d’approuver l’entente de confidentialité des parties en l’espèce. L’ordonnance de confidentialité est annexée aux présents motifs.

[7] Je vais traiter de chaque appel consécutivement.

Les questions en litige

[8] Les questions en litige dans les présents appels peuvent être décrites comme suit :

  1. Les employés, MM. Childs et Barber, étaient-ils exposés à un danger au sens du Code lorsqu’ils ont exercé leur droit de refuser un travail dangereux?
  2. S’il existait un danger, ce danger était-il une condition normale de l’emploi, en vertu de l’alinéa 128(2)b) du Code?

L’appel dans l’affaire Childs (2017-02)

Contexte

[9] Le 10 novembre 2016, M. Jenkins a mené une enquête sur un refus de travailler exercé par M. Michael Childs. M. Childs est un employé des services de voitures blindées de Brink’s à la succursale d’Ottawa de l’employeur. Le refus a eu lieu à l’arrêt de Hawkesbury CIBC dans l’itinéraire assigné à M. Childs (itinéraire 78). M. Childs avait demandé à travailler sur cet itinéraire.

[10] Après s’être renseigné sur les circonstances du refus, M. Jenkins a informé l’employeur, le 29 décembre 2016, de sa conclusion de danger et de son instruction émise la même journée. L’instruction se lit comme suit :

[Traduction] Dans l'affaire du Code Canadien du Travail

Partie II – Santé et Sécurité au Travail

L'instruction à l'employeur en vertu de l'alinéa 145(2)a)

Le 10 novembre 2016, le représentant délégué par le ministre du Travail soussigné a mené une enquête suivant un refus de travailler exercé par Michael Childs sur le lieu de travail exploité par Brink's Canada Limitée, étant un employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, au 2755, Lancaster Road, Ottawa, Ontario K1B 4V8, ledit lieu de travail étant parfois appelé Brink’s Canada Limitée.

Ledit représentant délégué par le ministre du Travail est d’avis que l’exercice d’une tâche constitue un danger pour un employé au travail :

Le modèle actuel du déploiement complet de l’équipe à l’extérieur du véhicule (en vertu duquel le conducteur ou l’agent sort du véhicule blindé et escorte le messager qui transporte les objets de valeur dans l’établissement du client à des fins de dépôt ou de ramassage) n’atténue pas suffisamment le danger que des employés se fassent agresser lors d’une tentative de vol. Ce modèle ne permet pas d’informer les employés de la présence de personnes suspectes ou du fait que des activités douteuses ont lieu à l’extérieur pendant qu’ils se trouvent à l’intérieur de l’établissement du client. Ainsi, cela nuit à la capacité des employés d’éviter une embuscade potentielle lorsqu’ils retournent vers le véhicule blindé.

Bien que l’instruction émise et les mesures identifiées dans la suspension de la mise en œuvre de l’instruction par l’agent d’appel aient visé la succursale d’Edmonton, le modèle du déploiement complet de l’équipe à l’extérieur du véhicule s’applique à toute l’organisation. À la succursale d’Ottawa, l’employeur n’a pas réussi à appliquer les cinq mesures indiquées dans la décision de suspension (2016-34) de l’agent d’appel, rendue le 26 octobre 2016, dans laquelle l’agent d’appel Olivier Bellavigna-Ladoux a convenu que ces mesures serviraient à protéger la santé et la sécurité des employés lorsqu’ils ont recours au modèle du déploiement complet de l’équipe à l’extérieur du véhicule qui est actuellement utilisé en attendant la décision de l’appel pour l’instruction émise à la succursale d’Edmonton.

Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145(2)a) de la partie II du Code canadien du travail, de modifier immédiatement la tâche constituant un danger.

Émise à Ottawa, le 29 décembre 2016.

[Signé]

Lewis Jenkins

Représentant délégué par le ministre du Travail

[…]  

[11] Pour résumer à ce stade-ci, le modèle du déploiement complet à l’extérieur du véhicule utilisé pour effectuer la livraison consiste en une équipe de deux personnes qui sortent toutes deux du véhicule blindé et entrent dans l’établissement du client pour y déposer ou y ramasser des objets de valeur. Une fois leur travail terminé, les deux membres de l’équipe retournent dans le véhicule ensemble, en respectant des protocoles particuliers élaborés pour ce modèle de livraison.

[12] Le 3 mars 2017, la demande de l’appelante visant à obtenir la suspension de l’instruction jusqu’à la décision définitive sur l’appel a été accueillie, pour les motifs exposés dans la décision Brink’s Canada Ltée c. Childs et Unifor, 2017 TSSTC 4. Je reviendrai sur la suspension de façon plus approfondie ultérieurement dans les présents motifs, car elle est particulièrement pertinente aux circonstances de l’appel Barber.

Résumé de la preuve présentée à l’audience

[13] L’employeur a assigné un certain nombre de témoins, qui ont témoigné au sujet du modèle du déploiement complet en général, sans nécessairement avoir été directement touchés par les événements qui ont mené au refus de travailler.

[14] M. Pierre Brien a témoigné à titre de témoin expert pour l’employeur. Il est un consultant en sécurité auprès du groupe TRAK, et Brink’s avait retenu ses services pour évaluer le modèle du déploiement complet sur le plan de sa sécurité pour les employés. Le groupe TRAK est une société d’experts-conseils en sécurité qui se spécialise dans la sécurité des entreprises, et l’évaluation et la gestion des risques. M. Brien a eu une carrière de 30 ans dans les forces policières, où il a occupé des fonctions administratives et opérationnelles stratégiques à l’échelle municipale et provinciale. Au cours de sa carrière, M. Brien s’est penché sur des questions d’intérêt national en matière de prévention du crime, de renseignements et d’administration policière avec le Service canadien de renseignements criminels (SCRC), à titre de directeur du bureau du Québec. Depuis sa retraite en 2007, ses services ont été retenus par des clients nationaux et internationaux pour résoudre des problèmes de sécurité en matière d’atténuation des risques, de planification d’urgence, de sécurité aéroportuaire (aéroport international d’Erbil, en Iraq), de gestion de crise, de services de police communautaire et de formation. De 2012 à 2014, il a agi comme directeur de projet pour l’Académie de police nationale d’Haïti, pour le compte du gouvernement du Canada. Il a effectué des évaluations de la menace et des risques pour 60 sites pour la Société de transport de Montréal, et il a proposé et mis en œuvre des concepts et des procédures en matière de sécurité. Il a été professeur à l’Institut canadien des infrastructures essentielles (Institut) (2008). Il a récemment terminé la rédaction d’un guide sur les services de police communautaire pour Francopol, l’organisme international francophone de formation policière. Ce guide s’adresse aux pays membres de l’OIF (Organisation internationale de la francophonie) qui participent au renforcement de la démocratie ou à la reconstruction après-conflit.

[15] Compte tenu de ces compétences, de son expérience professionnelle et de sa formation, j’ai accepté les qualifications de M. Brien à titre d’expert en matière de services policiers et d’évaluation et d’atténuation des risques.

[16] M. Brien a produit et présenté les deux rapports de TRAK (TRAK 2015 et TRAK 2017) préparés à la demande de Brink’s, qui souhaitait connaître l’avis et les recommandations de la société au sujet de son modèle du déploiement complet. La nécessité d’une évaluation du modèle du déploiement complet par la direction de Brink’s s’expliquait par l’augmentation de la concurrence commerciale dans le secteur du transport de fonds. Cette nouvelle configuration de l’équipe soulevait des préoccupations en matière de santé et de sécurité et constituait un avantage concurrentiel pour les concurrents de Brink’s. La recherche visait à évaluer les risques particuliers de blessure résultant d’un vol ou d’une tentative de vol lorsque l’équipe quitte le véhicule blindé pour assurer les services et qu’elle y revient, à évaluer si le modèle du déploiement complet constitue un risque acceptable en vertu du Code et à formuler des recommandations sur tous les aspects de l’analyse du risque professionnel du modèle du déploiement complet.

[17] Dans son témoignage, M. Brien a mentionné qu’il avait appliqué le modèle de protection des infrastructures essentielles de l’Institut dans son analyse du risque, lequel comprend un examen des situations passées (incidents et indicateurs passés, reproduction du mode de pensée des contrevenants), une base statistique (collecte d’incidents par le service de la sécurité d’entreprise de Brink’s) et une base de renseignements (police et autres sources). Le risque est évalué en examinant la probabilité et l’incidence des événements réels, ce qui permet de trouver la ligne de conduite qu’il convient de suivre pour réduire le risque. Il a également passé en revue des publications du monde entier au sujet des risques dans le secteur du transport de fonds, obtenues grâce à un professeur en criminologie de la Georgetown University, qui a fait appel à son réseau et à ses outils de recherche dans ce secteur. L’objectif est de comprendre la manière dont les criminels prennent des décisions et choisissent les situations dans lesquelles ils agissent pour faire un maximum de gains et réduire au minimum le risque d’être arrêté ou tué.

[18] Tout en notant que le secteur du transport de fonds comprend un risque inhérent assez élevé compte tenu de la nature même de l’activité, M. Brien estime que le modèle du déploiement complet constitue probablement un danger inacceptable pour les employés à moins qu’un certain nombre de mesures ne soient mises en œuvre pour atténuer ce danger. M. Brien a examiné des décisions rendues en vertu du Code, plus précisément la décision Brazeau et al. c. TCA-Canada et Securicor Canada Limited, décision no 04-049 (16 décembre 2004) (Securicor), et a recommandé que l’employeur tienne compte des éléments suivants en vue de réduire les risques associés au modèle du déploiement complet : la situation de l’emplacement, l’heure de la journée, le contact visuel, le système de communication, la distance parcourue par l’équipe, la procédure opérationnelle, la formation et la supervision des employés et la consultation des comités de santé et sécurité. M. Brien a mentionné que, pour mener leur projet à bien, les criminels devraient surmonter plusieurs couches de protection, ce qui les dissuaderait encore plus de lancer une telle attaque.

[19] De l’avis de M. Brien, la documentation dans son ensemble ne fournit aucune preuve que le nombre de gardiens armés ou leur rôle précis ait un rôle essentiel pour expliquer la fréquence et la gravité des attaques ou leurs types.

[20] M. Brien a fait référence aux statistiques utilisées pour son analyse. La période de référence était de 2000 à 2015. Les données recueillies sur cette période révèlent que 99 tentatives de vol ont été commises dans ce secteur au pays. De ce nombre, 69 (70 %) visaient des configurations à deux personnes par équipe et deux équipes utilisant le modèle du déploiement complet. Dix-sept de ces 99 tentatives (17 %) visaient des équipes de Brink’s pendant cette période, bien que la société n’ait pas mis en place la configuration des équipes de déploiement complet. Ces données peuvent indiquer une préférence de la part des criminels pour les équipes de déploiement complet quand ils planifient une attaque. En ce qui concerne la gravité des blessures, M. Brien a mentionné le nombre de décès et de blessures graves signalés pendant cette période, soit trois décès et trois blessures graves. Cependant, compte tenu du fait que les trois décès et un cas de blessures graves parmi les employés de véhicules blindés avaient été causés par un collègue de travail au cours d’un incident survenu à Edmonton en 2012, M. Brien a conclu que la situation actuelle au Canada à l’égard de la sécurité pouvait être considérée comme un risque acceptable comparativement à d’autres types de professions.

[21] Le risque de blessures ou de décès découlant d’un vol ou d’une tentative de vol lorsque l’équipe quitte le véhicule blindé et y retourne demeure difficile à déterminer avec une précision mathématique. Compte tenu de son analyse des données disponibles et de l’historique du secteur et en appliquant ses connaissances sur les théories de gestion des risques, M. Brien a conclu que ce risque est faible. M. Brien estime qu’en appliquant les mesures d’atténuation qu’elle a élaborées et en continuant de mettre en œuvre ses initiatives en matière de sécurité, d’opération, de santé et de sécurité, y compris la mise en œuvre des recommandations formulées dans son rapport, Brink’s pourrait démontrer que le risque subsistant est inhérent au travail des employés.

[22] Les 15 recommandations sont les suivantes :

  1. Augmenter la supervision efficace du personnel pour veiller au respect des protocoles de sécurité;
  2. Rédiger un manuel des employés comprenant une section sur la configuration des équipes de déploiement complet;
  3. Partager les inspections des activités en cours d’itinéraire avec les membres de l’équipe;
  4. Tenir et mettre à jour une base de données de tous les incidents et utiliser cette information pour analyser les tendances et déterminer les risques;
  5. Informer les employés du niveau de risque aux lieux desservis (évaluations des risques liés aux lieux desservis, rapports de renseignements) et les former pour qu’ils agissent conformément aux procédures opérationnelles;
  6. [Texte caviardé];
  7. Installer de l’éclairage sur les véhicules blindés;
  8. Adopter un système de communication efficace entre les membres de l’équipe;
  9. Offrir une formation particulière sur la configuration des équipes de déploiement complet;
  10. Adopter un programme de formation officiel pour les nouveaux employés : pour s’assurer que le programme d’apprentissage sur le terrain soit mis en œuvre de manière uniforme dans toutes les régions, une responsabilité fonctionnelle devrait être confiée au directeur de la formation et du développement;
  11. [Texte caviardé];
  12. Élaborer des évaluations des risques liés aux lieux desservis officielles pour tous les lieux desservis;
  13. Former adéquatement les évaluateurs du programme d’évaluations des risques liés aux lieux desservis pour qu’elles soient effectuées de manière efficace et fiable;
  14. Élaborer un programme officiel de prévention du crime (collecte de renseignements, bulletins d’information à l’intention des employés, inspections des activités en cours d’itinéraire, observations, supervision);
  15. Revoir les protocoles d’incident pour veiller à ce que les rôles et responsabilités du centre de contrôle national (CCN), de la direction et des employés soient clairement définis et adaptés à la nouvelle procédure opérationnelle des équipes à déploiement complet.

[23] M. Brien a préparé un exposé en PowerPoint qu’il a fait devant les deux comités nationaux d’orientation en matière de santé et de sécurité (CNOSS) (Teamsters et Unifor). M. Brien a témoigné au sujet de son second rapport (TRAK 2017). Il était chargé d’examiner la mise en œuvre du rapport de 2015 et de formuler des recommandations au besoin. Il a noté que, parmi ses 15 recommandations, Brink’s n’avait pas mis en œuvre la septième recommandation (l’éclairage des camions a été reporté à la demande du comité d’orientation des Teamsters) et la dixième (matrice de responsabilité de la formation du programme d’apprentissage sur le terrain) et que deux autres recommandations (supervision et gestion du protocole d’incident) étaient en cours de mise en œuvre. Les autres recommandations avaient été mises en œuvre, et il a confirmé l’exactitude de son estimation quant aux niveaux de menace. Il a relevé qu’il n’y avait pas eu d’attaque depuis deux ans contre les équipes à déploiement complet de Brink’s et qu’il n’y avait eu que six attaques contre d’autres sociétés, toutes contre des équipes de deux personnes, ce qui ne le surprenait pas puisque la majorité des itinéraires des autres sociétés sont pris en charge par des équipes de deux personnes. Il a toutefois précisé qu’une période de cinq ans serait préférable pour évaluer l’efficacité des mesures de réduction des risques.

[24] M. Brien a affirmé que TRAK est un cabinet indépendant habitué à travailler avec de nombreux clients et secteurs d’activité différents. Bien que le cabinet soit ouvert aux commentaires et suggestions des clients, il ne se laisse pas influencer par ces suggestions et ne modifierait en aucun cas une conclusion pour la rendre plus acceptable ou favorable au client. Dans la présente affaire, [texte caviardé] souhaitait de toute évidence avoir un avis indépendant. M. Brien a ajouté que son mandat ne consistait pas à comparer le modèle du déploiement complet avec l’équipe de trois personnes, et il a affirmé catégoriquement qu’il n’avait pas trouvé de données indiquant que le nombre de membres dans une équipe pouvait être un facteur déterminant dans la décision d’un criminel d’attaquer.

[25] Il a convenu que la fréquence des bris d’équipement constituait une information importante dont l’employeur devait tenir compte et prendre des mesures en conséquence. Il n’estime pas que la situation soit critique, sauf si l’employeur n’agit pas, ce qui à son avis n’est pas le cas en l’espèce. Brink’s prend des mesures correctives lorsque des bris d’équipement sont signalés. Il convient également que les évaluations des risques liés aux lieux desservis devraient être revues et mises à jour et qu’une nouvelle évaluation devrait être effectuée si un changement important était apporté au lieu desservi.

[26] M. Brien n’était pas en désaccord que [texte caviardé] ou appelle à l’aide, selon les circonstances. Cependant, une troisième personne se trouvant dans le camion ne pourrait pas intervenir en cas d’attaque.

[27] [Texte caviardé].

[28] L’employeur a appelé M. Derek Doiron à témoigner. M. Doiron est secrétaire-trésorier des Teamsters dans les Maritimes et leur directeur adjoint du secteur des véhicules blindés. Il était coprésident du CNOSS des Teamsters, non syndiqué, et de la Newfoundland and Labrador Association of Public and Private Employees (NAPE) relativement à la mise en œuvre du modèle du déploiement complet (le « comité d’orientation des Teamsters »). Dans son témoignage, M. Doiron a mentionné que les Teamsters comptent environ 3 000 membres dans le secteur des véhicules blindés, tandis qu’Unifor en compte environ 1 200. M. Doiron a été appelé à témoigner à l’audience.

[29] Il a affirmé qu’il avait participé à un appel mettant en cause un modèle que Brink’s avait adopté dans les Maritimes prévoyant qu’un seul membre de l’équipe sortait du véhicule et que, pendant les procédures, il avait été convenu avec Brink’s qu’elle élaborerait un modèle du déploiement complet qui soit supérieur à celui que les concurrents utilisent actuellement dans le secteur. Il a témoigné qu’il connaissait le modèle du déploiement complet utilisé par Garda, puisqu’il avait travaillé pour cette société et suivi ce modèle de 2004 à 2009 en tant que chauffeur/gardien et messager/chef d’équipe. Il a reconnu que Brink’s se devait d’apporter des modifications pour être concurrentielle et que Securicor utilisait un modèle du déploiement complet depuis 2004 environ.

[30] M. Doiron a affirmé que le comité d’orientation des Teamsters avait pleinement participé à la mise en œuvre du modèle du déploiement complet. Il avait convenu avec Brink’s que deux comités d’orientation distincts devaient revoir le modèle du déploiement complet. Comme il l’expliquait dans une lettre adressée à un dirigeant de Brink’s, Unifor et Teamsters représentent plus de 90 % du secteur au Canada. Les deux syndicats ont des membres utilisant un modèle d’équipe à déploiement complet. Unifor est fermement opposé à ce modèle, tandis que les Teamsters reconnaissent que les risques inhérents à ce modèle peuvent être réduits au minimum en collaborant avec le comité d’orientation national. Il a ajouté que les Teamsters reconnaissent également que le secteur est en déséquilibre relativement aux niveaux des équipes et qu’il doit s’assurer d’uniformiser les règles du jeu. Selon lui, il ne faudrait pas consulter un seul comité, puisqu’Unifor « n’acceptera jamais » le modèle du déploiement complet.

[31] Par l’intermédiaire de leur comité d’orientation, les Teamsters ont fait part de leurs commentaires et sont parvenus à un consensus quant au choix d’un cabinet externe (TRAK) pour fournir des conseils indépendants au sujet du modèle. M. Doiron se souvient avoir reçu un exemplaire du rapport de TRAK (2015) et avoir assisté à la présentation PowerPoint de M. Brien. [Texte caviardé]. Le comité a participé à l’examen de la trousse de formation des employés sur le modèle du déploiement complet et à sa mise en œuvre dans l’ensemble du système. Il a estimé que le processus de consultation était productif et que les discussions portaient toujours sur la sécurité.

[32] M. Doiron a témoigné au sujet de [texte caviardé].

[33] M. Doiron estime que les évaluations des risques liés aux lieux desservis sont un outil important pour atténuer le risque, puisque celui-ci dépend en grande partie du lieu. Les employés devraient vérifier les lieux lorsqu’ils arrivent sur le site, et ils devraient avoir consulté l’évaluation des risques liés aux lieux desservis pour ce site. Les évaluations des risques liés aux lieux desservis devraient être mises à jour régulièrement ou au besoin, si des changements sont apportés aux lieux. Il estime également que les inspections des activités en cours d’itinéraire sont très importantes pour s’assurer que les employés qui ont reçu la formation sur le modèle du déploiement complet suivent les procédures. Il a personnellement participé à des inspections des activités en cours d’itinéraire.

