2012 TSSTC 26
Référence : Bell Mobilité Inc., 2012 TSSTC 26
Date : 2012-07-24
No dossier : 2011-55 et 2012-03
Rendue à : Ottawa
Entre :
Bell Mobilité Inc., appelante
Affaire : Appel interjeté en vertu du paragraphe 146(1) du Code canadien du travail de trois instructions émises par des agents de santé et de sécurité
Décision : Deux des instructions sont annulées et une instruction est confirmée
Décision rendue par : Douglas Malanka, agent d’appel
Langue de la décision : Anglais
Pour l’appelante : Me William Hlibchuk, avocat, Norton Rose OR LLP
MOTIFS DE DÉCISION
Contexte
[1] La présente affaire concerne deux appels de Bell Mobilité Inc. [Bell Mobilité], réunis le 31 janvier 2012.
[2] L’appel d’origine concerne une instruction émise en septembre 2011 par l’agente de santé et de sécurité (AG. SS) Marjorie Roelofsen (ci-après la première instruction), en vertu du paragraphe 145(1) du Code canadien du travail (le Code). Cette instruction avait été émises suite à l’enquête de l’AG. SS Roelofsen sur un signalement d’un citoyen qui avait pris des photos d’un employé de Bell Mobilité travaillant sur une toiture sans dispositif de protection contre les chutes. À la conclusion de son enquête, l’AG. SS Roelofsen avait émis une instruction sur la base de la contravention de Bell Mobilité à l’alinéa 12.10(1)a) du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail (RCSST), Bell Mobilité n’ayant pas fourni de dispositif de protection contre les chutes aux membres de son personnel, à savoir les techniciens en radiofréquences, qui doivent travailler sur des toitures non protégées. La disposition visée du RCSST exige que l’employeur fournisse un dispositif de protection contre les chutes à un employé qui doit travailler sur une structure non protégée à partir d’une hauteur donnée. L’instruction se lit comme suit.
[Traduction]
DANS L’AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL
PARTIE II − SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL
INSTRUCTION À L’EMPLOYEUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)
Le 7 septembre 2011, l’agente de santé et de sécurité soussignée a procédé à une enquête au lieu de travail exploité par Bell Mobilité Inc., employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, et sis au 940 Commissioners Rd. E., London, Ontario, N5Z 3J2, ledit lieu de travail étant parfois connu sous le nom Bell Mobilité Inc. − London.
Ladite agente de santé et de sécurité est d’avis que la disposition suivante de la partie II du Code canadien du travail a été enfreinte.
No. / no : 1
Alinéa 125(1)l) de la partie II du Code canadien du travail et alinéa 12.10(1)a) du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail
125(1)l) Dans le cadre de l’obligation générale définie à l’article 124, l’employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève : de fournir le matériel, l’équipement, les dispositifs et les vêtements de sécurité réglementaires à toute personne à qui il permet l’accès du lieu de travail.
12.10(1)a) Sous réserve du paragraphe (1.1), l’employeur doit fournir un dispositif de protection contre les chutes à toute personne qui travaille dans l’une des situations qui suivent, à l’exception de l’employé qui installe ou qui démonte un tel dispositif selon les instructions visées au paragraphe (5) : sur une structure non protégée ou sur un véhicule, à une hauteur de plus de 2,4 m au-dessus du niveau permanent sûr le plus proche, ou au-dessus de pièces mobiles d’une machine ou de toute autre surface ou chose au contact desquelles elle pourrait se blesser.
L’employeur n’a pas fourni de dispositif de protection contre les chutes à l’employé qui travaillait sur la toiture du 940, Commissioners Road East, à London (Ontario), où se trouve une tour de Bell Mobilité Inc.
Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145(1)a) de la partie II du Code canadien du travail, de cesser cette contravention immédiatement.
De plus, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145(1)b) de la partie II du Code canadien du travail, de prendre, au plus tard dans le délai imparti par l’agente de santé et de sécurité, les mesures pour empêcher la continuation de la contravention ou sa répétition.
Fait à London, Ontario, ce 29e jour de septembre 2011.
Marjorie Roelofsen
Agente de santé et de sécurité
[3] Le 26 septembre 2012, l’AG. SS Roelofsen était accompagnée de l’AG. SS Paul Danton lors d’une réunion à l’édifice Bell Canada de la rue Dundas, à London, en Ontario. Cette réunion était tenue à des fins d’enquête. Également présents à la réunion se trouvaient Cal Zavitz, chef d’équipe, Opérations sur le terrain; John Cognigni, co-président représentant, London Hearth Sciences Centre (LHSC); et Ken McIntyre, gestionnaire d’entretien, Services résidentiels, groupe Z. Dans la poursuite de leur enquête, le 27 octobre, les AG. SS Roelofsen et Danton ont également interrogé Roger Dobbs, technicien, Services extérieurs, réseaux sans-fils, Bell Mobilité Inc., Sud-ouest de l’Ontario. À la fin de l’enquête, l’AG. SS Roelofsen a décidé de donner une deuxième instruction (la deuxième instruction).
[4] La deuxième instruction a été émise le 28 octobre 2011 en vertu de l’alinéa 125(1)z.04) du Code, qui exige essentiellement que l’employeur élabore, mette en œuvre et contrôle un programme de prévention des risques prescrit. L’AG. SS Roelofsen a ensuite précisé les étapes prescrites énoncées aux articles 19.4 et 19.5 du RCSST qui se rapportent aux évaluations des risques. Elle a conclu que Bell Mobilité n’avait pas, sur demande, produit une analyse de sécurité des tâches ni fourni de procédures de travail sécuritaire à ses employés tenus de travailler sur une toiture non protégée. L’instruction se lit comme suit.
[Traduction]
DANS L’AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL
PARTIE II − SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL
INSTRUCTION À L’EMPLOYEUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)
Le 26 septembre 2011, l’agente de santé et de sécurité soussignée a procédé à une enquête au lieu de travail exploité par Bell Mobilité Inc., employeur Ag. SSujetti à la partie II du Code canadien du travail, et sis au 940 Commissioners Rd. E., London, Ontario, N5Z 3J2, ledit lieu de travail étant parfois connu sous le nom Bell Mobilité Inc. − London.
