Automutilation en milieu carcéral : évaluation, intervention et prévention

Publication

  • No R-220 - Sommaire
  • Mars 2010
  • Amelia Usher, Jenelle Power et Geoff Wilton
    Service correctionnel du Canada

Remerciements

Nous aimerions remercier Steve Varrette et Patrick Savoie de nous avoir aidés à préparer le présent rapport. Nous aimerions également remercier Lynn Stewart pour ses commentaires utiles et Chantal Allen de son aide dans la collecte de renseignements sur le Programme de soutien par les pairs.

Résumé

Mots clés : automutilation, comportement autodestructeur, suicide chez les détenus, pratiques exemplaires.

L’automutilation est une préoccupation importante pour le Service correctionnel du Canada (SCC) en raison des dangers qu’elle présente pour la sécurité du personnel et des détenus dans les établissements correctionnels fédéraux. L’automutilation peut être définie comme toute forme de blessure physique ou de défigurement direct qu’un individu s’inflige délibérément et que la société juge inacceptable, comme les coupures, les tentatives de strangulation, les brûlures, les coups sur le corps, le fait d’avaler des objets coupants ou non digestibles, de s’insérer des objets dans le corps et de les retirer, et de se frapper la tête contre une surface dure. Afin d’assurer la sécurité des détenus et du personnel, le SCC doit réagir à l’automutilation de manière efficace et s’employer à réduire et à prévenir ce type de comportements. La présente analyse documentaire cherche à cerner les meilleures façons de prévenir et de traiter les cas d’automutilation dans le milieu correctionnel.

Même s’il est difficile de savoir avec certitude quels détenus se mutileront durant leur incarcération, certains facteurs ont cependant été reliés au risque élevé d’automutilation. Il a en effet été constaté qu’un certain nombre de variables ont un lien avec l’automutilation, comme l’appartenance ethnique, une situation socio-économique défavorable, l’attirance vers les personnes du même sexe, le trouble de la personnalité limite, la dépression, l’anxiété, la toxicomanie, l’impulsivité, la dissociation mentale et les traumatismes vécus pendant l’enfance. Comme un grand nombre de ces facteurs se retrouvent chez la population carcérale du SCC, le risque d’automutilation y est élevé.

L’automutilation, et particulièrement l’automutilation non suicidaire, est un comportement troublant et complexe qu’il est difficile de traiter efficacement. Un certain nombre d’outils d’évaluation du risque pourraient aider à identifier rapidement les personnes qui risquent de se mutiler, mais aucun ne s’est encore révélé empiriquement valable dans le contexte correctionnel. Selon des recherches, certaines interventions peuvent réduire la fréquence et la gravité de l’automutilation. Des traitements thérapeutiques, comme la thérapie cognitivo-comportementale, la thérapie comportementale dialectique et une forme de thérapie cognitive à l’aide d’un manuel, se sont révélés efficaces aussi bien en établissement que dans la collectivité. En effet, certains éléments communs à ces thérapies, comme la création d’une relation thérapeutique positive, l’analyse de l’incident et la restructuration cognitive, ont été mis en lumière dans les recherches. Ces éléments pourraient être inclus dans les programmes correctionnels existants afin d’améliorer la prévention et le traitement de l’automutilation. Un certain nombre d’interventions systémiques, comme des séances de sensibilisation au suicide et des programmes de soutien par les pairs ont été proposés et appuyés par la recherche.

Le personnel correctionnel en relation étroite avec des détenus qui se mutilent a besoin d’une aide supplémentaire pour réagir à ces comportements, puisqu’ils peuvent être cause de stress élevé et d’épuisement professionnel. La documentation sur la question fait ressortir l’importance d’une formation accrue pour le personnel et de services de soutien comme les séances d’aide après un stress causé par un incident critique et les programmes d’aide aux employés.

Le SCC applique actuellement des politiques et des mesures qui sont conformes aux pratiques fondées sur l’expérience clinique pour le traitement et la prévention de l’automutilation. Les recherches examinées dans la présente analyse documentaire présentent un certain nombre d’options que le SCC pourrait développer ou adopter pour améliorer la façon dont sont actuellement gérés les incidents d’automutilation.

Table des matières

Introduction

L’automutilation est une préoccupation importante pour le Service correctionnel du Canada (SCC) en raison des dangers qu’elle présente pour la sécurité du personnel et des détenus dans les établissements correctionnels fédéraux. L’automutilation peut être définie comme toute forme de blessure physique ou de défigurement direct qu’un individu s’inflige délibérément et que la société juge inacceptable (Favazza, 1998, 1999; Simeon et Favazza, 2001; Walsh et Rosen, 1988), comme les coupures, les tentatives de strangulation, les brûlures, les coups, sur le corps, le fait d’avaler des objets coupants ou non digestibles, de s’insérer des objets dans le corps et de les retirer, et de se frapper la tête contre une surface dure. Afin d’assurer la sécurité des détenus et du personnel, le SCC doit réagir à l’automutilation de manière efficace et s’employer à réduire et à prévenir ce type de comportements.

Il est difficile d’établir avec exactitude le taux de prévalence de l’automutilation, particulièrement dans les établissements correctionnels. Les recherches effectuées au SCC jusqu’à maintenant n’ont pas encore permis d’établir la prévalence de ce comportement chez les détenus sous responsabilité fédérale. Selon les meilleures estimations,4 % de la population adulte générale se seraient déjà mutilés (Briere et Gil, 1998; Klonsky, Oltmanns et Turkheimer, 2003), et il est fort possible que ce risque soit encore plus élevé chez les populations incarcérées si on les compare à la population générale, même si les recherches estiment que l’automutilation touche de 1 % à 5 % de la population carcérale (Fotiadou, Livaditis, Manou, Kaniotou et Xenitidis, 2006; Maden, Chamberlain et Gunn, 2000; Maden, Swinton et Gunn, 1994; Smith et Kiminski, 2009; Toch, 1975; Western Australia Department of Justice, 2002). Cependant, les estimations concernant les détenus qui reçoivent des soins psychiatriques durant leur incarcération sont beaucoup plus élevées, allant de 15 % à 18 % (Western Australia Department of Justice, 2002; Young, Justice et Erdberg, 2006), et des taux pouvant atteindre 53 % ont été relevés chez les détenus atteints de troubles mentaux (Gray et coll., 2003).

Les chercheurs qui ont étudié l’automutilation ont dû faire face à un grand nombre de difficultés, à commencer par une certaine confusion quant aux définitions et aux termes utilisés pour désigner ce type de comportement. Bien que l’on ait constaté que les tentatives de suicide et l’automutilation non suicidaire (ANS), c’est-à-dire l’automutilation qui n’est pas liée à des idées suicidaires, sont en corrélation et comportent des facteurs de risque qui se recoupent, il s’agit de comportements distincts. (Allen, 1995; Battle et Pollitt, 1964; Brown, Comtois et Linehan, 2002; Fulwiler, Forbes, Santangelo et Folstein, 1997; Matsumoto et coll., 2004; Matsumoto et coll., 2005; Muehlenkamp, 2005; Nixon et coll., 2002; Pattison et Kahan, 1983; Walsh, 2006). Même si les personnes qui se mutilent sont plus susceptibles de se suicider que les autres, la cause du décès de la grande majorité d’entre elles (de 97 % à 99 %) n’est pas le suicide (Hawton, Zahl et Weatherall, 2003; Owens, Horrocks et House, 2002). Toutefois, il est généralement difficile de distinguer les tentatives de suicide et l’ANS, particulièrement dans un milieu complexe comme un établissement correctionnel (Claes et Vandereycken, 2007), et il arrive souvent que cette distinction ne soit claire ni dans la pratique ni dans la documentation. Pour déterminer s’il s’agit d’une tentative de suicide ou d’un cas d’ANS, il faut souvent se fier aux déclarations faites après coup par la personne en cause. Lorsque sont consultées les recherches, il est important de savoir quelle définition les auteurs ont utilisée. Comme un grand nombre de recherches n’établissent pas de distinctions claires entre les tentatives de suicide et l’ANS, nous utiliserons, dans le présent rapport, le terme « automutilation » de façon à englober ces deux types de comportements. Notre analyse documentaire portant sur la prévention et le traitement de l’ANS, les types d’intervention analysés seront donc essentiellement ceux qui permettent de réagir à ces comportements.

Dans la présente analyse documentaire sur l’automutilation en milieu correctionnel, nous commencerons par établir le profil des personnes qui se mutilent et décrire les facteurs externes associés à ce phénomène. Nous passerons ensuite en revue les interventions fondées sur l’expérience clinique ainsi que les mesures à adopter pour aider le personnel qui travaille auprès de détenus à risque, puis nous présenterons un sommaire des pratiques et des politiques actuelles du SCC relatives à l’automutilation. Enfin, nous proposerons des orientations que pourront prendre les recherches et les interventions.

Profil des délinquants et facteurs associés à l’automutilation

Pour orienter de manière efficace les efforts déployés en matière de traitement et de prévention, il est important de comprendre les personnes qui sont les plus susceptibles d’adopter ces comportements. Les situations ou les événements qui ont un lien avec l’automutilation et qui peuvent augmenter le niveau de risque de ceux qui adoptent ces comportements devraient faire partie de ce profil. Pour un examen plus complet des facteurs de risque et des corrélats de l’automutilation, veuillez consulter Self-Injurious Behaviour: A Review of the Literature and Implications for Corrections (Power et Brown, sous presse).

Profil démographique

Les recherches indiquent que les personnes qui se mutilent sont plus souvent jeunes, de race blanche et défavorisées sur le plan économique (Claes, Vandereycken et Vertommen, 2001; Gunnel, Peters, Kammerling et Brooks; Klonsky et Muehlenkamp, 2007; Skegg, 2005). L’automutilation est plus courante chez les adolescents et commence habituellement entre l’âge de 13 et 16 ans (Skegg, 2005; Claes, Vandereycken et Vertommen, 2001; Klonsky et Muehlenkamp, 2007). Les personnes âgées semblent moins enclines à se mutiler, mais lorsqu’elles le font, les conséquences peuvent être plus graves et elles sont plus nombreuses que les plus jeunes à mourir par suicide (NICE, 2004).

En ce qui concerne la prévalence de l’automutilation chez les femmes par rapport à celle chez les hommes, les recherches se contredisent (Klonsky, Oltmanns et Turkheimer, 2003). Si les recherches plus anciennes donnaient à penser que ces comportements étaient plus répandus chez les femmes, des études récentes font état de taux semblables chez les deux sexes (Klonskey et Muehlenkamp, 2007; Klonskey, Oltmanns et Turkheimer, 2003; Briere et Gil, 1998)

Les personnes qui se disent homosexuelles, lesbiennes ou bisexuelles sont plus susceptibles de se mutiler que celles qui se disent hétérosexuelles (Skegg, 2005). Dans une étude réalisée en Nouvelle-Zélande auprès de 946 personnes, on a constaté que le niveau de risque d’automutilation augmentait de manière significative à mesure que le niveau d’attirance vers le même sexe augmentait, et ce, aussi bien chez les hommes que chez les femmes (Skegg, NadaRaja, Dickson, Paul et Williams, 2003). Cette constatation semble cependant s’appliquer davantage aux hommes puisque même une faible attirance vers le même sexe augmentait chez eux la probabilité d’automutilation, ce qui n’était pas le cas chez les femmes. En fait, les recherches indiqueraient que le risque d’automutilation est plus élevé chez les hommes qui ont des comportements homosexuels chez les femmes (Skegg, 2005). Il faut toutefois souligner que ces groupes ont tendance à être plus souvent victimes d’intimidation, à souffrir de dépression et à consommer de la drogue ou de l’alcool de manière abusive, facteurs qui ont tous été associés au comportement automutilatoire (NICE, 2004; Jorm, Korten, Rodgers, Jacomb et Christensen, 2002). Il n’est pas sûr que l’homosexualité explique, à elle seule, les taux élevés d’automutilation au sein de cette population. Une étude a cependant permis de constater que, même après ajustement pour tenir compte de la consommation abusive de drogues ou d’alcool et des symptômes de dépression, les hommes homosexuels présentaient toujours un risque plus élevé de se mutiler (Herrell, Goldberg, True, Ramakrishnan, Lyons, Eisen et Tuang, 1999).