[34] Le comité d’orientation des Teamsters a reçu la nouvelle section du manuel des employés portant sur le modèle du déploiement complet pour qu’il puisse l’examiner, donner ses commentaires et s’y opposer au besoin. Le comité est parvenu à un consensus sur son contenu. [Texte caviardé]. Il a également examiné la technologie mise en place par Brink’s pour les équipes à déploiement complet, comme la mise à niveau du [texte caviardé] et la fonction GPS. Dans l’ensemble, il estime que la configuration de l’équipe de deux personnes fait en sorte que les deux employés sont plus vigilants et plus engagés et qu’ils travaillent mieux en équipe que l’équipe de trois personnes. À sa connaissance, le déploiement complet est le principal modèle d’exploitation du secteur de transport de fonds depuis un certain temps.

[35] Il a affirmé que les équipes sont toujours exposées à des risques, peu importe si elles comptent deux ou trois personnes. À son avis, le chauffeur n’est pas essentiel pour éviter les vols. La plupart des employés de Garda ne savent même pas comment fonctionne une équipe de trois personnes. Il était au courant des plaintes concernant les défaillances techniques de l’équipement à certains moments. Selon lui, Brink’s règle ces problèmes lorsqu’ils se présentent, et elle cesserait d’utiliser le modèle du déploiement complet si les appareils électroniques cessaient de fonctionner. Au sujet des zones mortes pour le [texte caviardé], il a mentionné que cela pourrait également survenir dans le cas d’une équipe de trois personnes. La technologie n’est pas à toute épreuve. [Texte caviardé].

[36] À son avis, les deux modèles (déploiement complet et équipe de trois personnes) sont équivalents sur le plan de la sécurité de l’équipe. Il a affirmé dans son témoignage que la santé et la sécurité au travail de ses membres sont très importantes pour le syndicat des Teamsters et qu’ils n’hésiteront pas à faire la grève à cause de cet enjeu. Si ses membres et lui jugeaient que le modèle du déploiement complet n’était pas sécuritaire et présentait un risque inacceptable, il ne permettrait pas son utilisation. Il a indiqué que Brink’s suit et continue et de surveiller les équipes et a amélioré le modèle sur le plan de la sécurité depuis sa mise en œuvre il y a deux ans. Il a affirmé que le modèle du déploiement complet de Brink’s est le meilleur en son genre au Canada.

[37] L’employeur a appelé [texte caviardé] à témoigner. [Texte caviardé] est directeur principal de la sécurité d’entreprise de Brink’s, poste qu’il occupe depuis sept ans. Il compte 23 années d’expérience dans le secteur du transport de fonds. Il est chargé de la prévention, de la détection, de la formation, de la surveillance, ainsi que de l’évaluation des risques et des enquêtes. Le CCN relève de lui. Il recueille de l’information au moyen du contexte et de l’information publique sur les tendances de la criminalité dans le secteur. En ce qui concerne les attaques visant le modèle du déploiement complet, il a affirmé dans son témoignage qu’elles visaient surtout Garda, dont le modèle est différent de celui de Brink’s. Il a soulevé les différences, comme le type de véhicules, l’équipement de sécurité à bord, l’équipement de communication, les procédures d’exploitation uniformisées (PEU) [texte caviardé].

[38] Brink’s dessert environ deux millions d’arrêts par année et détient environ 46 % du marché. Il a mentionné que la majorité des attaques visant le transport de fonds surviennent pendant la nuit. Depuis la mise en œuvre du modèle du déploiement complet il y a 26 mois, Brink’s n’a enregistré aucun incident et aucune tentative de vol. Il n’y a eu aucune attaque dans le secteur en 2016. Il a fourni les statistiques à M. Brien en vue de son analyse de la gestion des risques du modèle du déploiement complet. Selon lui, il était important d’obtenir une analyse indépendante du risque. Il a donc retenu les services de TRAK, choisie en raison de la crédibilité et de l’expertise de M. Serge Barbeau, un ancien commissaire de police bien connu au Québec, qui dirige cette société d’experts-conseils.

[39] [Texte caviardé] a d’abord décrit les nouvelles caractéristiques techniques du modèle du déploiement complet. [Texte caviardé].

[40] Ces caractéristiques sont décrites comme une défense par couche. [Texte caviardé] a expliqué que lorsque vous essayez de protéger quelque chose, il faut construire de multiples couches en cercle. Pour entrer dans un véhicule de déploiement complet, il faut maintenant plus d’outils, de connaissances, de temps et d’habiletés, entraînant ainsi un délai qui laisse aux employés le temps de réagir. La configuration du camion utilisé pour le déploiement complet élimine la possibilité d’ouvrir la porte avant et de neutraliser le chauffeur pour ensuite s’enfuir avec le véhicule.

[41] Le fait que les deux employés se trouvent à l’avant du véhicule leur permet de mieux communiquer entre eux et améliore l’observation et la surveillance visuelles possibles. [Texte caviardé].

[42] Le fonctionnement du CCN est constamment amélioré, en ce qui a trait à la collecte des statistiques, aux mesures de performance de la réponse aux appels et à une carte de pointage pour le rendement des opérateurs du CCN. La fonction « changement de mode » du camion [texte caviardé], lorsque l’équipe quitte le véhicule et retourne dans l’enceinte de Brink’s, [texte caviardé] et représente 80 % des appels au CCN; [texte caviardé]. [Texte caviardé] Brink’s a en place [texte caviardé] si quelque chose arrive à un véhicule hors d’une zone particulière, à titre d’alerte.

[43] Les évaluations des risques liés aux lieux desservis sont maintenant centralisées dans une même base de données du CCN, comme le recommandait le rapport de TRAK (2015). Par conséquent, toutes les évaluations des risques liés aux lieux desservis deviennent un outil à la disposition des employés du CCN. Lorsqu’une équipe approche d’un site, elle peut téléphoner au CCN pour obtenir de l’information si elle n’a pas examiné l’évaluation des risques liés aux lieux desservis à la succursale. Les inspections des lieux dans le cas d’une équipe de trois personnes et d’une équipe de deux personnes demeurent très similaires à ce qu’un membre d’une équipe cherche lorsqu’il entre sur les lieux. La plus grande différence est [texte caviardé]. [Texte caviardé] a mentionné qu’avec une équipe de trois personnes il faut [texte caviardé]. Dans le cas d’une équipe de deux personnes et [texte caviardé], les employés ont une meilleure idée de ce qui se passe, et ils peuvent voir des zones que le chauffeur ne peut pas voir et entendre et sentir ce que le chauffeur ne peut pas entendre ni sentir.

[44] [Texte caviardé] a ajouté que dans le modèle du déploiement complet, la distance entre le chauffeur/gardien et le messager lorsqu’il se trouve hors du camion est de [texte caviardé], ce qui permet d’augmenter la capacité de réaction. Le [texte caviardé], situé près du [texte caviardé] sur le camion, atténue l’exposition au risque pendant la manipulation des objets de valeur. Cela permet au messager d’y placer les valeurs en étant à l’intérieur du camion et, lorsqu’ils ont quitté, [texte caviardé].

[45] Les inspections des activités en cours d’itinéraire effectuées par la sécurité sont complètement indépendantes de la succursale. En 2017, le service de sécurité a effectué 146 inspections des activités en cours d’itinéraire à l’aide de 522 opérateurs au total. En 2018, les inspections des activités en cours d’itinéraire constitueront un indicateur clé de rendement pour les gestionnaires. [Texte caviardé] demande une hausse du nombre d’inspections des activités en cours d’itinéraire pendant cette année. Ces vérifications visent à évaluer la performance des équipes sur le terrain et à assurer une supervision et une surveillance continues du personnel, comme le recommandait le rapport de TRAK (2015). Les inspecteurs essayent d’évaluer le niveau de conformité aux politiques de Brink’s, par exemple si le chauffeur porte la ceinture de sécurité, s’il y a une certaine distance entre le gardien et le messager, [texte caviardé], etc. Les vérifications sur le terrain ont été normalisées et les données, centralisées. Le service de sécurité de Brink’s peut extraire des données et examiner des résultats pouvant justifier un accompagnement supplémentaire des employés.

[46] [Texte caviardé].

[47] Il a affirmé que, selon son expérience, la configuration de l’équipe de trois personnes soulève l’inquiétude que le chauffeur [texte caviardé]. Il a confirmé ne pas se souvenir d’attaques contre des équipes de trois personnes au cours des cinq dernières années. Cependant, des attaques ont déjà été portées contre des équipes de quatre et cinq personnes.

[48] [Texte caviardé] a témoigné pour l’employeur. [Texte caviardé] est le gestionnaire principal, Conformité des activités de Brink’s, et possède 25 années d’expérience dans l’industrie des véhicules blindés. Il a commencé à travailler sur la route en tant que gardien armé dans la division des guichets automatiques et avec G4S; il a gravi les échelons jusqu’à son poste actuel. Il est chargé de la mise en œuvre du modèle du déploiement complet de Brink’s. Je résumerai les points saillants de son témoignage.

[49] Il a joué un rôle dans l’élaboration du programme de formation, en consultation avec les comités d’orientation. Il a mentionné dans son témoignage que le texte final de la formation sur les évaluations des risques liés aux lieux desservis est le fruit des commentaires reçus des deux CNOSS. Il a fait référence à la matrice d’évaluation du risque qu’il a utilisée pour évaluer le danger. La matrice est conçue pour évaluer la gravité, la fréquence et la probabilité et vise à établir l’importance. Selon l’historique, elle est inspirée d’un programme utilisé par Securicor et repris par G4S par l’intermédiaire du programme 4390 d’Australie. Il a mentionné qu’il s’agissait de la norme 1300 et que Brink’s adoptait une norme qui avait déjà fait ses preuves et qui était reconnue par Développement des ressources humaines Canada (DRHC) et Emploi et Développement social Canada (EDSC) comme une approche acceptable. Il a ajouté que le formulaire des priorités en matière d’évaluation des risques est [texte caviardé] pour réduire le risque à un niveau acceptable. Au sujet des documents de formation sur les évaluations des risques liés aux lieux desservis, [texte caviardé] a souligné le fait qu’il s’agissait d’une version factice d’un site réel utilisé pour la formation qui souligne particulièrement les niveaux de gravité, comme le risque très élevé et le risque moyen, ce qui suscite des questions sur la manière dont un site est évalué. Les évaluations des risques liés aux lieux desservis sont élaborées conjointement par un représentant des travailleurs et un représentant de la direction qui se rendent sur le terrain pour évaluer les lieux et [texte caviardé]. La configuration des lieux peut être documentée à l’aide de photos ou de dessins. Les dangers sont indiqués, et une mesure de contrôle appropriée est définie pour les réduire. L’approbation finale des évaluations des risques liés aux lieux desservis relève des directeurs de succursale.

[50] [Texte caviardé] a également décrit la formation initiale offerte aux employés, y compris [texte caviardé], et la formation donnée sur l’utilisation de la force et du pistolet, qui est d’une durée d’au plus trois jours, selon la taille de la classe.

[51] Une séance de formation typique sur le modèle du déploiement complet serait d’une durée de 9 à 10 heures. On tient compte des besoins des employés qui ont besoin de plus d’information.

[52] En ce qui a trait aux bulletins de sécurité, [texte caviardé] a déclaré dans son témoignage qu’il y a souvent des discussions en équipe à leur sujet s’ils sont affichés dans la succursale, et il a mentionné ceux de Noël et d’Halloween à titre d’exemples. Ces bulletins sont destinés à aviser les employés de circonstances particulières se répercutant sur le risque d’être attaqué et sur la sécurité des membres des équipes.

[53] En ce qui a trait aux inspections des activités en cours d’itinéraire, [texte caviardé] a indiqué dans son témoignage qu’elles étaient préparées par le service de la sécurité d’entreprise et qu’elles avaient lieu aux succursales, à l’aide de [texte caviardé] et, dans certains cas, de méthodes de collecte de données sur papier. Il a aussi déclaré qu’une nouvelle initiative avait été mise en place pour fournir au Comité national d’orientation en matière de santé et de sécurité des mises à jour trimestrielles sur des questions comme les éléments fréquemment échoués, l’indication des éléments et les mesures correctives.

[54] [Texte caviardé] a mentionné un avis aux employés qui indiquait que tous les employés étaient tenus de porter [texte caviardé], car il s’agissait d’un engagement pris auprès du Comité national d’orientation en matière de santé et de sécurité. Un autre avis indiquait aux employés ayant reçu une formation sur le modèle du déploiement complet que, s’ils avaient des questions concernant la conduite ou la politique de l’entreprise sur l’utilisation du véhicule du modèle du déploiement complet, ils devaient s’adresser à leurs superviseurs ou gestionnaires pour obtenir de l’aide. Des employés demandaient de la formation supplémentaire à l’occasion, ou si la direction locale déterminait que certains employés avaient besoin de formation supplémentaire, cette formation était donnée.

[55] [Texte caviardé].

[56] [Texte caviardé].

[57] Il a également parlé de [texte caviardé] qui avait été mis en place pour améliorer les communications et de la façon dont un appel est fait au CCN quand un employé est sous la contrainte [texte caviardé]. Le téléphone [texte caviardé] permet aux membres de l’équipe de communiquer l’un avec l’autre et de ne pas dépendre uniquement des communications par cellulaire. La batterie de [texte caviardé] offre 1 000 heures d’alimentation en mode économie et 40 heures de temps de conversation, et des batteries de rechange sont disponibles dans le camion.

[58] Quant aux détails particuliers des procédures opérationnelles concernant le modèle du déploiement complet, [texte caviardé] a déclaré dans son témoignage que pour Brink’s, le point de départ était la procédure de déploiement complet utilisée par G4S et que, par la suite, l’entreprise a conçu les procédures uniformisées d’exploitation de Brink’s, que [texte caviardé] a mentionnées dans son témoignage. Je ferai une description détaillée des procédures d’entrée et de rentrée du modèle du déploiement complet, compte tenu de leur importance pour les questions soulevées par l’appel.

[59] Dans son témoignage, [texte caviardé] a indiqué que la force du modèle du déploiement complet était la mobilité du chauffeur/gardien et sa capacité d’explorer des zones à l’extérieur du champ de vision normal d’un chauffeur.

[60] [Texte caviardé].

[61] [Texte caviardé].

[62] [Texte caviardé].

[63] [Texte caviardé] a indiqué qu’ils avaient un fournisseur de services de qualité égale ou supérieure avec [texte caviardé], ce qui améliore la transmission du téléphone, éliminant presque entièrement les retards, et que cette solution a été mise en place au milieu de 2016. Fondamentalement, il y avait plus de contrôle et la solution permettait d’éviter les fausses alertes potentielles.

[64] Dans son témoignage, [texte caviardé] a mentionné que le processus de consultation au sein du comité d’orientation des Teamsters s’est déroulé sous le signe de la coopération et de la collaboration, contrairement à ce qui s’est produit au comité d’orientation d’Unifor. Unifor ne voulait pas soutenir un modèle du déploiement complet et, en fait, retirait les points qui portaient sur le déploiement complet de l’ordre du jour du comité, pour que ces points soient abordés durant les négociations collectives qui avaient lieu à ce moment-là. Les négociations ont abouti à un règlement concernant le modèle du déploiement complet, et les parties ont convenu d’une rémunération supplémentaire pour les employés travaillant au sein d’une équipe de déploiement complet.

[65] En ce qui a trait aux événements du 25 octobre 2016 et au refus de travailler de M. Childs, [texte caviardé] a témoigné que M. Childs occupait un siège au comité local de santé et de sécurité (CLSS). [Texte caviardé] a déclaré que le modèle du déploiement complet était en train d’être mis en œuvre à Ottawa et que M. Childs participait au premier itinéraire (itinéraire 78). Il avait reçu de la formation sur le modèle du déploiement complet. Il avait été formé sur l’évaluation des risques liés aux lieux desservis, et de telles évaluations avaient été préparées pour chaque lieu visé par l’itinéraire 78, y compris la succursale de la CIBC à Hawkesbury. [Texte caviardé] s’attendait à un refus compte tenu du point de vue du syndicat au sujet du modèle du déploiement complet et à une certaine résistance de la part des employés, et il a demandé au service de la sécurité d’entreprise d’effectuer une surveillance de [texte caviardé]. Quand il a observé M. Childs et [texte caviardé] (chauffeur/gardien) au cours des jours précédant le refus, il trouvait qu’ils posaient de bonnes questions et fournissaient de bons commentaires. Ils s’arrêtaient à tous les deux ou trois appels pour parler des façons de s’améliorer. Dans son témoignage, [texte caviardé] a mentionné que, durant le deuxième jour de l’observation, M. Childs avait une attitude positive et a même indiqué qu’il appréciait le modèle du déploiement complet.

[66] La nuit du 25 octobre, M. Childs a déclaré qu’il n’était pas à l’aise et qu’il était inquiet à propos de l’éclairage autour du lieu de l’appel et encore plus préoccupé par sa sortie de la banque. Son partenaire n’avait pas d’inquiétudes et ne prévoyait pas refuser de travailler. [Texte caviardé] est arrivé sur les lieux environ 20 minutes après avoir été informé du refus. Il a regardé la vidéo de surveillance prise par [texte caviardé] cette nuit-là à la succursale de la CIBC à Hawkesbury, où M. Childs a exercé son refus de travailler. M. Childs était le premier à sortir du camion; il fumait et parlait sur son téléphone cellulaire pendant qu’il faisait les cent pas, restant à l’extérieur pendant un certain nombre de minutes. [Texte caviardé] était le chauffeur/gardien et il aurait dû être le premier à sortir du camion dans ce cas-ci. Il a mentionné dans son témoignage que M. Childs agissait plus comme quelqu’un qui prenait une pause. M. Childs lui a indiqué qu’il croyait que le modèle du déploiement complet n’était pas sécuritaire. Quand on lui a demandé s’il avait perçu des menaces, [texte caviardé] a répondu qu’il n’avait rien vu à part deux dames dans le vestibule de la banque, qui sont sorties sans problème quand on leur a demandé de le faire.

[67] La vidéo a été déposée comme pièce au dossier et a été visionnée durant l’audience.

[68] L’employeur a appelé à témoigner l’employé qui avait refusé de travailler, M. Childs. M. Childs a été convoqué à l’audience par l’employeur pour témoigner. Il est un employé de Brink’s depuis 2007. M. Childs a décrit sa routine quand il arrive à la succursale. Il s’assure qu’il a [texte caviardé]. Tout fonctionnait correctement la nuit de l’exercice de son refus de travailler. M. Childs était le messager/chef d’équipe la nuit de son refus. Il a décrit la procédure de déploiement complet que les membres de l’équipe doivent suivre, une fois qu’ils arrivent à l’établissement d’un client, dans des termes semblables à ceux utilisés dans la description de [texte caviardé].

[69] M. Childs a confirmé qu’il avait reçu de la formation sur le modèle et les procédures de déploiement complet qui avait duré environ neuf heures, en plus d’une formation sur [texte caviardé] et d’une formation sur [texte caviardé]. Il a reçu la formation sur [texte caviardé], qui se déroulait en salle pendant deux à quatre jours, et il est retourné pour avoir une formation supplémentaire parce qu’il était le représentant des guichets automatiques au sein du CLSS. Il a indiqué qu’à son avis, la formation était excellente et que [texte caviardé] était un bon formateur, car il avait donné beaucoup de détails sur la configuration de l’équipe de déploiement complet. M. Childs a décrit sa compréhension de l’objectif de [texte caviardé], ce qui reprenait essentiellement les explications susmentionnées de [texte caviardé].

[70] En ce qui a trait à son refus de travailler exercé le 25 octobre 2016, il a expliqué qu’il comprenait pourquoi son syndicat, Unifor, était contre le déploiement complet. Il était le représentant des guichets automatiques à ce moment-là et il ressentait une certaine obligation. Il ressentait de la pression venant des autres employés (certains collègues étaient d’accord avec le déploiement complet, alors que d’autres ne l’étaient pas) pour qu’il exerce un refus. Il a clairement indiqué qu’il n’avait pas été contraint de le faire et que c’était son choix. Il ressentait de la pression de part et d’autre, car il savait que la mise en œuvre du modèle du déploiement complet était importante pour la direction. Les motifs de son refus n’étaient pas propres au lieu où il se trouvait; il s’agissait plutôt d’un refus général à l’égard du modèle du déploiement complet. L’itinéraire 78 était le premier itinéraire selon le modèle du déploiement complet à Ottawa, et certains de ses collègues, y compris M. Barber, étaient contrariés qu’il n’ait pas exercé son refus de travailler durant son premier quart. Il a expliqué plus en détail les motifs de son refus dans une lettre adressée au délégué ministériel et il a demandé l’avis d’autres collègues du syndicat concernant la rédaction de la lettre, mais celle-ci est de sa main.

