2015 TSSTC 8
Date : 2015-04-21
Dossier : 2009-26
Entre :
Marie-Eve Plamondon et Geneviève Pagé, appelantes
et
Air Canada, intimée
Répertorié : Plamondon et Pagé c. Air Canada
Affaire : Appel en vertu du paragraphe 129(7) du Code canadien du travail
Décision : L'appel est rejeté
Décision rendue par : M. Michael McDermott, agent d'appel
Langue de la décision : Anglais
Pour les appelantes : Me James Robbins, avocat, Cavalluzzo Shilton McIntyre & Cornish LLP
Pour l'intimée : Me Rachelle Henderson, avocate, Droit du travail et de l'emploi, Air Canada
Référence : 2015 TSSTC 8
MOTIFS DE DÉCISION
[102] La présente décision porte sur un appel interjeté en vertu du paragraphe 129(7) du Code canadien du travail (le Code). Les appelantes sont Mmes Marie-Ève Plamondon et Geneviève Pagé. L'intimée est Air Canada.
Contexte
[103] Les appelantes sont agentes de bord chez Air Canada. Le 28 septembre 2009, elles étaient en fonction, de l'aéroport Pearson de Toronto à l'aéroport Montréal Trudeau, à bord du vol AC412, assuré par un Airbus A320 (numéro d'appareil 219). Elles devaient revenir à Toronto à bord du même avion. Toutefois, après avoir constaté des signes de défectuosité mécanique lors de la descente vers Montréal et n'ayant pas été convaincues par les explications qui leur avaient été fournies, elles ont exercé, avec leur collègue Mylène Fortier, le droit de refuser d'exécuter un travail dangereux en vertu de l'article 128 du Code. Le dossier contient un rapport d'incident en vol d'Air Canada rempli conjointement par Mmes Fortier et Plamondon et racontant leur version des événements ayant entraîné les refus. Le rapport, rédigé en français, porte la date du 1er octobre 2009. Le rapport mentionne à la fin que la chef de service, Mme Élisabeth Plourde, a communiqué avec Transports Canada et qu'il y a eu une conférence téléphonique à laquelle semblent avoir participé les agentes de bord.
[104] Les problèmes mécaniques subis comprenaient une odeur de fumée à l'arrière de l'appareil ainsi que des inquiétudes soulevées par un passager au sujet de l'issue d'évacuation sur l'aile gauche d'où provenait un bruit intense et dont le voyant lumineux de la glissière était allumé. Après l'atterrissage à Montréal, les agentes de bord ont appris que l'une des causes possibles de l'odeur pouvait être une fuite d'huile dans un moteur. D'autres causes possibles étaient le chauffage des accoudoirs de sièges en raison de problèmes relatifs au système de divertissements à bord (IFE) ou la présence de colle provenant du surchauffage de la moquette de la cabine. Mme Plourde, chef de service – Rendement du personnel navigant commercial chez Air Canada à Montréal, souligne que M. Michel Barrette, qu'elle appelle le chef de service de l'aéroport, avait entrepris de rassurer les employés en leur disant que tout allait bien, mentionnant qu'il s'agissait du troisième vol de l'appareil après une révision complète et qu'aucun problème mécanique n'avait été décelé après l'arrivée à Montréal.
[105] Selon le rapport par courriel qu'elle a rédigé le 28 septembre 2009, Mme Plourde a reçu un appel lui demandant de se rendre à la porte d'embarquement du vol 417 parce que certaines agentes de bord avaient exercé leur droit de refus. Le vol 417 est indiqué comme étant le vol de retour vers Toronto. Mme Plourde a rencontré les agentes de bord à cet endroit et, vers 15 h, a communiqué avec le représentant en santé et sécurité du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP). Un équipage de remplacement a été trouvé, et l'avion a décollé vers 15 h 25. Les deux employées de Toronto ont ensuite pris un vol vers Toronto à titre de passager non payant, et l'employée de Montréal a été mise en fonction de disponibilité avant d'être renvoyée chez elle.
[106] Dans son rapport par courriel, Mme Plourde déclare avoir communiqué avec Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC, aujourd'hui appelé Emploi et Développement social Canada). Par la suite, elle a été en communication avec l'agente de santé et sécurité (l'agente de SST) Jessica Tran, qui a demandé certains renseignements avant de remettre le dossier à l'agent de SST Luc Mayne, chez Transports Canada. Celui-ci a téléphoné à Mme Plourde vers 15 h 50. Dans son rapport par courriel, Mme Plourde a indiqué qu'elle a [traduction] « revu la démarche suivie » avec M. Mayne et que [traduction] « l'affaire a été réglée ». Elle ne mentionne pas la participation ou la présence d'autres personnes pendant l'appel.
[107] Conformément à la pratique du Tribunal de santé et sécurité au travail Canada (le Tribunal), l'agent de SST Mayne a été informé par le registraire de l'introduction d'un appel et s'est vu demander une copie de son rapport ainsi que tous les autres documents pertinents à l'affaire. Le 9 octobre 2009, l'agent de SST a répondu par courriel qu'il était étonné de la demande et pensait qu'il y avait [traduction] « une erreur de la personne » puisqu'il n'avait parlé qu'à Mme Plourde le 28 septembre 2009 vers 15 h 48. Il a indiqué que celle-ci l'avait simplement informé de l'exercice du droit de refus de trois membres de l'équipage du vol AC 417 et lui avait expliqué les mesures qui avaient été prises et le fait que l'équipage avait été remplacé tandis que les agentes de bord ayant exercé leur droit de refus avaient été réaffectées. L'agent de SST a ajouté qu'il avait remercié Mme Plourde de son appel et lui avait demandé de confirmer la conversation par courriel. Une copie du rapport par courriel de Mme Plourde mentionné ci-dessus a été envoyée à l'agent de SST.
[108] Dans sa réponse au registraire, l'agent de SST Mayne confirme sa compréhension des faits comme suit :
[Traduction]
- Je n'ai pas participé à l'enquête; je n'ai donc pas de document à vous remettre;
- Je n'ai jamais parlé à Ève Plamondon ni à Mylène Fortier;
- Je n'ai en aucun cas utilisé les mots « absence de danger » puisque je n'ai pas fait d'enquête;
- Pour ma part, l'incident a été réglé entre les deux parties, le SCFP et Air Canada;
- Les demandes du cabinet d'avocat sont erronées et sans fondement.