L’automutilation chez les populations incarcérées

Une étude sur l’automutilation, réalisée sur un échantillon de femmes incarcérées dans les établissements du SCC, a permis de constater que les femmes qui s’étaient mutilées pendant la peine qu’elles étaient en train de purger avaient des antécédents criminels plus graves et plus longs que celles qui ne se mutilaient pas (Wichmann, Serin et Abracen, 2002). Elles étaient proportionnellement plus nombreuses à avoir été déclarées coupables d’un crime violent et à avoir déjà fait l’objet d’une ou de plusieurs condamnations. Elles avaient également tendance à s’adapter difficilement au milieu carcéral, comme en témoignaient leurs placements en isolement disciplinaire, leur cote de sécurité élevée, leur haut niveau de risque et de besoins et leurs antécédents de tentatives d’évasion. Fait intéressant, ces femmes étaient également plus susceptibles d’avoir été victimisées au sein de l’établissement. Cookson (1977) a constaté que beaucoup des femmes qui se mutilaient en prison étaient plutôt jeunes, avaient des antécédents d’automutilation, purgeaient des peines de longue durée et avaient été déclarées coupables d’un crime de violence. On a fait des constatations semblables au sujet des détenus de sexe masculin dans d’autres pays (Irlande, 2000).

Les recherches n’ont pas encore permis de déterminer l’effet de l’incarcération sur l’automutilation non suicidaire (ANS). Il n’est toujours pas clair si ce comportement commence avant ou après l’incarcération et, dans les cas où elle commence avant l’incarcération, si elle est plus fréquente ou moins fréquente après l’admission dans un établissement correctionnel. Certains faits donnent à penser que la prévalence de l’ANS chez les délinquants avant leur incarcération serait plus élevée que chez les autres personnes de la collectivité (Jones, 1986). On a laissé entendre que l’automutilation est un comportement trop complexe pour pouvoir être expliquée par l’incarcération seulement (Maden, Chamberlain et Gunn, 2000) et qu’il faut tenir compte de nombreux facteurs pour trouver une explication à ce comportement dans les établissements correctionnels.

Les recherches menées sur divers échantillons dans la collectivité indiquent généralement que les personnes d’origine autochtone ont tendance à afficher des taux de suicide plus élevés (Colman, Yiannakoulis, Schopflocher, Svenson, Rosychuk et Rowe, 2004; Hunter et Harvey, 2002), mais l’ANS a fait l’objet de moins de recherches. Au SCC, la proportion de détenus qui s’enlèvent la vie est comparable à celle que l’on retrouve dans la population carcérale générale (SCC 2009). Cela revient à dire que, pendant qu’ils sont incarcérés au SCC, les délinquants autochtones ne présentent pas un risque plus élevé de se suicider. Il semble toutefois que les délinquantes autochtones au SCC affichent des taux plus élevés de comportement automutilatoire que les délinquantes non autochtones (Wichmann, Serin et Abracen, 2002) et que les délinquants autochtones soient plus à risque de tenter de se suicider que les délinquants non autochtones (Wichmann, Serin et Motiuk, 2000).

Selon les travaux de recherche disponibles, il est impossible de déterminer s’il y a une différence significative dans la prévalence ou l’étiologie de l’automutilation chez les délinquants autochtones. Dear (1999) a examiné les cas d’automutilation ayant eu lieu dans des prisons australiennes ainsi que plusieurs facteurs liés à l’automutilation, en fonction de l’appartenance à la population autochtone. Il en a conclu qu’il n’y avait pas de différence apparente dans les événements déclencheurs ou les motifs déclarés du recours à l’automutilation entre les groupes autochtone et non autochtone. Même si les Autochtones étaient moins nombreux à déclarer une intention suicidaire, mais plus nombreux à s’être déjà mutilés, l’absence de liens importants entre la race et l’automutilation donne à penser que l’on peut tirer des conclusions semblables en ce qui a trait à l’automutilation chez les délinquants autochtones et non autochtones.

Troubles psychiatriques

Les recherches établissent des liens entre divers troubles psychiatriques et mentaux et l’automutilation, plus précisément la dépression et les troubles anxieux (Skegg, 2005; Klonsky, Oltmanns et Turkheimer, 2003; Haw, Hawton, Houston et Townsend, 2001; Trepal et Wester, 2007). L’anxiété et la dépression sont en effet toutes deux des composantes d’un affect négatif. Comme le soulagement d’émotions négatives est souvent mentionné en tant que fonction de l’automutilation, il n’est pas étonnant que les personnes qui adoptent ce type de comportements affichent des taux plus élevés de dépression et d’anxiété (Klonsky, Oltmanns, et Turkheimer, 2003).

Les recherches ont également établi des liens entre l’automutilation, d’une part, et la schizophrénie et les troubles de l’alimentation, d’autre part (NICE, 2004; Claes, Vandereycken et Vertommen, 2001; Trepal et Wester, 2007). La concomitance de l’automutilation et d’un trouble de l’alimentation peut indiquer une affection plus grave et laisser présager des résultats moins satisfaisants. Certaines recherches semblent indiquer que l’automutilation est plus fréquente chez les personnes qui sont atteintes de boulimie ou d’anorexie de type boulimies/purges (Claes, Vandereycken et Vertommen, 2001).

Le trouble de la personnalité limite est souvent associé à l’automutilation. Ce trouble de la personnalité se caractérise par des relations interpersonnelles instables, l’impulsivité, la perturbation de l’identité et une intense instabilité affective. Il s’agit d’un des seuls troubles mentionnés dans le DSM-IV-TR pour lesquels les tentatives de suicide et l’automutilation sont des critères diagnostiques (American Psychiatric Association, 2000). Une étude réalisée sur des hommes qui avaient reçu des traitements psychiatriques pendant leur incarcération a permis de constater qu’un diagnostic de trouble de la personnalité limite était un prédicteur important de l’automutilation (Young, Justice et Erdberg, 2006). Des constatations semblables sont ressorties d’une étude qui excluait l’automutilation des critères diagnostiques du trouble de la personnalité limite afin d’éviter les variables confusionnelles. Les personnes qui s’étaient déjà mutilées étaient près de deux fois plus nombreuses à afficher des symptômes du trouble de la personnalité limite que celles qui ne l’avaient jamais fait (Klonsky, Oltmanns et Turkheimer, 2003).

La consommation abusive de drogues, et particulièrement d’alcool, s’est également révélée répandue chez les personnes qui avaient des antécédents d’automutilation. Ce résultat s’applique aussi bien aux personnes dans la collectivité qu’aux populations carcérales (Haw, Hawton, Houston et Townsend, 2001; Young, Justice et Erdberg, 2006; Borril, Burnett, Atkins, Miller, Briggs, Weaver et Maden, 2003). La consommation d’alcool ou de drogues pourrait jouer un rôle dans l’automutilation, que ce soit pendant l’acte lui-même ou immédiatement avant (NICE, 2004).

Plusieurs études ont permis d’établir une corrélation entre le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) et l’automutilation (Prinstein et coll., 2008; Weierich et Nock, 2008; Zlotnick, Mattia et Zimmerman, 1999). Il semblerait en effet qu’un ensemble de symptômes, comme le détachement, l’évitement et l’hyperstimulation contribuent à augmenter le niveau de risque d’automutilation chez les victimes de traumatismes (Weaver, Chard, Mechanic et Etzel, 2004; Weierich et Nock, 2008). Cette association entre le SSPT et l’automutilation a également été constatée chez les populations de délinquants (Salina, Lesondak, Razzano et Weilbaecher, 2007).

Milieu familial et soutien social

De nombreuses études qui ont examiné la relation entre les traumatismes vécus durant l’enfance, les milieux familiaux défavorables et le soutien social, d’une part, et l’automutilation ultérieure, d’autre part, ont souvent révélé des liens solides entre ces facteurs. Celles qui établissent une corrélation entre l’automutilation et les agressions sexuelles subies durant l’enfance sont particulièrement nombreuses (Borril et coll., 2003; Boudewyn et Liem, 1995; Gratz, Conrad et Roemer, 2002). La relation entre les antécédents d’agression sexuelle pendant l’enfance et l’automutilation a été établie aussi bien pour les hommes que pour les femmes. Une étude a révélé que 25 % des victimes d’agression sexuelle s’infligeaient des coupures depuis l’enfance tandis que 41 % se frappaient contre des surfaces dures (Weaver, Chard, Mechanic et Etzel, 2004). Une méta-analyse réalisée par Klonsky et Moyer (2008) a toutefois révélé que la relation entre les agressions sexuelles subies durant l’enfance et l’automutilation était faible. Cette divergence dans les constatations pourrait être due au fait que les chercheurs n’ont pas tenté de déterminer la contribution des variables connexes. Comme les facteurs tels que la condition socio-économique et la violence conjugale sont associés aux agressions sexuelles, il est possible que ces variables soient également liées à l’automutilation. Une étude réalisée auprès de 74 patients vient appuyer la position selon laquelle les traumatismes vécus durant l’enfance combinés à d’autres expériences peuvent contribuer au développement du comportement automutilatoire. Dans cette étude, le fait d’avoir vécu, enfant, des traumatismes tout en ayant été victime de négligence de la part des parents permettait de mieux prédire que le sujet s'infligerait des coupures que ne pouvait le faire le seul fait d’avoir été victime d’un traumatisme.

D’autres expériences négatives vécues durant l’enfance, y compris la violence familiale, le fait d’avoir été victime de négligence et le manque d’attachement aux parents/substituts, peuvent également jouer un rôle dans le développement d’un comportement automutilatoire. Comme ces facteurs ont tendance à se regrouper, il est difficile de cerner l’influence de chaque variable. Cependant, ensemble, elles peuvent être des indicateurs d’une vie familiale dysfonctionnelle (Skegg, 2005). Il y a lieu de penser qu’un tel milieu peut mener à l’apparition de problèmes interpersonnels et de mauvaises aptitudes sociales, ce qui peut augmenter, plus tard, le risque d’automutilation (Johnson et coll., 2002).

Si un manque d’attachement à la famille et des expériences négatives vécues durant l’enfance peuvent accroître le risque d’ANS, un soutien social positif pourrait être un facteur de protection. Des études ont en effet montré qu’un soutien social satisfaisant est anticorrélé à l’automutilation chez les jeunes adultes et les adolescents (Brausch et Gutierrez, 2010; Heath, Ross, Toste, Charlebois et Nedecheva, 2009; Tuisku et coll., 2009; Wichstrom, 2009).

Variables situationnelles

Outre les effets éloignés que peuvent avoir les traumatismes vécus durant l’enfance et les milieux familiaux défavorables, l’automutilation peut être précédée par des événements négatifs plus immédiats, comme un conflit interpersonnel ou l’échec d’une relation (Skegg, 2005; Walsh, 2006). Toutefois, il semblerait que ce soit non pas l’événement particulier qui déclenche le comportement automutilatoire, mais plutôt la réaction de la personne à cet événement. Il est concevable que tout événement qui cause de la détresse puisse déclencher un acte d’automutilation. Les recherches indiquent que l’affect négatif prend de l’importance et que l’affect positif s’affaiblit avant l’ANS (Muehlenkamp et coll., 2009). Les personnes qui commettent ce type d’actes éprouvent généralement une excitation physiologique extrême et intolérable en réaction à un événement stressant. Dans une étude comparative d’adolescents s’étant déjà mutilés et d’adolescents n’ayant pas un tel comportement, le premier groupe était plus excité sur le plan physiologique durant une tâche pénible et moins tolérant à la détresse (Nock et Mendes, 2008). Cela donne à penser que les personnes qui se mutilent ressentent davantage la détresse et sont plus excitées à la suite d’un événement négatif que les autres.

Savoir que d’autres personnes se mutilent pourrait être une autre variable situationnelle contribuant à ce type de comportement. Il pourrait y avoir un effet de contagion, c’est-à-dire que certains pourraient être plus portés à se mutiler après avoir vu quelqu’un d’autre le faire ou en avoir entendu parler. Il existe des comptes rendus de flambées de cas d’automutilation au sein de populations carcérales (Cookson, 1977; Matthews, 1968; Menninger, 1935; Offer et Barglow, 1960; Rosen et Walsh, 1989; Walsh et Rosen, 1985). Une recherche empirique rigoureuse n’a toutefois pas réussi à démontrer de manière concluante l’existence de ce phénomène. Le fait que la grande majorité des individus (73 % à 91 %) déclarent que ce n’est pas parce que des personnes ou des situations leur en avaient donné l’idée qu’ils se sont mutilés la première fois, permet de penser que si un effet de contagion existe réellement, il ne s’agit pas d’un effet important, ou que ces individus ne sont pas conscients de l’effet que l’automutilation d’autres personnes a sur eux (Favazza et Conterio, 1989; Nixon et coll., 2002; Nixon et coll., 2008).

Variables relatives à la personnalité

Mis à part les facteurs externes comme les traumatismes vécus durant l’enfance et les événements causant un état de détresse, des traits de personnalité peuvent également avoir une incidence sur l’adoption d’un comportement autodestructeur. Plusieurs études ont en effet établi des liens entre l’automutilation, d’une part, et l’impulsivité et l’agression, d’autre part. Herpertz, Sass et Favazza (1997) ont constaté que les personnes qui se mutilaient obtenaient un résultat plus élevé qu’un groupe témoin sur les mesures de fonctionnement impulsif de la personnalité et d’agression soudaine. Une corrélation a également été établie entre la gravité de l’acte automutilatoire, d’une part, et l’impulsivité, la colère chronique et l’agression, d’autre part (Simeon et coll., 1992).