[71] M. Childs a ensuite parlé de sa lettre du 6 juillet 2017 dans laquelle il a indiqué qu’il souhaitait retirer son refus. Il a expliqué que toute cette situation lui a causé beaucoup de stress. De plus, il était devenu habitué au modèle du déploiement complet à ce moment-là et il se sentait en sécurité de l’appliquer. Il aimait la technologie et se sentait en sécurité, surtout quand il faisait équipe avec [texte caviardé] comme chauffeur/gardien. La troisième personne (le chauffeur) ne lui manque pas, car il a l’impression d’avoir plus de contrôle et une meilleure communication avec son partenaire. Il a vécu des situations où il a dû [texte caviardé] pour rentrer dans le camion après avoir été cherché des objets de valeur, mais il indique qu’en général, les chauffeurs sont alertes. Il mentionne que le nouveau [texte caviardé] est une solution efficace et constitue une amélioration. Il était aussi reconnaissant de la prime (1,35 $) négociée par Unifor.

[72] M. Childs a également mentionné qu’il avait été informé de menaces potentielles par le chauffeur quand il travaillait dans une équipe de trois personnes et qu’en tant que chauffeur, il avait averti des équipiers plusieurs fois au cours de sa carrière. Il était d’accord pour dire que la zone la plus critique était la distance entre le camion et le lieu desservi, [texte caviardé]. Il l’a signalé. Une autre fois, le [texte caviardé] sur son téléphone a été activé. Il a secoué le téléphone et cela a arrêté. Il se souvient qu’un téléphoniste du CCN l’a appelé « assez rapidement ». Il affirme qu’il n’est pas préoccupé par [texte caviardé] si c’est fait correctement et que l’équipe reste alerte en tout temps.

[73] L’employeur a appelé [texte caviardé] à témoigner. [Texte caviardé] est un employé de Brink’s depuis 11 ans; il a occupé de nombreux postes, y compris ceux de gardien, de technicien des guichets automatiques, de chef d’équipe et de superviseur du service de logistique, et il est maintenant formateur en succursale à Ottawa. Dans son témoignage, il a indiqué qu’il avait reçu toute la formation de Brink’s, y compris la formation sur le modèle du déploiement complet et l’évaluation des risques liés aux lieux desservis, ainsi que sur les modules Santé et Sécurité. Il a reçu sa formation sur l’évaluation des risques liés aux lieux desservis de [texte caviardé] et de Mike Childs, et [texte caviardé] étaient également dans la classe. La formation a duré huit heures. En ce qui a trait à la formation sur l’évaluation des risques donnée par [texte caviardé], il se souvient des exemples de risques qui ont été utilisés en classe, comme un câble au sol et de nombreux autres scénarios. Il a mentionné que [texte caviardé] avait inclus un exemple fictif d’évaluation des risques dans la présentation, pour montrer à la classe à quoi ressemblait l’évaluation quand elle était effectuée. [Texte caviardé] a ensuite fait un exposé en PowerPoint, après quoi des questions ont été posées et différents points ont fait l’objet d’une discussion. [Texte caviardé] a indiqué que beaucoup de temps a été consacré à examiner la matrice.

[74] [Texte caviardé] a décrit la procédure qu’il suivait pour préparer les évaluations des risques liés aux lieux desservis pour l’itinéraire 78, qui comprenait la succursale de Hawkesbury. Il a effectué les évaluations des lieux desservis avec [texte caviardé], l’employé qui était coprésident du comité de santé et de sécurité. Le processus a duré quelques jours. Il a mentionné une discussion avec [texte caviardé] concernant le mauvais éclairage à la succursale de Hawkesbury et il a indiqué que la direction allait adresser cette question à la banque en transmettant un rapport de défaillance à son siège social.

[75] [Texte caviardé] a décrit le processus d’évaluation des risques liés aux lieux desservis de façon plus détaillée. Il a déclaré, dans son témoignage, que [texte caviardé] et lui étaient arrivés avant l’équipe et qu’ils avaient pris des photos et des notes. Ils ont suivi l’équipe à l’intérieur de l’immeuble et évalué les lieux, puis ils sont retournés à la succursale pour rédiger l’évaluation des risques liés aux lieux desservis. [Texte caviardé] a soulevé un certain nombre de préoccupations, ce qui a mené à un désaccord à propos de certaines des mesures de contrôle. [Texte caviardé].

[76] Dans son témoignage, [texte caviardé] a expliqué comment les membres d’une équipe de déploiement complet fonctionnaient quand ils arrivaient sur un lieu, et a décrit la procédure essentiellement de la même façon que [texte caviardé] et M. Childs. [Texte caviardé].

[77] [Texte caviardé] a indiqué que le refus de travailler de M. Childs a été exercé le deuxième jour que [texte caviardé] et lui observaient son équipe (le 25 octobre 2016). Il a déclaré que l’observation visait à examiner comment les membres de l’équipe accomplissaient leurs tâches durant les deux premières journées au cours desquelles ils effectuaient un itinéraire selon le modèle du déploiement complet. Il estimait que M. Childs et son chauffeur/gardien, [texte caviardé], s’amélioraient dans l’application de la procédure au fur et à mesure qu’ils desservaient des lieux. Des questions ont été posées à [texte caviardé] concernant les commentaires qu’il a notés sur les feuilles d’inspection selon lesquels les inspections des lieux effectuées par le chauffeur/gardien étaient [traduction] « surfaites » ou [traduction] « non efficaces ». [Texte caviardé].

[78] Avant son arrivée à la succursale de Hawkesbury la nuit de l’exercice du refus de travailler, [texte caviardé] a reçu un appel téléphonique du superviseur, [texte caviardé], qui lui a indiqué que M. Childs exerçait un refus de travailler à la succursale de la CIBC à Hawkesbury. [Texte caviardé] a confirmé qu’il a mené une enquête et pris des notes. Le motif du refus de M. Childs était que le modèle du déploiement complet n’était pas sécuritaire. Son refus n’était pas lié à une menace ou à un danger imminent, ni à un problème particulier affectant les lieux.

[79] Enfin, [texte caviardé] a donné un aperçu des mesures de sécurité offertes par le camion qui, selon lui, procurent un environnement sécuritaire qui atténue les risques pour les employés, comme l’a indiqué [texte caviardé] dans son témoignage.

[80] Durant l’audience, j’ai pu voir le camion utilisé à la succursale d’Ottawa en présence de toutes les parties. [Texte caviardé] était responsable de la démonstration technique, [texte caviardé]. Quand il a poursuivi son témoignage plus tard durant l’audience, il a noté qu’il avait déjà soulevé le problème auprès de son supérieur et de [texte caviardé]. Il a également indiqué qu’il n’avait jamais eu de problèmes avec [texte caviardé] auparavant. Si la situation s’était produite durant un vrai itinéraire, le camion n’aurait tout simplement pas été utilisé, comme l’ont indiqué d’autres témoins et éléments de preuve.

[81] Le syndicat a appelé [texte caviardé] à témoigner. [Texte caviardé] est un employé de Brink’s depuis août 2006 et il effectue actuellement un itinéraire selon le modèle du déploiement complet en tant que messager/chef d’équipe. Il travaille selon le modèle du déploiement complet depuis septembre 2017. Il a indiqué que, quand il était chauffeur au sein d’une équipe de trois personnes, il avait pu surveiller les risques pendant que les autres membres de l’équipe étaient à l’intérieur de l’établissement et les alerter de toute situation inhabituelle avant qu’ils ne sortent. Quand il était messager, il est arrivé à l’occasion que le chauffeur communique avec lui pour l’avertir de quelque chose.

[82] Dans son témoignage, [texte caviardé] a déclaré qu’il a suivi la formation sur le modèle du déploiement complet donnée par [texte caviardé]. Il trouvait que la formation avait été adéquate et complète, et il a indiqué qu’il était impressionné par la technologie et qu’il croyait que Brink’s essayait véritablement de rendre le modèle du déploiement complet aussi sécuritaire que possible. Il a ensuite mentionné certains des problèmes qu’il a eus avec la technologie : [texte caviardé]. Il estime que le modèle du déploiement complet n’est pas aussi sécuritaire que celui de l’équipe de trois personnes en raison de l’absence du chauffeur, qui est là pour surveiller les environs et dont la présence a un effet dissuasif sur les criminels. À son avis, [texte caviardé] n’est pas une solution satisfaisante parce que les appels de service peuvent durer jusqu’à 45 minutes et que beaucoup de choses peuvent se produire durant cette période.

[83] [Texte caviardé] a ajouté qu’il est maintenant à l’aise de travailler selon le modèle du déploiement complet. Il a indiqué, dans son témoignage, qu’il avait fait une demande pour travailler dans une équipe de déploiement complet et que c’était son choix de le faire. Il comprend les risques et il est d’accord pour dire qu’il y a aussi des risques avec une équipe de trois personnes. Il a indiqué qu’il n’a jamais eu à [texte caviardé] quand il travaillait comme messager; son chauffeur et lui ont reçu un avertissement verbal parce qu’ils n’avaient pas suivi les procédures, notamment en omettant [texte caviardé]. Il convient que [texte caviardé] constituaient d’importantes améliorations sur le plan de la sécurité. [Texte caviardé].

[84] Le syndicat a appelé M. Maurice Mills à témoigner. M. Mills était le coprésident du comité d’orientation des Teamsters de juin 2015 à juin 2017. M. Mills a déclaré qu’Unifor n’accepterait pas la configuration de l’équipe de déploiement complet. Il a indiqué que le comité avait discuté de la formation, des procédures et de la technologie, mais que, dans l’ensemble, les membres de son comité étaient d’avis que le modèle du déploiement complet n’était pas sécuritaire quand l’équipe doit quitter les lieux d’un appel de service, [texte caviardé]. La seule mesure de contrôle acceptable est de mettre [texte caviardé].

[85] M. Mills a expliqué que le syndicat a fini par demander que les points liés au modèle du déploiement complet soient retirés de l’ordre du jour du comité, afin d’éviter de nuire aux négociations collectives qui se déroulaient à ce moment-là en Ontario et en Colombie-Britannique, où la question du déploiement complet faisait partie des points de discussion à la table de négociation. M. Mills a confirmé qu’Unifor avait négocié des conventions collectives avec Garda en Colombie-Britannique qui comprenaient des dispositions sur la mise en place des équipes de déploiement complet, et il a présenté des copies des articles pertinents de ces conventions collectives. Ces dispositions étaient en vigueur depuis 2005.

[86] M. Mike Armstrong a témoigné au nom du syndicat. M. Armstrong est un représentant national d’Unifor depuis 27 ans et il a été responsable du secteur des véhicules blindés pendant les 10 dernières années.

[87] Il a déclaré qu’il a participé à la négociation de la dernière convention collective qui a été conclue en octobre 2017 avec Brink’s et que les questions litigieuses étaient la rémunération et le modèle du déploiement complet. Unifor était fortement en désaccord avec le modèle du déploiement complet, et le syndicat l’est toujours aujourd’hui. Brink’s a mentionné la possibilité d’une prime liée au modèle du déploiement complet, et l’entreprise a maintenu qu’elle allait appliquer ce modèle, qu’Unifor soit d’accord ou non, car elle avait besoin d’uniformiser les règles du jeu pour être concurrentielle. La majorité des concurrents faisaient [texte caviardé]. M. Armstrong a indiqué qu’Unifor a fini par accepter le modèle du déploiement complet, car le gagne-pain des gens était en jeu et que c’était aux membres de décider. Il sait que le modèle du déploiement complet a suscité beaucoup d’anxiété parmi les membres. Certaines succursales ont voté contre la convention proposée, et le taux de ratification, qui s’établissait à 57,6 %, était considéré comme faible.

[88] Quand on lui a demandé si le syndicat national jugeait le modèle du déploiement complet sécuritaire, à la suite de cette ratification, M. Armstrong a déclaré que selon Unifor, [texte caviardé] n’est pas sécuritaire. Le service des recherches d’Unifor a rédigé des documents d’orientation à ce sujet et a indiqué qu’il s’agissait d’un nivellement vers le bas, car il n’y a pas vraiment de réglementation dans le secteur. Il a mentionné que la Nouvelle-Écosse est la seule province qui a adopté des règlements en la matière. La réglementation prévoit que les équipes doivent compter deux personnes au minimum.

[89] M. Armstrong a indiqué qu’il n’avait pas encouragé M. Childs ou d’autres employés à refuser de travailler. À son avis, les employés devaient essayer le modèle pendant quelques semaines et ne pas conclure trop hâtivement, et se faire leur propre idée par rapport à la sécurité ou non du modèle. Il a déclaré, dans son témoignage, que les membres de Travailleurs canadiens de l’automobile /Unifor en Colombie-Britannique comptaient des équipes de déploiement complet depuis plus d’une décennie et qu’Unifor avait négocié des conventions collectives qui prévoyaient le recours au modèle du déploiement complet. Il a souligné le fait que les sections locales jouissent de beaucoup d’autonomie dans leurs négociations collectives. Il a indiqué qu’Unifor avait représenté les employés de G4S à Ottawa, qui avait un modèle du déploiement complet, comme le souhaitaient les membres. En ce qui a trait à une déclaration faite dans un communiqué de presse du président d’Unifor publié durant les négociations, voulant qu’Unifor n’allait pas [traduction] « signer une convention qui met des vies en danger », il a déclaré qu’il ne croyait pas que la convention conclue avec Brink’s allait avoir cet effet-là. Enfin, il a déclaré qu’il n’était pas au courant d’attaques contre des équipes de déploiement complet de Brink’s au cours des deux dernières années.

[90] [Texte caviardé] a été appelé à témoigner par le syndicat. [Texte caviardé] possède neuf ans d’expérience comme employé de Brink’s. Il a été technicien de guichets automatiques, messager et chauffeur. Il travaille selon le modèle du déploiement complet depuis six ou sept mois. Il a reçu de la formation avant de commencer à travailler selon le modèle du déploiement complet. [Texte caviardé] a mentionné des problèmes qu’il a eus avec l’équipement et qui ont été décrits par d’autres témoins : [texte caviardé] ne fonctionne pas toujours bien (même s’il est d’accord pour dire que le changement récent de logiciel était une amélioration) et [texte caviardé] ne fonctionne pas toujours correctement dans les nouveaux camions, [texte caviardé]. Il a également déclaré dans son témoignage qu’il avait des [texte caviardé] toutes les semaines, et que, parfois, la porte ne fermait pas bien, ce qui l’amenait à communiquer avec le CCN. [Texte caviardé]. Le camion dans lequel le problème s’était produit n’est plus utilisé. Il a déclaré que, même si l’équipement est vérifié pour s’assurer que tout fonctionne avant de partir de la succursale, il y avait eu des défaillances de l’équipement sur la route, mais il convenait que le problème avait été résolu.

[91] [Texte caviardé] a indiqué qu’il fait [texte caviardé] quand il travaille selon des modèles autres que celui du déploiement complet. [Texte caviardé].

[92] [Texte caviardé] a expliqué que l’élément du modèle du déploiement complet qu’il considérait comme le plus dangereux était quand le messager sort du camion et y retourne. Il a décrit le rôle du chauffeur dans une équipe de trois personnes dans des termes semblables à ceux employés dans le témoignage précédent, et il a précisé qu’à son avis, la présence du chauffeur ajoutait une couche de sécurité supplémentaire.

L’appel dans l’affaire Barber (2017-12)

Contexte

[93] L’appel de M. Kevin Barber porte sur une décision d’absence de danger rendue verbalement par le délégué ministériel, M. Jenkins, le 28 avril 2017 et confirmée par écrit le 11 mai 2017. La décision a été rendue à la suite du refus de travailler exercé par l’appelant le 3 avril 2017. M. Barber travaille à la succursale d’Ottawa de l’employeur, comme M. Childs. Il a effectué son premier quart de travail selon le modèle du déploiement complet le 26 mars 2017. Le 3 avril 2017 en soirée, il a effectué son troisième quart de travail selon la configuration du modèle du déploiement complet, en suivant l’itinéraire 72. Il était le chauffeur/gardien ce soir-là. Les motifs du refus de travailler de M. Barber étaient essentiellement liés au modèle du déploiement complet en général, qu’il disait non sécuritaire principalement en raison de l’absence d’une troisième personne qui reste dans le camion, c’est-à-dire le chauffeur, pendant que les deux autres membres de l’équipe transportent l’argent et les objets de valeur à chaque point de livraison avant de retourner au camion.

[94] Son message texte du 3 avril 2017 qui indiquait les raisons de son refus se lit comme suit :

[Traduction] J’exerce un refus de travailler en vertu du Code canadien du travail, parce que j’estime que le modèle du déploiement complet est trop dangereux en l’absence d’un chauffeur qui agit comme troisième personne qui peut surveiller pour nous pendant que nous travaillons à l’intérieur des banques. Le modèle du déploiement complet est un modèle de travail non sécuritaire.

[Texte caviardé] m’a informé qu’en refusant ce modèle qu’EDSC juge non sécuritaire, mais pour lequel il a aussi accordé une suspension à Brink’s, avec des lignes directrices à suivre, mon refus pourrait être considéré comme frivole.

J’ai ensuite dit à [texte caviardé] que les mesures qu’EDSC a mises en place ne me donnent pas le sentiment d’être suffisamment en sécurité. Il a répondu qu’il ne m’appartient pas de prendre ces décisions.

Je pense que le modèle, dans son ensemble, n’est pas sécuritaire parce que le retrait du chauffeur comme troisième personne nous enlève la capacité d’empêcher ou peut-être même d’arrêter des voleurs qui veulent nous tendre une embuscade (surtout le technicien). En fin de compte, je crains pour ma vie et la vie de mes coéquipiers.

Le chauffeur qui agit comme troisième personne peut surveiller autour du camion et de la banque pendant que le reste de l’équipe effectue un appel de service. [Texte caviardé].

Le chauffeur qui agit comme troisième personne peut aussi riposter en tirant à l’aide du pistolet ou du fusil de chasse tout en restant en sécurité à l’intérieur du camion. Le chauffeur peut également s’assurer que personne ne sabote le camion. [Texte caviardé].

Mais surtout, la troisième personne peut prévenir l’équipe de comportements ou d’agissements suspects de personnes autour du camion. La sécurité et la sûreté de l’équipe s’en trouvent améliorées. Le chauffeur peut remarquer un véhicule suspect qui apparaît souvent en même temps que l’équipe quand elle effectue un appel de service. Le chauffeur peut avertir l’équipe de personnes qui regardent par les fenêtres pour voir les équipes qui travaillent dans la banque.

[95] Saisi de l’affaire à l’étape initiale du processus comme le prévoit l’article 128 du Code, le comité local de santé et de sécurité est arrivé à une impasse concernant la nature prétendument non sécuritaire du modèle du déploiement complet.

[96] L’employeur était d’avis, quant au refus de M. Barber, qu’il n’existait pas de danger particulier qui constituait un danger imminent ou sérieux pour l’employé au moment du refus. De plus, l’employeur avait mis en place toutes les mesures préventives temporaires ordonnées par l’agent d’appel à titre de conditions pour suspendre la mise en œuvre de l’instruction émise sur le refus dans l’affaire Childs (Brink’s Canada Ltée c. Childs, 2017 TSSTC 4). Étant donné que M. Barber n’avait pas invoqué de circonstances particulières la nuit de son refus, l’employeur considérait que son refus était abusif et inapproprié. M. Barber n’était pas d’accord pour dire que les mesures supplémentaires avaient amélioré la sécurité du modèle du déploiement complet, qui demeurait non sécuritaire à son avis.

[97] Le délégué ministériel a mené son enquête sur le refus et conclu qu’il n’existait pas de danger pour les motifs qu’il a énoncés comme suit dans son rapport :

[Traduction] En ce qui a trait à son refus, la première question à examiner était celle de savoir si son refus différait essentiellement des refus précédents exercés à Edmonton et à Ottawa, pour lesquels il avait été conclu qu’il existait un danger. Après avoir examiné le dossier et les décisions des deux agents d’appel sur la demande de suspension, j’ai conclu que ce refus était essentiellement le même que celui exercé à Ottawa, parce que le refus était fondé sur le modèle du déploiement complet et non sur un lieu particulier. Par conséquent, étant donné que l’employeur a rempli les quatre conditions énoncées dans la décision de suspension de l’agent d’appel à l’égard de l’instruction visant la succursale d’Ottawa, cet agent est d’avis que l’alinéa 129(3.1)a) du Code peut être appliqué et que je peux rendre une décision d’absence de danger en me fondant sur la décision de suspension du TSSTC, dans la mesure où la décision de l’agent d’appel permet d’utiliser le modèle du déploiement complet à certaines conditions, atténuant ainsi le danger jusqu’à ce qu’une décision soit rendue sur l’appel. Pour ces motifs, je conclus qu’aucun danger n’existe aux termes de la partie II du Code canadien du travail.

[je souligne]

[98] Il est utile de citer les conditions imposées en plus de la suspension de l’instruction dans l’appel dans l’affaire Childs :

[64] Comme il est mentionné dans la lettre aux parties datée du 3 mars 2017, l’octroi de la suspension est subordonné au respect des quatre (4) conditions suivantes par l’employeur, qui sont essentiellement les mêmes que les conditions ordonnées dans Brink’s Canada Ltée c. Robert Dendura.

