L’héritage de Louise : La perte tragique qui a transformé les services correctionnels communautaires

le 29 octobre, 2024

décorative

Dans le bureau d’Audra Andrews, une photo du service commémoratif de l’agente de libération conditionnelle Louise Pargeter est placée bien en évidence. Pour Audra, responsable des agents de libération conditionnelle au Service correctionnel du Canada (SCC), la photo vise à reconnaître l’héritage de Louise, mais elle sert aussi de sinistre rappel des réalités auxquelles le personnel correctionnel dans la collectivité est confronté chaque jour dans l’exercice de ses fonctions.

« Je conserve la photo du service commémoratif de Louise, en partie pour qu’elle me serve de rappel à moi-même, mais aussi pour dire aux autres qui elle était et quelle importance elle a eu », dit Audra.

Le 6 octobre 2004, Louise a été tragiquement tuée dans l’exercice de ses fonctions à titre d’agente de libération conditionnelle dans la collectivité à Yellowknife. Son décès a non seulement mis en évidence les défis uniques du travail dans les collectivités éloignées, mais il a aussi fait ressortir le besoin d’élargir notre approche pour assurer la sécurité du personnel correctionnel travaillant dans la collectivité. Dans les mois qui ont suivi son décès, un comité consultatif consacré à la sécurité du personnel dans la collectivité a été mis sur pied. Le comité, qui est maintenant connu sous le nom de Comité consultatif sur la sécurité et les opérations dans la collectivité (CCSOC), a été formé dans le but d’empêcher qu’une telle tragédie ne se reproduise.

Maintenant, 20 ans plus tard, l’héritage de Louise continue d’inspirer d’innombrables autres personnes au sein des services correctionnels communautaires, notamment grâce au travail du CCSOC.

Se souvenir de Louise

Louise Pargeter, agente de libération conditionnelle
Louise Pargeter, agente de libération conditionnelle.

Louise et sa famille ont quitté l’Angleterre pour s’établir au Canada quand elle avait 12 ans. Elle a grandi à Calgary, et a ensuite obtenu un diplôme de l’Université de l’Alberta. Des années plus tard, elle s’est retrouvée à Yellowknife, et a été captivée par la beauté de la région. Elle a décidé d’y déménager.

À Yellowknife, elle a commencé à travailler dans la collectivité, avant de finalement se joindre au Service correctionnel du Canada. C’est aussi là qu’elle a rencontré sa partenaire de longue date et qu’au printemps 2004, à peine quelques mois avant son décès tragique, elle est devenue mère.

Jan Fox, une de ses anciennes collègues et la directrice régionale d’Edmonton et des Territoires du Nord‑Ouest à l’époque, se souvient à quel point Louise était appréciée par toutes les personnes qui la connaissaient.

« Louise avait un sourire des plus rayonnants; elle était resplendissante. Ses collègues, les gens de Yellowknife et, évidemment, sa famille, l’aimaient énormément », dit Jan.

Jan a eu le privilège d’apprendre à bien connaître Louise au fil des années, puisqu’elle a fait plusieurs voyages de son bureau à Edmonton vers Yellowknife. Malgré le long déplacement, Jan se souvient d’avoir été accueillie chaque fois à bras ouverts.

« Elle était toujours chaleureuse et accueillante, et elle riait beaucoup. Elle était heureuse, bienveillante et compatissante », ajoute Jan.

« C’était une agente de libération conditionnelle extraordinaire. »

David Neufeld, président du Syndicat des employé-e-s de la Sécurité et de la Justice (SESJ), était un jeune agent de libération conditionnelle à peu près dans les mêmes années que Louise. Ayant lui-même vécu les difficultés du travail dans les collectivités éloignées, il se rappelle du courage, de la compassion et de la fierté dont Louise faisait preuve dans son travail.

« Louise incarnait sans contredit l’excellence en ce qui a trait à notre travail dans la collectivité », dit-il.

La tragédie frappe

photos accrochées à un mur, au-dessus d’une table sur laquelle se trouve une plaque
Photos commémoratives de Louise accrochées aux murs du Bureau de libération conditionnelle des Territoires du Nord-Ouest, à Yellowknife.