[109] Bien que les paragraphes qui précèdent résument les faits de la cause, un certain nombre de mesures ont été prises ou proposées ultérieurement et doivent être mentionnées ici, ne serait-ce que pour refléter la période de plus de cinq ans qui s'est écoulée depuis l'introduction de l'appel. Initialement, il avait été prévu de tenir une audience à certaines dates possibles proposées, des listes de témoins éventuels avaient été échangées, des assignations à comparaître avaient été demandées et ainsi de suite. Les dates d'audition avaient été fixées du 26 au 29 novembre 2010, à Montréal. Le 15 novembre 2010, les avocats des appelantes avaient indiqué par écrit au Tribunal qu'ils croyaient savoir que Mme Plourde avait parlé au téléphone à un agent de SST autre que Mme Tran ou M. Mayne, le jour des refus, et que le troisième agent d'appel pourrait être l'homme qui avait participé à l'appel téléphonique avec les appelantes par téléphone à haut-parleurs. L'avocat demandait que [traduction] « le Tribunal fasse en sorte que tous les agents de SST qui avaient parlé à Mme Plourde ou aux agentes de bord ayant exercé leur droit de refus soient disponibles pour témoigner à l'audition de la question préliminaire la semaine prochaine ». Le Tribunal a répondu qu'il délivrerait une assignation à comparaître à l'agente de SST Tran en plus de celle déjà envoyée à l'agent de SST Mayne, mais a souligné qu'il avait besoin de connaître le nom de la troisième personne pour pouvoir l'assigner.
[110] Le 16 novembre 2010, le registraire du Tribunal a été informé du fait qu'un avocat d'un cabinet externe représenterait Air Canada. Le 17 novembre 2010, l'avocat des appelantes a confirmé par courriel avoir eu une conversation téléphonique avec le bureau du greffe, dans le cadre de laquelle il a indiqué que l'avocat de l'intimée et lui estimaient avoir [traduction] « une possibilité raisonnable de résoudre la question à l'amiable » et a demandé [traduction] « le report de la cause jusqu'à la fin des pourparlers entre les parties ». Le même jour, le registraire adjoint a confirmé aux deux avocats le report de l'audience et leur a demandé de le tenir au courant de l'évolution de leurs discussions au plus tard le 7 décembre 2010.
[111] De toute évidence, les parties ont échoué dans leur tentative de règlement puisque la correspondance suivante au dossier est une lettre conjointe du registraire adjoint à Me Robbins et à Me Henderson, représentants respectifs des appelantes et de l'intimée, datée du 19 avril 2012, soit environ seize à dix-sept mois après l'avis de report de l'audition. La lettre mentionne les dates du 9 au 12 octobre 2012 comme dates d'audition, et la correspondance suivante fixe trois jours, soit du 10 au 12 octobre. Le 5 octobre 2012, le registraire a reçu un courriel de Me Henderson, avec copie à Me Robbins, l'informant que les parties avaient conclu un règlement et demandaient qu'une conférence téléphonique ait lieu avec l'agent d'appel McDermott [traduction] « pour discuter de la disposition de l'appel ».
[112] Une conférence téléphonique avec l'agent d'appel a eu lieu le 9 octobre, au cours de laquelle les parties se sont engagées à préparer des observations et un exposé conjoint des faits. Comme je n'avais reçu aucune autre correspondance des parties à la fin de l'année, j'ai demandé au registraire de s'informer, ce qui a été fait le 7 janvier 2013. Le bureau du registraire a demandé des nouvelles pendant un moment et, le 17 novembre 2014, a reçu par télécopieur une lettre de Me Robbins, avec copie à Me Henderson, à laquelle était annexé un exposé conjoint des faits et des observations aux termes desquelles on me demandait d'approuver le protocole d'entente sous forme d'ordonnance sur consentement.
[113] L'exposé des faits est essentiellement conforme au contexte présenté ci-dessus. Il clarifie le fait que le vol de retour vers Toronto se faisait par le même appareil. Le courriel du 28 septembre 2009 de Mme Plourde indiquait par erreur que l'Airbus A320 qui quittait Montréal était un déclassement d'un Airbus A321. L'exposé mentionne également un élément plus important en ce qui a trait à l'appel téléphonique initial de Mme Plourde pour signaler le refus de travailler, soit le fait qu'elle a communiqué avec RHDCC et a parlé [traduction] « avec un homme qui a noté l'information et a indiqué qu'il acheminerait l'appel à la personne responsable. Elle a placé son téléphone sur "haut-parleur", et les agentes de bord ont décrit à l'homme ce qui s'était produit. Celui-ci a ensuite dit à Mme Plourde qu'il la rappellerait. Ni Mme Plourde ni les agentes de bord ne connaissent le nom de cet homme ».
[114] L'exposé se poursuit en mentionnant l'appel téléphonique que Mme Plourde a reçu de l'agente de SST Tran et l'appel subséquent qu'elle a reçu de l'agent de SST Mayne de Transports Canada. En ce qui concerne le dernier appel, l'exposé indique : [traduction] « ils ont eu une brève conversation que Mme Plourde a décrite ainsi dans le courriel qu'elle a envoyé ce soir-là : « J'ai reçu un appel de Luc Mayne avec qui j'ai revu la démarche suivie. L'affaire a été résolue ». L'exposé se termine en résumant le courriel du 9 octobre 2009 de l'agent de SST Mayne au registraire, en soulignant la courte durée de sa conversation avec Mme Plourde, en contestant sa mention de la réaffectation des agentes de bord plutôt que leur retour à titre de passager non payant ou leur mise en fonction de disponibilité, et en contredisant sa conclusion selon laquelle la question avait été réglée entre les parties. L'exposé conclut ainsi : [traduction] « en fait, le SCFP et Air Canada n'ont pas conclu de règlement. Il n'y a pas eu d'enquête subséquente. »
[115] L'exposé du 17 novembre 2014 présente ensuite des observations donnant lieu à une proposition selon laquelle le projet de protocole d'entente qui y est annexé devrait être approuvé par l'agent d'appel sous forme d'ordonnance sur consentement après avoir été probablement signé par les deux parties. En résumé, les parties soutiennent que les conditions préalables à l'article 129 du Code ont été remplies lorsque la chef de service qui enquêtait a avisé un agent de SST du maintien du refus de travailler aux termes du paragraphe 128(13). Les parties prétendent que ce fait obligeait l'agent de SST à enquêter et à déterminer s'il y avait un danger. De plus, les actes de l'agent de SST et ses communications avec l'employeur représentaient une conclusion implicite d'« absence de danger » qui, puisqu'elle n'était pas fondée sur une enquête adéquate, devrait être annulée. Il est mentionné que [traduction] « Air Canada ne s'oppose pas à la requête dans les circonstances en l'espèce. » Je reviendrai ci-après sur les observations ainsi que sur la jurisprudence citée au soutien de celles-ci.