Comme s’y est engagé l’employeur et relativement à sa succursale d’Ottawa, celui-ci doit :

  1. Discuter tous les mois avec chaque personne régulièrement affectée à une équipe du modèle du déploiement complet à l’extérieur du véhicule afin de déterminer si elle a de la difficulté à appliquer les protocoles et procédures prévues pour ce type d’équipe, et recueillir tout commentaire constructif qui doit être évalué et pris en considération aux fins de la révision éventuelle des procédures uniformisées d’exploitation applicables aux équipes de ce genre;
  2. Mettre à jour de manière continue et réviser au besoin les évaluations des risques liés aux lieux desservis;
  3. Mettre à jour de manière continue et réviser au besoin les procédures opérationnelles applicables aux équipes de déploiement complet à l’extérieur du véhicule;
  4. Voir à ce que chaque équipe de déploiement complet à l’extérieur du véhicule soit observée par des employés supplémentaires de Brink’s au moins deux fois par mois pour l’ensemble ou une partie de leur itinéraire, afin de vérifier si elle applique les procédures, d’éliminer les comportements complaisants, d’évaluer et d’atténuer le risque et de fournir des yeux additionnels pour avertir l’équipe de tout risque.

[99] Au cours de l’enquête du délégué ministériel et dans son témoignage à l’audience, M. Barber a fourni des détails supplémentaires sur ses inquiétudes quant au modèle du déploiement complet. Dans la description de l’événement par l’employé, le délégué ministériel a transcrit les inquiétudes de M. Barber comme suit :

[Traduction] Je pense que le modèle, dans son ensemble, n’est pas sécuritaire parce que le retrait du chauffeur comme troisième personne nous enlève la capacité d’empêcher ou peut-être même d’arrêter des voleurs qui veulent nous tendre une embuscade (surtout le technicien).

En fin de compte, je crains pour ma vie et la vie de mes coéquipiers.

Le chauffeur qui agit comme troisième personne peut surveiller autour du camion et de la banque pendant que le reste de l’équipe effectue un appel de service. [Texte caviardé].

Le chauffeur qui agit comme troisième personne peut aussi riposter en tirant à l’aide du pistolet ou du fusil de chasse tout en restant en sécurité à l’intérieur du camion.

[Texte caviardé]. Ce nouveau modèle du déploiement complet ne permet pas ce degré de sécurité accru. [Texte caviardé] pour empêcher l’équipe d’entrer dans le camion et lui faire perdre assez de temps pour lancer une attaque.

Mais surtout, la troisième personne peut prévenir l’équipe de comportements ou d’agissements suspects de personnes autour du camion. La sécurité et la sûreté de l’équipe s’en trouvent améliorées. Le chauffeur peut remarquer un véhicule suspect qui apparaît souvent d’un appel à un autre quand l’équipe effectue un appel de service. Le chauffeur peut avertir l’équipe de personnes qui regardent par les fenêtres pour voir les équipes qui travaillent dans les banques. Le chauffeur peut certainement diminuer le risque d’une tentative d’embuscade contre l’équipe qui sort du lieu d’un appel de service.

Le chauffeur permet à l’équipe de toujours avoir une vision sur ce qui se passe à l’extérieur de la banque. Les membres de l’équipe peuvent être en communication constante pour être avertis de tout problème éventuel ou événement suspect qui peut se produire.

[Texte caviardé]. Le chauffeur qui agissait comme troisième personne pouvait émettre des mises garde à l’intention de toute l’équipe.

L’équipe du modèle du déploiement complet ne reçoit même pas une copie des documents de formation. Nous sommes formés seulement à l’aide d’une présentation PowerPoint et d’un exercice pratique d’une heure. On s’attend à ce que nous apprenions sur le tas un modèle beaucoup plus dangereux.

Durant la formation, j’avais demandé à [texte caviardé] si nous pouvions recevoir [texte caviardé] et il a refusé. [Texte caviardé].

L’entreprise nous a informés que la formation sur le modèle du déploiement complet se fait toujours sur le tas.  Je travaille selon le modèle du déploiement complet seulement une fois par semaine en ce moment. Ce n’est pas assez de temps pour se familiariser avec le modèle et les dangers supplémentaires qui peuvent se présenter.

Nous avons des problèmes constants avec les nouveaux téléphones qui s’ajoutent à la liste croissante de problèmes. [Texte caviardé]. S’il s’était agi d’un vol, cela aurait mis en danger ma vie et celle de mes coéquipiers. [Texte caviardé].

[Texte caviardé].

Les scénarios de vol n’ont jamais été expliqués et ont presque été évités durant la séance de formation, comme si cela ne constituait pas une possibilité.

Les vérifications des banques sont effectuées seulement le long du « chemin emprunté » vers la salle des guichets automatiques, à la demande de [texte caviardé]. (L’équipe de l’itinéraire 72 a vu une porte d’urgence ouverte au 1930, boulevard St-Laurent (RBC) le 31 janvier, et il s’agissait d’une équipe de trois personnes. Si l’équipe n’avait pas vérifié la porte malgré la demande de [texte caviardé] de demeurer sur le chemin emprunté, des voleurs ou d’autres personnes non autorisées auraient pu entrer dans le bâtiment.)

Aucun lieu de chargement sécuritaire pour le fusil de chasse; jamais testé pour vérifier la possibilité de ricochets.

[Texte caviardé].

Si l’équipe oublie quelque chose dans le camion, le gardien/chauffeur et le chef d’équipe doivent tous deux retourner dans le camion, ce qui augmente la vulnérabilité de l’équipe.

Cela se produit assez souvent parce que nous pouvons avoir besoin de fournitures supplémentaires ou oublier un colis.

[Texte caviardé].

[Texte caviardé].

Le camion est le seul lieu sécuritaire à n’importe quel arrêt, et quand nous retournons au camion, il n’y a pas de garantie absolue que le camion est toujours sécuritaire.

[Texte caviardé].

[Texte caviardé].

Quand j’ai commencé à travailler chez Brink’s, le chauffeur devait communiquer par radio avec le gardien de tourelle toutes les heures pour lui dire que tout allait bien. [Texte caviardé].  Il n’y a plus de radios reliées à une station de base pour communiquer avec les autres équipes en cas d’urgence.

[Texte caviardé].

[Texte caviardé].

[100] Le témoignage de M. Barber à l’audience peut se résumer ainsi.

[101] Il a travaillé à [texte caviardé] pendant huit ans et il a occupé tous les postes. M. Barber a indiqué qu’au moment où il avait brigué un poste dans l’équipe de déploiement complet, il n’avait pas été formé mais il avait eu une formation sur le déploiement complet une semaine avant. Il a expliqué qu’il avait présenté sa candidature à un poste sur l’itinéraire selon le modèle du déploiement complet parce qu’il voulait faire preuve d’ouverture d’esprit et essayer quelque chose de nouveau et avec un peu de chance, un stimulant pécuniaire accompagnerait le travail dans le cadre du modèle du déploiement complet, lequel n’était pas offert à ce moment-là.

[102] M. Barber a décrit les procédures suivies par l’équipe relativement à une inspection avant départ du camion et de l’équipement, relevant qu’il s’agissait d’un nouveau camion et que tout l’équipement fonctionnait bien avant leur départ de la succursale, le soir où il a exercé son refus, ainsi que lors des deux jours précédents. Les deux premières nuits, il a été suivi par la direction et la troisième nuit, il leur a été demandé, à lui ainsi qu’à [texte caviardé], d’effectuer un échange de fonds supplémentaire. C’était la première fois qu’il faisait le déploiement complet sans l’aide d’une « paire d’yeux supplémentaire ». [Texte caviardé].

[103] Il a indiqué qu’il avait [texte caviardé] et que son [texte caviardé] l’avait éloigné de la ligne de mire. Une fois dans le camion, il a déclaré dans son témoignage qu’il avait fini de remplir les documents, qu’il avait immobilisé l’ancien chargement et attaché le nouveau. L’équipe a alors pris une pause-café. Il a commencé à penser à ce qu’il avait fait et a parlé à [texte caviardé] à propos d’un refus de travailler. Une fois arrivé sur les lieux à Hazeldean, il a appelé son superviseur, [texte caviardé], et l’a informé qu’il exerçait un refus de travailler. Il a déclaré qu’il avait informé son superviseur qu’il ne pensait pas que le modèle du déploiement complet était assez sécuritaire et qu’il avait besoin d’une paire d’yeux supplémentaire, [traduction] « car vous ne savez pas à quoi vous attendre ». Lorsque [texte caviardé] est arrivé, il a déclaré qu’on lui avait dit que ce qu’il faisait était frivole et vexatoire, puisqu’il y avait des conditions de suspension en place.

[104] M. Barber a passé en revue un certain nombre de problèmes techniques qui sont survenus avec le camion 16208, qui a été utilisé la nuit de l’exercice de son refus de travailler : [Texte caviardé] étaient usés, et il fallait les bouger pour entendre le bruit de grincement. Il conduit maintenant un nouveau camion sur l’itinéraire visé par le déploiement complet et [texte caviardé]. Il a également indiqué que le conducteur a « plus de pouvoir » que le messager/chef d’équipe puisque lorsque le messager essaie de déplacer le camion, [texte caviardé] et déclenche des alarmes : le camion peut seulement être [texte caviardé], ce qui s’est avéré gênant la fois où la police lui avait demandé de déplacer le camion et qu’il ne pouvait pas.

[105] M. Barber a en outre déclaré que lorsque [texte caviardé] et [texte caviardé] l’ont observé, ils lui ont dit de vérifier les lieux plus rapidement qu’il ne le faisait : [texte caviardé]. Il a expliqué que rien dans les conditions de suspension ne le faisait se sentir en sécurité et que seule une observation lui procurait le sentiment d’être plus en sécurité.

[106] M. Barber a déclaré que le matin suivant son refus de travailler, il a informé la direction des problèmes éprouvés lors de l’appel de service à BMO, à Almonte. Il a indiqué que la direction a écouté ses préoccupations et a modifié les procédures opérationnelles normalisées pour ce lieu, [texte caviardé].

[107] M. Barber a reconnu que, lorsqu’il a exercé son refus de travailler le 3 avril, tout l’équipement fonctionnait correctement au site d’Hazledean. Le seul motif qu’il a invoqué pour son refus de travailler est qu’il ne se sentait pas en sécurité lorsqu’il utilisait le déploiement complet, du fait qu’en l’absence d’un conducteur, il manquait une paire d’yeux supplémentaire. Il a indiqué qu’il ne suit pas toujours la procédure et que les politiques de Brink’s ne sont pas conçues pour assurer la sécurité de l’équipe, mais pour protéger les objets de valeur et être efficace (« le temps, c’est de l’argent »). Il a ajouté que les employés doivent contourner les procédures pour gagner du temps et qu’il ne pouvait pas se permettre de se faire suspendre et de perdre du salaire.

[108] En général et à la lumière des témoignages de tous les autres témoins, j’ai estimé que le témoignage de M. Barber devait être examiné avec circonspection. J’ai trouvé qu’il avait un esprit de contradiction et était quelque peu enclin à exagérer ses réponses. Ses préoccupations au sujet du modèle du déploiement complet, que j’ai choisi de reproduire dans leur intégralité ci‑dessus, soulèvent un certain nombre de questions qui n’avaient pas été exprimées par les autres témoins convoqués par le syndicat, ou contredisent leur témoignage [texte caviardé], et ne sont pas totalement fiables. Cela ne signifie pas que je rejette complètement son témoignage, mais simplement que je l’accepterai avec un niveau approprié de prudence. J’accepte que le principal motif de son refus de travailler, le soir du 3 avril 2017, soit qu’il ne trouvait pas que la configuration de l’équipe de déploiement complet était sécuritaire, principalement parce qu’il n’y avait pas de conducteur pour surveiller et aviser l’équipe au besoin, pendant que l’équipe assurait des services au lieu desservi et lorsqu’elle s’apprêtait à retourner au camion. C’est en effet le nœud de la question dans les présentes affaires.

Observations des parties

[109] Les avocats des parties ont accepté de présenter leurs observations écrites principales en même temps, soit un mois après le dernier jour d’audience. Deux semaines supplémentaires ont été accordées pour permettre aux avocats de répondre aux observations de l’autre partie. Le Tribunal a reçu les observations finales le 26 mars 2018.

Brink’s Canada Ltée

[110] M. Henderson a présenté les observations écrites pour le compte de l’employeur. L’avocat de l’employeur a d’abord résumé le témoignage de chaque témoin à l’audience. Il n’est pas nécessaire de prendre connaissance de ce résumé, puisque j’ai présenté les témoignages que je considère plus pertinents, pour les présents appels, plus haut dans ces motifs.

[111] L’avocat de l’employeur a alors renvoyé à la définition de danger du Code et a cité la décision que j’ai rendue dans Dendura, ainsi que les deux décisions de principe établissant le critère pour déterminer l’existence d’un danger, selon la nouvelle définition de « danger » adoptée par le Parlement et entrée en vigueur le 31 octobre 2014 : Ketcheson et Keith Hall & Sons.

[112] L’avocat soutient que le « risque, la situation ou la tâche » allégué dans les présentes affaires est le risque de vol ou d’attaque potentiel lorsque l’équipe retourne au véhicule blindé à la sortie des lieux sans qu’un conducteur soit présent dans le véhicule comme deuxième paire d’yeux pour surveiller les environs et fournir des renseignements à l’équipe à sa sortie.

[113] En ce qui a trait au premier élément de la définition, à savoir si les employés faisaient face à une menace pour leur vie ou pour leur santé la nuit de leur refus de travailler, l’employeur soutient qu’il n’y avait aucune preuve de menace imminente au sens donné à ces mots dans la décision Ketcheson. 

[114] Quant au deuxième élément, et citant les décisions Pogue c. Brink’s Canada Ltée, 2017 TSSTC 27, et Dendura, l’avocat de l’employeur soutient que, pour permettre de conclure que les employés qui ont refusé de travailler seront exposés à une menace sérieuse, la preuve doit nécessairement montrer qu’il est vraisemblable qu’ils seront confrontés, dans les jours, les semaines ou les mois à venir, à une situation qui pourrait leur causer un préjudice, à la suite de leur prestation des services de guichet automatique, selon le modèle du déploiement complet.

[115] La probabilité que le membre d’une équipe de déploiement complet soit pris en embuscade après avoir quitté les lieux du client lorsqu’il retourne au véhicule est tellement faible, selon les statistiques compilées pendant 26 mois, qu’elle ne constitue pas une menace. L’avocat renvoie au témoignage de [texte caviardé]. Il renvoie également au témoignage de M. Doiron selon lequel, lorsqu’on compare l’équipe formée de trois personnes à l’équipe de déploiement complet composée de deux personnes, les équipes s’équivalent en raison des mesures recommandées et prises au Comité national d’orientation en matière de santé et de sécurité. Il a ajouté que, lorsque [texte caviardé] et l’évaluation des risques liés aux lieux desservis sont utilisés pour un lieu, l’équipe connaît à 100 % la configuration de chaque établissement. En conclusion, il a témoigné que, s’il n’avait pas l’impression que le déploiement complet pouvait être fait de façon sécuritaire, les Teamsters ne l’utiliseraient pas.

[116] L’avocat de l’employeur a également renvoyé aux témoignages des témoins de la direction selon lesquels le nombre de membres au sein d’une équipe qui se trouvent à bord du véhicule a peu ou pas d’effet sur le processus décisionnel du criminel. En fait, il a indiqué que des équipes formées de quatre et cinq personnes avaient été attaquées. Il a ajouté que la formation reçue par les membres de l’équipe et l’importance [texte caviardé] réduisent le risque.

[117] L’avocat souligne le fait que les statistiques précédentes sur les agressions à l’encontre d’équipes de déploiement complet indiquent des modèles différents de celui des pratiques exemplaires élaboré et utilisé par Brink’s, laquelle n’a été l’objet d’aucune tentative de vol depuis la mise en œuvre du modèle. En suivant les pratiques exemplaires, Brink’s a amélioré sa technologie de communication, son équipement de protection personnelle, ses appareils de réduction des vols, sa conception des camions blindés, sa formation spécialisée pour les équipes de déploiement complet et ses évaluations des risques liés aux lieux desservis pour évaluer les dangers à chaque établissement, ainsi que ses procédures opérationnelles normalisées qui nécessitent [texte caviardé] a également souligné l’importance d’être efficace aux lieux desservis pour réduire davantage le temps d’exposition aux possibles menaces.

[118] L’avocat de l’employeur soutient que Brink’s a appliqué les conditions de la suspension qui a été accordée, laquelle prévoyait des mesures d’atténuation supplémentaires en attendant l’issue des présents appels, et que la possibilité raisonnable que les employés fassent l’objet d’une tentative de vol et qu’ils subissent des blessures sérieuses est faible. Le Tribunal, dans la décision Ketcheson, a clairement indiqué qu’un risque très faible, soit en raison de sa faible probabilité ou de sa faible gravité, n’est pas une menace. Par conséquent, la probabilité qu’un membre de l’équipe de déploiement complet soit victime d’une embuscade à sa sortie de l’établissement d’un client et à son retour au véhicule est faible. Une menace sérieuse n’existe donc pas.

[119] L’avocat a fait état de ma conclusion dans la décision Dendura selon laquelle le modèle du déploiement complet exposait les employés à une menace sérieuse. Il soutient toutefois que la preuve présentée à l’audience des présents appels apporte des faits supplémentaires qui devraient me faire réexaminer ma conclusion et conclure que les employés ne faisaient pas face à une menace sérieuse les jours de leur refus et qu’il n’y avait aucun danger. L’avocat a évoqué plus particulièrement le deuxième rapport TRAK (2017) et le témoignage de M. Brien selon lesquels le risque de préjudice sérieux pour les employés utilisant le modèle du déploiement complet était faible, compte tenu des données statistiques les plus récentes et de la plus longue période pendant laquelle aucune attaque à main armée n’a été signalée. L’avocat a également souligné le témoignage de M. Doiron, qui n’avait pas témoigné à l’audience de Dendura.

[120] Pour tous les motifs susmentionnés, l’employeur demande que j’annule l’instruction émise dans l’affaire Childs et que je confirme la décision rendue dans l’affaire Barber.

Unifor

[121] Mme Lundquist, au nom d’Unifor, a d’abord soutenu que les questions à trancher dans les présents appels m’avaient également été soumises dans l’affaire Dendura. Toutefois, l’employé dans cette affaire n’était pas représenté par un avocat ou son syndicat. L’agent d’appel dans Dendura n’avait donc pas été informé de la preuve statistique qui démontrait sans équivoque que le modèle du déploiement complet représentait un danger. Cette preuve est versée au dossier de la présente affaire et montre que le modèle du déploiement complet crée un risque accru pour la santé et la sécurité des employés.

[122] L’avocate a résumé ses observations selon lesquelles le modèle du déploiement complet peut vraisemblablement présenter une menace sérieuse pour la vie ou la santé des employés qui y sont exposés. Le changement apporté à l’équipe traditionnelle composée de trois personnes élimine le conducteur et la vision stratégique qui protégeaient auparavant les équipes contre les menaces à leur sécurité à la sortie d’un lieu desservi. Le danger accru attribuable au changement ne constitue pas une condition normale de l’emploi. La technologie et les procédures mises en œuvre par Brink’s n’atténuent pas suffisamment le risque sérieux de vol et d’agression qui survient en raison de l’adoption du modèle du déploiement complet.

[123] De plus, l’avocat souligne que les conditions de la suspension accordée dans l’appel Childs ne traitent pas convenablement des dangers inhérents au modèle du déploiement complet. Ce danger est une menace accrue de vol et d’agression et ces mesures ne peuvent tout simplement pas protéger les équipes de déploiement complet contre cette menace sérieuse et accrue.

[124] L’avocate d’Unifor soutient que l’employeur n’avait pas tenu des consultations sérieuses avec le syndicat avant d’adopter le modèle du déploiement complet, et le syndicat continue de croire que ce modèle n’est pas sécuritaire.

[125] L’avocate a examiné le témoignage de M. Childs et les événements du 25 octobre 2016 lorsqu’il a exercé son droit de refus de travailler au motif qu’il considérait le modèle du déploiement complet comme étant dangereux. Concernant le retrait éventuel de son refus, l’avocate souligne l’importance de faire ressortir le contexte de son retrait : il est évident que l’argent et la sécurité d’emploi étaient des considérations importantes dans sa décision de retirer son refus.

[126] L’avocate d’Unifor a évoqué le témoignage de [texte caviardé], qui a déclaré que se rendre au camion et en revenir en tant que gardien/conducteur constituait l’aspect le plus dangereux de l’emploi et que le modèle du déploiement complet augmentait ce risque. Ce témoignage est conforme au matériel de formation de Brink’s, ainsi qu’au rapport d’expert qui indique que le chemin vers le véhicule et en provenance de celui-ci est l’endroit où la majorité des vols sont commis.

