2017 TSSTC 12

Date : 2017-07-06

Dossier : 2017-14

Entre :

Mike Merry, demandeur

et

Sterling Fuels, intimée

Indexé sous : Merry c. Sterling Fuels

Affaire : Demande de prorogation du délai prévu pour interjeter appel en vertu du paragraphe 129(7) du Code canadien du travail

Décision : La demande est accueillie.

Décision rendue par : Me Marie-Claude Turgeon, agente d’appel

Langue de la décision : Anglais

Pour le demandeur : Lui-même

Pour l’intimée : M. Gene Tomory, gestionnaire des installations, Sterling Fuels Limited (l’intimée n’a pas participé à la présente demande)

Référence : 2017 TSSTC 12

Motifs de la décision

[1] La présente affaire a trait à une demande de prorogation du délai prévu pour interjeter appel en vertu du paragraphe 129(7) du Code canadien du travail (le Code). Le demandeur, M. Mike Merry, joue également le rôle de porte-parole pour huit autres employés dans le présent appel. Il demande à être relevé du défaut d’interjeter appel d’une décision d’absence de danger rendue le 25 avril 2017 par Mme Leah J. Quiring, représentante déléguée du ministre du Travail (déléguée ministérielle), dans le délai de dix jours prescrit par le Code.

Contexte

[2] Le 5 avril 2017, M. Merry, préposé au ravitaillement maritime ainsi que président du syndicat et délégué à la sécurité pour tous les employés syndiqués de Sterling Fuels (l’employeur), a exercé son droit en vertu de l’article 128 du Code de refuser de travailler au motif qu’il était dangereux pour lui de travailler dans le lieu. Huit autres employés, Jani Gusevski, William Renaud, Adam David, Thomas Clark, Adam LaPorte, Tyler Thibert, Dave Pearson et Andrew Pastorius, ont également refusé de travailler pour des raisons similaires à divers moments après le 7 avril 2017. M. Merry agit comme porte-parole à l’égard du refus collectif, tant pour ce qui est du refus lui-même que de l’appel. Le lieu de travail en cause est situé au 3665, rue Russell à Windsor, en Ontario.

[3] Selon l’information figurant dans le rapport de la déléguée ministérielle Quiring, les raisons du refus de travailler de M. Merry sont les suivantes : 1) l’absence d’embarcation de sauvetage; 2) l’absence de plan de sauvetage; 3) l’absence de douche sur le quai nord; 4) la douche du quai sud ne respecte pas le temps d’exécution; 5) l’absence de plan d’urgence en cas d’incendie; 6) l’absence de combinaisons d’immersion; et 7) aucune formation offerte pour les éléments mentionnés aux points 1) à 6). La raison principale de son refus de travailler était liée au risque de chute dans l’eau et de noyade. Il craignait que, malgré toutes les ressources offertes le long de la rivière Détroit pour réaliser un sauvetage, le risque de noyade constituait toujours un danger. Aucun employé n’effectuait de tâches sur le quai au moment du refus.

[4] Le lundi 24 avril 2017, la déléguée ministérielle Quiring, qui exerce également les fonctions d’inspectrice principale de la sécurité maritime de Transports Canada, s’est rendue sur les lieux pour faire enquête sur le refus de travailler des employés.

[5] Le 25 avril 2017, la déléguée ministérielle Quiring a rendu une décision en vertu du paragraphe 129(4) du Code selon laquelle aucun danger n’existait, et a avisé l’employeur ainsi que l’un des employés ayant refusé de travailler, M. Mike Merry, au moyen d’une lettre datée du 25 avril 2017.

[6] Selon une note manuscrite inscrite sur la lettre datée du 25 avril 2017, et d'autres documents au dossier, la décision a été remise en mains propres par la déléguée ministérielle aux installations de l’employeur le 26 avril 2017, au représentant de l’employeur, M. Gene Tomory, de même qu’à quatre des neuf employés ayant refusé de travailler, dont M. Merry.

[7] D’autres notes manuscrites et documents de la Société canadienne des postes au dossier indiquaient également que la lettre avait été mise à la poste par courrier intérieur recommandé à Sarnia le 26 avril 2017 à l’intention des cinq employés qui n’avaient pas reçu la décision en mains propres. Les dates de confirmation de livraison pour ces lettres individuelles variaient entre le 27 avril et le 29 avril 2017.

[8] L’information ci-dessus nous permet d’établir que quatre des employés ont reçu avis de la décision le 26 avril 2017, tandis que les cinq autres employés l’ont reçu entre le 27 avril et le 29 avril 2017.

[9] Le Tribunal de santé et sécurité au travail Canada (Tribunal) a reçu le Formulaire d’appel de M. Merry (qui est daté du jeudi 4 mai 2017) par télécopieur le mardi 9 mai 2017, un jour après l’expiration du délai de dix jours établi dans le Code pour les employés qui ont reçu avis de la décision le 26 avril 2017, mais conforme à la limite prescrite au paragraphe 129(7) du Code pour les employés qui l’avaient reçu entre le 27 avril et le 29 avril 2017.

[10] Par voie d’une lettre datée du 11 mai 2017, qui a été envoyée par courriel, le registraire du Tribunal a informé M. Merry que sa demande d’appel semblait dépasser le délai de dix jours prescrit au paragraphe 129(7) du Code. Il a également été donné à M. Merry jusqu’au 23 mai 2017 pour fournir ses observations écrites s’il pensait qu’il avait des motifs suffisants pour demander une prorogation du délai pour interjeter appel.