Des recherches établissent un lien entre la dissociation mentale et l’automutilation. La dissociation est un état de séparation ou de rupture avec les pensées, les émotions ou l’état physique. Certaines personnes peuvent avoir une réaction dissociative quand elles sont envahies d’émotions négatives intenses ou de souvenirs pénibles qu’elles préféraient fuir (Briere et Gil, 1998). Selon Van der Kolk, Perry et Herman (1991), dans un échantillon de patients en psychiatrie, la dissociation mentale permettait de prédire que ces patients allaient s’infliger des coupures. On a également constaté que de hauts niveaux de dissociation mentale étaient liés aux actes d’automutilation chez des patients, qu’ils soient ou non atteints du trouble de la personnalité limite (Zlotnick, Mattia et Zimmerman, 1999). Des chercheurs estiment que l’automutilation pourrait aider à mettre fin à un état de dissociation et réduire la sensation de torpeur en centrant l’attention sur l’expérience physique de la douleur et de la vue du sang (Allen, 1995; Briere et Gil, 1998).

Il a été constaté qu’un large éventail de facteurs liés aux antécédents, au contexte social et à la personnalité influe sur l’automutilation. La population dont le SCC a la responsabilité comprend des individus qui présentent un risque élevé de se mutiler en raison de leur jeune âge, de leur situation socio-économique, de traumatismes passés, de leur forte consommation de drogues et d’alcool et de leurs problèmes mentaux. De plus, les facteurs comme la race, l’orientation sexuelle, l’incarcération, les problèmes de santé mentale, le milieu de vie durant l’enfance et les traumatismes vécus pendant cette période, les situations qui causent un état de détresse et les traits de personnalité individuels se combinent souvent et interagissent de manière unique chez chaque personne qui se mutile. Compte tenu de la complexité de ce type de comportement, il n’est pas étonnant qu’on ait adopté diverses stratégies d’intervention pour y réagir. Dans la section qui suit, nous examinons la pratique fondée sur des faits démontrés en ce qui concerne la gestion et le traitement des cas d’automutilation.

Interventions fondées sur des faits démontrés dans les cas d’automutilation

Même si plusieurs méthodes d’intervention et de traitement ont été proposées dans les cas d’automutilation, il en existe peu qui aient été empiriquement validées. La majorité des études publiées sont fondées sur des anecdotes et des expériences personnelles des professionnels de la santé mentale. Même si ces types de compte rendu sont importants pour la production d’hypothèses, des études empiriques sont nécessaires pour déterminer si les méthodes sont efficaces et, dans l’affirmative, pour quels groupes.

Les méthodes thérapeutiques décrites ci-dessous offrent diverses stratégies pour venir en aide aux détenus qui se mutilent. Un grand nombre de ces techniques seront surtout utiles au personnel des services de santé mentale qui travaille directement auprès de ces détenus. Toutefois, certains employés de première ligne, comme les agents de correction et les intervenants, sont aussi appelés à avoir des contacts directs avec des détenus qui ont ce type de comportement. Les stratégies d’intervention cliniques et administratives décrites ci-dessous s’appliqueront directement au personnel qui travaille régulièrement auprès de détenus qui se mutilent.

Évaluation du risque

Pour gérer et prévenir l’automutilation, il est important, tout d’abord, de pouvoir identifier les délinquants à risque. Malheureusement, peu de recherches se sont concentrées sur l’élaboration et la validation d’outils d’évaluation qui permettraient d’identifier les personnes, en général, et les détenus, en particulier, qui sont à risque de se mutiler. Actuellement, il n’existe aucun moyen officiel de reconnaître ces détenus (Lanes, 2009). Le personnel de première ligne, les travailleurs de la santé et les professionnels de la santé mentale doivent donc régulièrement déterminer si un détenu est à risque et, le cas échéant, doivent décider de la meilleure manière de réagir à ce risque.

La population et le milieu uniques des établissements correctionnels rendent problématique l’application aux détenus de mesures du risque conçues pour les populations non carcérales (Perry et Olason, 2009). Afin de pouvoir être appliqué à une population de détenus, un instrument doit convenir à des groupes diversifiés aux prises avec un large éventail de problèmes de santé mentale et ayant des caractéristiques ethniques variées, en plus d’être adapté au milieu unique qu’est l’établissement correctionnel (Hawton et James, 2007; Pratt, Piper, Appleby et Shaw, 2006).

Idéalement, les outils efficaces d’évaluation ou de prédiction des risques doivent être très sensibles (c’est-à-dire qu’ils doivent pouvoir reconnaître la plupart des gens qui adopteront le comportement ciblé) et très sélectifs (c’est-à-dire qu’ils devraient exclure ceux qui n’auront pas ce type de comportement; Greenhalgh, 1997). En ce qui concerne l’automutilation, il est plus important que l’outil soit très sensible plutôt que très sélectif puisqu’il est plus important d’identifier les personnes à risque que de catégoriser correctement celles qui ne le sont pas. La sélectivité a tout de même son importance étant donné qu’un instrument qui n’est pas assez sélectif inclura un trop grand nombre de personnes qui ne sont pas à risque de se mutiler, d’où un gaspillage de ressources.

L’un des instruments les plus couramment utilisés pour la prédiction de l’automutilation est l’échelle de désespoir de Beck (EDB), qui est un questionnaire rempli par le sujet et composé de 20 questions vrai ou faux cherchant à mettre en évidence les éléments de pessimisme et de désespoir qui envahissent le sujet (Beck, Brown et Steer, 1989; Beck, Weissman, Lester et Trexler, 1974). Selon certaines études, l’utilisation de l’EDB aide à prédire les tentatives de suicide chez les patients en psychiatrie, hospitalisés ou non (Beck, Brown et Steer, 1989), mais selon d’autres, sa validité prédictive est insuffisante (Beck, Brown, Berchick, Stewart et Steer, 1990; Beck et Steer, 1989; Niméus, Traüskman-Bendz et Alsén, 1997). L’EDB a également permis de prédire les actes d’automutilation dans la population générale (Colman, Newman, Schopflocher, Bland et Dyck, 2004; Hawton, Houston, Haw, Townsend et Harriss, 2003; Tyrer et coll., 2003), et une étude a utilisé l’EDB pour prédire les actes d’automutilation dans un petit échantillon de détenus atteints de troubles mentaux (Gray et coll., 2003). Une méta-analyse de l’utilité de l’EDB pour la prédiction d’actes d’automutilation, particulièrement d’actes récurrents, a révélé que, si la sensibilité du test est assez élevée pour cerner la majorité des personnes qui pourraient répéter leur geste, il n’est pas assez sélectif, ce qui produit un nombre trop important de personnes qui ne le répéteront pas, mais qui seront considérées comme étant à risque (McMillan, Gilbody, Beresford et Neilly, 2007).

Récemment, un instrument d’évaluation, SCOPE (Suicide Concerns for Offenders in Prison Environment), a été élaboré et validé auprès de délinquants jeunes adultes (Perry et Olason, 2009). Il s’agit d’un questionnaire composé de 27 items que les participants doivent évaluer selon une échelle allant de 1 (entièrement d’accord) à 6 (entièrement en désaccord). Cette échelle a été utilisée pour mesurer les risques de suicide et d’automutilation non mortelle rétrospectifs et prospectifs. Il a été mis à l’essai pour le volet prospectif auprès d’un échantillon de 465 jeunes délinquantes sur une période allant jusqu’à quatre ans. Pour ce groupe, la sensibilité de SCOPE était supérieure à celle de l’EDB (ce qui veut dire que plus de personnes qui étaient à risque ont été identifiées grâce à SCOPE que par l’EDB), et la sélectivité des deux outils était comparable (environ le même nombre de personnes avaient été identifiées incorrectement par l’utilisation des deux mesures). Dans l’échantillon en question, 70 % des femmes qui s’étaient déjà mutilées ont été identifiées positivement par SCOPE (sensibilité), et 63 % de celles qui ne s’étaient jamais mutilées ont été identifiées correctement comme n’étant pas à risque. Même si ces taux sont plus justes que ceux de l’EDB, un grand nombre de personnes seraient quand même identifiées incorrectement par ce test.

Lanes (2009) a tenté de prédire les actes d’automutilation chez les détenus de sexe masculin en s’appuyant sur des données d’archives. Il a comparé un groupe de détenus ayant des antécédents connus d’automutilation et un groupe qui n’en avait pas. Ce chercheur a effectué une analyse des variables dans les catégories suivantes : 1) développement, y compris l’âge au moment de l’étude, le niveau d’instruction, les mauvais traitements/négligences subis durant l’enfance, le statut parental, les traumatismes crâniens importants ou autres agressions du système nerveux central et l’état matrimonial au moment de l’étude; 2) santé mentale, y compris les diagnostics de troubles psychologiques ou psychiatriques, les soins de santé mentale reçus dans la collectivité, les tentatives de suicide réelles et la consommation abusive d’alcool ou de drogues dans le passé; 3) démêlés avec la loi/infractions, y compris le nombre d’infractions violentes et non violentes antérieures et les échecs de la surveillance communautaire pendant la probation ou la mise en liberté sous condition et 4) fonctionnement en établissement, y compris le nombre d’inconduites violentes graves, le nombre de transfèrements au cours des deux dernières années (y compris les transfèrements au sein de l’établissement) et le fait d’être actuellement placé en isolement prolongé dans un établissement à sécurité maximale et d’avoir déjà été placé en isolement protecteur ou d’en avoir déjà fait la demande. Selon le modèle créé à partir de ces variables, 95 % des détenus qui s’étaient déjà mutilés (sensibilité) et 93 % de ceux qui ne l’avaient jamais fait (sélectivité) ont été correctement identifiés. Ces valeurs prédictives positives sont très élevées, et, s’il était applicable à d’autres groupes, le modèle pourrait s’avérer un instrument utile pour l’évaluation du risque d’automutilation chez les détenus. Toutefois, comme une partie de l’information est fondée sur le comportement en établissement, il est possible que le modèle n’aide pas à prévenir l’automutilation chez les détenus nouvellement admis. Même si la méthode est prometteuse, elle doit encore être mise à l’essai prospectivement sur d’autres groupes afin d’en déterminer l’utilité pour la prédiction d’actes d’automutilation.

Thérapies globales

Une fois qu’ont été repérés les détenus qui se sont mutilés ou qui sont à risque de le faire, l’établissement correctionnel doit ensuite leur assurer une intervention appropriée. Plusieurs modèles thérapeutiques ont été proposés dont la thérapie cognitivo-comportementale (TCC), la thérapie comportementale dialectique (TCD), la thérapie cognitivo-comportementale à l’aide d’un manuel (TCCAM) et la thérapie d’acceptation et d’engagement (TAE). Ces thérapies sont décrites ci-après.

La thérapie cognitivo-comportementale (TCC)

La TCC englobe un ensemble d’approches diverses qui, généralement, visent systématiquement les comportements problématiques grâce à l’utilisation de la restructuration cognitive. Cette thérapie a été utilisée pour traiter un large éventail de problèmes psychologiques, dont les tentatives de suicide et l’automutilation. Elle peut être offerte individuellement ou en groupe (Freeman, Pretzer, Fleming et Simon, 2004).

Il n’existe pas d’approche de TCC universelle ou standard pour le traitement de l’automutilation. Toutefois, toutes les approches de TCC, quel que soit le problème psychologique visé, s’appuient généralement sur un certain nombre de principes généraux. Selon la TCC, les comportements dysfonctionnels sont cognitivement déterminés et peuvent donc être surmontés par la modification des croyances et de la cognition dysfonctionnelles associées aux comportements problématiques (Butler, Chapman, Forman et Beck, 2006). Dans le contexte des comportements suicidaires et automutilatoires, la TCC vise à aider l’individu à reconnaître les pensées et les croyances de base qui précèdent ces comportements. Des techniques cognitives et comportementales sont utilisées pour éliminer les pensées et les croyances cernées et aider la personne à trouver de meilleurs moyens pour réagir au stress (Brown et coll., 2005).

Une méta-analyse récente portant sur 28 études publiées a examiné la mesure dans laquelle la TCC permettait de réduire les comportements suicidaires, y compris l’automutilation (Tarrier, Taylor et Gooding, 2008). Selon les résultats de cette méta-analyse, la TCC est beaucoup plus efficace pour réduire les comportements suicidaires que les traitements minimaux ou ordinaires qui consistent en d’autres interventions psychosociales.