[127] L’avocate a alors examiné le témoignage de M. Barber et les événements entourant son refus de travailler du 3 avril 2017.

[128] En ce qui a trait au fait que les syndiqués ont ratifié une convention collective, y compris une prime de déploiement complet, l’avocate soutient que le contexte de cette convention à la table de négociation devrait être pris en compte. Brink’s avait affirmé de façon non équivoque qu’elle mettrait en œuvre le modèle du déploiement complet sans le consentement d’Unifor. Cette convention ne devrait pas être interprétée comme le consentement explicite ou implicite d’Unifor au modèle du déploiement complet. Unifor était au courant des présents refus de travailler et il incomberait au Tribunal de trancher en dernier ressort la sécurité du modèle.

[129] L’avocate du syndicat renvoie à l’article 128 du Code et à la définition de danger, ainsi qu’au besoin de cerner d’abord le « risque, la situation ou la tâche » dont il est question en l’espèce. Elle soutient que la menace dans les présents appels comporte deux volets : premièrement, il y a le risque accru d’embuscade pour un gardien lorsqu’il retourne au véhicule du lieu desservi sans qu’un conducteur puisse le prévenir des menaces potentielles, ou soit vu dans le véhicule comme une dissuasion visuelle pour les criminels. L’équipe devient alors une « cible vulnérable » pour les criminels. Deuxièmement, il y a une autre menace de retard de l’intervention d’urgence : [texte caviardé]. La technologie introduite par Brink’s ne réduit pas adéquatement ce risque supplémentaire.

[130] En ce qui a trait au premier élément de la définition à savoir si les employés faisaient face à une menace pour leur vie ou pour leur santé la nuit de leur refus de travailler, l’avocate souligne que ni M. Childs ni M. Barber n’ont affirmé qu’ils faisaient face à une menace imminente.

[131] Quant au second élément de la définition, néanmoins, l’avocate affirme que les employés sont exposés à une menace sérieuse lorsqu’ils suivent le modèle du déploiement complet, selon l’interprétation et l’application de ces termes dans les décisions Ketcheson et Keith Hall & Sons. Les statistiques indiquent que la menace de vol et les blessures ou le décès qui pourraient en résulter sont bien réels dans le secteur des véhicules blindés. Il ne s’agit pas là d’une simple conjecture ou hypothèse (il y a eu en moyenne 6,6 attaques par année, entre 2000 et 2015). Bien que la probabilité de vol ou d’agression reste relativement faible, la gravité d’une blessure, si un vol se produit, est extrêmement élevée (Securicor). Il est évident qu’une attaque pourrait survenir avant que la tâche puisse être modifiée.

[132] L’avocate soutient en outre que la condition du danger est établie dans les présentes affaires et que le danger ne constitue pas une condition normale de l’emploi. Il y a un niveau de risque inhérent de vol dans le secteur des véhicules blindés, mais l’analyse vise à déterminer si l’introduction d’une politique – en l’espèce, le modèle du déploiement complet – porte ce risque à un niveau inacceptable (Verville c. Canada (Service correctionnel), 2004 CF 767) (Verville). L’avocate soutient que le rapport d’expert commandé par l’employeur indique qu’entre 2000 et 2015, 70 % des attaques visaient des équipes de déploiement complet. Brink’s n’avait pas encore mis en œuvre son modèle du déploiement complet pendant cette même période. Seulement 17 % de ces attaques visaient ses équipes formées de trois personnes. Cependant, Brink’s contrôle 46 % des parts de marché, ce qui pourrait indiquer, comme le souligne le rapport, une préférence de la part des criminels pour les équipes de déploiement complet quand ils planifient une attaque.

[133] L’avocate d’Unifor cite également les propres statistiques de Brink’s compilées dans un rapport par leur service de sécurité en 2014, qui conclut que, selon les données recueillies à partir des attaques antérieures, le modèle traditionnel du déploiement d’une équipe composée de trois personnes découle d’un service qui est substantiellement plus sécuritaire pour les employés, les clients et le public en général (Statistiques du secteur des camions blindés du Canada (révisées) « Canadian Armoured Truck Industry Statistics (Revised) » – Pièce U-2).

[134] L’avocate soutient en outre que les mesures proposées par Brink’s pour atténuer les risques ne protègent pas de façon adéquate les employés du danger. [Texte caviardé] est d’abord une technique utilisée avec d’autres modèles de livraison, et il n’est pas propre au modèle du déploiement complet. Le témoignage de [texte caviardé] établit clairement que [texte caviardé] exposait le gardien/conducteur à un risque inacceptable; puisqu’on ne voit pas l’autre côté du camion, il est facile pour les voleurs d’attaquer le gardien/conducteur lorsqu’il [texte caviardé], et il n’était pas rare pour les gardiens d’oublier [texte caviardé].

[135] De même, [texte caviardé] n’est pas propre au modèle du déploiement complet, et l’avocate estime qu’il est au plus superficiel, que l’efficacité en [texte caviardé] est le principal facteur et que la sécurité n’est qu’une préoccupation secondaire. Par conséquent, aucune preuve au dossier ne démontre que cet élément du modèle du déploiement complet atténue les risques.

[136] Brink’s a accordé une importance considérable à la nouvelle technologie développée pour le modèle du déploiement complet. L’avocate soutient que la technologie est réactive et non proactive, contrairement aux exigences de l’article 122.2 du Code. Le potentiel d’élimination ou de forte atténuation des risques d’attaque grâce à la présence d’un conducteur devrait l’emporter sur l’importance accordée à l’équipement de protection personnelle. Aucune des technologies décrites dans la preuve ne protège les équipes de déploiement complet contre la menace principale que sont le vol et l’agression, et sont destinées à servir une fois le vol commis ou en cours. De plus, la preuve établit le mauvais fonctionnement fréquent de l’équipement, [texte caviardé] instantanément comme il devrait, [texte caviardé], etc. L’avocate affirme également que [texte caviardé] a montré que ce n’était pas une aide fiable; [texte caviardé] pourrait se voir confier la supervision de plus de 70 équipes en une nuit à travers le Canada, en plus d’accomplir d’autres tâches administratives.

[137] L’avocate d’Unifor soutient que le rapport TRAK a été commandé pour résister à l’examen du Tribunal et devrait être pris en considération avec prudence. En outre, les auteurs n’ont aucune expérience antérieure dans le secteur du transport de fonds, et les documents sur lesquels ils se sont appuyés pour réaliser leur évaluation proviennent de l’étranger, et ne s’appliquent pas d’emblée au contexte canadien. Certaines sources, telles le magazine Forbes, sont plutôt faibles. Le rapport indique sans équivoque que la configuration du déploiement complet sans mesures d’atténuation ni formation supplémentaires représenterait probablement un danger inacceptable selon le Code; les recommandations d’atténuation sont purement cosmétiques et n’augmentent guère la sécurité des employés.

[138] Enfin, l’avocate allègue que, dans l’appel Barber, les conditions de suspension sont également inadéquates pour atténuer les risques du modèle du déploiement complet et le refus de M. Barber est bien fondé. Elles ne réduisent pas de façon proactive les risques de vol ou d’agression.

[139] L’avocate conclut en affirmant que la preuve a établi qu’une menace sérieuse existe, que le modèle du déploiement complet augmente ce risque et que les mesures d’atténuation sont insuffisantes pour diminuer ce risque à un niveau acceptable. Il s’ensuit que le danger ne constitue pas une condition normale de l’emploi. L’avocate demande une ordonnance confirmant l’instruction émise dans l’affaire Childs et annulant la décision dans l’affaire Barber, une instruction demandant à Brink’s de cesser d’utiliser le modèle du déploiement complet. À titre subsidiaire, le syndicat demande une instruction obligeant Brink’s à ajouter une troisième personne sur les itinéraires qui sont considérés représenter un « risque élevé », décision qui sera prise par Brink’s en collaboration avec le comité d’orientation d’Unifor. À titre subsidiaire également, Unifor demande une instruction obligeant Brink’s à avoir des équipes de trois personnes provenant du service de guichet automatique et du service de véhicules blindés (messager armé, technicien chargé des guichets automatiques et un conducteur de l’un ou l’autre des services) sur certains itinéraires, à déterminer de concert avec le syndicat.

Brink’s Canada Ltée (réplique)

[140] En réponse aux observations d’Unifor, les points saillants et les plus pertinents soulevés par l’avocat sont les suivants :

[141] Les considérations financières qui ont mené Brink’s à adopter le modèle du déploiement complet peuvent également s’appliquer aux motifs du syndicat de s’opposer au modèle, c’est‑à‑dire la perte des cotisations syndicales, et le syndicat a signé des conventions collectives visant les employés travaillant avec des équipes de déploiement complet et prévoyant l’octroi d’une prime pour cela. Même si Unifor affirme qu’elle s’est engagée à rendre le modèle le plus sécuritaire possible, elle a retiré ce point de la table de consultation du CNOSS pour être réglé lors des négociations.

[142] L’avocat a en outre émis des commentaires sur l’approche du syndicat pendant les consultations et a souligné le fait qu’en fin de compte, le syndicat a signé les conventions collectives (avec Brink’s ainsi qu’avec d’autres entreprises concurrentes) prévoyant une prime pour travailler dans une équipe de déploiement complet, ce que l’employeur considère comme une reconnaissance de la dangerosité du modèle, puisqu’un syndicat responsable ne laisserait jamais ses membres travailler dans des conditions dangereuses.

[143] L’avocat de l’employeur conteste l’affirmation du syndicat selon laquelle le modèle du déploiement complet ressemble aux modèles du concurrent et que les statistiques relatives aux tentatives de vol devraient également être examinées par rapport au modèle de Brink’s. Il a répété le nombre considérable de mesures mises en place par l’employeur pour atténuer les risques : procédures spécifiques, y compris les évaluations des risques liés aux lieux desservis, la formation des employés, l’équipement de protection, les outils de télécommunication et le camion.

[144] Enfin, les problèmes techniques évoqués dans certains témoignages des témoins sont, au mieux, sporadiques, et ont été corrigés lorsqu’ils ont été portés à l’attention de l’employeur. Par exemple, la question du retard d’entretien avec [texte caviardé] a été réglée grâce à la dernière mise à jour du logiciel, [texte caviardé] fonctionnent et, lorsque leur défectuosité est signalée, ils sont remplacés.

[145] Enfin, l’avocat a souligné que la seule preuve d’expert présentée à l’audience était celle de M. Brien et de ses deux rapports TRAK préparés en 2015 et 2017 et qu’un poids considérable devrait être accordé à ses conclusions sur la nature du risque associé au modèle du déploiement complet.

Unifor (réplique)

[146] En réplique aux observations de l’employeur, l’avocate d’Unifor a essentiellement répété sa plaidoirie principale. Elle soutient que, bien que le rapport TRAK mentionne brièvement que les statistiques peuvent démontrer que les criminels préfèrent cibler les équipes de déploiement complet, les auteurs ne réussissent pas à évaluer correctement cette question essentielle dans leurs conclusions. En outre, l’avocate attire l’attention sur le manque d’indépendance et d’impartialité de M. Brien, deux qualités requises d’un témoin expert, comme le démontrent ses « réponses évasives » aux questions et aux suggestions, qui ont nui à Brink’s.

[147] L’avocate d’Unifor réitère que les statistiques présentées en preuve, qui ont été compilées et analysées par Brink’s, mènent sans équivoque à la conclusion que les criminels sont plus susceptibles de cibler les équipes de déploiement complet. Aucun élément de la preuve n’établit que Brink’s a un modèle supérieur à d’autres modèles de déploiement complet dans le secteur et l’allégation de Brink’s à cet effet est intéressée.

[148] À propos du risque accru d’attaque contre le conducteur/gardien alors qu’il [texte caviardé], l’avocate affirme qu’il n’y a aucune preuve dans le dossier laissant supposer que les criminels n’attaqueront pas un gardien uniquement parce qu’il n’a pas de valeurs sur lui. Les criminels peuvent attaquer le conducteur/gardien pour le prendre en otage dans le but d’éventuellement obtenir les valeurs.

[149] Enfin, l’avocate d’Unifor réitère que la présence d’un conducteur dans le camion a un effet dissuasif sur les criminels. La communication avec le conducteur immédiatement avant que l’équipe sorte du lieu desservi permet au conducteur de surveiller les environs et de protéger l’équipe contre le danger de vol ou d’agression de façon préventive. Le risque de [texte caviardé], comme l’a soutenu l’employeur, peut nuire à tout modèle de livraison et les conséquences de [texte caviardé] dans le modèle du déploiement complet sont plus sérieuses.

Analyse

[150] Les employés visés par les présents appels ont exercé un refus de travailler en vertu du paragraphe 128(1) du Code, qui se lit comme suit :

128. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l’employé au travail peut refuser d’utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d’accomplir une tâche s’il a des motifs raisonnables de croire que, selon le cas :

a) l’utilisation ou le fonctionnement de la machine ou de la chose constitue un danger pour lui-même ou un autre employé;

b) il est dangereux pour lui de travailler dans le lieu;

c) l’accomplissement de la tâche constitue un danger pour lui-même ou un autre employé.

[151] Le « danger » est le concept clé dans l’exercice du droit de refuser de travailler de l’employé et dans l’exercice par le ministre de son pouvoir (par l’intermédiaire d’un délégué ministériel) d’émettre une instruction à l’employeur en vertu de l’alinéa 145(2)(a) du Code. L’article 122 définit un « danger » de la manière suivante :

122. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

« danger » Situation, tâche ou risque qui pourrait vraisemblablement présenter une menace imminente ou sérieuse pour la vie ou pour la santé de la personne qui y est exposée avant que, selon le cas, la situation soit corrigée, la tâche modifiée ou le risque écarté. 

[152] L’appel Childs se rapporte à une instruction et est interjeté en vertu du paragraphe 146(1) du Code :

146. (1) Tout employeur, employé ou syndicat qui se sent lésé par des instructions données par le ministre sous le régime de la présente partie peut, dans les trente jours qui suivent la date où les instructions sont données ou confirmées par écrit, interjeter appel de celles-ci par écrit à un agent d’appel.

[153] L’appel Barber est interjeté par l’employé à l’encontre d’une décision d’absence de danger rendue par le délégué ministériel, en vertu du paragraphe 129(7) du Code :

129. (7) Si le ministre prend la décision visée aux alinéas

128(13)b) ou c), l’employé ne peut se prévaloir de l’article 128 ou du présent article pour maintenir son refus; il peut toutefois – personnellement ou par l’entremise de la personne qu’il désigne à cette fin – appeler par écrit de la décision à un agent d’appel dans un délai de dix jours à compter de la réception de celle-ci.

[154] Le paragraphe 146.1(1) du Code décrit le pouvoir d’un agent d’appel lorsqu’un appel est formé à l’encontre d’une instruction ou d’une décision relative à un « danger ». Un agent d’appel peut modifier, annuler ou confirmer l’instruction ou la décision :

146.1 (1) Saisi d’un appel formé en vertu du paragraphe 129(7) ou de l’article 146, l’agent d’appel mène sans délai une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu à la décision ou aux instructions, selon le cas, et sur la justification de celles-ci. Il peut :

a) soit modifier, annuler ou confirmer la décision ou les instructions;

[155] La définition de danger citée ci-dessus a été présentée avec les modifications apportées au Code par la Loi nº 2 sur le plan d’action économique de 2013, L.C. 2013, ch. 40, et est entrée en vigueur le 31 octobre 2014. Les circonstances qui ont mené au refus et au présent appel se sont produites après cette entrée en vigueur. Cette nouvelle définition de danger doit par conséquent être appliquée afin de déterminer si la situation décrite dans la preuve présentait un danger pour les employés.

Les employés étaient-ils exposés à un danger?

[156] Je vais suivre le même cheminement analytique que dans ma décision Dendura.

[157] Dans deux décisions d’appel récentes, les agents d’appel ont eu l’occasion de fournir une interprétation du sens de la nouvelle définition : Ketcheson et Keith Hall & Sons.

[158] Dans la décision Ketcheson, l’agent d’appel a mené un examen exhaustif des observations des parties à l’égard du sens de la nouvelle définition. Il conclut que la définition actuelle de danger est, par sa nature, différente, de celles qui l’ont précédée et précise ce qui suit, au paragraphe 186 :

[186] En résumé, l’évolution de la définition de « danger » sur le plan législatif porte à croire que, malgré une certaine similitude sur le plan terminologique, la définition de 2014 est, de par sa nature, différente de celles qui l’ont précédée, soit les deux qui nous intéressent. Il ne s’agit ni d’un retour à la version antérieure à 2014 de l’expression « danger imminent » ni d’une simplification de la définition qui était en vigueur de 2000 à 2014. Il y a deux types de « danger ». Ils comportent tous deux des risques élevés, mais pour des raisons différentes. La nouvelle définition ajoute un élément temporel afin d’évaluer la probabilité. Elle ajoute le concept de gravité du préjudice. Dans le contexte du reste du Code, un « danger » est une cause directe de préjudice plutôt qu’une cause profonde.

[159] L’agent d’appel affirme aussi, au paragraphe 193 :

[193] La jurisprudence établie pendant la période comprise entre 2000 à 2014 comporte de nombreuses expressions de probabilité : « plus probable qu’improbable »; « probable »; « possibilité raisonnable »; « simple possibilité ». Le laps de temps pendant lequel la probabilité doit être évaluée était toutefois rarement mentionné : le jour du refus de travailler; l’avenir prévisible le jour du refus de travailler; une année à compter du refus de travailler? Est-ce qu’une chose est probable? Il peut être presque certain qu’une chose se produise au cours des cinq prochaines années, raisonnablement prévisible qu’elle se produise dans la prochaine année, mais qu’il n’y ait qu’une simple possibilité qu’elle se produise dans les cinq prochaines minutes. Il est inutile de parler de probabilité sans préciser un laps de temps. Contrairement à la définition de « danger » qui était en vigueur de 2000 à 2014, la définition de 2014, en établissant une distinction entre la « menace imminente » et la « menace sérieuse », ajoute un laps de temps pour la probabilité.

[160] Puis, il poursuit afin de définir le mot « threat » (menace), comme suit, au paragraphe 198 :

[198] Dans le New Shorter Oxford English Dictionary (1993) le mot « threat » est défini comme suit [traduction] : « une personne ou une chose considérée comme étant susceptible de causer un préjudice ». On peut donc dire que, selon cette définition, la menace indique la probabilité d’un certain niveau de préjudice. Certains risques sont des menaces et d’autres ne le sont pas. Un risque très faible, soit en raison de sa faible probabilité ou de sa faible gravité, n’est pas une menace. La probabilité et la gravité doivent chacune atteindre un seuil minimal avant que le risque ne puisse être appelé une menace. Il est clair qu’un risque faible n’est pas un danger. Un risque élevé est un danger.

[je souligne]

[161] De même, l’agent d’appel dans Keith Hall & Sons a indiqué ce qui suit :

[40] Il convient également de noter que le concept d’attente raisonnable (c’est-à-dire, les mots « pourrait vraisemblablement ») demeure inclus dans la définition modifiée. Tandis que l’ancienne définition exigeait que l’on tienne compte des circonstances aux termes desquelles une situation, une tâche ou un risque est susceptible de causer des blessures à une personne ou de la rendre malade, la nouvelle définition exige plutôt que l’on examine si la situation, la tâche ou le risque pourrait vraisemblablement présenter une menace imminente ou sérieuse pour la vie ou pour la santé de la personne qui y est exposée. À mon avis, pour conclure qu’il y a présence d’un danger, il faut donc qu’il y ait plus qu’une menace hypothétique. Une menace n’est pas hypothétique si elle peut vraisemblablement causer un préjudice, ce qui signifie, dans le contexte de la Partie II du Code, qu’elle peut causer des blessures à des employés ou les rendre malades.

[41] Pour qu’il y ait présence d’un danger, il faut donc qu’il y ait une possibilité raisonnable que la menace alléguée se matérialise, c.-à-d. que la situation, la tâche ou le risque causeront bientôt des blessures à une personne ou la rendront malade (en l’espace de quelques minutes ou de quelques heures) dans le cas d’une menace imminente; ou qu’elle causera des blessures sévères à une personne ou la rendra gravement malade à un moment donné dans l’avenir (que ce soit dans les jours, les semaines ou les mois, voire peut-être les années, à venir) dans le cas d’une menace sérieuse. Il convient de mettre l’accent sur le fait que, dans le cas d’une menace sérieuse, il faut évaluer non seulement la probabilité que la menace puisse entraîner un préjudice, mais également la gravité des conséquences indésirables potentielles de la menace. Seules les menaces susceptibles de causer des blessures sévères à une personne ou de la rendre gravement malade peuvent constituer des menaces sérieuses à la vie et à la santé des employés.

