Étude qualitative de l’automutilation chez les femmes incarcérées (Rapport complet)

Publication

  • No R-225 - Sommaire
  • Juillet 2010
  • Jenelle Power & Amelia Usher

Remerciements

Nous aimerions remercier Tammy Cabana et Colette Cousineau pour leur aide à la réalisation des entrevues. Nos sincères remerciements également à Andrew Harris et à Donna McDonagh, qui ont initié et développé ce projet, ainsi qu’à Shelley Brown pour ses conseils et sa contribution. Nous désirons également exprimer notre gratitude aux douzaines d’employés sur le terrain qui nous ont aidées au cours des mois que nous avons passés à interviewer les femmes. En dernier lieu, un gros merci à Lynn Stewart et à Brian Grant, qui ont accepté de commenter les premières ébauches de notre rapport.

Résumé

L’automutilation non suicidaire (ANS) peut être définie comme la destruction délibérée de tissus de l’organisme sans intention de suicide et pour des motifs que la société juge inacceptables; elle englobe les comportements suivants : les coupures, les ligatures, les brûlures, les coups, le fait d’avaler des objets pointus ou non digestibles, l’insertion d’objets dans les orifices corporels (et leur retrait), et le fait de se frapper la tête contre une surface rigide. L’ANS menace gravement la sécurité et le bien-être des détenus et des employés du Service correctionnel du Canada (SCC). Pour prévenir et traiter efficacement l’ANS chez les détenus, il est important de mieux en comprendre les origines et les motivations. La présente étude a donc pour objet d’analyser les motivations et les émotions associées à l’automutilation non suicidaire, telles que décrites par les femmes incarcérées. Cinquante-six femmes purgeant une peine de ressort fédéral, provenant de sept établissements, ont participé à des entrevues semi-dirigées conçues tout spécialement pour évaluer leurs antécédents en matière d’automutilation non suicidaire.

Des 56 femmes qui ont participé à l’étude et qui avaient déjà pratiqué l’ANS, 54 ont donné au moins une raison pour expliquer leur comportement. La raison la plus souvent mentionnée par les femmes était de composer avec des émotions négatives. La deuxième était de faire connaître leurs problèmes aux autres et d’exprimer leur besoin d’aide.

Cinquante-deux femmes ont fourni de l’information sur les émotions qu’elles avaient vécues avant et après l’automutilation. Les émotions les plus souvent ressenties lors d’un acte d’ANS sont la colère, la dépression et l’anxiété. Après s’être mutilées, les femmes déclarent être le plus souvent envahies par des sentiments de soulagement ou, dans une moindre mesure, par des sentiments de regret.

Dix-sept participantes ont établi un rapport entre l’ANS et la consommation d’alcool ou d’autres drogues, même si la toxicomanie ne faisait pas partie du protocole initial d’entrevue. De ces 17 participantes, dix ont indiqué que leur consommation de drogues ou d’alcool était en cause dans un acte d’ANS ou augmentait la fréquence de ce comportement, tandis que sept ont déclaré que la consommation abusive d’alcool ou d’autres drogues réduisait la fréquence de leurs actes d’automutilation non suicidaire ou servait de substitut à l’ANS.

Dans de nombreuses entrevues, les détenues ont abordé spontanément la question des stratégies d’adaptation autres que l’automutilation pour composer avec les émotions pénibles et, au fil du temps, les intervieweuses ont commencé à poser des questions sur ce sujet. Vingt-quatre participantes ont déclaré avoir commencé à utiliser des stratégies d’adaptation autres que l’ANS pour composer avec le stress ou les émotions négatives. Parmi les stratégies d’adaptation les plus souvent citées, mentionnons l’expression adéquate des émotions, les techniques de relaxation et les distractions telles que la lecture, l’exercice physique et les travaux artistiques.

La présente étude permet de mieux comprendre le phénomène de l’ANS, en particulier chez les femmes sous responsabilité fédérale. Puisque les détenues considèrent le plus souvent les actes d’ANS comme un moyen d’adaptation, les interventions pourraient s’intéresser aux méthodes qui permettraient à un plus grand nombre de femmes incarcérées dans les établissements fédéraux de se familiariser avec des stratégies alternatives d’adaptation.

Table des matières

Liste des tableaux

Liste des figures

Liste des annexes

Introduction

L’automutilation non suicidaire (ANS) se définit comme une blessure physique ou un défigurement qu’une personne s’inflige délibérément sans intention de suicide, et à des fins qui ne sont pas acceptées par la société (Klonsky et Muehlenkamp,2007); elle englobe les comportements suivants : les coupures, les ligatures, les brûlures, les coups, le fait d’avaler des objets pointus ou non digestibles, l’insertion d’objets dans le corps (et leur retrait), et le fait de se frapper la tête contre une surface rigide. Tous les types de comportements qui amènent une personne à s’infliger des blessures sont difficiles à comprendre, mais ceux qui comportent une ANS sont peut-être les plus déroutants. L’ANS menace gravement la sécurité et le bien-être des détenus et des employés du Service correctionnel du Canada (SCC), et c’est pourquoi la recherche de méthodes pour réduire et gérer ce comportement est une priorité pour le Service.

Pour traiter efficacement et prévenir l’ANS chez les détenus, il est important de mieux en comprendre les origines et les motivations. La documentation sur la question propose certaines explications, mais il n’existe guère d’études empiriques sur ces motivations. La plupart des recherches réalisées à ce jour portent essentiellement sur les corrélats et les facteurs de risque de ce comportement, mais n’abordent par les motivations (Nock et Prinstein, 2004). Dans une recherche empirique, les conclusions sont souvent ambiguës parce les définitions utilisées ne sont pas uniformes (ce qu’est et ce que n’est pas l’ANS) et aussi parce qu’il est évident qu’une même personne peut recourir à l’automutilation pour plusieurs raisons qui peuvent changer au fil du temps (Kleindienst et coll., 2008; Klonsky et Muehlenkamp, 2007). Malgré ces difficultés, la compréhension des motivations à la base de cette pratique est une première étape importante du traitement, de la prévention et de la recherche.

De nombreuses motivations possibles ont été proposées, notamment le besoin d’attention, la gratification, l’imitation d’un comportement observé, le désir de mettre fin à un épisode de dissociation et l’intention de se punir (Klonsky, 2007; Suyemoto, 1998). Parmi les motifs étudiés chez les personnes qui se mutilent, la nécessité de composer (adaptation) avec des émotions négatives est le motif le plus solidement établi (Klonsky, 2007). Klonsky (2007) est parvenu à la conclusion suivante après avoir analysé 18 études sur le sujet :

La recherche révèle : a) qu’un affect très négatif précède le comportement d’automutilation, b) que l’affect négatif diminue d’intensité et que la personne éprouve un soulagement après un acte d’automutilation, c) que l’automutilation est le plus souvent pratiquée avec l’intention d’atténuer l’affect négatif et d) que la simulation d’actes d’automutilation en laboratoire a pour effet de réduire l’affect négatif et l’excitation (p. 235). [TRADUCTION]

En l’absence de meilleures stratégies d’adaptation (Bonner et Rich, 1990; Liebling, 1992; Liebling et Krarup, 1993), les détenus se tournent parfois vers l’ANS. Ces études ont toutefois conclu que des stratégies d’adaptation inadéquates sont à l’origine de l’ANS lorsque sont présents d’autres facteurs (p. ex., plus de problèmes avec d’autres détenus, niveau plus élevé de stress signalé, moins de soutien social), et n’ont pas directement évalué les stratégies d’adaptation. Comme ces stratégies n’ont pas été directement évaluées, il n’était donc pas possible de cerner les différences entre les stratégies d’adaptation utilisées par les personnes qui se mutilent et par celles qui ne le font pas. Il n’existe pas de consensus clair sur ce qui constitue une « stratégie efficace d’adaptation », et l’adaptation est perçue comme un processus multidimensionnel qui diffère selon les situations (Folkman et Lazerus, 1980), mais l’ANS peut sans conteste être considérée comme une mauvaise façon de composer avec les facteurs de stress.

L’objet de la présente étude était d’inventorier les motivations à l’origine de l’ANS ainsi que les émotions liées à ce comportement chez les femmes incarcérées. Une meilleure compréhension de l’ANS aidera à concevoir des interventions appropriées et guidera la gestion future de ce comportement dans les établissements du SCC. La présente étude a examiné l’ANS dans le cadre d’entrevues semi-dirigées avec des détenues dans le but de mettre à profit les expériences vécues par ces femmes.

Méthodologie

La méthode et l’approche analytique

Les participantes ont été recrutées à l’Établissement Nova pour femmes (Truro, Nouvelle-Écosse), à l’Établissement Joliette (Joliette, Québec), à l’Établissement pour femmes Grand Valley (Kitchener-Waterloo, Ontario), au Pavillon de ressourcement Okimaw Ohci (Maple Creek, Saskatchewan), à l’Établissement d’Edmonton pour femmes (Edmonton, Alberta), à l’Établissement de la vallée du Fraser pour femmes (Abbotsford, Colombie-Britannique) et au Centre psychiatrique régional (Saskatoon, Saskatchewan), c’est-à-dire dans tous les établissements du SCC qui accueillent des femmes purgeant une peine de ressort fédéral. Toutes les détenues qui résidaient dans ces établissements durant la période d’étude pouvaient prendre part à la recherche. Plusieurs moyens ont été utilisés pour recruter les participantes, notamment des rencontres avec les comités de délinquantes (p. ex., le comité des détenues, les membres de la sororité autochtone, les représentantes d’une sous-unité ou d’une maison), des recommandations du personnel, des affiches et de la sollicitation directe.

Le protocole de recherche comprenait une entrevue semi-dirigée, une partie de l’entrevue clinique structurée prévue dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, et une série de questionnaires. Seuls les résultats de l’entrevue semi-dirigée sont analysés ici.