Ladite agente de santé et de sécurité est d’avis que la disposition suivante de la partie II du Code canadien du travail a été enfreinte.
No. / no : 1
Alinéa 125(1)z.04) de la partie II du Code canadien du travail,
125. (1) Dans le cadre de l’obligation générale définie à l’article 124, l’employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève :
z.04)relativement aux risques propres à un lieu de travail et non couverts par un programme visé à l’alinéa z.03), en consultation avec le comité d’orientation ou, à défaut, le comité local ou le représentant, d’élaborer et de mettre en œuvre un programme réglementaire de prévention de ces risques, y compris la formation des employés en matière de santé et de sécurité relativement à ces risques, et d’en contrôler l’application.
Article 19.4 du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail
L’employeur recense et évalue les risques professionnels, y compris ceux liés à l’ergonomie, conformément à la méthode élaborée aux termes de l’article 19.3 et en tenant compte des éléments suivants :
a) la nature du risque;
a.1) dans le cas de risques liés à l’ergonomie, tout facteur lié à l’ergonomie tel que :
(i) les exigences physiques des tâches, le milieu de travail, les méthodes de travail et l’organisation du travail ainsi que les circonstances dans lesquelles les tâches sont exécutées,
(ii) les caractéristiques des matériaux, des biens, des personnes, des animaux, des choses et des espaces de travail ainsi que les particularités des outils et de l’équipement;
b) le niveau d’exposition des employés au risque;
c) la fréquence et la durée de l’exposition des employés au risque;
d) les effets, réels ou potentiels, de l’exposition sur la santé et la sécurité des employés;
e) les mesures qui ont été prises pour prévenir le risque;
f) tout élément signalé par l’employé au titre des alinéas 126(1)g) ou h) de la Loi et tout rapport fait par l’employé au titre de l’article 15.3;
g) tout autre renseignement pertinent.
L’employeur n’a pas, sur demande, produit d’analyse de sécurité des tâches pour les employés de Bell Mobilité Inc. occupant le poste de technicien en radiofréquences, qui doivent travailler sur une toiture non protégée.
No. / no : 2
Alinéa 125(1)z.04) de la partie II du Code canadien du travail
125. (1) Dans le cadre de l’obligation générale définie à l’article 124, l’employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève :
z.04)relativement aux risques propres à un lieu de travail et non couverts par un programme visé à l’alinéa z.03), en consultation avec le comité d’orientation ou, à défaut, le comité local ou le représentant, d’élaborer et de mettre en œuvre un programme réglementaire de prévention de ces risques, y compris la formation des employés en matière de santé et de sécurité relativement à ces risques, et d’en contrôler l’application.
Article 19.5 du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail
19.5 (1) Afin de prévenir les risques, y compris ceux liés à l’ergonomie, qui ont été recensés et évalués, l’employeur prend toute mesure de prévention selon l’ordre de priorité suivant :
a) l’élimination du risque, notamment par la mise au point de mécanismes techniques pouvant comprendre des aides mécaniques et la conception ou la modification d’équipement en fonction des attributs physiques de l’employé;
b) la réduction du risque, notamment par son isolation;
c) la fourniture de matériel, d’équipement, de dispositifs ou de vêtements de protection personnels;
d) l’établissement de procédures administratives, telles que celles relatives à la gestion des durées d’exposition aux risques et de récupération ainsi qu’à la gestion des régimes et des méthodes de travail.
(2) À titre de mesure de prévention, l’employeur élabore et met en œuvre un programme d’entretien préventif afin d’éviter toute défaillance pouvant présenter un risque pour les employés.
(3) L’employeur veille à ce que les mesures de prévention ne constituent pas un risque en soi et tient compte de leurs répercussions sur le lieu de travail.
(4) Les mesures de prévention doivent comprendre la marche à suivre pour parer :
a) dans les meilleurs délais, à tout risque nouvellement recensé;
b) aux risques liés à l’ergonomie qui sont recensés lors de la planification de la mise en œuvre de changements au milieu de travail, aux tâches ou à l’équipement utilisé pour les exécuter ou aux pratiques ou méthodes de travail.
(5) L’employeur veille à ce que toute personne désignée pour mettre en œuvre les mesures de prévention des risques liés à l’ergonomie ait reçu la formation et l’entraînement nécessaires.
L’employeur n’a pas, sur demande, produit par écrit de procédures de travail sécuritaire pour les employés de Bell Mobilité Inc. occupant le poste de techniciens en radiofréquences, qui doivent travailler sur une toiture non protégée.
Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145(1)a) de la partie II du Code canadien du travail, de cesser cette contravention au plus tard le 18 novembre 2011.
De plus, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145(1)b) de la partie II du Code canadien du travail, de prendre, au plus tard dans le délai imparti par l’agente de santé et de sécurité, les mesures pour empêcher la continuation de la contravention ou sa répétition.
Fait à London, Ontario, ce 28e jour d’octobre 2011.
Marjorie Roelofsen
Agente de santé et de sécurité
[5] Dans l’intervalle, Bell Mobilité a obtenu un sursis à la première instruction, le 1er novembre 2011, accordé par l’agent d’appel soussigné. En décidant d’accorder ce sursis, j’ai recensé les divers facteurs soulevés par Bell Mobilité à l’appui de la conclusion voulant que Bell Mobilité risque de subir un préjudice important en l’absence d’un sursis.
[6] En réponse à la deuxième instruction, Bell Mobilité a fourmi à l’AG. SS Roelofsen un supplément d’informations concernant l’élaboration et la mise en œuvre nouvelles et continues de ses programmes et procédures de sécurité. Ce dossier d’information consistait en un processus de prévention des accidents [TRADUCTION] « Sensibilisation à la sécurité sur les toitures plates » et un [TRADUCTION]ˇ« Programme de formation de sensibilisation à la sécurité sur les toitures plates ». Ce dossier a été transmis à l’AG. SS Roelofsen le 18 novembre 2011. En envoyant ce dossier à l’AG. SS, Bell Mobilité souhaitait savoir si l’AG. SS Roelofsen considérait que les mesures qui y étaient décrites étaient conformes aux exigences énoncées dans la deuxième instruction relativement à l’alinéa 125(1)z.04) du Code et aux articles 19.4 et 19.5 du RCSST.
