La perspective d’une commissaire : une discussion avec la Commissaire Anne Kelly
27 mars 2024
En 2018, Anne Kelly est devenue la neuvième commissaire du Service correctionnel du Canada (SCC) depuis la création de l’organisme en 1979. Elle est la deuxième femme à avoir été nommée à ce poste. L’équipe d’Entre Nous s’est entretenue avec la commissaire au sujet de sa carrière.
Faire carrière dans le domaine des services correctionnels
Le lendemain de son 17e anniversaire, Anne Kelly a amorcé des études de premier cycle en biologie à l’Université d’Ottawa dans le but d’entreprendre des études en médecine. Elle a choisi la psychologie parmi ses cours au choix, et elle a adoré, ce qui l’a incitée à revoir son choix de carrière. Après avoir obtenu son baccalauréat en sciences, elle a entamé un programme de maîtrise en criminologie qu’elle a terminé à l’âge de 21 ans.
Cet été-là, en 1983, elle a postulé un emploi en tant qu’agente correctionnelle puisque le SCC embauchait.
« Puisque j’étais bilingue, le comité de sélection m’a dit : ‟Pouvez-vous revenir pour une entrevue pour un poste d’agente de gestion des cas (agente de libération conditionnelle)?” J’ai accepté l’invitation et on m’a offert le poste sur-le-champ. »
C’est ainsi qu’en octobre 1983, Mme Kelly a amorcé sa carrière dans le domaine des services correctionnels à l’Établissement de Collins Bay, à Kingston. Elle adorait son travail, elle était bien acceptée par ses nouveaux collègues et elle sentait qu’elle contribuait à améliorer la situation des délinquants auprès desquels elle travaillait.
Avant d’avoir terminé son année de probation, on lui a demandé de siéger à un comité de sélection qui embauchait de nouveaux agents de libération conditionnelle. Elle a alors été détachée à l’administration régionale. Entre deux entrevues, l’adjoint administratif du sous-commissaire régional lui a dit que ce dernier voulait lui parler.
« J’avais alors moins d’un an de service et je n’avais pas encore saisi le concept de hiérarchie, alors je lui ai répondu : ‟Oh, dites-lui que je suis occupée à mener des entrevues.” Il m’a répondu : ‟Tu ne comprends pas, c’est le sous-commissaire régional.” Je me suis donc présentée au bureau de cet homme du nom d’Art Trono, qui est maintenant décédé. Il m’a dit : ‟Écoute Anne, je ne vous connais pas, mais j’entends de bonnes choses à votre sujet, et je tenais à vous dire que je crois que vous irez loin au sein de cet organisme.” Ces paroles ont eu un impact réel sur moi. »
Le sous-commissaire régional avait vu juste. Mme Kelly a travaillé dans de nombreux établissements de la région de Kingston comme agente de libération conditionnelle, superviseure de la gestion des cas et gestionnaire d’unité, y compris à la Prison des femmes et aux établissements de Joyceville et de Warkworth. Elle a également travaillé dans la collectivité. En 1996, elle a été nommée sous-directrice de l’Établissement Mountain, dans la région du Pacifique. Elle a fait son entrée à l’administration centrale en 1998, occupant différents postes tels que ceux de directrice, Opérations de réinsertion sociale en établissement; directrice générale, Programmes pour délinquants et réinsertion sociale, et commissaire adjointe p. i., Opérations et programmes correctionnels. Elle a été nommée au poste de sous-commissaire pour les femmes en 2004. Son cheminement de carrière au SCC l’a ensuite ramenée en Colombie‑Britannique où elle a occupé le poste de sous-commissaire régionale de 2006 à 2011. Cinq ans plus tard, elle a effectué un retour à l’administration centrale pour assumer les fonctions de sous-commissaire principale.
« Pour ma part, le fait d’avoir gravi les échelons m’a aidé à acquérir un incroyable bagage de connaissances des activités du SCC sous différents angles. J’ai eu la chance de travailler en établissement, dans la collectivité, dans une administration régionale et à l’administration centrale, occupant de nombreuses fonctions. Tout au long de ma carrière, j’ai été mobile et prête à relever de nouveaux défis, ce qui m’a beaucoup servi. »
Elle nous a raconté que son expérience sur le terrain a influencé son travail en ce qui a trait à l’élaboration de politiques, aux programmes et à la formation. Par exemple, lorsque la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition est entrée en vigueur en 1992, la commissaire Kelly faisait partie d’une petite équipe responsable de l’élaboration de toutes les directives du commissaire portant sur la gestion des cas qui sont issues de cette nouvelle loi.
Certaines choses ont changé, d’autres non
« Au SCC, nous avons une devise, soit ‟Transformons des vies. Protégeons les Canadiens”. Bien que le SCC ait dû s’adapter au fil du temps et relever de nouveaux défis, cette devise constitue toujours la pierre angulaire de notre mandat et de nos activités . »
« Les délinquants finiront pour la plupart par être libérés sous surveillance dans la collectivité. Nous voulons donc les aider à devenir de meilleures personnes que celles qui ont été admises dans nos établissements, car en fin de compte, ces personnes pourraient devenir nos voisins – les miens, les vôtres ou ceux de vos proches. Il importe alors de s’assurer que nos collectivités sont sûres. Cela n’a pas changé. »
Ce qui a changé, c’est la composition de notre effectif et la façon dont nous accomplissons notre travail.
« Lorsque j’ai commencé en 1983, j’étais l’une des rares femmes dans le domaine des services correctionnels. Aujourd’hui, près de la moitié de notre effectif sont des femmes, et ces femmes occupent presque tous les postes au SCC. Elles occupent des postes de première ligne, comme ceux d’agente correctionnelle, d’intervenante de première ligne, d’agente de libération conditionnelle et de gestionnaire de programmes. Elles travaillent dans les domaines de la santé, des technologies de l’information, des ressources humaines, de l’administration et des finances. Elles occupent aussi des postes de gestion.