Les entrevues n’étaient enregistrées qu’avec le consentement des participantes. Ces entrevues ont été enregistrées à l’aide d’un enregistreur numérique, puis transcrites textuellement par l’équipe de recherche. Lorsque les femmes préféraient ne pas être enregistrées, des notes étaient prises pour consigner leurs réponses. Tout a été fait pour enregistrer les entrevues telles qu’elles se sont déroulées, y compris les pauses et les chevauchements.

Les entrevues ont fait l’objet d’une analyse de contenu. Le protocole de l’entrevue semi-dirigée est présenté à l’annexe A. Ce protocole d’entrevue a été utilisé comme guide pour structurer le cadre de codification. L’auteure principale a élaboré un premier cadre de codification en se servant de recherches antérieures et de la théorie sur l’ANS, cadre qui a également été utilisé pour ordonner l’entrevue semi-dirigée. Par exemple, connaissant l’existence d’une corrélation entre la dépression et l’automutilation, une catégorie a été créée pour les sentiments de dépression qui précèdent l’automutilation. Plusieurs entrevues ont été codées à l’aide de ce cadre de codification et ont ensuite été examinées afin de déterminer si certaines réponses ne pouvaient y être insérées. Des catégories supplémentaires ont été établies pour tenir compte des thèmes inattendus (c.-à-d. les idées ou les réponses à certaines questions qui ont surgi tout au long des entrevues).

Lors de la démarche visant à déterminer ce qui constituait un thème distinct, un effort a été fait pour préserver le langage des participantes. Les réponses ont été classées par catégories fondées sur la similitude du contenu. Au fur et à mesure que de nouveaux thèmes apparaissaient, les catégories étaient comparées entre elles afin de s’assurer qu’elles étaient distinctes, tout en maintenant autant que possible la similitude du contenu à l’intérieur de chaque catégorie. Ce cadre a ensuite été mis à l’essai par les deux chercheuses et révisé en conséquence, en s’aidant d’un processus de discussion qui a mené à une entente sur la manière de classer les thèmes (Silverman, 2006). Le cadre de codification se composait de catégories qui pouvaient servir : 1) de thèmes qualitatifs, qui sont présentés ci-dessous accompagnés de citations pour les illustrer; 2) de catégories quantitatives, qui sont présentées comme la fréquence de la validation de la catégorie par les répondantes. Cette méthodologie est fondée sur les travaux de Creswell et Plano Clark (2007) et a été utilisée pour établir la base du cadre de codification.

Toutes les entrevues ont été codées par les deux intervieweuses et la reproductibilité inter-évaluateur a été établie en utilisant 10 % (n = 15) des entrevues. Dans la présente étude, la reproductibilité inter-évaluateur a été établie à l’aide des catégories retenues par les deux chercheuses pour mener leurs entrevues. Une variation sur simple pourcentage de concordance, connue sous le nom de « pourcentage de concordance effective », a également été utilisée pour déterminer le degré de concordance des codes utilisés pour l’analyse qualitative des entrevues. Le pourcentage de concordance effective restreint la définition de concordance aux occurrences (ce qui exclut les non-occurrences) telles que mesurées par les évaluations dichotomiques (Birkimer et Brown, 1979). Le pourcentage de concordance était de 92,2 %, ce qui est considéré comme un excellent résultat (Lombard et coll., 2002).

Les mesures et le matériel

Un questionnaire d’entrevue semi-dirigée a été élaboré pour l’étude; ce questionnaire contenait les sections suivantes : 1) les antécédents en santé mentale; 2) les antécédents de violence; 3) l’orientation sexuelle; 4) les tentatives de suicide et l’automutilation non suicidaire. Chacune des sections contenait des questions qui devaient être posées à toutes les participantes ainsi qu’une liste de questions incitatives pour chaque question.

Les participantes

Cinquante-six femmes ayant déjà vécu un épisode d’automutilation non suicidaire ont pris part à ces entrevues. Dans 54 cas sur 56 (96,4 %), elles ont accepté que leur entrevue soit enregistrée. Dans deux cas (3,6 % des entrevues), elles ont préféré ne pas être enregistrées, et des notes ont été prises pour consigner leurs réponses.

L’âge moyen des participantes était de 33,4 ± 9,7 ans. D’autres données démographiques sur l’échantillon sont présentées au tableau 1. Ces données ont été extraites du Système de gestion des délinquant(e)s, une base de données nationale sur les délinquants sous responsabilité fédérale. Le tableau montre que les femmes autochtones sont quelque peu surreprésentées dans le groupe visé par l’étude comparativement à la population totale des détenues. Par contre, les femmes dites « à sécurité minimale » y sont sous-représentées. La représentation relativement faible des femmes incarcérées dans les établissements à sécurité minimale reflète peut-être les besoins plus complexes des femmes qui se mutilent et qui sont incarcérées dans des installations à niveaux de sécurité plus élevés.

Situation de famille1
Tableau 1
Profil démographique des participantes

1 n = 1 réponse manquante.

Données démographiques % (n)
(N = 56)
En % de la population carcérale féminine du SCC
L’appartenance ethnique
Non-Autochtone 55,4 (31) 68,9
Autochtone 44,6 (25) 31,1
Célibataire, séparée ou divorcée 71,4 (40) --
Mariée ou conjointe de fait 26,8 (15) --
Cote de sécurité
Maximale 19,6 (11) 12,3
Moyenne 60,7 (34) 47,9
Minimale 19,6 (11) 39,8

Les résultats

Les thèmes dégagés des entrevues sont décrits ci-dessous. Une description est fournie pour chaque thème, accompagnée du nombre de femmes qui ont validé chacun des thèmes et de citations tirées de leurs propos pour les illustrer.

Les motivations à l’origine de l’ANS

On a demandé aux participantes pourquoi elles s’étaient mutilées et ce qu’elles espéraient ainsi obtenir. Toutes les participantes ont exposé les motifs de leurs actes d’automutilation, sauf une. Mais comme cette participante a demandé que son entrevue ne soit pas enregistrée, il est possible que certaines informations se soient perdues lors de la consignation manuelle de ses réponses. Une autre participante a déclaré ne pas savoir pourquoi elle s’était mutilée. L’analyse des motifs à l’origine de l’ANS portera donc sur les 54 participantes pour lesquelles des données sont disponibles. Vingt-huit femmes (51,9 %) ont fourni plus d’un motif pour expliquer leur geste. Quatorze femmes ont donné deux motifs, six en ont donné trois et huit en ont fourni quatre ou plus. L’importante proportion de femmes qui ont donné plus d’un motif atteste de la nature complexe de l’ANS.

En tout, les participantes ont invoqué 12 motivations différentes pour se mutiler. Le nombre de participantes qui ont validé chacune des motivations est présenté à la figure 1.

Figure 1. Pourcentage des détenues qui ont validé chaque motivation de l’ANS.

Pourcentage des détenues qui ont validé chaque motivation de l’ANS.

[D]

Adaptation

Le motif le plus souvent évoqué pour justifier l’ANS était l’adaptation (composer avec les situations pénibles). Ce motif a été validé par les deux tiers des participantes (n = 36). Il était souvent décrit comme une réaction aux émotions négatives ou encore comme une façon de libérer de telles émotions. Les émotions les plus fréquemment mentionnées étaient la frustration, la colère, l’anxiété et la dépression.

P025 : Oui, c’était après avoir été violée par mon frère et je faisais des rêves à répétition à ce sujet, ou la violence de ma mère. Sa violence psychologique et physique. Je me coupais pour me libérer de cette souffrance-là aussi. Footnote 1

P041 : Non, c’est tout simplement qu’on m’a toujours dit lorsque j’étais enfant que je ne pouvais pas me mettre en colère ou montrer mes émotions. Il fallait tout pousser sous le tapis, alors pour moi, c’était juste un exutoire. C’était une façon de me libérer de tout ce que je gardais à l’intérieur de moi.

P095 : Je me suis coupée parce que je voulais évacuer la souffrance que j’avais à l’intérieur de moi… parce que je me sentais mieux et que j’éprouvais du soulagement.

Communication

Un tiers des femmes (n = 18) ont déclaré que l’automutilation était, pour elles, une forme de communication. Elles voulaient généralement communiquer des émotions négatives qu’elles ne parvenaient pas à exprimer verbalement aux autres. Elles décrivaient souvent leur comportement comme un désir de communiquer leur besoin d’être aidées par d’autres personnes qui, selon elles, ne leur fournissaient pas un soutien adapté à leur fragilité psychologique.

P014 : Tu sais, lorsque tu commences à te couper le visage, ça ne veut pas dire : « Oh, j’ai besoin d’aide, je vais me suicider ». Ça veut plutôt dire : « Allo! Je suis enragée, je suis en colère, il se passe quelque chose, je n’aime pas ça ».

P037 : Par exemple, lorsque je me battais avec ma mère, elle n’avait pas de remords ou de sympathie pour moi, ou alors elle m’appelait la reine du drame et ça me mettait hors de moi. Je pensais à me venger, ce genre de chose, et je voulais aussi lui montrer le genre de peine qu’elle me faisait. Ça me semblait logique.

P144 : Vous savez, comme je vous l’ai dit tantôt, c’était probablement juste pour avoir de l’attention ou me sentir sécurisée par quelqu’un. C’est probablement aussi une recherche d’amour parce que mes parents ne m’ont jamais aimée. C’était probablement ça qui se passait… J’ai probablement beaucoup manqué d’amour et d’affection, alors, c’est probablement pour ça que je l’ai fait. … c’était probablement pour que quelqu’un s’intéresse à moi et me dise : hé, je t’aime. Même mes petits amis ou mon propre mari ne m’ont jamais montré de l’amour. C’était comme si j’avais toujours été seule.

Voir du sang ou ressentir de la douleur

Vingt-deux pour cent des femmes (n = 12) ont attribué leurs actes d’automutilation à leur désir de voir du sang ou de ressentir de la douleur. Ces femmes disaient avoir besoin de s’infliger de la douleur ou de regarder le sang couler de leurs blessures.