Question en litige

[11] La question que je dois trancher est celle de savoir si, dans l’affaire qui nous occupe, je devrais exercer le pouvoir discrétionnaire que me confère l’alinéa 146.2f) du Code pour proroger le délai de dix jours établi au paragraphe 129(7) du Code.

Observations du demandeur

[12] Le 23 mai 2017, M. Merry a fait de brèves observations par courriel à l’appui de sa demande d’être relevé de son défaut d’interjeter appel dans le délai prescrit. Il a essentiellement fait valoir que la demande de prorogation devrait être acceptée, parce que l’appel a été mis à la poste de sorte à être livré au Tribunal dans le délai de dix jours. M. Merry a ajouté que la seule raison pour laquelle le formulaire d’appel a été envoyé par télécopieur le 9 mai 2017 est qu’il s’inquiétait de ne pas avoir reçu d’accusé de réception du Tribunal pour sa demande. Pour terminer, même si la décision est datée du 25 avril 2017, celle-ci n’a été remise en personne que le 26 avril 2017, sans qu’un autre rapport ni information ne soit présenté avant le 12 mai 2017.

[13] M. Merry conclut en affirmant que la gravité de la question en litige justifie la possibilité d’interjeter appel.

[14] L’intimée n’a présenté aucune observation.

Analyse

[15] Le Formulaire d’appel de M. Merry est daté du 4 mai 2017. Il a été envoyé par courrier ordinaire. Pour des raisons inconnues, le Tribunal n’a reçu le Formulaire d’appel envoyé par courriel ordinaire que le 17 mai 2017. Dans l’intervalle toutefois, M. Merry a fait parvenir par télécopieur un exemplaire du formulaire au Tribunal le 9 mai 2017. En l’absence de preuve d’une mise à la poste du Formulaire d’appel par M. Merry avant le 9 mai, cette date correspond à celle où le Tribunal a reçu la demande de M. Merry pour les besoins du paragraphe 129(7) du Code.

[16] La question que je dois maintenant trancher est celle de savoir si je devrais exercer mon pouvoir discrétionnaire pour proroger le délai pour interjeter appel et relever M. Merry de son défaut d’interjeter appel dans le délai prescrit. En vertu de l’alinéa 146.2f) du Code, un agent d’appel a le pouvoir de proroger le délai prescrit pour interjeter appel. Cet alinéa se lit comme suit :

  • 146.2 Dans le cadre de la procédure prévue au paragraphe 146.1(1), l’agent d’appel peut :
  • […]
  • f) abréger ou proroger les délais applicables à l’introduction de la procédure, à l’accomplissement d’un acte, au dépôt d’un document ou à la présentation d’éléments de preuve;

[17] Le Code ne précise pas les facteurs que l’agent d’appel doit prendre en considération lorsqu’il exerce son pouvoir discrétionnaire pour proroger un délai.

[18] Lorsqu’il exerce son pouvoir discrétionnaire pour proroger un délai, l’agent d’appel prend en considération un certain nombre de facteurs comme ceux qui sont décrits par l’agent d’appel Pierre Hamel dans l’affaire Alex Hoffman c. Canada (Agence des services frontaliers), 2013 TSSTC 19 :

  • [25] Le Code ne prévoit pas de facteurs dont l’agent d’appel doit tenir compte dans l’exercice de son pouvoir de proroger les délais. Ce pouvoir discrétionnaire doit être exercé avec impartialité, d’une manière non arbitraire ou discriminatoire, il doit être fondé sur des principes juridiques pertinents, et doit s’inscrire dans des considérations qui servent l’intérêt de l’équité ainsi que le but et les objectifs du Code […]. Les tribunaux administratifs, de même que les agents d’appel, examinent et soupèsent en règle générale les facteurs suivants dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire : la durée du retard par rapport au délai d’appel, les explications de la partie pour justifier ce retard, la diligence raisonnable dont a fait preuve la partie dans les mesures qu’elle a prises, et le préjudice subi par les autres parties à la procédure.

[19] À ce stade, il semble important de répéter que, même si la demande de M. Merry a été reçue un jour après l’expiration du délai (et qu’il en serait de même pour les demandes des trois autres employés qui ont reçu l’avis de la décision de la déléguée ministérielle le 26 avril 2017), cinq autres employés ont reçu l’avis de la décision entre le 27 avril et le 29 avril 2017, ce qui signifie qu’ils auraient respecté le délai prescrit en déposant une demande d’appel le 9 mai 2017.

[20] Par souci d’équité et compte tenu du court retard en cause et de l’intention manifeste et constante de M. Merry d’en appeler de la décision en question, comme en témoigne sa télécopie du 9 mai 2017, ainsi que les circonstances mentionnées au paragraphe précédent et en l’absence de préjudice causé à l’employeur, j’ai décidé d’exercer le pouvoir discrétionnaire que me confère l’alinéa 146.2f) pour accueillir la demande de prorogation du délai prévu pour interjeter appel de l’appelant. Cela est également conforme au principe d’interprétation de la manière la plus équitable et la plus large qui est énoncé à l’article 12 de la Loi d’interprétation.

Décision

[21] La demande de prorogation du délai prévu pour interjeter appel est accueillie.

Marie-Claude Turgeon

Agente d’appel

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