[7] Le 21 novembre 2011, l’AG. SS Roelofsen a sollicité l’avis des conseillers techniques, Relations du travail pour savoir si le sursis accordé le 1er novembre 2011 atténuait l’obligation de Bell Mobilité de se conformer à la législation prescrite. Ce n’est que le 14 décembre 2011 que l’AG. SS Roelofsen s’est réunie avec deux conseillers techniques par téléconférence. Les conseillers techniques ont confirmé à l’AG. SS Roelofsen qu’un sursis à une instruction ne change pas la législation prescrite.
[8] Étant donné que l’AG. SS Roelofsen n’avait pas reçu de réponse des conseillers techniques, Relations du travail, avant le14 décembre 2011, elle n’a pas répondu à Bell Mobilité quant au caractère approprié des mesures de sécurité nouvellement élaborées et envoyées par Bell Mobilité le 18 novembre 2011. Toutefois, en raison d’un congé imprévu pour des raisons personnelles, l’AG. SS Roelofsen n’a jamais répondu aux documents du 18 novembre 2011 de Bell Mobilité, et l’AG. SS Paul Danton a été nommé enquêteur principal au dossier.
[9] L’AG. SS Paul Danton a émis une nouvelle instruction à Bell Mobilité (la troisième instruction), le 19 décembre 2011. Bell Mobilité a reçu la troisième instruction le 4 janvier 2012. Cette instruction a été émise en vertu de l’alinéa 125(1)x) du Code, qui exige d’un employeur qu’il se conforme à chaque instruction orale ou écrite émise par un AG. SS. La troisième instruction concluait que l’employeur n’avait pas fourni les procédures écrites de sécurité au travail comme prescrit et selon les modalités prévues par la deuxième instruction. Il a été ordonné à Bell Mobilité de mettre fin à la contravention immédiatement, conformément aux dispositions énumérées. L’instruction se lit comme suit.
[Traduction]
DANS L’AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL
PARTIE II − SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL
INSTRUCTION À L’EMPLOYEUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)
Le 14 décembre 2011, l’agent de santé et de sécurité soussigné a procédé à une enquête à la suite de la non-observation d’une instruction en date du 28 octobre 2011, au lieu de travail exploité par Bell Mobilité Inc., employeur assujettis à la partie II du Code canadien du travail, et sis au 940 Commissioners Rd. E., London, Ontario, N5Z 3J2, ledit lieu de travail étant parfois connu sous le nom Bell Mobilité Inc. − London.
Ladite agente de santé et de sécurité est d’avis que la disposition suivante de la partie II du Code canadien du travail a été enfreinte.
No. / no : 1
Alinéa 125(1)z.14) de la partie II du Code canadien du travail
125. (1) Dans le cadre de l’obligation générale définie à l’article 124, l’employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève :
x) de se conformer aux instructions verbales ou écrites qui lui sont données par l’agent d’appel ou l’agent de santé et de sécurité;
Le 28 octobre 2011, une instruction, conformément au paragraphe 145 (1) a été émise à Bell Mobilité. Le but de ladite instruction était que Bell Mobilité Inc. produise des procédures de travail sécuritaire précises relatives à ses employés qui exercent les fonctions de technicien en radiofréquence sur des toitures non protégées. Bell Mobilité Inc. n’a pas fourni les procédures de sécurité au travail écrites exigées :
(1) comme prescrit et :
(2) dans le délai précisé dans l’instruction du 28 octobre 2011, la date prévue pour mettre fin à la contravention étant fixée au 18 novembre 2011.
Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145(1)a) de la partie II du Code canadien du travail, de cesser cette contravention immédiatement.
Fait à London, Ontario, ce 19e jour de décembre 2011.
Paul Danton
Agent de santé et de sécurité
[10] Bell Mobilité a interprété la remise de la troisième instruction comme lui donnant le droit d’en appeler de la question soulevée dans la deuxième instruction, émise le 28 octobre 2011. Le paragraphe 146(1) du Code prévoit qu’il est possible d’interjeter appel d’une instruction à un agent d’appel dans les trente jours suivant la date où l’instruction est émise ou confirmée par écrit. Bell Mobilité n’était pas en mesure d’interjeter appel de la deuxième instruction dans les délais, étant donné que l’AG. SS Roelofsen était incapable de répondre aux demandes de Bell Mobilité concernant le caractère suffisant de ses nouvelles mesures de sécurité (voir ci-dessus, aux paragraphes 8 et 9).
[11] Le 24 janvier 2012, l’agent d’appel Michael Wiwchar a accordé la demande de prorogation de délai à Bell Mobilité pour interjeter appel de la deuxième instruction. Le 31 janvier 2012, la demande de réunion des appels de Bell Mobilité a été accordée.
[12] Le 3 février 2012, l’agent d’appel Wiwchar a accordé la demande de sursis de Bell Mobilité à l'égard de la deuxième et de la troisième instruction.
[13] Bell Mobilité cherche maintenant à interjeter appel des trois instructions et demande leur annulation ou leur modification.
Contexte des mesures de sécurité mises en œuvre par Bell Mobilité
[14] Après avoir reçu la première instruction de l’AG. SS Roelofsen, le 29 septembre 2011, Bell Mobilité a mis en œuvre une directive temporaire intitulée [TRADUCTION] « Directive sur la sécurité sur les toitures » (DST) qui, après moins de deux mois, a été remplacée par un processus permanent intitulé [TRADUCTION] « Processus de prévention des accidents sur les toitures » (PPAT). Ces mesures ont été instaurées le 14 octobre 2011 et le 6 décembre 2011, respectivement. Voici le détail de ces mesures.
[15] En général, la DST prévoyait qu’aucun technicien de Bell Mobilité ne devait travailler à moins de quatre mètres du rebord d’une toiture non protégée. Plus particulièrement, la DST rappelait aux techniciens de Bell Mobilité que tout travail effectué à moins de deux mètres du rebord d’une toiture non protégée (la [TRADUCTION] « zone rouge ») devait être laissé exclusivement aux entrepreneurs en câblage agréés et équipés d’un dispositif de protection contre les chutes. La Directive établissait également une [TRADUCTION] « zone jaune » où, jusqu’à nouvel ordre, les procédures habituellement réservées à la zone rouge s’appliqueraient temporairement, de deux à quatre mètres du rebord d’une toiture non protégée. Cela laissait la [TRADUCTION] « zone verte », située à plus de quatre mètres du rebord d’une toiture non protégée. Selon la DST, les techniciens de Bell Mobilité devaient appliquer les procédures de sécurité normales dans cette dernière zone, notamment le droit de travailler dans cette zone sans devoir être rattaché à un dispositif de protection contre les chutes.