P050 : Simplement parce que j’avais besoin de ressentir de la douleur.

P061 : Lorsque je me regardais saigner, je me sentais mieux… juste en voyant le sang et en ressentant la douleur. Ça ne faisait par vraiment mal. En voyant le sang… je me sentais mieux. C’est difficile à expliquer.

Se sentir bien

Vingt-deux pour cent des participantes (n = 11) ont affirmé qu’elles se sentaient bien après s’être mutilées. Ce motif est différent d’une simple évacuation des émotions; en fait, elles se sentaient bien physiquement et/ou émotionnellement.

P007 : Avant, nous essayions de trouver une raison qui pouvait probablement expliquer notre geste. Mais il n’y a pas de raison, sauf que nous étions toutes les deux d’accord pour dire que ça nous faisait sentir bien.

P026 : Pour moi, oui. Mais ce n’est pas acceptable en société, je le sais. Je ne suis pas supposée faire cela. Je comprends. Mais ça fait du bien… je parle ici d’une strangulation. Si vous serrez très fort et que vous maintenez votre prise, plus vous respirez lentement, plus c’est agréable. C’est comme avoir un grand sentiment d’euphorie. Alors, je l’ai fait deux ou trois fois pour ressentir cette euphorie, mais on peut en mourir.

Se faire mal à soi plutôt qu’aux autres.

Quinze pour cent des participantes (n = 7) ont dit avoir retourné contre elles-mêmes leur désir de faire mal aux autres. De cette façon, elles substituent l’ANS à leur envie de blesser les autres.

P011 : Lorsque des gens se bagarraient avec moi, je voulais vraiment les frapper. Leur faire très, très mal. Et je ne pouvais pas le faire. Alors, je perdais le contrôle et je commençais à me frapper la tête contre le mur… Parce que je ne voulais pas leur faire de mal. Donc, je me frappais la tête encore et encore, et je criais… J’agis comme ça parce que je ne veux pas blesser l’autre personne et que je dois me libérer de ma colère.

P014 : Hum, j’avais l’habitude de me couper avant, j’utilisais des lames de rasoir ou des couteaux, parce que j’étais une personne très agressive et violente. Au lieu de faire du mal à quelqu’un d’autre et de faire face à tout ce qui s’ensuit, je m’en prenais à moi-même, je me coupais et après je me sentais bien… Je me sentais mieux. Lorsque je me coupais, ça me calmait. Au lieu d’attaquer les autres, je m’en prenais à moi-même.

Motifs instrumentaux

Quinze pour cent des femmes (n = 7) ont déclaré s’être mutilées pour des motifs instrumentaux (c.-à-d. pour obtenir une gratification). Dans l’établissement, cela signifiait souvent êtrechangée de place ou attirer l’attention du personnel.

P026 : Je me suis fait une coupure au bras pour qu’on me renvoie dans le trou [en isolement], parce que je n’aime pas ça à lasurface.

P137 : Non… à la fin, je me suis dit qu’ils allaient envoyer quelqu’un pour m’évaluer comme il faut, vous savez ce que je veux dire. Juste me laisser retourner dans la sous-unité et relaxer, rester dans ma chambre et da-da-da-da. Je me disais que ça n’avait pas de sens.

Le fait d’être en prison

Neuf pour cent des participantes (n = 5) ont déclaré que le fait d’être en prison était le motif de leur automutilation. Elles ont décrit l’anxiété qu’elles avaient éprouvée à leur arrivée dans l’établissement ou leur sentiment de dépression et de solitude lorsqu’elles avaient été placées en isolement.

P061 : Oui, c’est plus la tristesse, la dépression. Je crois que c’était surtout de la tristesse, une sorte de dépression parce que j’étais en isolement et que j’étais vraiment déprimée. Ils voulaient que… nous devions nous lever pour le dénombrement et je refusais de le faire parce que j’étais juste tellement déprimée et tout et tout. Et je me disais, d’accord, vous voulez que je me lève, je vais me lever. Et je me suis fracassé la tête, juste comme ça. Je me suis évanouie et j’ai dû être transportée en ambulance et des choses comme ça.

P116 : On nous éloigne de nos amis, de notre famille et nous sommes tellement seules. Vous savez ce que je veux dire? Pour un bon gardien, il y en a quatre qui sont mauvais. On devient déprimé ici. À grande échelle! Surtout lorsqu’on travaille tellement fort pour obtenir quelque chose. Et puis ils viennent te dire qu’il faut attendre encore un peu plus longtemps. Lorsqu’il est question de la famille ici, ils vous disent que c’est la priorité, vous savez. Les rapports familiaux. Mais j’attends depuis presque 60 jours pour obtenir une visite familiale privée avec quatre des mes enfants dont j’ai la garde complète sans contribution de la société d’aide à l’enfance, rien. Vous comprenez? Et cela a pris beaucoup de temps. Des choses de ce genre, ça fait mal au cœur. Et puis, alors maintenant je comprends pourquoi certaines personnes le font. Cet endroit, la prison, c’est dur pour les femmes.

Se sentir en contrôle

Six pour cent des femmes (n = 3) ont déclaré que l’automutilation était pour elles une façon de se sentir en contrôle dans des situations où elles avaient l’impression de ne plus avoir de contrôle.

P006 : Je voulais tout simplement que mes parents cessent de se bagarrer. Je me suis dit que si je me tranchais un poignet, ils verraient la situation d’une autre façon. Et c’est un peu ce qui est arrivé. Mes parents ont ignoré mon comportement, mais il y a eu moins de chicanes pendant un petit bout de temps, oui. Je dirais même que j’avais l’impression d’avoir un certain pouvoir sur eux.

P007 : C’était comme un usage personnel, une sorte d’accord. C’est pour moi et moi seulement. Parce que j’avais le contrôle, et personne ne le savait.

Une amie se mutilait

Six pour cent des participantes (n = 3) ont déclaré qu’elles s’étaient mutilées parce que des amies se mutilaient. Ou bien le fait de voir quelqu’un d’autre le faire leur donnait l’idée de se mutiler, ou bien elles s’étaient mutilées pour ressembler à une personne qu’elles admiraient.

P069 : Oui, elle se coupait. Et elle disait qu’elle le faisait uniquement pour la douleur. Et que la douleur empêche de penser à ce qui se passe parce qu’alors vous ne pensez plus à la douleur émotionnelle, vous pensez à la douleur physique. C’est ce que j’ai fait. Mais je ne pouvais pas… je le faisais chaque fois qu’elle le faisait, et je n’y parvenais pas, je ne comprenais pas comment ça pouvait chasser quoi que ce soit. Donc, j’ai cessé. Je ne me faisais vraiment pas de bien à moi-même.

P143 : Au début, lorsque j’étais adolescente, je l’ai fait pour être comme mon amie.

Reproduire un traumatisme passé

Quatre pour cent des femmes (n = 2) ont affirmé que l’automutilation était pour elles une façon de reproduire un traumatisme passé. Dans ces cas, les traumatismes passés comprenaient la violence subie durant l’enfance ou la violence qui s’était poursuivie à l’âge adulte, et cette violence pouvait avoir été de nature sexuelle,physique ou émotionnelle.

P011 : Et lorsqu’on est pour ainsi dire habitué à la violence, ça semble plus logique… Par exemple, quand on a l’habitude de voir d’autres personnes se faire frapper. Quant à moi, lorsque je me frappe la tête, j’ai simplement l’impression que c’est la bonne chose à faire. À ce moment-là. Parce que certaines personnes peuvent faire mal aux autres. Parce que c’est peut-êtrenormal pour elles.

P110 : Lorsque j’avais 17 ans, j’avais l’habitude de me brûler avec des cigarettes. Je pense que c’est parce que ma mère, lorsqu’elle était encore en vie, me brûlait souvent avec des cigarettes pour me punir. Lorsqu’elle s’est suicidée, je me suis brûlée une couple de fois après. Je ne sais pas pourquoi, mais je l’ai fait.

Engourdir des émotions

Quatre pour cent des participantes (n = 2) ont expliqué qu’elles s’étaient mutilées pour engourdir leurs émotions. Dans ces cas, la blessure physique était une façon d’apaiser la douleur émotionnelle qu’elles ressentaient.

P039 : Mais je pense que c’est assez courant; les gens ne veulent pas avoir d’émotions. Je connais des personnes qui sont devenues comme moi. J’ai appris par moi-même que je n’aime pas engourdir mes émotions… jusqu’à tout récemment, je n’aimais pas ressentir des émotions. Alors, je faisais tout ce que je pouvais pour les éviter. Aujourd’hui, lorsque j’ai une émotion, je n’utilise plus l’automutilation, mais à l’époque, je ne savais pas quoi faire d’autre, alors je faisais ça. Je ne connaissais pas les stratégies d’adaptation, je ne connaissais rien de tout cela. Je pense qu’en général les gens se font du mal à eux-mêmes parce qu’ils ne veulent pas ressentir de douleur émotionnelle. Je dirais même que, dans mon cas, les blessures que je m’infligeais ne me faisaient pas mal. C’était juste pour cesser de me sentir comme je me sentais. Vous comprenez? Et puis, lorsque j’avais fini de me faire mal, toute la situation était réglée, vous comprenez?

P077 : J’étais vraiment triste. Lorsque je me suis coupée, je n’ai pas eu mal. C’est comme si ça avait engourdi la souffrance que je ressentais.

Se faire mal avant que d’autres le fassent

Deux pour cent des femmes (n = 1) ont expliqué s’être elles-mêmes blessées avant qu’une autre personne ne leur fasse du mal.

P021 : Parfois, c’est pour ne pas que les autres me blessent. Je me fais du mal avant que les autres aient l’occasion de le faire.