Thérapie comportementale dialectique (TCD)

La TCD est un type de TCC mis au point par Marsha Linehan (1993) en tant que programme de traitement global des personnes atteintes du trouble de la personnalité limite. Cette thérapie met l’accent sur les comportements suicidaires et autodestructeurs qui sont répandus chez les personnes atteintes du trouble de la personnalité limite. La TCD est donc un traitement approprié pour les personnes qui manifestent ce type de comportements même si elles ne satisfont pas à tous les critères liés à ce trouble de la personnalité.

La TCD est fondée sur une théorie biosociale de la personnalité et du fonctionnement comportemental selon laquelle les personnes qui ont des traits de la personnalité limite sont atteintes d’un grave dérèglement affectif qui résulte d’une interaction entre des irrégularités biologiques et des milieux dysfonctionnels (Linehan, 1993). Ces personnes sont très vulnérables sur le plan affectif et ont une grande difficulté à maîtriser leurs émotions, car elles n’ont pas la capacité nécessaire à la modulation des émotions. Le cadre dialectique de cette théorie part également du postulat que les personnes qui ont une personnalité limite et qui sont suicidaires ont un mode de pensée rigide et extrême et sont souvent déchirées entre des points de vue polarisés. Cela est aggravé par une incapacité de s’adapter aux changements du milieu (Linehan, 1993). L’objectif principal de la TCD est d’aborder ces déficits affectifs et cognitifs et d’enseigner les habiletés nécessaires pour les combler. La TCD met l’accent sur quatre modules de compétences ou d’habiletés : la pleine conscience, la tolérance à la détresse, la maîtrise des émotions et l’efficacité interpersonnelle (Berzins et Trestman, 2004). On utilise également le cadre dialectique pour aider le personnel qui peut souffrir d’épuisement professionnel en raison de ses rapports avec des personnes atteintes du trouble de la personnalité limite ou qui se mutilent. La TCD tient compte du fait que le personnel est souvent déchiré entre deux rôles (il doit par exemple déterminer s’il doit mettre l’accent sur la sécurité ou sur le traitement) et des émotions contradictoires. Le cadre dialectique permet d’explorer ces émotions et aide le personnel à éviter l’épuisement professionnel (McCann, Ball et Ivanoff, 2000).

Même si cette thérapie a été conçue d’abord comme traitement offert dans la collectivité, son fondement théorique s’applique particulièrement bien aux détenus qui doivent gérer un large éventail d’émotions négatives, comme la colère, la honte, la culpabilité et la tristesse, ainsi que s’adapter au milieu contraignant qu’est la prison (Eccleston et Sorbello, 2002). McCann, Ball et Ivanoff (2000) allèguent que la TCD est un traitement qui convient aux populations judiciarisées parce qu’il s’agit d’une approche cognitivo-comportementale structurée, méthode qui s’est révélée efficace pour réduire les taux de récidive et qui traite systématiquement les comportements qui sont violents et qui mettent la vie en danger. Elle vise également l’épuisement professionnel, qui est chose courante chez le personnel correctionnel. Un grand nombre d’études ont démontré l’efficacité de la TCD pour le traitement de l’automutilation dans la collectivité et dans des établissements psychiatriques. La majorité de ces études ont montré que la TCD était un moyen efficace de réduire l’automutilation et les comportements suicidaires (Low, Jones, Duggan, Power et MacLoed, 2001; Stanley, Ivanoff, Brodsky, Oppenheim et Mann, 1998; Bohus et coll., 2000). Hayes, Masuda, Bissett, Luoma et Guerrero (2004) ont systématiquement examiné sept essais contrôlés aléatoires de la TCD dans le traitement du trouble de la personnalité limite. Ils ont constaté que la TCD était beaucoup plus efficace que les traitements ordinaires, ceux-ci étant définis comme des interventions psychosociales différentes.

Une étude contrôlée plus récente qui établissait une comparaison entre la TCD et un traitement offert dans la collectivité par des experts a permis de solidement démontrer la capacité de la TCD de réduire l’automutilation (Linehan et coll., 2006). Ainsi, 101 femmes atteintes du trouble de la personnalité limite et ayant déjà fait au moins deux tentatives de suicide ou s’étant mutilées à au moins deux reprises au cours des cinq dernières années ont été assignées aléatoirement au groupe de TCD ou à celui du traitement offert dans la collectivité par des experts. Les participantes ont été traitées pendant un an et ont fait l’objet d’un suivi un an après la fin de ce traitement. On a constaté que le groupe ayant suivi une TCD avait commis un nombre beaucoup moins élevé de tentatives de suicide durant la période de deux ans que l’autre groupe. En outre, au cours de cette période de deux ans, les membres du groupe de TCD avaient eu moins souvent recours à des services de gestion de crise comme ceux offerts dans un service d’urgence (consultations ou admissions) pour des problèmes psychiatriques que les membres du groupe ayant reçu un traitement offert dans la collectivité par des experts. De plus, les participantes au groupe de TCD étaient trois fois moins nombreuses à avoir abandonné la thérapie.

La TCD s’est révélée un traitement efficace des actes suicidaires et automutilatoires qui sont des composantes du trouble de la personnalité limite, et elle a été adaptée aux populations carcérales. Un certain nombre de pays ont adapté la TCD à leur milieu correctionnel, dont les États-Unis, le Canada, l’Australie et le Royaume-Uni (Berzins et Trestman, 2004).

Dans bon nombre de ces pays, la TCD n’a fait son apparition dans le milieu correctionnel que récemment, mais les éléments de preuve recueillis jusqu’à maintenant donnent à penser qu’elle pourrait être aussi efficace dans les milieux judiciarisés que dans la collectivité. Nee et Farman (2005) ont indiqué qu’un programme pilote de TCD pour les délinquantes au Royaume-Uni avait permis de réduire la fréquence et la létalité des incidents d’automutilation dans un établissement. Même si l’échantillon était petit (14 participantes), les résultats sont prometteurs en ce qui concerne cette adaptation de la TCD.

Le programme RUSH (Real Understanding of Self-Help) est une adaptation australienne de la TCD aux milieux judiciarisés (Eccleston et Sorbello, 2002). Ce programme cible les délinquants qui affichent des traits de la personnalité limite, et particulièrement des idées suicidaires et des actes d’automutilation récurrents. Il vise à valider les réactions émotives, comportementales et cognitives actuelles et passées qu’ont les délinquants à des situations et à des événements stressants. L’objectif du programme est de réduire le nombre de tentatives de suicide et d’incidents d’automutilation chez les détenus en améliorant leur capacité d’adaptation.

Le programme RUSH est fondé sur le cadre original de la TCD de Linehan (1993). Toutefois, certaines modifications y ont été apportées pour qu’il puisse être appliqué aux délinquants. Par exemple, les modules ont été simplifiés de façon à tenir compte des faibles capacités de lecture des participants. On a également modifié certains termes et exemples de cas afin d’en assurer la pertinence et de veiller à ce qu’ils s’appliquent aussi bien aux hommes qu’aux femmes. La réduction des heures de thérapie individuelle nécessaires est une autre modification importante apportée à la TCD pour le programme. La TCD standard exige généralement des séances individuelles et de groupes hebdomadaires, ainsi que des consultations téléphoniques (Linehan, 1993). En raison de contraintes budgétaires et de restrictions liées au milieu carcéral, on a mis l’accent sur les séances de groupes, la thérapie individuelle n’étant offerte qu’au besoin. Le programme RUSH qui a résulté de ces changements est un programme d’intensité moyenne qui comprend 20 séances échelonnées sur une période de 10 semaines.

Le programme RUSH a été mis à l’essai dans un établissement correctionnel australien, auprès de détenus de sexe masculin d’âges variés et condamnés à diverses peines d’incarcération. Selon les résultats préliminaires de la recherche, cette adaptation de la TCD a entraîné une réduction des symptômes, surtout en ce qui concerne le niveau de stress. Les commentaires des participants étaient positifs : ils ont dit être très motivés et estimaient que les compétences acquises leur seront utiles. Même si les résultats préliminaires ne permettaient pas d’affirmer avec certitude que le programme avait influé sur les taux d’incidents d’automutilation, le personnel a fait état, sans ses rapports, de niveaux moins élevés de dysfonctionnement et d’automutilation chez les participants (Eccleston et Sorbello, 2002).

Au Canada, le SCC a adapté le cadre de la TCD au milieu correctionnel afin de traiter les délinquantes qui présentent un grave dérèglement affectif et comportemental (McDonough, Taylor et Blanchette, 2002). Un grand nombre de délinquantes qui suivent une TCD en établissement se sont déjà mutilées ou ont déjà tenté de se suicider. Le modèle de TCD global du SCC comprend une psychothérapie individuelle, des séances d’acquisition de compétences, un appui et un encadrement, ainsi que des consultations à l’échelle de chaque équipe ainsi qu’à l’échelle nationale pour les personnes qui offrent la TCD.

Au SCC, la TCD a été mise en œuvre dans les établissements pour femmes en 1997 et est maintenant offerte dans les unités en milieu de vie structuré des établissements de même que dans les unités de garde en milieu fermé. Dans les unités en milieu de vie structuré, le programme de TCD est offert à temps plein, les participantes intégrant les modules et les principes de la TCD dans leurs activités quotidiennes. Dans les unités de garde en milieu fermé, toutefois, le programme n’est pas en application 24 heures sur 24. Selon les résultats d’une évaluation préliminaire effectuée en 2003, la majorité des participantes et des employés estimaient que le programme de TCD contribue à la réalisation d’objectifs personnels, et les détenues avaient l’impression d’avoir modifié leur comportement de manière positive et d’avoir acquis de nouvelles compétences (Sly et Taylor, 2003).

Selon l’information actuellement disponible, la TCD semble être l’une des options les plus efficaces pour le traitement de l’automutilation chronique. Il est toutefois important d’émettre la mise en garde suivante : selon les éléments de preuve à l’appui de la TCD, cette forme de thérapie serait plus efficace pour les personnes dont les tentatives de suicide ou les actes d’automutilation sont chroniques et qui satisfont aux critères du trouble de la personnalité limite ou qui sont atteintes d’un dérèglement affectif profond (Koerner, Dimeff et Swenson, 2007). La TCD ne convient peut-être pas aux personnes qui se mutilent, mais qui ne présentent pas de dérèglement affectif lié au trouble de la personnalité limite. Même si cette description s’applique à un grand nombre de détenus qui se mutilent, elle ne s’applique pas à tous. D’autres options de traitement, examinées dans la section qui suit, pourraient mieux convenir à ces personnes.

La thérapie cognitivo-comportementale à l’aide d’un manuel (TCCAM)

On a récemment créé une nouvelle forme de thérapie pour traiter les comportements suicidaires et automutilatoires. Cette thérapie est une combinaison d’éléments de la TCD et de la TCC. Elle est censée être une thérapie de courte durée qui met l’accent sur la cognition et la résolution de problèmes (Boyce, Oakley-Browne et Hatcher, 2001). En fait, elle est une combinaison de thérapie individuelle et de l’utilisation d’un manuel de traitement. Les personnes qui suivent cette thérapie ont jusqu’à cinq séances de traitement au cours d’une période de trois mois et peuvent participer à deux séances de rappel facultatives dans les six mois suivants. Idéalement, la TCCAM est entamée dans les trois mois suivant l’incident d’automutilation. Les séances de thérapie sont axées sur la cognition et mettent l’accent sur les problèmes actuels de la personne (Tyrer et coll., 2003a). Une partie intégrante de cette intervention est l’utilisation d’un manuel de 70 pages traitant de sujets comme la résolution de problèmes, les techniques cognitives de base pour la maîtrise des émotions et des pensées négatives et les stratégies de prévention des rechutes (Evans et coll., 1999). Le manuel présente des exemples de cas qui reflètent ces sujets. La TCCAM est une approche de traitement relativement nouvelle, et ce n’est que récemment que l’on a cherché à en démontrer l’efficacité. Les trois études qui suivent portent sur cette approche.

Une étude pilote de la TCCAM a été effectuée auprès d’un échantillon de 34 patients externes atteints de troubles de la personnalité qui venaient de se mutiler et qui l’avaient fait au moins une autre fois dans le passé. Les participants se sont vus prescrire, au hasard, une TCCAM ou un traitement psychiatrique standard (TS) offert dans la collectivité. Des évaluations ont été effectuées dès le début du traitement, et tous les participants ont fait l’objet d’un suivi six mois plus tard. Selon les résultats de l’étude pilote, le groupe de TCCAM affichait des taux moins élevés d’incidents d’automutilation par mois (Evans et coll., 1999).