[116] Le projet de protocole d'entente est libellé comme intervenant entre la composante d'Air Canada du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), pour les appelantes, et Air Canada. L'essentiel des observations détaillées dans le paragraphe précédent est inclus dans certaines clauses du préambule, et il n'est pas nécessaire de les répéter ici. Les clauses finales se lisent comme suit :
[Traduction]
ATTENDU QU'Air Canada conteste l'appel pour le motif que l'agent de SST n'a pas rendu de décision au sens du paragraphe 129(7) du Code et que, par conséquent, l'agent d'appel McDermott n'a pas compétence;
ATTENDU QUE les parties souhaitent régler les questions en litige donnant lieu à l'appel;
PAR CONSÉQUENT les parties conviennent de ce qui suit :
1. Dans les circonstances particulières de l'espèce, l'agent de SST a rendu une décision, au sens du paragraphe 129 (7) du Code, selon laquelle il n'existait pas de danger pour les trois agentes de bord qui ont refusé de travailler (la Décision).
2. La Décision n'était pas fondée sur une enquête au sens du paragraphe 129 (1) du Code.
3. La Décision devrait être annulée en vertu de l'alinéa 146.1(1)a) du Code.
[Soulignement ajouté]
Compte tenu des contradictions apparentes dans la proposition et étant conscient des positions divergentes des parties relatives à ma compétence, j'ai demandé au registraire d'obtenir des parties des observations portant sur ma compétence pour entendre le présent appel.
Question en litige
[117] La question en litige appelée le plus souvent à être tranchée lorsqu'un appel est interjeté en vertu du paragraphe 129(7) porte sur la validité ou sur une autre question relative à la conclusion d'absence de danger au sens du Code de la part d'un agent de SST. Toutefois, tel qu'il ressort de ce qui précède, un différend oppose les parties quant à ma compétence, et la question est de savoir si oui ou non l'agent de SST a tiré cette conclusion. Cette question en litige doit être tranchée en premier lieu à la lumière des exposés et des observations qui m'ont été présentés.
Observations des parties
A) Observations des appelantes
[118] Les observations des appelantes comprennent celles qui sont résumées au paragraphe 14 ci-dessus, qui sont développées dans les observations écrites sur ma compétence reçues le 19 janvier 2015 faisant suite à ma demande. Initialement, je juge utile d'examiner les prétentions selon les trois catégories indiquées dans les observations antérieures, en débutant par les conditions préalables de l'application de l'article 129 du Code. Au soutien de la prétention selon laquelle un agent de SST doit enquêter une fois que l'employeur est informé du maintien du refus de travailler aux termes du paragraphe 128(13), les observations citent l'extrait suivant de la décision finale de l'agent d'appel dans l'affaire Éric V. & autres c. Service Correctionnel du Canada (TSSTC-09-009), ci-après appelée Vandal), au paragraphe 266 :
Ce mandat est à la fois simple et clair. L'ASS a l'obligation de faire enquête et de décider de l'existence du danger.
Les circonstances de l'avis du refus donné tout d'abord à la personne non identifiée du RHDCC sont ensuite résumées. Plus loin, les appelantes insistent sur le fait que l'agent de STT Mayne a mentionné que les agentes de bord avaient été réaffectées plutôt que, dans le cas des deux employées de Toronto, retournées à titre de passager non payant, et elles contestent sa compréhension du fait qu'un règlement était intervenu entre le SCFP et Air Canada. De plus, on ajoute de la jurisprudence sur l'obligation d'enquête de l'agent de SST, cette fois relative à une décision de la Cour d'appel fédérale dans Dragseth c. Canada (Conseil du Trésor), [1991]A.C.F. nº 1074, dans laquelle, dans une note en bas de page quelque peu accessoire à la page 3, on lit :
Quoi qu'il en soit, le paragraphe 129(1) est impératif. L'agent de sécurité est tenu d'effectuer l'enquête une fois qu'il a été informé soit par l'employeur soit par l'employé en application du paragraphe 128(8). [Remplacé par le paragraphe 128(13).]
[119] Les observations mentionnent ensuite la prétention selon laquelle il y a eu une conclusion implicite d'absence de danger dans la présente cause, invoquant la décision Vandal et une décision connexe de la Cour fédérale, Canada c. Vandal 2010 CF 87. Dans l'affaire Vandal, il s'agissait d'agents correctionnels qui avaient exercé des refus de travailler lorsque l'employeur leur avait demandé d'escorter un détenu, sans arme, à un poste extérieur au pénitencier parce qu'ils estimaient que des menaces de violence contre ce détenu risquaient d'être mises à exécution. L'agent de SST a procédé à ce qu'il a appelé une enquête préliminaire et a établi que les circonstances des refus constituaient des conditions normales d'emploi et, selon le dossier au paragraphe 21 de la décision Vandal, a inscrit sur le formulaire du ministère intitulé Réaction à un refus de travailler en cas de danger : « Le refus de travailler n'est pas permis en vertu de l'alinéa 128(2)b) ». Ce paragraphe exclut le droit de refuser de travailler lorsque la présence d'un danger a été établie, mais qu'il est jugé que ce danger constitue une condition normale d'emploi. L'agent de SST a mis fin à son enquête et s'est retiré du processus. Dans une longue décision, l'agent d'appel a établi, dans l'affaire Vandal, que l'agent de SST avait implicitement établi l'absence de danger et que, tout compte fait, avait jugé que les employés n'étaient pas en danger. Il a donc déterminé qu'il avait la compétence requise pour entendre l'appel aux termes du paragraphe 129(7) du Code.