Motivations basées sur la pratique de l’ANS dans les établissements du SCC

Une comparaison a été établie entre les femmes qui s’étaient mutilées et celles qui ne l’avaient pas fait pendant leur séjour dans un établissement du SCC afin d’en dégager les motifs à l’origine de l’ANS. Le pourcentage des participantes qui ont confirmé chacun des motifs est présenté à la figure 2. En raison des petits nombres en cause, il était impossible de réaliser des analyses statistiques, mais certaines tendances ont tout de même été dégagées. Les femmes qui s’étaient mutilées dans un établissement du SCC étaient proportionnellement plus nombreuses à valider les explications suivantes : motifs instrumentaux, se faire mal à soi plutôt qu’aux autres, voir du sang ou ressentir de la douleur.

Figure 2. Pourcentage des femmes qui se sont mutilées et de celles qui ne l’ont pas fait alors qu’elles étaient détenues dans un établissement du SCC, pour chacun des motifs énoncés.

Pourcentage des femmes qui se sont mutilées et de celles qui ne l’ont pas fait alors qu’elles étaient détenues dans un établissement du SCC, pour chacun des motifs  énoncés.

[D]

Émotions ressenties avant l’ANS

Les participantes ont été invitées à se remémorer au moins un incident d’automutilation et à décrire comment elles se sentaient avant de se mutiler. Cinquante-deux femmes ont décrit les émotions qu’elles avaient ressenties avant de s’infliger des blessures et quatre femmes n’ont évoqué aucune émotion en particulier. Comme ce fut le cas pour les motifs, elles ont été nombreuses à expliquer qu’elles avaient éprouvé plus d’une émotion avant de passer à l’acte. Trente-cinq (67,3 %) ont énuméré deux émotions ou plus qu’elles avaient vécues avant l’automutilation. La diversité des motifs fournis et le pourcentage élevé de femmes qui ont affirmé ressentir plus d’une émotion avant de se mutiler illustrent bien la complexité de ce comportement.

Les participantes ont décrit neuf émotions différentes ressenties immédiatement avant de se mutiler. Dans la mesure du possible, les émotions ont été regroupées afin de conserver les propos des femmes. Les thèmes qui émergent dans la présente section reflètent les paroles des femmes. La vaste majorité des émotions décrites étaient de nature négative. Deux ont déclaré avoir éprouvé une émotion positive avant de commettre leur acte. Le nombre de participantes qui ont validé chacune des émotions ressenties avant de se mutiler est présenté à la figure 3.

Figure 3. Pourcentage des participantes qui ont validé chacune des émotions ressenties avant de se mutiler.

Pourcentage des participantes qui ont validé chacune des émotions  ressenties avant de se mutiler.

[D]

Colère

Les émotions liées à la colère sont celles que les femmes disent avoir le plus souvent éprouvées avant de se mutiler. Soixante-deux pour cent des participantes (n = 32) ont avoué avoir ressenti de la colère, de la rage ou une intense frustration.

P014 : C’était toujours lorsque j’étais furieuse, enragée, vous savez… toujours, toujours enragée. Juste de la colère.

P043 : J’en avais marre. J’étais tellement furieuse contre mon petit ami et tout ce qu’il me faisait endurer. Je me suis dit, bien, je vais simplement m’en prendre à moi-même.

P118 : C’était juste pour me débarrasser de ma colère. Je deviens tellement fâchée qu’au lieu de frapper les autres et de m’en prendre à une autre personne, je m’en prends à quelque chose qui ne ressent pas la douleur. La première fois que j’ai donné un coup de poing dans un mur, c’était un mur de brique, et je me suis fracturé les jointures des doigts.

Dépression

Quarante-deux pour cent des participantes (n = 22) ont déclaré avoir éprouvé des sentiments de dépression, de tristesse, d’impuissance et de nullité avant de se mutiler.

P007 : J’étais triste, déprimée, j’éprouvais toutes sortes de choses, mais pas de bonnes émotions.

P061 : Une fois, lorsque je me suis coupé le dessus des jambes, j’étais vraiment déprimée, je n’étais plus là. Je consommais de la drogue et j’étais tannée de décevoir ma famille… Et j’étais vraiment déprimée, alors, je me suis coupé le devant des jambes… Je ne voulais plus ressentir la souffrance de ma tristesse.

P095 : J’étais vraiment déprimée, je pleurais. Je me souviens que je pleurais et que j’étais vraiment, vraiment, vraiment déprimée. Je n’avais pas d’espoir. J’ai simplement abandonné.

Peur et anxiété

Un tiers des femmes (n = 17) ont déclaré avoir éprouvé de la peur et de l’anxiété avant de se mutiler. Elles ont ou bien décrit une situation effrayante, ou bien raconté qu’elles se sentaient très anxieuses ou stressées avant de passer à l’acte.

P024 : J’ai besoin de le faire pour ne pas sentir le danger. Je ne sais pas, quelque chose de dangereux là-dedans… Tout était en danger à moins que je le fasse.

P095 : J’avais peur d’entrer en prison. Vous savez, c’est la première fois que je me trouve dans un pénitencier fédéral. Je n’ai pas un gros, un long dossier criminel. Ce n’est pas quelque chose que je ferais le reste de ma vie, c’est tout simplement que quelque chose de terrible est arrivé, une tragédie dans ma vie, et je suis ici et j’essaie d’y faire face. Et le risque que je récidive est proche de zéro.

P096 : Je pense que j’avais simplement peur parce que je savais que quelqu’un allait me frapper ou me faire quelque chose. Parfois, lorsque mon mari me battait, oh mon Dieu… Parce que je savais qu’il me cherchait, vous savez, qu’il allait venir et me frapper.

Bouleversement

Seize femmes (30,8 %) ont déclaré avoir été bouleversées avant de faire leur geste. Les participantes qui ont validé cette émotion ont expliqué qu’elles se sentaient blessées et bouleversées et que ces sentiments s’accompagnaient habituellement d’un état de forte excitation. L’expérience émotionnelle intense associée au bouleversement distingue celui-ci des sentiments de dépression et de tristesse décrits plus haut.

P021 : Probablement frénétique. Probablement, vous savez, vraiment bouleversée ou quelque chose se passait dans ma vie.

P028 : Je me souviens que j’étais tellement bouleversée… et on aurait dit que rien ne marchait. Et je me souviens qu’au début je criais dans mon oreiller et que les larmes coulaient à flot… puis c’est comme si j’avais vu le mur, puis ç’a été instantané. Tête contre mur.

Solitude

Un quart des participantes (n = 13) ont indiqué avoir ressenti de la solitude avant de se mutiler. Les femmes qui ont validé cette émotion disaient se sentir abandonnées et ne pas savoir vers qui se tourner pour obtenir un soutien émotionnel.

P028 : On me disait que j’étais une putain que j’allais mourir seule, complètement seule. Et ces paroles me blessaient, et je me demandais ce que j’allais devenir si ces gens avaient raison. Si je pensais à la solitude, j’allais probablement passer par-dessus bord.

P030 : Euh, je pense que je me demandais pourquoi il avait fait cela? Et je suppose qu’il ne voulait pas vraiment que je sois autour de lui, alors je n’avais vraiment pas quelqu’un d’autre vers qui me tourner. [J’étais]… seule, je ne sais pas, je crois que la solitude me faisait plus peur que n’importe quoi d’autre.

Autres émotions

Les émotions suivantes ont été validées par 4 % à 6 % des femmes (de deux à trois femmes) : l’impuissance, la culpabilité, la dissociation et une émotion positive. Ces émotions sont valides, mais moins fréquemment vécues avant un acte d’automutilation.

Émotions ressenties après l’ANS

Les participantes ont également été invitées à décrire ce qu’elles avaient ressenti immédiatement après s’être mutilées. Cinquante-deux femmes ont décrit les émotions qu’elles avaient éprouvées et quatre ont affirmé ne pas avoir éprouvé d’émotions particulières. La majorité des participantes ont déclaré avoir été envahies par un type d’émotion après l’automutilation, mais un certain nombre ont indiqué avoir vécu deux émotions ou plus. Trente-huit femmes (73,1 %) ont déclaré n’avoir ressenti qu’une seule émotion, tandis que 14 (26,9 %) ont reconnu avoir ressenti deux émotions ou plus.

Les participantes ont décrit cinq types d’émotion qui les avaient envahies immédiatement après l’automutilation. La majorité a indiqué avoir éprouvé une sorte de soulagement ou une autre émotion positive, tandis que certaines ont déclaré qu’elles s’étaient senties plus mal qu’avant ou qu’elles avaient éprouvé du regret de s’être comportées ainsi. Le nombre de participantes qui ont confirmé chacune des émotions après l’ANS est présenté à la figure 4.

Figure 4.Émotions ressenties immédiatement après un acte d’automutilation.

Émotions ressenties immédiatement après un acte d’automutilation.

[D]

Soulagement

Un fort pourcentage des participantes ont indiqué avoir ressenti une forme de soulagement immédiat ou s’être senties mieux après un acte d’ANS. Les trois quarts (n = 39) ont confirmé ce sentiment. Bon nombre de femmes ont décrit l’automutilation comme une façon de réduire des sentiments négatifs et d’évacuer des émotions désagréables.

P031 : Je me sens calme, car à ce moment-là, j’avais la poitrine serrée et j’avais l’impression que quelqu’un m’écrasait la poitrine et je ne pouvais pas respirer. Et après, je me sentais bien. Je me sentais bien et en sécurité.

P086 : Ça m’a permis de libérer certaines émotions. C’est drôle, mais ça enlève une partie du stress,comme une partie de la colère qui m’habitait.

P144 : Je me sentais mieux. Honnêtement, je me sentais beaucoup mieux. Vous savez, c’est comme si ma rage s’était envolée :pouf! …oui, on se sent mieux après.

Regret

Vingt-neuf pour cent des femmes (n = 15) ont déclaré avoir éprouvé du regret, de l’embarras ou de la honte après s’être mutilées. Ces participants avaient généralement l’impression d’avoir fait quelque chose de mal ou de honteux.