Une étude de suivi a été réalisée auprès d’un échantillon plus large pour comparer la TCCAM au TS (Tyrer et coll., 2003b). Dans cette étude de suivi, 480 participants se sont vus prescrire, au hasard, une TCCAM ou un TS et ont fait l’objet d’un suivi pendant un an. On a pris des mesures de référence relativement à l’automutilation, à la dépression et au fonctionnement social. Il n’y avait pas de différence significative dans le nombre d’incidents d’automutilation au sein des groupes de TCCAM et de TS après le traitement. Les améliorations relatives aux mesures de référence étaient égales pour les deux groupes.

Une troisième étude sur l’efficacité de l’approche de la TCCAM a utilisé un échantillon de 30 femmes atteintes du trouble de la personnalité limite et s’étant mutilées à répétition (Weinberg, Gunderson, Hennen et Cutter, 2006). Les participantes se sont vues prescrire, au hasard, une TCCAM ou un TS. Selon les résultats obtenus, les incidents d’automutilation étaient inférieurs, et cela de façon significative, chez le groupe participant à la TCCAM. Six mois plus tard, ces résultats étaient toujours les mêmes.

Même si peu d’études ont été consacrées à cette nouvelle approche, les résultats préliminaires sont prometteurs. La TCCAM est une forme de thérapie brève et efficiente qui pourrait être mise en œuvre dans un milieu correctionnel. Compte tenu de sa brièveté relative et de l’accent qui est mis sur la résolution de problèmes, la TCCAM pourrait être une solution de rechange appropriée à la TCD, plus intensive, et pour les populations pour lesquelles la TCD n’est pas une option appropriée.

La thérapie d’acceptation et d’engagement (TAE)

La TAE est une forme de thérapie relativement nouvelle qui a été utilisée pour traiter un large éventail de problèmes psychologiques, de la dépression à l’anxiété, en passant par la psychose, la perte de poids et l’amélioration de la performance athlétique. La TAE est fondée sur la théorie du cadre relationnel, qui part du principe que les gens rattachent essentiellement leurs pensées rationnelles, leurs émotions et leurs comportements au contexte où ils se produisent. Les contextes problématiques sont ceux où les émotions et les pensées rationnelles doivent être expliquées et maîtrisées, plutôt que d’être simplement vécues (Hayes, Masuda, Bissett, Luoma, Guerreo, 2004; Hayes, Strosahl, Bunting, Twohig et Wilson, 2004). Par ailleurs, l’essentiel de la cognition et du langage humains est déterminé par le contexte (Hayes, Luoma, Bond, Masuda et Lillis, 2006). Selon cette théorie et la TAE, la psychopathologie reflète des tentatives malsaines de maîtriser les émotions, les pensées, les souvenirs et les autres expériences personnelles ainsi qu’une importance trop grande et malsaine accordée aux fonctions cognitives par rapport aux expériences réelles et un manque de compréhension des valeurs de base et de la manière de se comporter conformément à ces valeurs (Hayes, Masuda, Bissett, Luoma, Guerreo, 2004; Hayes, Luoma, Bond, Masuda et Lillis, 2006).

Les preuves de l’efficacité de cette forme de thérapie sont mitigées. Selon une méta-analyse récente d’études contrôlées comparant la TAE à d’autres formes de thérapie, les participants à cette thérapie affichaient de meilleurs résultats que ceux qui étaient sur une liste d’attente ou que les groupes placebos. Toutefois, cette thérapie n’était pas beaucoup plus efficace que les traitements établis (Powers, Zum Vorde Sive Vording et Emmelkamp, 2009).

Une analyse récente de diverses études portant sur l’évaluation de la TAE dans le contexte de la dépression a révélé que la TAE était aussi efficace, voire plus efficace, que la thérapie cognitive (Ruiz, 2010). Cependant, les échantillons étaient petits et, à ce jour, on n’a réalisé que deux études dans le domaine de la dépression. En ce qui concerne l’anxiété, le même auteur a déclaré des résultats contradictoires. Certaines études n’ont révélé aucune différence importante entre les participants à la TAE et les personnes sur une liste d’attente ou bénéficiant d’un traitement établi, tandis que d’autres études ont révélé que la TAE était plus efficace (Ruiz, 2010)

On n’a pu trouver qu’une étude sur l’efficacité de la TAE pour les cas d’automutilation. Dans cette étude, un échantillon de 22 patients externes en psychiatrie qui satisfaisaient aux critères du trouble de la personnalité limite et qui avaient commis un acte d’automutilation au cours des six derniers mois, ont été désignés soit pour une intervention de groupe pour la maîtrise des émotions, soit pour un traitement traditionnel (Gratz et Gunderson, 2006). Le traitement de groupe pour la maîtrise des émotions consistait en un programme de thérapie de groupe de 14 semaines fondé sur l’acceptation, qui était une combinaison de la TAE, de la TCD, de la thérapie axée sur les émotions et de la thérapie comportementale. L’autre groupe a poursuivi son programme de traitement traditionnel externe. Des mesures de référence ont été prises relativement à l’automutilation, à la maîtrise des émotions et à la gravité des symptômes du trouble de la personnalité limite avant le début du traitement et à la fin de celui-ci. Les résultats ont indiqué que les membres du groupe qui avaient suivi le traitement de maîtrise des émotions présentaient des améliorations importantes quant à la gravité de leurs symptômes du trouble de la personnalité limite, leurs actes d’automutilation, la maîtrise de leurs émotions de même que leurs symptômes d’anxiété, de dépression et de stress.

Malgré ces résultats prometteurs, une mise en garde est nécessaire puisque le traitement de groupe pour la maîtrise des émotions examiné dans cette étude n’était pas fondé entièrement sur la TAE. La combinaison de la TAE, de la TCD et d’autres thérapies semble brouiller toute conclusion sur l’efficacité de la TAE dans le traitement de l’automutilation. Des recherches plus poussées permettraient de déterminer l’efficacité de cette forme de thérapie relativement nouvelle dans le traitement de l’automutilation.

Caractéristiques communes des interventions efficaces

Les thérapies de traitement mentionnées jusqu’à maintenant sont généralement intensives aussi bien en ce qui concerne leur durée que leur contenu. Même si les recherches indiquent généralement que la TCD et d’autres thérapies semblables sont les plus efficaces pour traiter l’automutilation, leur structure fait en sorte qu’elles ne sont pas toujours des choix pratiques dans un milieu carcéral. Les interventions qui se révèlent efficaces pour réduire l’automutilation ont toutefois certaines caractéristiques communes.

Une relation thérapeutique positive

L’établissement d’une relation positive et de soutien est essentiel à un traitement efficace de l’automutilation. La création d’une relation de travail solide entre l’aidant et la personne qui se mutile est la première étape nécessaire pour cerner le comportement et, au bout du compte, le réduire (Linehan, 1999; Muehlenkamp, 2006; Skegg, 2005). Cela rejoint les recherches cliniques en général, qui révèlent encore et encore qu’une relation solide entre l’aidant et le client est l’un des facteurs les plus importants dans la production de résultats positifs, quel que soit le type de thérapie offert (Horvath et Symonds, 1991; Kozart, 2002; Skeem, Louden, Polaschek et Camp, 2007).

Les recherches mettent en lumière un certain nombre de facteurs importants qui facilitent une relation thérapeutique positive. Par-dessus tout, il importe que l’aidant adopte une attitude dépourvue de tout jugement lorsqu’il interagit avec son client (Walsh, 2006). Les personnes qui se mutilent à répétition ont souvent déjà eu à affronter un grand nombre de jugements négatifs concernant leur comportement. Une attitude empreinte de « curiosité respectueuse » est recommandée lorsqu’on aborde le comportement (Walsh, 2006). En outre, les recherches indiquent qu’il est important de reconnaître et de valider les sentiments et les émotions qui mènent au comportement, ainsi que les motifs de la personne qui adopte ce comportement (Linehan, 2006; Muehlenkamp, 2006). Comme l’automutilation est souvent vue par le sujet comme une stratégie d’adaptation (encore qu’elle soit inefficace), il est important d’accepter ce point de vue afin d’établir une relation empathique.

L’utilisation d’un vocabulaire approprié pour parler de l’automutilation fait partie intégrante de l’établissement d’une relation positive. Walsh (2006) indique qu’on devrait éviter de considérer les actes d’automutilation comme des tentatives de suicide lorsque les véritables motifs ne sont pas clairs. Selon les études, les actes d’automutilation non suicidaire se distinguent des tentatives de suicide par leur but et les émotions qui y sont liées (Muehlenkamp, 2005; Walsh, 2006). Le fait de catégoriser le comportement n’est pas favorable à la création d’une relation positive et empathique. Aussi, il est recommandé que les aidants évitent d’utiliser l’expression « geste suicidaire », car celle-ci donne à penser que l’acte est négligeable et manipulateur (Walsh, 2006). Au moment d’aborder la question de l’automutilation, il est préférable d’utiliser le même vocabulaire que le client. Cette pratique (c’est-à-dire reproduire le vocabulaire du client) est souvent mentionnée comme un moyen de créer une alliance thérapeutique et de favoriser le respect (Duncan et Miller, 2000). Le fait d’utiliser les termes choisis par la personne lui donnera l’impression qu’on la comprend et lui inspirera confiance. Ces mêmes principes valent lors d’interventions auprès de détenus qui se mutilent.

Analyse de l’incident

Une fois la relation positive bien établie entre la personne qui se mutile et l’aidant, il devrait y avoir une analyse de l’incident d’automutilation. L’objectif de l’analyse est d’aider la personne à déterminer et à comprendre le contexte de ses actes d’automutilation (Muehlenkamp, 2006). Il importe de cerner les événements déclencheurs, y compris les émotions, les pensées et les facteurs environnementaux qui ont mené à l’automutilation. Les facteurs qui déclenchent l’automutilation seront différents d’une personne à l’autre; toutefois, ils pourraient comprendre une perte, un conflit interpersonnel, la frustration, la colère, l’isolement, la tristesse ou une interprétation négative d’événements apparemment neutres (Walsh, 2006). Il est important d’aider les personnes à établir des liens entre leur réaction émotive et cognitive à l’événement et l’événement lui-même. Comme les recherches indiquent que les personnes qui se mutilent ont tendance à avoir de la difficulté à maîtriser leurs émotions, leur réaction à des événements négatifs est souvent disproportionnée (Linehan, 1999).

Il importe également de cerner les événements qui maintiennent et renforcent les comportements liés à l’automutilation (Walsh, 2006). L’automutilation peut être utilisée en tant que moyen de réduire la détresse émotive et de soulager la personne psychologiquement. Dans le cadre de l’analyse d’un incident d’automutilation, il pourrait être nécessaire de déterminer exactement comment l’automutilation lui procure un soulagement. Par exemple, l’automutilation peut être utilisée pour réduire la colère, la tristesse ou la peur. Lorsque la personne éprouve un soulagement de ces émotions négatives après s’être mutilée, il est probable que ses comportements seront renforcés.

Il est essentiel de reconnaître tout renforcement social secondaire. Il peut y avoir des réactions particulières de la part du personnel ou d’autres détenus qui renforcent le comportement. Les réactions exagérément positives de préoccupation et de soutien, même si elles sont bien intentionnées, risquent de renforcer le comportement. Cependant, une réaction de choc ou de répugnance, qui est souvent naturelle dans le cas de l’automutilation, peut provoquer des sentiments de rejet et d’abandon, qui pourraient, à leur tour, déclencher un autre incident de comportement autodestructeur. On conseille souvent au personnel de limiter l’intensité de ses réactions émotives et de réagir plutôt avec calme et retenue (Walsh, 2006).

Le processus d’analyse d’un incident devrait être entrepris par l’intervenant en collaboration avec la personne qui se mutile. Comme cela a déjà été mentionné, une relation de soutien aidera ces personnes à examiner leur comportement de manière plus ouverte. Il peut y avoir beaucoup de honte associée à l’automutilation (McAllister, Creedy, Moyle et Farrugia, 2002). Une relation de confiance est donc essentielle à ce processus.

Formation axée sur les compétences

Les recherches indiquent que les personnes qui se mutilent ont souvent de la difficulté à résoudre leurs problèmes. Nock et Mendes (2008) ont constaté que les adolescents qui s’étaient déjà mutilés choisissaient des solutions plus négatives lorsqu’ils étaient confrontés à un problème social. De plus, ils étaient beaucoup plus susceptibles de considérer leurs propres capacités à résoudre des problèmes comme plus faibles que celles de leurs pairs. Les recherches sur les délinquants qui se mutilent ont également révélé un manque d’habiletés d’adaptation appropriées chez ce groupe (Dear et coll., 2006).