La commissaire Kelly reçoit un cadeau de l’Aînée Melissa Graber.
En 1980, Mary Dawson est devenue la première directrice d’une prison réservée aux hommes. Et seulement trois ans plus tard, Mme Kelly a amorcé sa carrière au SCC. Quatre décennies plus tard, le fait d’avoir une femme à la tête de l’organisme témoigne des progrès accomplis dans la quête de l’équité des genres.
Notre façon de faire a aussi changé. Mme Kelly s’est souvenue que lorsqu’elle a commencé, tous les rapports et les documents étaient rédigés à la main. Il n’y avait pas de bouton de suppression et lorsque vous faisiez une erreur, vous deviez la biffer. Elle nous a dit en riant que dans certains de ses rapports, elle avait dessiné des flèches pointant vers de l’information additionnelle dans les marges et avait joint des morceaux de papier où elle avait inscrit des notes. Les rapports écrits étaient ensuite remis à des personnes responsables de les dactylographier et de les soumettre.
Un jour, les enregistreurs vocaux sont venus faciliter la consignation d’information sur les délinquants. Aujourd’hui, les ordinateurs portables sont de précieux outils pour les responsables de la gestion des cas qui travaillent auprès des délinquants en première ligne. Les ordinateurs sont indispensables à la réalisation de nos tâches quotidiennes et contribuent de manière importante à l’efficacité organisationnelle.
Parmi les autres changements importants survenus depuis la nomination de Mme Kelly au poste de commissaire, notons l’élimination de l’isolement et la création des unités d’intervention structurée en 2019, ainsi que la mise en œuvre du Programme d’échange de seringues dans les prisons et du Service de prévention des surdoses. Et puis, la pandémie a frappé. Cette crise sanitaire inattendue dans le monde entier est la plus importante de notre époque.
Tous les employés du SCC ont su retrousser leurs manches durant la crise. En tant qu’organisme, nous nous sommes serré les coudes et nous sommes parvenus à obtenir des résultats extraordinaires comparativement à d’autres administrations.
Sur le plan personnel, la commissaire Kelly a souffert d’un grave problème de santé durant la pandémie de COVID-19. En juillet 2020, elle a subi une chirurgie à cœur ouvert pour réparer sa valvule mitrale.
« La pandémie de COVID-19 venait de frapper et je n’avais certainement pas besoin de ça en plus. Puisque nous étions en pleine crise pandémique, on m’a déposé devant les portes de l’hôpital. Personne n’avait le droit d’entrer et les visiteurs étaient interdits. »
Elle est demeurée hospitalisée pendant cinq jours et était de retour au travail après trois semaines. Elle avait du pain sur la planche.
Ce qui la motive à travailler
« J’aime le Service. J’aime notre mission. J’aime les personnes avec qui je travaille. Je crois très sincèrement que nous pouvons avoir une incidence positive dans la vie des gens. Que peut-il y avoir de mieux que cela? »
« Il est si important que chaque employé soit conscient du rôle qu’il joue dans la réalisation de notre mandat. Il s’agit d’une véritable réaction en chaîne. Chaque membre du personnel représente un maillon de la chaîne qui nous lie et nous rend plus fort en tant qu’organisme. Notre contribution est essentielle à la sécurité de la population canadienne. »
#SCCFier
« Je suis fière du SCC. Je suis fière de notre personnel. Je suis fière du travail que nous accomplissons. Je suis fière du fait que des gens comme nous estiment qu’il est important de travailler auprès des membres les plus troublés et compliqués de notre société. Notre travail est important. »
« Bien que nous puissions parfois avoir l’impression que le rôle de premier plan que joue le SCC en matière de sécurité publique n’est pas pleinement reconnu, nous devons nous rappeler que notre travail fait partie intégrante de ce que nous prisons le plus au sein de la société canadienne, soit notre liberté et notre sécurité publique. La population canadienne compte sur nous et s’attend à ce que nous fassions de notre mieux pour nous acquitter de notre mandat en aidant les délinquants à devenir des citoyens respectueux des lois. »
La commissaire Anne Kelly serre la main d’une agente du SCC lors du Service commémoratif annuel des policiers et agents de la paix canadiens.
La commissaire Kelly a fait remarquer que ce sont trop souvent les événements à caractère négatif qui attirent l’attention de nos intervenants et des médias.
« C’est tout un défi. Est-ce qu’un incident se produit tous les jours? C’est en effet le cas. En revanche, nous cumulons les succès par milliers chaque jour. Cette vision des choses est importante. Nous ne devons pas oublier que nous sommes responsables d’environ 13 000 délinquants incarcérés dans nos établissements et d’environ 8 500 délinquants libérés sous surveillance dans la collectivité. Étant donné le nombre de personnes dont nous avons la charge et la garde et la complexité de chaque cas, les incidents sont malheureusement inévitables. Ce qui importe, c’est ce que nous faisons pour les gérer efficacement et apprendre d’eux. »
« Peu importe que vous soyez un agent des services d’alimentation, un enseignant, un agent correctionnel, un aumônier, un membre du personnel infirmier ou un adjoint administratif, et surtout si vous interagissez avec des délinquants, vous ne savez jamais quand vos paroles contribueront à marquer un tournant dans la vie d’une personne, y compris d’un délinquant. Il ne faut jamais sous-estimer l’influence que nous pouvons exercer, que ce soit en prodiguant des conseils, en étant aimable, en montrant l’exemple ou en racontant une histoire. »
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