P031 : Mais immédiatement après, je commence à me sentir coupable. Oh mon Dieu, je n’aurais pas dû. À ce moment-là, je ne le savais pas… mais aujourd’hui je sais que ce n’est pas un mécanisme d’adaptation normal, n’est-ce pas? Alors maintenant, je me sens coupable lorsque je le fais.

P078 : Triste. Triste de m’être fait ça à moi-même. Je me dégoûtais moi-même d’avoir fait cela… j’étais embarrassée d’avoir posé un tel geste.

P112 : Je ne sais pas comment l’expliquer. Je ne suis pas certaine. Je crois que je devrais dire que je me sentais stupide. Parce que là, je devais retourner à l’hôpital pour qu’on me fasse d’autres points de suture.

Pareil ou pire

Dix-sept pour cent des participantes (n = 9) ont indiqué qu’elles ne se sentaient pas mieux après l’automutilation. Elles disaient se sentir plus mal après s’être mutilées ou que leurs émotions étaient demeurées inchangées, même si elles s’étaient infligé des blessures parce qu’elles croyaient qu’elles se sentiraient mieux après.

P036 : En fait, je n’ai jamais ressenti quoi que ce soit. Vous savez, je pensais qu’en me blessant moi-même, je me débarrasserais de la souffrance que j’éprouvais dans mon cœur. Mais la souffrance était encore là.

P069 : Je me disais que si je le faisais, ça me ferait oublier ma peine, des choses comme ça. Mais ça n’a pas été le cas, une fois de plus. Ça ne m’a jamais [procuré] de satisfaction… ça marche seulement pour une seconde avec moi. Ça marchait pour une seconde et c’était fini.

Adrénaline

Douze pour cent des participantes (n = 6) ont indiqué que l’automutilation leur avait donné une poussée d’adrénaline, de bien-être ou de puissance. Certaines ont comparé l’expérience à ce qu’elles éprouvent après avoir consommé des substances intoxicantes. D’autres ont déclaré que l’ANS leur avait procuré un sentiment de puissance.

P006 : Mais peut-être même juste un soupçon de pouvoir… Je dirais même un soupçon, euh, de sentiment de puissance.

P026 : Il y a des fois où cela me donne une poussée d’adrénaline comme lorsqu’on prend de la cocaïne. Je ressens une grande poussée d’adrénaline dans ma tête. C’est un sentiment agréable, c’est apaisant et cela vous donne l’énergie ou la sensation dont vous avez besoin.

P077 : Après, je ressentais une sorte de poussée d’adrénaline.

Dissociation

Une participante (2 %) a déclaré qu’elle avait eu l’impression d’être surréelle après s’être mutilée.

P026 : Non, je me sens surréelle après l’avoir fait. Comme si ce n’était pas réel.

Événements déclencheurs

Les femmes devaient décrire tous les événements qui pouvaient avoir précédé un incident d’ANS. Des événements déclencheurs ont été décrits par 80,4 % (n = 45) des participantes. Vingt pour cent (n = 11) n’ont fait aucune mention ou ne pouvaient se souvenir d’un événement qui aurait pu les amener à se mutiler. La majorité de celles qui ont parlé d’événements déclencheurs ont indiqué qu’un seul type d’événement avait précédé leurs gestes. Toutefois, 44,4 % (n = 20) ont déclaré que plus d’un type d’événements avaient été en cause.

Les participantes ont décrit six types d’événements qui, habituellement, déclenchaient chez elles un acte d’ANS. À l’exception du fait d’avoir vu une autre personne se mutiler, tous les événements qualifiés de déclencheurs de l’ANS étaient de nature négative ou extrêmement désagréable. Près de la moitié ont indiqué qu’une certaine forme de conflit interpersonnel avait provoqué un incident d’ANS. Le fait d’avoir été victime de violence a également été signalé par une forte proportion des répondantes. Le nombre de participantes qui ont confirmé chacun des événements déclencheurs est présenté à la figure 5.

Figure 5. Types d’événements déclencheurs d’un acte d’automutilation.

Types  d’événements déclencheurs d’un acte d’automutilation.

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Conflit interpersonnel

Près de la moitié des femmes (n = 22) ont mentionné qu’un conflit interpersonnel les avait amenées à se mutiler. Les sources de conflit étaient généralement des membres de la famille, des intervenants, des amis ou des conjoints. Les participantes ont souvent exprimé leur difficulté à gérer les conflits interpersonnels et déclaré que l’ANS était pour elles une façon d’y faire face.

P011 : Par exemple, lorsque je me disputais avec mes parents, ou avec ma mère, et que je m’attirais des ennuis pour quelque chose… et que j’avais l’impression de n’avoir rien fait de mal. Je perdais les pédales. Je n’aimais pas du tout avoir des ennuis et je me faisais du mal à moi-même.

P025 : C’était ainsi. Par exemple, si j’étais en relation avec quelqu’un et que cette relation devenait orageuse, je me coupais pour me soulager de la douleur.

P075 : À cause des commérages, de tous les ragots véhiculés par les gens, je ne peux le supporter. Je ne tolère pas que les gens parlent de moi ou disent des bêtises à mon sujet. Ensuite, je me sens si... et puis, une foule de gens me détestent à cause d’un tas de mensonges et je me sens… vous savez… pas très bien.

Violence subie

Vingt-neuf pour cent des femmes (n = 16) ont indiqué que le fait d’avoir été victimes de violence les avait déjà incitées à se mutiler. Les femmes ont parlé de violence subie au cours de leur enfance ou de leur vie adulte, ou les deux, de la violence physique, sexuelle et émotionnelle.

P005 : Lorsque je subissais des agressions sexuelles, personne ne semblait le remarquer : « Ohé! Ça se passe sous votre nez à la maison et vous ne voyez rien et ne dites rien »? Mais personne ne m’écoutait, alors j’ai commencé à me couper.

P030 : Je crois que la toute première fois c’était lorsque mon copain m’a blessée. Je ne sais trop pourquoi, mais je me suis tailladé les poignets.

P111 : Non, c’était il y a longtemps. J’étais jeune et j’avais subi beaucoup de violence. Et puis, il y avait ma mère qui travaillait tout le temps et qui n’était jamais à la maison, car elle sortait pour faire la fête.

Événement stressant

Dix-huit pour cent des femmes (n = 10) ont décrit un événement stressant de leur vie ou une augmentation marquée du stress ressenti avant de se mutiler. Ces événements n’étaient habituellement pas de nature précise et évoquaient souvent une augmentation généralisée du stress résultant des problèmes vécus à la maison durant l’enfance ou une certaine impression d’échec.

P006 : Je dirais que c’était toujours en réaction à quelque chose, oui... en réaction à l’échec : un échec scolaire, un mauvais résultat, le fait d’étudier beaucoup et de ne pas réussir.

P069 : J’avais environ 15 ans. Je venais de vivre un moment particulièrement difficile et, je ne sais trop pourquoi, je crois avoir eu envie de recommencer. Après tout, j’étais prête à essayer n’importe quoi, n’est-ce pas?

Infraction ou incident en établissement

Quatorze pour cent des femmes (n = 8) ont indiqué s’être mutilées après avoir commis leur infraction, après leur arrestation ou à la suite d’un autre incident lié à leur détention dans un établissement correctionnel. Elles ont décrit leur acte d’ANS comme une réaction à l’anxiété ressentie à l’idée d’êtres incarcérées ou à des incidents vécus après leur admission dans l’établissement.

P067 : Je ne l’ai refait qu’après 13 ans, probablement quatre ans plus tard. J’éprouvais tout simplement un stress émotionnel trop intense en lien avec le crime que j’avais commis.

P100 : La dernière fois que je me suis frappé la tête, c’était lorsque j’ai été condamnée à ma première peine d’emprisonnement.

P116 : Oui, je vivais à la sous-unité 3 de l’unité à sécurité maximale et une de mes copines habitait à la sous-unité 2 et nous avions un contact visuel. Puis une gardienne s’est montrée plutôt impolie et a fermé les stores qui nous séparaient. Je me disais : « mais c’est quoi ces manières? ». Il était tôt le matin. La gardienne a ensuite ouvert le rideau de ma copine et a gardé le mien fermé, puis, elle est revenue et a fait l’opération inverse. Je trouvais cela exaspérant et je me suis mise en colère. Lorsqu’un agent s’est présenté pour admettre une autre détenue à la sous-unité, j’ai violemment ouvert la porte et je m’en suis prise à tout le monde. Je tenais un coupe-ongles, car je venais de me couper les ongles, et j’étais si furieuse contre eux tous que je me suis entaillé le bras devant tout le monde.

Décès d’un membre de la famille

Treize pour cent des femmes (n = 7) ont attribué leurs actes d’automutilation au décès récent d’un membre de leur famille.

P074 : Après le décès de mon père. J’avais 13 ans.

P095 : Je faisais cela pour me sentir près de ma fille, celle qui, vous savez… celle qui est décédée.

Ont vu quelqu’un d’autre le faire

Treize pour cent des participantes (n = 7) ont dit s’être mutilées après avoir vu une autre personne le faire. Cette personne était habituellement une amie ou l’une de leurs pairs. Chose intéressante, toutes les femmes qui ont signalé cet événement déclencheur en ont limité l’influence à leur premier acte d’automutilation. Aucune n’a mentionné qu’un acte ultérieur d’ANS avait été provoqué de la même manière. Ces renseignements donnent à penser que le fait d’apercevoir une autre personne en train de se mutiler peut provoquer le comportement sans cependant contribuer à son maintien.

P049 : J’ai vu quelqu’un d’autre le faire, puis je l’ai fait...c’était un ami de mon frère.

P069 : J’ai commencé à me tenir avec une fille et elle le faisait. Elle disait que ça lui faisait du bien, évidemment.