La formation axée sur les compétences est une composante commune des thérapies de traitement intensives comme la TCD et la TCC, et ce, parce que ces thérapies supposent, au départ, que les habiletés d’adaptation des personnes qui se mutilent sont faibles (Linehan, 1993). Typiquement, dans une formation axée sur les compétences, il sera question d’autres comportements et de techniques qui favorisent une plus grande tolérance à la détresse, la résolution de problèmes et l’acquisition de stratégies d’adaptation (Muehlenkamp, 2006). L’objectif principal est d’aider les individus à gérer leur détresse affective de manière plus efficace sans recourir à l’automutilation (Walsh, 2006). Comme l’automutilation est souvent utilisée en tant que mécanisme d’adaptation (Klonsky, 2007), il s’agit d’éliminer cette option en la remplaçant par des solutions de rechange plus efficaces et mieux adaptées.

Les compétences particulières varieront selon la personne et ce qu’elle trouve utile. Les exemples mentionnés dans les recherches comprennent le remplacement de comportements, la respiration en toute conscience, les techniques de visualisation, l’exercice physique, l’écriture ou la tenue d’un journal personnel, la création artistique, l’écoute de musique, la recherche d’un soutien social et l’utilisation de techniques de diversion (Dear et coll., 2006; Walsh, 2006).

Les cliniciens mentionnent souvent l’utilisation de techniques de diversion et les comportements de remplacement comme moyen utile de réduire les préjudices. Les comportements de remplacement comprennent les marques au crayon-feutre rouge sur le corps pour remplacer les coupures, le fait de tirer un élastique ou d’appliquer de la glace sur les parties du corps qui sont habituellement entaillées ou brûlées et le fait de dessiner une blessure sur le corps sans qu’il y ait réellement de blessures (Walsh, 2006). Lorsqu’elles sont utilisées en conjonction avec d’autres méthodes, ces techniques peuvent être efficaces à court terme pour faire cesser l’automutilation. Cependant, les études ne présentent guère d’éléments qui réussiraient à prouver l’efficacité de ces techniques. Elles peuvent se révéler utiles dans un milieu correctionnel pour réduire, dans l’immédiat, les blessures graves, mais une mise en garde s’impose. Comme elles évoquent l’automutilation réelle, on s’inquiète du fait que ces stratégies pourraient, à long terme, renforcer le comportement si d’autres thérapies plus efficaces ne sont pas fournies en conjonction avec elles (Conterio et Lader, 1998).

Dans une étude de cas décrite par Wallenstein et Nock (2007), l’exercice physique s’est révélé utile pour réduire l’automutilation. Actuellement, les détenus ont accès à des installations d’entraînement et ont la possibilité de faire de l’activité physique. Cependant, il pourrait être difficile d’offrir davantage de possibilités de faire de l’activité physique aux détenus qui se mutilent, car il faut tenir compte de l’établissement et de la cote de sécurité du détenu. Il faut approfondir la recherche effectuée dans ce domaine afin de pouvoir déterminer la mesure dans laquelle l’augmentation du niveau d’activité physique permet de réduire les actes d’automutilation.

Dans un sondage, on a demandé à un échantillon de 39 jeunes adultes qui s’étaient déjà livrés à des actes d’automutilation non suicidaire d’indiquer les méthodes qu’ils utilisaient le plus souvent pour résister à la tentation de se mutiler, et de les classer selon leur efficacité. Les quatre méthodes les plus efficaces étaient l’exercice et l’activité physique, l’élimination, dans leur domicile, de tous les moyens dont ils pourraient se servir pour se mutiler, la recherche d’une personne compréhensive et la spiritualité/religion (Klonsky et Glenn, 2008). Fait intéressant, les méthodes qui étaient utilisées le plus souvent n’étaient pas nécessairement celles qui étaient considérées comme les plus efficaces. Cette constatation démontre l’importance de travailler avec la personne pour lui apprendre des mécanismes d’adaptation efficaces. Une fois l’ensemble de compétences enseigné et le choix des compétences les plus appropriées convenu, il est important de suivre leur utilisation afin de déterminer si elles sont efficaces (Walsh, 2006).

Les recherches sur les approches correctionnelles judicieuses tendent à prouver que la formation axée sur les compétences devrait faire partie de tout programme qui cherche à réduire la récidive criminelle. Les capacités d’adaptation et les aptitudes sociales de base sont importantes pour affronter un large éventail de comportements problématiques, dont l’automutilation (Dear et coll., 2006). Les programmes à visée plus large qui comprennent une formation axée sur les compétences pourraient aider les détenus à risque de se mutiler qui n’ont pas été dirigés vers un traitement ciblant l’automutilation. De plus, cela réduirait la honte découlant d’une participation à de tels programmes puisque cette composante serait offerte à tout le monde. Le SCC incorpore déjà une composante de formation axée sur les compétences dans ses programmes correctionnels, comme le Programme de prévention de la violence, les programmes de prévention de la violence familiale, le Programme de prévention de la violence pour délinquantes, le Programme national de traitement de la toxicomanie et le Programme pour délinquantes toxicomanes. Les techniques et les approches de résolution de problèmes utilisées dans les programmes correctionnels actuels pourraient être adaptées à la prévention de l’automutilation.

Restructuration cognitive

Outre les techniques comportementales utilisées dans la formation axée sur les compétences, la restructuration cognitive est une autre stratégie commune aux interventions cliniques efficaces. Les personnes qui se mutilent ont tendance à avoir des convictions négatives à l’égard d’elles-mêmes, de leurs capacités et de leur avenir. Walsh et Rosen (1988) ont dégagé quatre pensées ou convictions clés chez les personnes qui se livrent à des actes d’automutilation non suicidaire : 1) l’automutilation est acceptable; 2) le corps et la personne sont dégoûtants et méritent d’être punis; 3) il faut prendre des mesures immédiates pour réduire les émotions négatives et 4) il faut prendre des mesures pour communiquer ses émotions négatives à d’autres. L’objectif de la restructuration cognitive est de récuser ces pensées et de les remplacer par des convictions plus adaptatives.

Dans ce contexte, on peut effectuer une restructuration cognitive en examinant en profondeur un incident passé d’automutilation avec la personne afin de cerner toute pensée ou conviction dominante. Généralement, la personne est en proie à des pensées et des croyances automatiques et récurrentes avant de se mutiler (Berk, Henriques, Warman, Brown et Beck, 2004). Elle ne sera peut-être pas consciente de ces pensées automatiques. Une fois les pensées négatives cernées, l’intervenant peut travailler auprès d’elle pour les récuser et les remplacer par quelque chose de plus adaptatif.

Afin de réduire ou même d’éliminer l’automutilation, l’intervenant devrait utiliser des techniques cognitives pour combattre ces croyances non adaptatives. L’un des moyens que l’on peut employer pour restructurer les pensées problématiques concernant l’automutilation est d’amener la personne à reconnaître que l’automutilation est incompatible avec le respect et l’estime de soi (Muehlenkamp, 2006).

Il vaut la peine de souligner que toutes les caractéristiques communes aux interventions efficaces relativement à l’automutilation qui ont été mentionnées dans la présente section sont compatibles avec les éléments des programmes correctionnels efficaces en général. Les relations thérapeutiques positives et les stratégies motivationnelles sont essentielles à tout bon programme correctionnel; l’analyse des incidents s’apparente à l’analyse visant la prévention des rechutes qui est incorporée à tous les programmes correctionnels actuels du SCC, et tous ces programmes sont fondés sur une approche cognitivo-comportementale, sur la formation axée sur les compétences et sur la restructuration cognitive.

Interventions pour les délinquants autochtones

Les facteurs qui favorisent l’automutilation chez les détenus autochtones et non autochtones sont probablement semblables, mais plus de recherches sont nécessaires afin de confirmer cette hypothèse en ce qui concerne les détenus sous responsabilité fédérale au Canada (Dear, 1999). Il est possible que des modèles d’intervention semblables puissent être mis en œuvre pour les deux groupes. Il serait toutefois peut-être bénéfique d’adapter certains aspects des interventions de façon à répondre aux besoins individuels des détenus autochtones. Le SCC offre actuellement un certain nombre de programmes correctionnels pour les délinquants autochtones, qui sont mis en œuvre parallèlement aux programmes pour les non-Autochtones. Par exemple, des versions à l’intention des Autochtones des programmes de traitement de la toxicomanie et des programmes de prévention de la violence sont offertes au SCC. Ces programmes ciblent les mêmes facteurs criminogènes et utilisent le même modèle cognitivo-comportemental que les programmes ordinaires, mais comprennent des cérémonies et des enseignements adaptés à la culture autochtone des participants. L’équipe responsable des programmes compte souvent un Aîné. On pourrait adopter une approche semblable pour la mise en œuvre des interventions ciblant l’automutilation. Il faut approfondir la recherche afin de cerner les composantes additionnelles qui pourraient être le plus bénéfiques aux détenus autochtones.

Mesures administratives

La section qui suit porte sur les mesures prises par les établissements dans les cas d’automutilation et qui sont décrites dans les projets de recherche, y compris le placement en isolement et l’attribution de cotes de sécurité. On y aborde également d’autres facteurs qui peuvent influer sur les taux d’automutilation, comme la taille de l’établissement et les ratios employés-détenus.

L’isolement

Les mesures prises par les établissements dans les cas d’automutilation comprennent souvent l’isolement préventif ou l’utilisation de cellules d’isolement afin de créer un milieu sécuritaire pour le détenu grâce à une surveillance accrue et à un accès plus limité aux instruments qu’il pourrait utiliser pour se mutiler. Il est toutefois possible que l’isolement des détenus portés à se mutiler soit contreproductif puisque, selon certaines recherches, l’isolement social augmente le risque d’automutilation chez les détenus (Howells, Hall et Day, 1999; Thomas, Leaf, Kazmierczak et Stone, 2006; Winkler, 1992). Le fait d’être placé en isolement peut accélérer la détérioration de la santé mentale et exacerber les sentiments de désespoir (Bonner, 2006; Howells, Hall et Day, 1999). L’isolement forcé augmente le niveau de détresse, car les détenus qui sont dans des contextes de privation sensorielle sont plus susceptibles d’être obsédés par les facteurs de stress et par leurs sentiments de désespoir et d’accablement (Howells, Hall et Day, 1999; Winkler, 1992). De plus, le placement d’un détenu dans une cellule d’isolement peut nuire à ses capacités d’adaptation puisque ses interactions sociales, qui constituent une option pour affronter les facteurs de stress, seront limitées (Howells, Hall et Day, 1999). Comme l’automutilation a généralement lieu dans des situations de confinement, l’isolement pourrait « renforcer les motifs d’automutilation et multiplier les occasions d’adopter ce type de comportements » [traduction] (Thomas, Leaf, Kazmierczak et Stone, 2006, p. 198).

En fait, plutôt que de réduire la fréquence de l’automutilation, il est possible que l’isolement en augmente le risque. Dans une étude menée auprès de 134 détenus, Bonner (2006) a constaté que ceux qui avaient été placés en isolement étaient plus nombreux à être déprimés et à avoir des idées suicidaires que ceux qui se trouvaient dans la population carcérale générale. Les résultats d’une étude récente sont encore plus éloquents : ils révèlent en effet que le placement en isolement préventif réduit considérablement, chez certains détenus, le temps passé sans automutilation. Lanes (2009) a comparé 132 détenus s’étant déjà mutilés à 132 détenus qui ne l’avaient jamais fait. Après avoir mis en concordance le temps passé en incarcération et la cote de sécurité des sujets des deux groupes, il a constaté que, pour le groupe qui s’était déjà mutilé, le nombre de mois passés sans automutilation dépendait du lieu où ils étaient incarcérés. Le temps passé sans automutilation chez ceux qui étaient en isolement préventif était réduit d’une période médiane de 17 mois. Le temps passé sans automutilation chez ces détenus était encore plus court s’ils étaient atteints d’un trouble de l’Axe I du DSM‑IV, surtout s’il s’agissait d’un trouble de l’humeur. Il importe toutefois de souligner que ces détenus n’étaient pas placés en isolement de façon aléatoire et qu’ils étaient donc probablement plus à risque d’adopter ces comportements que les détenus du groupe de référence.

Les délinquantes qui sont placées en isolement en raison d’un acte automutilatoire pourraient être particulièrement vulnérables, étant donné surtout les taux élevés de problèmes de santé mentale chez cette population. Celles qui sont placées en isolement à la suite d’un incident d’automutilation peuvent y voir une forme de punition plutôt qu’une mesure de sécurité ou de surveillance (Heney, 1990; Kilty, 2006). En outre, les délinquantes qui se mutilent pendant leur incarcération sont plus susceptibles d’être placées en isolement que celles qui n’ont pas ce type de comportements (Wichmann, Serin et Abracen, 2002).