[16] La DST a finalement été remplacée par le Processus de prévention des accidents sur les toitures (PPAT), susmentionné. Tout en préservant les zones à code de couleur de la DST, le PPAT ajoutait un élément de [TRADUCTION] « zone de contrôle », qui comprend une ligne de mise en garde relevée, à la démarcation de la « zone rouge ». Il ajoutait également la construction d’un [TRADUCTION] « Périmètre permanent de zone de travail sécuritaire » (PPZTS) sur une toiture où les employés de Bell Mobilité sont appelés à travailler. Le PPZTS consiste en une glissière de sécurité impénétrable ou de systèmes de lignes de mise en garde, dont l’installation a été confiée à une autre société. Selon Bell Mobilité, l’installation de ces glissières de sécurité ou de ces systèmes de lignes de mise en garde et d’autre matériel connexe sur une toiture non protégée de Bell Mobilité a commencé le 16 janvier 2012 et devrait être achevée à tous les sites d’ici le 31 décembre 2013.
[17] Il est important de noter que si la troisième instruction a été reçue le 4 janvier 2012, le 27 janvier 2012, le PPAT et le PPZTS avaient été mis en œuvre et inspectés dans le lieu de travail concerné par la première et la deuxième instruction de l’AG. SS Roelofsen. Il en va de même des deux autres lieux du sud de l’Ontario où des techniciens de Bell Mobilité travaillent sur des toitures. Bell Mobilité avait également mis en œuvre à ce moment un « Programme de sensibilisation à la sécurité sur les toitures », qui comprend 120 minutes de formation par instructeur et en ligne pour tous les employés qui doivent accéder aux toitures pour travailler. Ce programme de sensibilisation exige une formation de recyclage annuelle et stipule que chaque employé sera observé par un superviseur direct, sur une toiture, une fois l’an. La formation est obligatoire et devait être achevée le 31 janvier 2012.
Questions en litige
[18] Je dois trancher les questions suivantes :
1. L’AG. SS Roelofsen a-t-elle eu raison de donner la première instruction affirmant que Bell Mobilité devait fournir une protection contre les chutes à ses employés en vertu de l’article 12.10 du RCSST?
2. L’AG. SS Roelofsen a-t-elle eu raison de donner la deuxième instruction sur affirmant que Bell Mobilité n’avait pas, sur demande, produit une analyse de sécurité des tâches ni fourni de procédure écrite de sécurité au travail à ses employés tenus de travailler sur une toiture non protégée?
3. L’AG. SS Danton a-t-il eu raison de donner la troisième instruction affirmant que Bell Mobilité n’avait pas observé une instruction orale ou écrite émise par l’AG. SS Roelofsen, soit l’instruction ordonnant à Bell Mobilité de fournir à l’AG. SS Roelofsen les procédures écrites de sécurité au travail prescrites par la deuxième instruction?
Observations de Bell Mobilité
[19] Bell Mobilité fait valoir que les mesures de sécurité comprises dans la DST et le PPAT sont en conformité avec le Code, son Règlement, la législation provinciale et les pratiques de l’industrie. Par conséquent, elle soutient que grâce aux mesures de sécurité actuelles et aux mesures de sécurité provisoires précédentes, les techniciens effectuant des travaux sur une toiture ne sont exposés à aucun danger. En outre, Bell Mobilité affirme qu’elle n’est pas en contravention de l’article 12.10 du RCSST, car cette disposition ne s’applique pas dans son cas.
[20] L’appelante soutient que l’interprétation et l’application de la partie II du Code doivent être régies en fonction de son objectif, et qu’elle propose des mesures préventives pouvant être prises pour atteindre cet objectif, à savoir la fourniture de dispositifs de sécurité comme [TRADUCTION] « dernière ligne de défense ». Cette interprétation repose sur les dispositions suivantes du Code :
122.1 La présente partie a pour objet de prévenir les accidents et les maladies liés à l’occupation d’un emploi régi par ses dispositions.
122.2 La prévention devrait consister avant tout dans l’élimination des risques, puis dans leur réduction, et enfin dans la fourniture de matériel, d’équipement, de dispositifs ou de vêtements de protection, en vue d’assurer la santé et la sécurité des employés.
[21] À l’appui de son argument voulant que le Code doit être lu selon une interprétation fondée sur l’objet compatible avec les règles d’interprétation des lois et la jurisprudence, Bell Mobilité cite une décision précédente du Tribunal, Tremblay c. Air Canada, [2007] D.A.A.C.C.T. no 40. Bell Mobilité cite également les décisions de la Cour suprême du Canada, Canada Trustco Mortgage Co. c. Canada, 2005 CSC 54, au paragraphe 10, et Celgene Corp. c. Canada (Procureur général), [2011] CSC 1. Tout en soulignant un exemple de l’application de cette analyse fondée sur l’objet, Bell Mobilité renvoie également à la décision Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes c. Société canadienne des postes, [2006] D.A.T.C. no 372, au paragraphe 140 [ STTP].
[22] L’appelante fait ressortir le paragraphe cité de la décision STTP pour appuyer le principe selon lequel le risque doit être présent avant que des mesures préventives ne soient prises. L’appelante étend l’application de ce principe au RCSST, plus particulièrement aux articles 12.1 et 12.10, en vue d’appuyer son affirmation voulant que l’on doive lire et analyser l’article 12.1 du RCSST avant de pouvoir conclure à son application dans une situation donnée. La disposition pertinente du RCSST est l’alinéa 12.10(1)a).
[23] En lisant les dispositions précitées en tandem, Bell Mobilité prétend que l’article 12.10 ne s’applique qu’une seule fois, citant le libellé de l’article 12.1, « il est en pratique impossible d’éliminer ou de maintenir à un niveau sécuritaire le risque que le lieu de travail présente pour la santé ou la sécurité », et que dans la mesure où « l’utilisation de l’équipement de protection peut empêcher une blessure ou en diminuer la gravité ».