Le matin du 6 octobre 2004, Louise s’est déplacée pour ce qui s’annonçait comme une visite à domicile normale chez l’un des délinquants de la région. Comme lors d’innombrables autres visites à domicile, elle s’y est rendue seule, mais cette fois, elle n’est jamais revenue.

Malheureusement, Louise a été tuée tragiquement dans l’exercice de ses fonctions.

Ses collèges ont commencé à s’inquiéter quand ils n’arrivaient pas à la joindre après son absence à un événement d’équipe planifié. Avant la fin de cette journée, la nouvelle dévastatrice de son décès a envoyé des ondes de choc dans son équipe et partout au pays.

« Je me souviens encore quand j’ai appris la nouvelle », se rappelle Audra Andrews. « Vingt ans se sont écoulés, mais c’est comme si c’était arrivé hier. »

Après être arrivée chez elle, Audra est restée assise dans sa voiture, pour tenter d’assimiler ce qui s’était passé. Elle se rappelle avoir regardé le bulletin de nouvelles, et avoir pris le temps d’absorber la dure réalité.

« Ma vie a changé », affirme-t-elle.

David se rappelle aussi très bien où il était quand il a appris la nouvelle. À peine revenu lui‑même d’une visite à domicile dans une collectivité éloignée, il s’est senti tout à fait dévasté.

Il se souvient parfaitement de l’appel téléphonique.

« Est-ce que tu peux arrêter sur le côté de la route? », lui a demandé son collègue au téléphone, pendant que David revenait d’une visite.

« Je me souviens avoir été stupéfait à l’idée que cela pouvait arriver. Je venais à peine de revenir d’une réserve du Nord, au milieu de nulle part, et je me suis rapidement rendu compte que cela aurait aussi pu m’arriver, dans d’autres circonstances. »

« Alors, je ne l’ai jamais oublié », ajoute-t-il.

Le début de quelque chose de nouveau

Le décès tragique de Louise a constitué un moment dévastateur pour les services correctionnels communautaires d’un bout à l’autre du pays. Malgré tout, avec le temps, il a aussi été à l’origine d’une série de changements dans le but d’empêcher qu’une telle tragédie ne se reproduise.

Dans les mois qui ont suivi son décès, un comité d’enquête a été mis sur pied en vue d’examiner les circonstances entourant l’incident. L’un des principaux résultats a été la mise sur pied du Comité consultatif sur la sécurité du personnel travaillant dans la collectivité, qui mettait l’accent sur la mise à jour des pratiques et des procédures propres aux services correctionnels communautaires.

Le Comité, qui demeure actif, regroupe divers niveaux de gestion et de représentation du SCC, le SESJ et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC). Le groupe est responsable de renforcer son engagement visant à assurer la sûreté et la sécurité de toutes les personnes qui travaillent dans le domaine des services correctionnels communautaires.

Sherri Rousell, directrice du district du centre de l’Ontario et membre du comité depuis sept ans, affirme qu’une grande partie du succès du groupe provient de l’accent qu’il met sur la collaboration.

« Il y a beaucoup de collaboration, tout le monde à la table est là pour la même raison. Nous sommes tous là pour parler de la sécurité du personnel et faire en sorte que des politiques et des procédures soient en place pour assurer la sécurité du personnel dans la collectivité », dit Sherri.

« Par ailleurs, il ne s’agit pas seulement d’un comité collaboratif, nous voyons de réels changements », ajoute-t-elle.

Ce à quoi ressemble le changement

Au fil des ans, les travaux du Comité ont mené à plusieurs changements importants. L’une des principales améliorations, se rappelle Sherri, est la refonte de l’évaluation de la sécurité du personnel par le Comité. Maintenant, tous les agents de libération conditionnelle peuvent déterminer quand la surveillance en tandem est nécessaire, peu importe le niveau de risque du délinquant.

« L’évaluation permet maintenant aux agents de libération conditionnelle de déterminer si la surveillance en tandem est nécessaire ou non, peu importe le cas, et elle est beaucoup moins restrictive », explique Sherri. 