Le recours à l’isolement dans le cas des détenus à risque élevé de se mutiler est souvent nécessaire pour assurer leur sécurité et les empêcher de mourir. Or, compte tenu des recherches qui indiquent que cette pratique n’est peut-être pas efficace pour réduire ce type de comportement et qu’elle pourrait, en fait, augmenter le risque d’automutilation chez certains, l’isolement devrait être utilisé avec prudence et seulement lorsque cela est absolument nécessaire pour assurer la sécurité du détenu. Aucune recherche n’a encore permis de déterminer si certains des facteurs qui accentuent les sentiments de solitude chez les détenus qui sont placés dans une cellule d’isolement peuvent être réduits par l’augmentation des interactions directes avec le personnel et des services de soutien pendant la période d’isolement. On devrait examiner les moyens de remédier aux émotions négatives qui accompagnent souvent l’isolement, en augmentant, par exemple, les interactions directes avec le personnel.

Actuellement, le SCC offre un Programme de soutien par les pairs qui pourrait être utile pour briser l’isolement social inhérent au placement en isolement. Établi en 1990 à la Prison des femmes, à Kingston, le Programme fait suite à la mise en place d’un réseau spontané de soutien formé par les délinquantes en temps de crise. Après la décentralisation de la Prison des femmes, le Programme de soutien par les pairs a été établi dans chaque établissement régional pour femmes (Blanchette et Eljdupovic-Guzina, 1998). Les équipes d’entraide sont composées entièrement de détenues qui ont suivi la formation exigée par le Programme de soutien par les pairs, sous la supervision d’un psychologue faisant partie du personnel. L’objectif principal du Programme est de donner aux détenues des compétences en intervention d’urgence et de les mettre à même de fournir des services de counseling aux autres détenues, à court terme. Les détenues bénéficient également d’une formation spécialisée sur la prévention du suicide et de l’automutilation, ainsi que sur les interventions liées à ces incidents (Darke, Diamond et Heney, 1996a; 1996b).

Une évaluation du Programme de soutien par les pairs à l’Établissement d’Edmonton pour femmes, à l’Établissement Nova, à l’Établissement Joliette et à l’Établissement Grand Valley a permis de constater que le Programme répondait aux besoins des détenues et qu’il facilitait les interventions en cas de crise. Ce qui est encore plus important, c’est que, de l’avis même des détenues en cause, le Programme les avait aidées à combattre des sentiments de dépression et d’anxiété, ainsi que des idées suicidaires et d’automutilation (Blanchette et Eljdupovic-Guzina, 1998; Syed et Blanchette, 2000a; 2000b). Le Programme est actuellement offert à l’Établissement Nova, à l’Établissement pour femmes Grand Valley, à l’Établissement d’Edmonton pour femmes et à l’Établissement de la vallée du Fraser pour femmes. Il a également été mis en œuvre au Pavillon de ressourcement Okimaw Ohci sous le nom de Cercle des gardiens du savoir. Il est aussi offert dans 11 établissements pour hommes.

Compte tenu des résultats préliminaires positifs de ce programme, il est possible qu’il soit offert dans d’autres établissements. En particulier, il pourrait être utilisé pour assurer un soutien additionnel aux détenus qui se mutilent et qui sont placés en isolement.

La cote de sécurité

Peu de chercheurs se sont penchés sur les liens qui peuvent exister entre la cote de sécurité et l’automutilation. La mesure dans laquelle des antécédents d’automutilation influent sur l’attribution initiale de la cote de sécurité ou la réévaluation de cette cote n’est pas connue. Même si certains soutiennent que l’automutilation chez les délinquantes est exagérément considérée comme une menace à la sécurité, plutôt que comme un problème de santé mentale (Kilty, 2006), ce n’est pas là ce que révèlent les recherches menées jusqu’à ce jour. Irving et Wichmann (2001) n’ont rien trouvé qui peut donner à penser que l’automutilation pendant l’incarcération entraînerait une à la réévaluation à la hausse de la cote de sécurité chez les femmes.

Selon une étude sur les tentatives de suicide chez les personnes en détention, les hommes qui tentent de s’enlever la vie durant leur incarcération sont plus susceptibles d’être placés dans un établissement à niveau de sécurité élevé (Wichmann, Serin et Motiuk, 2000). Autrement dit, ces détenus sont plus nombreux à être classés à risque élevé au moment de leur évaluation initiale que ceux qui n’ont pas fait de tentative de suicide en détention. Toutefois, en ce qui concerne les actes d’automutilation non suicidaire, aucune recherche n’a été menée sur la relation qui peut exister entre le classement de sécurité initial et le risque d’automutilation.

Les caractéristiques des établissements

Parmi les facteurs importants qui pourraient avoir une incidence sur l’automutilation on mentionne la taille de l’établissement, son aménagement, le ratio employé-détenus et la présence d’intervenants en santé mentale. Une enquête récente sur l’automutilation menée dans 473 établissements correctionnels pour adultes aux États-Unis (Kaminski, Smith et DeHart, 2009) n’a permis de relever aucune relation statistiquement significative entre la taille de l’établissement et le nombre de détenus qui se mutilent. Un grand nombre des cas d’automutilation dont il était question dans cette enquête impliquaient l’utilisation d’objets tranchants ou pouvant brûler. Le personnel qui a participé à l’enquête a avoué avoir beaucoup de difficultés à tenir ces articles loin des détenus qui se mutilent. Plus précisément, plus de 61 % ont dit qu’il était moyennement ou très difficile d’empêcher ces détenus d’avoir accès à des articles interdits.

Des recherches plus poussées sont nécessaires pour évaluer l’effet précis que les caractéristiques des établissements ont sur le taux d’automutilation parmi les détenus. Si l’on comprenait mieux pourquoi ces taux varient si fortement d’un établissement à l’autre, on aurait une meilleure idée des interventions qui permettraient d’améliorer le milieu carcéral pour ceux qui se mutilent. À ce jour, nous ne disposons pas suffisamment d’information pour pouvoir évaluer ces facteurs.

Aider le personnel à réagir à l’automutilation

Pour le personnel correctionnel, il peut être extrêmement stressant d’avoir à faire face à des actes d’automutilation chroniques, particulièrement lorsqu’il est appelé à travailler de façon prolongée auprès de détenus qui se mutilent de manière répétée (Sheppard et McAlister, 2003). On a souvent mentionné qu’un grand nombre d’employés du secteur correctionnel souhaiteraient recevoir une formation plus poussée et connaître un plus grand nombre de stratégies, ce qui les aiderait à intervenir auprès des détenus qui se mutilent fréquemment. Comme l’épuisement professionnel est chose courante chez le personnel qui a affaire à des populations qui se mutilent (D’Onofrio, 2007), celui-ci doit disposer de stratégies fondées sur l’expérience clinique si l’on veut qu’il réagisse adéquatement à ces comportements.

Perceptions du personnel à l’égard de l’automutilation et épuisement professionnel

Le personnel correctionnel joue un rôle essentiel dans la gestion et la prévention de l’automutilation dans les établissements, ce qui, naturellement, le soumet à de fortes pressions et à beaucoup de stress (Marzano et Adler, 2007). Malheureusement, les recherches ne contiennent pas assez d’information sur la manière dont il devrait réagir à ce type de comportement. Nous ne savons donc pas avec précision dans quelle mesure le fait d’avoir à composer avec des actes d’automutilation chroniques influe sur les niveaux de stress et sur la satisfaction à l’égard du milieu de travail. L’information tirée de recherches portant sur d’autres groupes généralement appelés à gérer ce type de comportement, comme le personnel infirmier et les psychiatres cliniciens, peut être appliquée au domaine correctionnel.

Le personnel infirmier et le personnel clinique qui ont fréquemment affaire à des individus qui se blessent intentionnellement ont généralement une perception négative de ce type de comportement et de ses effets sur leur niveau de stress. Ces intervenants ressentent souvent de la frustration, de la détresse, de la colère, de l’anxiété et un manque d’empathie envers les personnes qui se mutilent souvent (McAllister, Creedy, Moyle, et Farrugia, 2002; Reece, 2006). Par ailleurs, les émotions suscitées par l’automutilation peuvent créer un cercle vicieux. L’automutilation a tendance à susciter des pensées et des émotions négatives chez l’intervenant (c’est-à-dire infirmière/infirmier, clinicien, membre du personnel correctionnel), ce qui peut donner lieu à une interaction négative entre la personne qui adopte ce comportement et l’intervenant. Cette interaction négative peut mener à des émotions et à des pensées elles aussi négatives chez la personne à risque, ce qui, en définitive, peut déclencher un nouvel épisode d’automutilation (Rayner, Allen et Johnston, 2004). Même si on n’a pas encore transposé cette théorie au milieu correctionnel, il est plausible qu’un cercle vicieux semblable puisse se déclencher dans des établissements où certains individus se mutilent à répétition. Une bonne compréhension des motivations à l’origine de ces comportements et de la manière dont la réaction du personnel peut influer sur ces comportements est un élément essentiel de la gestion du problème et devrait être intégrée à la formation du personnel.

Approches adoptées pour appuyer le personnel dans la gestion de l’automutilation

Le SCC fournit actuellement à son personnel un certain nombre de moyens pour l’aider à gérer les cas des détenus qui se mutilent et à supporter le stress que fait naître le travail auprès de cette population. Les politiques du SCC obligent tous les employés qui interagissent régulièrement avec des détenus de suivre une formation en prévention du suicide (SCC, 2009b). Cette formation est dispensée par l’entremise du Programme de formation du personnel (PFC) ou du Programme d’orientation des nouveaux employés (PONE). Tous les deux ans, les employés doivent suivre une formation de mise à jour, laquelle est offerte en format électronique.

De plus, l’Administration centrale a récemment élaboré un programme de formation en cours d’emploi qui porte précisément sur la gestion des cas complexes. Cette formation vise à aider le personnel de première ligne à gérer les détenus qui ont de graves problèmes de santé mentale et qui présentent un risque élevé de se mutiler. Les sujets abordés portent notamment sur la compréhension de l’automutilation et des objectifs recherchés par le détenu ainsi que sur les stratégies d’évaluation et de traitement. Cette formation porte également sur la façon de venir en aide aux employés qui sont souvent confrontés à des cas d’automutilation.

Le SCC a de plus élaboré des politiques particulières concernant le Programme d’aide aux employés et la Gestion du stress lié aux incidents critiques (SCC, 2002). Le Programme d’aide aux employés (PAE) est un programme à participation confidentielle et volontaire qui aide les employés du SCC à gérer les problèmes personnels ou professionnels qui nuisent à leur bien-être et à leur productivité au travail (SCC, 2008c). Il fournit une aide à court terme et aiguille les employés vers des services communautaires spécialisés qui peuvent être remboursés par le Régime de soins de santé de la fonction publique. En ce qui concerne l’automutilation, les employés qui éprouvent de la détresse lors d’interventions auprès de détenus qui se mutilent à répétition ou qui s’infligent des blessures graves peuvent faire appel au PAE pour obtenir un soutien de leurs pairs et pour être dirigés vers des services dans la collectivité.

La Gestion du stress lié aux incidents critiques (GSIC) est une sous-composante plus spécialisée du PAE, et elle cible principalement les employés qui vivent des incidents critiques dans le cadre de leur travail. Il peut s’agir, entre autres, d’agents de correction, de conseillers en comportement et d’agents de libération conditionnelle. La GSIC fournit un appui au personnel de deux manières. Elle est d’abord un moyen de prévention, c’est-à-dire qu’elle renseigne et prépare les employés qui pourraient être exposés à des événements stressants dans le cadre de leur travail. Puis, elle fournit appui, aide et services de suivi aux employés qu’un incident critique en établissement a fortement marqués. L’équipe de GSIC est composée de membres du personnel et de professionnels de la santé mentale agréés et formés en gestion du stress lié aux incidents critiques. Tout employé qui vit des expériences éprouvantes au travail, y compris la gestion d’actes d’automutilation graves, peut se prévaloir des services de GSIC (SCC, 2008d).

Interventions présentées dans la littérature pour aider le personnel

Le stress comprend de nombreuses facettes, et les interventions pour y faire face dans le milieu de travail ne devraient pas se concentrer uniquement sur la méthode. Elles devraient plutôt être fondées sur une approche globale ciblant tous les niveaux de l’organisation (Marzano et Adler, 2007). Les théories de gestion du stress dans les milieux de travail classent généralement les stratégies d’intervention selon trois niveaux : primaire, secondaire et tertiaire (Murphy, 1996; Cooper et Cartwright, 1997; Marzano et Adler, 2007). Les interventions primaires ciblent la source du stress au sein du milieu de travail. Dans le cas de l’automutilation, les stratégies primaires de gestion du stress du personnel comprendraient des mesures comme celles qui sont décrites dans la section précédente pour prévenir et réduire les incidents d’automutilation dans l’établissement.