[24] En d’autres termes, l’appelante soutient que l’article 12.10 ne doit pas être lu isolément, mais en conjonction avec l’article 12.1 du RCSST, qui vient en limiter la portée. Cette lecture appuie le principe selon lequel un employeur doit d’abord s’efforcer d’éliminer ou de contrôler un risque avant de fournir de l’équipement de protection personnelle, un principe appuyé et expliqué dans les affaires Canadian Freightways Ltd (Re), [2004] D.A.A.C.C.T. no 18, au paragraphe 6, et Robitaille c. Via Rail Ltée, [2005] D.A.A.C.C.T. no 54, aux paragraphes 64 à 66.
[25] Par ces arguments, Bell Mobilité prétend qu’affirmer que le RCSST exige l’utilisation d’un dispositif de protection contre les chutes sur toutes les toitures non protégées auxquelles les travailleurs ont accès, sans exception, constitue une mauvaise interprétation. Au contraire, Bell Mobilité soutient que l’employeur doit d’abord consacrer ses efforts à l’élimination ou au contrôle des risques, et que Bell Mobilité doit fournir de l’équipement de protection personnelle si elle est incapable d’y arriver.
[26] Renvoyant à ses propres mesures de sécurité sur les toitures, plus particulièrement la Directive de sécurité sur les toitures et le Processus de prévention des accidents sur les toitures (ci-dessus, aux paragraphes 15 à 18), Bell Mobilité maintient qu’elle a respecté les exigences prévues au RCSST. Plus précisément, elle fait valoir que le premier critère de l’article 12.1 n’est pas satisfait, étant donné l’employeur a éliminé ou contrôlé le « risque » grâce à ses politiques de sécurité. Par conséquent, Bell Mobilité soutient que l’article 12.10 du RCSST ne s’applique pas en l’espèce.
[27] Bell Mobilité va plus loin pour appuyer le caractère suffisant de ses mesures de sécurité, citant la législation et les lignes directrices en matière de santé et de sécurité de l’Ontario
[28] Bell Mobilité fait valoir que les Règles de santé et de sécurité pour le travail sur équipement suspendu de l’Association canadienne de normalisation (CSA) appuie encore davantage sa position. Plus particulièrement, Bell Mobilité cite les Règles de santé et de sécurité pour le travail sur équipement suspendu, CAN/CSA-Z91-02, à l’article 4.9.
[29] La législation provinciale et les normes de sécurité au travail mentionnées ci-dessus sont citées par Bell Mobilité pour démontrer qu’il existe un consensus général dans l’ensemble du Canada voulant qu’un dispositif de protection contre les chutes pour les employés qui travaillent sur une toiture non protégée est requis seulement si le travail est fait à une certaine distance du rebord de la toiture. Il est donc erroné d’exiger que les employés se trouvant sur une toiture non protégée portent un dispositif de protection contre les chutes, peu importe la distance à laquelle ils se trouvent du rebord de la toiture.
[30] Compte tenu de ce qui précède, Bell Mobilité prétend les trois instructions doivent être annulées dans leur intégralité, au motif que la mise en œuvre de ses politiques de sécurité élimine ou contrôle les risques énumérés dans les instructions, et sont conformes au Code et au RCSST.
[31] Subsidiairement, pour les mêmes motifs, Bell Mobilité demande que l’appel soit accordé et que les trois instructions soient modifiées à la lumière du nouveau PPAT de Bell Mobilité et des mesures mises en œuvre depuis la remise de la première instruction.
Analyse
Concernant la première instruction
[32] Je souscris à la prétention de l’appelante voulant que le Code et son Règlement soient assujettis à une interprétation fondée sur l’objet compatible avec les règles d’interprétation des lois et la jurisprudence, comme il a été plaidé ci-dessus aux paragraphes 21 à 22.
[33] Je suis également d’avis que les observations de l’appelante, aux paragraphes 23 à 26 ci-dessus, sont correctes : avant de déterminer si l’article 12.10 du RCSST s’applique à une situation donnée, on doit examiner son article 12.1 et s’en servir pour analyser les risques potentiels pour la santé ou la sécurité en question. Par souci de commodité, voici les passages pertinents du RCSST.
12.1 Toute personne à qui est permis l’accès au lieu de travail doit utiliser l’équipement de protection réglementaire visé par la présente partie dans les cas suivants :
a) lorsqu’il est en pratique impossible d’éliminer ou de maintenir à un niveau sécuritaire le risque que le lieu de travail présente pour la santé ou la sécurité;
b) lorsque l’utilisation de l’équipement de protection peut empêcher une blessure ou en diminuer la gravité.
12.10 (1) Sous réserve du paragraphe (1.1), l’employeur doit fournir un dispositif de protection contre les chutes à toute personne qui travaille dans l’une des situations qui suivent, à l’exception de l’employé qui installe ou qui démonte un tel dispositif selon les instructions visées au paragraphe (5) :
a) sur une structure non protégée ou sur un véhicule, à une hauteur de plus de 2,4 m au-dessus du niveau permanent sûr le plus proche, ou au-dessus de pièces mobiles d’une machine ou de toute autre surface ou chose au contact desquelles elle pourrait se blesser;
[34] La jurisprudence déposée, sur laquelle repose l’argument de l’appelante concernant l’interprétation à donner à l’article 12.10 du RCSST, est utile pour m’aider à tirer les conclusions ci-dessus. Plus particulièrement, les passages suivants ont été des plus instructifs et persuasifs − le premier étant tiré de Canadian Freightways Ltd (Re), [2004] D.A.A.C.C.T. no 18, au paragraphe 6, et le second de Robitaille c. Via Rail Ltée, [2005] D.A.A.C.C.T. no 54, aux paragraphes 64 à 66 [Robitaille] :
6 Toutefois, pour établir si l’alinéa 12.13a) est applicable, il est nécessaire d’examiner les alinéas 12.1a) et b) et 12.2a) et b) du RCSST qui proposent des critères supplémentaires. Selon les alinéas 2.1a) et b), l’alinéa 12.13a) s’applique uniquement s’il est en pratique impossible d’éliminer ou de limiter un risque à un niveau sécuritaire pour la santé et la sécurité au travail, et uniquement si l’utilisation d’équipement de protection peut empêcher une blessure pouvant résulter de ce risque ou en diminuer la gravité. Bien que les termes « en pratique impossible », « à un niveau sécuritaire » et « empêcher une blessure ou en diminuer la gravité » aux alinéas 12.1a) et b) restent ouverts à l’interprétation, les alinéas 12a) et b) réitèrent le principe général que l’employeur doit d’abord tout faire en son pouvoir pour éliminer un danger ou le maintenir à un niveau sécuritaire avant de se tourner vers de l’équipement de protection personnelle comme un gilet de signalisation. L’équipement de protection personnelle doit efficacement empêcher ou diminuer la gravité des blessures.