[120] Les appelantes soutiennent en fait que les circonstances procédurales de la présente affaire sont suffisamment similaires à celles de Vandal pour démontrer que j'ai la compétence pour connaître de leur appel. Dans les observations du 19 janvier 2015, elles décrivent ces circonstances procédurales ainsi :
[Traduction]
Selon les faits convenus dans l'exposé conjoint des faits et les observations des parties, la décision implicite d'absence de danger est évidente pour les motifs suivants :
- Un refus de travailler a eu lieu le 28 septembre 2009, lorsque trois agentes de bord employées par Air Canada ont exercé leur droit de refus d'exécuter un travail dangereux. Cette situation a déclenché le processus prévu à l'article 128 du CCT.
- Le refus de travailler a été maintenu, de sorte qu'Air Canada a appelé RHDCC conformément au paragraphe 128(13) du CCT et a donné avis d'un maintien du refus.
- Après l'appel aux agents de SST, le refus de travailler a été maintenu.
- Malgré le maintien du refus de travailler, les agents de SST n'ont pas conclu à la présence d'un danger. Ils n'ont donné aucune directive quant aux circonstances du refus de travailler. Ils ont agi comme s'il n'y avait aucun danger.
[121] Dans le prolongement de ce résumé des circonstances, le 28 septembre 2009, les appelantes soutiennent que [traduction] « la jurisprudence a bien établi qu'un agent de SST peut rendre une décision implicite d'absence de danger » et qu'à cet égard, la Cour d'appel fédérale a confirmé la décision Vandal dans Canada c. Vandal (2010). De plus, selon elles, en présence d'une décision implicite d'absence de danger, il a été jugé qu'un agent d'appel a la compétence requise pour réviser la décision. Quant aux actes des agents de SST dans la présente affaire, les appelantes soutiennent qu'ils sont similaires à ceux décrits au paragraphe 279 de la décision Vandal. En dernier lieu, les appelantes font valoir que [traduction] « les prétentions du SCFP selon lesquelles les actes des agents d'appel doivent être assimilés à une décision implicite de danger ne sont pas réfutées ».
[122] Pour ce qui est de la troisième catégorie d'arguments, elles prétendent qu'un agent d'appel a la compétence nécessaire pour instruire un appel dans un cas où la décision d'un agent de SST n'est pas fondée sur une enquête aux termes du paragraphe 129(1) du Code; de plus, l'agent d'appel peut annuler une décision de l'agent de SST qui a omis de respecter les obligations du paragraphe en matière d'enquête sur un refus de travailler. La jurisprudence citée au soutien de ces prétentions qui, en plus de Vandal, comprennent la décision de la Cour fédérale dans Canada c. Vandal 2008 CF 1116 et la décision du Tribunal dans Howard Page c. Service correctionnel du Canada, CAO-07-018. Les paragraphes 28 à 30 de la première décision sont cités au soutien de l'argument selon lequel l'agent d'appel est compétent pour établir si une enquête adéquate a été réalisée et si l'intervention de l'agent de SST constitue une décision susceptible d'appel. La décision Page est citée comme exemple d'une décision annulée sur le fondement d'une enquête inadéquate.
[123] Les appelantes soumettent également deux autres points d'application plus générale, notamment que la jurisprudence, principalement dans Canada c. Vandal (2008) indique, au paragraphe 26, que le Code doit être interprété de façon libérale, et que le rôle de l'agent d'appel est une procédure de novo, comme l'indique la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Martin c. Canada 2005 CAF 156, au paragraphe 28, de sorte que ma compétence pour entendre l'appel d'une décision fondée sur une enquête inadéquate ne dépend pas du caractère adéquat ou non du processus de l'agent de SST.
B) Observations de l'intimée
[124] L'intimée n'a pas soumis d'observations distinctes. Je comprends qu'elle a participé à la rédaction de l'exposé conjoint des faits et des observations transmis au Tribunal le 17 novembre 2014, de même qu'au projet non signé de protocole d'entente annexé à ce document. Je remarque qu'il est fait expressément mention du fait qu'Air Canada ne s'oppose pas à certains points de l'exposé conjoint. La citation mentionnée ci-dessus au paragraphe 14 indique une absence d'opposition à l'annulation de la décision et, un peu plus loin, à la prétention du SCFP selon laquelle [traduction] « en fin de compte, les agents de SST ont conclu à l'absence de danger », on lit l'ajout [traduction] « Air Canada ne s'oppose pas à cette observation ».
[125] En dernier lieu, je remarque que, dans les clauses finales du projet de protocole d'entente, il est mentionné que [traduction] « Air Canada conteste l'appel pour le motif que l'agent de SST n'a pas rendu de décision au sens du paragraphe 129(7) du Code » et que je n'ai donc pas compétence. La demande d'observations en date du 10 décembre 2014 sur la question de compétence, a été envoyée aux deux parties. Ne recevant pas de réponse de la part de l'intimée, j'ai demandé à la registraire de s'informer auprès de l'avocate de celle-ci. On l'informa qu'il n'y aurait pas d'autres observations.
Analyse
[126] Encore une fois, je juge utile d'examiner les catégories d'arguments prévues dans l'exposé conjoint des faits et des observations, en commençant par les conditions d'application préalables de l'article 129 du Code. Le paragraphe 128(13) pourrait être qualifié de clause de déclenchement. Il se lit comme suit :
128(13) L'employé peut maintenir son refus s'il a des motifs raisonnables de croire que le danger continue d'exister malgré les mesures prises par l'employeur pour protéger les employés ou si ce dernier conteste son rapport. Dès qu'il est informé du maintien du refus, l'employeur en avise l'agent de santé et de sécurité.