Une étude qualitative récente à petite échelle a révélé que le personnel infirmier psychiatrique qui travaille auprès de patients qui se mutilent n’a souvent pas une bonne compréhension des stratégies appropriées et réagit en se fondant sur son expérience. Ces infirmiers et infirmières ont affirmé travailler extrêmement dur pour gérer le comportement, mais déplorent ne pas avoir reçu la formation appropriée (Thompson, Powis et Carradice, 2008). Les auteurs de l’étude allèguent que, sans cadre théorique approprié sur lequel pourraient s’appuyer les interventions, les personnes qui travaillent auprès de patients qui se mutilent finissent par se sentir dépassées et inefficaces dans leur travail. Cela peut exacerber l’interaction cyclique entre le comportement automutilatoire et les comportements du personnel, parce que ce dernier aura peut-être, sans le vouloir, des réactions qui enrageront ou désespéreront les personnes à risque. Dans le cadre des interventions primaires pour la gestion du stress, la prévention et les interventions appropriées à l’égard de l’automutilation joueront donc un rôle majeur dans la réduction des niveaux de stress chez le personnel. Une meilleure compréhension de l’automutilation chez les détenus sous responsabilité fédérale est nécessaire à ces types d’interventions.

Les interventions secondaires sont les stratégies qui visent à réduire l’effet du stress sur les employés et à améliorer leur capacité d’affronter des facteurs de stress (Marzano et Adler, 2007). Cela comprend la formation axée sur les compétences et la formation sur la gestion du stress, particulièrement sur la maîtrise du stress provoqué par le travail auprès de détenus qui se mutilent de façon chronique.

Enfin, les interventions tertiaires sont celles qui mettent l’accent sur le traitement et le rétablissement des employés en proie aux effets néfastes du stress dans le milieu de travail. Généralement, ces interventions comprennent la participation au PAE ou le counseling individuel (Cooper et Cartwright, 1997). Les séances d’aide après un incident peuvent également représenter un mécanisme utile pour les employés qui ont eu à réagir à un incident d’automutilation particulièrement stressant, et peuvent aider le personnel à regagner la maîtrise de ses émotions et à mobiliser l’appui des collègues. Cette stratégie devrait être offerte à tous les employés qui souhaitent y recourir; cependant, elle ne devrait pas être obligatoire. Les recherches montrent en effet que les séances d’aide ne sont pas efficaces si elles forcent une personne à revivre un incident avant qu’elle n’y soit prête (Borrill et Hall, 2006).

Idéalement, on intégrerait le problème de l’épuisement professionnel dans une approche globale et systémique de la prévention de l’automutilation et des interventions à cet égard. Howells, Hall et Day (1999) proposent une approche intégrée de prévention du suicide et de l’automutilation dans les établissements correctionnels. Cette approche incorporerait l’évaluation primaire du risque à une prévention active, laquelle porterait, entre autres, sur la formation du personnel et l’intervention. Une approche globale permettrait de gérer l’épuisement professionnel du personnel en affrontant le problème à divers niveaux.

Pratiques actuelles de traitement et de prévention de l’automutilation au SCC

Pour gérer la complexité de l’automutilation, le SCC a actuellement un certain nombre de politiques et d’interventions en place pour le traitement et la prévention de l’automutilation au sein de ses établissements. De nombreuses directives d’orientation portent sur l’identification et l’évaluation des risques d’automutilation, ainsi que sur la façon de gérer les cas d’automutilation et les tentatives de suicide. Des initiatives particulières ont été mises en œuvre pour prévenir l’automutilation, dont des séances de formation et de sensibilisation aussi bien pour le personnel que pour les détenus. Des programmes de traitement ciblés ont également été mis en place pour répondre aux besoins des détenus qui se mutilent.

Procédures d’évaluation initiale

En vertu de la politique du SCC, chaque délinquant fait l’objet d’une évaluation initiale de son état de santé dans les 24 heures suivant son admission dans l’un des établissements du SCC (SCC, 2009a). Durant cette évaluation, le personnel recueille des informations précises sur l’état de santé mentale du nouveau détenu, y compris toute tentative de suicide qu’il aurait commise et tout comportement automutilatoire qu’il aurait adopté par le passé, ainsi que toute idée suicidaire ou d’automutilation qu’il pourrait avoir au moment de l’évaluation et déclarée par le détenu lui-même. Si on découvre qu’un détenu se mutile ou s’est déjà mutilé, une évaluation psychologique complète est demandée afin que l’état de santé mentale du détenu soit examiné plus en profondeur.

Un document de détermination des besoins immédiats est préparé à partir de l’information obtenue durant l’évaluation initiale. S’il a été constaté que le détenu a ou a déjà eu des comportements suicidaires ou automutilatoires, une alerte ou un indicateur est mis en évidence dans son dossier (SCC, s.d.). L’objectif de ces indicateurs/alertes est d’identifier les détenus à risque de se mutiler au sein de l’établissement.

Directives d’orientation

Le SCC a produit un certain nombre de documents stratégiques décrivant la marche à suivre lorsqu’un détenu se mutile. La directive d’orientation du SCC sur le suicide et l’automutilation explique le protocole à appliquer pour assurer la sécurité du détenu (SCC, 2009b). Les détenus qui sont suicidaires et qui se mutilent doivent être dirigés vers un psychologue ou un professionnel de la santé afin que soient déterminés leur niveau de risque et le type d’intervention approprié à leur cas. Si le niveau de risque est élevé, le détenu peut être placé dans une cellule d’observation où il sera surveillé de près. Cette directive décrit également les règlements concernant les transfèrements vers d’autres établissements. Les transfèrements sont interdits sauf s’il est établi que cela réduirait ou éliminerait le risque de suicide ou d’automutilation. La politique autorise, en cas d’acte autodestructeur, l’utilisation de matériel de contrainte pour des raisons de santé physique ou mentale lorsque le détenu risque de se blesser gravement et que d’autres mesures moins contraignantes n’ont pas permis de corriger la situation (SCC, 2008a).

L’un des objectifs principaux des interventions du SCC dans les cas d’acte autodestructeur est de protéger la vie. Par conséquent, tout article utilisé par un détenu pour se blesser ou tenter de se blesser peut être saisi dans le cadre d’une intervention appropriée, comme le précisent les documents de sécurité pertinents (SCC, 2008b). En outre, le SCC a formellement interdit l’utilisation de casques protecteurs pour empêcher les détenus qui se frappent la tête contre une surface dure de se blesser, car ces casques ne sont pas conçus pour protéger contre des impacts multiples et peuvent, en fait, causer ou aggraver des traumatismes crâniens (SCC, 2009c).

Interventions

Le SCC a lancé un certain nombre d’initiatives conçues pour le traitement et la prévention de l’automutilation. Le programme de thérapie comportementale dialectique (TCD) et le Programme de soutien par les pairs, décrits dans une section antérieure du présent rapport, font partie de ces initiatives. La TCD est actuellement offerte dans les six établissements pour femmes, ainsi qu’au Centre psychiatrique régional. Des versions de la TCD adaptées aux détenus de sexe masculin sont offertes au Centre de traitement Shepody. Les Programmes de soutien par les pairs sont actuellement mis en œuvre dans un certain nombre d’établissements du SCC.

Le SCC offre également un atelier de sensibilisation au suicide et de prévention aux détenus, quels que soient leur cote de sécurité et leur sexe. Tous les détenus peuvent participer à cet atelier de trois heures, ainsi qu’à des séances de mise à jour. L’objectif de l’atelier est de sensibiliser les détenus au suicide et de favoriser, globalement, la santé mentale et le bien-être. L’atelier est généralement animé par des bénévoles, le personnel infirmier ou des aumôniers, et est souvent incorporé aux programmes correctionnels ou aux programmes de formation existants. L’animateur est formé en prévention du suicide (SCC, 2001).

our sa part, le personnel du SCC est sensibilisé au suicide et à l’automutilation, et à la façon d’y réagir, dans le cadre de la formation sur la prévention du suicide, formation obligatoire pour tout employé qui a régulièrement affaire aux détenus et qui est suivie d’un cours de recyclage tous les deux ans (SCC, 2009b). Cette formation, qui porte à la fois sur le suicide et l’automutilation, traite, entre autres, des facteurs de risque, des stratégies d’intervention et des réactions fréquentes du personnel à l’automutilation.

En cours d’élaboration

Le Groupe de travail national sur l’automutilation, qui a été formé dans le but de réduire la fréquence et la gravité des actes d’automutilation dans les établissements du SCC, a élaboré une stratégie et un plan d’action nationaux afin de répondre aux besoins des détenus qui se mutilent. Le Groupe a établi un certain nombre de priorités stratégiques qui permettront d’atteindre cet objectif. Des comités régionaux sont actuellement mis sur pied pour aider les établissements à gérer les cas de détenus qui se mutilent souvent ou dont les actes autodestructeurs sont graves.

La première priorité stratégique est d’améliorer la connaissance de l’automutilation du SCC grâce à plusieurs initiatives de recherche qui sont en cours. La révision et la mise à jour des documents stratégiques sont une autre priorité. Une fois révisés, ces documents comprendront des lignes de conduite et des outils à jour pour l’évaluation et la gestion cliniques des cas d’automutilation à répétition. Des modifications au Système de gestion des délinquant(e)s (SGD) sont également prévues pour améliorer le repérage, la surveillance et le suivi des incidents d’automutilation.

La stratégie nationale ciblant les détenus qui se mutilent comprendra également une composante de soutien pour le personnel puisque le Comité consultatif national du Programme d’aide aux employés sera appelé à examiner les programmes de soutien existants et à cerner les besoins supplémentaires ainsi que les occasions d’amélioration.

Le SCC a mis en œuvre plusieurs stratégies pour prévenir l’automutilation et il continue de chercher des moyens d’améliorer le plan d’intervention. En général, la stratégie touchant l’automutilation est conforme aux pratiques recommandées. Le Service reconnaît que l’automutilation constitue une préoccupation et cela, dès l’évaluation initiale des délinquants, alors que des efforts sont déployés pour repérer les personnes à risque. Une fois identifiés, ces détenus sont soumis à des interventions thérapeutiques, comme la thérapie comportementale dialectique, le counseling psychologique et les mesures de soutien par les pairs. Une formation et des services de soutien sont également offerts au personnel qui travaille auprès de ces détenus. Des interventions, comme celles qui sont décrites dans le présent rapport, pourraient venir compléter les stratégies existantes et s’ajouter à la gamme de mesures déjà en place pour aider le personnel à gérer ce comportement troublant et complexe.

Conclusion

L’automutilation n’est toujours pas bien comprise, particulièrement lorsqu’il s’agit de la population carcérale. Toutefois, on sait qu’il existe un large éventail de facteurs liés au passé des détenus, au contexte social et à la personnalité qui peuvent influer sur ce comportement. Une meilleure compréhension des facteurs qui influent sur l’automutilation permettrait l’élaboration de traitements et d’interventions plus efficaces.

Le SCC fait déjà appel à un certain nombre d’approches validées empiriquement pour gérer l’automutilation, comme l’évaluation initiale des risques, la thérapie comportementale dialectique et le soutien par les pairs, ainsi que la formation et la sensibilisation du personnel. La thérapie cognitivo-comportementale à l’aide d’un manuel (TCCAM) et l’analyse des incidents sont d’autres options qui bénéficient d’un appui empirique préliminaire et qui sont conformes à l’approche générale des programmes correctionnels du SCC. Le SCC doit également voir comment il pourrait amoindrir le sentiment de solitude éprouvé par les détenus placés en isolement en raison de leurs actes autodestructeurs, et déterminer s’il est possible de réduire la fréquence de ces comportements tout en assurant la protection du détenu par l’isolement. Ces méthodes pourraient comprendre des rapports plus fréquents avec le personnel et avec d’autres détenus par l’entremise du Programme de soutien par des pairs.

Les recherches sur l’évaluation des risques (c’est-à-dire sur la prédiction d’incidents d’automutilation) en sont toujours au stade de l’élaboration. Il faut poursuivre ce travail afin de trouver un moyen efficace d’identifier les détenus à risque. Un bon outil de prédiction aiderait les travailleurs de la santé à consacrer leurs ressources limitées à ceux qui en ont le plus besoin.

Il y a actuellement, au SCC, des programmes de soutien et de formation pour le personnel qui intervient auprès de détenus au comportement autodestructeur. Toutefois, il est possible que ce personnel ait besoin d’une formation plus poussée pour mieux gérer ces individus. Par ailleurs, on pourrait lui offrir un meilleur soutien afin de réduire le risque d’épuisement professionnel et d’améliorer sa qualité de vie. Il faut poursuivre la recherche pour déterminer quel type de soutien serait le plus utile au personnel dans les établissements. Les premières indications mettent cependant en évidence l’importance d’une formation qui l’aiderait à comprendre les motivations des détenus qui se mutilent et de stratégies qui permettraient de réduire la fréquence de ce comportement.

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