[je souligne]

[162] J’ai indiqué dans la décision Dendura que j’étais d’accord avec l’analyse et les conclusions tirées par les agents d’appel dans ces causes. Je demeure de cet avis. Les extraits cités ci-dessus résument bien les concepts juridiques qui s’appliquent à l’affaire qui nous intéresse. Ainsi, le critère juridique à appliquer aux faits pour déterminer si les employés ayant refusé de travailler étaient en présence d’un danger (au sens du Code) peut être défini comme suit :

  1. Quel est le risque, la situation ou la tâche allégué(e)?
  2. Ce risque, cette situation ou cette tâche pourrait-il vraisemblablement présenter une menace imminente OU ce risque, cette situation ou cette tâche pourrait-il vraisemblablement présenter une menace sérieuse pour la vie ou la santé de la personne qui y est exposée?
  3. La menace pour la vie ou pour la santé existera-t-elle avant que, selon le cas, la situation soit corrigée, la tâche modifiée ou le risque écarté?

[163] La première question est donc de déterminer « le danger, la situation ou la tâche » que l’on prétend être une menace pour la vie ou la santé de l’employé. En l’espèce, la menace peut être décrite en formulant la question comme suit : le risque de subir des blessures graves ou mortelles à la suite d’une attaque à main armée quand une équipe retourne à son véhicule blindé à la sortie de l’établissement d’un client sans qu’un chauffeur soit présent dans le véhicule pour surveiller les environs et fournir des renseignements « récents » à l’équipe à sa sortie.

Menace imminente

[164] Je vais consacrer peu de temps au premier élément de l’analyse des menaces, c’est-à-dire la question de savoir si la tâche constitue une menace imminente. L’agent d’appel, dans Ketcheson, décrit avec à-propos ce qui pourrait être requis pour déterminer qu’un employé est exposé à une menace imminente, aux paragraphes 205 et 206 :

[205] Une menace imminente existe quand il est vraisemblable que le risque, la situation ou la tâche entraîne rapidement (dans les prochaines minutes ou les prochaines heures) des blessures ou une maladie. La gravité du préjudice peut aller de faible (sans être triviale) à grave. Le caractère vraisemblable comprend la prise en compte de ce qui suit : la probabilité que le risque, la situation ou la tâche existe ou ait lieu en présence de quelqu’un; la probabilité que le risque cause un événement ou une exposition; et la probabilité que l’événement ou l’exposition cause un préjudice à une personne.

[206] Il ne fait aucun doute que le niveau de préjudice découlant de la violence des détenus peut aller de faible à grave, mais là n’est pas la question. Il n’y avait aucun élément de preuve devant moi qui indique qu’il était vraisemblable que l’intimé soit exposé à la violence d’un détenu le jour où il a refusé de travailler et qu’il subisse un préjudice en raison de cette violence. Selon le témoignage de l’intimée, il n’était pas exposé à une menace imminente ou sérieuse le jour où il a refusé de travailler. J’ai accordé une certaine importance à cette déclaration de l’intimée. Toutefois, je n’estime pas qu’elle permette de trancher la question, comme l’affirme l’appelant, puisque je ne suis pas convaincu que l’intimé a compris le sens de l’expression « menace imminente ou sérieuse » dans le Code.

[je souligne]

[165] Les parties sont sur la même longueur d’onde à l’égard de cette question dans leurs observations. Toutes deux soutiennent qu’il n’y avait aucune preuve de la présence d’une menace imminente les jours des refus de travailler. Les employés n’ont pas mentionné de situation qui pourrait les exposer à une menace pour leur vie ou leur santé dans les prochaines minutes ou les prochaines heures ce jour-là. Le délégué ministériel n’est jamais arrivé à cette conclusion dans l’une ou l’autre de ces causes. Je suis d’accord avec les parties pour dire que la tâche décrite ci-dessus dans les circonstances des présents refus de travailler ne peut vraisemblablement être considérée comme une menace imminente pour la vie ou la santé de l’intimé le jour des refus, dans le cadre des présents appels.

Menace sérieuse

[166] La question suivante consiste à déterminer si le « risque, la situation ou la tâche » pouvait vraisemblablement présenter une menace sérieuse pour la vie ou la santé de l’intimé. La combinaison des concepts de « vraisemblance » et de « menace » dans la définition de « danger » énoncée dans la loi évoque la notion qu’il doit y avoir une possibilité raisonnable que le risque se matérialise et cause un préjudice à la vie ou à la santé des employés. L’agent d’appel, dans Ketcheson, a déclaré ce qui suit, au paragraphe 212 :

[212] Pour conclure que l’intimé était exposé à une menace sérieuse pour sa santé ou sa vie, la preuve doit démontrer qu’il était vraisemblable que l’intimé soit confronté, dans les jours, les semaines ou les mois à venir, à une situation qui lui aurait causé un préjudice sérieux parce qu’il n’a pas été en mesure de porter sur lui un vaporisateur de poivre et des menottes.

[je souligne]

[167] Comme je l’ai indiqué dans la décision Dendura, je conviens de la formulation de la question à laquelle il faut répondre pour satisfaire aux exigences de la définition de « danger ». Je suis aussi d’avis que, pour déterminer qu’une tâche peut « vraisemblablement présenter une [...] menace sérieuse pour la vie ou la santé de la personne qui y est exposée », il doit y avoir plus qu’une simple menace hypothétique. Une menace n’est pas hypothétique si elle peut vraisemblablement se produire et causer un préjudice, ce qui signifie, dans le contexte de la Partie II du Code, qu’elle peut causer des blessures à des employés ou les rendre malades.

[168] Dans la décision Dendura, j’ai conclu que l’employé qui avait refusé de travailler était exposé à une menace sérieuse. En l’espèce, l’employeur m’invite à me détourner de cette conclusion et à conclure que les employés n’étaient pas exposés à une menace sérieuse la nuit de leurs refus, étant donné que les éléments de preuve établissent que le modèle à deux personnes ne présente pas de risque additionnel et qu’il n’y avait rien de particulier dans les établissements où les refus ont été exercés pour justifier ces refus. L’employeur fait référence à des éléments de preuve que je n’avais pas entre les mains dans l’affaire Dendura, notamment les plus récentes statistiques démontrant qu’aucune attaque n’a eu lieu contre des équipes de déploiement complet au cours des 26 derniers mois, ainsi que le témoignage de M. Doiron selon lequel l’équipe de trois personnes et l’équipe de déploiement complet sont équivalentes sur le plan de la sécurité. Par conséquent, l’employeur soutient qu’il n’y a aucune menace sérieuse.

[169] Le syndicat n’est pas de cet avis et affirme que les employés travaillant au sein d’équipes de déploiement complet sont exposés à une menace sérieuse, essentiellement en raison de leur vulnérabilité accrue à une attaque du fait du retrait du chauffeur, et que les statistiques montrent que des attaques sont menées plus fréquemment contre des équipes de déploiement complet que contre tout autre type d’équipe.

[170] Les observations de l’une ou l’autre partie ne m’ont pas convaincu à ce sujet. Je demeure d’avis que l’équipe qui sort du camion pour fournir un service dans l’établissement d’un client et qui doit ensuite retourner au camion est toujours exposée à une menace sérieuse au sens de la définition énoncée dans la loi. Cependant, j’estime que cette conclusion est vraie, qu’il s’agisse d’une équipe de déploiement complet de deux personnes ou d’une équipe « traditionnelle » de trois personnes. Dans les deux cas, la menace (la source du danger) est complètement indépendante de l’employeur et découle de comportements humains imprévisibles et criminels. Autrement dit, l’exécution des tâches dans le transport de fonds comporte, de façon inhérente, des menaces sérieuses pour les employés, et ces menaces ne peuvent pas être éliminées. La vraie question, à mon avis, est la mesure dans laquelle les caractéristiques du modèle et les mesures d’atténuation adoptées par l’employeur font en sorte que le danger est une condition normale d’emploi. C’est dans ce contexte qu’il faut, selon moi, examiner l’argument du syndicat concernant une vulnérabilité accrue. Je reviendrai ultérieurement sur ce point.

[171] Pour en revenir au critère juridique applicable afin de savoir s’il existe une menace sérieuse, comme je l’ai mentionné dans la décision Dendura, il n’est pas toujours facile de déterminer si une menace est une possibilité réelle ou s’il s’agit plutôt d’une possibilité éloignée ou hypothétique. Dans chaque cas, c’est une question de fait qui dépend de la nature de la tâche et du contexte dans lequel elle est exercée. Les données statistiques sont pertinentes pour tirer une conclusion factuelle éclairée sur cette question, bien qu’en dernière analyse, il s’agisse d’une appréciation des faits et d’un jugement sur la probabilité de la survenue d’un événement futur, en l’occurrence un événement lié à un comportement humain imprévisible (Dendura).

[172] L’employeur soutient que, selon les éléments de preuve, la probabilité qu’un membre de l’équipe de déploiement complet soit victime d’une embuscade à sa sortie de l’établissement du client et à son retour au véhicule est faible et ne constitue pas une menace.

[173] Le rapport de TRAK (2015) précise ce qui suit à la page 46 :

[Traduction] Nos recherches ont révélé qu’il existe trois facteurs de risque particuliers.

Le premier est le risque d’une attaque contre une équipe dans un véhicule blindé sur une base annuelle.

Les statistiques indiquent que cet événement est associé à une probabilité moyenne à élevée et qu’il a généralement une incidence mineure. L’incidence de cet événement particulier est considéré être au niveau de l’entreprise.

À l’échelle nationale, les statistiques du secteur indiquent qu’entre 2000 et 2015, l’entreprise Brink’s a été ciblée au moins une fois en 7 ans sur 15. La probabilité d’une attaque, sur une base annuelle, est donc moyenne à élevée.

[174] Le rapport de TRAK (2015) indique aussi ce qui suit à la page 26 :

[Traduction] Les données portant sur la période de 2000 à 2015 (les statistiques les plus fiables) révèlent que 99 tentatives ont été faites au pays. Parmi celles-ci, 69 (70 %) tentatives ont été faites contre des équipes à deux membres et 2 visaient des équipes de déploiement complet. Dix-sept de ces 99 tentatives (17 %) ont été faites contre des équipes de Brink’s au cours de cette période, même si l’entreprise n’avait pas mis en place le modèle du déploiement complet. Ces données peuvent indiquer une préférence de la part des criminels pour les équipes de déploiement complet quand ils planifient une attaque.

[175] La répartition statistique de ces incidents montre que trente-neuf pour cent (39 %) d’entre eux se sont produits sur place, que vingt-huit pour cent (28 %) sont survenus à la sortie du véhicule et que trente-trois pour cent (33 %) des incidents ont eu lieu lors du retour au véhicule. Leurs statistiques montrent que quatre-vingt-quatre pour cent (84 %) de ces incidents étaient des attaques organisées. Le type de force utilisé dans les attaques est réparti dans les données statistiques fournies selon lesquelles quatorze pour cent (14 %) des assaillants ont utilisé un vaporisateur de poivre, vingt et un pour cent (21 %) ont utilisé une arme de poing, neuf pour cent (9 %) ont eu recours à une arme d’épaule, deux pour cent (2 %) se sont servi d’une arme simulée, et cinquante-quatre pour cent (54 %) ont été classés comme « autres » (impact percutant, force physique, sans objet ou non spécifié).

[176] Compte tenu de ces éléments de preuve, la question que je dois trancher est celle de savoir s’il y a une possibilité raisonnable que des employés puissent faire l’objet d’une tentative de vol à leur retour au camion blindé après avoir accompli leur tâche dans l’établissement du client. L’employeur ne m’a pas convaincu que les employés ne sont pas exposés à une menace sérieuse lorsqu’ils exécutent la tâche qui consiste à fournir des services de voiture blindée à des clients en général, et alors qu’ils exercent la tâche qui est au cœur même des présents appels. À mon avis, la tâche qui consiste à transporter des fonds implique nécessairement la possibilité réelle que des attaques et des tentatives de vol surviennent contre des employés, qu’ils travaillent au sein d’une équipe formée de deux personnes ou de trois personnes. Les statistiques citées ci‑dessus parlent d’elles-mêmes. En fait, c’est l’essence même du travail effectué par les employés dans cette industrie. La raison d’être des services de voiture blindée est justement de protéger l’argent et les objets de valeur en transit contre les voleurs et les criminels, et ce travail expose constamment les employés au risque de subir un vol. Il ne s’agit pas d’un risque incident au travail, comme le risque de glisser, de se blesser en manipulant des matériaux, etc.; il s’agit d’un risque central et inhérent à la tâche elle-même.

[177] L’agent régional de sécurité (prédécesseur d’un agent d’appel en vertu du Code) a déclaré ce qui suit dans la décision Loomis Armoured Car Service Ltd. et Fraternité canadienne des cheminots, employés des transports et autres ouvriers, Section locale 266A, décision no 93-008, au paragraphe 21 :

[21] Personne, oserais-je croire, ne peut nier que les gardes employés dans les transports par fourgons blindés sont exposés chaque jour à des risques. [...] [L]e Conseil canadien des relations du travail soulignait que « le risque de vol ou d’agression fait partie de la vie du personnel de transport de fonds ». On peut donc conclure que le danger est inhérent à l’utilisation des fourgons blindés, ce que reconnaît le Code et ce qui empêche les employés de refuser de travailler pour la seule raison qu’il existe un risque de vol ou d’agression. Cependant, on doit aussi se demander à quel moment ou dans quelles circonstances ce danger devient inacceptable.

[178] Même si la probabilité que le danger se matérialise est qualifiée de faible par l’employeur, notamment à la lumière des plus récentes statistiques montrant qu’il n’y a eu aucune attaque contre des équipes de déploiement complet de Brink’s au cours des 26 derniers mois, je demeure convaincu que la possibilité est réelle et importante et que des attaques se sont produites avec une certaine régularité depuis 2000. Il ne s’agit pas d’un scénario purement hypothétique ou de nature spéculative.

[179] Dans l’affaire Verville c. Canada (Service correctionnel), 2004 CF 767 (Verville), la juge Gauthier a indiqué sa position sur la question de la perspective raisonnable qu’un danger se matérialise. J’estime que ses réflexions continuent d’être pertinentes pour l’application de la nouvelle définition de danger :

[34] […] la blessure ou la maladie peut ne pas se produire dès que la tâche aura été entreprise, mais il faut plutôt qu’elle se produise avant que la situation ou la tâche ne soit modifiée. Donc, ici, l’absence de menottes sur la personne d’un agent correctionnel impliqué dans une empoignade avec un détenu doit être susceptible de causer des blessures avant que des menottes ne puissent être obtenues du poste de contrôle ou par l’intermédiaire d’un surveillant K-12, ou avant que tout autre moyen de contrainte ne soit fourni.

[35] Je ne crois pas non plus que la définition exige que toutes les fois que la situation ou la tâche est susceptible de causer des blessures, elle causera des blessures. La version anglaise « could reasonably be expected to cause » nous dit que la situation ou la tâche doit pouvoir causer des blessures à tout moment, mais pas nécessairement à chaque fois.

[36] Sur ce point, je ne crois pas non plus qu’il soit nécessaire d’établir précisément le moment auquel la situation ou la tâche éventuelle se produira ou aura lieu. Selon moi, les motifs exposés par la juge Tremblay-Lamer dans l’affaire Martin, susmentionnée, en particulier le paragraphe 57 de ses motifs, n’exigent pas la preuve d’un délai précis à l’intérieur duquel la situation, la tâche ou le risque se produira. Si l’on considère son jugement tout entier, elle semble plutôt reconnaître que la définition exige seulement que l’on constate dans quelles circonstances la situation, la tâche ou le risque est susceptible de causer des blessures, et qu’il soit établi que telles circonstances se produiront dans l’avenir, non comme simple possibilité, mais comme possibilité raisonnable.

[je souligne]

[180] La Cour poursuit ainsi ses explications :

[41] […] Si un risque ou une situation est capable de surgir ou de se produire, il devrait être englobé dans la définition. Comme je l’ai dit plus haut, il n’est pas nécessaire que l’on soit en mesure de savoir exactement quand cela se produira. Il ressort clairement de la preuve que, en l’espèce, des agressions imprévues peuvent effectivement se produire.

[42] Dans le rapport d’évaluation du risque daté du 8 novembre 2001 et concernant la remise automatique de dispositifs de contrainte, le risque éventuel d’altercation entre les agents correctionnels travaillant dans les unités résidentielles et les détenus est paraît-il élevé (page 20), et les agressions sont peu fréquentes, mais elles sont graves (page 21) [6]. Comme je l’ai indiqué, le directeur Urmson a confirmé que de telles agressions étaient prévisibles et que c’était la raison pour laquelle des menottes étaient disponibles dans le poste de contrôle.

[43] Donc, si des agressions du genre sont susceptibles de causer des blessures, elles entreront dans la définition de « danger ». Cependant, si ce danger constitue une condition normale de son emploi, l’employé n’aura pas le droit de l’invoquer pour refuser de travailler (alinéa 128(2)b)). Mais, c’est tout à fait autre chose que de dire que l’imprévisibilité du comportement des détenus est étrangère à la notion de danger exposée dans le Code.

[je souligne]

[181] Je suis donc d’avis que l’exécution de la tâche décrite ci-dessus pourrait vraisemblablement présenter une menace sérieuse pour la vie ou la santé de l’intimé. Il ne fait aucun doute que le risque de préjudice découlant d’une attaque potentielle peut être grave, voire mortel, même si j’accepte la qualification de la probabilité du risque par l’employeur comme étant faible. La litanie des mesures d’atténuation énoncées par l’employeur dans ses éléments de preuve et ses observations vise en effet à réduire au minimum le risque de blessures, mais cela n’empêchera pas les attaques de se produire. J’estime que la discussion sur l’effet de ces mesures est plus liée à la question de savoir si le danger ou la tâche est une condition normale de l’emploi qu’à celle de savoir si les employés qui exécutent la tâche sont confrontés à une possibilité raisonnable d’être exposés à une menace sérieuse et, par conséquent, exposés à un danger au sens du Code.

[182] Je conclus que l’extrait suivant de l’arrêt Martin-Ivie c. Canada (Procureur général), 2013 CF 772 (Martin-Ivie), dans lequel le Tribunal aborde le principe de « faible fréquence, risque élevé » au paragraphe 47, est pertinent à la présente analyse :

[46] Quant aux agents d’appel, ils appliquent dans leurs décisions le principe en question non pas pour déterminer s’il existe un « danger », mais plutôt pour évaluer si le refus de travailler est autorisé au titre de l’alinéa 128(2)b) du Code; cette disposition interdit d’invoquer ce refus, même s’il existe un « danger », lorsque celui-ci constitue une condition normale de l’emploi du travailleur. Ces décisions, tout comme la décision Verville, ont établi qu’avant de pouvoir qualifier le danger de condition normale de l’emploi, l’employeur doit avoir pris toutes les mesures raisonnables pour l’atténuer. Dès lors, le caractère raisonnable de ces mesures dépendra en partie de la gravité du risque : plus il est important, plus l’employeur doit s’efforcer de l’atténuer (voir p. ex. Armstrong, aux paragraphes 62 et 63; Éric V, aux paragraphes 295 à 297, et 301). Le principe de « faible fréquence, risque élevé » s’applique donc à l’examen fondé sur l’alinéa 128(2)b) du Code, mais ne peut servir à déterminer s’il existe un danger. De plus, s’il doit s’appliquer, l’analyse exigée par le Code consiste forcément à se demander en premier lieu s’il existe un danger puis, le cas échéant, s’il constitue une condition normale de l’emploi de l’intéressé.

[je souligne]

[183] Il me semble aussi évident que, si la possibilité d’une attaque se matérialisait, l’employé serait exposé au danger avant que la tâche puisse être modifiée, malgré les mesures mises en place. Les appels portent sur un aspect particulier de la méthode de travail appliquée au modèle du déploiement complet : le chemin emprunté lors du retour au camion blindé à la sortie de l’établissement d’un client. La force probante de la preuve a établi qu’il s’agit de la zone où les employés, qu’ils fassent partie d’une équipe de trois personnes ou de deux personnes, sont les plus exposés et les plus vulnérables.

[184] Je reste donc d’avis que la tâche que constitue le retour au camion à partir de l’établissement du client expose les employés à une menace sérieuse de subir des blessures et constitue un danger pour les employés concernés, au sens du Code.

Condition normale de l’emploi

[185] Cela m’amène à la dernière partie de l’analyse : la tâche en question, et le danger qu’elle présente, est-elle une condition normale de l’emploi? En cas de réponse affirmative à cette question, les employés ne peuvent pas invoquer le droit de refuser de travailler en vertu de l’article 128 du Code et, par conséquent, le délégué ministériel ne pouvait pas émettre une instruction sur le fondement d’une conclusion de danger dans ces circonstances.

[186] Le paragraphe 128(2) se lit comme suit :

128. (2) L’employé ne peut invoquer le présent article pour refuser d’utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d’accomplir une tâche lorsque, selon le cas :

a) son refus met directement en danger la vie, la santé ou la sécurité d’une autre personne;

b) le danger visé au paragraphe (1) constitue une condition normale de son emploi.

