Évolution des programmes correctionnels dans le système correctionnel fédéral du Canada
Contexte historique – Avant 2000
Depuis le milieu des années 1970, le Service correctionnel du Canada (SCC) offre des programmes de réinsertion sociale dans la collectivité et en établissement aux délinquants purgeant une peine de ressort fédéral. Une série de rapports des groupes de travail internes (p. ex. Réduction de la toxicomanie-1990; Réinsertion sociale-1997) et du Bureau du vérificateur général du Canada (p. ex. Programmes de réadaptation pour les délinquants-1996; Réinsertion sociale des délinquants-1999) a ouvert la voie à la prestation d’un ensemble de programmes correctionnels abordant des sujets tels que l’acquisition de compétences psychosociales, la maîtrise de la colère et des émotions, la vie sans violence, les interventions auprès des délinquants toxicomanes et le traitement des délinquants sexuels dans les centres régionaux de traitement et les centres psychiatriques régionaux tout au long des années 1990 (et en vue du développement futur).
Publication
RIB-23-40
2024
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Évolution des programmes correctionnels dans le système correctionnel fédéral du Canada
En 1998, avant le tournant du millénaire, les responsables fédéraux, provinciaux et territoriaux des services correctionnels ont demandé au SCC d’élaborer un cadre en vue de se doter d’un compendium sur « ce qui fonctionne » dans les programmes pour délinquants. Ainsi, la Direction de la recherche du SCC a rassemblé un groupe d’experts internationaux et a entrepris un examen complet de la documentation sur l’efficacité des programmes correctionnels et les méthodes d’évaluation. Par conséquent, le Compendium 2000 des programmes correctionnels efficaces, un recueil de cinq parties en deux volumes, a été publiéNote de bas de page 1 et rendu accessible sur le site Web du SCC. Le volume 1 donne une évaluation exhaustive et critique des études empiriques dans le domaine des services correctionnels et des changements comportementaux. Le volume 2 présente un aperçu des programmes existants dans les administrations correctionnelles canadiennes : il réunit des renseignements sur l’emplacement, le niveau d’intensité et le type, les groupes cibles, la date de début, l’orientation théorique, les volets du programme, les cibles du programme, le mode de prestation des services et les intervenants. Ces efforts de recherche considérables ont jeté les bases fondées sur des données probantes en vue du passage à la prochaine génération de programmes nationaux de réinsertion sociale du SCC.
De 2000 à 2010
Avec l’arrivée du nouveau millénaire, un ensemble de programmes correctionnels reconnus à l’échelle nationale ainsi que leurs descriptions (population cible, format du programme, modules du programme, résultats, agrément, état de la mise en œuvre et programme en bref) sont apparus à l’échelle du SCCNote de bas de page 2 : programme Alternatives, Attitudes et Fréquentations (AAF); Programme de guérison de base (pour délinquants autochtones); Programme des cercles de changement (pour délinquantes autochtones); programmes de prévention de la violence – Programme de prévention de la violence – Intensité élevée (PPV-IE); Programme de prévention de la violence – Intensité modérée (PPV-IM); Programme de prévention de la violence - Maintien des acquis (PPV-MA); Programme de prévention de la violence pour délinquantes (PPVD); nouveau programme Esprit de la guerrière; programme En quête du guerrier en vous; programmes de prévention de la violence familiale – Programme préparatoire (Les Chemins du changement), Programme d’intensité élevée de prévention de la violence familiale (PIEPVF), Programme d’intensité modérée de prévention de la violence familiale (PIMPVF), Programme national de suivi thérapeutique en prévention de la violence familiale, Programme d’intensité élevée de prévention de la violence familiale pour Autochtones; programmes de traitement de la toxicomanie – Programme national de traitement de la toxicomanie - intensité élevée (PNTT-IE), Programme national de traitement de la toxicomanie - intensité modérée (PNTT‑IM), Programme national de traitement de la toxicomanie (PNTT) - Programme de rappel prélibératoire, Programme national de traitement de la toxicomanie - suivi, Programme d’intervention pour délinquantes toxicomanes, Programmes pour délinquants autochtones toxicomanes; programmes pour délinquants sexuels – Programme national pour délinquants sexuels – Intensité élevée (PNDS-IE), Programme national pour délinquants sexuels – Intensité modérée (PNDS-IM), Programme national pour délinquants sexuels – Faible intensité (PNDS-FI), Programme pour délinquantes sexuelles, Programme Tupiq (pour délinquants inuits); programmes correctionnels communautaires – Programme communautaire de maintien des acquis, Programme de prévention des rechutes et de suivi dans la collectivité pour délinquantes, Programme de maintien des acquis pour les délinquantes autochtones, Programme communautaire de maintien des acquis pour les délinquants inuits. Les programmes de prévention de la violence ont été entièrement accrédités par un groupe international d’experts en 2000, puis accrédités de nouveau en 2005. Le PIEPVF, le PIMPVF et le PPV-MA ont été pleinement accrédités en 2001. Le PNTT-IE, le PNTT-IM, le PNTT - Programme de rappel prélibératoire et les programmes de maintien des acquis ont été entièrement accrédités en 2004. Le PNDS-IM et le PNDS-FI ont tous deux été accrédités en 2002.