[Soulignement ajouté]
L'article dont l'application est déclenchée si le litige se poursuit se lit intégralement comme suit :
129(1) Une fois informé, conformément au paragraphe 128(13), du maintien du refus, l'agent de santé et de sécurité effectue sans délai une enquête sur la question en présence de l'employeur, de l'employé et d'un membre du comité local ayant été choisi par les employés ou du représentant, selon le cas, ou, à défaut, de tout employé du même lieu de travail que désigne l'employé intéressé, ou fait effectuer cette enquête par un autre agent de santé et de sécurité.
(2) Lorsque plusieurs employés maintiennent leur refus, ils peuvent désigner l'un d'entre eux pour agir en leur nom dans le cadre de l'enquête.
(3) L'agent peut procéder à l'enquête en l'absence de toute personne mentionnée aux paragraphes (1) ou (2) qui décide de ne pas y assister.
(4) Au terme de l'enquête, l'agent décide de l'existence du danger et informe aussitôt par écrit l'employeur et l'employé de sa décision.
(5) Avant la tenue de l'enquête et tant que l'agent n'a pas rendu sa décision, l'employeur peut exiger la présence de l'employé en un lieu sûr proche du lieu en cause ou affecter celui-ci à d'autres tâches convenables. Il ne peut toutefois affecter un autre employé au poste du premier que si les conditions suivantes sont réunies :
- cet employé a les compétences voulues;
- il a fait part à cet employé du refus de son prédécesseur et des motifs du refus;
- il croit, pour des motifs raisonnables, que le remplacement ne constitue pas un danger pour cet employé.
(6) S'il conclut à l'existence du danger, l'agent donne, en vertu du paragraphe 145(2), les instructions qu'il juge indiquées. L'employé peut maintenir son refus jusqu'à l'exécution des instructions ou leur modification ou annulation dans le cadre de la présente partie.
(7) Si l'agent conclut à l'absence de danger, l'employé ne peut se prévaloir de l'article 128 ou du présent article pour maintenir son refus; il peut toutefois — personnellement ou par l'entremise de la personne qu'il désigne à cette fin — appeler par écrit de la décision à un agent d'appel dans un délai de dix jours à compter de la réception de celle-ci.
Conditions préalables à l'application de l'article 129
[127] Je ne conteste pas la validité de la jurisprudence citée par les appelantes portant sur l'obligation de l'agent de SST qui a été avisé par un employeur de l'existence d'un maintien du refus de travailler. Le meilleur résumé de cette obligation est possiblement celui du paragraphe 266 de la décision Vandal, qui la décrit comme étant un mandat « à la fois simple et clair. L'ASS a l'obligation de faire enquête et de décider de l'existence du danger ». En l'espèce, toutefois, l'agent de SST nie avoir été informé du maintien d'un refus de travailler et soutient plutôt qu'il a été amené à penser que [traduction] « l'incident avait été réglé entre les deux parties, le SCFP et Air Canada. »
[128] J'estime qu'il n'était pas entièrement déraisonnable pour l'agent de SST d'en venir à cette conclusion, étant donné la consignation incertaine des mesures prises après les refus le 28 septembre 2009. Comme il est indiqué ci-dessus, les employés qui refusaient de travailler ont rempli un rapport d'incident en vol d'Air Canada daté du 2 octobre 2009, et le même jour Mme Plamondon a signé un formulaire autorisant le SCFP à la représenter. Le rapport des employées mentionne, en français, le fait que la chef de service a communiqué avec Transports Canada et qu'elles ont eu une conférence téléphonique avec un préposé dont on ne connaît ni le nom ni la fonction.
[129] Selon son courriel du 28 septembre 2009, Mme Plourde a, lorsqu'elle a appelé RHDCC au numéro de service après les heures d'ouverture, [traduction] « réussi à parler à un représentant ». Ce qui a été dit n'a pas été consigné, mais il semble qu'à la suite de cet appel, l'agente de SST Jessica Tran l'ait rappelée, ait demandé des renseignements, [traduction] « et quelques minutes plus tard, j'ai [Mme Plourde]reçu un appel de Luc Mayne avec qui j'ai revu la démarche. L'affaire a été réglée ».
[130] Et voilà que plus d'un an après le 15 novembre 2010, près de la veille des jours fixés pour l'audience, les avocats des appelantes soulèvent la possibilité qu'un troisième agent de SST ait participé au processus et que cette personne, un homme non identifié, qui était peut-être ou peut-être pas agent de STT, était peut-être la personne à l'autre bout du fil lors de la conférence téléphonique le 28 septembre 2009, à laquelle les employées ont pris partiellement part. Ne connaissant pas le nom de la troisième personne qui aurait dû être présente à l'audition prévue du 26 au 29 novembre 2010, le Tribunal n'a pas pu lui délivrer d'assignation à comparaître. Quoi qu'il en soit, l'audition a été annulée et la cause reportée à la demande des appelantes, étant donné la possibilité qu'un règlement soit conclu par les parties.
[131] Quelques mots sur ma compréhension de la démarche suivie lorsque des refus de travailler sont exercés « côté piste ». Lorsqu'un agent de SST est informé du maintien d'un refus de travailler visé par le paragraphe 128(13), si c'est un agent de SST de RHDCC (ou de EDSC comme c'est le cas actuellement) qui reçoit l'appel, il soumet le dossier à un agent de SST de Transports Canada. Cette façon de faire est autorisée par le paragraphe 129(1) qui se lit comme suit :
[...] , l'agent de santé et de sécurité effectue sans délai une enquête sur la question [...] ou fait effectuer cette enquête par un autre agent de santé et de sécurité.
(Soulignement ajouté)
Cette procédure relative aux refus côté piste ne devrait pas être inconnue de la direction d'Air Canada, de l'agent négociateur ou de leurs avocats respectifs. Le fait est que l'agent de SST qui, une fois dûment avisé du maintien du refus de travailler du côté piste, est tenu de se conformer à l'article 129 de Code, est le plus souvent un préposé de Transports Canada.