[je souligne]

[187] Je me réfère de nouveau à l’arrêt Verville pour trouver des lignes directrices sur cette question. Aux paragraphes 52 à 57, la Cour indique ce qui suit :

[52] Passons maintenant à la conclusion énoncée dans l’alinéa ii) du paragraphe 40 ci-dessus, selon laquelle le risque était inhérent à l’emploi du demandeur. Le demandeur admet que sa description d’emploi fait état du risque d’une possible prise d’otages, de possibles blessures ou d’un possible danger, lorsqu’il a affaire à des détenus violents ou hostiles. Mais il affirme que la consigne qui lui a été donnée le 24 septembre était une modification de ses conditions normales d’emploi et constitue un accroissement du risque ou du danger susmentionné. Le demandeur se fonde sur la décision rendue par la Commission des relations de travail dans la fonction publique, à propos de l’affaire Fletcher c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel), [2000] C.R.T.F.P.C. no 58; sur la décision Danberg et Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada), [1988] C.R.T.F.P.C. no 327, et sur la décision Elnicki c. Loomis Armored Car Service Ltd, 96 di 149, CCRI, Décision no 1105, dans laquelle le Conseil a reconnu, à propos du refus de travailler opposé par des agents correctionnels et des gardiens de sécurité, que, même si le risque de blessures ou de décès était une condition normale d’emploi de ces employés, un danger accru résultant par exemple d’une modification de la politique de l’employeur (telle la dotation minimale) n’était pas automatiquement exclu de l’exception de l’alinéa 128(2)b)[7].

[53] La décision contestée ne dit pas que l’agent d’appel a examiné cet argument. Sa conclusion semble reposer sur le simple fait qu’un risque d’agression est toujours présent dans un environnement tel que le pénitencier de Kent. Comme on l’a dit, il ne pouvait évaluer si le risque accru de blessure était une condition normale d’emploi, puisqu’il considérait ce risque comme rien d’autre qu’une hypothèse non vérifiée.

[54] […]

[55] Le sens ordinaire des mots de l’alinéa 128(2)b) milite en faveur des points de vue exprimés dans ces décisions de la Commission, parce que le mot « normal » s’entend de quelque chose de régulier, d’un état ou niveau des affaires qui est habituel, de quelque chose qui ne sort pas de l’ordinaire. Il serait donc logique d’exclure un niveau de risque qui n’est pas une caractéristique essentielle, mais qui dépend de la méthode employée pour exécuter une tâche ou exercer une activité. En ce sens, et à titre d’exemple, dirait-on qu’il entre dans les conditions normales d’emploi d’un gardien de sécurité de transporter de l’argent à partir d’un établissement bancaire si des modifications étaient apportées à son emploi de telle sorte que cette tâche doive être exécutée sans arme à feu, sans compagnon et dans un véhicule non blindé?

[56] […]

[57] À mon avis, la décision contestée est déraisonnable, surtout parce que l’agent d’appel a ignoré la preuve concernant un aspect essentiel sur lequel repose sa conclusion finale.

[soulignement et caractères gras ajoutés]

[188] La question est donc de savoir si l’employeur a pris les mesures appropriées pour se prémunir contre le danger établi ci-dessus et ramener le risque à un niveau acceptable de sorte que la tâche, et le risque résiduel qu’elle présente (le danger), puissent être considérés comme une condition normale de l’emploi, conformément à l’alinéa 128(2)b) du Code. Je dois donc prendre en compte les particularités du modèle du déploiement complet et déterminer si les mesures mises en œuvre par l’employeur réduisent le risque à un niveau acceptable et respectent les obligations de l’employeur en vertu du Code. Tout risque résiduel qui demeure, à savoir le fait d’être l’objet d’une attaque, serait une condition normale de l’emploi.

[189] Dans l’arrêt P&O Ports inc. c. Syndicat international des débardeurs et des magasiniers (Section Locale 500), 2008 CF 846, la Cour fédérale a formulé l’analyse suivante sur la question de savoir si un danger constituait une condition normale de l’emploi :

[46] L’agent d’appel a conclu au paragraphe 152 :

[152] Je crois qu’avant qu’un employeur puisse affirmer qu’un danger est une condition de travail normale, il doit reconnaître chaque risque, existant et éventuel, et il doit, conformément au Code, mettre en place des mesures de sécurité visant à éliminer le danger, la situation ou l’activité; s’il ne peut l’éliminer, il doit élaborer des mesures visant à réduire et à contrôler le risque, la situation ou l’activité dans une mesure raisonnable de sécurité, et finalement, si le risque existant ou éventuel est toujours présent, il doit s’assurer que ses employés sont munis de l’équipement, des vêtements, des appareils et du matériel de protection personnelle nécessaires pour les protéger contre le danger, la situation ou l’activité. Ces règles s’appliquent évidemment, dans la présente affaire, au risque de chute ainsi qu’au risque de trébucher ou de glisser sur les panneaux de cale.

[153] Une fois toutes ces mesures suivies et toutes les mesures de sécurité mises en place, le risque « résiduel » qui subsiste constitue ce qui est appelé une condition de travail normale. Toutefois, si des changements sont apportés à une condition de travail normale, une nouvelle analyse de ce changement doit avoir lieu en conjonction avec les conditions de travail normales.

[154] Aux fins de la présente instance, je conclus que les employeurs ont négligé, dans la mesure où la chose était raisonnablement possible, d’éliminer ou de contrôler le danger dans une mesure raisonnable de sécurité ou de s’assurer que les employés étaient personnellement protégés contre le danger de chute des panneaux de cale.

[190] Cette analyse repose sur les articles 122 et 122.1 du Code, qui établissent l’objet du Code et la hiérarchie des mesures de prévention qu’un employeur est tenu de mettre en œuvre :

122.1 La présente partie a pour objet de prévenir les accidents et les maladies liés à l’occupation d’un emploi régi par ses dispositions.

122.2 La prévention devrait consister avant tout dans l’élimination des risques, puis dans leur réduction, et enfin dans la fourniture de matériel, d’équipement, de dispositifs ou de vêtements de protection, en vue d’assurer la santé et la sécurité des employés.

[191] Au paragraphe 214 de la décision Ketcheson, l’agent d’appel énonce ce qui suit :

Bien que la preuve présentée dans cette affaire ait clairement établi que l’intimé était exposé à des détenus violents dans l’exercice de ses fonctions régulières et que la possibilité qu’un détenu l’agresse est toujours présente dans un établissement correctionnel, on ne m’a présenté aucune preuve selon laquelle le fait de porter des menottes ou un vaporisateur de poivre préviendrait les agressions contre les GC ou diminuerait le degré de violence des détenus, en particulier en tenant compte du fait que ces deux pièces d’équipement sont déjà fournies aux AC. De plus, l’appelant a fourni des éléments de preuve établissant que de nombreuses mesures sont en place à l’Établissement Millhaven pour atténuer le risque pour les GC et tous les autres membres du personnel dans l’exercice de leurs fonctions.

[je souligne]

[192] Comme je l’ai noté plus haut, le danger identifié par les employés qui ont refusé de travailler et par le délégué ministériel est axé sur une étape précise du processus du modèle du déploiement complet : le retour au camion blindé et le risque accru d’être attaqué parce que les employés ne sont plus informés de la présence ou de l’existence de personnes ou d’activités suspectes à l’extérieur pendant que l’équipe se trouve à l’intérieur de l’établissement du client, en raison de l’absence d’une troisième personne dans le camion.

[193] Comme je l’ai souligné dans la décision Dendura, je crois que le modèle du déploiement complet et toutes ses caractéristiques doivent être examinés dans leur intégralité afin de prendre une décision éclairée sur la préoccupation particulière qui est la source des appels. Je ne suis pas convaincu par l’argument voulant que le retrait de la troisième personne, qui pouvait surveiller pendant que l’équipe était à l’intérieur de l’établissement et qui pouvait l’alerter en cas d’activité criminelle soupçonnée, crée en soi un risque accru de subir une attaque et d’être blessé. Les éléments de preuve n’établissent pas ce fait avec certitude. On pourrait tirer cette conclusion si le retrait de cette personne n’avait pas été accompagné d’autres mesures visant à atténuer les risques de cette tâche intrinsèquement dangereuse. En fait, c’est la conclusion à laquelle est arrivé M. Brien dans son rapport (TRAK (2015)) après qu’il a tenu compte des théories liées à l’évaluation et à la gestion des risques et des leçons tirées dans la décision Securicor. Dans la décision Dendura, j’ai indiqué ce qui suit :

Dans son analyse, M. Elliott s’est appuyé sur la décision en appel rendue dans Brazeau et autres c. Securicor Canada Limited, Décision no 04-049 (16 décembre 2004) (Securicor). Dans cette affaire, l’agent d’appel a conclu que la décision de l’employeur de modifier la méthode de livraison en passant d’une équipe de trois personnes à une équipe de deux personnes (aucun chauffeur demeurant dans le camion) présentait un danger pour les employés et n’était pas une condition normale de l’emploi. À son avis, la présence d’un troisième gardien (le chauffeur) réduisait au minimum le risque qu’une attaque réussisse, parce qu’il pouvait transmettre par radio des renseignements aux autres membres de l’équipe lorsqu’ils étaient sur le point de retourner au camion blindé à partir de l’établissement du client, et le retrait de la troisième personne augmentait le risque d’être pris en embuscade et de subir de graves blessures.

À première vue, la question est en apparence similaire à celle soulevée dans la présente cause. Cependant, comme je l’ai déjà dit, l’évaluation d’un danger est souvent dictée par le contexte particulier dans lequel la tâche se déroule. Il est donc important de noter les facteurs énoncés dans les motifs de l’agent d’appel dans Securicor pour parvenir à une telle conclusion : (i) l’employeur a mis en œuvre le changement sans avoir mis en place une procédure personnalisée pour tenir compte de la modification de la méthode de travail, par exemple, les directives aux employés en cas de détresse comprenaient le déficients; (iii) le refus de travailler s’est produit à un emplacement particulier, où des inconnus à l’allure suspecte avaient été observés; (iv) la formation donnée aux employés a été jugée déficiente, puisqu’elle n’a duré que moins d’une heure et n’était pas obligatoire (l’agent d’appel s’est dit « étonné » du manque de formation systémique); (v) l’employeur avait apporté ce changement sans consulter le comité de santé et de sécurité; (vi) l’évaluation des risques avait été jugée inadéquate, générique et non propre à l’emplacement en particulier et avait omis un certain nombre de facteurs. Bref, toutes les conditions étaient réunies pour une tempête fait que le chauffeur quitte les lieux pour sécuriser l’argent et pour éviter une prise d’otage, alors qu’en réalité, il n’y avait pas de chauffeur dans le camion; (ii) les outils de communication se sont révélés inadéquats et parfaite.

[194] La décision rendue dans l’affaire Securicor reposait essentiellement sur la conclusion de l’agent d’appel que l’employeur avait simplement réduit le personnel de l’équipe sans consulter les personnes concernées et sans insister sur les mesures d’atténuation liées à ce modèle particulier. 

[195] M. Brien présente les aspects dont doit s’occuper l’employeur à cet égard, ce qu’avait omis de faire Securicor il y a une décennie. Dans son évaluation du risque, il conclut que la documentation dans son ensemble ne fournit aucune preuve que le nombre de gardiens armés ou leur rôle précis permet d’expliquer de façon importante la fréquence et la gravité des attaques ou le type d’attaque (TRAK [2015], page 25). Bien que les statistiques démontrent que 70 % des attaques survenues entre 2000 et 2015 visaient des équipes de deux personnes, les éléments de preuve contextuels démontrent que l’équipe de deux personnes est devenue la norme dans le secteur du transport de fonds pour les guichets automatiques pendant cette période (témoignage de MM. Doiron, [texte caviardé]). La probabilité que des attaques se produisent contre des équipes de deux personnes est plus élevée sur le plan statistique, mais pas seulement parce qu’il s’agit d’une équipe de deux personnes. En fait, 30 % des attaques visaient les équipes de trois personnes de Brink’s pendant cette période, et il y a aussi eu des attaques visant des équipes de quatre et cinq personnes (témoignage de MM. Doiron et [texte caviardé]). Il n’y a eu aucune attaque contre des équipes de deux personnes de Brink’s au cours des 26 derniers mois.

[196] Le syndicat a présenté un rapport sur les statistiques du secteur canadien des véhicules blindés (Report on Canadian Armoured Industry Statistics, 2004 à 2014). Le rapport a été préparé par l’employeur en 2014. En résumé, il conclut que le modèle du déploiement complet à deux personnes de Garda et G4S a [traduction] « clairement accru le risque et les dangers auxquels sont exposés les employés fournissant le service (...) ». Il affirmait que le modèle d’exploitation de Brink’s (à cette époque, l’équipe de trois personnes) offrait un environnement plus sécuritaire pour les employés que le modèle de Garda.

[197] Cette preuve m’a quelque peu inquiété. Cependant, en fin de compte, je ne l’estime pas incohérente avec l’évaluation par Brink’s de son modèle du déploiement complet actuel, tel qu’ils, plus particulièrement [texte caviardé], l’ont élaboré. Les observations présentées dans le rapport s’appuyaient sur le modèle de Garda, et non sur le modèle du déploiement complet élaboré par Brink’s après avoir pris la décision d’adopter ce modèle de livraison pour ses activités. En fait, M. Brien reconnaît dans son évaluation qu’une équipe de déploiement complet de deux personnes ne bénéficiant pas des autres mesures de protection ne respecterait probablement pas les critères de sécurité. [Texte caviardé] a également expliqué que le faible nombre d’attaques visant Brink’s venait en partie du fait que la société a la réputation d’être une « cible difficile », notamment en raison de la formation efficace de ses employés et de l’équipement de protection qui est aussi mentionné dans le rapport.

[198] Je note également qu’il existe d’autres modèles que l’équipe de trois personnes et le déploiement complet, comme il est mentionné dans la décision Pogue c. Brink's Canada Ltée, 2017 TSSTC 27, où les deux employés suivaient un modèle à deux personnes prévoyant qu’un seul membre de l’équipe sortait du véhicule, c’est-à-dire que le chauffeur du véhicule blindé y demeure tandis que le messager armé procède aux livraisons et aux ramassages de fonds. Le danger invoqué par l’employé qui avait refusé de travailler, dans cette affaire, était lié à l’achalandage plus élevé dans un centre commercial pendant la saison de Noël et à l’incapacité du messager d’évaluer la foule sans être accompagné d’un garde, c’est-à-dire une troisième personne. L’agent d’appel avait confirmé la décision d’absence de danger et rejeté l’appel. La décision ne mentionne pas si la configuration de l’équipe de deux personnes où un seul membre de l’équipe sort du véhicule, ou encore le modèle du déploiement complet, n’est pas sécuritaire en soi, mais elle établit que M. Pogue n’était pas exposé à une menace sérieuse dans les circonstances. Selon moi, cette affaire illustre que le retrait de la troisième personne d’une équipe ne constitue pas nécessairement un risque accru, au-delà des conditions normales de l’emploi.

[199] Dans son rapport d’expert, M. Brien estime que le risque d’attaques et de blessure est généralement faible dans le secteur des véhicules blindés. Comme il est mentionné dans l’affaire Martin-Ivie, cette évaluation est pertinente dans l’analyse des mesures d’atténuation en vertu de l’alinéa 128(2)b). Le syndicat des Teamsters a été consulté sur la mise en œuvre du modèle du déploiement complet, et M. Doiron n’avait pas d’objection relativement à l’analyse des risques présentée par M. Brien et la direction de Brink’s, à condition que des mesures d’atténuation et de contrôle soient adoptées. Je ne partage pas l’avis de l’avocate d’Unifor selon laquelle M. Brien n’est pas un témoin expert indépendant. Selon moi, son évaluation des risques est juste, honnête et suffisamment nuancée, et elle n’a pas été influencée indûment par la direction de Brink’s. J’estime qu’il est un témoin crédible et une personne pour qui le professionnalisme et l’intégrité sont cruciaux.

[200] Par conséquent, je dois évaluer le modèle du déploiement complet dans son ensemble, selon la preuve qui m’a été présentée. Sans surprise, les arguments de Brink’s sont essentiellement les mêmes que ceux qu’elle a présentés dans la décision Dendura, visant à démontrer de quelle manière le danger est traité dans la configuration d’une équipe de deux personnes. Cependant, je reconnais que, dans les appels qui nous occupent, contrairement à la décision Dendura, les employés qui ont exercé le refus de travailler étaient représentés par leur syndicat, Unifor, qui s’oppose vigoureusement au modèle du déploiement complet à deux personnes au motif qu’il n’était pas sécuritaire et qui a présenté des arguments plus convaincants. Je parlerai de cette preuve dans mon analyse du modèle du déploiement complet.

[201] Brink’s fait valoir que cette protection est assurée par une structure de moyens qui comporte des éléments physiques [texte caviardé] et des employés munis d’un équipement de protection [texte caviardé]. Toutes ces couches de protection ont pour objectif fondamental de dissuader les criminels de commettre une tentative de vol en rendant cette tentative plus difficile ou risquée pour eux ou en réduisant le risque de blessure pour les employés en cas d’attaque. On ne saurait trop souligner que le risque d’être attaqué est une caractéristique toujours présente du travail d’un employé de véhicule blindé.

[202] Je passerai en revue les mesures décrites dans les témoignages.

[203] Premièrement, il y a les caractéristiques techniques des camions de déploiement complet, décrites dans le témoignage de [texte caviardé]. La configuration des camions est largement différente de celle des camions utilisés par les équipes de trois personnes. Ils comportent des couches de mesures de sécurité conçues pour rendre plus facile l’accès au camion pour l’équipe et à le rendre plus difficile pour les criminels. Je soulignerai les caractéristiques saillantes et plus pertinentes du véhicule qui le distinguent des véhicules utilisés pour le modèle d’équipe composée de trois personnes. [Texte caviardé], ce qui permet aux employés de continuer d’être attentif à leur environnement lorsqu’ils ouvrent les portes. [Texte caviardé].

[204] Les témoins convoqués par le syndicat ont témoigné sur les défaillances fréquentes de [texte caviardé]. Au bout du compte et compte tenu de l’ensemble de la preuve, j’accepte la réponse de l’employeur, qui affirme que ces problèmes sont sporadiques et qu’ils sont réglés au fur et à mesure. La preuve indique que, lorsqu’une défaillance survient avant de quitter la succursale, le camion – et la configuration d’équipe de déploiement complet – n’est pas utilisé. Il n’y avait aucun [texte caviardé] les nuits des refus. Le syndicat soutient également que ces mesures ne sont pas de nature préventive (mesures proactives), mais plutôt réactive, après l’attaque. Vues dans leur ensemble, je suis d’avis que ces mesures constituent un élément important de la structure de protection des employés.

[205] Deuxièmement, les employés reçoivent de l’équipement de protection personnelle (EPP), comme [texte caviardé] et des armes à feu. Nul ne prétendait sérieusement que cet équipement de protection était inadéquat.

[206] Troisièmement, les employés disposent d’outils de communication et des appareils de contrôle : [texte caviardé]. Les employés doivent les porter en tout temps, ce qui leur permet de communiquer entre eux et [texte caviardé]. Le chauffeur/gardien peut déclencher l’alarme du camion s’il soupçonne que quelque chose est inhabituel ou s’il n’est pas à l’aise avec l’environnement lorsqu’il quitte le point de service.

[207] Le syndicat a donné des exemples de cas où les outils de communication ont été défaillants et ne fonctionnaient pas. M. Barber [texte caviardé]. J’accepte le fait que la technologie n’est pas à toute épreuve et qu’elle peut connaître des défaillances à l’occasion, pour diverses raisons. À mon avis et dans l’ensemble, la force probante de la preuve établit que ces problèmes sont traités et corrigés lorsqu’ils surviennent et que la livraison selon le modèle du déploiement complet ne serait pas permise si les défaillances de l’équipement persistaient. De plus, il me semble que tous ces outils devraient être défaillants en même temps et au moment même d’une tentative de vol pour présenter un risque d’un niveau inacceptable. Sinon, la menace devient, selon moi, une simple possibilité hypothétique ou spéculative. Il ne serait pas approprié pour moi de trancher la question soulevée dans le cadre des appels en présumant que l’équipement pourrait être défectueux. Cela étant dit, l’importance de veiller au bon fonctionnement de l’équipement dans la mesure du possible ne devrait pas être minimisée : les cas de défaillance devraient être signalés, examinés et réglés par la direction. Si une situation de tolérance générale avait été démontrée, je conviendrais que l’évaluation du risque et du danger pourrait être différente. Ce n’est pas le cas ici.