[35] Ce passage de Robitaille est également très instructif :
64 L’article 122.2 précise en outre – bien qu’il ne figure pas dans la partie obligatoire du Code – que la conformité au Code devrait respecter les priorités suivantes :
122.2 La prévention devrait consister avant tout dans l’élimination des risques, puis dans leur réduction, et enfin dans la fourniture de matériel, d’équipement, de dispositifs ou de vêtements de protection, en vue d’assurer la santé et la sécurité des employés.
65 Le programme de prévention devrait donc d’abord contenir toutes les mesures raisonnables possibles pour éliminer les risques. S’il est impossible d’éliminer les risques liés à un risque éventuel, à une situation ou à une tâche, la prochaine priorité consisterait à les contrôler afin de protéger les employés. Cette étape obligerait à se conformer à toutes les directives des articles 125 à 125.2 du Code, qui, en ce qui concerne le programme de prévention, va de la protection des machines à l’évaluation des risques, en passant par la formation, entre autres éléments.
66 Lorsqu’il est en pratique impossible d’éliminer ou de contrôler les risques liés à la santé et à la sécurité, l’article 12.1 du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail (RCSST) indique que toute personne ayant accès au lieu de travail et étant exposée aux risques doit utiliser l’équipement de protection personnel réglementaire.
[36] Il est important de souligner que l’interprétation de l’article 12.10 de Bell Mobilité est également appuyée par Seair Seaplanes Ltd. c. Bhangal, 2009 TSSTC 24, aux paragraphes 50 à 54. Malgré sa longueur, ce passage renforce le principe selon lequel l’article 12.1 du RCSST doit être analysé avant de déterminer si l’équipement de sécurité prescrit est nécessaire en vertu des articles suivants.
50 Quoi qu’il en soit, je suis convaincu que le danger de noyade que courent les pilotes, en plus d’être négligeable, est contrôlé dans limites sûres, et ne nécessite donc pas de matériel de protection, ce qui est conforme à l’article 12.1 du Règlement qui est ainsi rédigé :
12.1 Toute personne à qui est permis l’accès au lieu de travail doit utiliser l’équipement de protection réglementaire visé par la présente partie dans les cas suivants :
a) lorsqu’il est en pratique impossible d’éliminer ou de maintenir à un niveau sécuritaire le risque que le lieu de travail présente pour la santé ou la sécurité;
b) lorsque l’utilisation de l’équipement de protection peut empêcher une blessure ou en diminuer la gravité.
51 L’AG. SS, les témoins et le représentant local en santé et sécurité conviennent qu’il existe un danger de noyade lorsque les employés travaillent à proximité du rebord du quai. Je souscris à cette évaluation. Des gilets de sauvetage sont fournis aux employés dans cette situation parce qu’ils se trouvent tout près de l’eau et qu’il est en pratique impossible d’éliminer ou de maintenir le danger de noyade.
52 Encore une fois, lorsque les pilotes sont en transit vers leur hydravion, je ne suis pas influencé par le fait que le danger excède des limites sécuritaires. Je conclus que l’employeur a contrôlé le danger dans cette situation en mettant en œuvre un certain nombre de mesures.
53 Voici une liste des mesures prises par l’employeur pour contrôler le danger de noyade afin de le ramener dans des limites sécuritaires :
* Le quai a une structure solide et est en bon état.
* Aucun matériau n’est entreposé sur le quai et le quai demeure propre, notamment son allée centrale.
* Les pilotes et les passagers reçoivent comme instruction de marcher au centre du quai et sont accompagnés par des ouvriers de quai.
* De l’équipement de sauvetage d’urgence est disponible sur le quai et les ouvriers de quai sont formés pour s’en servir.
* Des procédures d’urgence sont en place en cas de chute dans l’eau.
* Un revêtement antidérapant est installé le long d’un périmètre et doit être installé le long du périmètre opposé et plus particulièrement, un revêtement sera installé au centre du quai, ce qui procurera davantage de sécurité et indiquera mieux la voie à suivre.
* Les pilotes qui ne sont pas en transit vers l’hydravion et qui exerçent [sic] des activités près du rebord du quai portent des gilets de sauvetage.
54 Enfin, l’AG. SS a conclu, certes avec de bonnes intentions et dans l’intérêt de la santé et de la sécurité, qu’il y avait contravention dans la situation concernée sur la base, selon ses termes, du « libellé du Code » avant de recevoir des renseignements concernant le danger de l’employeur ou, subsidiairement, en cherchant à connaître les faits de sa propre initiative. Le point no 2 de son instruction énonçait que l’employeur ne disposait pas d’un programme de prévention des dangers et par conséquent qu’une évaluation des dangers sur le lieu de travail n’avait jamais été formellement effectuée. Par conséquent, il était prématuré de sa part de demander de l’équipement de protection pour un danger que ni l’employeur ni l’AG. SS n’avaient identifié ou évalué comme un danger de noyade dans les circonstances. Il aurait été préférable d’attendre les résultats d’une évaluation des dangers et des risques plutôt que de décider qu’il existait un danger de noyade uniquement d’après le libellé du Code et du Règlement.
[37] En les lisant ensemble, j’interprète les passages reproduits ci-dessus comme appuyant fortement la conclusion que, conformément au libellé et à la structure de la partie XII du RCSST (où se trouvent les articles 12.1 et 12.10), un dispositif de protection contre les chutes doit être considéré comme une mesure de dernier recours. En d’autres termes, je suis convaincu que l’article 12.10 ne s’applique pas lorsque des mesures sont prises pour contrôler ou éliminer un risque recensé, dans la mesure où il est raisonnablement possible de le faire.