L’effet de la toxicomanie sur l’ANS

Malgré le fait que le protocole d’entrevue ne comportait aucune question précise sur la toxicomanie, trente pour cent des participantes (n = 17) ont mentionné que leur consommation abusive d’alcool et d’autres drogues avait eu une certaine influence sur leurs actes d’ANS. Un pourcentage important de ces 17 femmes ont indiqué que cette consommation en était à l’origine ou qu’elle en avait augmenté la fréquence. À l’inverse, six participantes ont affirmé que la toxicomanie avait en fait réduit la fréquence de ces actes ou qu’elles avaient utilisé les drogues ou l’alcool en guise de substitut. Elles ont déclaré qu’elles étaient intoxiquées ou « parties » lorsqu’elles se mutilaient. Étant donné qu’aucune question n’a été directement posée sur la toxicomanie, ces chiffres sous-estiment probablement le nombre de femmes qui croient que la toxicomanie a un lien direct avec leur propension à se mutiler.

Tableau 2
Influence de la toxicomanie sur l’ANS
Toxicomanie en cause dans l’ANS (n = 56) % (n)
Oui 30,36 (17)
Non 69,6 (39)
Incidence de la toxicomanie sur l’ANS (n = 17) % (n)
A augmenté l’ANS 58,8 (10)
A réduit l’ANS 41,2 (7)

La toxicomanie a augmenté l’ANS

Cinquante-neuf pour cent des participantes qui avaient abordé la question de la toxicomanie (n = 10) ont indiqué s’être mutilées alors qu’elles avaient consommé, ou encore que l’usage d’alcool ou de drogues avait augmentéla fréquence de leurs actes automutilatoires.

P011 : Je le faisais beaucoup lorsque j’étais jeune, mais à l’adolescence, je ne le faisais que deux ou trois fois par année. Ça a augmenté ces dernières années. Lorsque je me drogue, ça empire.

P121 : Ça arrivait toujours lorsque je buvais. Un mélange de dépression et d’alcool, ça ne donne rien de bon.

La toxicomanie a réduit l’ANS

Quarante et un pour cent des participantes qui avaient abordé la question de la toxicomanie (n = 7) ont affirmé que la toxicomanie avait réduit la fréquence de leur comportement d’ANS, ou qu’elles avaient utilisé les drogues ou l’alcool comme substituts.

P037 : Non, je ne l’ai pas refait depuis l’âge de 16 ans... Je crois que j’ai commencé à boire, à me droguer et à faire ce genre de trucs pour éviter de me blesser physiquement.

Techniques d’adaptation : les solutions de rechange à l’ANS

Le protocole de l’entrevue semi-dirigée ne comportait pas de questions sur les stratégies d’adaptation. Le thème des stratégies d’adaptation ou des solutions de rechange à l’automutilation a cependant été abordé spontanément par les femmes au cours de nombreuses entrevues et, au fil du temps, les intervieweuses ont commencé à sonder les participantes sur ce sujet. Ces résultats ne correspondent donc pas au nombre de femmes qui ont recours à des stratégies de remplacement, mais constituent plutôt un premier survol des stratégies que les femmes utilisent pour réduire ou prévenir leurs actes automutilatoires.

Quarante-trois pour cent des participantes (n = 24) ont reconnu avoir commencé à utiliser des stratégies d’adaptation autres que l’ANS pour s’aider à faire face au stress ou aux émotions négatives. Ces femmes ont mentionné que le fait d’avoir participé aux programmes offerts en établissement ou d’avoir parlé à un spécialiste en counseling ou à un psychologue avait contribué à réduire ou à éliminer leurs comportements d’automutilation. Bon nombre ont affirmé que des programmes comme la thérapie comportementale dialectique et le Programme d’intervention pour délinquantes toxicomanes permettaient d’acquérir des aptitudes et des outils de nature à faciliter l’adoption de mécanismes d’adaptation appropriés. Des 24 femmes qui ont dit recourir à des mécanismes compensatoires, 83,3 % (n = 20) ont fait mention d’au moins une méthode précise d’adaptation qu’elles avaient apprise dans le cadre d’un programme ou d’une thérapie. Les stratégies d’adaptation les plus fréquemment nommées étaient l’expression appropriée des émotions, les techniques de relaxation et de distraction, les techniques de substitution, le monologue intérieur positif et la prise de médicaments. La figure 6 présente des exemples de stratégies évoquées ainsi que le nombre de participantes qui ont mentionné chaque stratégie. À noter que les participantes mentionnaient souvent plus d’une stratégie.

Figure 6. Stratégies utilisées par les participantes pour composer avec les émotions difficiles, en pourcentage.

Stratégies utilisées par les participantes pour composer avec les émotions difficiles, en pourcentage.

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Expression appropriée des émotions

Des 24 femmes qui ont déclaré utiliser des stratégies d’adaptation comme substituts au comportement automutilatoire, 41,7 % (n =10) ont affirmé avoir tenté d’exprimer leurs émotions de façon adéquate. Par exemple, elles ont dit chercher un soutien émotionnel auprès d’une autre personne ou demander de l’aide lorsqu’elles se sentaient sur le point de se mutiler. D’autres libéraient leurs émotions en pleurant et en parlant à quelqu’un de leurs sentiments.

P021 : Je fais appel à mes habiletés. Par exemple, si je vis une situation tendue avec mon enfant et que j’éprouve beaucoup de colère, je vais soit communiquer avec mon intervenant de première ligne, soit me rendre auprès de l’intervenant du programme de prévention de la violence pour en discuter, soit demander une consultation psychologique. Par exemple, lorsque je commençais à faire des cauchemars au sujet du viol que j’ai subi lorsque j’avais cinq ans, je savais qu’il s’agissait pour moi d’un événement déclencheur de comportement automutilatoire. Je me rendais donc au service de psychologie pour expliquer ce qui se passait.

P061 : Depuis que j’ai séjourné à l’Institut Philippe Pinel et que j’en suis revenue, je tente d’aviser les gens lorsque je ressens le besoin de me mutiler, ainsi on me passe la camisole de force et on me place en isolement pour éviter que je ne me fasse du mal. Bref, c’est là-dessus que nous travaillons actuellement, c’est-à-dire trouver un mécanisme de remplacement pour l’automutilation. Footnote 2

Techniques de relaxation ou de distraction

Un tiers des femmes (n = 8) ont dit utiliser des techniques de relaxation et de distraction saine pour ne pas succomber à la tentation de se mutiler. Parmi les exutoires effectifs évoqués par les participantes, il y avait l’écriture, la lecture, les travaux artistiques, l’écoute de musique, l’exercice physique ou l’écoute de la télévision. D’autres stratégies appartenant à cette catégorie pouvaient consister à se tourner vers la religion et à passer du temps seules dans leurs chambres.

P039 : Je crois que j’ai tout simplement appris diverses stratégies d’adaptation, en quoi elles consistaient et j’ai découvert différentes méthodes pour remplacer par des gestes positifs ce que je faisais autrefois …Je lis beaucoup d’ouvrages sur l’art de s’aider soi-même et je regarde de nombreuses émissions.

P77 : Je vais m’entraîner ou fabriquer des broderies de perles. Lorsque je suis fâchée ou contrariée, je cherche d’autres choses à faire.

Monologue intérieur positif

Treize pour cent des femmes (n = 3) ont affirmé que le monologue intérieur positif constituait pour elles une stratégie d’adaptation.

P075 : Je respire profondément et je me concentre. Je me dis : « Ce n’est pas mon problème, ça leur appartient ». Après tout, je suis une bonne personne.

Comportement de remplacement

Treize pour cent des femmes (n = 3) ont déclaré adopter une forme quelconque de comportement de remplacement. Elles ont donné comme exemple le fait de claquer un élastique ou de tenir des glaçons dans ses mains pour éviter de se mutiler. La substitution d’aspects positifs de la vie aux aspects négatifs a également été mentionnée.

P005 : Vous savez ces bandes élastiques que certaines personnes portent sur eux? J’en avais souvent sur moi. Je m’assoyais là puis je les faisais claquer pour soulager la tension plutôt que de me couper.

P031 : La sensation créée par le fait de tenir un cube de glace m’est bénéfique... J’ai appris cela pendant la thérapie comportementale dialectique…Le simple fait de le tenir et de ressentir un élancement suffit.

P110 : En fait, je me contentais de faire autre chose, vous savez. J’avais une sœur cadette, je prenais soin d’elle et nous pratiquions des activités ensemble. À 22 ans, j’ai donné naissance à une petite fille. En gros, j’ai seulement remplacé toutes les choses mauvaises par des bonnes.

Médication

Huit pour cent des femmes (n = 2) ont reconnu être capables de mieux contrôler leur propension à l’automutilation parce qu’elles prenaient des médicaments prescrits, tels que des antidépresseurs.

P096 : Ici, je ne le fais pas, car c’est différent et je prends des médicaments. Avant mon admission dans l’établissement, je ne prenais pas mes médicaments.

Parler à un psychologue ou participer à des programmes

Dix-sept pour cent des participantes (n = 4)ont affirmé que le simple fait d’avoir consulté un psychologue ou un thérapeute ou d’avoir suivi des programmes les avait aidées à réduire la fréquence de leurs actes d’automutilation. Ces femmes n’ont mentionné aucune stratégie particulière d’adaptation ainsi intégrée; elles ont simplement affirmé que la participation aux programmes ou les consultations psychologiques leur avaient été utiles.

P039 : Je pense que le simple fait d’être ici. J’apprends des choses…Je pense avoir tout simplement appris diverses stratégies d’adaptation, en quoi elles consistaient et j’ai découvert différentes méthodes pour remplacer par des gestes positifs ce que je faisais autrefois.

P096 : Non, c’est grâce aux ressources. Pendant la thérapie comportementale dialectique, on nous enseigne à avoir une meilleure estime de nous-mêmes, des choses comme ça.

P150 : Le personnel de cet établissement est vraiment aidant. Les employés prennent le temps de s’asseoir et de discuter avec nous et le psychologue de l’établissement est le meilleur qui soit.

Analyse

La présente étude avait pour objet de mieux faire comprendre les motivations à l’origine de l’ANS et les émotions rattachées à ce comportement chez les détenues. Elle visait également à découvrir les stratégies de remplacement de l’automutilation utilisées par les femmes. L’analyse qualitative des entrevues a permis de dégager des thèmes communs qui ont aidé à faire la lumière sur l’expérience vécue par ces femmes.