[132] C'est donc l'agent de SST Mayne qui, s'il avait été dûment été mis au courant du maintien du refus de travailler, aurait appliqué les dispositions de l'article 129. Selon les renseignements inscrits sur le rapport d'incident en vol, ce n'est qu'une heure après les refus que le personnel d'entretien a informé les agentes de bord du fait que l'odeur dérangeante provenait de la colle qui fondait sous la moquette de la cabine. Non satisfaites de cette réponse, elles ont maintenu leur refus. Selon l'avis d'appel, Mme Plourde a commencé les démarches pour aviser RHDCC vers 15 h, et l'agent de SST Mayne l'a rappelée de Transports Canada, selon son dossier, vers 15 h 48. Dans l'intervalle, l'avion à l'origine du refus de travailler avait entrepris son vol de retour vers Toronto, environ vers 15 h 25, soit quelque 25 minutes en retard. Les agentes de bord de Toronto sont rentrées chez elle à titre de passager non payant sur le vol suivant, à 16 h, ce qui suppose qu'elles étaient déjà à bord de l'avion au moment de l'appel de l'agent de SST à Mme Plourde. Cela prête foi à la prétention de celui-ci selon laquelle, pendant son appel à Mme Plourde, il n'a jamais parlé aux agentes de bord qui, quoi qu'il en soit, n'auraient pas été disponibles pour le rencontrer conformément au paragraphe 129(1) s'il s'était rendu à l'aéroport.
[133] Ce dossier peu documenté et parfois contradictoire au sujet de la démarche qui a suivi les refus me donne l'impression que le 28 septembre 2009, à l'aéroport, c'était la folie. D'une part, une fois qu'Air Canada a été convaincue que l'avion était sécuritaire, elle devait trouver des agents de bord remplaçants pour faire décoller le vol Rapidair. D'autre part, les exigences du Code devaient être respectées. La raison pour laquelle la conversation avec l'homme non identifié de RHDCC n'a pas été consignée demeure problématique, mais le déroulement des événements semble confirmer qu'il ne s'agissait pas de l'agent de SST Mayne. Dans l'ensemble, j'estime qu'il n'était pas déraisonnable de la part de l'agent de SST Mayne de conclure, selon les termes utilisés par Mme Plourde dans son courriel, que l'affaire avait été réglée. Il aurait peut-être pu entreprendre de vérifier si les employées en cause étaient du même avis, mais il ne l'a pas fait. Quoi qu'il en soit, s'il n'a pas appliqué les dispositions de l'article 129, ce n'est pas par mépris délibéré de ses responsabilités, mais parce qu'il avait réellement compris à la suite de sa conversation avec Mme Plourde que les parties s'étaient entendues. Même si j'en étais venu à une conclusion différente, cela n'aurait pas réglé la question à savoir s'il a rendu une décision implicite d'absence de danger ouvrant droit à un appel en vertu du paragraphe 129(7) du Code, comme le soumettent les appelantes.
L'agent de SST a-t-il rendu une décision d'absence de danger ouvrant droit à un appel?
[134] Dans leurs observations sur ma compétence pour entendre le présent appel, les appelantes déclarent :
[Traduction]
Le présent appel est interjeté en vertu du paragraphe 129(7) du Code, qui permet à l'employé d'en appeler de la décision d'absence de danger d'un agent de santé et de sécurité (« agent de SST »). Le paragraphe 146.1(1) donne à l'agent d'appel le pouvoir de mener « [...] une enquête [...] sur les circonstances ayant donné lieu à la décision [...] et sur la justification de celles-ci » lors d'un appel interjeté en vertu du paragraphe 129(7). Le SCFP soutient que l'agent de SST a pris une décision d'absence de danger et que vous avez donc la compétence requise en vertu du paragraphe 146.1. Bien que n'ayant pas été mise par écrit, la décision de l'agent de SST est implicite.
L'extrait cité du paragraphe 146.1(1) est exact, mais son application suppose que l'agent de SST a pris une décision. C'est bien sûr la principale question en litige du présent appel à cette étape. Dans leurs arguments, les appelantes parlent d'une procédure de novo, qui, selon ce qu'elles soutiennent ailleurs dans leurs prétentions, me confère le pouvoir d'entendre l'appel d'une décision fondée sur une enquête inadéquate. L'expression « de novo » suppose de refaire une démarche qui a déjà eu lieu. Le point de départ d'un appel selon le libellé du paragraphe 129(7) du Code est le fait que « [...] l'agent conclut à l'absence de danger ». Si, après avoir examiné l'ensemble de la preuve et des observations, l'agent d'appel conclut qu'un agent de SST n'a pas rendu de décision sous une forme ou une autre au sens de ce paragraphe, alors, à mon avis, ça ne va pas plus loin en ce qui concerne l'agent d'appel. Je l'énonce à l'avance en sachant que je dois toujours analyser la question centrale.
[135] Auparavant, toutefois, les observations citées au paragraphe précédent soulèvent une question préliminaire. À plusieurs reprises dans leurs observations, les appelantes parlent des agents de SST plutôt que de l'agent de SST. Ceci suppose que tout agent de SST qui est avisé le premier, par l'employeur, du maintien d'un refus aux termes du paragraphe 128(13), ainsi que tout autre agent de SST informé ultérieurement de cet avis, demeurent partie à l'enquête. À mon avis, on met ici avantageusement de côté le libellé du paragraphe 129(1), « ou fait effectuer cette enquête par un autre agent de santé et de sécurité » [soulignement ajouté]. Dans la présente affaire, il semble qu'un trio d'agents de SST puisse être visé par l'interprétation que font les appelantes du paragraphe en question. Le premier membre du trio serait un homme non identifié qui pourrait avoir été ou ne pas avoir été agent de SST et qui pourrait avoir participé à une conférence téléphonique avec les agentes de bord qui ont refusé de travailler. On ne trouve aucune trace écrite de cet appel, mais il semblerait que la personne ait parlé à l'agente de SST Tran à RHDCC qui, conformément à la procédure relative aux refus côté piste, a communiqué avec l'agent de SST Mayne chez Transports Canada. Si on suppose que l'homme non identifié à RHDCC était également agent de SST, l'agente de SST Tran et lui auraient rempli leurs obligations en transmettant le dossier à un autre agent de SST. L'agent de SST Mayne est celui qui aurait réalisé une enquête s'il n'avait pas eu de motifs raisonnables de penser que les parties avaient réglé la question. Par conséquent, la question porte sur le fait de savoir si l'agent de SST Mayne a ou non rendu une décision susceptible d'appel en vertu du paragraphe 129(7), question à laquelle, à mon avis, les actes des deux autres préposés sont périphériques.