Sherri s’est jointe au Comité deux ans après l’élargissement de ses objectifs en vue d’inclure l’aspect opérationnel des services correctionnels communautaires, ce qui a mené à changer son nom pour qu’il s’appelle le Comité consultatif sur la sécurité et les opérations dans la collectivité. En plus du changement de nom, plusieurs autres améliorations clés ont été apportées à la sécurité du personnel dans la collectivité, dont un bon nombre ont été rendues possibles par l’évolution des technologies.

Carol Osborne, vice-présidente régionale du SESJ et membre du Comité depuis 13 ans, souligne que « nous n’avions pas ce que nous avons maintenant ».

En tant qu’ancienne adjointe à la gestion des cas, Carol assurait le suivi des agents de libération conditionnelle et de leur emplacement approximatif au moyen d’un registre d’entrée et de sortie.

« Depuis, les choses ont complètement changé. Évidemment, c’est beaucoup mieux avec ce que nous avons maintenant depuis les 20 dernières années, et j’estime que Louise a été le catalyseur de tout cela », déclare Carol.

Ce qui a commencé comme un simple registre d’entrée et de sortie est devenu le Système d’alerte de sécurité communautaire entièrement numérique, surveillé en tout temps par le Centre national de surveillance (CNS) du SCC à Ottawa. Le CNS est l’œil vigilant sur lequel se fient les agents de libération conditionnelle pour assurer leur sécurité quand ils travaillent dans la collectivité. Les agents du CNS sont chargés de surveiller les agents de libération conditionnelle dans l’exercice de leurs fonctions et d’offrir une aide immédiate lorsque survient une situation d’urgence.

Le Système d’alerte de sécurité communautaire a été introduit en 2019, et il s’agit maintenant du système standard utilisé par les agents de libération conditionnelle lors des visites à domicile.

Les agents saisissent l’adresse et les détails dans l’application, qui les surveille activement jusqu’à la fin de la visite, pour veiller à leur retour en toute sécurité. L’application comprend aussi un bouton d’alerte d’urgence qui peut composer automatiquement le 911.

« Il est malheureux et extrêmement triste d’avoir perdu un membre du personnel parce que nous n’avions pas de protocoles appropriés en place, mais les choses ont tellement changé depuis, et je suis très fière du travail que nous accomplissons au Comité pour assurer la sécurité de tout le monde », affirme Carol.

Un hommage à Louise

Banc sur une terrasse surplombant la vue panoramique d’un lac.
Le banc commémoratif restauré et remis à neuf surplombe l’horizon du Grand lac des Esclaves que Louise visitait souvent.

Carol, Sherri et les autres membres du Comité continuent de discuter trois fois par année de la sécurité, des pratiques et des procédures pour les services correctionnels communautaires.

Lors de la plus récente réunion, une activité très spéciale a été organisée.

Plus tôt en octobre, à l’occasion du vingtième anniversaire du décès de Louise, tous les membres du CCSOC se sont rendus à Yellowknife pour tenir leur réunion et commémorer l’héritage de Louise dans sa ville.

Dans le cadre de ce voyage, l’équipe a rendu hommage à Louise en dévoilant un banc commémoratif réparé et restauré en son honneur. Le banc a une profonde signification pour toutes les personnes concernées.

photo de groupe des membres du Comité consultatif sur la sécurité et les opérations dans la collectivité assis sur le banc commémoratif et autour de celui-ci
Une photo de groupe de membres du CCSOC qui se sont rendus à Yellowknife plus tôt en octobre.

De 2005 à 2006, des employés du SCC de partout au pays ont amassé des fonds pour construire le banc et préparer la plaque qui l’accompagne. Il a été placé près de la résidence de Louise, où sa partenaire habite encore – à un endroit qu’elles visitaient souvent ensemble. La beauté tranquille du banc, qui surplombe l’horizon du grand lac des Esclaves, et la force des environs reflètent les valeurs que Louise incarnait : la compassion, le service et l’engagement indéfectible envers les personnes dont elle s’occupait.

Le banc restauré restera en place pendant de nombreuses années, et il s’agira d’un endroit où se reposer et réfléchir. Tout comme ce banc, l’héritage de Louise a été lui aussi renouvelé.

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