Motivations à l’origine de l’ANS

La vaste majorité des femmes qui se mutilent ont pu fournir une explication à leur comportement. Cette constatation appuie l’idée que l’automutilation est un comportement délibéré que les femmes utilisent pour obtenir certains résultats. La plupart des femmes attribuaient une logique interne à ce comportement qui, quoique inapproprié, explique le rôle de l’ANS dans leur vie.

Les participantes à l’étude ont justifié leur comportement automutilatoire de multiples façons. Plus de la moitié ont fourni deux motifs ou plus pouvant expliquer leur comportement. Dans le même ordre d’idées, un certain nombre d’événements déclencheurs ont été évoqués par les participantes. Ces constatations vont dans le sens d’un nombre croissant d’études indiquant que l’ANS est un comportement complexe qui remplit simultanément de multiples fonctions (Suyemoto, 1998). Il est donc important de ne pas simplifier outre mesure ou de ne pas généraliser les motifs qui poussent une personne à se mutiler.

Il semble que l’automutilation soit surtout utilisée comme moyen de composer avec des émotions négatives (Klonsky, 2007). Ce motif a été relevé dans divers échantillons, y compris des échantillons constitués par différents groupes d’âge, par différents profils psychologiques, tant chez les hommes que chez les femmes (p. ex., Briere et Gil, 1998; Brown, Comtois, et Linehan, 2002; Herpertz, 1995; Nock et Prinstein, 2004). Chez les femmes de notre étude, l’adaptation était de loin le motif le plus courant du recours à l’automutilation.

Les femmes de notre étude étaient souvent d’accord pour considérer l’automutilation comme une forme de communication. Environ le tiers des participantes ont déclaré s’être mutilées pour communiquer des émotions négatives qu’elles étaient incapables d’exprimer verbalement. Bon nombre d’entre elles avaient l’impression que ce comportement était en quelque sorte un « appel à l’aide » et qu’elles l’avaient utilisé comme une façon de communiquer leur besoin d’attention et de compassion. Les écrits sur le sujet donnent à penser que le comportement automutilatoire non suicidaire peut apparaître dans des situations où ont échoué d’autres stratégies employées pour exprimer des émotions et un besoin d’aide (Allen, 1995).

La présente étude a permis de répertorier d’autres motifs à l’origine de l’ANS, mais ces motifs ne sont pas aussi importants que l’adaptation. Quoique moins répandus, ils demeurent valides pour expliquer l’ANS. L’un d’eux est le fait d’avoir vu une autre personne se mutiler, connu sous le nom d’effet de contagion (Walsh et Rosen, 1985). Cet effet a souvent été mentionné dans les rapports de recherche (Cookson, 1977; Matthews, 1968; Menninger, 1935; Offer et Barglow, 1960; Rosen et Walsh, 1989; Walsh et Rosen, 1985), en particulier ceux sur les populations internées, mais n’a reçu qu’un faible appui dans le cadre de la présente étude. Dans le même ordre d’idées, l’incidence de l’internement sur l’automutilation été largement analysée dans les écrits (p. ex., Fillmore et Dell, 2000; Franklin, 1988; Kilty, 2006; Thomas, Leaf, Kazmierczak, et Stone, 2006), mais nous n’avons guère relevé de preuves à cet effet chez les femmes purgeant une peine de ressort fédéral. En fait, la plupart des femmes évoquaient des actes d’automutilation commis à l’extérieur plutôt qu’à l’intérieur des établissements. Pour une analyse plus détaillée des actes automutilatoires chez les femmes incarcérées dans un établissement fédéral et des lieux où ces actes ont eu lieu, voir Power et Usher (sous presse).

Des analyses ont été réalisées afin de déterminer si les femmes qui s’étaient mutilées dans un pénitencier avaient des motifs différents de celles qui s’étaient mutilées avant d’y être admises. Les données recueillies donnent à penser qu’un pourcentage élevé des femmes qui se sont mutilées dans un établissement du SCC l’ont fait pour des motifs instrumentaux, parce qu’elles préféraient se faire mal à elles-mêmes plutôt qu’aux autres ainsi que pour voir du sang et ressentir de la douleur. Il est possible que les femmes qui s’étaient déjà mutilées pour de tels motifs maintiennent ce comportement après leur incarcération; après tout, les gratifications peuvent être encore plus importantes dans un établissement (p. ex., retrait d’une cellule, attention de la part du personnel). Plusieurs des femmes qui ont dit recourir à l’automutilation pour ne pas blesser quelqu’un d’autre faisaient alors allusion à des employés de l’établissement (c’est donc dire qu’elles vivaient des situations qui les mettaient en colère et leur donnaient l’envie de blesser un membre du personnel, mais s’en prenaient plutôt à elles-mêmes parce qu’elles étaient conscientes des conséquences des voies de fait contre des employés). Ces genres de situations étant propres à l’internement, il y a plus de risques que les femmes qui se mutilent pour cette raison continuent de le faire pendant qu’elles sont incarcérées. Il faudrait pousser plus loin la recherche pour déterminer si ces tendances s’avèrent auprès d’une population plus grande.

Les émotions rattachées à l’ANS

Un thème commun a émergé des entrevues : les émotions négatives vécues par les femmes avant de se mutiler. La colère, la dépression et l’anxiété ont toutes été souvent mentionnées comme des émotions qui avaient déclenché des actes d’automutilation. Cette constatation va dans le même sens que les écrits sur le sujet, qui appuient la thèse d’une corrélation entre la dépression, l’anxiété, la colère et l’ANS (Andover et coll., 2005; Klonsky et coll., 2003; Roe-Sepowitz, 2007; Ross et Heath, 2002; Simeon et coll. 1992).

La majorité des participantes ont indiqué que l’ANS avait été une soupape efficace pour libérer ces émotions négatives, du moins à court terme. Cela porte à croire que l’ANS joue un rôle dans la régulation de l’affect pour un fort pourcentage des femmes qui ont participé à notre étude. La fonction de régulation de l’affect du comportement automutilatoire non suicidaire est un modèle étayé par la recherche. Selon ce modèle, les personnes qui souffrent d’instabilité émotionnelle et qui ont de la difficulté à gérer l’affect sont portées à recourir à l’automutilation comme stratégie d’atténuation des émotions négatives (Klonsky, 2007). Le soulagement de la colère, de l’anxiété, de la solitude et de la souffrance émotionnelle est fréquemment mentionné dans la littérature clinique, en appui à la fonction de régulation de l’affect de l’ANS. Pour bon nombre des participantes à la présente étude, l’ANS semble réussir à réguler des émotions qui, au bout du compte, peuvent servir à renforcer le comportement.

Le pourcentage considérable de femmes (29 %) qui n’ont pas fait l’expérience d’une atténuation de leurs émotions négatives après un acte d’automutilation, même dans les cas où elles s’étaient mutilées dans ce but précis, ne concorde pas avec la documentation disponible sur ce sujet. Normalement, lorsque l’automutilation est utilisée comme moyen de composer avec des émotions négatives, il s’ensuit un soulagement immédiat. C’est ce que soutiennent d’ailleurs un grand nombre de recherches (Klonsky, 2007). Il se pourrait que les femmes qui n’ont pas ressenti le soulagement espéré se soient mutilées pour faire face à des émotions négatives parce qu’une autre personne leur avait dit que ce serait efficace ou parce qu’elles avaient eu l’occasion de voir une autre personne se mutiler pour ce motif, mais aient constaté que l’ANS n’avait pas donné les résultats qu’elles espéraient. Il se pourrait aussi que les émotions négatives ressenties par de nombreuses femmes après un acte automutilatoire, telles que la honte et l’embarras, aient été plus fortes que toutes les autres émotions positives, créant de ce fait une impression générale d’effets négatifs plutôt que positifs.

Les événements déclencheurs

Il ne faut pas s’étonner que les femmes aient fréquemment justifié leur comportement par le désir de composer avec la violence subie, puisque de nombreuses études ont révélé l’existence d’une corrélation entre la violence durant l’enfance et l’ANS (p. ex., Borrill, Snow, Medlicott et Paton, 2003; Favazza et Conterio, 1989; Fillmore et Dell, 2000, 2005; Gladstone et coll., 2004; Gratz, Conrad et Roemer, 2002; Himber, 1994; Langbehn et Pfohl, 1993). Le mécanisme par lequel la violence peut conduire à l’automutilation non suicidaire est mal compris. Aucune étude n’a encore examiné comment les deux étaient liés chez les adultes, bien que deux études se soient intéressées à ce processus chez les populations plus jeunes (Prinstein et coll., 2008; Weierich et Nock, 2008). Il n’a pas encore été précisé si les personnes ont recours à l’automutilation comme moyen de composer avec des émotions négatives associées à la violence, comme façon de recréer le traumatisme qui est devenu « normal » pour elles, ou si l’ANS est le résultat d’un autre facteur ou de facteurs rattachés à l’expérience de la violence.

La toxicomanie et l’ANS

La relation entre la toxicomanie et l’automutilation, qui a été spontanément mentionnée par un certain nombre de participantes, est une constatation importante qui concorde avec la littérature existante (Klonsky et Muehlenkamp, 2007; Young, Justice et Erdberg, 2006). Le pourcentage significatif de femmes qui ont indiqué que la consommation abusive d’alcool et d’autres drogues avait augmenté la fréquence de leurs actes automutilatoires, ou qu’elles s’étaient mutilées durant une période de toxicomanie accrue vient appuyer ces constatations. Par contre, certaines participantes ont affirmé que la consommation de substances intoxicantes avait en fait réduit la fréquence de ce comportement chez elles. Ces femmes ont indiqué que la consommation de drogues et d’alcool était devenue un substitut à l’automutilation ou qu’elles avaient choisi de se mutiler lorsqu’elles n’avaient pu se procurer ces substances. Cette constatation rejoint peut-être la théorie voulant que l’ANS serve principalement de mécanisme d’adaptation. Il est possible que, pour certaines, la toxicomanie et l’automutilation deviennent des stratégies d’adaptation interchangeables pour composer avec des émotions négatives ou un traumatisme passé, de telle sorte que lorsqu’elles ne peuvent consommer de l’alcool ou d’autres drogues, elles utilisent l’automutilation comme substitut. Il s’agit là d’une nouvelle constatation, puisque aucune corrélation négative entre la toxicomanie et l’ANS n’a été dévoilée par d’autres études.