En 2009, on a réalisé une évaluation majeure des programmes pour délinquants violents, des programmes de prévention de la violence familiale, des interventions de lutte contre la toxicomanie, des programmes pour délinquants sexuels et des programmes communautaires de maintien des acquis du SCC. Note de bas de page 3 Bien que les constatations présentées ici soient de nature sommative, « les délinquants sous responsabilité fédérale qui ont participé à des programmes correctionnels du SCC ciblant un besoin établi en matière de traitement avaient changé après le traitement et avaient plus de chances d’obtenir une libération discrétionnaire ». Plus important encore, toutefois, « au chapitre des résultats dans la collectivité, la participation à des programmes correctionnels est associée à une réduction des réincarcérations, ce qui comprend les révocations pour manquement aux conditions et les récidives (pour infraction sans violence, infraction avec violence ou infraction sexuelle de ressort fédéral ou provincial) ». En outre, « la grande majorité des programmes correctionnels évalués étaient efficaces sur le plan des coûts puisqu’en moyenne, chaque dollar investi dans ces programmes a engendré un rendement de l’ordre de 1 à 8 $ ». Les rendements susmentionnés se traduisent par des économies de coûts découlant d’un nombre moindre de jours d’incarcération. Cette réduction des coûts d’incarcération est, quant à elle, attribuable à des libérations anticipées et à des séjours prolongés au sein de la collectivité.
De 2010 à aujourd’hui
Pour ce qui est de la dernière génération de programmes correctionnels reconnus à l’échelle nationale, le Modèle de programme correctionnel intégré (MPCI) repose sur une stratégie globale axée sur les programmes correctionnels qui s’applique du début à la fin du processus correctionnel, de l’admission du délinquant jusqu’à son retour dans la collectivité. Il prévoit une intervention continue et systématique, du début à la fin de la peine du délinquant. Les besoins de chaque délinquant sont déterminés lors de l’évaluation initiale et sont ensuite ciblés et traités au fur et à mesure que le délinquant purge sa peine, de son admission dans un établissement jusqu’à son retour dans la collectivité.
Le MPCI comporte quatre volets : 1) Volet multicible – Intensité modérée ou élevée; 2) Volet multicible pour Autochtones – Intensité modérée ou élevée; 3) Volet pour délinquants sexuels; 4) Volet pour délinquants sexuels autochtones. Chaque volet a sa propre version du programme préparatoire, du programme principal et du programme de maintien des acquis. La nature multicible du MPCI permet au SCC de cibler de façon plus holistique les besoins et les risques associés à chaque délinquant.
Les programmes « préparatoires » visent les objectifs suivants : 1) aider les délinquants à cerner les facteurs qui les ont poussés à prendre part à des activités criminelles; 2) motiver les délinquants à voir les avantages de leur participation à un programme correctionnel; 3) enseigner aux délinquants des compétences de base en maîtrise de soi pour gérer les situations à risque élevé auxquelles ils feront face en établissement avant de suivre le programme correctionnel (c.-à-d. la gestion des états de manque, la gestion des conflits, etc.). Pendant le programme préparatoire, les délinquants établissent des objectifs personnels qui les aideront à gérer les facteurs de risque qui ont mené à leur participation à des activités criminelles.
Le volet multicible du programme « principal » du MPCI porte sur la toxicomanie, le crime motivé par l’appât du gain, la violence générale et la violence conjugale ou familiale. Le volet pour délinquants sexuels du MPCI tient compte de tous les éléments susmentionnés et des infractions sexuelles. Les volets (multicible et pour délinquants sexuels) pour Autochtones du MPCI offrent des programmes adaptés à la culture qui portent à la fois sur les facteurs criminogènes des délinquants autochtones et sur les enjeux liés aux antécédents sociaux des Autochtones. Tous les volets du programme principal permettent d’acquérir des compétences identiques ou semblables (p. ex. l’autosurveillance, la résolution de problèmes, l’établissement de buts, la maîtrise des émotions, la remise en question des distorsions cognitives, les compétences sociales). Certains volets du programme (pour Autochtones et pour délinquants sexuels) permettent d’acquérir d’autres compétences particulières.