[38] De plus, bien qu’ils ne soient aucunement contraignants en ce qui concerne mes propres pouvoirs de décision, je considère que les passages des diverses lois provinciales cités par l’avocat de Bell Mobilité sont des indications convaincantes qu’il vaut mieux considérer un dispositif de protection contre les chutes comme une mesure de dernier recours.
[39] J’ai examiné la législation en matière de santé et de sécurité au travail de l’Ontario, de la Saskatchewan et du Manitoba citée par l’appelante (voir ci-dessus, notes 1 à 3). Comme le prétend l’appelante, les dispositions citées indiquent que s’il existe un système de ligne de mise en garde formant une zone de contrôle indiquant la marque des deux mètres du rebord d’une toiture, les employés peuvent travailler sur une toiture sans que l’on exige un dispositif de protection contre les chutes.
[40] J’ai également étudié les textes de loi cités de la Colombie-Britannique, de l’Alberta et de Terre-neuve[-et-Labrador] (voir ci-dessus, notes 4 à 6). Dans ces cas également, je juge que l’appelante a correctement interprété ces dispositions, en ce sens qu’un dispositif de protection contre les chutes n’est pas nécessaire si les employés travaillent à plus de deux mètres du rebord de la toiture. Ces dispositions exigent une ligne de mise en garde seulement si les employés doivent travailler à deux mètres ou moins de la zone de contrôle (jusqu’à deux mètres à partir du rebord de la toiture). Ainsi, l’appelante a raison d’affirmer que la Colombie-Britannique, l’Alberta et Terre-neuve[-Labrador] n’exigent pas de dispositif de protection contre les chutes ou de ligne de mise en garde relevée lorsque les membres du personnel travaillent à plus de quatre mètres du rebord d’une toiture.
[41] Le caractère raisonnable de la position de l’appelante, selon laquelle un dispositif de protection contre les chutes doit être une mesure de dernier recours, est aussi appuyé par la législation de la Nouvelle-Écosse citée par l’appelante, qui précise qu’un dispositif de protection contre les chutes est nécessaire lorsqu’un employé doit effectuer des travaux à moins d’un mètre du rebord d’une toiture (voir ci-dessus, note 7). L’Association canadienne de normalisation et ses Règles de santé et de sécurité pour le travail sur équipement suspendu renforcent cet argument. Cette norme de la CSA prévoit qu’un dispositif antichute à harnais et sangle doit être porté par les employés lorsqu’ils travaillent à moins de deux mètres du rebord d’une toiture non protégée, à une hauteur supérieure à trois mètres.
[42] Je suis persuadé que la législation provinciale et la norme de la CSA que nous venons de mentionner établissent qu’il y a un consensus général dans l’ensemble du Canada voulant qu’il vaut mieux considérer un dispositif de protection contre les chutes comme une mesure de dernier recours. Par extension, je crois que c’est ainsi que l’article 12.10 du RCSST doit être interprété.
[43] Mon interprétation de la jurisprudence, des régimes législatifs provinciaux et de la norme de la CSA susmentionnés concernant le travail effectué sur une toiture au Canada m’amène à conclure qu’un dispositif de protection contre les chutes, en vertu de l’article 12.10 du RCSST, n’est pas requis dans les cas où d’autres mesures de prévention sont mises en œuvre, lorsqu’elles permettent de contrôler ou d’éliminer le danger de chute des employés dans ces lieux de travail. En étant parvenu à cette conclusion, je dois maintenant répondre à la question de savoir si, en vertu de l’article 12.1 du RCSST, Bell Mobilité a (dans des limites sécuritaires) éliminé ou contrôlé le risque en question, à savoir le risque de chute des employés d’une toiture non protégée.
[44] Comme nous l’avons vu en détail ci-dessus (aux paragraphes 15 à 18), Bell Mobilité a élaboré et commencé à mettre en œuvre un certain nombre de mesures préventives en matière de sécurité sur les toitures. Ces mesures comprennent un Processus de prévention des accidents sur les toitures (PPAT), un Périmètre permanent de zone de travail sécuritaire (PPZTS) pour les toitures sur lesquelles les employés de Bell Mobilité travaillent, et un Programme de sensibilisation à la sécurité sur les toitures. Ces mesures de sécurité préventives seront maintenant examinées individuellement.
[45] Le PPAT prévoit une « zone verte », située à plus de quatre mètres du rebord d’une toiture non protégée. Dans cette zone, les employés de Bell Mobilité sont tenus de respecter les procédures de sécurité normales, qui permettent de travailler dans cette zone verte sans être rattaché à un dispositif de protection contre les chutes. Le PPAT exige également que tout travail effectué à moins de deux mètres du rebord d’une toiture non protégé (la « zone rouge ») soit laissé exclusivement aux entrepreneurs en câblage agréés et équipés d’un dispositif de protection contre les chutes. De plus, le PPAT prévoit une « zone jaune », située entre deux et quatre mètres du rebord de la toiture, dans laquelle les employés de Bell Mobilité ne sont autorisés à travailler que s'il y a un Périmètre permanent de zone de travail sécuritaire (PPZTS).
[46] Le PPZTS sert de « zone de contrôle » et comprend une ligne de mise en garde à la démarcation de la « zone rouge ». Le PPZTS prévoit également une glissière de sécurité impénétrable ou un système de ligne de mise en garde, dont l’installation a été confiée à une autre société. La mise en œuvre et l’installation du PPAT, ainsi que du PPZTS, ont débuté le 16 janvier 2012 et, selon Bell Mobilité seront achevées dans tous les sites vers le 31 décembre 2013.
[47] De plus, Bell Mobilité a décidé d’élaborer et de mettre en œuvre un « Programme de sensibilisation à la sécurité sur les toitures ». Ce programme comprend 120 minutes de formation par instructeur et en ligne pour tous les employés qui doivent accéder aux toitures pour travailler. Ce programme de sensibilisation exige une formation de recyclage annuelle et exige que chaque employé soit observé par un superviseur direct, sur une toiture, une fois l’an. La formation est obligatoire et devait être achevée le 31 janvier 2012.