Les solutions de rechange à l’ANS

Les solutions de rechange à l’ANS n’ont pas été abordées par toutes les participantes; les stratégies d’adaptation qui ont fait surface au cours des entrevues ne doivent donc pas être considérées comme représentatives de toutes les participantes. Toutefois, l’information fournie donne un bon aperçu de l’utilisation de stratégies alternatives comme substitut à l’ANS.

Plus important encore, la plupart des stratégies mentionnées peuvent être apprises par d’autres femmes qui se mutilent. L’élément clé est de proposer des options de sorte que chaque femme puisse trouver la stratégie qui convient le mieux à ses besoins. En outre, le fait que de nombreuses femmes ont mentionné des aptitudes acquises dans le cadre de programmes ou de séances de thérapie comme solutions de rechange au comportement automutilatoire apporte un soutien aux méthodes présentement employées dans les interventions du SCC. À titre d’exemple, la thérapie comportementale dialectique (TCD) apprend aux participantes à utiliser certaines de ces stratégies pour les aider à réduire la fréquence de leurs actes d’ANS ou à mettre fin à ce comportement (Linehan, 1993). La TCD cible les besoins des femmes qui souffrent du trouble de la personnalité limite. L’enseignement de stratégies de substitution est aussi une composante majeure d’autres programmes correctionnels, même si ceux-ci ne visent pas nécessairement à réduire le comportement d’automutilation.

Conclusions

Notre étude comporte cependant certaines limites. Les femmes qui y ont participé ne formaient pas un échantillon aléatoire. Elles provenaient toutefois de tous les établissements correctionnels fédéraux pour femmes, ce qui augmente les chances pour que l’étude soit représentative de la population carcérale.

La possibilité d’obtenir des réponses socialement acceptables est inhérente à toute recherche; cette question revêt peut-être une importance particulière lors d’entrevues semi-dirigées face à face. Le caractère intime et intense des témoignages recueillis donne toutefois à penser que les intervieweuses ont établi un bon rapport avec les participantes et que la plupart des femmes ont parlé ouvertement de leurs expériences.

L’étude approfondit la compréhension que nous avons de l’automutilation, en particulier chez les femmes qui purgent une peine de ressort fédéral, tout en appuyant bon nombre des conclusions tirées de la littérature existante. Il semble bien que les femmes utilisent l’automutilation d’abord et avant tout comme une technique d’adaptation. Bon nombre d’entre elles se sont familiarisées avec des stratégies de substitution, notamment lors de programmes suivis en établissement, comme la thérapie comportementale dialectique (TCD) ou d’autres thérapies. Le Service aurait sans doute tout intérêt à prévoir, dans sa planification correctionnelle, une initiation aux stratégies de remplacement de l’ANS dans un plus grand nombre de programmes, et à ne pas limiter l’accès à ces interventions aux femmes admissibles au programme de TCD parce qu’elles souffrent du trouble de la personnalité limite.

Il a été constaté que la toxicomanie était en cause dans le comportement automutilatoire, bien que le lien entre les deux soit complexe. Il y aurait lieu de pousser plus loin la recherche pour mieux comprendre ce rapport. Compte tenu des niveaux élevés de toxicomanie chez les femmes incarcérées, le lien entre la toxicomanie et l’ANS est peut-être particulièrement important chez cette population.

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Annexes

Annexe A : Protocole de l’entrevue semi-dirigée

J’aimerais vous poser quelques questions au sujet de ce qui s’est passé dans votre vie avant votre admission dans l’établissement et à propos de certains événements survenus depuis que vous êtes arrivée ici. À la fin de l’entrevue, je vous poserai des questions sur l’automutilation et les tentatives de suicide.

Section A : Santé mentale

Je vais vous poser quelques questions au sujet de votre santé mentale.

Avez-vous déjà consulté un psychologue, un thérapeute ou un médecin pour des problèmes de santé mentale?

À quel moment?
Dans quelles circonstances? (Questions incitatives possibles : Vous y êtes allée de votre propre chef? Quelqu’un vous a poussée à consulter? Vous avez vécu un incident malheureux dont vous vouliez discuter?)
À quelle fréquence avez-vous consulté ce spécialiste?

Avez-vous déjà fait un séjour dans un hôpital psychiatrique?

Avez-vous déjà eu un diagnostic de troubles mentaux?

Section B : Orientation et comportement sexuels

J’aimerais maintenant vous interroger sur votre orientation et votre comportement sexuels. Certaines personnes peuvent être gênées d’en parler, mais sentez-vous bien à l’aise de répondre aussi honnêtement que vous le pourrez.

Comment caractérisez-vous votre orientation sexuelle (êtes-vous hétérosexuelle, homosexuelle ou bisexuelle)?

Depuis votre admission dans l’établissement, avez-vous eu des relations sexuelles avec un homme? Avec une femme? (Question incitative possible : Avez-vous eu des échanges de baisers ou de caresses/d’attouchements que vous qualifieriez de nature sexuelle?)

Avant votre admission dans l’établissement, aviez-vous déjà eu des relations sexuelles avec un homme? Avec une femme? (Question incitative possible : Avez-vous eu des échanges de baisers ou de caresses/d’attouchements que vous qualifieriez de nature sexuelle?)

Section C : Antécédents de violence

Maintenant, j’aimerais vous poser quelques questions sur vos antécédents, en particulier pour savoir si vous avez été victime de violence.

Avez-vous été victime de violence pendant votre enfance ?

(Question incitative possible : Avez-vous été frappée, humiliée, traitée d’imbécile, menacée sérieusement, touchée de façon inappropriée ou agressée sexuellement?)
De quel type de violence s’agissait-il?
Qui était votre agresseur? (mère, père, frère, sœur, enseignant)

Avez-vous été victime de violence à l’âge adulte?

(Question incitative possible : Avez-vous été frappée, humiliée, traitée d’imbécile, menacée sérieusement, touchée de façon inappropriée ou agressée sexuellement?)
De quel type de violence s’agissait-il?
Qui était votre agresseur? (Questions incitative possible : Votre conjoint? Votre patron? Une autre personne ?)

Section D : Tentatives de suicide et comportements d’automutilation

Enfin, j’aimerais vous interroger au sujet de toute automutilation ou tentative de suicide que vous avez effectuée. Il s’agit d’un sujet délicat, je vous invite néanmoins à en discuter de la façon qui vous conviendra.

Vous êtes-vous déjà blessée de façon intentionnelle? (Question incitative possible : en vous coupant, en vous donnant des coups, en vous ligaturant ou en tentant de vous étrangler, en insérant des objets sous votre peau ou en vous frappant la tête?)

Quels types d’automutilation vous êtes-vous infligés?

Quel type pratiquez-vous le plus fréquemment?

Racontez-moi votre premier épisode d’automutilation.

À quel moment cela s’est-il produit?
Qu’avez-vous fait (type d’automutilation)?
Quelles en étaient les raisons? Y avait-il un élément déclencheur?
Comment vous sentiez-vous juste avant de commettre ce geste?
Comment vous sentiez-vous immédiatement après avoir posé ce geste?
Que s’est-il passé tout de suite après cet épisode?
Est-ce que quelqu’un vous a découverte en train de poser ce geste? Était-il probable que quelqu’un vous surprenne?
Avez-vous demandé de l’aide après cet épisode? Avez-vous parlé de cet événement à quelqu’un?
Est-ce que d’autres personnes étaient au courant de vos épisodes d’automutilation? Quelles ont été leurs réactions?

Qu’en est-il des épisodes d’automutilation à la suite du premier?

Qu’avez-vous fait (type d’automutilation)?
Quelles en étaient les raisons? Y avait-il des éléments déclencheurs?
Comment vous sentiez-vous juste avant de commettre ces gestes?
Comment vous sentiez-vous immédiatement après avoir posé ces gestes?
Avez-vous demandé de l’aide après ces épisodes?
Avez-vous parlé de ces épisodes à quelqu’un? Le cas échéant, quelles ont été ses réactions?

Avez-vous parfois des épisodes d’automutilation plus importants que d’autres?

(Questions incitatives possibles : Lorsque vous êtes à la maison? En établissement? Lorsque vous éprouvez des ennuis financiers ou des conflits relationnels? Lorsque vous consommez de l’alcool ou que vous êtes stressée?)
Quelles circonstances aggravent votre comportement automutilatoire?
Quelles circonstances atténuent ce comportement?

À quelle fréquence vous mutilez-vous?

(Questions incitatives possibles : Combien de fois cette semaine? Au cours du mois dernier? Au cours de la dernière année?)
Vos épisodes d’automutilation ont-ils augmenté ou diminué depuis votre incarcération?

Les autres délinquantes savent-elles que vous vous mutilez? En discutez-vous avec elles?

Quelles étaient les raisons de vos épisodes d’automutilation préalables à votre arrivée à l’établissement?

Qu’en est-il depuis votre incarcération? Ces raisons ont-elles changé? Le type de mutilation est-il différent? Le faites-vous plus ou moins souvent qu’auparavant?

En général, à quelle partie du corps vous en prenez-vous?

Avez-vous déjà fait une tentative de suicide?

Footnotes

Footnote 1

Toutes les transcriptions des réponses des détenues sont des traductions de l’anglais

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Footnote 2

La « camisole de force » est un vêtement impossible à déchirer qui est utilisé pour les femmes qui présentent un risque d’automutilation.

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