Le MPCI comprend également un programme de maintien des acquis en établissement et un programme communautaire de maintien des acquis, qui donnent l’occasion aux délinquants d’acquérir, de renforcer et de maintenir leurs compétences tout au long de leur peine. Les principales activités comprennent du soutien et de la rétroaction offerts aux délinquants lorsqu’ils mettent en pratique les techniques de maîtrise de soi afin qu’ils puissent contrôler et surmonter les problèmes du quotidien.
Le lancement et la mise en œuvre du MPCI en 2010 à l’échelle du système correctionnel fédéral canadien ont marqué le passage d’un modèle axé sur la prestation en séquence ou sur l’échelonnement de programmes multiples à l’établissement de quatre volets de programmes distincts d’intensité variable. Le MPCI comprend un niveau d’intensité élevée, un niveau d’intensité modérée, ainsi qu’un niveau adapté d’intensité modérée. Le programme multicible d’intensité élevée s’adresse aux délinquants qui présentent un risque élevé de récidive. Il comporte 87 séances de groupe et 5 séances individuelles, soit 92 séances au total. Il est habituellement coanimé par deux agents de programmes correctionnels (APC), et il se déroule sur une période de cinq mois. Le programme multicible d’intensité modérée s’adresse aux délinquants qui présentent un risque modéré de récidive. Il prévoit 46 séances de groupe et 5 séances individuelles, soit 51 séances au total; il est dispensé par un seul APC et se donne sur une période de trois mois. Le programme multicible d’intensité modérée (adapté) s’adresse aux délinquants qui présentent un risque modéré de récidive, mais ont de la difficulté à fonctionner, notamment en raison de déficiences cognitives, de problèmes de santé mentale et/ou de difficultés d’apprentissage. Il se compose de 62 séances de groupe et de 5 séances individuelles, soit 67 séances au total, qui sont également dispensées par un seul APC.
En 2019, une évaluation du SCC Note de bas de page 4 a révélé qu’en comparaison avec les 784 délinquants admissibles ne participant pas au MPCI, les 1 608 délinquants ayant terminé le MPCI présentaient des probabilités nettement inférieures de révocation de leur liberté sous condition pour toute raison (41 % contre 23 % ou probabilité moindre de 44 %) ou en raison d’une infraction (6 % contre 3 % ou probabilité moindre de 50 %). De plus, il était plus probable que les délinquants ayant terminé le MPCI bénéficient d’une mise en liberté anticipée (Chadwick et coll., 2019).
Dans une autre évaluation réalisée en 2021Note de bas de page 5 , le SCC a constaté que ceux qui ont terminé le Programme communautaire de maintien des acquis (PCMA) du MPCI affichaient une probabilité significativement plus faible de révocation pour toute raison par rapport, à la fois, à ceux n’ayant pas achevé le PCMA et à ceux qui n’y ont pas participé. Plus particulièrement, ceux ayant terminé le PCMA affichaient une diminution de 91 % de la probabilité d’une révocation pour toute raison par rapport à ceux qui n’ont pas achevé le PCMA. De même, ceux ayant terminé le PCMA affichaient une diminution de 86 % de la probabilité d’une révocation pour toute raison par rapport à ceux qui n’avaient pas été exposés au PCMA.
Alors que le MPCI et ses diverses catégories (p. ex. module hybride, module motivationnel) sont destinés aux hommes, il existe une série de programmes correctionnels pour délinquantes (PCD), comme le programme d’engagement des délinquantes, le programme d’intensité élevée, le programme d’intensité modérée, le programme de maîtrise de soi ainsi qu’un volet pour les délinquantes autochtones et un programme pour délinquantes sexuelles. Par ailleurs, un ensemble de programmes pour délinquants inuits est offert, avec des programmes préparatoires d’intensité variable (modérée ou élevée) pour les délinquants sexuels et le maintien des acquis en collectivité ou en établissement.
Épilogue
Face aux défis en matière correctionnelle des années 2020, il semble maintenant qu’en 2023, les techniques d’évaluation et d’aiguillage récemment simplifiées (c.-à-d. l’utilisation de l’Indice du risque criminel pour déterminer l’intensité des programmes requis, etc.), lorsque combinées avec la prestation du MPCI, du programme pour délinquantes et du programme pour Inuits, ont grandement amélioré l’efficacité de la méthode de gestion du SCC sur le plan des besoins hautement spécifiques et des risques multifactoriels des délinquants.
Pour de plus amples renseignements
Veuillez communiquer avec la Direction de la recherche par courriel.
Vous pouvez également consulter la page des Publications de recherche pour obtenir une liste complète des rapports et des sommaires de recherche.
Préparé par : Larry Motiuk
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