[208] Quatrièmement, l’employeur a élaboré des procédures opérationnelles particulières pour le déploiement complet, y compris [texte caviardé] et les évaluations des risques liés aux lieux desservis. Il est inutile de répéter les détails de la procédure de [texte caviardé] décrite par [texte caviardé] lorsque les équipes reviennent au camion. Le syndicat conteste l’efficacité de [texte caviardé] pour remplacer les yeux d’une troisième personne. Il est difficile de faire une telle évaluation, puisqu’il s’agit de concepts non scientifiques et quelque peu intangibles, soit l’évaluation de mesures de sécurité pour se protéger contre des comportements criminels imprévisibles. Les témoins de l’employeur ont témoigné fermement que [texte caviardé] est une mesure adéquate pour assurer la sécurité de l’équipe lorsqu’elle revient dans le camion. Ils affirment que le chauffeur/gardien était en meilleure position que la troisième personne dans le camion pour balayer du regard l’environnement et les alentours, alors que la troisième personne ne dispose que d’une vue partielle des environs. En fait, on a mentionné que des tentatives de vol ont eu lieu près du camion dans le passé sans que le chauffeur s’en aperçoive. [Texte caviardé]. Les employés sont plus alertes et communiquent mieux entre eux et doivent travailler avec une vigilance accrue au lieu de se fier uniquement aux observations d’un chauffeur. M. Doiron a répété cette conclusion.

[209] Cela ne veut pas dire que les chauffeurs n’ont jamais joué un rôle important dans la sécurité des activités en informant leurs collègues quittant les lieux, au contraire. Ils l’ont fait selon un modèle qui est entièrement fondé sur la notion que le chauffeur ou la troisième personne monte la garde et donne de l’information à l’équipe, qui doit se fier entièrement à cette information pour quitter les lieux. Les deux parties conviennent que les employés devraient disposer de renseignements exacts et à jour sur les risques qu’ils pourraient rencontrer lors de leur retour au véhicule blindé. Toutefois, les parties ne partagent pas le même point de vue sur la manière dont on devrait procéder. Le modèle du déploiement complet est un modèle différent, comportant des éléments différents, devant être examiné en fonction de sa propre valeur.

[210] Brink’s fait valoir qu’il est fortement improbable qu’un gardien effectuant le [texte caviardé] avant de permettre au messager de revenir au véhicule sera victime d’une attaque. Aucune preuve ni aucun rapport n’ont été présentés indiquant qu’un gardien avait été attaqué ou blessé alors qu’il ne transportait aucune valeur sur lui ou qu’il ne se trouvait pas à proximité du messager qui transportait des valeurs. Naturellement, comme le gardien ne transporte aucun objet de valeur et est armé, il constitue ainsi une cible improbable pour les voleurs. Autrement dit, il est statistiquement peu probable qu’un gardien soit attaqué ou exposé à un danger alors qu’il exécute un [texte caviardé], et j’estime que la preuve appuie cette affirmation.

[211] Lorsque le chauffeur/gardien [texte caviardé], qui est aussi armé, l’équipe ne se trouve pas en meilleure ou en pire position qu’une équipe composée de trois personnes. [Texte caviardé].

[212] M. Childs est revenu sur son refus et n’estime plus que le modèle du déploiement complet n’est pas sécuritaire, s’étant familiarisé maintenant avec lui. [Texte caviardé] a dit en témoignage être généralement à l’aise pour travailler selon le modèle du déploiement complet. L’inquiétude de M. Armstrong au sujet du modèle du déploiement complet est fondée sur les rapports de ses membres, puisqu’il ne possède pas d’expérience de travail dans le secteur du transport de fonds. Je conclus que le poids de la preuve venant des personnes qui possèdent des connaissances et de l’expérience dans ce secteur permet de conclure que le [texte caviardé] obligatoire constitue une procédure appropriée pour protéger l’équipe lorsqu’elle quitte les lieux et revient au camion.

[213] [Texte caviardé] a témoigné que le chauffeur/gardien est exposé lorsqu’il sort du camion et vérifie les lieux. Je noterai simplement que ce n’est pas la raison sur laquelle les employés ont fondé leur refus de travailler dans les cas qui nous occupent. Cependant, les mêmes considérations décrites précédemment s’appliqueraient. De plus, le chauffeur/gardien est surveillé par le messager, qui demeure dans le camion pendant cette procédure et peut agir au besoin.

[214] Pour ce qui est de l’évaluation des risques liés aux lieux desservis, une évaluation est préparée pour chaque point de service. Elles visent à fournir une évaluation des risques particuliers de chaque site, de manière à informer l’équipe, avant qu’elle atteigne l’établissement, des éléments particuliers qu’elle doit surveiller au moment d’exécuter le service pour les lieux. Cet élément présentait des lacunes dans l’affaire Securicor. Les évaluations des risques liés aux lieux desservis sont préparées conjointement par les représentants locaux des deux parties. Le processus de préparation de ces évaluations a été décrit par un certain nombre de témoins. Ce processus n’est pas parfait. En fin de compte, il peut y avoir des désaccords entre les parties sur le niveau de risque ou les mesures de sécurité à appliquer pour un site donné. Dans un tel cas, l’employeur prend la décision finale, à titre de partie responsable des questions de santé et de sécurité en vertu du Code et aux termes de ses droits de gestion. Quoi qu’il en soit, aucune preuve ne m’a été présentée qui puisse m’amener à conclure que les évaluations des risques du processus du site ont été effectuées d’une façon sommaire par l’employeur ou que les parties ne les ont pas prises au sérieux.

[215] Enfin, l’employeur forme ses employés et assure un niveau de supervision approprié. La preuve établit que les employés doivent suivre une formation obligatoire, y compris le module d’introduction des employés appelé le [texte caviardé]. Les employés reçoivent de plus le [texte caviardé] pertinent, un module en classe de 8 à 9 heures, suivi de son application sur le terrain dans un processus d’observation de l’équipe et de rétroaction au sujet des premiers quarts de travail. L’employeur fournit également aux employés l’évaluation des risques et la formation connexe pour s’assurer qu’ils comprennent bien les facteurs qui peuvent avoir une incidence sur le risque et les mesures de contrôle. Une quantité considérable de documentation de formation et de présentations a été déposée en preuve. À l’exception de M. Barber, la preuve a montré que la formation était considérée comme adéquate. L’employeur procède également à des inspections sporadiques des activités en cours d’itinéraire visant à s’assurer que les employés suivent correctement les procédures. [Texte caviardé] a témoigné que le nombre d’inspections des activités en cours d’itinéraire sera une priorité au cours de la prochaine année, à titre d’indicateur du rendement de la direction à l’échelle locale. Je n’ai entendu aucun témoignage fiable suggérant que la formation donnée aux employés était inadéquate ou sommaire. La formation des employés présentait des lacunes graves dans l’affaire Securicor.

[216] Dans l’affaire Dendura, j’ai tenu compte du fait que le syndicat des Teamsters ne s’était pas opposé à l’introduction du modèle du déploiement complet, si les mesures d’atténuation décrites par l’employeur étaient aussi prises. L’employeur me demande de déduire de l’acceptation par Unifor d’une prime liée au modèle du déploiement complet, à la table de négociation en octobre 2017, une reconnaissance tacite du caractère sécuritaire du modèle de déploiement complet. Je ne suis pas prêt à tirer cette conclusion, bien que cette action semble incohérente avec la position du syndicat. L’avis du syndicat était clairement expliqué par M. Armstrong, qui estimait que Brink’s adopterait tout de même la configuration à déploiement complet, et je n’ai aucune raison de mettre en doute la sincérité des inquiétudes du syndicat relativement au modèle du déploiement complet. Le communiqué de presse où le président d’Unifor affirmait qu’il ne [traduction] « signerait jamais une entente qui mettrait des employés en danger » alors qu’il a signé cette entente me laisse perplexe, mais je suis prêt à croire qu’il s’agissait d’une tactique de négociation collective, plutôt que d’une admission que le modèle du déploiement complet est jugé sécuritaire.

[217] Il n’en demeure pas moins que les Teamsters, qui représentent les deux tiers des employés de Brink’s au Canada, ne considèrent pas que le modèle du déploiement complet comporte un niveau de danger plus élevé que le modèle d’équipe de trois personnes, puisque les risques associés à ces deux configurations sont équivalents, comme l’affirme M. Doiron. M. Doiron a témoigné que le modèle du déploiement complet constitue maintenant la norme du secteur du transport de fonds pour les guichets automatiques. En fait, il a osé dire que la majorité des employés de Garda, qui utilise le modèle du déploiement complet depuis 2005, connaissent peu l’équipe composée de trois personnes et que le modèle du déploiement complet à deux personnes est le seul modèle qu’ils connaissent. Je constate qu’Unifor représente également des employés de Garda qui travaillent à l’aide de modèles du déploiement complet depuis un certain temps et pour lesquels Unifor a conclu des conventions collectives comprenant des dispositions sur le modèle du déploiement complet utilisé par cet employeur. M. Doiron a affirmé que le modèle du déploiement complet de Brink’s est le meilleur en son genre au Canada. Il a été consulté au sujet des mesures d’atténuation et de contrôle élaborées par l’employeur et a présenté des commentaires dont l’employeur a tenu compte. Dans l’ensemble, son syndicat ne s’oppose pas au modèle du déploiement complet mis en place dans ces conditions, et cet avis appuie la théorie de l’employeur. Cette preuve a certainement une incidence sur mon analyse de la question et le jugement que je suis chargé de rendre sur la sécurité du modèle du déploiement complet.

[218] Je précise qu’une province canadienne a adopté un règlement visant le secteur des véhicules blindés et prévoit que la configuration minimale des équipes comporte deux personnes (paragraphe 16(4) du Private Investigators and Private Guards Regulations de la Nouvelle‑Écosse).

[219] Tout bien considéré, je demeure convaincu, comme je l’étais dans l’affaire Dendura, que la mise en œuvre du modèle du déploiement complet de Brink’s a été soigneusement planifiée et que les risques ont été dûment examinés par la direction, avec l’aide de M. Brien, une personne ayant une expérience considérable dans le domaine de l’évaluation des risques dans un contexte de sécurité, de services policiers et d’activités criminelles. Le risque qui est présent lorsque l’équipe retourne au camion n’est pas négligé ou mis à l’écart. Il est plutôt traité différemment, comme il est décrit précédemment. Comme je l’ai conclu dans l’affaire Dendura, au paragraphe 182 :

[182] La question de savoir si un danger existe ou s’il est une condition normale de l’emploi est en grande partie une question de fait et de contexte dans chaque cas particulier. L’évaluation des risques dans le contexte d’un comportement humain imprévisible n’est pas une science exacte et repose essentiellement sur une question de jugement. Le jugement doit être éclairé et doit reposer sur l’ensemble de la preuve. Cette preuve comprend des déclarations faites par des témoins qui ont une expérience et une expertise considérable dans le domaine de l’évaluation des risques en matière de sécurité et de services de numéraire en transit, et relativement aux facteurs liés aux activités criminelles. En conclusion, je ne vois aucun fondement permettant de conclure que l’équipe de deux personnes travaillant selon le modèle du déploiement complet de Brink’s, tel qu’il m’a été présenté, augmente le risque de blessures au-delà des conditions normales de l’emploi des employés. Compte tenu de la nature même du travail, le risque résiduel, – le risque d’être attaqué – qui subsiste après que l’employeur a mis en œuvre les mesures d’atténuation décrites ci-dessus, est une condition normale de l’emploi.

[220] La sécurité n’est pas statique. Elle évolue au fil du temps et de l’évolution technologique. L’environnement pourrait être bien différent dans quelques années, à mesure que les statistiques du secteur changent. Plus tard, des éléments de preuve convaincants pourraient amener la revue et le renforcement des mesures d’atténuation. En vertu du Code, il incombe à l’employeur de veiller à ce que ses mesures demeurent pertinentes et de les adapter au contexte en constante évolution. Il doit le faire de manière diligente et en concertation avec son comité des politiques et comité local et chercher des améliorations continues. Les réparations subsidiaires demandées par Unifor dans ses observations sont des exemples de mesures dont les parties peuvent discuter et qu’elles peuvent envisager, en vue de constamment atténuer les risques et prévenir les blessures, comme l’exige le Code, compte tenu des dangers inhérents associés aux services de transport de fonds.

[221] Cependant, à l’heure actuelle et à la lumière de la preuve qui m’a été présentée, je ne peux en arriver à la conclusion que les employés sont exposés à un risque inacceptable, compte tenu de l’effet combiné des mesures mises en œuvre par l’employeur pour atténuer le danger. Les avis des utilisateurs du modèle sont divisés sur la question, comme l’indique la preuve. Il n’est pas facile d’établir le niveau de risque acceptable dans ce contexte particulier. J’estime qu’il serait inapproprié que les agents d’appel remettent en question les mesures de sécurité prises par l’employeur dans un secteur d’activités aussi spécialisé, à moins de recevoir des éléments de preuve convaincants – y compris des témoignages d’experts – selon lesquels les mesures sont clairement inappropriées ou inadéquates. Nous sommes quelque peu éloignés du scénario évoqué au paragraphe 55 de l’arrêt Verville, cité en caractères gras précédemment dans les présents motifs, à titre d’exemple de risque inacceptable dans le secteur des véhicules blindés.

[222] Cela est particulièrement vrai au vu des répercussions très graves sur la main-d’œuvre et sur les finances d’une ordonnance de cessation et d’abstention visant l’utilisation du modèle du déploiement complet, demandée par le syndicat dans les affaires qui nous occupent, ainsi que de la preuve établissant que cette configuration est maintenant la norme dans le secteur au Canada et est utilisée par des employés représentés par le syndicat participant aux présentes procédures.

[223] J’ai déjà fait part de mon inquiétude relativement à cette situation, au paragraphe 42 de mes motifs dans la décision Brink’s Canada Ltée c. Childs et Unifor (suspension) :

[42] [...] En fait, je suis légèrement déconcerté par l’approche fragmentée adoptée par le Programme du travail sur une question qui touche singulièrement l’ensemble de l’industrie du véhicule blindé. La question en litige semble être soulevée depuis quelque temps et, en toute équité, devrait être examinée d’une manière plus globale.

[224] Pour les motifs énoncés précédemment, je conclus donc que, en l’absence de circonstances inhabituelles, exceptionnelles ou anormales, la menace visant la vie ou la santé des employés en raison d’éventuelles tentatives de vol lorsqu’une équipe travaille selon le modèle du déploiement complet à deux personnes, décrit dans les présents motifs, constitue une condition normale d’emploi.

L’appel dans l’affaire Childs

[225] Revenons aux détails de l’appel Childs. M. Childs a expliqué dans son témoignage le contexte dans lequel il a exercé son droit de refus de travailler. À titre de représentant local du syndicat, il était sensible au fait que certains de ses collègues avaient exprimé des préoccupations au sujet du modèle du déploiement complet que Brink’s était sur le point de mettre en place. Il était conscient de la position du syndicat relativement à la sécurité du modèle, mais il sentait également la pression de la direction, puisqu’il savait qu’elle souhaitait adopter le modèle dans ses activités. Il était pris entre l’arbre et l’écorce. Il a refusé de travailler et a mentionné l’absence [traduction] « d’une paire d’yeux supplémentaire » (le chauffeur ou la troisième personne) pour donner des informations à l’équipe lorsqu’elle quitte les lieux desservis. Il n’y avait rien d’inhabituel cette nuit-là à la succursale de la CIBC à Hawkesbury menaçant sa vie ou sa santé, et M. Childs [texte caviardé] que c’était le cas. Son comportement sur la vidéo confirme la conclusion qu’il n’était pas confronté à une menace précise ou imminente. Son partenaire, [texte caviardé], n’a pas participé au refus. Le fait que M. Childs avait reçu la formation adéquate [texte caviardé] n’est pas remis en question. Son équipement fonctionnait correctement la nuit du 25 octobre 2016. Une évaluation des risques liés aux lieux desservis avait été réalisée pour le site et était disponible, et M. Childs avait pris connaissance de son contenu. Et le 9 juillet 2017, M. Childs est volontairement revenu sur son refus et a déclaré dans son témoignage qu’il se sentait à l’aise dans la configuration du modèle du déploiement complet.

[226] Le délégué ministériel Jenkins ne s’est pas rendu sur le site du refus. Après avoir pris connaissance des préoccupations des employés, il a conclu que le refus était fondé sur l’absence d’une troisième personne dans le camion pour donner de l’information à l’équipe à la sortie de la banque. Cette situation était identique aux événements survenus à Edmonton dans la décision Dendura, et il s’est appuyé sur le paragraphe 129(3.1) du Code pour rendre une décision de danger et émettre l’instruction faisant l’objet de l’appel. Nous connaissons maintenant l’issue de l’appel Dendura, dans lequel j’ai annulé l’instruction. Je n’ai pas de raison d’adopter un avis différent dans l’appel Childs, pour les motifs décrits précédemment. Ce résultat montre que l’application du paragraphe 129(3.1) par les délégués ministériels s’accompagne de plusieurs difficultés, puisque les agents d’appel doivent enquêter sur les circonstances de l’instruction et donner aux parties la possibilité de se faire entendre, et qu’ils ne peuvent pas se fier à cette disposition en raison de la nature quasi judiciaire du processus d’appel.

L’appel dans l’affaire Barber

[227] De même, dans l’appel Barber, le refus était motivé par l’absence de la troisième personne ou du chauffeur dans le camion. Il n’y avait rien d’inhabituel cette nuit-là à l’établissement de Hazeldean qui menace sa vie ou sa santé, et M. Barber n’affirmait pas le contraire. [Texte caviardé], pendant qu’il était [texte caviardé]. Ce problème a été signalé et réglé par une modification de l’évaluation des risques liés aux lieux desservis pour ce site, en temps voulu. Son partenaire, [texte caviardé], n’a pas participé au refus. Le fait que M. Barber avait reçu la formation adéquate [texte caviardé] n’est pas remis en question. Les critiques de M. Barber au sujet de la qualité de la formation n’étaient pas fondées, à mon avis, compte tenu de toute la preuve à ce propos. Son équipement fonctionnait correctement la nuit du 3 avril 2017. Une évaluation des risques liés aux lieux desservis avait été réalisée pour le site et il pouvait la consulter. Aucun des nombreux problèmes qu’il décrivait avoir eu avec le camion ou son équipement électronique ne s’étaient produits la nuit du refus.

[228] Le délégué ministériel Jenkins a rendu une décision d’absence de danger au motif que Brink’s avait appliqué les conditions décrites dans mon ordonnance de suspension de l’instruction dans l’appel Childs, et après avoir conclu que la situation soulevait essentiellement les mêmes questions que l’appel Childs, sans circonstances inhabituelles ou anormales à l’égard du site du refus. Compte tenu de ma constatation décrite précédemment selon laquelle tout danger qui découle du modèle du déploiement complet de Brink’s est, en l’absence de circonstances extraordinaires, une condition normale d’emploi, ce qui empêche les employés de refuser de travailler conformément à l’alinéa 128(2)b) du Code, sa décision d’absence de danger ne peut être maintenue et doit être modifiée.

Décision

[229] Pour les motifs susmentionnés,

  1. L’instruction émise par le délégué ministériel dans l’appel Childs, dossier 2017-02 du TSSTC, est annulée.
  2.  
  3. La décision d’absence de danger du délégué ministériel dans l’appel Barber, dossier 2017-12 du TSSTC, est modifiée.

Pierre Hamel

Agent d’appel

Ordonnance de confidentialité

Date : 2018-01-09

Dossier : 2017-02

Entre :

Brink’s Canada Ltée, appelante

et

Michael Childs et Unifor, intimés

Dossier : 2017-12

Entre :

Kevin Barber, appelant

et

Brink’s Canada Ltée, intimée

Attendu que le dossier du Tribunal contient des informations confidentielles et exclusives et que, pendant les procédures du présent appel, ces informations seront partagées entre les parties et peuvent être divulguées à l’agent d’appel à titre de preuve; 

Attendu que ces informations révèlent des pratiques, des processus et des procédures relatifs aux activités liées aux véhicules blindés de l’employeur et à ses mesures de santé et de sécurité conçues pour protéger les employés contre d’éventuelles attaques et tentatives de vol, et que ces informations sont au cœur des questions traitées dans les procédures d’appel;

Attendu que les parties ont convenu de protéger ces informations pour qu’elles ne soient pas rendues publiques et ont signé une entente de non-divulgation datée du 20 décembre 2017 à cette fin;

Et attendu que l’agent d’appel soussigné, autorisé par le paragraphe 146.2h) du Code canadien du travail à établir la procédure à suivre dans les procédures d’appel, partage l’avis des parties que la divulgation libre de ces informations pourrait constituer un risque réel et important pour la sécurité des employés et que la protection de ces informations contre une divulgation publique l’emporte sur la nature publique des procédures d’appel;

J’approuve par les présentes l’entente de non-divulgation des parties jointes à la présente ordonnance et, par conséquent, l’assimile à une ordonnance de l’agent d’appel.

Rendue le 9 janvier 2018

Pierre Hamel

Agent d’appel

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