[136] Ceci nous amène à l'argument des appelantes selon lequel l'agent de SST dans la présente affaire a rendu une décision implicite, exprimé dans l'extrait de leurs observations datées du 19 janvier 2015 cité ci-dessus au paragraphe 19. En résumé, il y a eu un refus de travailler; ce refus a été maintenu; l'employeur a appelé RHDCC; l'agent de SST n'a pas conclu à l'existence d'un danger, n'a pas émis d'instructions et a [traduction] « agi comme s'il n'y avait aucun danger ». Les appelantes soumettent ensuite l'observation suivante :
[Traduction]
La jurisprudence a bien établi qu'un agent de SST peut rendre une décision implicite d'absence de danger. Il y a décision implicite d'absence de danger lorsqu'un agent de SST agit comme s'il n'y avait aucun danger, malgré l'absence de décision écrite ou orale expresse.
La principale jurisprudence recensée est celle établie par la décision Vandal et les décisions judiciaires connexes, pour le motif que les circonstances de la présente affaire sont suffisamment similaires à celles de Vandal, dans laquelle on a jugé qu'une décision implicite avait été prise. Les faits de la décision Vandal sont résumés ci-dessus au paragraphe 18. Il y a lieu d'examiner comment les circonstances et les mesures prises dans cette décision ont amené l'agent d'appel à tirer la conclusion que l'agent de SST avait pris une décision implicite d'absence de danger et d'établir si ces faits sont véritablement suffisamment similaires à ceux en l'espèce pour que j'accueille les prétentions des appelantes.
[137] Comme je l'ai indiqué ci-dessus au paragraphe 20, les appelantes soulignent le paragraphe 279 de la décision Vandal pour invoquer la similarité avec la présente cause. Le paragraphe est une distillation succincte des conclusions de l'agent d'appel sur la question de la décision implicite. Il se lit comme suit :
[279] L'ASS a déclaré qu'il ne pouvait statuer sur le danger, mais qu'il avait fait enquête et qu'il considérait que les circonstances du refus des AC constituaient des conditions normales d'emploi. Toutefois, comme je l'ai dit ci-dessus, l'ASS a touché à presque toutes les étapes d'une enquête requise d'un ASS lorsque celui-ci enquête sur l'existence ou non d'un danger allégué en vertu du Code. Il a complété son enquête pour finalement déclarer qu'il ne se prononçait pas sur le danger. J'infère de ceci que l'ASS s'est implicitement prononcé sur l'absence de danger. Je conclus donc que l'ASS a statué, à toutes fins utiles, que les AC n'étaient pas en danger puisqu'il
- a statué sur les circonstances des refus de travailler des AC;
- a avisé les AC qu'ils ne pouvaient plus continuer de refuser de travailler en cas de danger, donc qu'ils devaient retourner au travail; et
- s'est retiré sans émettre d'instruction pour danger en vertu du paragraphe 145(2).
[138] Lors de la révision et du maintien de la décision de l'agent d'appel par la Cour fédérale dans Canada c. Vandal (2010), le juge Beaudry a mentionné, au paragraphe 40 :
L'inférence par l'agent d'appel d'une enquête formelle exécutée en vertu du paragraphe 129(1) malgré la qualification par l'ASS de « préliminaire » est justifiée (voir paragraphes 271 à 273 de la décision [...] ).
Le paragraphe 271 de la décision de l'agent d'appel détaille en huit sous-paragraphes [traduction] « presque toutes les étapes d'une enquête » englobées au paragraphe 279 cité ci-dessus. Il dépeint un processus où, une fois informé des refus, l'agent de SST a reçu le rapport d'enquête de l'employeur et a rencontré ses représentants, puis les AC, a réalisé une analyse partielle des circonstances des refus et a rendu une décision à ce sujet, a pris en compte les documents connexes, a reçu le témoignage des AC au sujet du soi-disant danger et a conclu en établissant que les circonstances des refus représentaient des conditions normales d'emploi.
[139] S'il y avait le moindre doute quant à l'exhaustivité de l'enquête de l'agent de SST, il a été écarté par l'avocate de l'employeur qui, comme l'indique l'agent d'appel au paragraphe 272 de la décision Vandal, a semblé contredire la prétention de l'agent de SST selon laquelle il n'avait pas enquêté sur la question en vertu du paragraphe 129(1) et n'avait jamais rendu de décision en vertu du paragraphe 129(4) du Code, lorsqu'elle a déclaré à l'audience :
Et la décision Dragseth, je l'ai lue, et dans ce cas-là on avait dit qu'un agent de sécurité avait été informé par les employés du refus de travail, mais il n'a fait aucune enquête. Il n'a pas entrepris rien. Je pense qu'on n'est pas — on n'en est pas là dans le dossier qui nous occupe. Monsieur Tremblay est intervenu, il a rencontré le monde, il a fait un rapport d'enquête, puis il a rendu une décision motivée.