[48] J’ai évalué l’ensemble des mesures préventives de sécurité dont Bell Mobilité a entrepris l’élaboration et la mise en œuvre, et j’en suis venu à la conclusion que le risque qu’un employé de Bell Mobilité tombe d’une toiture pendant son travail est contrôlé, d’une manière compatible avec le sens de l’article 12.1 du RCSST. Par conséquent, je suis persuadé que l’article 12.10 du RCSST ne s’applique pas en l’espèce, et que Bell Mobilité n’a aucune obligation légale de fournir un dispositif de protection contre les chutes à ses employés.
[49] En d’autres termes, étant donné que, depuis la remise de la première instruction, Bell Mobilité a instauré et commencé la mise en œuvre de mesures de sécurité suffisamment robustes pour contrôler le risque que ses employés chutent d’une toiture, je conclus que l’article 12.10 du RCSST ne s’applique pas en l’espèce. Si je n’étais pas convaincu de l’efficacité de ces mesures de sécurité ou d’autres mesures d’atténuation des risques, je serais enclin à conclure à la nécessité d’un dispositif de protection contre les chutes en l’espèce.
[50] Pour ces motifs, j’annule la première instruction.
Concernant la deuxième instruction
[51] Mon rôle en tant qu’agent d’appel est de déterminer si oui ou non, au moment de la remise d’une instruction, un agent de santé et de sécurité a eu raison de conclure à une contravention au Code canadien du travail (le Code) et au Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail (RCSST), et, par conséquent, de donner une instruction en vertu du Code ou du RCSST.
[52] Rappelons que l’AG. SS Roelofsen a décidé de donner la deuxième instruction au motif d’une contravention aux articles 19.4 et 19.5 du RCSST. Les extraits suivants de l’instruction traitent plus précisément des motifs de l’instruction :
L’employeur n’a pas, sur demande, produit d’analyse de sécurité des tâches pour les employés de Bell Mobilité Inc. occupant le poste de technicien en radiofréquences, qui doivent travailler sur une toiture non protégée.
L’employeur n’a pas, sur demande, produit par écrit de procédures de travail sécuritaire pour les employés de Bell Mobilité Inc. occupant le poste de techniciens en radiofréquences, qui doivent travailler sur une toiture non protégée.
[53] À aucun moment Bell Mobilité n’a-t-elle fait valoir qu’elle n’était pas en contravention au sens de la deuxième instruction. En outre, Bell Mobilité n’a pas réussi à démontrer que, pendant (ou immédiatement après) l’enquête du 26 septembre qui a eu lieu à ses bureaux de London, elle avait satisfait à la demande de l’AG. SS Roelofsen et de l’AG. SS Danton de produire une analyse de sécurité des tâches précise et de rédiger des procédures écrites de travail sécuritaire pour ses employés tenus de travailler sur des toitures non protégées. Il vaut la peine de le souligner, parce que les faits en cause devant moi indiquent que c’est la réponse insatisfaisante de Bell Mobilité à cette demande sur les lieux qui a ultimement donné lieu à la remise de la deuxième instruction.
[54] A la lumière de ces circonstances, je suis persuadé qu’à l’époque où la deuxième instruction a été émise, Bell Mobilité était en contravention du Règlement, à savoir les articles 19.4 et 19.5 du RCSST.
[55] Cela étant dit, je reconnais que l’appelante a en fait répondu à la demande de la deuxième instruction, qui lui demandait de remettre les documents requis à l’AG. SS Roelofsen en date du 18 novembre 2011. Toutefois, il convient de noter que le fait de satisfaire à une demande précise d’une instruction n’est pas un motif suffisant pour annuler ladite instruction.
[56] Étant donné que j’ai constaté que Bell Mobilité était en contravention à l’époque de la remise de la deuxième instruction, et que c’est dans ces seules circonstances que je dois exercer ma fonction d’agent d’appel, je confirme par la présente la deuxième instruction.
Concernant la troisième instruction
[57] Rappelons que la troisième instruction a été émise par l’AG. SS Danton au motif que Bell Mobilité avait omis de remettre par écrit à l’AG. SS Roelofsen, avant le 18 novembre 2011, des procédures de travail concernant les employés qui effectuent les tâches. Contrairement à la conclusion de l’AG. SS Danton, je suis convaincu par les faits au dossier que Bell Mobilité a effectivement fourni l’information exigée par la deuxième instruction dans les délais impartis.
[58] Plus particulièrement, je renvoie à une lettre et trousse d’information de sécurité adressée à l’AG. SS Roelofsen qui est datée du 18 novembre 2011. L’expéditeur de la lettre et de la trousse est l’avocat de Bell Mobilité, Me Hlibchuk. Cette trousse d’information comprenait de longs documents détaillés qui décrivent le nouveau Processus de prévention des accidents « Sensibilisation à la sécurité sur les toitures plates » de Bell Mobilité, ainsi que son nouveau « Programme de formation de sensibilisation à la sécurité sur les toitures plates ». J’ai lu attentivement l’intégralité des détails fournis dans ces mesures « Sécurité sur les toitures plates » et j’ai bien étudié les photographies de l’installation en cours des mécanismes de protection susmentionnés sur les toitures. Cet examen m’a persuadé que conformément aux articles 19.4 et 19.5, les mesures présentées, décrites et illustrées dans les documents recensaient, évaluaient et comportaient des mesures de prévention appropriées qui rendent les politiques de sécurité sur les toitures de Bell Mobilité conformes au Code et au Règlement. Étant donné que ces documents ont été envoyés à l’AG. SS Roelofsen dans le délai imparti par la deuxième instruction (le 18 novembre 2011), contrairement à la décision de l’AG. SS Danton de donner la troisième instruction, je considère que Bell Mobilité a effectivement satisfait aux exigences énoncées dans la deuxième instruction.
[59] Pour ces motifs, j’annule la troisième instruction.
Décision
[60] Sur la base des motifs évoqués ci-dessus, et en vertu du pouvoir que me confère l’alinéa 146.1a ) de la partie II du Code canadien du travail, j’ordonne :
que soit annulée la première instruction, émise le 29 septembre 2011 par l’agente de santé et de sécurité Marjorie Roelofsen;
que soit confirmée la deuxième instruction, émise le 28 octobre 2011 par l’agente de santé et de sécurité Marjorie Roelofsen;
que soit annulée la troisième instruction, émise le 19 décembre 2011 par l’agent de santé et de sécurité Paul Danton;
Douglas Malanka
Agent d’appel
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