[140] J'ai lu moi aussi la décision Dragseth. Je n'entrerai pas dans les détails de la cause, mais il est important de souligner que les circonstances entourant la prétention de l'agent de SST selon laquelle il n'avait pas réalisé d'enquête en vertu du paragraphe 129(1) sont plutôt différentes de celles qui ont amené l'agent de SST Mayne à ne pas réaliser d'enquête le 28 septembre 2009. En premier lieu, il n'y avait aucun doute que l'agent de SST dans l'affaire Dragseth avait été avisé des refus tant par l'employeur que par les employés. Deuxièmement, les refus mettaient en cause des agents correctionnels et découlaient de la décision de la direction de ne pas mettre en place un gardien dans un corridor donné pendant les heures de visite. Il semble que l'agent de SST a été d'accord avec l'opinion de la direction selon laquelle les refus étaient une mesure planifiée et que le Code était utilisé pour légitimer un arrêt de travail illégal au soutien d'un arrêt de travail légal par des employés non gardiens. La direction a imposé des mesures disciplinaires aux employés qui avaient refusé de travailler et au coprésident du comité local de santé et sécurité. Ont suivi des instances devant ce qui était alors la Commission des relations de travail dans la fonction publique et la Cour d'appel fédérale, surtout au sujet du caractère légitime ou autre de l'imposition de mesures disciplinaires aux employés qui prétendaient exercer des droits conférés par le Code. Bien que les observations du Tribunal sur la nature obligatoire des exigences du paragraphe 129(1) d'enquêter sur le maintien d'un refus mentionnées au paragraphe 17 soient valides, elles sont quelque peu accessoires à la question principale jugée dans la présente affaire en ce qu'elles sont incluses dans une note en bas de page et, quoi qu'il en soit, ne règlent pas la question implicite relative à la décision en l'espèce.
[141] Pour revenir à la prétention des appelantes selon laquelle les circonstances en l'espèce sont suffisamment similaires à celles de la décision Vandal pour que je doive déterminer que l'agent de SST Mayne a rendu une décision implicite de danger le 28 septembre 2009, et que je juge être compétent pour entendre l'appel, je considère que les similarités sont minimes et insuffisantes pour appuyer cette observation. Le seul facteur fondamental commun est le fait que, dans les deux cas, les refus ont été exercés en vertu de l'article 128 du Code. À mon avis, les similarités s'arrêtent là. Dans Vandal, au paragraphe 24, il est évident que l'employeur avait donné avis du maintien des refus de travailler aux termes du paragraphe 128(13) et que, bien qu'il ait attendu six jours pour le faire, l'agent de SST s'est rendu sur les lieux de travail pour enquêter.
[142] En l'espèce, l'intimée s'est efforcée d'aviser un agent de SST et de déclencher la prise de mesures en vertu du paragraphe 129(1). Toutefois, je juge qu'il n'était pas déraisonnable que l'agent de SST Mayne ait compris que les parties avaient réglé la question, ce pourquoi il a jugé évident qu'il n'avait pas besoin d'entreprendre une enquête. Le Tribunal ne consigne pas tous les règlements qui interviennent entre les parties à l'étape du processus de l'agent de SST, mais, comme à l'étape de l'appel, des règlements interviennent vraisemblablement. Bien que la responsabilité de donner l'avis prévu au paragraphe 128(13) incombe à l'employeur, l'agent de SST Mayne aurait pu vérifier auprès des agentes de bord qui avaient exercé le refus ou de leurs représentants si un règlement avait été conclu. S'il l'avait fait, il semble qu'il aurait conclu que sa compréhension était erronée et qu'il aurait donc entrepris l'application du paragraphe 129(1) du Code. La réparation de la situation ne relève pas du pouvoir de l'agent d'appel, mais d'autres mesures en droit administratif. Un appel téléphonique à l'agent de SST aurait peut-être même pu clarifier la question sans la nécessité d'avoir recours à une instance officielle.
[143] On trouve, dans la décision de l'agent d'appel dans Vandal, une multitude de mesures de l'agent de SST qui équivalent à une décision d'absence de danger malgré les protestations contraires de l'agent de SST et l'absence d'avis formel aux parties comme le prévoit le paragraphe 129(4). La comparaison de la liste exhaustive des mesures prises qui ont conduit à ce qui pourrait être considéré comme une décision de facto dans la cause Vandal, avec l'absence totale de mesures prévues par le Code prises par l'agent de SST Mayne après qu'il a raccroché la ligne le 28 septembre 2009, en dit long sur la différence entre les deux affaires. Je suis d'avis que, comme il le prétend dans son courriel du 9 octobre 2009, l'agent de SST Mayne n'a pas fait d'enquête ni rendu de décision d'absence de danger susceptible d'appel en vertu du paragraphe 129(7), ni explicitement, ni de facto ou implicitement. Rendre une décision contraire élargirait déraisonnablement, à mon avis, une interprétation libérale des dispositions du Code.
[144] Étant donné ma conclusion selon laquelle l'agent de SST Mayne n'a pas rendu de décision, il n'est pas nécessaire que j'examine l'argument des appelantes sur le fait que la nature de novo de l'instance me permet d'examiner l'annulation d'une décision sur le fondement d'une enquête déficiente ou, comme en l'espèce, de l'absence d'enquête. Néanmoins, je commenterai la jurisprudence citée par les appelantes dans l'affaire Page puisqu'elle est pertinente à mes conclusions. En résumé, un agent correctionnel a refusé de travailler parce qu'il estimait que son exposition à la fumée secondaire le mettait en danger lorsqu'il arpentait la rangée. L'agent de SST a eu une conversation téléphonique de 20 à 30 minutes le soir du refus, à laquelle participaient l'employé qui refusait de travailler et le directeur adjoint de l'établissement. Deux jours plus tard, il a rendu une décision selon laquelle le refus n'était pas autorisé selon les alinéas 128(2)a) et b) du Code (le refus met en danger une autre personne et l'existence d'une condition normale d'emploi, respectivement). L'agent d'appel a annulé la décision pour le motif, notamment, que l'agent de SST ne s'était pas rendu sur les lieux de travail pour entreprendre une enquête en bonne et due forme. Le point qui est pertinent à la présente affaire est le fait qu'une décision avait été rendue, ce qui rendait l'agent d'appel compétent à entendre l'appel. La situation est fort différente des faits en l'espèce où j'estime qu'aucune décision n'a été rendue.
[145] Pour ces motifs, je conclus que, faute de décision d'absence de danger conforme au paragraphe 129(7) du Code, je n'ai pas compétence pour entendre un appel découlant des refus de travailler exercés par les appelantes à Montréal, le 28 septembre 2009.
[146] Par conséquent, l'appel est rejeté pour absence de compétence.
Michael McDermott
Agent d'appel
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